PROC Rapport du Comité
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42e Législature, 1re Session
RAPPORT DU COMITÉ
Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre
a l’honneur de présenter son
TRENTE-QUATRIÈME RAPPORT
Question de privilège concernant la libre circulation des députés au sein de la Cité parlementaire
Le 3 mai 2017, la Chambre des communes a adopté la motion suivante : « Que la question de privilège concernant la libre circulation des députés au sein de la Cité parlementaire soulevée le mercredi 22 mars 2017 soit renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre; et que le Comité accorde à cette question la priorité sur tous les autres travaux, y compris son examen du Règlement et de la procédure de la Chambre et de ses comités, pourvu que le Comité présente son rapport au plus tard le 19 juin 2017[1]. »
Cet ordre de renvoi faisait suite à une question de privilège d’abord soulevée par L’hon. Lisa Raitt, C.P., députée de Milton, le 22 mars 2017. Elle avait alors indiqué avoir manqué un vote à cause d’un retard causé par des bus navettes qui avaient été interceptés par la sécurité « au bas de la Colline ». L’hon. Maxime Bernier, C.P., député de Beauce, a également pris la parole pour confirmer qu’il attendait une navette retardée de la même façon, et que lui aussi avait manqué le vote pour cette raison.
Le 6 avril 2017, le Président a statué qu’il existait des motifs suffisants dans les circonstances pour conclure qu’il y avait, de prime abord, atteinte au privilège. Le Président a souligné l’importance du libre accès des députés à la Cité parlementaire et a déclaré que le Service de protection parlementaire (SPP) doit mieux comprendre le fonctionnement de la Chambre. Il a ajouté qu’il était convaincu que les membres du SPP pourraient parvenir à bien comprendre le milieu parlementaire en saisissant toutes les occasions de suivre la formation pertinente sur les privilèges, droits, immunités et pouvoirs de la Chambre des communes et des députés.
Le Président a invité Mme Raitt à présenter une motion de renvoi de l’affaire au Comité pour examen. Pendant le débat sur la motion, une motion de remplacement a été présentée (« que la Chambre passe maintenant à l’ordre du jour »). Cette motion a été adoptée, de sorte que la motion de privilège a été rayée du Feuilleton. Le 7 avril 2017, M. John Nater, député de Perth––Wellington, a soulevé sa propre question de privilège pour demander au Président de reprendre la question de privilège soulevée par Mme Raitt. Le Président a statué que la question de privilège initiale soulevée par Mme Raitt pouvait être reprise et que la question de l’accès retardé à la Cité parlementaire demeurait, à première vue, une atteinte au privilège. Le Président a invité M. Nater à présenter une motion portant renvoi de la question de privilège de Mme Raitt au Comité. La motion a fait l’objet d’un amendement (selon lequel la question a priorité sur tous les autres travaux du Comité) et d’un sous-amendement (visant à ajouter une date limite pour la production du rapport). Après débat, la motion principale, l’amendement et le sous-amendement ont été adoptés, et l’affaire a été renvoyée au Comité le 3 mai 2017.
Témoignages
Pendant son examen de l’affaire, le Comité a entendu les témoins suivants : l’hon. Bernier, C.P.; M. Marc Bosc, greffier par intérim de la Chambre des communes; M. Robert Graham, officier responsable de l’administration et du personnel, SPP; le surint. Mike O’Beirne, directeur par intérim, SPP; l’hon. Raitt, C.P.; l’hon. Geoff Regan, C.P., député, Président de la Chambre des communes.
Les témoignages qu’il a entendus et les documents qu’il a reçus ont permis au Comité de se faire une idée des faits qui s’étaient produits le 22 mars 2017. L’incident est survenu le jour du dépôt du budget, pendant la période précédant la présentation du budget à la Chambre. Le budget devait être présenté à la Chambre à 16 h. Auparavant, un vote avait été demandé et le timbre de 30 minutes avait commencé à sonner vers 15 h 24.
