Recueil de décisions du Président Peter Milliken 2001 - 2011

Les affaires émanant des députés / Limitations financières

Travaux des voies et moyens : motion non requise

Débats, p. 419-420

Contexte

Le 1er décembre 2009, Tom Lukiwski (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes) soulève un rappel au Règlement au sujet du projet de loi C-470, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (révocation d’enregistrement), inscrit au nom d’Albina Guarnieri (Mississauga-Est–Cooksville). Selon lui, ce projet de loi aurait dû être précédé d’une motion de voies et moyens, étant donné qu’il aurait pour effet d’imposer une taxe ou une charge fiscale au contribuable. M. Lukiwski déclare que puisque le projet de loi C-470 prévoit « la révocation de l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance, d’une fondation publique ou d’une fondation privée lorsque cet organisme verse une rémunération annuelle de plus de 250 000 $ à au moins un de ses dirigeants ou employés », il aura pour effet d’élargir le champ d’application d’un impôt pour y inclure ces organismes. Il soutient qu’en l’absence d’une motion de voies et moyens, il conviendrait d’annuler l’ordre portant deuxième lecture du projet de loi C-470 et de rayer le projet de loi du Feuilleton. Après avoir entendu d’autres députés, le Vice-président (Andrew Scheer) prend la question en délibéré[1].

Résolution

Le 15 mars 2010, le Vice-président rend sa décision. Il déclare que le projet de loi C-470 n’impose pas une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, ne maintient pas une taxe ou un impôt qui expire et n’augmente pas le taux d’une taxe ou d’un impôt existant. Il ajoute que les organismes de bienfaisance qui seraient touchés par le projet de loi, soit ceux qui versent à un cadre ou à un employé une rémunération annuelle supérieure à 250 000 $, ne forment pas une « catégorie de contribuables » au sens où une motion de voies et moyens serait nécessaire. Il en conclut donc que le projet de loi n’a pas à être précédé d’une telle motion.

Décision de la présidence

Le Vice-président : Je suis maintenant prêt à rendre ma décision sur le rappel au Règlement soulevé par l’honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes au sujet de la nécessité de faire précéder d’une motion de voies et moyens le projet de loi C-470, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (révocation d’enregistrement), inscrit au nom de l’honorable députée de Mississauga-Est–Cooksville.

Je remercie l’honorable secrétaire parlementaire d’avoir soulevé cette question, ainsi que les honorables députés de Mississauga-Est–Cooksville, de Mississauga-Sud et de Scarborough–Rouge River, l’honorable secrétaire parlementaire de la ministre de la Coopération internationale et les honorables députés d’Algoma–Manitoulin–Kapuskasing, d’Eglinton–Lawrence et de Brampton-Ouest pour leurs interventions.

Le secrétaire parlementaire a fait valoir que le projet de loi C-470 vise à permettre la révocation de l’enregistrement d’une œuvre de bienfaisance, d’une fondation publique ou d’une fondation privée lorsque celle-ci verse une rémunération annuelle de plus de 250 000 $ à l’un de ses dirigeants ou employés. La députée de Mississauga-Est–Cooksville et le secrétaire parlementaire s’entendent sur ce point.

Cependant, ce dernier a soutenu qu’une telle révocation élargirait le champ d’application de l’impôt à des organismes qui n’y sont pas assujettis actuellement. Plus particulièrement, il a souligné que les organismes dont l’enregistrement serait révoqué deviendraient de ce fait assujettis à l’impôt de révocation prévu au paragraphe 188(1.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui dispose que l’impôt de révocation doit être payé par toute œuvre de bienfaisance dont l’enregistrement officiel est révoqué.

