Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les comités / Mandat

Rapport : recevabilité mise en doute parce que le comité aurait outrepassé son mandat

Débats, p. 2301-2302

Contexte

Le 1er avril 2009, Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) invoque le Règlement au sujet de la recevabilité du deuxième rapport du Comité permanent des finances, présenté à la Chambre plus tôt en journée[1]. Il explique qu’une motion a été proposée au Comité au sujet de l’attribution de fonds à la Bibliothèque du Parlement (et en particulier au directeur parlementaire du budget). Le président du Comité a jugé la motion irrecevable, au motif qu’elle outrepassait le mandat du Comité, mais le Comité a annulé sa décision. Par conséquent, fait valoir M. Lukiwski, la Chambre est saisie d’un rapport sans validité. Il ajoute que même si le Président s’abstient souvent d’intervenir dans les affaires des comités, il est obligé de le faire lorsqu’elles vont au-delà des pouvoirs confiés aux comités par la Chambre. Il prétend que le Comité a outrepassé son mandat selon l’article 108 du Règlement en recommandant une augmentation des fonds destinés au directeur parlementaire du budget. Après avoir écouté un autre député, le Président prend la question en délibéré[2].

Résolution

Le Président rend sa décision le 2 avril 2009. Il déclare que, bien que le mandat du directeur parlementaire du budget, tel que le définit la Loi sur le Parlement du Canada, l’oblige expressément à fournir des services de recherche au Comité permanent des finances, l’examen des ressources mises à la disposition du directeur ne relève pas du mandat du Comité, comme l’énonce l’article 108 du Règlement. Cela relève plutôt du mandat du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. Il rappelle aux députés que la Chambre a pris grand soin de définir et de distinguer les responsabilités de ses comités, et que ceux-ci ont le devoir de respecter leur mandat ainsi que les limites de leur compétence. Il fait ensuite allusion à des décisions qu’il a rendues le 14 mars et le 15 mai 2008, où il précisait clairement que les comités qui annulent des décisions de leur président conformes à la procédure et qui choisissent de présenter à la Chambre un rapport irrecevable verraient ce rapport rejeté. Il se dit par ailleurs troublé que le Comité ait décidé de procéder comme il l’a fait, en sachant très bien que ce qu’il faisait outrepassait son mandat. Par conséquent, le Président déclare que le rapport est irrecevable, qu’il est retiré d’office et qu’aucune autre délibération n’aura lieu à son sujet.

Décision de la présidence

Le Président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes au sujet de la recevabilité procédurale du deuxième rapport du Comité permanent des finances déposé à la Chambre hier.

Je remercie le secrétaire parlementaire d’avoir soulevé cette question importante ainsi que l’honorable député de Saint-Maurice–Champlain de ses remarques.

Le secrétaire parlementaire a soutenu que le rapport était irrecevable parce qu’il dépassait le mandat du Comité, comme il est indiqué à l’article 108 du Règlement. Selon lui, il était clair que l’attribution de fonds à la Bibliothèque du Parlement destinés au directeur parlementaire du budget dépassait le mandat du Comité permanent des finances. Il a souligné que le président avait rendu une décision en ce sens en comité, mais que ce dernier l’avait annulée. Pour conclure, le secrétaire parlementaire a cité un passage de la page 879 de La procédure et les usages de la Chambre des communes :

Le droit des comités de faire rapport à la Chambre s’étend uniquement aux questions relevant de leur mandat. Ils doivent alors indiquer en vertu de quelle autorité (Règlement ou ordre de renvoi) l’étude a été effectuée. Par le passé, dans les cas où le rapport d’un comité avait dépassé son ordre de renvoi ou abordé des questions non comprises dans celui-ci, le Président a déclaré le document complet, ou la partie incriminée irrecevable.

Le secrétaire parlementaire a ensuite cité ma décision du 14 mars 2008 (Débats, p. 4181-4183) au sujet des délibérations du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, de même que ma décision du 29 mars 2007, dans laquelle j’insistais sur l’importance de respecter les procédures parlementaires qui régissent nos délibérations.

De son côté, le député de Saint-Maurice–Champlain a soutenu que l’objet du rapport était d’accorder au directeur parlementaire du budget les fonds nécessaires pour travailler efficacement. Soulignant la relation étroite entre le directeur parlementaire du budget et le Comité, il a fait valoir que l’article 79.1 de la Loi sur le Parlement du Canada précise que le directeur parlementaire du budget a pour mandat de répondre aux besoins du Comité permanent des finances.