Mme Raitt arrivait d’une réunion pour assister au vote et à la présentation du budget, et se trouvait à l’angle nord-est de l’intersection des rues Wellington et Bank. Elle s’est rendue à l’abri de l’allée inférieure au niveau de la rue Bank et a attendu un bus navette. Survint entre temps, en direction ouest, un autocar transportant des représentants des médias qui revenaient de leur huis-clos à l’extérieur de la Colline du Parlement. L’arrivée de l’autocar a entraîné la fermeture du poste de contrôle des véhicules. L’autocar des médias s’est engagé dans l’allée montant vers l’édifice du Centre. M. Bernier, qui avait quitté son bureau à l’édifice de la Confédération pour assister au vote, a rejoint Mme Raitt à l’abribus. Le poste de contrôle est resté fermé pendant une dizaine de minutes. Pendant ce temps, trois bus navettes de la Chambre des communes sont arrivés par intervalles au poste de contrôle fermé et ont dû s’y immobiliser. Il semblerait que certains d’entre eux transportaient des députés. M. Bernier a fini par s’approcher du poste de contrôle pour s’enquérir de la raison du contretemps. Un membre du SPP lui a dit qu’il ne savait pas tout à fait pourquoi le poste de contrôle restait fermé si longtemps, qu’il présumait que le retard était attribuable au cortège de voitures du premier ministre, et qu’il allait se renseigner et lui dire ce qui en était. Un enregistrement audio et vidéo de l’incident, que le Comité a regardé ultérieurement, n’a pas révélé la présence du cortège de voitures du premier ministre.
Le surint. O’Beirne a déclaré au Comité que les retards au poste de contrôle avaient d’abord été attribués par erreur au cortège de voitures du premier ministre. Toutefois, une enquête interne sur l’incident avait révélé, selon lui, que les retards survenus le 22 mars 2017 « étaient attribuables à la fermeture erronée et prolongée du poste de contrôle des véhicules pour permettre à l’autobus des médias de se rendre à l’édifice du Centre à temps pour entendre le discours du budget prévu à 16 heures[2] ».
La fermeture du poste de contrôle explique en grande partie que Mme Raitt et M. Bernier aient manqué le vote. Dans son rapport d’incident, qui a été remis au Comité, le chauffeur d’une navette retardée par la fermeture du poste a indiqué que quelques députés en route pour un vote se trouvaient également à bord.
Lorsqu’ils ont comparu devant le Comité le 9 mai 2017, Mme Raitt et M. Bernier ont décrit la frustration qu’ils avaient ressentie devant l’incertitude de la situation dans laquelle ils s’étaient trouvés le 22 mars 2017 et qui leur avait fait manquer le vote et presque rater la présentation du budget. L’un et l’autre espéraient que les délibérations et les recommandations du Comité sur la question feraient ressortir l’importance de l’accès sans entraves des députés à la Cité parlementaire, que des améliorations seraient apportées aux protocoles de communication au sein du SPP, et que l’examen de l’incident déboucherait sur des changements conçus pour empêcher de tels incidents à l’avenir. Mme Raitt s’est également dite consciente de la nécessité de réaliser l’équilibre entre la sécurité sur la Colline du Parlement, d’une part, et la capacité des députés de circuler librement dans la Cité parlementaire, d’autre part. Sa question de privilège résulte, toutefois, de son sentiment que la sécurité avait primé, à tort, sur son droit d’avoir librement accès à la Colline.
Lorsqu’il a témoigné devant le Comité le 9 mai 2017, le surint. O’Beirne a adressé des excuses sans réserve à Mme Raitt et à M. Bernier, ainsi qu’à l’institution du Parlement dans son ensemble, pour le retard indu qui s’était produit et, surtout, qui explique en grande partie que les deux députés aient manqué un vote. Il a endossé la responsabilité de l’incident. Le surint. O’Beirne a assuré le Comité que le SPP reste déterminé à garantir la protection en tout temps des droits, privilèges et immunités conférés aux parlementaires, tout en maintenant les importantes mesures de sécurité matérielle sur la Colline du Parlement et dans la Cité parlementaire, de même qu’aux abords de celles-ci.
Le surint. O’Beirne a exposé les mesures prises par le SPP, avant et après l’incident, afin d’éviter qu’un tel contretemps indu ne retarde l’accès de députés à la Cité parlementaire, à savoir :
- incorporer dans le programme de formation des recrues du SPP un aperçu du privilège parlementaire;
- remettre un dépliant sur le privilège parlementaire aux partenaires de sécurité du SPP déployés à l’intérieur de la Cité lors de grandes opérations;
- rappeler en quoi consiste le privilège parlementaire dans le cadre de toutes les séances d’information opérationnelles et veiller à ce que les droits des députés comptent parmi les principaux facteurs pris en considération dans l’élaboration de tous les plans opérationnels;
- prévenir tous les membres du personnel du SPP par contact radio des votes imminents, de sorte que toutes les mesures nécessaires puissent être prises pour garantir l’accès sans entraves des députés.
