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TRAN Rapport du Comité

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PRÉSENCE DE PLOMB DANS L’EAU POTABLE

INTRODUCTION

Le 7 février 2017, la Chambre des communes a adopté une motion appelant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités (ci-après le Comité) à mener un examen sur la présence de plomb dans l’eau potable au Canada. Le Comité y a consacré 5 réunions, en plus d’entendre 19 témoins et de recevoir deux mémoires.

EXPOSITION AU PLOMB DANS L’ENVIRONNEMENT

Le plomb se trouvait autrefois dans de nombreux produits de consommation et produits industriels comme la peinture, les boîtes de conserve, la verrerie de cristal, l’essence et, bien sûr, les conduites en plomb. Maintenant que les scientifiques comprennent mieux la toxicité du plomb, le gouvernement fédéral a pris des mesures pour réduire l’exposition des Canadiens au plomb. Par exemple, le Règlement sur l’essence de 1990 a éliminé l’essence avec plomb, tandis que la Loi sur les aliments et drogues veillait à la teneur en plomb des aliments et de leurs emballages, dont les boîtes de conserve. Certes, le Code national de la plomberie a restreint l’utilisation de plomb dans les conduites depuis 1975 et dans la soudure depuis 1986, mais le problème du plomb dans l’eau potable persiste encore.

Malgré l’absence d’un répertoire national exhaustif de la tuyauterie de plomb, des témoins ont déclaré au Comité qu’il n’est pas déraisonnable de croire à la présence de conduites en plomb dans environ 500 000 foyers au Canada. Il est par ailleurs connu que le plomb pénètre dans l’approvisionnement en eau par les soudures de plomb, les raccords en laiton (robinets) et les conduites en plomb des fontaines à eau. Certaines municipalités ont pris des mesures pour le remplacement des conduites en plomb, mais M. Bruce Lanphear (Université Simon Fraser) a expliqué que les conduites d’eau et les fontaines à eau demeurent « une source importante » de plomb pour bien des Canadiens, en particulier les habitants de petites localités et des communautés autochtones.

PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE

Les témoins considèrent à l’unanimité la présence de plomb dans l’eau potable comme un problème de santé publique. Certains ont livré un témoignage poignant sur les nombreux et divers effets de l’exposition au plomb sur la santé humaine. M. Lanphear a fait remarquer qu’aucune concentration de plomb dans le sang des enfants n’est sécuritaire et en a expliqué les effets néfastes de la manière suivante :

Nous avons constaté que l’exposition à des concentrations élevées de plomb endommage le cortex préfrontal […], et augmente le risque que les enfants développent des comportements antisociaux comme la délinquance et même des comportements criminels. Nous avons également constaté que les enfants exposés à des concentrations élevées de plomb affichaient un risque accru de souffrir d’autres problèmes comportementaux, comme le TDAH.

On considère certes les enfants comme étant les plus exposés aux effets des excès de plomb, mais M. Lanphear a précisé que le plomb est un facteur de risque établi de l’hypertension, des maladies rénales chroniques et du tremblement essentiel (un trouble neurologique caractérisé par des tremblotements incontrôlables ou des tremblements) chez les adultes. M. Marc Edwards (Virginia Polytechnic Institute and State University) a également indiqué au Comité que des rapports ont été établis entre des réseaux de canalisations vieillissants et la croissance d’« agents pathogènes opportunistes présents dans les canalisations en place », dont la bactérie Legionella.

À la lumière de ces préoccupations, les témoins ont dit appuyer le remplacement des conduites d’eau en plomb dans les localités du Canada.

OBSTACLES AU REMPLACEMENT DES CONDUITES EN PLOMB

Même s’ils appuient le remplacement des conduites en plomb, les représentants des municipalités et les spécialistes ayant témoigné ont avisé le Comité de certains obstacles qui les empêchent de régler le problème.

Complexité du partage des compétences

Certaines responsabilités en matière de santé et infrastructures relèvent du gouvernement fédéral, mais la gestion du traitement et de la distribution de l’eau potable constitue une compétence des provinces, souvent déléguée aux municipalités des zones urbaines  (Gouvernement du Canada, Législation et gouvernance de l’eau : une responsabilité partagée). Comme plusieurs témoins l’ont signalé, les services d’approvisionnement en eau s’occupent généralement que des conduites qui raccordent l’entrée d’eau à la canalisation principale, tandis que les propriétaires fonciers se chargent du reste de la conduite.

Le partage de compétences et de propriétés soulève des questions sur le pouvoir d’agir et la responsabilité des coûts. Par exemple, les porte-parole du Bureau de l’infrastructure du Canada ont précisé que l’organisation finance à travers plusieurs filières des projets d’infrastructure publique pour produire de l’eau potable et construire des conduites d’eau potable, sans pour autant avoir le mandat de financer les projets de remplacement des canalisations de raccordement sur des propriétés privées.

