Les procédures financières / Travaux des subsides
Phase législative : budget supplémentaire des dépenses; fonds supplémentaires
Débats, p. 3651-3653
Contexte
Le 12 février 2003, Roger Gallaway (Sarnia–Lambton) soulève une question de privilège relativement à une réponse donnée par Martin Cauchon (ministre de la Justice) à Paul Steckle (Huron–Bruce) pendant la période des questions du 11 février 2003. Dans sa réponse, le ministre avait déclaré que le Programme canadien de contrôle des armes à feu fonctionnait « avec un minimum de dépenses[1] ». M. Gallaway soutient que le ministre a porté atteinte aux privilèges de la Chambre en refusant de se conformer à une motion adoptée à l’unanimité le 5 décembre 2002 portant réduction des crédits destinés au Programme dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses[2]. Libby Davies (Vancouver-Est) ajoute que le ministre devrait divulguer la source du financement du Programme[3]. Pour sa part, Don Boudria (leader parlementaire à la Chambre des communes) précise que ce qui a été réduit à zéro, dans le Budget supplémentaire des dépenses, c’est une demande de fonds supplémentaires, et que le Programme fonctionne à l’aide de fonds provenant du Budget principal des dépenses, approuvé plus tôt au cours de l’exercice[4]. Après avoir entendu d’autres députés à ce sujet, le Président prend la question en délibéré[5].
Résolution
Le Président rend sa décision le 17 février 2003. Il déclare que, bien que la Chambre ait décidé à l’unanimité de supprimer du Budget supplémentaire des dépenses les crédits destinés au Programme, celui-ci disposait encore de fonds provenant du Budget principal des dépenses. Il précise aussi que le ministre a mentionné qu’il demanderait une nouvelle autorisation de dépenses par l’entremise d’un autre Budget supplémentaire. Le Président déclare qu’il n’a pu déceler d’irrégularités de procédure et conclut, par conséquent, qu’il n’y a pas, à première vue, atteinte au privilège.
Décision de la présidence
Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur la question de privilège soulevée le 12 février 2003 par l’honorable député de Sarnia–Lambton au sujet de la gestion du Programme canadien de contrôle des armes à feu.
Je voudrais remercier l’honorable député de Sarnia–Lambton d’avoir soulevé cette question, ainsi que les honorables députés de Yorkton–Melville, de Vancouver-Est et de Pictou–Antigonish–Guysborough, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre et l’honorable leader de l’Opposition officielle à la Chambre pour leurs interventions.
En soulevant cette question de privilège, l’honorable député de Sarnia–Lambton a fait allusion à la question posée par l’honorable député de Huron–Bruce pendant la période des questions orales le 11 février 2003 au sujet du financement du Programme d’enregistrement des armes à feu. L’honorable député de Sarnia–Lambton n’est pas d’accord avec la réponse de l’honorable ministre de la Justice qui, a-t-il dit, « […] montre [que le ministre] refuse d’accepter que la Chambre a réduit à zéro ses crédits le 5 décembre dernier ».
La réponse du ministre, consignée à la page 3424 des Débats du 11 février 2003, est la suivante :
Monsieur le Président, jusqu’à l’adoption du Budget supplémentaire des dépenses, nous fonctionnions grâce à ce qu’on appelle la gestion de trésorerie. Nous avons expliqué cela avant Noël. Le programme fonctionne avec un minimum de dépenses, mais nous pouvons accomplir notre tâche.
Bien entendu, cette solution n’est valable qu’à court terme et nous sommes convaincus que la Chambre appuiera le contrôle des armes à feu et les mesures assurant la sécurité de la population lorsque nous voterons à l’égard du prochain budget supplémentaire des dépenses.
Or, l’honorable député de Sarnia–Lambton soutient que la réponse du ministre démontre qu’il ne se conforme pas à l’ordre donné par la Chambre le 5 décembre 2002 et, ce faisant, porte atteinte aux privilèges de la Chambre en ce qui concerne le contrôle des deniers publics.
Il prétend en outre que la Chambre a à la fois refusé d’accorder des fonds pour le registre des armes à feu et ordonné de ne plus y consacrer d’autres sommes.
Quelques autres députés ont manifesté un grand intérêt dans le financement actuel du Programme, eu égard à la décision prise par la Chambre le 5 décembre dernier. Dans son intervention, l’honorable leader du gouvernement à la Chambre a fait remarquer que le registre des armes à feu demeure un programme créé par voie législative et que la Chambre n’a pris aucune décision en vue de changer cela. Il a insisté sur le fait que, et je cite :
[…] c’est à la demande du ministre que le budget a été réduit. C’est à la demande du ministre que les montants ont été abaissés […]
Et que cette réduction, et je cite encore une fois :
On parle du montant d’une augmentation dans un budget supplémentaire de dépenses, et rien d’autre.