À son témoignage devant le Comité, le Président a recommandé au surint. O’Beirne que le SPP examine la possibilité d’installer des voyants au poste de contrôle. Ces voyants clignoteraient pour annoncer un vote à l’une ou à l’autre des chambres, tout comme ceux dans les édifices de la Cité parlementaire.
Le surint. O’Beirne a mentionné en outre que le SPP continue de consulter l’Administration de la Chambre des communes et du Sénat en vue d’améliorer ses programmes de formation et de perfectionnement permanents et d’éviter toute répétition de tels incidents.
Privilège parlementaire
Dans sa décision du 6 avril 2017, le Président de la Chambre des communes a affirmé que, dans le cadre du privilège parlementaire, les députés à la Chambre des communes bénéficient d’un droit d’accès sans entraves à la Cité parlementaire et ils ont le droit de s’acquitter librement de leurs devoirs et fonctions parlementaires sans aucune ingérence.
Ce privilège découle du droit prééminent qu’a la Chambre à la présence et au service de ses membres ainsi que du droit de ces derniers de n’être soumis à aucune obstruction, intimidation ou ingérence. La Chambre n’est pas en mesure de fonctionner si elle ne peut pas compter sur la pleine participation de ses membres.
Dans l’exécution de leurs obligations et de leurs fonctions parlementaires, les députés ne doivent pas être menacés, défiés, intimidés ou soumis à quelque autre type d’obstruction que ce soit. L’obstruction peut prendre de nombreuses formes, et beaucoup d’actes ou omissions peuvent empêcher les députés de faire leur travail parlementaire et constituer de ce fait des outrages à la Chambre.
Ce privilège est profondément enraciné dans le régime parlementaire de type britannique que le Canada a adopté à la Confédération, et les premiers cas où le Parlement a revendiqué le droit de ses membres d’assister sans obstruction aux travaux de l’une ou l’autre Chambre remontent au moins au 12 avril 1733. Cette année-là, la Chambre des communes britannique a résolu que le fait « d’agresser, d’insulter ou de menacer un député lorsqu’il s’y rend ou en repart [...] est une grave atteinte au privilège de la Chambre, une violation des plus choquante et des plus dangereuse des droits du Parlement, et un crime et une inconduite graves[3] » [traduction].
Discussion
Le Comité n’a d’autre choix que de juger troublante la fréquence des incidents récents où l’accès des députés au Parlement et à la Cité parlementaire a été indûment entravé. Le Président de la Chambre des communes a statué qu’il y avait eu, de prime abord, atteinte au privilège à pas moins de quatre reprises entre mars 2012 et mai 2017, quand des députés ont vu leur droit au libre accès au Parlement entravé. Le Président et le Comité ont souligné à maintes occasions l’existence et l’importance de ce privilège, qui demeure fondamental à la bonne conduite des affaires de la Chambre et étroitement lié à la capacité des députés à s’acquitter de leurs attributions de législateurs et de représentants. Le Comité bel et bien réaffirme ce droit.
Le Comité a certes lancé son étude sur la question de privilège, mais un de ses membres, M. David Christopherson, député de Hamilton–Centre, a lui aussi été impliqué dans un incident. En effet, ce dernier était à bord d’une navette reliant l’édifice de la Justice à la Colline du Parlement, qui est demeuré immobilisée au poste de contrôle pour une période prolongée. M. Christopherson a donc soulevé une question de privilège à ce sujet le 11 mai 2017. L’incident s’est produit ce jour-là au moment même où une grande foule s’est rassemblée sur la Colline du Parlement à l’occasion de la Marche pour la Vie. Retenu au poste de contrôle, M. Christopherson a demandé au chauffeur si la navette pouvait avancer. Il lui a répondu « qu’il faudrait peut-être attendre cinq à dix minutes[4] ». Selon le député, les manifestants s’étaient déplacés sur le trottoir et la voie menant à la Colline du Parlement, et le SPP commençait tout juste à installer les clôtures pour dégager la voie et assurer ainsi la circulation fluide sur la Colline.
