Les règles du débat / Processus du débat

Nomination d’un agent du Parlement : qualité des consultations

Débats, p. 11550–11551

Contexte

Le 17 mai 2017, Murray Rankin (Victoria) invoque le Règlement concernant l’intention du gouvernement de nommer Madeleine Meilleur au poste de commissaire aux langues officielles. M. Rankin soutient que l’article 49 de la Loi sur les langues officielles n’a pas été respecté puisque le chef du Nouveau Parti démocratique aurait seulement été invité à répondre par écrit à la nomination — ce qu’il a fait —, sans être véritablement consulté, une condition préalable. Candice Bergen (Portage—Lisgar) s’exprime également sur la déception de l’opposition officielle à l’égard de l’étendue du processus de consultation. Le Président prend la question en délibéré[1].

Le lendemain, Kevin Lamoureux (secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes) fait valoir que le premier ministre a bel et bien écrit aux chefs du Nouveau Parti démocratique et du Parti conservateur pour leur demander leur avis, comme l’exige la Loi, et qu’ils ont répondu. Il soutient par ailleurs que le gouvernement n’a pas à souscrire aux recommandations émanant de ces consultations et qu’il ne revient pas à la présidence de se prononcer sur des questions juridiques[2].

Résolution

Le 29 mai 2017, le Président rend sa décision. Il déclare qu’il n’appartient pas à la présidence de statuer sur le caractère adéquat des consultations ni sur le caractère légal d’une question donnée. Il rappelle plutôt que le rôle du Président se limite strictement à déterminer l’admissibilité procédurale de la motion pour la mise en candidature du commissaire aux langues officielles. Dans cette affaire, il conclut que les exigences procédurales ont été respectées et que le processus prévu à cet effet à l'article 111.1 du Règlement peut suivre son cours.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à me prononcer sur le rappel au Règlement soulevé le 17 mai 2017 par l’honorable député de Victoria concernant les consultations menées dans le cadre du processus de nomination du prochain commissaire aux langues officielles.

Je remercie le député de Victoria d’avoir soulevé la présente question, ainsi que la leader à la Chambre de l’opposition officielle et le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes de leur intervention.

Dans ses observations, le député de Victoria a souligné que la nomination du commissaire aux langues officielles est subordonnée au respect de deux conditions légales. Le député de Victoria et la leader de l’opposition officielle à la Chambre ont tous deux invoqué l’article 49 de la Loi sur les langues officielles, qui prévoit ce qui suit : « Le gouverneur en conseil nomme le commissaire aux langues officielles du Canada par commission sous le grand sceau, après consultation du chef de chacun des partis reconnus au Sénat et à la Chambre des communes et approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes. »

Le député a reconnu que le chef du Nouveau Parti démocratique a bel et bien reçu une lettre annonçant la nomination et l’invitant à fournir une réponse, puis il a soutenu que les tribunaux canadiens ont clairement établi ce qu’on entend, dans les lois, par « consultation », à savoir qu’un simple avis ne saurait tenir lieu de consultation. Vu que le gouvernement, à la suite de cette lettre, n’a pas tenté de nouer un dialogue, le député soutient que l’obligation de consultation prévue par la loi n’a pas été remplie.

Pour sa part, le secrétaire parlementaire de la leader du gouvernement à la Chambre des communes a soutenu que l’obligation de consultation a été remplie lorsque le premier ministre a envoyé la lettre du 8 mai 2017 aux chefs des deux autres partis reconnus à la Chambre afin de les informer de la nomination et de leur demander leur avis à cet égard. Il a confirmé que les deux chefs avaient répondu à la lettre, puis il a fait valoir que le gouvernement n’avait qu’une obligation de consultation et qu’il n’était pas tenu de suivre les recommandations des chefs des partis de l’opposition.

