Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Le processus législatif / Étapes

Étude en comité : rapport à la Chambre; amendements irrecevables

Débats, p. 6939-6940

Contexte

Le 5 novembre 2009, Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre) invoque le Règlement au sujet de la recevabilité d’un amendement adopté par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées dans le cadre de son examen du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi (droit aux prestations et conditions requises), présenté à la Chambre dans le cinquième rapport du Comité[1]. M. Lukiwski fait d’abord référence à une décision antérieure du Vice-président (Andrew Scheer) où celui-ci déclarait que la présidence refusait de mettre la question aux voix à l’étape de la troisième lecture du projet de loi à moins qu’une recommandation royale ne soit reçue[2], puis souligne que l’amendement ferait passer les prestations hebdomadaires d’un prestataire de 55 à 60 % de sa rémunération hebdomadaire moyenne, ce qui, selon lui, empiète sur la prérogative financière de la Couronne. Il fait ensuite remarquer que, pendant l’étude article par article du projet de loi, le président du Comité, Dean Allison (Niagara-Ouest–Glanbrook), avait déclaré, le 3 novembre 2009, que l’amendement proposé nécessiterait une recommandation royale, mais qu’il avait néanmoins tenu un débat et un vote sur l’amendement[3]. M. Lukiwski demande que l’amendement soit retiré du rapport et que le projet de loi soit réputé avoir fait l’objet d’un rapport sans amendement. Après avoir entendu d’autres députés[4], le Vice-président prend la question en délibéré.

Résolution

Le Président rend sa décision le 19 novembre 2009. Il affirme que, bien que le Président n’intervienne habituellement pas dans les affaires pour lesquelles les comités ont le pouvoir de prendre des décisions, dans les cas où un comité a outrepassé ses pouvoirs, notamment à l’égard d’un projet de loi, il est arrivé que le Président soit appelé à intervenir après la présentation à la Chambre d’un projet de loi. Il conclut que l’amendement entraîne une imputation sur le Trésor et qu’il empiète sur la prérogative financière de la Couronne. Par conséquent, il statue que l’amendement est nul et non avenu et ne fait plus partie du projet de loi dont il a été fait rapport à la Chambre. Enfin, il ordonne que le projet de loi soit réimprimé pour son examen à l’étape du rapport.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé le 5 novembre 2009 par l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre. Il concerne la recevabilité d’un amendement adopté par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées lors de son étude du projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l’assurance emploi (droit aux prestations et conditions requises), dont celui-ci a fait rapport à la Chambre le 5 novembre dernier.

Je remercie l’honorable secrétaire parlementaire d’avoir soulevé cette question, ainsi que les honorables députés de Chambly–Borduas, d’Acadie–Bathurst et de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord de leurs observations à ce sujet.

Le secrétaire parlementaire a rappelé à la Chambre que la présidence avait rendu le 3 juin dernier une décision selon laquelle le projet de loi C-280 devait être accompagné d’une recommandation royale. Il a soutenu que l’amendement en question, qui visait à faire passer les prestations hebdomadaires du prestataire de 55 à 60 p. 100 de sa rémunération hebdomadaire assurable moyenne, empiétait par le fait même sur la prérogative financière de la Couronne. Il a conclu son exposé en se reportant à la page 655 de La procédure et les usages de la Chambre des communes (première édition) :

Un amendement ne doit pas empiéter sur la prérogative de la Couronne en matière financière. Un amendement est donc irrecevable s’il entraîne une imputation sur le Trésor, s’il étend l’objet ou le but de la recommandation royale ou s’il en assouplit les conditions et les réserves.

Lors de son intervention, le député de Chambly–Borduas a insisté pour dire que le Comité savait très bien que certaines dispositions du projet de loi prévoyaient déjà des mesures qui entraîneraient une hausse des dépenses et que l’amendement était compatible avec ces mesures. Le député d’Acadie–Bathurst a ajouté que dans les cas où un projet de loi émanant d’un député nécessite une recommandation royale, le Président ne rend une décision à ce sujet qu’après qu’il a été fait rapport du projet de loi à la Chambre. Enfin, selon le député de Montmorency–Charlevoix–Haute-Côte-Nord, la recevabilité de l’amendement n’a jamais été soulevée devant le Comité.

Comme les députés le savent, le Président n’intervient pas dans les affaires pour lesquelles les comités ont le pouvoir de prendre des décisions. Toutefois, dans les cas où un comité a outrepassé ses pouvoirs, notamment en ce qui concerne un projet de loi, il est arrivé que le Président soit appelé à intervenir après la présentation à la Chambre du rapport sur le projet de loi. Ce faisant, la présidence s’appuie sur l’explication concise tirée de la décision rendue par le Président Fraser le 28 avril 1992, que l’on retrouve à la page 9801 des Débats.

Je cite le passage en question :

Lorsqu’un projet de loi est renvoyé à un comité permanent ou législatif de la Chambre, ce comité est autorisé uniquement à adopter, à modifier ou à rejeter les dispositions qui se trouvent dans le projet de loi et à faire rapport du projet de loi à la Chambre avec ou sans propositions d’amendement. Dans ses travaux, le comité doit respecter un certain nombre de contraintes. Il ne peut empiéter sur la prérogative financière de la Couronne, il ne peut aller au-delà de la portée du projet de loi adopté à l’étape de la deuxième lecture, et il ne peut toucher à la loi originale en y apportant des amendements qui ne sont pas envisagés dans le projet, aussi tentant que cela puisse être.

Après avoir examiné l’amendement qui nous occupe, de même que les arguments avancés par les honorables députés, la présidence conclut que l’amendement entraîne en effet une imputation sur le Trésor et, par conséquent, empiète sur la prérogative financière de la Couronne.

Bien que la présidence soit consciente des difficultés pouvant survenir lorsqu’un comité se voit chargé d’étudier un projet de loi qui, dès son renvoi au comité, ne respecte pas les règles en matière de recommandation royale, ce dernier doit s’acquitter de son mandat sans outrepasser ses pouvoirs. À mon avis, lorsqu’il adopte un amendement qui empiète sur la prérogative financière de la Couronne, même si celui-ci porte sur une disposition qui nécessite elle-même une recommandation royale, le comité outrepasse les limites de son mandat.

Par conséquent, je dois statuer que l’amendement à l’article 5, adopté par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, est nul et ne fait plus partie du projet de loi dont il a été fait rapport à la Chambre.

De plus, j’ordonne que le projet de loi C-280 soit réimprimé le plus rapidement possible afin que la Chambre utilise cette nouvelle version à l’étape du rapport, et non la version réimprimée par le Comité.

Je remercie la Chambre de son attention.

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[1] Cinquième rapport du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, présenté à la Chambre le 5 novembre 2009 (Journaux, p. 1016).

[2] Débats, 3 juin 2009, p. 4149-4150.

[3] Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, Témoignages, réunion no 54, 3 novembre 2009, p. 13.

[4] Débats, 5 novembre 2009, p. 6643-6645.

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