[Enregistrement électronique]
Le mardi 6 juin 1995
[Traduction]
Le vice-président (M. Shepherd): Je déclare ouverte cette séance du comité des comptes publics. Tout d'abord, conformément à l'article 108(3)(d) du Règlement, nous passons à l'étude du chapitre 6 du rapport de mai 1995 du vérificateur général, les subventions fédérales au transport, le programme de subventions au transport des marchandises dans la région de l'Atlantique.
Au nom du comité, permettez-moi de vous souhaiter à tous la bienvenue. Comme c'est notre habitude, nous allons commencer par le représentant du Bureau du vérificateur général. Avant de faire votre exposé, vous pourriez peut-être vous présenter ainsi que vos collègues.
M. Shahid Minto (vérificateur général adjoint, Opérations des vérifications, Bureau du vérificateur général): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Shahid Minto. Je suis vérificateur général adjoint responsable des opérations de vérification au ministère des Transports et à l'Office national des transports. Je suis accompagné aujourd'hui de mon collègue M. Hugh McRoberts, principal responsable de cette vérification et l'auteur du chapitre que vous discutez aujourd'hui.
Monsieur le président, nous sommes heureux d'être ici aujourdui pour discuter avec le comité du chapitre sur les subventions fédérales au transport. Je crois comprendre que l'audience d'aujourdui portera sur la partie du chapitre qui traite du Programme de subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique, communément désigné par le sigle anglais ARFA. Je limiterai donc mon bref commentaire d'introduction à cette partie.
Le Programme prévoit des subventions pour le transport routier ou ferroviaire de la plupart des marchandises en direction ouest à partir du territoire choisi et pour les mouvements à l'intérieur du territoire choisi. Le territoire choisi comprend l'île de Terre-Neuve, les provinces Maritimes et la partie du sud du Québec à l'est de Lévis. C'est le transport routier qui est devenu le principal mode de transport subventionné par le Programme. Le Programme est exécuté par l'Office national des transports mais la responsabilité politique de celui-ci incombe au ministère des Transports.
Dans notre vérification de 1987, nous recommandions que le Programme soit évalué. Un rapport d'étude intitulé Programme de subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique, Cahier d'information a été préparé et publié en 1994. Nous avons examiné ce rapport et constaté que, compte tenu des limites propres à ce genre d'étude, il était fiable.
Notre principale préoccupation a trait au contrôle des subventions versées aux transporteurs qui ont un lien de dépendance avec l'expéditeur des marchandises. Nos informations révèlent que, depuis 1988, année de la déréglementation des taux du transport par camion, les subventions versées aux mouvements effectués par des transporteurs-expéditeurs avec lien de dépendance représentent dorénavant plus de 30 p. 100 du Programme. Nos informations indiquent également que les taux appliqués par certains de ces transporteurs ont augmenté beaucoup plus rapidement que les taux du transport par camion en général (40 p. 100 par rapport à 8 p. 100). Le montant de la subvention payée représente un pourcentage des taux de transport déposés.
Monsieur le président, l'ONT estime ne pas pouvoir faire enquête sur les taux déposés par ces transporteurs, car il considère ne pas avoir l'autorité de rejeter une demande en se fondant sur le niveau des frais de transport.
Dans son budget de février, le gouvernement a annoncé que le Programme prendra fin le 1er juillet. Toutefois, il s'écoule souvent quelques mois entre le moment d'une expédition de marchandises et le moment où la demande de paiement est soumise à l'Office. Cela signifie qu'il restera des sommes imporatntes à verser aux termes de ce programme.
La fin d'un programme gouvernemental comporte toujours des risques mais notre avis, le pouvoir de l'Office de réviser les frais de transport accroît ce risque. Par conséquent, nous avons formulé deux recommandaitons en vue de protéger les fonds publics durant la dissolution du Programme.
Monsieur le président, nous avons recommandé à l'Office de chercher à obtenir l'autorisation claire de rejeter les demandes lorsqu'il ne peut juger du caractère raisonnable des frais de transport qu'on lui soumet.
Nous lui avons aussi recommandé de faire une évaluation des risques et de se fonder sur celle-ci pour déterminer le caractère raisonnable des demandes relevées. Nous lui avons particulièrement recommandé de faire une enquête approfondie sur toute augmentation des taux ou du degré d'activité avant de verser la subvention. L'ONT a déclaré qu'il était d'accord avec nos recommandations.
Ceci met fin au bref résumé de cette partie du chapitre. Nous serons heureux de répondre aux questions sur notre vérification.
Le vice-président (M. Shepherd): Merci beaucoup. Peut-être pouvons-nous entendre tous les témoins et ensuite nous passerons aux questions. La parole est au ministère des Transports.
Mme Moya Greene (sous-ministre adjointe, Politique et coordination, ministère des Transports): Je m'appelle Moya Greene. Je suis sous-ministre adjointe aux politiques au ministère des Transports.
Monsieur le président, mesdames et messieurs, je suis très heureuse d'avoir avec moi, pour nous aider dans nos délibérations, deux de mes collègues du ministère des Transports qui ont participé très étroitement à l'étude du Ministère sur les frais de transport dans les Maritimes et le Programme de subvention au transport des marchandises dans la Région de l'Atlantique.
Ted Rudback est directeur général, analyste économique au ministère des Transoprts. John Lawson est notre principal analyste économique et le principal responsable au niveau de la conception et de l'exécution de notre étude. Évidemment, ils sont à votre disposition pour répondre à toutes vos questions.
Si les membres du comité le permettent, j'aimerais maintenant faire quelques remarques.
Nous avons étudié les recommandations du vérificateur général dans son plus récent rapport. J'ajouterai que nous sommes heureux des conclusions du vérificateur général après avoir vérifié le travail que nous avons effectué sur ce programme compliqué de subventions.
Nous acceptons les recommandations du vérificateur général. Comme vous le savez probablement, monsieur le président, le gouvernement avait déjà pris la décision de mettre fin au programme, principalement à cause des conclusions de l'étude menée par le ministère des Transports.
Dans sa recommandation 6.159, le vérificateur général recommande que l'Office demande l'autorisation nécessaire pour lui permettre d'ici à la fin des subventions, c'est-à-dire jusqu'à la date finale de paiement, soit en décembre, de rejeter les demandes jugées déraisonnables.
Nous avons sollicité un avis juridique sur la meilleure façon de procéder. Certains avaient prétendu qu'il faudrait peut-être accorder ce pouvoir à l'office par règlement. Notre conseiller juridique nous dit que ce n'est pas nécessaire. L'Office, en sa qualité de tribunal quasi-judiciaire, et comme organisme responsable de l'administration de la subvention, détient le pouvoir général de s'assurer du caractère raisonnable et approprié des paiements versés aux termes du programme de subventions.
M. Young, ministre des Transports, a écrit à M. Rivard, le président de l'Office, en réponse à une lettre de ce dernier afin de le prévenir qu'il n'était pas nécessaire d'avoir un règlement et qu'il devait considérer qu'aux termes de sa nomination à l'Office, et en vertu de la loi créant la subvention, il détenait pleins pouvoirs pour exercer toute la diligence voulue pour s'assurer que l'on ne paie pas de demandes déraisonnables et que l'on n'exige pas des montants excessifs du trésor public surtout au cours des derniers jours du programme.
J'aimerais maintenant consacrer quelques instants, monsieur le président, mesdames et messieurs, pour vous expliquer, en quelques mots, ce que nous avons fait au Ministère, afin d'évaluer ce programme. Il s'agit d'ailleurs d'un programme qui suscite beaucoup d'inquiétude longtemps. Nous avons commencé sérieusement au début de 1992 à planifier l'examen peut-être le plus approfondi de ce programme de subventions.
Comme vous le savez probablement grâce à l'historique que nous avons fourni au comité, ce programme ou cette subvention est très profondément ancrée dans la région de l'Atlantique et le Québec. La subvention existe depuis longtemps. Elle a été le sujet d'examen de plusieurs commissions d'enquête et on a effectué de nombreuses études sur son importance pour la région ainsi que sur son efficacité.
Aucune de ces commissions d'enquête ou études toutefois, n'a examiné de façon détaillée le transport que le programme subventionnait. Notre étude est en fait la première à examiner un échantillon statistiquement valable d'expéditions.
En fait, c'est de concert avec Statistique Canada que nous avons déterminé l'échantillon. Nous avons examiné environ 75 000 expéditions afin de vraiment pouvoir déterminer les points d'origine et de destination des marchandises transportées, nous avons examiné des données parfois manuscrites sur des milliers de connaissements afin de créer des dossiers informatisés de façon à permettree l'analyse des données. Ainsi nous allions pouvoir déterminer qui recevait la subvention, dans quelle circonstance, le montant versé pour divers types de produits de façon à pouvoir déterminer la destination de ces produits. J'espère que les membres du comité comprendront que la compilation de ces données a exigé énormément d'efforts.
Jusqu'à présent, la plupart des études reposaient sur des vieilles et vagues croyances sur la destination des fonds. En fait, aucune analyse réelle n'avait été effectuée sur les expéditions précises. Comme vous le savez, notre étude a révélé des conclusions qui ont surpris même certains qui avaient une excellente connaissance du programme, car ce n'est que lorsque l'on se penche sur les données détaillées que l'on comprend où va vraiment l'argent.
À notre surprise, nous avons constaté que le gros de la subvention était versée pour des marchandises acheminées sur de très courte distance; en fait, de moins de 200 km. Nous avons constaté que certains groupes de produits obtenaient une grande part de la subvention, mais qu'en fait, tous les produits imaginables étaient subventionnés d'une façon ou d'une autre, à l'exception peut-être de quelques articles que nous avions réussi à faire rayer de la liste des produits admissibles en 1992.
Je le mentionne simplement parce que je tiens à souligner, à votre intention, que s'il était difficile d'étudier ce programme, c'était encore bien plus difficile sans doute pour l'Office de l'administrer. La subvention est versée aux transporteurs en fonction des connaissements pour chaque expédition. On subventionne parfois jusqu'à 2 millions d'expéditions par année.
Le programme est un amalgame de plusieurs programmes statutaires et autres instruments législatifs qui s'y sont rajoutés, le tout remontant en fait au début du siècle. Donc si l'on songe à la façon dont on effectue les versements, la grande confusion en matière législative, qui entoure le programme... Permettez-moi d'ajouter une note personnelle, deux lois, trois ensembles différents de règlements - soit une structure législative qui permettait à un comité d'ajouter essentiellement des produits à la liste de ceux dont le transport est subventionné. Quand on songe à l'administration, à la confusion qui règne dans les dispositions législatives régissant le programme et aux changements cruciaux qui sont survenus dans les transports au cours de la durée de ce programme, qui ne sont pas réflétés dans la loi ni dans les règlements et donc par définition dans l'administration, nous n'avons pas été surpris, monsieur le président, de la complexité de cette étude.
Je tenais à le souligner afin d'attirer votre attention sur les dispositions législatives de ce programme et sur le bien-fondé de baser un programme sur un pourcentage précis d'un tarif une fois que les tarifs sont déréglementés. Voici donc un programme, mis en place lorsque tous les tarifs de transport étaient très réglementés, qui a continué d'exister longtemps après que de grands changements se soient produits dans les transports dans la région.
Les autres constatations de l'étude que j'estime pertinentes ont probablement porté le gouvernement à décider qu'il n'y avait pas moyen, ni lieu de modifier ce programme pour le rendre plus efficace. Il n'y avait rien, compte tenu du fait qu'il s'agissait d'un programme qui réunissait les dispositions de plusieurs lois, de plusieurs règlements, à la lumière des contraintes budgétaires qui sont celles de tous les gouvernements ces temps-ci, que nous pouvions entreprendre pour améliorer le programme.
Plus important encore, parce que c'était la première fois que nous avions des données sur la destination et les destinataires de la subvention, nous avons pu les comparer aux objectifs déclarés qui remontaient je pense aux années 1920. Rien ne justifiait le maintien de ce programme. C'est pourquoi le gouvernement a décidé que la meilleure chose à faire, ce n'était pas de tenter de remédier aux lacunes, ce qui n'aurait constitué qu'une autre greffe à un appareil lourdement chargé déjà en place entraînant un plus grand nombre d'anomalies encore à l'avenir mais qu'il fallait discontinuer le programme.
À ce sujet, je pense que le gouvernement a déclaré clairement qu'il serait très difficile de tenter de rectifier le tir. En outre, lorsque nous avons examiné les circonstances qui prévalaient dans les années 1920, lesquelles ont donné lieu à ce programme, pour les comparer aux circonstances actuelles, il était évident pour le gouvernement que ce programme ne répondait plus aux objectifs qui avaient donné lieu à sa création et donc qu'il n'était probablement plus nécessaire.
Voilà qui met fin à mon exposé. Comme toile de fond à la réponse du gouvernement, je tenais à donner quelques renseignements aux membres du comité sur les décisions que nous avons prises, nos raisons et les moyens employés.
Le vice-président (M. Shepherd): Merci beaucoup.
M. Williams (St-Albert): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Les propos de Mme Greene, bien que très utiles, ne correspondent pas exactement à son mémoire. Par conséquent, je demanderais que le mémoire distribué aux membres du comité soit imprimé en annexe au procès-verbal de la réunion.
Le vice-président (M. Shepherd): Très bien.
Monsieur le président, c'est avec plaisir que je représente aujourd'hui le ministère des Transports avec mes collègues Ted Rudback et John Lawson, étant donné l'absence du Sous- ministre pour des raisons indépendantes de sa volonté.
La réponse du ministère aux recommandations du vérificateur général revêt sûrement beaucoup d'intérêt pour le comité, tout comme la mesure dans laquelle le ministère s est préoccupé de l'efficacité du programme et du contrôle des dépenses connexes ces dernières années.
