Recueil de décisions du Président John Fraser 1986 - 1994
Les comités / Rapports des comités
Réponse du gouvernement; réponse globale; réponse provisoire; comité spécial; comité permanent; pouvoirs du Président
Débats, p. 9266-9268
Contexte
Le 30 mars 1987, le Comité spécial sur la garde des enfants présente son rapport final et, conformément au paragraphe 99(2) du Règlement, demande que le gouvernement dépose une réponse globale dans les 150 jours[1]. Le 28 juillet 1987, l'hon. Jake Epp (ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) dépose auprès du Greffier de la Chambre un document intitulé « Réponse provisoire du gouvernement du Canada au rapport final du Comité spécial sur la garde des enfants »[2]. Le 12 août 1987, Mme Sheila Copps (Hamilton-Est) invoque le Règlement en soutenant que la réponse n'est pas complète. Le ministre répond alors que le gouvernement présentera un autre rapport et une autre réponse sur la garde des enfants dans les mois à venir et ajoute que les raisons de ce retard sont clairement énoncées dans la réponse provisoire du gouvernement. Après avoir entendu d'autres députés, le Président prend l'affaire en délibéré[3].
Le 28 août 1987, Mme Sheila Finestone (Mount Royal) invoque le Règlement pour faire valoir que le gouvernement n'aurait pas déposé de réponse globale aux cinquième et sixième rapports du Comité permanent des communications et de la culture. Tout en laissant entendre qu'il serait disposé à traiter de l'aspect procédural de la question, l'hon. Doug Lewis (ministre d'État et ministre d'État (Conseil du Trésor)) demande à Mme Finestone de réserver ses commentaires jusqu'à ce que la ministre des Communications (l'hon. Flora MacDonald) soit de retour à la Chambre. Celle-ci pourrait alors traiter du fond de la question. Mme Finestone accepte la proposition du ministre[4]. Le 9 septembre 1987, Mme Finestone invoque à nouveau le Règlement sur cette question. Elle soutient que le gouvernement a violé le paragraphe 99(2) du Règlement en ne traitant, en termes vagues, que de quelques-unes des recommandations du cinquième rapport et en ne réagissant à aucune des recommandations du sixième rapport. Elle demande au Président de statuer si la réponse du gouvernement constitue une réponse globale aux rapports du Comité. D'autres députés dont le président du Comité permanent des communications et de la culture (M. Jim Edwards) et la ministre des Communications interviennent sur cette question. Après avoir écouté tous les arguments, le Président prend l'affaire en délibéré[5].
Le 24 septembre 1987, le Président rend une décision sur les rappels au Règlement de Mme Copps et de Mme Finestone. Celle-ci est reproduite intégralement ci-dessous.
Décision de la présidence
M. le Président: Je signale aux députés que la présidence est maintenant prête à se prononcer sur le rappel au Règlement du 12 août 1987 de la députée de Hamilton-Est concernant la réponse du gouvernement au rapport du Comité spécial sur la garde des enfants, de même que sur le rappel au Règlement du 9 septembre de la députée de Mount Royal concernant la réponse du gouvernement aux cinquième et sixième rapports du Comité permanent des communications et de la culture. Parce que les deux recours au Règlement ont trait à l'interprétation du paragraphe 99(2) du Règlement, la présidence les inclut dans la même décision, mais à cause de différences dans la forme et le contenu, je vais en traiter dans l'ordre où j'en ai été saisi.
Le 12 août, la députée de Hamilton-Est a prétendu que le document que le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social avait déposé en réponse au Comité spécial sur la garde des enfants et qui a été inscrit dans les Procès-verbaux du mardi 11 août 1987 ne répondait pas aux exigences du paragraphe 99(2) du Règlement qui se lit ainsi qu'il suit :
Dans les 150 jours qui suivent la présentation d'un rapport d'un comité permanent ou spécial, le gouvernement dépose, à la demande du comité, une réponse globale.