Cela dit, plusieurs témoins ont souligné l’importance de veiller au remplacement des tronçons de canalisations en plomb appartenant aux municipalités et aux particuliers. Des témoins, dont Mme Bernadette Conant (Réseau canadien de l’eau) et M. Graham Gagnon (Université Dalhousie), ont affirmé au Comité que le remplacement du seul tronçon appartenant à la municipalité peut aggraver le problème des trop fortes concentrations de plomb, du moins à court terme. Plusieurs facteurs expliquent la situation : en effet, des particules et des débris sont libérés dans l’eau lorsque la conduite auparavant continue est coupée lors du remplacement du tronçon appartenant à la municipalité.

À la lumière de ces préoccupations, les témoins ont convenu à l’unanimité que la concertation entre tous les ordres de gouvernement ainsi qu’entre le gouvernement et les propriétaires fonciers est essentielle.

Insuffisance des données

Le Comité a été mis au courant de l’inexistence d’un registre exhaustif des conduites en plomb au Canada. Les témoins ont défini un certain nombre de facteurs qui contribuent à l’insuffisance de données. M. Gagnon et Mme Michèle Grenier (Ontario Water Works Association) ont expliqué que certains dossiers remontant au début du dernier siècle ont été perdus, et d’autres plus récents sont incomplets.

Cela dit, M. Carl Yates (Halifax Water) a observé que tant l’American Water Works Association que Halifax Water ont reconnu ce registre comme l’un des principaux problèmes à résoudre. Dans la même veine, M. Alain Desruisseaux (Bureau de l’infrastructure du Canada) a admis qu’il faut en faire davantage quant à la collecte de données sur la gestion des actifs, notamment les actifs pour l’eau.

Normes d’échantillonnage

Comme M. Greg Carreau (ministère de la Santé) l’a expliqué, Santé Canada travaille en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour établir des lignes directrices sur la qualité de l’eau potable au Canada. En janvier 2011, le Comité fédéral-provincial-territorial sur l’eau potable a publié un document de consultation publique où il propose de ramener la concentration maximale acceptable (CMA) de plomb dans l’eau potable de 10 à 5 μg/L (microgrammes par litre).

Au cours des audiences, des témoins, dont Mme Michèle Prévost (École Polytechnique de Montréal), ont dit appuyer la norme révisée que Santé Canada propose. Par contre, certains d’entre eux, dont l’Association canadienne des eaux potables et usées, ont fait savoir que nombre de services d’approvisionnement seront incapables de s’adapter immédiatement à la nouvelle norme et risqueront ainsi d’être considérés comme non conformes par les autorités provinciales. Par conséquent, M. Craik (EPCOR Utilities Inc.) a proposé d’inclure à toutes les nouvelles lignes directrices une période d’ajustement pour les services d’approvisionnement.

Des témoins, dont M. Craik, ont également signalé que les résultats de tout programme de surveillance du plomb sont tributaires de la manière dont les échantillons sont recueillis et testés, leur quantité ainsi que le moment et le lieu où ils ont été recueillis. Il insiste donc sur l’importance de préciser les protocoles d’échantillonnage et les exigences du programme de surveillance dans la nouvelle ligne directrice de Santé Canada.

Coûts

Les témoins ont convenu à l’unanimité que les coûts représentent un obstacle important au remplacement des conduites en plomb. Admettant que les coûts varient selon les circonstances propres à chaque remplacement, la Fédération canadienne des municipalités a indiqué au Comité que le remplacement du tronçon privé d’une conduite en plomb coûte habituellement 5 000 $, et celui d’un tronçon public, 10 000 $ (les coûts plus élevés pour remplacer le tronçon public s’expliquent entre autres par la réfection de la chaussée et le contrôle de la circulation ). Des témoins, notamment Mme Grenier ont relevé qu’il est possible de réaliser des économies d’échelle si les propriétaires fonciers et la municipalité remplacent leur tronçon respectif de la conduite en plomb en même temps.

Plusieurs municipalités, dont Halifax et Welland, ont déjà pris des mesures actives pour encourager les propriétaires fonciers à se prévaloir de ces économies d’échelle. Par exemple, Halifax offre de payer le quart des coûts de remplacement du tronçon privé d’une conduite en plomb et de préautoriser certains entrepreneurs pour les recommander aux propriétaires fonciers. De même, Welland a mis en place un programme d’aide aux propriétaires fonciers, qui offre jusqu’à 1 500 $ pour le remplacement d’une conduite en plomb par l’entremise d’un programme commun avec la région de Niagara.