J'aimerais donc tout d'abord informer le comité de la réponse du ministère aux recommandations du vérificateur général. La deuxième recommandation (par. 6.159) est celle qui s'applique au ministère. L'Office a bel et bien écrit au ministre pour lui demander l'autorisation sans équivoque de rejeter des demandes jugées déraisonnables durant les dernières semaines de la période prévue pour mettre fin au programme (l'Office acceptera des demandes jusqu'au 1er septembre pour les expéditions effectuées au plus tard le 30 juin). Le ministère a demandé un avis juridique à ce sujet aux avocats du ministère de la Justice affectés à Transports Canada, qui lui ont répondu que l'Office, en sa qualité de tribunal quasi judiciaire, a l'autorité nécessaire pour rejeter les demandes jugées déraisonnables. Même si cela aurait pu être rendu explicite dans un règlement, nous manquions de temps pour compléter le processus réglementaire avant la fin du programme et l'abrogation de la loi. Le ministre a donc écrit au président de l'Office le 11 mai pour l'informer que selon l'avis juridique obtenu, l'Office a le pouvoir nécessaire pour rejeter des demandes déraisonnables. Le ministre a de plus ajouté qu'il s'attend à ce que l'Office fasse preuve de diligence lorsqu'il détermine que les demandes sont raisonnables et prend les mesures qui conviennent. (les membres du comité peuvent consulter la lettre du ministre s'ils le souhaitent.) Mon collègue de l'Office informera le comité des mesures que l'Office prend actuellement.
Pour ce qui est des efforts déployés par le ministère pour évaluer et contrôler le programme, je peux garantir au comité que le contrôle du programme a été une grande source de préoccupation pour le ministère, comme en témoignent les mesures prises récemment. Il a amené le ministère à entreprendre le récent examen dont il est question dans le rapport du vérificateur général (et je crois d'ailleurs que des copies ont été distribuées). Cet examen, à son tour, a joué un rôle important dans la décision du gouvernement d'éliminer le programme, comme il a été annoncé dans le budget.
Pour mettre l'examen en contexte, j'ai annexé à mes notes une brève description du programme. Je me ferais un plaisir de donner des explications détaillées aux membres s'ils lesouhaitent, mais je suppose que le comité préfère plutôt que je sois bref. Je ferai donc seulement quelques commentaires sur l'état du programme tel que je l'ai trouvé à mon arrivée au ministère en 1991. Le programme avait une structure qui ressemblait à un labyrinthe, ce qui découlait des changements apportés aux lois au cours des décennies, des nouvelles lois qui en ont remplacé et modifié d'anciennes, des règlements qui se sont accumulés, des décisions des tribunaux et des décisions administratives qui venaient modifier leur application. Le programme devait être sélectif et s'appliquer seulement aux expéditions importantes pour le développement de la région, mais il subventionnait les livraisons de pain et de lait, le transport des articles ménagers des émigrants à l'extérieur de la région ainsi que le transport des bouteilles de bière vides aux brasseries. De plus, une procédure en vigueur permettait d'appliquer le taux de subvention le plus élevé aux produits neufs, ce qu'avaient recommandé les expéditeurs et les provinces qui recevaient les subventions.
Par ailleurs le programme avait clairement été conçu pour une période où les taux de transport étaient réglementés-les subventions versées représentaient un pourcentage des taux de transport, ce qui convenait lorsque les taux étaient fixés par les gouvernements, mais puisque depuis le début des années 80 les provinces n'établissaient plus les taux et que les transporteurs décidaient de leurs prix, les transporteurs établissaient ainsi leurs propres subventions. Le programme devait aussi exclure les transporteurs qui appartiennent aux expéditeurs, puisqu'il est difficile de contrôler leurs taux. Cependant, dans des jugements rendus dans le milieu des années 80, des tribunaux ont déclaré que certains types d'associations étaient admissibles, et la déréglementation de l'industrie du camionnage a permis à ce genre d'associés d'obtenir des licences de transport pour compte d'autrui plus facilement. Ces associés pouvaient donc connaître un essor considérable.
Évidemment, les subventions semblaient augmenter très rapidement et aucune limite n'avait été imposée. Le gouvernement était obligé de payer toutes les demandes admissibles, lesquelles augmentaient au même rythme que l'industrie du camionnage et à mesure que le programme devenait de plus en plus connu.
Devant cette situation complexe, une de mes premières priorités a été d'entreprendre un examen qui, je comptais bien, serait d'une rigueur sans précédent.
Au fil des ans, le programme avait fait l'objet de nombreuses études dans le cadre de diverses commissions royales d'enquête, de recherches universitaires et d'examens commandés par le ministère. Le dernier grand examen avait été réalisé en 1983. À cette occasion un petit échantillon de demandes avait été étudié et un expert-conseil avait évalué les répercussions sur l'emploi. Selon l'évaluation de ce dernier, au pire, 12 000 emplois étaient en jeu si le programme était éliminé. Cette étude a beaucoup fait parler d'elle dans la région.
Comme le comité le sait, le rapport du vérificateur général de 1987 mettait en question l'efficacité et le contrôle du programme et recommandait la tenue d'une évaluation et l'adoption de meilleurs contrôles administratifs.
Le manque de données sur les détails des demandes a toujours constitué une importante lacune des études antérieures. Dans le cas des demandes présentées par les entreprises de camionnage, les renseignements nécessaires ne sont pas disponibles dans un résumé ou dans un format informatique. L'information se trouve seulement dans les quelque 2 millions de feuilles de route présentées tous les ans, lesquelles n'ont pas de format commun et sont souvent manuscrites. Ces feuilles doivent être lues une à une pour déterminer des données essentielles comme le nom de l'expéditeur, les marchandises transportées ainsi que l'origine et la destination de l'expédition. La plupart des études et des examens n'avaient pas les ressources nécessaires pour regarder ces documents en détail et ne tenaient compte que des renseignements sommaires publiés par l'ONT concernant le total des paiements versés en vertu des lois pertinentes et dans le cadre de chaque volet du programme (Ittmpm, lstmra, sub. Intra-régionale, sub. de base, aide sélective).
Pour l'étude de 1993, nous étions déterminés à décrire de façon plus détaillée que jamais la nature des expéditions subventionnées et donner, pour la première fois, des précisions sur les points d'origine et de destination, le poids des expéditions et les distances parcourues ainsi que les marchandises transportées. Nous avons donc conçu un échantillon statistique suffisamment important et représentatif pour obtenir des estimations fiables. Nous avons retenu 75 000 expéditions en appliquant un processus de sélection au hasard des demandes présentées en 1992 parmi les dossiers de l'ONT et nous avons extrait l'information pertinente de chaque demande notamment le nom de l'expéditeur, les marchandises transportées, le poids de l'expédition, les points d'origine et de destination.
Cependant, ce simple énoncé de ce que nous avons fait est loin de faire justice aux efforts déployés, que je qualifierais d'extraordinaires. Le processus comportait des recherches dans les millions de dossiers de l'ont stockés dans les archives à Halifax pour sélectionner l'échantillon nécessaire, l'envoi des dossiers par caisses aux bureaux de l'ONT à Moncton, puis la transcription et le codage à la main des détails des 75 000 feuilles de route pour créer des dossiers informatisés, et la vérification et la correction pour supprimer les erreurs. Nous avons embauché 17 employés qui ont travaillé à plein temps tout au long de l'été 1993, sous la supervision du personnel de l'ONT et du ministère.
La base de données qui a ainsi été constituée a ensuite été analysée par le personnel du ministère à Ottawa durant l'automne et l'hiver 1993-1994. Les données-échantillon ont fait l'objet de pondération statistique et d'estimations pour obtenir la répartition des expéditions par type de marchandise, par mode et par itinéraire. On a aussi comparé les subventions avec la production des industries bénéficiaires, afin de montrer l'importance des subventions dans leurs structures de coûts. Les descriptions ainsi produites de la nature et des effets des subventions qui ont été incluses dans les rapports publiés en juillet 1994 sont sans précédent dans l'histoire du programme.
Les constatations de l'étude ont été extrêmement utiles pour l'évaluation des politiques qui a suivi. Parmi les plus importantes de ces constatations, signalons le maintien de la dominance des paiements pour le transport intra-régional en dépit de toutes les tentatives faites pour réorienter le programme vers les échanges avec le reste du Canada; la dominance des expéditions sur de très courtes distances à l'intérieur de la région ou tout juste de l'autre côté de la limite du territoire; la concentration des subventions versées pour les produits forestiers et agricoles non transformés et l'absence relative de marchandises entièrement manufacturées; enfin, le paiement de taux plus élevés prévus par les subventions aux mouvements de sortie pour les expéditions au-delà de la frontière à l'intérieur du Québec, tandis que des expéditions par ailleurs identiques dans les provinces de l'Atlantique ne recevaient que le taux intra-régional plus bas.
En outre, une analyse supplémentaire des taux des entreprises de camionnage effectuée par le personnel du ministère au moyen des données d'enquête de Statistique Canada a comparé, selon des techniques économétriques, les taux pratiqués à l'égard du trafic subventionné à l'intérieur de la région à ceux applicables au trafic non subventionné à l'intérieur de la région et dans le reste du pays, et a conclu que les taux du trafic subventionné étaient plus élevés, indiquant que les transporteurs s'appropriaient effectivement une part de la subvention destinée aux expéditeurs.
Je crois que le comité est au courant, à la lumière du rapport du vérificateur général, que le personnel du vérificateur général a fait un examen minutieux de l'évaluation du ministère et nous a félicités pour sa qualité. Je peux ajouter que nous avons discuté des constatations abondamment avec des universitaires et nous avons reçu une acceptation générale de l'authenticité de notre évaluation. De plus, un sommaire de l'analyse des taux de transport des marchandises a reçu un prix il y a quelques jours du groupe de recherches sur les transports au Canada.
Comme les membres ont accès au rapport du ministère ainsi qu'au compte rendu de l'étude préparé par le vérificateur général, je ne m'attarderai pas à décrire ses constatations, mais je demeure à votre disposition, tout comme mon personnel, pour vous donner tous les détails nécessaires pour répondre aux questions des membres.
Merci monsieur le président.
APERÇU DU PROGRAMME DE SUBVENTIONS AU TRANSPORT DES MARCHANDISES DANS LA RÉGION ATLANTIQUE
Dans le cadre de ce Programme, des subventions sont versées aux transporteurs pour les expéditions de marchandises à l'intérieur du territoire formé par les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l'Île-du-Prince-Édouard, l'île de Terre-Neuve et la partie du Québec se trouvant à l'est de Lévis et au sud du Saint-Laurent, ou hors de ce territoire en direction ouest vers le reste du Canada.
Ce Programme est autorisé en vertu de la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes (1927), de la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique (1969) et des règlements pris sous le régime de cette dernière.
L'Office national des transports se charge de l'administration du Programme par l'entremise de son bureau régional de Moncton. Chaque année, quelque 2 000 transporteurs présentent des demandes concernant environ 2 millions d'expéditions.
Le Programme comprend trois sous-programmes comportant différents taux de subventions et différents critères d'admissibilité pour les expéditions.
1. Subventions au transport intra-régional - 8 p. 100 des frais de transport peuvent être versés pour les expéditions dont les points d'origine et de destination sont situés à l'intérieur du territoire, y compris les expéditions destinées aux ports du territoire en vue de leur exportation par bateau. La plupart des marchandises transportées à l'intérieur du territoire sont admissibles, mais les expéditions de produits pétroliers, de boissons alcoolisées, de boissons gazeuses, de sable et de gravier ainsi que les expéditions de moins de 8 km, entre autres, sont exclues.
2. Subventions de base aux mouvements de sortie - 28,5 p. 100 des frais de transport du point d'origine jusqu'à la limite du territoire sont couverts. Toutes les expéditions destinées à un point au Canada à l'ouest de la limite du territoire sont admissibles, à l'exception des mouvements de déchets et de rebuts ainsi que d'articles ménagers.
3. Aide sélective aux mouvements de sortie - 20 p. 100 des frais de transport du point d'origine jusqu'à la limite du territoire sont payés, en plus de la subvention de base aux mouvements de sortie, pour les expéditions de certaines marchandises précisées dans la réglementation. Le Comité fédéral-provincial sur les transports dans les provinces de l'Atlantique recommande quelles sont les marchandises admissibles. Ces dernières comprennent essentiellement tous les aliments frais et les produits qui ont réalisé le maximum de leur valeur dans la région.
Les expéditions suivantes devaient être catégoriquement exclues du programme :
- les expéditions effectuées par un transporteur appartenant à l'expéditeur;
- les expéditions par voie terrestre à destination des États-Unis;
- les expéditions de marchandises importées dans le territoire;
- les expéditions de marchandises en direction est dans le territoire ou à travers ce dernier.
En 1993-1994, 47 p. 100 des paiements ont été versés en subventions au transport intra- régional, 38 p. 100 en subventions de base aux mouvements de sortie et 15 p. 100 en aide sélective aux mouvements de sortie. De plus, les entreprises de camionnage ont reçu environ 80 p. 100 des subventions, les transporteurs ferroviaires en ont obtenu 20 p. 100 et les transporteurs maritimes ont eu une part d'environ un demi pour cent.
M. Williams (St-Albert): Pouvons-nous maintenant passer à l'Office national des transports? Monsieur Rimmer.
M. Doug Rimmer (directeur général, Transport maritime, camionnage et bureaux régionaux, Office national des transports): Bonjour, monsieur le président. Je suis le directeur du programme, directement responsable de l'administration du programme de subventions au transport des marchandises dans la région de l'Atlantique. Je suis accompagné aujourd'hui de Ron Ashley, conseiller juridique de l'Office national des transports.