Il a présenté ainsi les conséquences du projet de loi dans les Débats de la Chambre des communes du 1er décembre 2009, aux pages 7410 et 7411 :

L’organisme de bienfaisance dont l’enregistrement est révoqué en vertu des nouveaux critères prévus dans le projet de loi C-470 perd son statut d’exception à titre d’organisme de bienfaisance et, à supposer qu’il demeure un organisme de bienfaisance, ne peut plus bénéficier des autres exemptions d’impôt énoncées au paragraphe 149.1(1).
Autrement dit, le projet de loi C-470 élargirait le champ d’application d’un impôt afin d’inclure les organismes qui ne versent pas actuellement l’impôt découlant de la révocation de leur enregistrement ou, possiblement, qui ne paient pas d’impôt sur le revenu.

Enfin, l’honorable secrétaire parlementaire a souligné que la présidence prend très au sérieux la question des motions de voies et moyens. Il a cité une décision du Président rendue le 28 novembre 2007 au sujet du projet de loi C-418, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (déductibilité de la rémunération), déposé à la deuxième session de la 39e législature. Ce projet de loi avait pour effet de supprimer une déduction et donc d’accroître l’impôt à payer de certaines entreprises. Il était évident qu’en supprimant une exonération fiscale, le projet de loi augmentait l’impôt à payer. Par conséquent, il devait être précédé d’une motion de voies et moyens.

Lors de son intervention, l’honorable députée de Mississauga-Est–Cooksville a soutenu, comme on peut le lire dans les Débats du 1er décembre 2009, à la page 7458, que le projet de loi C-470 ne faisait qu’ajouter un critère permettant au ministre de révoquer l’enregistrement d’une œuvre de bienfaisance.

Les projets de loi portant sur des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu peuvent être complexes et difficiles à comprendre. Cependant après un examen attentif du projet de loi C-470, ainsi que les ouvrages cités et les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu mentionnées par l’honorable secrétaire parlementaire, j’ai trouvé l’extrait suivant, tiré de la page 900 de la deuxième édition de La procédure et les usages de la Chambre des communes, particulièrement pertinent :

La Chambre doit d’abord adopter une motion des voies et moyens avant qu’on puisse déposer un projet de loi obligeant le contribuable à assumer une charge fiscale. Dans ce contexte, la motion vise à imposer une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, à maintenir une taxe ou un impôt qui expire, à augmenter le taux d’une taxe ou d’un impôt existant ou à élargir à une nouvelle catégorie de contribuables le champ d’application d’une taxe ou d’un impôt.

La présidence estime que le projet de loi C-470 n’impose pas une nouvelle taxe ou un nouvel impôt, ne maintient pas une taxe ou un impôt qui expire et n’augmente pas le taux d’une taxe ou d’un impôt existant.

La question qui se pose est la suivante : le projet de loi élargit-il à une nouvelle catégorie de contribuables le champ d’application d’une taxe ou d’un impôt?

L’examen approfondi des dispositions du projet de loi C-470 montre qu’il vise toutes les œuvres de bienfaisance, fondations publiques et fondations privées enregistrées et qu’il impose des conséquences aux contribuables de cette catégorie qui versent à un cadre ou à un employé une rémunération annuelle supérieure à 250 000 $.

J’ai de la difficulté à concevoir que les organismes qui se trouvent dans cette situation puissent former une « catégorie de contribuables » en soi.

De l’avis de la présidence, l’expression « catégorie de contribuables » désigne, dans ce cas-ci, les œuvres de bienfaisance, fondations publiques et fondations privées enregistrées et le projet de loi C-470 ne vise pas à modifier cette catégorie.

Il me semble qu’il ajoute plutôt un critère qui permet au ministre de déterminer dans quelle catégorie de contribuables se trouve un organisme. Les régimes et les taux d’imposition actuels ne sont pas touchés.

Par conséquent, j’en arrive à la conclusion que le projet de loi C-470 n’élargit pas le champ d’application de l’impôt à une nouvelle catégorie de contribuables et qu’il n’a pas à être précédé d’une motion de voies et moyens.

Je remercie la Chambre de son attention.

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[1] Débats, 1er décembre 2009, p. 7410-7411.

Pour des questions au sujet de la procédure parlementaire, communiquez avec la Direction des recherches pour le Bureau

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