Le privilège parlementaire / Les droits de la Chambre

Outrage à la Chambre : intimidation d’un mandataire du Parlement; dépôt et disponibilité de documents

Débats, p. 9172-9174

Contexte

Au début de la séance du 17 octobre 2000, Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough), leader parlementaire du Parti progressiste conservateur, soulève une question de privilège concernant le rapport du commissaire à l’information déposé le 16 octobre 2000[1]. Le député soutient que dans ce rapport, le commissaire à l’information se plaint des mesures prises par le Bureau du Conseil privé et le Conseil du Trésor et qu’il y soutient que ces ministères ont contesté ces pouvoirs et l’ont privé des ressources nécessaires à l’exercice de ses fonctions. M. MacKay prétend pour sa part que cette ingérence dans le travail d’un mandataire du Parlement constitue un outrage à celui-ci. Il demande au Président de statuer qu’il y a eu atteinte aux privilèges afin qu’un débat puisse être tenu sur cette question immédiatement. Lors du même débat, Chuck Strahl (Fraser Valley) leader parlementaire de l’Opposition officielle, soulève la question de la distribution du rapport aux députés de l’Opposition après son dépôt à la Chambre. D’autres députés interviennent par la suite et le vice-président (Peter Milliken) déclare qu’en ce qui touche la distribution des documents, il y avait eu problème de communication entre le Bureau du commissaire à l’information et la présidence quant au moment choisi pour le dépôt du document. Pour ce qui est de la question de privilège, il prend l’affaire en délibéré[2].

Résolution

Plus tard au cours de la séance, le vice-président rend une décision sur la question de privilège. Il déclare que le commissaire n’avait pas selon lui été entravé dans son travail et que plusieurs recours s’offraient à lui pour exprimer et défendre ses préoccupations. De plus, le vice-président signale que le rapport avait été renvoyé au Comité permanent de la justice et des droits de la personne qui peut aussi se pencher sur les préoccupations exprimées par les députés à l’égard de ces questions. Il détermine donc qu’on n’a pas à première vue fait outrage à la Chambre. M. Strahl invoque ensuite le Règlement afin de demander à la présidence d’expliquer la nature du problème de communication qui aurait nui à la distribution du rapport. Le vice-président explique que des exemplaires avaient été envoyés au service de distribution de la Chambre et qu’on leur avait demandé de ne pas les distribuer jusqu’au dépôt du document, mais qu’il semble que le service de distribution ne s’attendait pas à devoir distribuer le document lorsqu’il a été déposé à la Chambre. Il ajoute toutefois qu’il a demandé une enquête à ce sujet.

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le vice-président : La présidence est prête à se prononcer sur la question de privilège soulevée aujourd’hui par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, qui a allégué qu’on avait entravé le travail d’un mandataire du Parlement, soit le commissaire à l’information.

Comme le député de Pictou—Antigonish—Guysborough l’a signalé, le Président a déposé hier le rapport annuel du commissaire à l’information pour 1999-2000. Dans ce rapport, le commissaire se plaint des actes du gouvernement fédéral et plus particulièrement du Bureau du Conseil privé et du Secrétariat du Conseil du Trésor, soutenant que ces ministères ont contesté ses pouvoirs et l’ont privé des ressources nécessaires à l’exercice de ses fonctions.

Le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a soutenu qu’il s’agissait là d’un outrage à la Chambre, et il a demandé à la présidence de statuer qu’il y avait présomption d’atteinte aux privilèges, avec les résultats que cela entraîne.

Permettez-moi d’abord de préciser que la présidence attache une très grande importance aux préoccupations exprimées par ce député. Je tiens également à remercier le leader parlementaire de l’Opposition à la Chambre, le député de Fraser Valley (Chuck Strahl), le leader parlementaire du Bloc québécois à la Chambre, le député de Roberval (Michel Gauthier), le leader du gouvernement à la Chambre (l’honorable Don Boudria), le leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique, le député de Winnipeg—Transcona(Bill Blaikie), la députée de Calgary—Nose-Hill (Diane Ablonczy) et le député d’Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot (John Bryden) de leurs interventions à ce sujet.

L’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes dit clairement, à la page 67 :

[…] la Chambre revendique le droit de punir au même titre que l’outrage tout acte qui […] nuit ou fait obstacle à la Chambre, à un député ou à un haut fonctionnaire de la Chambre dans l’exercice de ses fonctions, ou transgresse l’autorité ou la dignité de la Chambre, par exemple la désobéissance à ses ordres légitimes ou des propos diffamatoires à son endroit ou à l’endroit de ses députés ou hauts fonctionnaires.

La présidence doit déterminer si les problèmes énoncés très clairement par le commissaire dans son rapport annuel font obstacle aux travaux de la Chambre.

Il ne fait aucun doute que le commissaire à l’information défend de façon imagée et avec beaucoup de passion le principe de l’accès à l’information. Il rappelle que, dans son premier rapport annuel au Parlement, il a bien indiqué qu’il ne tolérerait pas de réticence de la part du gouvernement à observer la Loi sur l’accès à l’information.

Dans son deuxième rapport, le commissaire signale qu’il a refusé de déroger à sa stratégie de « tolérance zéro » et il dénonce la résistance que rencontrent ses fonctionnaires dans l’exercice de leurs fonctions.