[Français]
La présentation d'aujourd'hui porte sur l'administration du Programme de subventions au transport des marchandises dans la Région Atlantique qui relève de l'Office et dont il est question dans la deuxième moitié du chapitre 6 du Rapport du vérificateur général.
Cet exposé introductif vous donnera un aperçu des responsabilités de l'Office en ce qui a trait à ce programme. Par la suite, j'aborderai la façon dont l'Office entend donner suite aux recommandations du vérificateur général relatives à l'abolition du programme.
[Traduction]
L'Office national des transports s'occupe de l'aspect administratif du programme de subventions régi par la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces maritimes ainsi que la Loi sur les subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique. L'office n'a aucune responsabilité en matière de politiques, celles-ci étant du ressort du ministre des Transports et de son ministère.
Les tâches administratives précises de l'Office en vertu de la Loi comprenne la certification des transporteurs attestant qu'ils ont droit aux subventions, l'examen des demandes de subventions ainsi que la certification des montants accordés. C'est au ministère des Transports qu'il incombe d'effectuer les paiements et plusieurs ministres successifs ont choisi de déléguer cette responsabilité financière à l'Office.
Les statistiques jointes en fin d'exposé démontrent l'ampleur de notre charge de travail. L'Office reçoit et traite annuellement quelque 20 000 demandes de subventions provenant de plus de 2 000 transporteurs, ce qui représente à proprement dit des centaines et des centaines de mouvements individuels - selon nos estimations, plus de deux millions au total. L'Office doit se pencher sur la question d'admissibilité pour chacun de ces mouvements.
En ce qui a trait aux recommandations proprement dites formulées par le vérificateur général dans son rapport, celles-ci portent sur les risques particuliers inhérents à la suppressiond'un programme. Selon la première recommandation, l'Office doit examiner les demandes à risque élevé qui indiquent une augmentation du degré d'activité ou des taux afin de s'assurer qu'elles sont raisonnables.
La deuxième recommandation propose que l'Office obtienne de Transports Canada l'autorisation claire de rejeter toute demande de subventions en raison de ce que l'on qualifie de taux «excessifs».
[Français]
Tel qu'on l'indique dans le rapport du vérificateur général, l'Office appuie ces deux recommandations.
En ce qui a trait à la deuxième recommandation, le président de l'Office a adressé une lettre au ministre des Transports, le 27 avril, à laquelle le ministre a répondu le 11 mai.
Le président a maintenant demandé au personnel de l'Office de donner suite à la première recommandation et on a élaboré une nouvelle procédure d'examen des demandes qui démontrent une augmentation considérable soit des taux, soit du degré d'activité. La procédure vise également à assurer que les demandes ne soient pas fondées sur des taux «déraisonnables» exigés par les transporteurs.
[Traduction]
Cet examen sera effectué en fonction de l'évaluation des risques faite par le personnel de l'Office, suivant la recommandation du vérificateur général. L'Office a mis le ministre au fait de ses plans dans une lettre du 24 mai. Cette procédure d'examen des taux fait maintenant partie intégrante du programme général de vérification de l'Office relativement au Programme de subventions au transport des marchandises dans la Région atlantique. L'Office a procédé à l'évaluation des risques à partir du moment même où le rapport du vérificateur général a été complété.
Depuis le 1er mai, l'Office a identifié les demandes qui feront l'objet d'une enquête plus approfondie et examine les demandes actuelles au fur et à mesure qu'elles sont déposées. L'Office a également entrepris l'examen des demandes reçues depuis le début de l'année.
Cette démarche est conforme à la recommandation du vérificateur général et de son rapport. Depuis le 25 mai, l'Office a examiné 257 demandes afin d'identifier celles qui indiquaient une augmentation du degré d'activité ou des taux. Parmi celles-ci, 38 seront examinées plus en détail.
L'examen de ces demandes comporte plusieurs étapes et porte sur deux types de risques dont fait état le rapport, soit que les transporteurs augmentent leurs taux de façon artificielle afin d'obtenir des subventions plus élevées pendant la période précédant la dissolution du programme, soit qu'ils déposent des demandes pour des mouvements factices.
Lorsque l'Office estimera que les tarifs de la demande sont douteux, il donnera aux transporteurs la possibilité de compléter l'information et prouver que ces tarifs sont raisonnables. Il appartiendra donc aux transporteurs de justifier leurs tarifs, suite à quoi l'Office étudiera le dossier des demandes et tranchera.
[Français]
Lors de l'examen d'une demande, si l'Office s'aperçoit que le transporteur a déclaré des mouvements qui, d'après l'Office, n'auraient pas eu lieu, l'Office rejette la demande de subvention pour de tels mouvements.
Comme pour toute décision de l'Office, les transporteurs pourront se prévaloir de tous droits d'appel advenant le rejet d'une demande de subvention.
Il est important de souligner que l'Office ne dispose pas des ressources lui permettant d'examiner toutes les demandes qu'il reçoit, soit en général presque 2 000 demandes par mois, représentant chacune des centaines de mouvements individuels. Les transporteurs à risque élevé que l'Office a identifiés à la suite de l'évaluation des risques seront assujettis à cette procédure d'examen.
[Traduction]
L'Office se servira ensuite d'une méthode d'échantillonnage aléatoire qui lui permettra de procéder à un sondage sur le reste des demandes qui lui sont adressées.
Vous trouverez plus d'information dans les documents qui vous ont été adressés en même temps que la déclaration liminaire. Le premier de ces documents qui sont joints à ces déclarations, et qui concerne l'organigramme du processus de vérification des demandes, retrace les cheminements qui peuvent être ceux d'une demande au fur et à mesure que celle-ci est traitée et soumise au processus de vérification de l'Office. Ce tableau inclut également une description du nouveau processus d'examen des tarifs mis en place par l'Office, au fur et à mesure que le programme de subventions est supprimé.
C'est donc une illustration graphique des différents cheminements de la vérification, laquelle nous permettra de procéder à un examen des demandes tout en utilisant de façon optimale nos ressources.
Le deuxième document joint «Rate and Activity Review» donne plus de détails concrets sur ce que je viens de décrire.
[Français]
L'Office est d'avis que la nouvelle procédure permet d'aborder efficacement la question de risque que le vérificateur général a soulevée et permet de donner suite à toutes les recommandations. Nous répondrons volontiers à toutes vos questions à ce sujet.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Selon notre façon habituelle de procéder, nous allons passer la parole au Bloc qui aura dix minutes.
[Français]
M. Laurin (Joliette): J'aimerais adresser ma première question à Mme Greene en me référant à sa déclaration écrite et non pas verbale.
Au troisième paragraphe de sa déclaration, Mme Greene mentionne que le ministre, avant de répondre à la lettre, a fait beaucoup de consultations auprès de ses conseillers juridiques pour savoir s'il lui était légalement permis de procéder de cette façon.
J'aimerais que vous me disiez s'il y a danger de contestation de cette procédure prise par le ministère des Transports. Il est arrivé dans d'autres ministères que quelques années après les événements, ceci ayant été contesté en cours, le gouvernement doive agir rétroactivement, parfois en faveur du contribuable, mais parfois au désavantage de celui-ci. Quels sont les risques de contestation par les bénéficiaires des subventions?
Mme Greene: C'est une très bonne question, monsieur le député. Honnêtement, nous ne savons pas exactement quel est le risque. D'après l'avis de notre conseiller juridique, il est très clair que l'agence a le pouvoir de vérifier les revendications ayant trait aux subventions reçues. Elle a ces pouvoirs d'abord à cause de sa position comme agence quasi judiciaire et deuxièmement parce que la loi elle-même parle de la nécessité d'être raisonnable.
D'après l'avis juridique, il est clair que l'agence a le pouvoir de faire la vérification nécessaire. Cela ne change pas le fait que n'importe qui pourrait toujours mettre en cause un processus quelconque. Tous ont le droit de mettre en cause les systèmes que nous avons mis ou que nous allons mettre en place. À la lumière de l'avis et des conseils que nous avons reçus, nous sommes assez confiants. Les individus ont toujours le droit de faire des pressions, même devant les tribunaux, s'ils le veulent.
M. Laurin: Est-ce qu'il vous serait possible de déposer devant le Comité le contenu des avis juridiques que vous avez reçus sur cette question?
Mme Greene: Oui, bien sûr.
M. Laurin: Nous vous en faisons la demande aujourd'hui et vous pourrez nous les faire parvenir par la suite?
Mme Greene: Oui, bien sûr.
M. Laurin: Le programme existe depuis plusieurs années, depuis 1927, je pense. Il s'agit d'une loi de 1927. Comment se fait-il que l'Office national des transports n'ait pas procédé plus tôt à l'évaluation des taux qui étaient jugés douteux et pourquoi n'a-t-il pas réclamé du ministère plus tôt le pouvoir de refuser des subventions lorsqu'il s'apercevait qu'il y avait exagération?
On a dû attendre une remarque du vérificateur général. Comment expliquez-vous ce retard à agir, à demander plus de pouvoirs ou à dénoncer les problèmes que vous aviez sans doute déjà remarqués et au sujet desquels vous vous sentiez impuissants? Pourquoi avoir attendu si longtemps?
Mme Greene: Je ne dirais pas que nous avons attendu. Comme je l'ai expliqué au Comité, c'est la première fois que nous avons une étude basée sur les vrais éléments de la subvention. On a eu des renseignements informels nous disant qu'il pouvait y avoir des situations où des gens revendiquaient une subvention dans des circonstances où ils n'y étaient pas vraiment admissibles. En réalité, on ne connaissait pas les faits sur lesquels on aurait pu se baser pour effectuer un changement.
En ce qui a trait à l'autorité, je ne peux pas parler de ce qui est arrivé avant mon arrivée au ministère. Une des premières choses que le groupe politique a commencées en 1992, c'est une étude claire et détaillée de la subvention. Cela a été fait avec des renseignements officiels et clairs basés sur des données que nous avons maintenant. Ce sont les outils qui permettent de prendre une décision politique.
M. Laurin: Est-ce que vous administrez d'autres programmes actuellement? Est-ce que dans l'administration des autres programmes, vous remarquez des choses semblables ou si l'ONT n'est pas consciente du fait que la même chose peut se produire ailleurs?
Vous avez quand même des indices. On signale dans vos rapports que certains taux de transport ont augmenté d'environ 40 p. 100, alors que dans le cas des transporteurs qui n'avaient pas de liens de dépendance avec l'expéditeur, les augmentations s'élevaient à environ 8 p. 100. Déjà, c'était sûrement pour vous un indice que quelque chose ne fonctionnait pas, mais il a fallu une dénonciation du vérificateur général pour que l'ONT demande au ministère plus de pouvoirs pour l'aider à remédier à la situation.
Dans les autres programmes que vous administrez, attendez-vous des remarques du vérificateur général avant d'agir et de demander les pouvoirs nécessaires pour régler les abus?
[Traduction]
Mme Greene: Si vous me le permettez, je parlerai anglais, car je m'exprime plus clairement en anglais qu'en français.
Nous n'avons pas attendu le vérificateur général - pas du tout. En fait, le vérificateur général s'est servi de notre étude pour faire son travail. C'est la première fois depuis 1927, lorsque la subvention a été mise en place, qu'une étude a été faite en se servant de données sur l'affectation des fonds, les bénéficiaires, le point de départ du voyage et la destination. C'est la première fois qu'on a vraiment pu comprendre ce qui se passait.
Cette subvention a fait l'objet de nombreuses soi-disant études et a figuré dans le mandat de plusieurs commission d'enquête par le passé. Comme le sait l'honorable député, ce programme est l'un des éléments même qui lie notre fédération. J'irais même jusqu'à dire, monsieur Williams que son importance est encore plus profonde. Le programme est plus ancien que l'assurance-chômage; il découle vraiment de ce sentiment que la région de l'Atlantique était incapable d'exporter de façon compétitive à moins que l'on n'offre une réduction des tarifs ferroviaires, au début du siècle. C'est d'ailleurs ce point de vue qui a entraîné la failite du chemin de fer intercolonial. Je dirais donc que cette subvention constituait un des modus operandi des affaires.
Nous n'avons pas attendu que le vérificateur général nous signale les lacunes. Ni le ministère ni le vérificateur général n'aurait disposé de l'information nécessaire pour déterminer quelles étaient ces lacunes avant cette étude.
Je tiens également à souligner qu'en ce qui concerne la vérification des demandes, il est très difficile de les vérifier lorsque la subvention repose sur un pourcentage, un pourcentage fixe d'un montant qui n'est pas du tout réglementé. Il faut donc comparer le transport d'un même produit, sur la même distance, au cours de la même période, dans les mêmes circonstances avec un transport semblable dans des régions où la subvention ne s'applique pas. Évidemment, les seules régions non subventionnées se trouvent à l'ouest de Lévis, au Québec, où, par définition, les circonstances sont différentes.
Pour ce qui est à d'autres programmes, je ne suis pas personnellement responsable d'un grand nombre d'entre eux, à l'exception, et c'est à noter, des programmes qui découlent de la la Loi sur le transport des grains de l'Ouest. Dans le cas de ce programme également, vous savez sans doute qu'au niveau des paiements, à cause de la complexité du programme de subventions, de nombreuses distorsions existent.
À la suite d'un examen très approfondi effectué par le ministère, le gouvernement mettra également fin à ce programme, comme vous le savez.
J'aimerais dire une chose à propos des subventions en général. Ayant travaillé à l'asurance-chômage, où j'étais avant de venir aux Transports où j'ai travaillé étroitement à l'application de la LTGO, j'estime qu'il est impossible de s'assurer qu'un programme de subventions ne coûtera pas plus cher que ce qui a été prévu. En effet, les prévisions ne sauraient tenir compte de l'ingéniosité des gens et de leur capacité d'utiliser à leur avantage, d'une façon parfaitement légale, la complexité des règlements de tous programmes de subventions.