En dépit de ces efforts, M. Iannello (Welland) a signalé au Comité que seuls 10 % des tronçons privés des conduites en plomb connues de Welland ont été remplacés.

Au-delà des obstacles posés par les coûts, M. Craik a signalé que bon nombre des conduites en plomb sont raccordées à des propriétés en location dont les locataires n’ont à peu près pas leur mot à dire sur le remplacement de la conduite.

Éducation du public et sensibilisation

Des témoins ont également indiqué que le manque de sensibilisation publique constituait un obstacle au remplacement des conduites en plomb. M. Craik a dit au Comité que de nombreux propriétaires sont étonnés d’apprendre qu’ils possèdent une partie des conduites en plomb et qu’ils sont normalement réticents à dépenser pour les remplacer. Mme Grenier a fait remarquer que certains propriétaires fonciers, en particulier « les consommateurs plus âgés », sont réticents à changer leur conduite en plomb, car ils ont l’impression de ne plus être exposés aux effets d’une forte concentration de plomb.

Des témoins se sont dits également préoccupés par l’absence de sensibilisation dans les services d’approvisionnement en eau. M. Yates a fait savoir au Comité que, selon lui, le plomb dans l’eau potable est un problème beaucoup plus grave « que bien des services d’approvisionnement et leurs organismes provinciaux de réglementation ne le comprennent ».

Au-delà des mesures d’éducation du public traditionnelles, plusieurs témoins ont recommandé de faire appel aux associations de courtage immobilier provinciales afin que la présence de conduites en plomb soit déclarée aux acheteurs potentiels au moment de la vente d’une maison.

LUTTE CONTRE LA CORROSION

Comme M. Gagnon l’a expliqué, la lutte contre la corrosion est un processus où les services d’approvisionnement en eau traitent chimiquement l’eau pour réduire le plus possible la libération du plomb. Même si le remplacement complet d’une conduite en plomb élimine la principale source de plomb, les témoins ont informé le Comité que la lutte contre la corrosion est tout de même nécessaire pour atténuer le risque provenant d’autres sources comme les soudures et les raccords en laiton. En fait, M. Craik a déclaré au Comité que le programme d’échantillonnage aléatoire a montré que les concentrations de plomb dépassent parfois les seuils acceptés par la ligne directrice, même dans les maisons exemptes de conduites en plomb.

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

Le Comité reconnaît que la distribution d’eau potable est un champ de compétence provinciale. Cela dit, à la lumière des risques pour la santé publique posés par le plomb dans l’eau potable et de la responsabilité du gouvernement fédéral quant aux infrastructures, il fait les observations et recommandations suivantes.

Observations

(i) Aide aux propriétaires fonciers

Le Comité observe que bien des témoins ont souligné l’importance d’aider les propriétaires fonciers à assumer les coûts pour remplacer une conduite en plomb. Il note que plusieurs municipalités sont dotées de programmes de subventions et de prêts visant à rendre le remplacement plus abordable. Le Comité prend acte des avantages de ces ententes et encourage les municipalités à faire davantage appel aux solutions possibles et autres mesures novatrices.

(ii) Éducation publique et sensibilisation

Le Comité observe que bon nombre de Canadiens ignorent l’existence de conduites en plomb dans leur localité et la pleine mesure des problèmes de santé associés aux trop fortes concentrations de plomb dans l’eau. Il encourage les municipalités à continuer à chercher des moyens d’effectuer plus de sensibilisation, de mieux éduquer la population et de faciliter le signalement de conduite en plomb.

Recommandations

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral collabore avec les provinces, les territoires, les municipalités et autres parties concernées pour régler le problème de santé publique que représente la présence du plomb dans l’eau potable et pour accélérer le remplacement des conduites en plomb. Parmi les mesures prioritaires, on trouvera :

  • Collaborer avec le Bureau de l’infrastructure du Canada et d’autres partenaires pour déterminer les sources potentielles de financement destinées aux provinces et municipalités pour lutter contre la corrosion et régler les difficultés posées par le remplacement des conduites en plomb qui leur sont propres.
  • Collaborer avec les communautés des Premières Nations pour lutter contre la corrosion et régler les difficultés posées par le remplacement des conduites en plomb qui leur sont propres.
  • Collaborer avec les provinces, les territoires et les municipalités pour harmoniser l’application des lignes directrices sur le plomb et des protocoles d’analyse de Santé Canada partout au pays.

 

DEMANDE DE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au présent rapport.

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (réunions nos  48, 63, 83, 85 and 86) est déposé.

 

Respectueusement soumis,
La présidente,
L’hon. Judy A. Sgro, C.P., députée