M. Christopherson a indiqué au Président qu’il ne sollicitait pas une décision sur la question, mais bien l’inclusion de l’incident à l’étude du Comité. Il a aussi exprimé son exaspération, car la planification de la sécurité lors de grandes manifestations publiques ne semble toujours pas prioriser le droit des députés au libre accès à la Colline du Parlement.
En ce qui a trait à l’incident précis renvoyé au Comité, les membres du Comité souhaitent avant tout faire savoir qu’ils acceptent les excuses présentées par le surint. Mike O’Beirne au nom du SPP à titre de directeur par intérim. Le Comité est conscient que le SPP doit surmonter une multitude d’obstacles qui rendent difficile, fluctuante et compliquée sa tâche à assurer la sécurité permanente de la Colline du Parlement et de la Cité parlementaire. Il est également conscient des difficultés avec lesquelles le SPP doit composer et lui est reconnaissant de ses efforts soutenus déployés afin que la Cité parlementaire demeure un milieu sécuritaire où les délibérations du Parlement ont bel et bien lieu sans crainte d’ingérence extérieure.
Le Comité accorde importance et sérieux aux questions de privilège parlementaire. À la lumière des précédents, le Comité croit fermement que le droit au libre accès des parlementaires à la Cité parlementaire revêt la plus grande importance, et que l’obstruction ou l’entrave aux députés qui s’acquittent de leurs fonctions parlementaires est inadmissible. Dans son étude exhaustive sur la question de privilège, le Comité a recueilli les circonstances et les faits avérés dans l’affaire et les a évalués en regard des précédents, de l’usage et des normes établies. L’essentiel des délibérations du Comité tient aux questions et aux implications concernant les services fournis aux députés, dont les navettes, et leur lien avec la capacité des députés à s’acquitter de leurs fonctions parlementaires. Ces questions ne se réglant pas facilement, le Comité n’a pas déterminé s’il y a quasi-atteinte au privilège dans cette affaire.
Le Comité accorde une grande importance au droit à l’accès libre des députés au sein de la Cité parlementaire. Par conséquent, il a convenu à l’unanimité de mener une étude exhaustive, qui commencera en 2017, sur les questions relatives à l’accès libre et sans entraves au Parlement, notamment :
- les normes de service et les exigences concernant les services de transport fournis aux députés et au personnel parlementaire;
- les besoins des députés à mobilité réduite;
- la structure et le réseau de communications employés par les fournisseurs de services en sécurité et en transport dans la Cité parlementaire et ses environs, surtout en ce qui a trait à l’accès des députés à la Colline du Parlement pour les votes;
- l’éducation et la sensibilisation accrues auprès des députés et du SPP quant aux attentes, aux obligations et aux droits concernant le privilège parlementaire des députés à accéder sans entraves à la Cité parlementaire;
- la nécessité de prioriser davantage le droit du député à accéder librement à la Cité parlementaire, y compris la fréquence et le contrôle des navettes durant la planification et l’exécution de tout plan de sécurité.
Le Comité demeure optimiste et confiant que les questions soulevées par Mme Raitt, M. Bernier et M. Christopherson, serviront finalement d’avenues pour améliorer la conception et le déploiement d’un système de sécurité au Parlement, qui demeure redevable aux parlementaires et qui veille au bon équilibre entre la sécurité physique et le privilège parlementaire.
Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (réunions nos 56, 57, 58, 60, 61, 63, 65) est déposé.
Respectueusement soumis,
Le président,
L’hon. Larry Bagnell
Opinion supplémentaire sur la question de privilège cosigné par les membres libéraux du comité
La majorité des membres, tous partis confondus, espéraient ardemment produire un rapport unanime sur un sujet aussi important que les privilèges des députés.
Le privilège ne doit pas être confondu avec l’attente de service. Le privilège, essentiellement, est le droit du député de disposer de la liberté dont il a besoin pour remplir ses fonctions sans obstruction, intimidation ou ingérence.