M. Williams: Madame Greene, je tiens à vous féliciter de la candeur de vos remarques, de la déclaration que vous avez faite ainsi que de votre initiative d'exécuter cette étude exhaustive du programme de subventions au transport des marchandises dans la région atlantique dont le rapport a été publié au mois de juillet 1994.
Dans votre déclaration, vous dites:
- Le programme devait être sélectif et s'appliquer seulement aux expéditions qui étaient
importantes pour le développement de la région, pourtant il subventionnait les livraisons de
pain et de lait, le transport des articles ménagers des émigrants à l'extérieur de la région ainsi
que le transport des bouteilles de bière vides aux brasseries.
M. Hugh McRoberts (vérificateur principal, opérations des vérifications, Bureau du vérificateur général): Oui, effectivement, monsieur.
Dans le cas du sous-programme intra-régional, l'article 2 des règlements comprend plusieurs exclusions. Sont exclues les marchandises importées au Canada, les marchandises en transit à un point de livraison finale et les expéditions de marchandises en provenance de l'extérieur du territoire choisi. Il y est interdit de subventionner le mouvement d'équipement de transport vide et plus précisément le mouvement d'articles ménagers, de déchets et de rebus, d'eaux usées et de plusieurs autres marchandises. Ils sont également exclues les expéditions de marchandises appartenant à l'expéditeur ou effectuées par un transporteur appartenant à l'expéditeur.
M. Williams: Merci. Monsieur Rimmer, dans votre déclaration vous avez mentionné le fait que d'après l'information que vous avez reçue, vous avez entrepris la vérification de certains connaissements et de demandes de subvention. Aviez-vous effectué la vérification des demandes par le passé, au cours des années précédentes?
M. Rimmer: Tout à fait, monsieur. Nous avons un programme de vérification permanent. Il y a environ 40 personnes à Moncton chargées de l'administration du programme. Il y a toute une série d'étapes de vérification, avant paiement, ainsi que des vérifications sur place.
M. Williams: Pourquoi, dans vos vérifications, n'avez-vous pas relevé ce qui a été relevé au cours de la vérification commandée par Mme Greene, c'est-à-dire que vous versiez la subvention pour tout, sans exception?
Monsieur McRoberts nous a énuméré des catégories précises exclues et vous nous dites que vous avez un programme de vérification en place. Que relevez-vous dans vos vérifications?
M. Rimmer: Il arrive bien sûr que des transporteurs présentent des demandes de subventions pour des marchandises ne sont pas admissibles. Il peut s'agir d'un point d'origine ou de destination exclu et, à ce moment-là, nous refusons le paiement.
M. Williams: Très bien, mais madame Greene, si je comprends bien, votre vérification a révélé que nous payons dans de tels cas.
Mme Greene: Permettez-moi de rectifier, monsieur Williams. Il est parfaitement légal de verser la subvention pour les livraisons de pain. Ce n'est pas une marchandise exclue aux termes du programme de subventions.
M. Williams: Vous avez parlé de marchandises qui quittent la région.
Mme Greene: Ce n'est qu'en 1992, par une modification précise aux règlements qu'on a exclu du Programme les articles de ménage et les déchets. Jusqu'à cette date, à condition de ne pas avoir été importés au Canada, exportés hors du Canada, à condition de rester à l'intérieur du territoire, puisque c'était sur la liste, c'était parfaitement légal. Ce n'est devenu illégal qu'en 1992.
M. Williams: Cela me paraît bizarre.
Mme Greene: C'est à la suite d'une réduction de 10 p. 100 du budget du programme que ces marchandises ont été radiées.
M. Williams: Il me semble assez bizarre que nous subventionnions le transport de meubles d'occasions hors de la région dans le cadre d'un programme d'expansion économique.
Mme Greene: J'en conviens.
M. Williams: Passons maintenant au problème relevé par le vérificateur général, le fait de subventionner les transporteurs avec lien de dépendance avec l'expéditeur, est-ce que cela aussi faisait partie de votre programme de vérification, monsieur Rimmer?
M. Rimmer: Tout à fait.
M. Williams: Qu'avez-vous fait lorsque vous avez constaté que vous versiez des subventions excessives parce que dans le cas de ces transactions, les frais étaient trop élevés?
M. Rimmer: Tout d'abord, monsieur le président, permettez-moi de dire à l'honorable député qu'à ma connaissance, il n'y a pas eu de cas où l'Office a versé la subvention en se fondant sur des taux qui étaient «trop élevés».
M. Williams: Si l'on se reporte au tableau du vérificateur général, lequel est-ce, monsieur McRoberts? C'est l'un des tableaux qu'il avait.
M. McRoberts: Il s'agit des tableaux 6.13 et 6.14 et suivants où l'on présente les transactions avec lien de dépendance.
M. Williams: Le tableau 6.13 porte à croire que la subvention était versée dans une plus grande mesure pour des transactions avec lien de dépendance et ensuite au tableau 6.15, on nous donne les tendances des taux pour les transporteurs avec lien de dépendance en fonction d'un indice qui serait passé de 100 à 140, alors que les transactions sans lien de dépendance ne sont pas passées que de 100 à 108. Il se passait donc manifestement quelque chose dans le cas des premières transactions qui laisseraient croire qu'il y avait complicité. Avez-vous pris des mesures?
M. Rimmer: Vous soulevez deux questions. Avec votre indulgence, monsieur le président, je pourrais peut-être pendant un instant tenter de faire la distinction.
Il y a d'abord la question de la participation dans le programme des transporteurs avec lien de dépendance ou ce que nous appelons les transporteurs affiliés. Comme le signale le vérificateur général dans son rapport, l'une des composantes du programme libre, à savoir le programme de subventions au transport «intra-régional», comporte une interdiction très précise qui vise les transactions avec lien de dépendance.
Au fil des années, ces dispositions ont donné lieu à un certain nombre de poursuites devant les tribunaux, en vertu desquelles l'Office a tenté de refuser une subvention. Pour l'essentiel, les tribunaux ont rejeté les prétentions de l'Office. Ainsi, un grand nombre de transporteurs ayant un lieu de dépendance ont pu participer au programme en toute légalité.
M. Williams: Permettez-moi de vous interrompre. Vous êtes en train de dire que vous avez constaté que vous ne disposiez pas de l'autorité nécessaire pour mettre un terme à ces transactions avec lien de dépendance puisque les tribunaux avaient déclaré que vous ne pouviez rien faire. Pourtant, vous constatez qu'un nombre de plus en plus grand d'expéditeurs concluent des transactions avec lien de dépendance, ce qui laisse croire que la chose est plus rentable pour eux.
Ainsi, nous dites-vous, vous n'aviez pas l'autorité voulue. Quelles mesures avez-vous donc prises pour porter la question à l'attention du ministre? Nous apprenons aujourd'hui que vous avez toujours eu la compétence légale d'intervenir à titre de tribunal quasi judiciaire.
M. Rimmer: Nous avons certainement porté la question des transporteurs affiliés à l'attention du ministre à l'occasion des poursuites intentées devant les tribunaux en 1984-1985. Il en a été aussi question dans le rapport du vérificateur général de 1987, tout comme dans le rapport de cette année. Il s'agit donc certainement d'une question qui était connue et qui a été portée à son attention.
M. Williams: Avez-vous tenté de la résoudre?
M. Rimmer: L'Office s'est efforcé d'appliquer la loi et les règlements, puisqu'il devait s'y conformer, et nous nous sommes efforcés à cet égard d'adopter une position aussi rigoureuse que la loi nous le permet.
M. Williams: Pourtant, Mme Greene, du ministère des Transports, nous dit que, selon l'opinion juridique qu'elle a obtenue, vous avez toujours eu la compétence voulue. Or, vous nous dites, vous, que les décisions des tribunaux ne vous accordaient pas cette compétence.
Nous voilà une fois de plus devant un conflit entre bureaucrates. Des dizaines de millions de dollars sont gaspillés. Il s'agit d'un programme de 100 millions de dollars. D'après Mme Greene, on va tout abolir puisque le programme ne rend aucun service utile à la région de l'Atlantique dans le contexte actuel. Grâce à son travail d'arrache-pied et à sa diligence, nous avons un rapport qui le prouve.
Je cherche à savoir, au fait, qui est responsable dans le cas qui nous intéresse. S'agit-il du ministère des Transports, qui n'aurait pas bien surveiller l'ONT, ou s'agit-il de l'ONT, qui fait des chèques à gauche et à droite sans trop se faire de souci? Madame Greene, qu'en dites-vous?
Mme Greene: La responsabilité doit être partagée, je crois. Il s'agit d'une subvention dont bénéficié toute une région depuis très longtemps. L'étude récente a beau être valable et complète, il n'est reste pas moins que les bénéficiaires aimeraient continuer à toucher ces subventions. L'administration du programme est très complexe. Certaines décisions politiques n'ont peut-être pas été prises au moment où elles auraient dû l'être. Certaines nouvelles orientations de la politique en matière de déréglementation ont contribué à rendre le programme encore moins utile.
M. Williams: Mais je voulais savoir...
Mme Greene: Ainsi, si vous cherchez des responsables, je me hasarderais à dire qu'ils sont nombreux.
M. Williams: J'en viens ainsi à ma prochaine question. Selon ce que vous nous avez dit, l'ONT ne tient pratiquement aucune statistique sur ses activités. Vous avez dû remonter aux connaissements - et dans bien des cas il ne s'agissait que de feuilles manuscrites d'entrepôts - pour tenter d'obtenir un échantillon statistique aléatoire qui comporterait une certaine crédibilité.
Je suis très inquiet de constater que les bureaucrates ne prennent pas leur travail au sérieux alors qu'ils dépensent chaque année 100 millions de dollars de fonds publics. J'ai été extrêmement critique. Comme je l'ai déjà dit auparavant, je crois qu'il est temps qu'on limoge du monde. J'aimerais savoir quelle têtes vont tomber du fait qu'on a gaspillé 100 millions de dollars par année. Est-ce que ce sera le personnel de l'ONT? Devons-nous faire comparaître le président pour qu'il nous rende des comptes?
À ce qu'il me semble, on a tout simplement dépensé l'argent sans poser de questions. Aurait-il fallu modifier, adapter? On ne s'en est pas préoccupé. Il suffisait de faire les chèques à mesure. Comme vous l'avez dit, l'idée de recevoir des subventions est passablement ancrée dans la région de l'Atlantique. Pourtant, les contribuales du reste du pays ont versé de l'argent sans que cela ne procure pratiquement aucun avantage au développement économique de la région. En examinant l'un de vos tableaux, j'ai constaté que l'un des programmes, le programme interrégional, qui se chiffre à 57 millions de dollars en coûts, représente 78 p. 100 - disons 45 millions de dollars - correspond tout simplement aux transports à l'intérieur de chaque province. Évidemment, c'est Terre-Neuve qui s'en tire le moins bien, puisque cette province n'obtient pratiquement rien. On ne peut donc pas parler de subvention au développement économique, pas du tout. C'est tout simplement une subvention.
Il est grand temps que les hauts fonctionnaires du gouvernement soient tenus responsables des sommes qu'ils dépensent. À qui va-t-on attribuer les responsabilités dans ce cas-ci? Au président de l'ONT, au ministère des Transports, à M. Rimmer, à qui au juste? Qui aurait dû donner l'alerte?
Mme Greene: Il est très difficile de répondre à cette question, puisque les données n'étaient pas là avant que nous ne les réunissions. Or, c'est sur ces données administratives que nous pouvons fonder ce que nous avançons aujourd'hui au sujet de la subvention.
M. Williams: Permettez-moi de poser la question à M. Rimmer.
Mme Greene: Je dois vous dire, cependant, que ce sont là nos opinions au sujet de la subvention.
M. Williams: C'est la mienne aussi.
Mme Greene: Il y a beaucoup de gens au Québec et dans la région de l'Atlantique qui ne seraient pas d'accord. Vous le savez sans doute, monsieur Williams, lorsqu'une subvention s'incruste, on finit par avoir l'impression qu'on y a droit. Il y a alors des répercussions à tous les paliers. Le mode d'exploitation des services de transport en est même modifié. Même les usines ne sont plus construites de la même façon ou au même endroit.
M. Williams: Permettez-moi de demander à M. Rimmer qui devrait être tenu responsable, selon lui. J'estime que l'ONT aurait dû recueillir et analyser des données statistiques de façon continue, de manière à avoir en main les renseignements qui ont finalement été donnés dans votre rapport de juillet 1994 sur la politique et la coordination. Monsieur Rimmer, qui est donc est responsable de la situation?
M. Rimmer: Il est certain que l'ONT, le président et moi-même sommes responsables de l'administration du programme selon les lois et règlements en vigueur. Nous estimons avoir fait tout ce qui pouvait l'être. Nous avons l'intention d'agir de façon rigoureuse pour ce qui est de la dissolution du programme.
Au sujet de votre question précise portant sur les données statistiques, nous n'en avions pas en main. Nous recevions des données sur 2 000 000 déplacements par année. Il n'était tout simplement pas possible de traiter une telle quantité des données, étant donné nos ressources.
Cependant, depuis un an à peu près, soit immédiatement avant l'annulation du programme, nous oeuvrions à la mise au point d'un système informatisé qui nous aurait permis d'aboutir à ce résultat. Nous voulions notamment obtenir par traitement électronique, les données de nos clients pour surmonter les problèmes de la saisie des données.
La chose est possible aujourd'hui, étant donné que le secteur du camionnage, comme bon nombre d'autres secteurs, a évolué à un point tel qu'il dispose, dans bien des cas tout au moins, de la technologie voulue pour assurer la transmission électronique des données. Auparavant, les données étaient transmises sur papier et il n'y avait aucun moyen économique de les saisir sans passer par l'effort laborieux et très détaillé auquel s'est astreint Transports Canada en 1993.