De l'avis de la députée de Hamilton-Est, la réponse du ministre était provisoire et ne satisfaisait à la condition essentielle du Règlement qui exige une réponse globale. D'autres députés ont émis les mêmes doutes.
La question dont la présidence est saisie est celle de savoir si la réponse du ministre satisfait adéquatement aux conditions du Règlement, à savoir s'il s'agit ou non d'une réponse globale. Ce n'est pas la première fois qu'on demande à la présidence de juger de la qualité d'une réponse du gouvernement. Dans ses décisions sur de semblables rappels au Règlement, la présidence a émis l'avis que le fait de déterminer ce qui constitue une réponse globale équivaudrait à statuer sur l'acceptabilité de la réponse et que c'est une chose qu'elle ne peut absolument pas faire.
Cette affaire diffère toutefois des cas précédents par certains détails. La présidence a lu la lettre du ministre de la Santé nationale et du Bien-être social. Il dit clairement, au début, qu'il s'agit d’une « réponse provisoire », mais plus loin, à l'avant-dernier paragraphe, il affirme qu’une « annonce globale » sur la stratégie nationale de la garde des enfants sera faite à l'automne. Essentiellement, il reconnaît sans détours que la réponse en question n'est pas aussi complète que l'exige le paragraphe 99(2) du Règlement.
La présidence est un peu dans l'embarras car il est clair et net que le ministre a enfreint le Règlement. Certaines circonstances portent cependant la présidence à donner le bénéfice du doute au ministre.
Comme le ministre l'a signalé à la Chambre, dans cette affaire, les pouvoirs constitutionnels sont partagés et des questions qui font l'objet de pourparlers et de négociations ne sont pas encore réglées. Le ministre n'est donc pas entièrement à blâmer dans les circonstances et des efforts sont mis en œuvre pour donner suite aux recommandations du Comité. Le ministre a en outre fait rapport à la Chambre dans le délai prescrit, quoique d'une façon différente de celle que prévoit le Règlement.
Cela dit, je rappelle à tous les députés que les réponses du gouvernement aux rapports de comités sont un élément important du processus de réforme que, de l'avis de la présidence, il faut respecter.
Dans son intervention à ce sujet, le député de Winnipeg-Birds Hill (M. Bill Blaikie), qui est un membre distingué du Comité spécial sur la réforme de la Chambre des communes, a signalé que l'un des éléments essentiels de la réforme est d'obliger le gouvernement à faire connaître clairement sa position sur les recommandations d'un comité donné à une date fixée à l'avance. Il a ajouté que l'on trahirait l'esprit de cette réforme si on prenait l'habitude de donner à la Chambre des réponses purement formelles. La présidence estime que cette observation est juste et pertinente et rappelle à tous les députés qu'il faut s'efforcer au maximum d'interpréter notre Règlement, dans toute la mesure du possible, d'une manière raisonnable et directe.
La présidence veut formuler une autre observation qui n'a pas été faite lors du débat à la Chambre. Le Comité sur la garde des enfants était un comité spécial et, à la différence des comités permanents, il a été dissous, selon la pratique en vigueur, après la présentation de son rapport définitif à la Chambre. Les membres du Comité n'avaient donc d'autre recours que de soulever la question en cette Chambre. Bien que la règle ne prévoie pas de sanction contre les ministres qui choisiraient de ne pas tenir compte de ces dispositions, la présidence considère comme plus grave la violation de cette règle à l'égard d'un rapport d'un comité spécial, car elle pourrait permettre au gouvernement de retarder indéfiniment sa réponse aux rapports des comités spéciaux.
À première vue, le recours au Règlement soulevé par la députée de Mount Royal paraît semblable. Mais un examen plus poussé a mis en lumière des différences fondamentales. Premièrement, il s'agit d'un comité permanent de la Chambre et non pas d'un comité spécial. Deuxièmement, la ministre des Communications, quand elle a déposé une réponse aux cinquième et sixième rapports du Comité des communications, n'entendait pas donner une réponse provisoire, mais s'efforçait au contraire de se conformer aux dispositions de l'article 99(2) du Règlement. Troisièmement, les plaintes formulées par les députés de Mount Royal, d’Edmonton-Sud et de Broadview-Greenwood (Mme Lynn McDonald) tournent toutes autour du fait que la réponse de la ministre n'était pas« globale» comme l'exige le Règlement.