Dans l’affaire qui nous occupe, telle qu’elle est décrite dans le rapport, deux députés attendaient une navette de la Chambre des communes, laquelle attendait la permission de quitter le Poste de contrôle des véhicules (PCV). Or, le PCV avait été fermé et sécurisé, et l’accès des véhicules y avait été suspendu, en raison de l’autobus nolisé des journalistes. En effet, cet autobus sécurisé et sous escorte amenait les membres des médias au huis clos du budget, à l’édifice du Centre, sans passer par le PCV; il empruntait plutôt la promenade Sud, les bornes de sécurité ayant été retirées. Le PCV devait donc attendre la permission de rouvrir le Poste avant de dépêcher la navette. Il en a résulté un temps d’attente cumulatif d’environ 10 minutes, après quoi les deux députés ont décidé de se rendre à pied à la Chambre. À leur arrivée, ils ont constaté que le vote avait commencé, et ils n’ont pas pu y participer.
Le vote est le devoir le plus fondamental du député, et nous y accordons la plus grande importance. C’est le vote qui permet la représentation la plus élémentaire des électeurs, et la survie du gouvernement dépend du droit de vote de chaque député. En effet, le gouvernement peut perdre un vote de confiance – et un scrutin national peut être déclenché – si un député se trouve empêché de voter au moment opportun. Ce n’est donc pas une question à prendre à la légère.
La question fondamentale qui a occupé les délibérations du Comité était celle-ci : les députés concernés ont-ils eu la liberté de remplir leurs fonctions sans obstruction, intimidation ou ingérence? Disposaient-ils d’un accès libre et sans entrave aux édifices du Parlement? Ont-ils, dans les faits, été empêchés?
Les membres étaient très divisés sur la question. Or, le Comité voulait éviter que cette question de privilège aboutisse à une décision où chaque parti voterait contre l’autre : tous convenaient que ce serait une issue déplorable pour une question fondamentalement non partisane. Par conséquent, il avait été décidé que les membres concluent à leur incapacité de trancher : ils ne pouvaient pas déterminer s’il y avait eu dans ce cas atteinte aux privilèges, et préféraient proposer une étude ultérieure des problèmes sous-jacents, dans l’espoir d’arriver alors à un rapport unanime. Les membres libéraux du Comité espéraient que cette approche, justifiée du fait que plusieurs points faisaient l’objet d’un consensus, permettrait d’éviter les opinions supplémentaires ou dissidentes. Elle s’est toutefois avérée impossible, ce qui nous oblige à prendre la décision inhabituelle de joindre la présente opinion supplémentaire à celles de nos collègues des deux partis de l’opposition, afin que la position des membres libéraux puisse être connue elle aussi.
À la lumière des faits présentés, les membres libéraux du Comité estiment que les mouvements des députés en question n’ont pas été obstrués, et que leurs privilèges n’ont pas été enfreints. Ils étaient libres d’entrer dans l’abribus et d’en sortir pour se rendre à pied à la Chambre. Rien – ni personne, ni groupe, ni acte – n’a forcé, contraint ou obstrué leur mouvement. Le fait qu’ils se sont finalement rendus à pied à la Chambre, avant la réouverture du PCV, montre d’ailleurs qu’ils disposaient de leur liberté de mouvement. Ils avaient donc un accès « sans entraves ni obstruction » au Parlement. Leur mouvement n’a jamais été « entravé ni obstrué ». Ils ont pris la décision d’attendre l’autobus. En fait, dans son témoignage, Mme Raitt a dit : « Malheureusement, le député de Beauce et moi sommes restés pris par les circonstances » [traduction]. Ils ont raté le vote parce qu’ils n’ont simplement pas prévu suffisamment de temps pour se rendre à leur siège.
Cela dit, nous ne reprochons nullement aux deux députés d’avoir décidé, au lieu de marcher, d’attendre la navette que devait dépêcher le PCV; il était raisonnable de s’attendre à ce que la navette finisse pas arriver. Le service de navette, sous sa forme actuelle, ne constitue cependant pas, en tant que tel, un droit conféré aux députés. Quant à savoir s’il devrait l’être, et sous quelle forme, c’est une question que nous espérons étudier plus longuement après l’ajournement estival, afin que ces incidents ne se reproduisent plus.