Le vice-président (M. Shepherd): Je constate que le vérificateur général, dans son rapport, a commenté abondamment l'étude du ministère des Transports même si, dans son rapport de 1987, il demandait le même genre d'analyse.
À la page 25 du rapport, il est question du fait qu'il ressort de l'analyse que les taux sont supérieurs de 40 p. 100 environ dans le cas du trafic subventionné. Ainsi, pour ce qui est des dépenses relatives au transport interrégional - il s'agit d'environ 50 millions de dollars en subventions - elles correspondraient pour 40 p. 100, si j'ai bien compris, à un excédent par rapport au taux du marché. Sans vouloir vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, serait-il donc vrai qu'il se peut que les contribuables canadiens aient été fraudés de quelque 20 millions de dollars par année?
M. Minto: Les transactions ont impliqué diverses parties. Comme on peut le supposer, les expéditeurs et les transporteurs visaient essentiellement à protéger leurs propres intérêts. Dans notre vérification, nous avons voulu parler aux intéressés, étudier les documents des personnes chargées de représenter les intérêts de la Couronne, et nous assurer que tout versement provenant du trésor public était fondé sur une demande raisonnable.
Voilà ce que visait la vérification. Par contre, il faudrait un juriste pour déterminer s'il y a eu fraude ou non. Nous avons constaté une anomalie. Les écarts étaient très considérables dans le cas de transactions avec lien de dépendance. Pour les transactions sans lien de dépendance, l'augmentation est de 8 p. 100 seulement. Pour les autres, elle est de 40 p. 100. Compte tenu des travaux effectués par Transports Canada, nous avons constaté qu'un tel écart était tout à fait anormal et nous l'avons soumis à votre attention.
Cependant, pour ce qui est de déterminer s'il y a eu ou non fraude, monsieur...
Le vice-président (M. Shepherd): J'ai évoqueé la possibilité de fraude d'année en année.
M. Minto: Monsieur le président, je ne serais pas vraiment en mesure de le dire.
Le vice-président (M. Shepherd): D'accord. Mme Whelan.
Mme Whelan (Essex-Windsor): Pour ma part, j'aborde la question un peu différemment. Il faut tenir compte des raisons pour lesquelles le Programme de subvention au transport des marchandises dans la région Atlantique a été créé dans les années 1920, les raisons pour lesquelles il a été modifié en 1969, et des problèmes auxquels a donné lieu l'introduction du transport routier. Je n'aime pas beaucoup que l'on parle «fraude». En effet, à ma connaissance, les subventions versées le sont à des sociétés constituées. Selon la loi et le régime tels qu'ils existent, rien n'empêche qui que ce soit de créer des sociétés, d'être propriétaire d'un camion, ou d'exercer toute autre activité. La même personne peut être propriétaire de trois ou quatre sociétés distinctes. Rien ne l'empêche selon la loi actuelle. Est-ce exact?
Mme Greene: Oui.
Mme Whelan: Il est donc abusif, selon moi, de parler de «fraude», étant donné que rien n'interdit les pratiques qui ont cours.
Le phénomène existe peut-être à une échelle réduite dans la région de l'Atlantique et cela pose peut-être des difficultés...l'annulation du programme témoigne du fait que nous l'avons reconnu, je pense. Il faut comprendre que le régime a évolué sur une période de 70 ans, sans l'informatique, sans technologie, dans un contexte où il manquait de bien des choses. Il me semble que, au cours d'une période assez courte, soit au cours des dix dernières années, on a pu faire un travail d'analyse important, qui a été facilité par l'acccès à des ordinateurs, à des télécopieurs et à d'autres ressources nouvelles, ce qui a débouché sur un certain nombre de décisions.
Ai-je bien raison de le croire?
Mme Greene: En effet.
Mme Whelan: Je constate à la lecture du document que rien n'y suggère des «activités frauduleuses» de la part de la majorité des gens depuis 1969, en vertu des lois en vigueur.
Mme Greene: Monsieur le président, nous n'avons aucune preuve de fraude. Notre étude ne nous aurait d'ailleurs pas permis de détecter la fraude, qui est, comme vous le savez, une notion d'ordre juridique. Selon le droit, pour qu'il y ait fraude, il faut qu'il y ait intention de tromper.
Or, nous avons constaté l'existence d'un programme rempli de - «échappatoires» serait un euphémisme - de possibilités de profiter au maximum du programme, et ce en toute légalité. Puisqu'il en est ainsi et puisque la portée de notre étude ne nous permet pas de faire des constatations au sujet des motifs des intéressés, nous ne croyons pas avoir relevé de preuve de fraude dans le cadre de cette étude.
Le vice-président (M. Shepherd): Permettez-moi de vérifier une question auprès du Vérificateur général avant de passer à M. Laurin. Si quelqu'un présentait, dans sa facturation, des taux de transport deux fois supérieurs à ceux du marché, quelle pourrait en être la justification?
M. Minto: Monsieur le président, je suppose que c'est à cet égard que nous avons amorcé les discussions avec l'Office national des transports au sujet de ce qui arriverait si l'organisme constatait des taux élevés. C'est à ce moment-là que nous nous sommes rendus compte dans le cadre de la vérification que l'Office estimait ne pas avoir l'autorité de refuser des demandes de subvention simplement parce que les taux étaient trop élevés, et c'est alors que nous vous en avons informé.
Le vice-président (M. Shepherd): M. Laurin.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, c'est l'essentiel de la question que j'ai posée à l'Office. L'Office ne se rendait pas compte qu'il y avait des tarifs douteux ou des réclamations douteuses, mais parce qu'il ne sentait pas qu'il avait les moyens de les refuser, il n'en disait mot. C'était là le sens de mon inquiétude. Quand un fonctionnaire est inquiet et pense qu'il y a des abus, son premier devoir est de dénoncer cette situation à ses supérieurs.
Tout simplement, on est en train de dire que, parce qu'on n'avait pas les moyens d'arrêter le processus, on fermait les yeux.
[Traduction]
M. Rimmer: Avec tout le respect dû aux députés, monsieur le président, je m'inscris en faux par rapport à cette façon de caractériser les efforts de l'Office.
Permettez-moi tout d'abord de dire que, jusqu'à environ 1987-1988, les taux des transporteurs et les taux déposés dans le cadre du programme à l'étude faisaient l'objet d'une très forte réglementation de la part des provinces. Après 1987-1988, et peut-être même un peu avant, la réglementation a commencé à s'estomper. L'Office vérifie les demandes de subventions, et nous effectuons toutes les vérifications qui, selon nous, correspondent aux exigences de la loi.
Vers 1990-1991, on a prétendu, pour la première fois, du moins à ma connaissance, que les transporteurs appliquaient des taux supérieurs à ce qui était nécessaire - c'est ce qu'on a prétendu à ce moment-là - supérieurs à ce qui aurait été exigé dans un contexte concurrentiel.
À l'époque, l'Office n'estimait pas avoir l'autorité nécessaire pour refuser une subvention à cause des taux appliqués par un transporteur. Nous avons alors effectué une étude des taux, étude dont il est question dans le rapport du vérificateur général. Il s'agissait d'un effort circonscrit qui visait à déterminer, auprès d'un certain nombre de transporteurs, s'il était possible de trouver quelqu'indice que ce soit d'augmentation exagérée des taux ou de taux excessifs. Dans le cadre de cette étude et de certains travaux de suivi que nous avons effectués en 1992, nous n'avons trouvé aucun indice clair de taux excessifs.
Puis, en 1993, le ministère a lancé son étude plus complète, une étude beaucoup plus vaste que notre étude des taux, qui a permis au gouvernement de déboucher sur les conclusions que l'on connaît. Pour notre part, cependant, nous n'étions au courant d'aucune demande particulière qui aurait été fondée sur des taux excessifs. Nous devons payer en fonction des demandes qui nous sont soumises. C'est à partir de là que nous effectuons nos vérifications, que nous appliquons nos critères.
[Français]
M. Laurin: On nous dit dans des énoncés qu'on acceptera les demandes de subventions jusqu'au 1er septembre. Compte tenu du fait qu'il reste encore 30 millions de dollars à dépenser dans le cadre de ce programme, à combien estimez-vous les économies qui découleront de l'évaluation des prix que vous avez faite? J'aimerais savoir si le vérificateur général a fait une évaluation de cette chose-là également. Ma question s'adresse aux deux témoins.
[Traduction]
M. Rimmer: Nous n'avons aucune valeur chiffrée du montant de subvention qui pourrait être refusé en raison du nouveau processus que nous avons établi. Le processus est nouveau. Il a débuté le 1er mai et je ne pourrai donc pas vous donner un chiffre en dollars.
[Français]
M. Ted Rudback (directeur général, Analyse économique, Transports Canada): J'aimerais donner une précision. Les subventions ne seront plus payées sur les expéditions commencées après le 30 juin, à la fin de ce mois-ci. Les intéressés ont jusqu'au 1er septembre pour soumettre leurs réclamations. Donc, on parle d'ici d'une période de moins d'un mois.
M. Laurin: J'avais compris cette déclaration-là, mais, quand on a évalué les taux fixés pour les transporteurs, on a découvert que certains exagéraient. Il y a eu une évaluation et des subventions seront refusées. Compte tenu du fait qu'il y a encore 30 millions de dollars à dépenser, est-ce qu'on pense faire des économies? De quel ordre seront-elles? L'ONT nous dit qu'il n'avait pas fait d'évaluation. Est-ce que le vérificateur général, lui, a procédé à certaines évaluations?
[Traduction]
M. Minto: Non, monsieur le président, cela ne nous a pas été possible puisque cette somme correspondait au montant prévu des demandes. La subvention correspond davantage à un programme de dépenses fiscales illimité dont on ne connaît le coût réel qu'au moment de la facturation, étant donné que ce coût dépend du recours au programme. Il nous aurait donc été impossible de calculer les économies éventuelles.
Nous savons que des anomalies ont eu lieu par le passé. Si on y remédie, il en résultera certainement des économies pour le contribuable.
[Français]
M. Laurin: S'il y avait des économies, est-ce qu'elles seraient retournées au Conseil du Trésor ou si elles seraient affectées à d'autres programmes? Si telle est la situation, il n'y aura pas d'économies réelles pour le Canada.
[Traduction]
Mme Greene: En effet, si les dépenses liées au programme n'atteignent pas le seuil indicatif, alors tout montant non affecté sera remis au Conseil du Trésor.
Je suis d'accord avec ce qu'a déclaré mon collègue, le vérificateur adjoint. Il nous est très difficile de prévoir quelles seront les dépenses, puisqu'il s'agit d'un programme à caractère illimité. Nous ne le savons pas.
M. Williams: Monsieur Rimmer, dans la rubrique 6.15 de son rapport, le vérificateur général traite des dossiers de l'Office national des transports. Il a mis au point un indice des tendances des taux pour 1989-1992 des transporteurs ayant un lien de dépendance. Il s'agit bien là de l'indice produit par l'Office.
Si j'ai bien compris, le vérificateur général s'est penché sur les transactions avec lien de dépendance pour constater que les augmentations avaient été de 140 p. 100 par rapport à la normale. N'étiez-vous pas vous-mêmes au courant de cela à l'Office national des transports?
M. Rimmer: Monsieur, permettez-moi tout d'abord de préciser que l'indice a été mis au point par le vérificateur général à partir de données extraites de nos dossiers. Ce n'est pas nous qui lui avons fourni cet indice. Le vérificateur l'a créé à partir de l'analyse de certaines demandes de subventions, d'après nos dossiers.
M. Williams: Ne vous est-il jamais venu à l'esprit, compte tenu du grand nombre de demandeurs qui, de toute évidence, devenaient des expéditeurs ayant un lien de dépendance, que vous devriez vous-mêmes mettre au point un tel indice?
M. Rimmer: L'Office est chargé d'administrer la loi et le règlement. Je crois qu'il est raisonnable de supposer que, lorsque nous constatons un écart par rapport à la loi et au règlement, nous sommes tenus d'en informer les décideurs, ce que nous avons fait. Nous continuons d'ailleurs de le faire. Nous l'avons fait il y a 10 ans et nous l'avons fait encore récemment. Cependant, le rôle de décideur n'est certainement pas le nôtre. Le ministère des Transports a effectué son étude...
M. Williams: Vous n'avez pas le rôle de décideur, mais il vous incombe certainement de recueillir des données statistiques et non pas seulement de faire des chèques, et vous n'avez pas jugé opportun de mettre au point un indice des transports dans la région de l'Atlantique?
M. Rimmer: Nous ne l'avons pas fait. Nous n'avons pas estimé que cela relevait de notre compétence.
M. Williams: Avez-vous déjà demandé les pouvoirs nécessaires?
M. Rimmer: Nous n'avons pas sollicité le pouvoir explicite d'agir de la sorte. Notre travail consistait à administrer le programme tel qu'il avait été créé par les parlementaires et par le pouvoir exécutif en assurant l'application du règlement, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons aidé le ministère des Transports à effectuer son évaluation lorsqu'il nous a demandé de le faire. Nous avons certainement fourni les données dont nous disposions.
M. Williams: Vous n'avez pas recueilli de données et vous n'avez pas mis au point d'indice. Comment auriez-vous donc été en mesure de déterminer la recevabilité d'une demande?
M. Rimmer: La réglementation nous permet d'appliquer divers critères qui permettent de déterminer la recevabilité d'une demande. Ces critères, qui permettent de déterminer l'admissibilité d'une marchandise, d'un point d'origine, d'un point de destination, et ainsi de suite, n'exigent pas le recours à un indice comme celui qui a été présenté dans le rapport du vérificateur général.