On demande essentiellement à la présidence de déterminer si les mesures prises par le gouvernement remplissent l’obligation de consultation prévue à la Loi sur les langues officielles. Pour y parvenir, la présidence devrait établir ce qu’on entend par « consultation » au sens de cette loi. Mes prédécesseurs, par leurs décisions, ont balisé le rôle de la présidence à l’égard des consultations menées dans le cadre des travaux de la Chambre. Par exemple, lorsqu’on lui a demandé de statuer sur les consultations qui doivent être menées avant d’avoir recours à l’attribution de temps au titre du paragraphe 78(3) du Règlement, le vice-président Comartin a fourni l’explication qui suit le 6 mars 2014, à la page 3598 des Débats :

La présidence n’interviendra pas au sujet de la nature, de la qualité ou de la quantité de ces consultations. C’est la tradition à la Chambre depuis de nombreuses années. Il faudrait autrement que la présidence effectue une enquête approfondie de la nature de la consultation. Ce n’est pas le rôle de la présidence, et le Règlement n’exige aucune intervention de la sorte.

Mon prédécesseur a ajouté ce qui suit le 12 juin 2014, à la page 6717 des Débats de la Chambre des communes :

Il est donc fermement établi que le Président n’a pas pour rôle de déterminer si des consultations ont eu lieu ou non.

Le fait que, en l’espèce, l’obligation de consultation est prévue dans une loi et non dans le Règlement de la Chambre ne change guère le rôle du Président à cet égard. En fait, on élargirait ainsi le rôle du Président, qui serait alors appelé à interpréter la loi. Or, il est de jurisprudence constante que le Président ne peut statuer sur le caractère légal d’une question donnée, et il va donc de soi qu’il ne peut trancher la question de savoir si des dispositions d’une loi ont été respectées, notamment celles qui prévoient l’obligation de consultation.

Appelé à statuer sur une affaire concernant une obligation de consultation prévue à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité à l’égard des nominations faites en vertu de cette loi, le Président Fraser a tenu les propos suivants le 7 décembre 1989, à la page 6586 des Débats de la Chambre des communes :

Il s’agit plutôt d’une question de droit et, par conséquent, je ne puis émettre d’opinion sur le bien-fondé des prétentions du député […] La présidence n’est pas en position de trancher les questions de droits. C’est une tâche qu’il vaut mieux laisser aux tribunaux.

Par conséquent, dans la présente affaire, la présidence ne peut se prononcer ni sur le caractère adéquat des consultations ni sur le respect des obligations légales. En effet, le rôle de la présidence se limite strictement à statuer sur la recevabilité de la motion visant la nomination du commissaire aux langues officielles qui a été mise en avis le 17 mai.

Je suis convaincu que les exigences procédurales ont été respectées. La motion est donc recevable et la procédure prévue à l’article 111.1 du Règlement peut suivre son cours.

Je remercie les honorables députés de leur attention.

Post-scriptum

Le 31 mai 2017, plusieurs députés invoquent le Règlement à la fin des Questions orales pour contester des réponses données par Mélanie Joly (ministre du Patrimoine canadien) relativement à la nomination de Mme Meilleur qui semblent contredire le témoignage de cette-dernière devant le Comité permanent des langues officielles. Erin O’Toole (Durham) demande notamment à la présidence de se prononcer à savoir si la ministre a ainsi commis un outrage à la Chambre. Le Président déclare qu’il a déjà rendu une décision sur cette question le 29 mai, mais qu’il reviendra à la Chambre au besoin[3]. M. O’Toole réitère sa demande le 6 juin 2017[4]. Le 24 novembre 2017, M. O’Toole soulève une question de privilège sur ce même sujet. Il presse alors la présidence de rendre une décision sur les allégations soulevées le 31 mai, avant que le gouvernement ne procède à la nomination du prochain commissaire aux langues officielles[5].

Le Président rend sa décision le 5 décembre 2017. Il rappelle qu’il a déjà rendu une décision à cet égard le 29 mai 2017 et qu’il a confirmé cette décision le 31 mai 2017. Il ajoute aussi qu’il ne voit pas de lien entre le rappel au Règlement soulevé le 31 mai 2017 et le processus actuel de nomination d’un commissaire aux langues officielles. Il considère donc que l’affaire est close[6].

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[1] Débats, 17 mai 2017, p. 11318–11319.

[2] Débats, 18 mai 2017, p. 11745–11746.

[3] Débats, 31 mai 2017, p. 11389–11390.

[4] Débats, 6 juin 2017, p. 12124.

[5] Débats, 24 novembre 2017, p. 15569.

[6] Débats, 5 décembre 2017, p. 15989.