Pour la gouverne de la Chambre, j’aimerais résumer brièvement les événements ayant entouré l’adoption du deuxième rapport du Comité permanent des finances.

Le mardi 31 mars, le député de Saint-Maurice–Champlain a présenté au Comité permanent des finances une motion recommandant d’augmenter le budget du directeur parlementaire du budget et de faire rapport à la Chambre. Le président du Comité, le député d’Edmonton–Leduc, a jugé la motion irrecevable parce qu’elle dépassait le mandat du Comité. Dans sa décision, le président a mentionné les mandats des comités en général et ceux du Comité permanent des finances et du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement en particulier. La décision ayant fait l’objet d’un appel, le Comité l’a annulée, puis a adopté la motion qui est devenue le deuxième rapport du Comité.

Comme l’a fait observer le président du Comité permanent des finances dans sa décision, le mandat des comités permanents est précisé au paragraphe 108(2) du Règlement, qui dit notamment ceci :

En plus des pouvoirs qui leur sont conférés conformément au paragraphe (1) du présent article et à l’article 81 du Règlement, les comités permanents […] sont autorisés à faire une étude et présenter un rapport sur toutes les questions relatives au mandat, à l’administration et au fonctionnement des ministères qui leur sont confiés de temps à autre par la Chambre.

Le mandat du directeur parlementaire du budget est défini à l’article 79.1 de la Loi sur le Parlement du Canada. Même s’il est expressément tenu de fournir des services de recherche au Comité permanent des finances, comme le savent les députés, le directeur parlementaire du budget est, d’après le paragraphe 79.1(1), un membre du personnel de la Bibliothèque du Parlement. Ainsi, les ressources et le budget du poste sont financés par le budget des dépenses de la Bibliothèque du Parlement et non par celui du ministère des Finances.

Selon le paragraphe 108(4) du Règlement, le mandat du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement comprend l’étude de l’efficacité, de l’administration et du fonctionnement de la Bibliothèque du Parlement. Les questions concernant le mandat et les ressources allouées au directeur parlementaire du budget relèvent donc du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement.

Les députés se souviendront que la question d’un comité essayant d’outrepasser son mandat, tel qu’il est défini dans le Règlement, a été soulevée l’an dernier. Dans une décision rendue le 15 mai 2008 sur la recevabilité du septième rapport du Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique (Débats, p. 5924-5925), j’ai rappelé à la Chambre que, bien que les comités soient maîtres de leurs délibérations, un comité ne peut dépasser les limites de son mandat.

Je suis persuadé que les députés reconnaissent l’importance des travaux des comités pour le fonctionnement de la Chambre et du Parlement. En raison de cette importance, la Chambre a pris grand soin de définir et de distinguer les responsabilités de ses comités, en particulier lorsqu’il peut sembler y avoir à première vue un chevauchement des compétences. Il est vrai qu’elle accorde à ses comités des mandats généraux et des pouvoirs considérables, mais cela s’accompagne de la responsabilité de respecter le mandat et les limites de leur compétence.

On s’attend donc à ce que les comités fassent preuve de discernement dans l’exercice de leur mandat afin d’éviter que des différends soient portés à l’attention de la Chambre et que la présidence ait à trancher.

Selon l’ouvrage La procédure et les usages de la Chambre des communes, à la page 857, il est possible de faire appel des décisions du président d’un comité. Cependant, comme je l’ai mentionné dans des décisions rendues le 14 mars et le 15 mai 2008, les comités qui annulent des décisions de leur président fondées sur le plan de la procédure et qui choisissent de présenter à la Chambre un rapport irrecevable verront ce rapport rejeté.

Dans le cas qui nous concerne, bien que les préoccupations des membres du Comité des finances soient compréhensibles, elles ne justifient pas qu’on fasse fi du Règlement. En fait, je trouve troublant qu’un comité ait décidé de procéder comme il l’a fait, en sachant très bien que ce qu’il faisait outrepassait son mandat.

Il est clair que l’objet du deuxième rapport du Comité permanent des finances ne relève pas du mandat du Comité tel qu’il est énoncé à l’article 108 du Règlement, mais plutôt de celui du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement. J’estime donc qu’il est irrecevable.

Pour cette raison, je déclare que le deuxième rapport du Comité permanent des finances est retiré d’office et qu’aucune autre délibération n’aura lieu sur ce rapport.

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[1] Deuxième rapport du Comité permanent des finances, présenté à la Chambre le 1er avril 2009 (Journaux, p. 352).

[2] Débats, 1er avril 2009, p. 2272-2274.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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