Chapitre 8Le cycle parlementaire
Prorogation et dissolution
Prorogation
La prorogation du Parlement, une prérogative de la Couronne exercée sur la recommandation du premier ministre110, met fin à une session. Il est possible de proroger une session du Parlement par proclamation quand la Chambre siège111 ou est ajournée112. La Chambre des communes et le Sénat sont alors tous deux prorogés jusqu’à l’ouverture de la prochaine session. Le Parlement se réunit pour une nouvelle session de façon normale à la date fixée par la proclamation. Le Parlement est prorogé soit par le gouverneur général (ou son suppléant) dans la salle du Sénat, soit par proclamation publiée dans la Gazette du Canada113. Lorsque le Parlement est prorogé jusqu’à une date donnée, il est possible de devancer ou de retarder cette date par voie de proclamation(s)114. Le gouvernement doit, à la nouvelle session, déposer un document expliquant les raisons de la prorogation115.
Incidences de la prorogation
La prorogation d’une session met fin à tous les travaux du Parlement. Sauf quelques exceptions, les affaires non complétées expirent au Feuilleton et doivent être reprises du début à la prochaine session.
Les projets de loi qui n’ont pas reçu la sanction royale avant la prorogation disparaissent totalement et, pour qu’ils puissent aller de l’avant, doivent être représentés à la session suivante comme s’ils n’avaient jamais vu le jour116. Il arrive toutefois que des projets de loi soient rétablis au début de la nouvelle session, à l’étape où ils en étaient à la fin de la session précédente. Cela se fait soit du consentement unanime de la Chambre117, soit par l’adoption d’une motion en ce sens, après avis et débat118. La Chambre a aussi modifié provisoirement le Règlement pour pouvoir reconduire des mesures législatives à la session suivante, après une prorogation119.
Depuis 2003, la prorogation n’a guère eu d’incidence sur les Affaires émanant des députés120. En raison de cette exception considérable au principe de cessation des affaires, la Liste portant examen des affaires émanant des députés dressée au début d’une législature ainsi que tous les projets de loi d’abord présentés à la Chambre et toutes les motions, inscrites ou non dans l’ordre de priorité, demeurent les mêmes d’une session à l’autre121. Si l’on avait commencé mais non terminé l’examen d’une affaire à une certaine étape, l’affaire est rétablie au début de cette étape, comme s’il n’y avait pas eu de débat. Les projets de loi émanant des députés qui ont été renvoyés à un comité à la session précédente sont réputés renvoyés au même comité. Les projets de loi émanant des députés qui ont été lus une troisième fois et adoptés sont renvoyés au Sénat122.
Les comités, y compris les comités spéciaux123 et législatifs, cessent d’exister et perdent leur mandat124. Sauf ceux du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, les députés qui font partie de comités cessent d’en être membres125, et tous les présidents et vice-présidents cessent d’exercer leurs fonctions126. Le comité des présidents pour les comités législatifs cesse aussi d’exister127.
De plus, quand la Chambre est prorogée, on ne peut déposer aucun document avant la première journée de la nouvelle session. Si, au moment de la prorogation, les documents exigés au moyen d’un ordre de la Chambre ou d’une adresse au gouverneur général n’ont pas encore été déposés, les ordres ou adresses se renouvèlent d’eux-mêmes d’une session à l’autre au cours de la même législature. Ils sont réputés reconduits au début de la nouvelle session sans motion en ce sens128. Le principe vaut aussi pour les demandes de réponse du gouvernement aux rapports de comités et aux pétitions129. La prorogation n’aura aucun effet sur les pétitions électroniques, sauf celui des délais inévitables que pourrait causer la prorogation dans la présentation des pétitions électroniques à la Chambre ou de la réponse du gouvernement à celles-ci130.
En général, pendant une prorogation, les députés sont relevés de leurs fonctions parlementaires jusqu’à ce que la Chambre et ses comités reprennent leurs activités à la nouvelle session. Toutefois, le Président, le Vice-président et les membres du Bureau de régie interne demeurent en fonction, ce qui n’est pas le cas du Vice-président adjoint de la Chambre et vice-président des comités pléniers et du Vice-président adjoint de la Chambre et vice-président adjoint des comités pléniers. La prorogation n’a aucune incidence sur les activités des députés prenant part aux associations parlementaires ou à des programmes d’échanges internationaux et interparlementaires.
Dissolution
La dissolution met fin au mandat d’une législature ainsi qu’à tous les travaux du Sénat et de la Chambre des communes ; elle est suivie d’une élection générale131. La date de l’élection est fixée conformément aux dispositions de la Loi électorale du Canada qui précise qu’une élection générale doit avoir lieu le troisième lundi d’octobre de la quatrième année civile qui suit le jour de scrutin de la dernière élection générale132. Toutefois, puisque la dissolution est une prérogative de la Couronne, le gouverneur général, sur recommandation du premier ministre, peut dissoudre la législature avant cette date et émettre une proclamation pour une élection générale133.