Malgré son évaluation impitoyable de la situation et son mécontentement flagrant, le commissaire conclut, et je cite :

Il se dégage des signes encourageants montrant que la stratégie fonctionne.

La présidence comprend la réaction des députés au cri [du] cœur lancé par le commissaire à l’information, surtout dans l’introduction de son rapport intitulé « Le droit d’accès—assiégé de toute part » et la section « Au secours! », mais le fait que le commissaire ne mâche pas ses mots dans le rapport et adopte une position aussi ferme prouve, à mon avis, que les travaux du commissaire n’ont pas été entravés.

Le commissaire peut être déçu de l’attitude adoptée par certains hauts fonctionnaires. Il peut même se sentir indigné en constatant que le gouvernement ne prend pas aussi sérieusement que lui le mandat qui lui a été confié, mais le fait qu’il exprime son mécontentement de façon non équivoque ne peut être considéré à première vue comme une preuve l’outrage à la Chambre, surtout que le commissaire a pu présenter sans contrainte un rapport dans lequel il livre, de toute évidence, le fond de sa pensée.

Les députés savent également que la loi habilitante, la Loi sur l’accès à l’information, donne au commissaire plusieurs possibilités de recours lorsqu’il n’est pas satisfait d’un résultat.

En outre, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne est saisi d’office du rapport annuel. Au cours de l’examen du rapport, ce comité aura la possibilité de se pencher sur les préoccupations exprimées par les députés au sujet de ces questions.

Le Comité peut entendre le commissaire à l’information et son personnel. Il peut appeler à témoigner devant lui certaines des personnes mentionnées dans le rapport comme n’ayant pas voulu collaborer pleinement, et si, à la suite de cette étude, le Comité conclut d’après les témoignages entendus que le rapport ne traduit pas simplement les frustrations du commissaire, mais révèle un climat d’obstruction systématique, alors il pourra faire rapport de ses conclusions à la Chambre et demander à celle-ci de prendre les mesures nécessaires.

Les rumeurs d’une dissolution possible abondent. Cependant, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a ce renvoi permanent, et un nouveau comité dans une nouvelle législature pourra étudier cette question quand il le voudra, comme le comité actuel peut le faire aussi.

Par conséquent, dans ce cas particulier, je constate qu’il existe divers recours à la disposition du commissaire à l’information et de tous les députés. Je ne peux donc pas conclure qu’il y a là matière à question de privilège.

Encore une fois, je remercie le député de Pictou—Antigonish—Guysborough d’avoir porté à l’attention de la Chambre les opinions du commissaire à l’information et ses propres préoccupations. Comme lui, je suis impatient de voir le travail que le Comité de la justice fera sur ces importantes questions.

J’aimerais aussi indiquer à la Chambre que, relativement à la demande de débat d’urgence, ce soir, de l’honorable député de Roberval, la présidence a décidé qu’une telle demande n’est pas recevable à ce moment-ci. Cela n’est pas conforme aux exigences du Règlement de la Chambre.

M. Chuck Strahl : Monsieur le Président, j’invoque le Règlement. Je prendrai le temps d’examiner votre décision en détail lorsque j’en aurai une copie.

L’autre rappel au Règlement que j’ai soulevé durant cette période portait sur le dépôt du rapport et le moment où tous les parlementaires ont pu en prendre connaissance. Je crois que vous avez déclaré que c’était un problème de communication entre le commissaire et le Président.

Je me demande si vous pourriez nous expliquer ce que vous vouliez dire au juste. Il a été déposé à la Chambre. Tous les députés devraient pouvoir y avoir accès. J’ignore qui est à blâmer. Je ne pointe pas du doigt le gouvernement. Je demande ce qui s’est passé car, sauf erreur, ce rapport, une fois déposé, devrait être immédiatement disponible.

Le vice-président : Je ne veux pas lier la présidence à une réponse là-dessus, car je pense que nous examinons ce qui est ressorti de tout ceci, mais tout ce que je peux dire au député à ce stade-ci, c’est qu’on a envoyé le rapport au Président en lui demandant de le déposer à un moment donné. Des copies supplémentaires ont été envoyées aux services de distribution qui ne pouvaient pas les faire circuler tant que le document n’aurait pas été déposé.

Il semble que le document ait été déposé à un moment où les services de distribution ne s’attendaient pas à devoir le distribuer. Ainsi, lorsque les députés se sont mis en rapport avec les services pour demander des exemplaires, ils ont essuyé un refus.

J’ai demandé qu’on fasse enquête sur cette question. Je ne comprends pas le pourquoi de ce délai. C’est tout ce que je peux dire pour le moment au député. Je crois ne pas m’être trompé, sans être plus précis.

Je sais que le député sera heureux de discuter de la question avec moi en privé. Je serai plus qu’heureux de faire tout en mon pouvoir pour m’assurer que cette situation ne se reproduise pas à l’avenir.

C’est une façon inacceptable de procéder selon moi, et je comprends parfaitement la position du député, mais je souligne que c’est simplement un problème de communication entre le bureau du Président, les greffiers au Bureau et le Bureau du commissaire à l’information. Je crois que deux messages sont parvenus de ce dernier.

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2000-10-17

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[1] Débats, 16 octobre 2000, p. 9052.

[2] Débats, 17 octobre 2000, p. 9113-9118.