Nous déplorons que l’opposition ait choisi de politiser la question en évoquant à répétition l’escorte motorisée du premier ministre et, de leur propre aveu, en utilisant l’incident pour faire de l’obstruction à la Chambre. Les deux députés affirment que le personnel du PCV a dit à M. Bernier que l’escorte motorisée du premier ministre était la cause du retard, mais l’enregistrement radio et la transcription de la Division IV, de même que le témoignage du surintendant O’Beirne, directeur intérimaire du Service de protection parlementaire (SPP), nous apprennent que le personnel du PCV savait que le retard était en fait imputable à l’autobus des journalistes pour le huis clos du budget; l’escorte motorisée du premier ministre n’est jamais mentionnée, et on ne la voit aucunement sur les nombreux enregistrements vidéo de l’incident qui ont été présentés.
On a aussi avancé que les conducteurs des navettes auraient dit que des députés se trouvaient dans certaines des trois navettes retenues au PCV. Le Comité n’a entendu aucun témoignage direct attestant cette allégation, et aucun député n’a invoqué ses privilèges à l’égard de cet incident supposé. En l’absence de plaignant, le Comité ne peut pas, dans le cadre de cette étude, déterminer s’il y a pu avoir violation des privilèges de ces députés hypothétiques. Mais dans l’affaire qui nous occupe, nous ne jugeons pas qu’il y a eu violation du privilège, puisque les mouvements des deux députés concernés n’ont, à aucun moment, été obstrués ou empêchés.
Par contre, nous reconnaissons qu’il existe des questions sous-jacentes qui doivent être abordées, dont le fonctionnement du service de navette, l’équilibre entre la sécurité des députés et leur accès, surtout au périmètre de la Cité parlementaire, et la formation à donner aux agents du SPP, y compris ceux qui sont assignés par la GRC. Ces questions, pour être analysées et résolues adéquatement, devront faire l’objet d’une autre étude, plus approfondie.
Enfin, nous signalons que nous n’avons pu trouver, dans les rapports antérieurs du Comité sur les questions de privilège, aucun précédent applicable à la situation.
Par conséquent, nous sommes d’avis que les privilèges de M. Bernier et de Mme Raitt n’ont pas été enfreints.
OPINIONS SUPPLÉMENTAIRES DE L’OPPOSITION OFFICIELLE
L’Opposition officielle partage les opinions exprimées dans le résumé des témoignages présenté dans le rapport et appuie entièrement le projet d’examen approfondi que le Comité entend amorcer sous peu au sujet du service de navettes.
Comme le rapport l’indique, le Comité n’est pas parvenu à conclure s’il y avait bel et bien eu atteinte au privilège. Les opinions supplémentaires qui suivent présentent les conclusions de l’Opposition officielle sur la question.
Atteinte au privilège (M. Bernier et Mme Raitt)
La Chambre des communes offre un service de navettes organisé pour permettre aux députés et aux membres de leur personnel de se déplacer de part et d’autre du vaste « campus » parlementaire, sur la Colline du Parlement et dans ses environs, afin qu’ils puissent s’acquitter de leurs responsabilités parlementaires en temps opportun.
Le service de navettes fait désormais partie intégrante de la vie des parlementaires, en particulier pour les nombreux députés qui n’ont pas de bureau dans les locaux de l’édifice du Centre et qui doivent répondre à l’appel du timbre d’un vote non prévu comme celui du 22 mars 2017.
À ce chapitre, Mme Raitt et M. Bernier ne sont pas différents. Il est certain que ni l’un ni l’autre n’était physiquement immobilisé ou détenu de quelque autre façon que ce soit; ils étaient libres de quitter l’arrêt où ils attendaient la navette, de sorte qu’ils n’étaient pas bloqués physiquement.
Néanmoins, étant donné la présence de navettes à quelques mètres d’où ils se trouvaient, leur faisant face, et qui sans raison apparente ne se sont pas approchés d’eux séance tenante, il leur a paru parfaitement raisonnable et logique d’attendre à l’arrêt. N’eût été ces retards, les députés seraient arrivés à la Chambre à temps pour le vote.
En ce sens, les députés de l’Opposition officielle sont d’avis que les témoignages recueillis par le Comité confirment que M. Bernier et Mme Raitt ont été concrètement empêchés d’accéder à la Chambre des communes, ce qui constitue une atteinte au privilège.