Trois proclamations sont habituellement émises au moment de la dissolution. La première, qui a trait à la dissolution proprement dite, affirme que la législature est dissoute et que « les sénateurs et les députés sont libérés de l’obligation de se réunir et de se présenter ». Une deuxième proclamation, simultanée, convoque le nouveau Parlement et renseigne sur la publication des brefs d’élection, la date du scrutin et la date du rapport des brefs d’élection. La troisième proclamation fixe la date à laquelle le Parlement est convoqué, quelque temps après le rapport des brefs d’élection134. La date de cette convocation peut être modifiée par une nouvelle proclamation135.
Une législature peut être dissoute à n’importe quel moment en vertu des dispositions de la Loi électorale du Canada ou antérieurement, qu’il soit ou non prévu que la Chambre siège ce jour-là136. Si la Chambre siège et qu’aucune cérémonie de prorogation au Sénat n’est prévue, la dissolution est habituellement annoncée à la Chambre par le premier ministre ou un autre ministre137. Le Président quitte alors le fauteuil.
La dévolution de la Couronne n’a pas pour effet de dissoudre la législature138. Selon l’ancienne pratique britannique, et jusqu’en 1843 au Canada, la dévolution de la Couronne entraînait alors la dissolution automatique d’une législature. Comme la convocation du Parlement est une prérogative royale et que le Parlement siège pendant le bon plaisir de la Couronne, la dévolution de celle-ci entraînait la péremption de la convocation et, partant, la dissolution139. En 1843, une loi adoptée par la Province du Canada énonçait qu’un parlement existant au moment de la dévolution de la Couronne devrait poursuivre ses travaux comme d’habitude, à moins d’être dissous par la Couronne140. D’autres provinces avaient des lois semblables avant la Confédération141. Cette loi a été réadoptée au cours de la première session de la 1re législature du Canada142.
Incidences de la dissolution
La dissolution met fin à tous les travaux à la Chambre. Le Président, le Vice-président et les membres du Bureau de régie interne demeurent à leur poste pour s’occuper de certaines tâches administratives en attendant que le nouveau Parlement les remplace143. En ce qui concerne certaines indemnités qui leur sont dues, les députés en fonction au moment de la dissolution sont réputés conserver cette qualité jusqu’à la date de l’élection générale144. Les bureaux de députés, dans leur circonscription et à Ottawa, demeurent ouverts afin que les députés et leur personnel puissent continuer d’offrir des services aux électeurs145. Comme les budgets des bureaux de députés proviennent des fonds publics, les députés ne peuvent pas se servir de leur bureau ou faire appel à leur personnel à des fins électorales.
Toutes les affaires inscrites au Feuilleton expirent, y compris les projets de loi émanant du gouvernement et des députés146. À la dissolution, le gouvernement n’est plus tenu de répondre aux questions écrites et aux pétitions ni de produire les documents demandés par la Chambre147. Le gouvernement doit attendre la nouvelle session avant de déposer un document exigé en vertu d’une loi, d’une résolution ou du Règlement.
Les comités cessent d’exister jusqu’à ce que la Chambre les reconstitue après les élections. Tous les ordres de renvoi viennent à échéance, et les présidents et vice-présidents de tous les comités cessent d’exercer leurs fonctions. Le gouvernement n’est plus tenu de répondre aux rapports des comités.
Le comité exécutif de chacune des associations interparlementaires est reconduit d’une législature à l’autre. Toutefois, en cas de dissolution, les activités organisées par les associations sont en général reportées à plus tard. Étant donné que les assemblées multilatérales continuent de se réunir, ce sont habituellement les sénateurs qui y représentent le Canada148. Après les élections, et avant le début d’une nouvelle législature, les sénateurs, comme les députés réélus, peuvent participer de nouveau aux assemblées multilatérales. Les programmes officiels d’échanges parlementaires avec d’autres assemblées sont habituellement, eux aussi, remis à plus tard.
Échéance du mandat de la Chambre
La Constitution énonce que « le mandat maximal de la Chambre des communes […] est de cinq ans149 ». Conscients de cette échéance, tous les gouvernements depuis la Confédération ont recommandé au gouverneur général de dissoudre la législature avant la date à laquelle la Constitution l’aurait exigé. Dans certains cas, la dissolution s’est produite à quelques jours de la date à laquelle la Chambre serait arrivée à l’expiration de son mandat150. Depuis 2007, la Loi électorale du Canada contient des dispositions limitant la durée d’une législature à quatre ans151.
Prolongation du mandat de la Chambre
Depuis 1949, la Constitution précise qu’en cas de guerre, d’invasion ou d’insurrection, réelles ou appréhendées, le Parlement peut prolonger le mandat de la Chambre des communes si pas plus d’un tiers des députés s’y opposent152. Une telle prolongation exigeait, dans le passé, une modification constitutionnelle, ce à quoi l’on n’a eu recours qu’une fois. À cause de la situation créée par la Première Guerre mondiale, la 12e législature (1911-1917) a vu son mandat prolongé d’un an, de 1916 à 1917153.