La procédure et les usages de la Chambre des communes
Sous la direction de Robert Marleau et Camille Montpetit
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21. Les affaires émanant des députés

Les projets de loi émanant des députés

Les projets de loi parrainés par des députés se divisent en deux catégories : les projets de loi d’intérêt public et ceux d’intérêt privé. Les projets de loi d’intérêt public portent sur des politiques publiques de compétence fédérale tandis que les projets de loi d’intérêt privé traitent de questions présentant un intérêt particulier ou spécial pour des personnes ou sociétés précises et visent à accorder à leurs bénéficiaires un pouvoir particulier ou à les exempter d’une obligation légale. Les procédures relatives aux projets de loi d’intérêt public sont décrites dans le présent chapitre tandis que celles qui sont liées aux projets de loi d’intérêt privé sont expliquées au chapitre 23, « Les projets de loi d’intérêt privé ».

Un projet de loi émanant d’un député est habituellement rédigé avec l’aide d’un conseiller législatif qui s’assure que le texte est conforme aux règles du droit législatif si jamais il doit recevoir la sanction royale. Pour rédiger une proposition législative, le conseiller législatif utilise les instructions écrites précises des députés quant aux motifs et objectifs de la loi proposée, et il s’assure que le projet de loi est d’une forme acceptable et qu’il respecte les conventions législatives et parlementaires. Le conseiller législatif doit certifier qu’un projet de loi émanant d’un député est présenté dans une forme correcte. Une fois cette étape franchie, le projet de loi est retourné au député.

Les députés peuvent également proposer une motion demandant qu’un projet de loi soit préparé par un comité permanent, spécial ou législatif [37] . Si cette motion est choisie après le tirage au sort tenu pour établir l’ordre de priorité, elle sera débattue durant l’heure réservée aux affaires émanant des députés. Si elle est désignée votable et plus tard adoptée, elle se transformera en ordre demandant à un comité d’élaborer et de déposer un projet de loi. Si le comité élabore un projet de loi et le renvoie à la Chambre, une motion d’adoption de ce rapport du comité peut être présentée par un simple député durant l’heure réservée aux affaires émanant des députés si la motion d’adoption a également été choisie après le tirage au sort visant à établir l’ordre de priorité. Toutefois, si c’est un ministre qui propose l’adoption du rapport, la motion sera étudiée pendant les Ordres émanant du gouvernement [38] . L’adoption du rapport du comité devient un ordre de dépôt d’un projet de loi fondé sur le rapport du comité. Si le projet de loi est parrainé par un député et qu’il est par la suite désigné affaire votable, lorsque la motion de deuxième lecture est proposée à la Chambre, le Président mettra immédiatement aux voix toutes les questions nécessaires pour disposer de l’étape de la deuxième lecture sans débat ni amendement [39] . Si le projet de loi n’est pas désigné votable, il est débattu pendant une heure et rayé du Feuilleton. Si un ministre décide de parrainer le projet de loi, il est étudié pendant les Ordres émanant du gouvernement et toutes les questions nécessaires pour disposer de l’étape de la deuxième lecture sont également mises aux voix sans débat ni amendement.

Limitations financières

La Loi constitutionnelle exige que les projets de loi proposant la dépense de fonds publics soient accompagnés d’une recommandation royale qui ne peut être obtenue que par le gouvernement et présentée que par un ministre. Comme un ministre ne peut proposer d’affaires émanant des députés, un projet de loi émanant des députés ne devrait donc pas contenir de dispositions prévoyant l’engagement de fonds publics. Toutefois, depuis 1994, un député peut présenter un projet de loi d’intérêt public contenant des dispositions entraînant la dépense de fonds publics pourvu qu’une recommandation royale soit obtenue par un ministre avant que le projet de loi ne franchisse la troisième lecture et ne soit adopté [40] . Avant 1994, la recommandation royale devait accompagner le projet de loi au moment de sa présentation. C’est le Président qui détermine si un projet de loi exige une recommandation royale et il est autorisé à refuser de mettre aux voix des projets de loi qui exigent une telle recommandation, mais qui n’en sont pas accompagnés [41].

En ce qui touche à la fiscalité, un député ne peut présenter de projet de loi qui impose des taxes. Ce pouvoir de taxation appartient uniquement au gouvernement et toute mesure législative visant à accroître les taxes doit être précédée d’une motion de voies et moyens [42] . Or, seul un ministre peut présenter une telle motion. Toutefois, les projets de loi émanant des députés qui visent à réduire les taxes, à réduire l’incidence d’une taxe, ou encore à imposer ou à accroître une exemption d’une taxe sont acceptables [43] .

Avis

Une fois qu’un projet de loi a été rédigé, le député doit transmettre un préavis de 48 heures de son intention de le présenter et y préciser le comité auquel le projet de loi sera renvoyé après la deuxième lecture. Le titre du projet de loi et le nom de son parrain sont alors publiés dans le Feuilleton des Avis. Une fois le délai de préavis de 48 heures expiré, le projet de loi peut alors être présenté durant les Affaires courantes et franchir l’étape de la première lecture lorsque le député est prêt [44].