M. Williams: Diverses personnes présentes dans la salle aujourd'hui nous ont laissé entendre que même si le montant de la facture avait été doublé, vous n'auriez pas eu de mesure de contrôle ou de méthode qui vous aurait permis de déterminer si le montant était raisonnable.
M. Rimmer: Je crois avoir compris que, dans ses commentaires liminaires, ma collègue de Transports Canada a fait savoir que, dans le cadre de son exemen du programme, le ministère n'était pas en mesure de déterminer un moyen de délimiter le programme.
M. Williams: La question que je vous ai posée est la suivante. Si j'étais un expéditeur ayant un lien de dépendance qui doublait ses taux de transport du jour au lendemain, vous n'auriez aucun moyen de contester mes augmentations de taux.
M. Rimmer: C'est la position adoptée par l'Office, en effet.
M. Williams: À savoir que vous ne pourriez pas contester ma demande. Pourtant, les témoins de Transports Canada nous ont dit aujourd'hui que vous avez toujours eu la compétence voulue pour contester une demande dans ce genre de circonstances et que, à titre de tribunal quasi judiciaire, vous avez joui d'un pouvoir que vous n'avez pas exercé, ce qui a coûté des dizaines de millions de dollars aux contribuables.
M. Ron Ashley (avocat-conseil, Direction des services juridiques, Office national des transports du Canada): Monsieur le président, avec tout le respect que je vous dois, il me faut dire, à titre de conseiller juridique, que nous traitons ici d'une question qui est essentiellement d'ordre juridique. Ainsi, comme avocat-conseil responsable du programme depuis cinq ans environ, je tiens à fournir des éclaircissements au sujet de certaines questions qui ont été soulevées. J'espère que nous pouvons ainsi, monsieur Williams, préciser la tâche de Transports Canada aussi bien que celle de l'Office.
Tout d'abord, vous avez parlé de fraude.
M. Williams: Non, ce n'est pas le cas.
M. Ashley: Il a été question de fraude, et je tiens à préciser que tous les cas de fraude portés à l'attention de l'Office ou constatés par l'Office ont été confiés sur le champ à la GRC aux fins des poursuites.
M. Williams: Laissons tomber le mot «fraude» et parlons plutôt de «motif lié à la fixation de prix de facturation interne»...
M. Ashley: Oui.
M. Williams: ...vous n'avez rien fait au sujet des prix de facturation interne.
M. Ashley: Nous avons agi, monsieur. Dès 1984, l'Office a pris bonne note de la volonté du Parlement d'agir en matière de prix de facturation interne. Le Parlement a en effet statué que la fixation de prix de facturation interne était illégale dans le cas d'un expéditeur et d'un transporteur, lorsqu'une société en contrôle totalement une autre.
Dès 1984, l'Office a refusé des subventions dans deux cas, des cas de contrôle complet mais aussi de contrôle partiel. Or, la Cour d'appel fédérale a refusé. Selon elle, le Parlement s'était exprimé très clairement. L'Office, étant une entité juridique, n'avait aucune compétence implicite. Elle ne pouvait faire que ce que le Parlement lui avait permis de faire. Par conséquent, la Cour fédérale a ordonné à l'Office de payer.
À l'époque, à la suite des deux décisions, l'Office avait sollicité par écrit l'avis du ministre des Transports, ce dont Mme Greene a parlé, de même que celui du vérificateur général, comme il est question dans un rapport.
Pour ce qui est de l'avenir, nous pouvons dire pour le moment que l'Office a soumis à la Cour fédérale d'appel, au Québec, une demande de subvention de 100 000$, qui, selon l'Office, correspond à une transaction où il existe un lien de dépendance. La Cour devra trancher.
Le président de l'Office a également dit très clairement, non seulement par le passé, mais, ce qui importe encore davantage, à la suite du rapport du vérificateur général, qu'il allait continuer à agir avec toute la rigueur voulue dans les cas d'affiliation de transporteurs puisque le vrai problème est justement celui de l'affiliation, dont les taux ne sont que le symptome. En effet, sans affiliation, les taux ne seraient pas excessifs.
M. Williams: Un dernier commentaire, monsieur le président.
Selon le chapitre 13.98 du rapport du vérificateur général de 1987, que j'ai en main, et selon les estimations de la commission, environ 150 des sociétés de camionnage qui ont reçu une subvention au transport intra-territorial en 1984 avaient des liens quelconques avec un expéditeur principal.
Le problème a été défini. Vous avez eu un obstacle à surmonter du point de vue juridique, étant donné que le tribunal avait déclaré que c'était tout ou rien en matière de contrôle, que tout pourcentage de contrôle inférieur à 100 p. 100 ne constituait pas un lien de dépendance. Par conséquent, vous devez verser la subvention.
À ce moment-là, avez-vous informé les hauts fonctionnaires de Transports Canada du fait que la Cour vous obligeait à verser des subventions dans le cas de 150 transactions où il existait un lien de dépendance? De plus, comment se fait-il que vous n'ayez pas commencé à surveiller de plus près le phénomène pour déterminer quelle était au juste l'ampleur du problème de fixation des prix de facturation interne?
M. Ashley: Permettez-moi de me charger de l'aspect juridique de la question. Ensuite, M. Rimmer pourra aborder l'autre aspect.
La Cour n'a pas stipulé que le contrôle devait être total. Elle a parlé de contrôle majoritaire. Dans de nombreux cas, l'Office a même tenté, notamment en 1984, de faire valoir qu'un degré moindre de contrôle pouvait correspondre à un lien de dépendance. Un actionnaire minoritaire exerçait dans les faits un contrôle majoritaire. Pour ce qui est de la situation depuis le rapport du vérificateur général de 1987, je laisserai M. Rimmer répondre.
M. Williams: Ma question était la suivante: si vous saviez qu'un problème existait, pourquoi n'avez-vous pas commencé à faire des vérifications?
M. Rimmer: L'Office a continué d'appliquer la loi de façon assez sévère en ce qui concerne cette question. Nous avons fait cela. Nous l'avons fait en 1984, en 1985 et nous continuons de le faire.
Nous avons respecté la décision rendue par la Cour, mais nous avons continué d'examiner le lien - cela fait partie de notre vérification - et dans les cas où le mouvement est inadmissible, même en vertu des conditions restreintes du programme, nous rejetons la demande. Nous le faisons constamment.
Le vice-président (M. Shepherd): D'accord, monsieur Williams. L'intervenant suivant est le député de Brome-Missisquoi.
M. Paradis (Brome - Missisquoi): Merci, monsieur le président.
[Français]
Monsieur le président, 100 millions de dollars par année pour un programme comme celui-ci, c'est beaucooup d'argent. Je comprends que le programme tire à sa fin et je m'interroge comme d'autres le font au Comité. Ce qui ressort de l'ensemble des constatations du vérificateur général, en tout cas d'après ce que je peux lire, c'est le laxisme avec lequel ce fonds a été administré.
Un peu partout, on se demande pourquoi les gens qui administrent le fonds ne sont pas intervenus pour dire qu'ils n'étaient pas le Père Noël. Je suis heureux de mentionner que ce programme ne prend pas fin dans le temps des Fêtes. Nous ne sommes pas le Père Noël dans l'Atlantique, et voici les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Que pourrions-nous faire? Comment pourrions travailler ensemble pour faire en sorte que ces 100 millions de dollars par année, de l'argent des contribuables canadiens, soient le mieux dépensés possible, pour avoir un impact sur l'économie?
On voit les sacrifices qui sont demandés à l'ensemble des Canadiens. On a vu le dernier budget fédéral et dans cet esprit-là, quand on regarde le rapport du vérificateur général, c'est le mot «laxisme» qui ressort de l'administration de ce programme dans les provinces Atlantiques.
J'écoute certaines explications. On dit qu'on n'a pas de preuves de fraude: We have no firm evidence that there was a fraud there. On entend toutes sortes de termes qui se rapportent au légalisme d'une situation et non pas à l'application pratique d'un programme de subventions du gouvernement canadien dans l'Atlantique.
On a parallèlement d'autres organismes au niveau fédéral - l'impôt en est un bel exemple - où il y a deux sortes d'enquêtes ou de vérifications. Il y a des vérifications qui sont faites pour savoir si les dépenses sont justifiées, si un remboursement peut être réclamé; ce ne sont pas toujours des cas de fraude. Il y a aussi des cas aussi où les dépenses sont refusées pour d'autres raisons, et ce n'est pas toujours de la fraude.
Dans ce cas-ci, je n'ai pas l'impression qu'on a vraiment regardé ce qui se passait à l'intérieur du programme de 100 millions de dollars par année que vous étiez appelés à administrer.
Au niveau des transporteurs - on dit qu'il y en a 2 000 - , le petit document qu'on nous a remis ici mentionne, par exemple, neuf noms d'entreprises de camionnage qui vont chercher environ 20 millions de dollars par année. Ce sont toutes celles qui vont chercher des subventions de plus d'un million de dollars par année. Il y en a neuf. Si on ajoutait à cela la liste de celles qui vont chercher plus de 250 000$ ou 500 000$ en subventions par année, il y en aurait peut-être 50 ou 100 autres. Ne vaut-il pas la peine, vu l'importance de l'argent qui est en jeu, de regarder ce qui se passe à l'intérieur d'un groupe plus restreint? On parle d'une entreprise qui a reçu 5,6 millions de dollars:
[Traduction]
Transport Midland, 5,6 millions de dollars; Day & Ross, Nouveau-Brunswick, 3,6 millions de dollars; Transport Sundbury, 2,1 millions de dollars; Transport Armour, 1,4 million de dollars;
[Français]
Transport Samson, 1,3 million de dollars;
[Traduction]
CP Express et Transport, 1,3 million de dollars; Transport Cabano, 1,3 million de dollars; Refrigerated Carryall, 1,2 million de dollars; Transport Suvrac, 1 million de dollars; et j'en passe...
[Français]
Si on prenait les cas de 500 000$ ou plus, on pourrait voir à ce moment-là si tous les déplacements ont été faits. Avec le laxisme du programme, tel que j'en entends parler ici aujourd'hui, j'ai l'impression, comme membre de ce Comité, que certains de ces déplacements n'ont même pas eu lieu, qu'on vous a simplement fourni des feuilles remplies: Voici le taux de base, voici le kilométrage, voici ce qu'on pense avoir fait et est-ce que je peux avoir, s'il vous plaît, ma subvention?
C'est cela qui est inquiétant pour les membres du Comité et pour le public canadien. On a des programmes de 100 millions de dollars par année, et on cherche qui les administre vraiment. Sont-ils administrés?
Monsieur le président, le vérificateur général recommande que la fin du programme soit administrée, mais dit qu'on devrait faire bien attention à l'évaluation des risques, c'est-à-dire comparer les demandes qui ont eu été faites entre janvier 1995 et la fin du programme. Ma question s'adresse au vérificateur général. Est-ce que les gens qui ont administré le programme jusqu'à ce jour sont les mieux placés pour y mettre fin, pour boucler la boucle?
[Traduction]
M. Minto: Monsieur le président, les administrateurs connaissent maintenant très bien le programme. Ils connaissent les règlements. Ils connaissent les détails, et qui plus est, ils connaissent maintenant les problèmes. À mon avis, il ne serait pas rentable d'embaucher des nouveaux pour se familiariser avec les problèmes et les régler.
Des séances comme celle-ci aident à bien identifier les problèmes et à orienter les travaux. Il faut maintenant que le gouvernement s'organise pour que les gens sachent quoi faire. Il ne reste que quelques mois. Ce n'est pas assez long pour former tout un nouveau groupe et pour les embaucher pour administrer ce programme.
Transports Canada a également des responsabilités à cet égard, monsieur, et ils s'intéressent peut-être davantage au programme que par le passé et cela va peut-être aider.
[Français]
M. Paradis: Je désire poser une question additionnelle, monsieur le président.
Dans le rapport du vérificateur général, au paragraphe 6.152, on fait allusion à l'étude qui a été faite par l'Office. On parle de trois compagnies de camionnage qui auraient été créées uniquement pour obtenir de l'aide au transport de marchandises, etc. Quant à savoir si cet abus perçu constitue une intention de frauder l'État fédéral, on dit qu'il revient aux Services juridiques d'en décider après une enquête plus approfondie.
Ma question est la suivante et elle s'adresse à la sous-ministre adjointe. Est-ce que cette enquête plus approfondie de la part des services juridiques a été faite et quelles en sont les conclusions?
[Traduction]
Je me réfère au paragraphe 6.152 du rapport du vérificateur général.
Mme Greene: Il s'agit en fait de l'étude effectuée par l'Office national des transports, et non pas de l'étude faite par Transports Canada. L'étude des questions juridiques...
M. Paradis: De l'Office?
Mme Greene: Oui.
M. Paradis: Alors, je répéterai ma question.
[Français]
On parle d'une enquête plus approfondie. Cette enquête plus approfondie a-t-elle eu lieu et est-ce qu'on est arrivé à des conclusions?
[Traduction]
M. Rimmer: Il s'agit, effectivement, de notre étude, effectuée en 1992. Nous avons repéré trois cas qui méritaient une étude plus approfondie. Au début, on pensait examiner ces cas avec l'aide des Services juridiques afin de déterminer s'il y a eu abus ou tentative de fraude.
Suite à des études approfondies, y compris une vérification détaillée des transporteurs, nous avons déterminé qu'il y avait une explication pour les taux utilisés, et qu'il n'y avait donc aucune preuve d'abus. Le service du contentieux n'a pas donné suite à l'affaire, mais on a assuré le suivi en effectuant une vérification sur place des transporteurs dans deux ou trois cas.