En résumé, l’essentiel de l’argument de l’honorable leader du gouvernement à la Chambre — auquel je reviendrai plus tard — est que le montant retranché du Budget supplémentaire des dépenses (A) ne représentait que les fonds qui auraient été ajoutés au financement initial accordé par le Budget principal des dépenses au Programme canadien des armes à feu pour le présent exercice.
L’honorable leader de l’Opposition officielle à la Chambre a mentionné que la décision de retrancher 72 millions de dollars du Budget supplémentaire des dépenses avait été prise par consentement unanime de toute la Chambre et qu’il ne s’agissait donc pas d’une initiative du gouvernement. Il a reconnu que l’honorable leader du gouvernement à la Chambre avait mené des négociations en vue d’obtenir le consentement unanime de la Chambre pour supprimer le crédit de 72 millions de dollars destiné au Programme canadien de contrôle des armes à feu, et il a ajouté que :
[…] La Chambre a accepté que ce montant de 72 millions de dollars soit supprimé, si bien que nous avons tous cru que le programme d’enregistrement des armes à feu ne ferait l’objet d’aucune nouvelle activité.
Commençons par examiner l’événement qui est à l’origine du point en litige quant au Programme canadien de contrôle des armes à feu. Les Journaux du 5 décembre 2002 indiquent ce qui suit :
Du consentement unanime, il est ordonné, — Que le Budget supplémentaire des dépenses (A) soit modifié au crédit 1a sous la rubrique Justice par la réduction d’un montant de 62 872 916 $ et au crédit 5a sous la rubrique Justice par la réduction d’un montant de 9 109 670 $, et que les motions des subsides et le projet de loi portant affectation de crédits soient modifiés en conséquence.
Comme il peut être utile de jeter un bref coup d’oeil sur le contexte entourant la question, permettez-moi d’expliquer brièvement comment un programme gouvernemental, tel le Programme canadien de contrôle des armes à feu, est créé et financé. En premier lieu, un tel programme exige une loi habilitante. Une fois la loi en vigueur, le gouvernement peut demander le financement du programme au Parlement par l’entremise des prévisions budgétaires. Je renvoie les honorables députés aux pages 697-698 du Marleau et Montpetit, où l’importance de ce processus est résumée succinctement :
Il a été dit du contrôle direct des finances nationales qu’il s’agissait de la « grande tâche du gouvernement parlementaire moderne ». Ce contrôle s’exerce en deux temps. D’abord, le Parlement doit approuver toutes les mesures législatives donnant application à la politique gouvernementale et la Chambre des communes autorise à la fois le montant et l’objet ou la fin de toute dépense publique. Ensuite, par un examen des rapports annuels des ministères sur leur rendement, des Comptes publics et des rapports du vérificateur général, la Chambre s’assure que seules ont été effectuées les dépenses qu’elle avait autorisées.
Comme le savent les honorables députés, le budget principal des dépenses ventile, par ministère et par organisme, les dépenses qu’a prévues le gouvernement pour l’exercice à venir. Chaque poste budgétaire ou crédit est composé de deux principaux éléments : une somme d’argent et une fin, c’est-à-dire une description de la façon dont la somme sera utilisée. Si les montants accordés par le budget principal se révèlent insuffisants ou si un nouveau financement ou une réaffectation de fonds entre divers crédits ou programmes devient nécessaire en cours d’exercice, le gouvernement doit demander au Parlement d’approuver les sommes supplémentaires en présentant un budget supplémentaire des dépenses.
Dans le cas du Programme canadien du contrôle des armes à feu, l’autorisation législative a été accordée par le Parlement en 1995. L’historique financier complet du Programme ne nous intéresse pas ici puisque le débat porte sur le financement actuel du Programme, c’est-à-dire pour l’exercice 2002-2003.
En mars 2002, le gouvernement a déposé le Budget principal des dépenses pour l’exercice 2002-2003, qui comprenait des dépenses prévues de 113,5 millions de dollars pour le Programme canadien de contrôle des armes à feu. Les comités permanents compétents ont été saisis du Budget principal pour étude et, en temps opportun, en ont fait rapport ou sont réputés en avoir fait rapport à la Chambre avant son adoption le 6 juin 2002. Ce Budget autorisait ainsi le gouvernement à dépenser les 113,5 millions de dollars affectés au Programme canadien de contrôle des armes à feu, tels qu’ils y étaient prévus pour 2002-2003.
Après le début de la nouvelle session en septembre dernier, le gouvernement a présenté le Budget supplémentaire des dépenses (A) à la Chambre pour étude et approbation. Ce Budget supplémentaire a été soumis à l’étude de comités permanents avant d’être approuvé par la Chambre.