Atteinte au privilège (députés non identifiés)
Il a été établi, à partir du rapport du chauffeur de navette – un rapport qu’aucun témoignage entendu par le Comité n’a contredits – que des députés se trouvaient dans une navette retenue au poste de contrôle des véhicules pendant plus de neuf minutes.
Bien que ces députés ne se soient pas manifestés, le Comité disposait toutefois de suffisamment d’éléments pour faire ressortir un cas d’atteinte au privilège à l’égard de ces députés non identifiés. En conséquence, l’Opposition officielle se range à cet avis.
Atteinte au privilège (droits de la Chambre)
Selon les autorités en matière de procédure, comme le précise le rapport, le droit des députés d’être libre de toute obstruction, de tout obstacle, etc., découle du droit prééminent de la Chambre à la présence et au service de ses membres. Ce point a été repris dans des rapports antérieurs par les membres précédents du présent Comité [p. ex, le Soixante-sixième rapport présenté durant la 1re session de la 36e législature (1997-1999) et le Vingt et unième rapport présenté durant la 1re session de la 38e législature (2004-2005)].
Comme il a été indiqué précédemment, la Chambre offre un service de navettes organisé desservant la Colline du Parlement et ses environs pour aider les députés et les membres de leur personnel à s’acquitter de leurs responsabilités. Il est naturel de percevoir ce service comme un moyen grâce auquel la Chambre s’assure de pouvoir compter aisément sur la présence et les services de ses membres en tenant compte du territoire étendu des bureaux parlementaires. De là, il s’ensuit qu’un obstacle à ce service peut être interprété comme un obstacle au droit prééminent de la Chambre à la présence et aux services de ses membres. En conséquence, l’Opposition officielle se range à cet avis.
Cet incident en matière d’accès n’est pas sans rappeler un autre incident, qui a fait l’objet d’une étude en 2004, ayant trait à l’accès privilégié dont jouissent des étrangers. Dans le cas présent, il s’agit de l’autocar des médias. On peut lire ce qui suit dans le rapport publié à la suite de l’étude réalisée en 2004 : « Nous savons fort bien qu’il faut parfois interdire l’accès à la [C]olline à quiconque par mesure de sûreté ou de sécurité ou pour d’autres raisons. Le problème, en l’espèce, est qu’on l’ait interdit à des députés tout en le permettant à d’autres personnes, et il ne faut pas que cela se reproduise ». [Vingt et unième rapport présenté durant la 1re session de la 38e législature (2004-2005).]
Observations concernant les agissements du Service de protection parlementaire
Il ne faudrait en aucun cas croire, à partir de nos conclusions, à un manque de respect à l’égard des membres vaillants du Service de protection parlementaire et de leurs collègues des forces de l’ordre; nous nous associons certainement aux sentiments exprimés dans le rapport du Comité.
En fait, nous avons été impressionnés par les efforts qu’ont déployés les membres du personnel du poste de contrôle des véhicules pour mettre un terme à l’obstruction de la navette. Les témoignages présentés au Comité démontrent qu’on a cherché à deux reprises à confirmer la nécessité de retenir les véhicules entrants (65 secondes, puis 5 minutes et 11 secondes) après l’entrée de l’autocar des médias dans l’enceinte de la Colline du Parlement.
Post-scriptum au sujet de la procédure
Bien qu’il n’en ait pas été grandement question dans le cadre de l’étude, le contexte entourant le renvoi de la question de privilège au Comité mérite quelques observations.
La motion de privilège de Mme Raitt a été remplacée, après moins de quatre heures de débat, par une motion proposant de passer à l’Ordre du jour.
M. Nater a soulevé une seconde question de privilège en vue de relancer les délibérations initiales sur le privilège afin que la Chambre puisse prendre une décision dans ce dossier important. Comme le Président le fait remarquer dans sa décision, le recours à une motion de remplacement durant un débat sur une question de privilège est totalement sans précédent.
Afin d’éviter que cette situation ne se reproduise – et pour que la confusion et les complications quant à la présence des députés ne se répètent – l’Opposition officielle recommande que le Comité, à la reprise de son examen du Règlement à une date ultérieure au cours de la présente législature, étudie le bien-fondé d’une modification de l’article 59 du Règlement qui accorde la priorité aux motions tendant à la lecture des Ordres du jour. Une telle modification permettrait de clarifier que son usage se limite aux affaires courantes et de faire en sorte que, par application d’autres articles du Règlement, de telles motions ne puissent plus être proposées durant les initiatives ministérielles ou les initiatives parlementaires. La modification aurait pour effet de placer les débats sur les questions de privilège sur un pied d’égalité, à cette fin.