Affaires semblables

Si un député transmet un préavis concernant un projet de loi jugé substantiellement identique à une autre affaire émanant des députés déjà soumise, le Président peut refuser l’avis le plus récent. Dans ce cas-là, le député qui parraine la mesure en est informé et le projet de loi lui est retourné [45] . Cette procédure vise à empêcher qu’un certain nombre d’affaires semblables soient choisies à la suite du tirage au sort en vue de l’établissement de l’ordre de priorité. Dans une décision rendue en 1989, le Président Fraser a précisé que deux affaires ou plus sont substantiellement identiques si elles ont le même but et si elles visent à atteindre ce but par les mêmes moyens [46] . Ainsi, plusieurs projets de loi peuvent porter sur le même sujet, mais si leur optique est différente, la présidence pourrait juger qu’ils sont suffisamment distincts.

On s’est déjà demandé si un projet de loi émanant d’un député semblable à un projet de loi émanant du gouvernement pouvait être inscrit au Feuilleton et débattu. Selon les ouvrages faisant autorité et les décisions passées, rien n’empêche que des affaires semblables ne soient inscrites au Feuilleton en même temps. Toutefois, comme la Chambre ne peut prendre plus d’une décision sur une affaire donnée durant une session, la prise d’une décision sur l’un de ces projets de loi (par exemple, l’adoption ou le rejet de la motion de deuxième lecture) empêchera de débattre de tout autre projet de loi semblable [47] . L’étude de projets de loi non votables, s’ils sont rayés du Feuilleton après débat, n’empêche pas l’examen d’autres projets de loi similaires ou même identiques puisque la Chambre n’a pas à se prononcer sur les affaires non votables [48] .

Appuyeurs

Un député qui aimerait appuyer un projet de loi déjà inscrit au Feuilleton peut en informer le Greffier de la Chambre par écrit. Son nom sera ajouté à la liste des appuyeurs dans le Feuilleton des Avis [49] . Une fois que l’ordre portant deuxième lecture a été proposé à la Chambre, aucun autre nom ne peut toutefois être ajouté [50] . Au plus 20 députés peuvent appuyer conjointement une affaire inscrite sous les affaires émanant des députés [51] . Le député qui appuie les motions de présentation et de première lecture du projet de loi à la Chambre de même qu’au cours des étapes subséquentes n’a pas à être l’un des appuyeurs énumérés dans le Feuilleton.

Présentation et première lecture des projets de loi émanant des députés

Pour pouvoir être choisis à la suite du tirage au sort en vue de l’établissement de l’ordre de priorité, les projets de loi émanant des députés doivent avoir été présentés et avoir franchi la première lecture à la Chambre avant le tirage. Le jour où le député choisit de présenter son projet de loi, il se lève durant les Affaires courantes, lorsque le Président appelle la rubrique « Dépôt de projets de loi émanant des députés » [52]. Le Président annonce ensuite le titre du projet de loi et la motion demandant la permission de présenter le projet de loi est automatiquement adoptée, sans débat ni amendement ni mise aux voix [53] . Le député est autorisé à donner une brève explication afin de décrire les motifs du projet de loi [54]. Comme aucun débat n’est permis à cette étape, le député se contente souvent de lire la note explicative incluse dans le projet de loi. Ce dernier est ensuite adopté d’office en première lecture et son impression est ordonnée, toujours sans débat ni amendement ni mise aux voix [55] .

Le projet de loi est ensuite placé dans la liste des « Affaires émanant des députés — Affaires qui ne font pas partie de l’ordre de priorité ». Cette liste, qui peut être consultée au Bureau à la Chambre ou dans la version électronique du Feuilleton, ne figure pas dans la version imprimée du Feuilleton. Une fois sur cette liste, le projet de loi attend la deuxième lecture et son renvoi à un comité. Lorsqu’il soumet un projet de loi pour inclusion dans le Feuilleton des Avis, le parrain doit indiquer le comité permanent, spécial ou législatif auquel le projet de loi doit être renvoyé après la deuxième lecture. Une période de deux semaines doit s’écouler entre la première et la deuxième lecture du projet de loi [56] .

Projets de loi publics émanant du Sénat et parrainés par des députés

Certains projets de loi d’intérêt public présentés par des députés sont déposés en premier au Sénat et sont ensuite envoyés aux Communes après leur adoption au Sénat. Lorsque le Président appelle la rubrique « Première lecture des projets de loi publics émanant du Sénat », sous les Affaires courantes, le député parrainant ce projet de loi à la Chambre a le droit d’expliquer brièvement les motifs de la mesure sans toutefois s’engager dans un débat. La motion de première lecture est ensuite adoptée d’office sans débat ni amendement ni mise aux voix, et le projet de loi est automatiquement ajouté au bas de l’ordre de priorité pour les affaires émanant des députés sans être assujetti à la procédure du tirage au sort [57] .


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