Le Budget supplémentaire des dépenses (A) comportait une demande de financement supplémentaire pour le Programme canadien de contrôle des armes à feu, soit un montant de 62 872 916 $ sous le crédit 1a et un montant de 9 109 670 $ sous le crédit 5a du ministère de la Justice. Le 5 décembre, dernier jour prévu pour l’étude du Budget supplémentaire à la Chambre, ces montants ont été retirés du Budget.
De toute évidence, il existe une divergence d’opinions parmi les honorables députés quant à la raison ayant motivé les divers partis à consentir au retrait de ces montants et, plus encore, quant aux conséquences de la motion adoptée pour procéder au retrait.
Certains honorables députés semblent assimiler le retrait de ces crédits par consentement unanime de la Chambre à leur rejet par vote de la Chambre. Je ne peux partager ce point de vue et j’y vois plus qu’une simple divergence sémantique.
D’autres honorables députés demandent à la présidence de déclarer que le Programme d’enregistrement des armes à feu doit prendre fin parce que les négociations entre les partis et les circonstances ayant mené au consentement unanime de la Chambre pour retirer la demande de financement supplémentaire destiné au Programme étaient fondées sur cette prémisse. Je ne peux parvenir à cette conclusion, même si je ne doute pas un instant de la bonne foi des honorables députés qui soutiennent ce point de vue. Les honorables députés peuvent prétendre avoir donné leur consentement au retrait de ces crédits pour l’unique raison qu’ils croyaient ainsi mettre un terme au Programme, mais ceux qui pensaient ainsi étaient dans l’erreur et cet objectif n’a pas été atteint.
Comme je l’ai souvent mentionné dans mes décisions sur les questions de privilège — et cela devient particulièrement pertinent lorsque la Chambre est confrontée à des questions hautement controversées —, le rôle de la présidence se limite à veiller à ce que les motions présentées à la Chambre soient recevables et à ce que nos règles, usages et pratiques soient respectés. Votre Président ne peut évaluer ni la raison pour laquelle les honorables députés choisissent de consentir à une motion, ni le fond d’une motion, en particulier lorsque la Chambre procède par voie de consentement unanime. Dans un tel cas, en effet, la Chambre choisit consciemment de mettre de côté les mécanismes habituels de protection procédurale que la présidence peut et doit appliquer. Autrement dit, la Chambre choisit ainsi d’écarter ses règles et usages habituels afin de prendre certaines mesures sans entraves. Le Président ne joue aucun rôle dans un tel cas, sauf pour vérifier l’existence du consentement unanime.
Tel était le cas le 5 décembre dernier lorsque la Chambre a adopté par consentement unanime une motion visant à retrancher du Budget supplémentaire des dépenses les crédits affectés au Programme de contrôle des armes à feu. Ce qui s’est passé en fait, c’est la suppression, dans le Budget supplémentaire des dépenses qui a été approuvé, du financement supplémentaire demandé pour le Programme canadien de contrôle des armes à feu. Le Programme conservait néanmoins les 113,5 millions de dollars qui lui avaient initialement été accordés par la Chambre en juin dernier dans le Budget principal des dépenses. Ce n’est peut-être pas ce que certains honorables députés souhaitaient, mais c’est néanmoins ce qui est arrivé.
Le 11 février dernier, l’honorable ministre de la Justice a indiqué qu’il demandera une nouvelle autorisation de dépenses dans le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui sera présenté à la Chambre au cours des prochaines semaines. Les honorables députés auront là une autre occasion d’approfondir, avec le ministre de la Justice, les détails ayant trait à la gestion et au financement du Programme canadien de contrôle des armes à feu.
Entre-temps, la présidence n’a pu déceler aucune irrégularité de procédure dans les propos tenus par le ministre de la Justice en réponse aux questions portant sur le Programme canadien de contrôle des armes à feu. Je ne puis donc conclure qu’il y a, à première vue, atteinte au privilège.
Post-scriptum
Le 20 février 2003, Garry Breitkreuz (Yorkton–Melville) invoque le Règlement pour demander des éclaircissements relativement à des articles de journaux remettant en question des faits énoncés dans la décision du Président[6]. Le Président répond qu’il s’est fié « aux documents présentés à la Chambre » et que s’il existait « un écart entre les chiffres [qu’il a] cités et les sommes qui, selon le ministère, devaient figurer dans le Budget principal des dépenses et les sommes qui devaient figurer dans le Budget supplémentaire des dépenses », il vaudrait mieux que la question soit réglée en comité[7].
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[2] Débats, 12 février 2003, p. 3471-3472; voir Journaux, 5 décembre 2002, p. 263.
[5] Débats, 12 février 2003, p. 3472-3475.