Opinion complémentaire du Nouveau Parti démocratique (NPD) du Canada
Bien que le NPD, tout comme les autres membres du Comité, appuie le rapport final puisqu’il reflète avec exactitude les témoignages et les faits présentés au Comité ainsi que ses délibérations, nous aimerions profiter de cette occasion pour exprimer de nouveau notre position, à savoir qu’il y a bel et bien eu atteinte au privilège des députés.
Selon nous, que Mme Raitt et M. Bernier aient été à bord de l’autobus immobilisé ou aient attendu un autobus retenu de l’autre côté de leur arrêt est une distinction qui ne fait aucune différence en l’occurrence. Les députés à qui on offre un service, tel qu’un service d’autobus, peuvent raisonnablement s’attendre à ce que le service leur soit offert lorsqu’ils en ont besoin, particulièrement lorsqu’un vote est demandé. Si les autobus qui ont été retenus en raison de la « fermeture erronée et prolongée » du poste de contrôle des véhicules, selon les mots du directeur du Service de protection parlementaire, le surintendant O’Beirne, avaient été autorisés à repartir après l’arrivée de l’autobus des médias à l’édifice du Centre, il est très possible, voire très probable, que Mme Raitt et M. Bernier seraient arrivés à temps à la Chambre pour le vote.
Nous sommes conscients qu’il incombe à chaque député de s’assurer d’arriver à temps à la Chambre lorsqu’un vote se tient, mais nous comprenons également qu’il y a des circonstances – notamment une infirmité permanente ou temporaire, la température non clémente et d’autres considérations liées à la sécurité – où le service d’autobus est essentiel pour permettre aux députés de se déplacer dans la Cité parlementaire à temps et en toute sécurité. Nous nous attendons à ce que toute demande ultérieure au Comité d’étudier une atteinte au privilège de prime abord qui résulte de problèmes similaires avec les services d’autobus soit examinée selon son bien-fondé, et non simplement rejetée en étant citée comme un précédent.
Le NPD continue d’avoir des préoccupations quant au fait que c’est la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui assure le commandement et le contrôle opérationnel de la sécurité dans la Cité parlementaire. Nous sommes convaincus que la structure de sécurité actuelle viole la souveraineté du Parlement en retirant au Président, un serviteur de la Chambre, la responsabilité et le contrôle de la sécurité pour les confier à la GRC, qui est ultimement sous la direction de l’exécutif. Cela vient briser une convention et des usages de longue date qui remontent au XVIIe siècle. En outre, dans les témoignages antérieurs du Comité, le directeur du Service de protection parlementaire, qui demeure un agent actif de la GRC en dépit de son poste de directeur, a fait savoir clairement qu’il continuait de relever du commissaire de la GRC, et par conséquent, du ministre de la Sécurité publique. Cette chaîne de commandement devrait préoccuper grandement tous les parlementaires. Cette incapacité à répondre à une question directe concernant la chaîne de commandement devrait inquiéter tous les parlementaires.
Par ailleurs, au niveau opérationnel, nous croyons que, en raison de son histoire, de sa culture et de sa connaissance du privilège parlementaire, le Service de protection parlementaire, libre de l’influence de la GRC et relevant du Président, reste le mieux placé pour diriger et effectuer les opérations de sécurité dans la Cité parlementaire.
Nonobstant ce qui précède, le NPD tient à remercier le Comité et les témoins de leur examen exhaustif de cet incident. Nous espérons sincèrement que ce rapport, et la future étude du Comité sur l’accès libre et sans entrave au Parlement, empêcheront que des incidents comme celui qui s’est produit le 22 mars 2017 ne se reproduisent.
[1] Chambre des communes, Journaux, 3 mai 2017.
[2] Chambre des communes, Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, Témoignages, réunion 57, 1re session, 42e législature, 9 mai 2017.
[3] Chambre des communes du Royaume-Uni, Journals (1732-1737), p. 115.
[4] Chambre des communes, Débats, 11 mai 2017.