Le député d'Edmonton-Sud, qui est président du Comité permanent des communications et de la culture, a exprimé avec éloquence l'exaspération des membres du Comité et a pressé la présidence de reconsidérer une décision antérieure rendue le 29 juin 1987, alors que la présidence avait déclaré :
[…] La nature de la réponse doit être laissée à la discrétion du gouvernement et si les députés ne sont pas satisfaits, ils ont des modalités à leurs dispositions pour poursuivre la question[6].
L’honorable député d'Edmonton-Sud sait que la présidence hésite toujours à reconsidérer ses décisions antérieures. Je puis toutefois développer ce que j'ai dit au mois de juin, en m'efforçant d'être plus précis et en fournissant une information, peut-être, plus utile en l'occurrence.
Ce que j'ai dit le 29 juin 1987 et ce qu'a dit M. le Président Bosley le [21] avril 1986[7] s'applique encore en l'occurrence. Il n'appartient pas à la présidence de se prononcer sur la qualité de la réponse du gouvernement. Le terme « global » qui figure dans le Règlement n'est pourtant pas dénué de sens. Un simple oui ou un non sans réplique à toutes les recommandations d'un comité pourrait certes constituer une réponse globale. Dans les deux cas, la réponse pourrait être jugée insatisfaisante, selon le point de vue de chacun.
En vertu des nouvelles règles, et notamment de l'article 96(2) du Règlement, les comités permanents sont dotés de nouveaux pouvoirs étendus et le Comité des communications et de la culture peut donner suite à l'affaire en faisant des démarches auprès de la ministre au sujet de la qualité de sa réponse. Je crois savoir qu'on a déjà entrepris de le faire.
Les comités sont autorisés en permanence et sans réserve à examiner les textes législatifs, les objectifs des programmes et des politiques, les plans de dépenses et toutes questions liées à l'administration, à l'organisation ou au fonctionnement des ministères. C'est l'autre moyen de poursuivre la question auquel je faisais allusion le 29 juin 1987. Les membres des comités permanents n'ont plus besoin de soulever de telles questions à la Chambre et ils n'ont plus besoin d'obtenir un ordre précis de la Chambre pour passer à l’action. C'est au comité qu'il convient de soulever les questions de ce genre et, en dernière analyse, le comité peut exercer ses pouvoirs pour faire rapport à la Chambre s'il estime que l'on a porté atteinte à ses privilèges.
La réforme des comités permanents est un élément important et fondamental du renouveau de notre système parlementaire de gouvernement. Le principe de la responsabilité a été affirmé et porté à un degré jamais vu auparavant. S'étant vu confier un mandat aussi large, les comités devraient agir judicieusement et avec le sens des responsabilités. Les membres des comités permanents devraient éviter de lancer des discussions à la Chambre, à moins qu'un comité permanent n'ait signalé que l'on fait systématiquement obstacle à ses travaux et que l'on porte conséquemment atteinte à ses privilèges.
Quant aux comités spéciaux, comme leur mandat prend fin dès le dépôt de leur rapport, la présidence restera toute prête à recevoir les griefs comme celui qui a été formulé par l'honorable députée de Hamilton-Est, même si le Président n'a aucun pouvoir direct d'ordonner au gouvernement de fournir des réponses globales.
Ce sont des questions très importantes qui ont trait à nos nouvelles règles et la présidence espère que les observations pourront être utiles.
F0905-f
33-2
1987-09-24
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[3] Débats, 12 août 1987, p. 7983-7987.
[5] Débats, 9 septembre 1987, p. 8781-8788.
[6] Débats, 29 juin 1987, p. 7749-7750.