[Français]
M. Paradis: C'est là-dessus, monsieur le président, que je voudrais apporter un commentaire. Dans le paragraphe suivant, on dit aussi que, d'après l'information que le vérificateur général a étudiée, on n'avait jamais demandé aux services juridiques des conseils ou des avis sur les faits particuliers de ces trois compagnies de camionnage.
On dit aussi que l'Office, après avoir rencontré les camionneurs, a conclu qu'il était satisfait. C'est cette allure qui se dégage des relations avec le milieu du camionnage de la part de l'Office, qui nous fait penser à un continuel laxisme dans l'administration de ces fonds publics.
Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le vice-président (M. Shepherd): Je pourrais peut-être intercaler une question ici. L'inconvénient quand on est président, c'est que personne ne vous laisse parler.
Encore une fois, votre rapport me semble indiquer une activité très inhabituelle, en comparaison avec les tarifs-marchandises normaux. Puisque le terme «fraude» est jugé excessif j'emploierai les mots «bien» et «mal». Lorsque des gens facturent un millage qui n'a jamais existé... Moi, je suis député. Si je dis aux autorités que j'ai parcouru 2 000 milles pour venir ici alors qu'en fait je n'en ai parcouru que 100, cela me semble mal. Dans quelle mesure serait-il justifié de passer en revue les demandes de paiement de l'année précédente?
Mme Greene: Je ne crois pas que ce soit très justifié, monsieur le président, et je vous explique pourquoi.
D'après l'analyse qui a été effectuée des données administratives, j'estime qu'il s'agit ici d'un cas où les transporteurs fixent les tarifs. Il n'y a aucun critère qui nous permette de juger si ces tarifs sont justifiés ou non, et, par conséquent, les transporteurs fixent les tarifs. La subvention qui est versée représente un pourcentage fixe du tarif, mais elle est fondée sur l'existence présumée de critères qui nous permettraient de dire: «D'accord; c'est 8 p. 100 du tarif». Mais le tarif reste incertain.
Le vice-président (M. Shepherd): Mais dans le cadre de votre étude, vous avez comparé ces tarifs à ceux des autres régions; vous deviez donc estimer que c'est une comparaison raisonnable.
Mme Greene: Nous avons fait des comparaisons avec les tarifs des autres régions, parce que nous n'avions pas d'autres moyens de déterminer si les tarifs des provinces de l'Atlantique étaient, en moyenne, plus ou moins élevés qu'ailleurs. Intuitivement, nous croyions que, étant donné que le transport était subventionné au Québec et dans les provinces de l'Atlantique, le tarif payé par l'expéditeur serait moins élevé. En fait, dans certains cas, c'était le contraire. Les tarifs pratiqués par certains transporteurs étaient plus élevés qu'ils ne l'auraient été en l'absence de subventions. Mais je ne crois pas que ce soit illégal, parce que la loi ne prévoit pas de tarifs précis.
À une certaine époque, les tarifs de certains mouvements particuliers étaient réglementés, mais voilà bien des années que ce n'est plus le cas. Pour ma part, ce programme m'apparaît très complexe, ne serait-ce qu'en raison de la façon dont il a évolué au fil des ans. Au départ, il a été créé pour un secteur dont les tarifs étaient réglementés. On a continué à verser ces subventions à une époque où il n'y avait ni règlements, ni tarifs fixes pour les particuliers ou les groupes marchandises; en outre, ces groupes n'ont cessé de se multiplier au fil des ans en ajoutant de plus en plus de marchandises à leur liste. On est bien loin de l'objectif original, qui était de promouvoir la fabrication à valeur ajoutée et les expéditions vers le centre du Canada.
Lorsqu'on examine ce qui a mené à la création du programme, les règlements, les principes sur lesquels ils étaient fondés, le fait qu'il n'y a plus de règlements, les décisions qui ont été prises au fil des ans, et l'évolution du secteur du transport - je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il y ait illégalité; je dirais plutôt que le programme n'atteint plus son objectif original et que sa conception est problématique.
Le vice-président (M. Shepherd): Dans votre étude, vous avez analysé les états financiers de certaines de ces entreprises. Il semble que cette subvention modifiait le résultat net d'environ 5 p. 100.
Mme Greene: Oui, nous avons tenté de déterminer dans quelle mesure cette subvention permettait à l'industrie de cette région d'améliorer ses bilans par rapport à d'autres régions du pays.
Le vice-président (M. Shepherd): Monsieur Paradis a parlé de certaines entreprises; j'ai fait mes propres recherches et j'ai découvert qu'elles sont toutes liées entre elles. En fait, ce sont les Irving et les McCain qui possèdent ces entreprises. Est-ce bien là le genre d'entreprises qui avaient besoin de ces subventions?
Mme Greene: Monsieur le président, j'estime qu'aucune de ces entreprises n'avait besoin de ces subventions, mais ce n'est que mon opinion personnelle. Elles y avaient toutes droit.
[Français]
M. Laurin: J'ai au moins deux questions à poser.
Madame Greene, vous avez dit dans votre rapport qu'en 1983, on avait fait une étude et que cette étude évaluait à 12 000 le nombre d'emplois qui pourraient être perdus en abolissant ce programme. Est-ce que vous pouvez me dire si ces chiffres sont toujours valables aujourd'hui et si l'étude est encore disponible?
[Traduction]
Mme Greene: J'ignore si les résultats de cette étude étaient ou sont encore valides. Je ne suis pas économiste, mais je suis accompagnée de deux personnews très compétentes. On m'a dit qu'il est pratiquement impossible d'évaluer les effets réels d'un programme de ce genre sur l'emploi, compte tenu de la façon dont la subvention est versée, compte tenu du fait que de très petites sommes sont versées à des milliers de gens.
Il est certain que personne ne pourrait évaluer adéquatement les répercussions de ce programme sur l'emploi. Si vous me demandez quelles sont ces répercussions, je vous répondrai qu'on m'a informée qu'il était impossible pour nous de le déterminer. Nous avons toutefois l'impression que ces répercussions sont minimes. Le rapport d'étude est encore disponible, si vous voulez le lire. Il s'agit de l'étude Hickling.
[Français]
M. Laurin: Oui, mais j'aimerais qu'on puisse en prendre connaissance. Je trouve cela étonnant. Entre 1983 et 1995, il y a 12 ans. Peut-être qu'en 12 ans, les effets nocifs de la disparition du programme sont aussi disparus, mais je m'étonne d'entendre dire qu'aujourd'hui, la disparitution de subventions de 100 millions de dollars dans la région de l'Atlantique n'aura aucun effet sur les pertes d'emplois. De toute façon, vous ne pouvez pas me le confirmer et j'en prends note.
Il y aura aussi une aide de transition qui sera apportée, et cela a été établi dans le Budget de 1995, pour compenser les pertes du programme. Une aide de 326 millions de dollars a été établie, cela sur une période de cinq ans.
Est-ce que l'ONT s'engage à transmettre aux provinces toute l'information nécessaire, y compris les résultats des enquêtes que vous avez menées sur le plan de la dépendance pour le cas où les provinces choisiraient d'accorder de l'aide directement aux expéditeurs? Il serait important que les provinces aient ces renseignements pour éviter que se répètent les erreurs qui ont été faites lorsque le transporteur et l'expéditeur étaient les seuls et mêmes propriétaires.
Est-ce que l'ONT est prêt à s'engager à fournir ces renseignements aux provinces bénéficiaires?
[Traduction]
M. Rimmer: Nous n'avons eu aucune conversation avec les provinces concernant l'administration de ces quelque 300 millions de dollars. Cette responsabilité n'incombe pas à l'Office mais plutôt, pour autant que je sache, à Transports Canada et aux provinces. Je ne sais pas où en sont les discussions.
[Français]
M. Laurin: Alors, je vais demander à Mme Greene d'y répondre.
[Traduction]
Mme Greene: Nous avons amorcé des discussions avec les cinq provinces sur la meilleure façon de distribuer les fonds de transition. Ces discussions ne sont pas encore terminées. Comme l'indique le discours du budget, il appartient aux provinces de décider si une part des fonds de transition servira à palier les difficultés des rares entreprises qui pourraient souffrir de disparition abrupte du programme, ou si ces fonds de transition serviront à d'autres projets de transport qui pourraient améliorer la rentabilité du système dans son ensemble.
Les discussions en sont encore au stade préliminaire, parce que les provinces doivent nous faire part de leurs plans sur l'usage optimal du fonds de transition.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, je vais faire des commentaires.
Je suis tout à fait abasourdi de constater que le ministère des Transports met fin à un programme sans aucune évaluation des effets. On n'a aucune idée de ce qu'on va économiser. Il reste 30 millions de dollars à dépenser, mais on ne sait pas combien d'économies on va réaliser sur ces 30 millions de dollars. On ne sait pas si ça va avoir un impact sur l'emploi. Est-ce qu'on va perdre des emplois? Est-ce que ça va permettre d'en créer d'autres? On ne sait rien, mais on a quand même pris une décision. On a dit qu'on coupe le programme.
J'espère qu'on n'a pas fait cet exercice dans tous les autres ministères ou, au moins, qu'on ne l'a pas fait de la même façon, parce que ça démontrerait la véracité de ce qu'on a dit jusqu'à maintenant, à savoir que le gouvernement trop souvent procède à la réduction de budgets ou à des coupures sans aucune planification sérieuse.
Ça me semble être la situation dans le moment. Pendant qu'on administrait le programme, le gouvernement se souciait peu de voir que ces 100 millions de dollars, pendant des dizaines d'années, ont été dépensés, et tout le monde se souciait peu que ce soit payé à la bonne place ou pas.
Aujourd'hui on coupe, mais on n'a aucune idée des économies qu'on va faire et on n'a aucune idée de l'impact sur l'emploi. C'est très décevant, monsieur le président, et c'est très alarmant en même temps.
[Traduction]
M. Williams: J'ai jeté un coup d'oeil sur le résumé du rapport relatif au Programme de subventions au transport des marchandises dans la région de l'Atlantique de juillet 1994, rapport qui découle de l'énorme quantité de données que vous avez recueillies et de vos longues recherches, madame Greene. Il me semble qu'on n'a pas su bien gérer les informations. Plus la distance était courte, plus la subvention était importante. Je cite un extrait de la page 22:
- Il convient également de souligner que la majeure partie du trafic visé à destination de l'ouest en
provenance du Québec est constitué de voyages sur une courte distance. Si ces mouvements,
effectués sur les mêmes distances, originaient de points situés plus à l'est, ils ne seraient
qualifiés que pour le Programme intra-régional et donc subventionnés à des taux moindres ou
nuls.
Ai-je raison de tirer cette conclusion? Ai-je bien interprété les données?
Mme Greene: Oui, on avait prévu un territoire bien défini pour les subventions aux mouvements vers l'ouest.
M. Williams: Monsieur Rimmer, pour revenir à ce qui vous apparaît comme étant du ressort de l'Office national des transport, ne croyez-vous pas qu'il vous incombait de recueillir des données afin de vous assurer que les sommes dépensées au nom des contribuables dans le cadre de ce programme l'étaient de façon optimale?
M. Rimmer: Il y a longtemps qu'il est établi que l'Office s'acquitte de tâches administratives, tandis que Transports Canada s'occupe de la politique et de l'évaluation des programmes. C'est Transports Canada qui avait besoin de ces données et qui les a recueillies quand il a décidé de mener cette étude.
M. Williams: Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord avec vous. Votre office avait la responsabilité de réunir toutes les feuilles de route, et sans doute de concevoir ses propres formulaires et ses propres exigences en matière d'information avant de signer le chèque. Vous dites que l'analyse statistique et l'élaboration des politiques ne relevaient pas de votre mandat et, par conséquent, vous ne vous en êtes pas occupés.
Votre travail consistait à administrer les subventions. L'Office devait administrer ces subventions en vertu des pouvoirs conférés par le ministère des Transports. Il me semble que les hauts responsables ont gravement manqué à leur responsabilité de s'assurer que l'argent était dépensé judicieusement. Vous ne disposiez d'aucun facteur permettant de prendre ces décisions; vous n'avez pas recueilli les données. Est-ce exact?
M. Rimmer: Sauf votre respect, la décision d'accorder la subvention était fondée sur l'examen de la demande qui nous était présentée. Nous avons recueilli - et nous recueillons encore - les informations nécessaires pour prendre cette décision. Il ne nous appartenait pas de déterminer le bien-fondé d'un programme de subvention ni l'incidence ou les avantages d'un tel programme.
Je reconnais tout à fait que nous avons l'obligation de recueillir les informations nécessaires pour déterminer si une demande de subvention doit être acceptée. C'est ce que nous faisons.
M. Williams: C'est fondé sur la preuve prima facie figurant dans les feuilles de route soumises, et sans s'inquiéter de savoir s'il pourrait y avoir manipulation des prix de cession interne, si le coût facturé du transport est beaucoup plus élevé que dans un environnement autonome et concurrentiel.
N'oubliez pas qu'il s'agissait de réduire le coût du transport... dans les Maritimes, mais en fait vous avez subventionné des transports... qui coûtaient beaucoup plus cher qu'ailleurs au pays. N'aviez-vous pas l'impression qu'il vous incombait de tirer la sonnette d'alarme et de signaler ce qui se passait?
M. Rimmer: Notre responsabilité était responsable vérifications prévues dans la loi. Nous les faisons toutes.
M. Williams: Ne pensez-vous pas que le responsable de l'Office aurait dû constater que quelque chose n'allait pas et dénoncer la situation? On ne peut pas se contenter d'ordonner aux commis de signer des chèques. Quelqu'un a certainement le pouvoir de rendre compte et de demander que l'on remédie à la situation. Qui est-ce?
M. Rimmer: C'est sûr qu'en ce qui concerne l'administration du programme, l'Office constate les problèmes qui nécessitent des changements législatifs. Il doit les signaler et il les a signalés à maintes reprises au ministère des Transport.
Pour ce qui est des tarifs, tout d'abord, l'Office ne croit pas avoir la capacité de les contrôler.
Est-ce que nous aurions dû examiner ces tarifs et attirer l'attention des décideurs là-dessus? Nous avons mené une étude en 1992. Dans le cadre de cette étude limitée, nous n'avons trouvé aucune preuve de tarifs abusifs. Par conséquent, le problème ne se posait pas. Nous n'avions aucune preuve nous permettant d'attirer l'attention des décideurs sur un problème réel qu'il aurait fallu corriger.
En 1993, dans le cadre de leur mandat, qui consistait à effectuer une grande évaluation du programme, les décideurs ont fait une étude approfondie.
M. Williams: Oui, mais ils sont venus le faire à votre place. Vous ne recueilliez pas de données pour eux. Vous leur avez permis de venir et de consacrer énormément de temps, d'efforts et d'argent à lire des montagnes de documents pour essayer de produire le rapport très fouillé que nous avons ici.
Je suis un peu perdu. Je viens de passer trois jours à visiter une importante organisation financière canadienne pour voir comment elle gère ses affaires. Je puis vous assurer que si quelqu'un avait dirigé une division de cette organisation comme on l'a fait ici, on l'aurait mis à la porte.
Voilà ce que j'essaie de vous dire. Pendant tout ce temps, d'aucuns pensent qu'il n'y a rien de mal à la situation actuelle. Ils estiment qu'ils n'ont d'autre responsabilité que de signer des chèques et de s'assurer qu'il n'y ait pas de fraude - je ne dis pas qu'il y en a eu - au sens de la définition juridique étroite du terme.
Je pense que quelqu'un a une responsabilité fiduciaire à l'égard du contribuable canadien. Ma question est la suivante: ce quelqu'un est-il le président de l'ONT, vous, ou quelqu'un d'autre? Chaque année, vous gériez 100 milllions de dollars pour le compte du contribuable.
M. Rimmer: À l'Office, nous avons certainement une responsabilité...
M. Williams: Vous ou le président?
M. Rimmer: L'Office.
M. Williams: Non, le commis et le concierge ne sont pas responsables. Est-ce vous ou le président de l'ONT?
M. Rimmer: Monsieur, ce sont les membres de l'Office, qui constituent l'organe quasi judiciaire de l'organisation, qui approuvent l'octroi de fonds dans le cadre du programme de subventions.
M. Williams: L'ONT a-t-il un conseil d'administration?
M. Rimmer: Oui, et quand je parle de l'Office, je pense précisément aux membres du conseil d'administration, qui prennent les décisions au sein de l'Office.
M. Williams: Quelle est la fréquence de leurs réunions?
M. Rimmer: Ils se réunissent au besoin. Un quorum de deux membres peut décider d'un dossier, et ils n'ont pas besoin de se réunir pour cela. Nous avons un système de dossiers.
M. Williams: À peu près combien de fois se sont-ils réunis au cours de la dernière année?
M. Rimmer: Monsieur, nous avons un système de dossiers que nous utilisons pour porter les décisions à leur attention, et ils approuvent les demandes de subvention au moins une fois par semaine.
M. Williams: Quelle est la fréquence de leurs réunions? Se réunissent-ils chaque semaine?
M. Rimmer: Non, monsieur. Ce que j'essayais de vous expliquer, et peut-être que je ne me fais pas bien comprendre, c'est que nous le faisons par transmission de dossiers. Nous faisons circuler un dossier papier. Les membres du conseil doivent l'étudier et le signer; il n'est donc pas nécessaire qu'ils se réunissent.
M. Williams: Quel est leur salaire? Le savez-vous?
M. Rimmer: Non, monsieur, je ne le sais pas.
M. Williams: Sont-ils rémunérés?
M. Rimmer: Oui, ils le sont; ils sont employés à temps plein.
M. Williams: À temps plein.
Le vice-président (M. Shepherd): Je pourrais peut-être répondre à cette question. Le salaire du président se situe entre 140 000$ et 170 000$ par an. Je présume que vous parlez des membres du comité; ils reçoivent entre 88 000$ et 103 000$. Est-ce raisonnable?
M. Williams: Puis-je poser ma candidature?
M. Ashley: Monsieur le président, en tant que conseiller juridique, et pour revenir à ce qu'a dit M. Rimmer, je pense que nous devrions restreindre le champ du débat.
Le problème de ce qu'on a appelé les tarifs excessifs dûs à l'affiliation sont vraiment survenus vers le milieu des années 80, à la fin de l'examen réglementaire des tarifs par les provinces. À cette époque, toutes les commissions réglementaires provinciales ont mis fin à ce qu'on appelait l'examen des tarifs raisonnables. Il s'agissait d'une décision prise par les divers politiciens provinciaux, qui estimaient que ce genre d'ingérence réglementaire n'était plus nécessaire.
Dès son entrée en fonctions, le président actuel, M. Rivard, a autorisé le déboursement d'une somme considérable pour acquérir des outils, c'est-à-dire pour obtenir exactement, monsieur Williams, la base de données que vous estimiez nécessaire. Nous étions sur le point de mettre en marche le système quand le programme a été révoqué.
La période où quelque chose pouvait être fait se situait entre 1988 et 1992. C'est à cette époque que l'Office a commencé à prendre conscience du problème.
Il convient aussi de dire que, à la fin de l'examen réglementaire des tarifs à l'échelle provinciale, tous les tarifs n'ont pas augmenté de 50 p. 100, 40 p. 100 ou 20 p. 100 du jour au lendemain de la révocation. Cela s'est produit très lentement.
Avec plus de 2 000 transporteurs et 2 millions de demandes par an, ce n'est qu'avec un délai d'un an ou deux que soudain, l'Office a commencé à se rendre compte qu'il y avait effectivement un problème. C'est alors que M. Rivard est arrivé et qu'il a déclaré qu'il y avait un problème à résoudre.
M. Williams: J'essaye de vous dire que...
Le vice-président (M. Shepherd): Quelqu'un d'autre veut-il poser une question maintenant? Désolé, mais vous n'avez plus la parole.
M. Williams: Puis-je poser une dernière question?
Le vice-président: Non.
Monsieur Paradis.
[Français]
M. Paradis: Je pense que la question ne se situe pas strictement au niveau des taux excessifs. Bien sûr, il y a une question de taux excessifs, mais si on regarde les pourcentages de subventions accordées, on parle de 6 ou 8 p. 100 en intraregional subsidy et de 28 p. 100. Si c'est 20 p. 100 de plus que le taux et qu'on applique 6 ou 8 p. 100 là-dessus, là où est le gros volume, ce n'est pas cela qui fait énormément de différence.
Ce que j'ai ressenti à la lecture de la documentation, c'est le laxisme dans l'administration de l'appareil. Nous n'avons aucun moyen de contrôle pour savoir si le déplacement dont il est question sur la demande de subvention soumise a vraiment été fait. Est-ce que ce transport a eu lieu? Il y a tellement de paperasse qui entre chez vous que personne n'a pris le temps d'examiner si ces déplacements avaient vraiment eu lieu.
On dit qu'on reçoit ces formules de demandes de paiement et, d'après les explications, on paie et on paie tout le temps. J'ai de la difficulté à comprendre cette méthode d'administrer des fonds publics. Vous êtes des administrateurs de l'argent d'autrui, de l'argent du public canadien, et non pas de votre propre argent. C'est ce non-souci qui me fatigue dans ce que j'entends, ce non-souci de l'argent d'autrui qu'on distribue comme cela.
Je reviens au texte de M. Rimmer. À la page 2, M. Rimmer mentionne:
- Le président a maintenant demandé au personnel de l'Office de donner suite à la première
recommandation et on a élaboré une nouvelle procédure d'examen des demandes qui
démontrent une augmentation considérable soit des taux, soit du degré d'activité.
[Traduction]
M. Rimmer: À l'Office, nous partageons certainement votre souci de bien gérer l'argent du contribuable. Je puis assurer à tous les membres du Comité que nous ne nous contentons pas de signer des chèques pour toutes les demandes que nous recevons.
Chaque année, nous rejetons des demandes provenant des transporteurs et se chiffrant par millions de dollars. Dans le cas de certaines de ces demandes, le transporteur pourrait estimer légitimement qu'il a droit à une subvention. Cependant, quand nous étudions la demande à la lumière des règlements, nous pouvons constater qu'un produit n'est pas admissible, l'origine ou le territoire non plus, que la destination est située à l'extérieur du Canada, ou quelque chose de ce genre. Nous examinons chaque demande en fonction d'un certain nombre de critères énoncés dans les règlements. Si ces critères ne sont pas respectés, nous n'accordons pas de subvention. C'est aussi simple que cela.
Nous avons aussi un programme de vérification sur place.
[Français]
M. Paradis: Vous vous basez strictement sur l'examen du formulaire qu'on vous tend? Vous ne vérifiez pas si le transport a eu lieu?
[Traduction]
M. Rimmer: C'est la toute première chose que nous vérifions. Nous examinons les informations provenant du transporteur. Souvent, parmi ces informations, il y a la preuve de paiement ou d'autres documents attestant clairement que la tierce partie, c'est-a-dire le destinataire, a reçu l'envoi; ainsi, nous avons une confirmation que le déplacement a effectivement eu lieu.
Nous avons un programme de vérification sur place, qui ressemble à celui de Revenu Canada. Dans ce cadre, nous nous rendons sur place pour vérifier les dossiers du transporteur et l'obliger à nous prouver que ses véhicules se sont vraiment déplacés, que le transport a effectivement eu lieu.
Monsieur, nous ne nous contentons certainement pas de vérifier des paperasses. Nous avons un programme qui nous permet de nous assurer que les déplacements ont eu lieu. Dans le cadre de la vérification sur place, qui intervient après le paiement d'une subvention, si nous constatons que nous n'aurions pas dû accorder cette subvention, nous demandons un remboursement. Dans la plupart des cas, les transporteurs s'exécutent; ils rendent volontairement l'argent. Dans certains cas, nous avons dû recourir aux tribunaux. Nous le ferons encore pour récupérer l'argent du contribuable si nous l'avons déboursé par erreur.
Nous sommes très actifs et nous avons un programme. Dans les documents qui accompagnent ma déclaration liminaire, il y a quelques diagrammes sur le cheminement d'une demande. Nous avons une méthode qui nous permet d'étudier les demandes en fonction de divers critères.
Dans son rapport, le vérificateur général s'inquiète des problèmes qui pourraient survenir à la clôture du programme. Nous avons institué de nouveaux critères qui vont au-delà des précédents. Cela ne veut certainement pas dire que nous ne faisions rien auparavant; nous en faisons encore plus que par le passé pour prévenir ce genre de risques.
Je peux vous expliquer de façon plus détaillée ce que nous faisons, mais il s'agit d'examiner les tarifs pour voir si quelqu'un profite de la clôture du programme pour gonfler ses prix ou pour soumettre des demandes pour des mouvements qui n'ont peut-être pas eu lieu. Nous serons particulièrement vigilants à cet égard, comme nous l'avons toujours été. Évidemment, si nous avons des raisons de croire qu'un mouvement n'a pas eu lieu, nous ne payons pas.
M. Ashley: De plus, monsieur le président, par le passé, quand nous recevions une demande relative à un déplacement fictif, non seulement nous ne payions pas, mais nous faisions intervenir la GRC pour qu'elle porte des accusations de fraude en vertu du Code criminel.
M. Paradis: Mais il ne s'agit pas toujours de cas où la GRC doit intervenir.
M. Rimmer: Absolument. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles on peut refuser une demande.
M. Ashley: C'est exact.
Le vice-président (M. Shepherd): Je vais devoir conclure. Nous aurons peut-être des questions à poser après, par lettre. Si les membres du comité le veulent, nous pourrions vous convoquer à nouveau.
Je vous remercie tous d'être venus. Je pense que le débat a été franc et direct, et je vous en remercie beaucoup.
Il y a deux petites questions d'ordre administratif que nous pourrions peut-être examiner très rapidement.
M. Williams propose que le mémoire écrit de Transports Canada devienne un document officiel.
Motion adoptée [voir Procès-verbal des Délibérations]
Le vice-président (M. Shepherd): Il y a un deuxième point à l'ordre du jour. Je ne sais pas si vous voulez le reporter à une date ultérieure. La semaine prochaine, nous recevrons des invités du Mexique. Ce sont des membres du Comité des comptes publics dans ce pays. Je propose que mercredi prochain, nous prévoyions une heure de débat avec eux, et ensuite, ils pourraient assister au reste de la réunion pour voir comment nous travaillons. Cela vous convient-il?
Mme Whelan: La réunion de mercredi prochain sera-t-elle publique ou à huis clos?
Le vice-président (M. Shepherd): Elle sera publique.
Le greffier du Comité: Au début, elle sera publique, car nous décidons sur place, mais la suite sera probablement à huis clos.
Le vice-président (M. Shepherd): Très bien, elle se tiendra peut-être à huis clos.
Mme Whelan: Comme vous voudrez.
Le vice-président (M. Shepherd): Oui, nous en discuterons.
Je déclare la séance levée.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, s'il vous plaît...
[Traduction]
Le vice-président (M. Shepherd): Excusez-moi, la séance n'est pas levée.
[Français]
M. Laurin: Monsieur le président, est-ce qu'il serait possible d'inscrire à l'ordre du jour de demain un point sur les conclusions de la réunion d'aujourd'hui? On termine et on a encore des choses à dire. J'aimerais qu'on en reparle pendant cinq minutes au début de la réunion de demain.
[Traduction]
Le vice-président (M. Shepherd): D'accord.
[Français]
M. Laurin: Merci.
[Traduction]
Le vice-président (M. Shepherd): Très bien.
La séance est levée.