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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 25 avril 1995

.0905

[Traduction]

La présidente: La séance est ouverte.

La présidente a été avisée que quatre motions ont été présentées par M. Mayfield. Je vous signale que ces motions figurent à notre ordre du jour. Comme M. Mayfield n'est pas présent, commençons donc par M. Gordon King.

Monsieur King, soyez le bienvenu au comité. Vous pourrez commencer quand vous le voudrez. Je crois comprendre que vous avez déjà soumis un mémoire au comité.

M. Gordon King (témoignage à titre personnel): Oui. Je voudrais faire un exposé oral qui sera nettement plus court que mon mémoire.

Je tiens à remercier le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de m'avoir invité à témoigner devant lui au sujet de la reconnaissance du statut de réfugié au Canada, en particulier dans les demandes dans lesquelles le sexe du demandeur joue un rôle.

Je tiens également à remercier le Save the Children Fund de la Colombie-Britannique, un organisme de développement qui a son siège dans cette province et qui m'a accordé deux jours de congé pour me permettre de me rendre à Ottawa.

Permettez-moi tout d'abord de vous parler un peu de moi et des raisons de ma présence.

J'ai découvert ce qu'était la persécution lorsque j'enseignais la théologie pour l'Alliance baptiste bolivienne à Cochabamba.

.0910

En 1979, un officier nommé Luis Garcis Meza Tejada a pris par la force le pouvoir en Bolivie. Un certain nombre de personnes ont disparu, dont un ami à moi qui était journaliste. Il avait mon âge et venait de se marier. Il était le président de l'Alliance baptiste de Bolivie. Je n'ai jamais oublié cette expérience.

Jose Caballero n'était pas très connu et il ne méritait donc pas d'être l'objet d'une attention internationale. Aucune mention de sa disparition n'a été faite dans la presse bolivienne, qui était soumise à la censure.

C'est une expérience à laquelle j'ai pensé tous les jours, et pas seulement en Bolivie. Il me semble l'avoir revécue quotidiennement au cours des cinq années que j'ai passées à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, entre 1989 et 1994.

Au cours de ces années-là, je me suis rendu en Amérique Centrale pendant mes vacances. Au Nicaragua, au Salvador et au Guatemala j'ai rencontré des représentants du Haut-commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés. J'ai visité les projets de développement communautaire du Save the Children Fund de la Colombie-Britannique. J'ai voyagé dans une zone de combat au Salvador, où un commandant du FFLN m'a dit que j'étais le premier étranger à venir là et à manifester de l'intérêt et des craintes pour la situation des enfants de la région. Au fil des années, j'ai donc appris à connaître les réfugiés et leur situation personnelle.

Je dois vous dire que je considérerai toujours comme un grand privilège le fait d'avoir servi à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié dans le domaine difficile de la reconnaissance du statut de réfugié. J'espère pouvoir, d'une manière ou d'une autre, consacrer le reste de ma vie à la protection de ceux qui souffrent pour la défense de leurs convictions à cause de leur race ou du groupe auquel ils appartiennent.

Pour en revenir au sujet d'aujourd'hui, je rappellerai que Mme Bernier, qui est conseillère spéciale auprès du président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a témoigné devant vous en février 1995. Elle a parlé du contexte des directives concernant les femmes demandant le statut de réfugié et qui étaient confrontées à des persécutions à cause de leur sexe. Mme Bernier avait alors déclaré que ces lignes directrices avaient été adoptées parce qu'au CIST, nous nous étions rendus compte que notre interprétation des lois concernant les réfugiés, chez nous et ailleurs, ne tenait pas compte du problème de la persécution des femmes.

Elle avait décrit les trois principales caractéristiques de cette forme de persécution qui faisaient que les interprétations de la loi sur les réfugiés en vigueur en 1993 étaient inadéquates. Selon Mme Bernier, les femmes sont souvent persécutées pour les activités de quelqu'un d'autre. C'est ce qu'elle appelait la «persécution par intermédiaire». Deuxièmement, dans le cas des femmes, la persécution prend souvent la forme d'une agression sexuelle. Troisièmement, les actes de persécution à l'égard des femmes sont commis par des particuliers, si bien que l'État est incapable de les protéger ou qu'il fait peu d'efforts dans ce sens.

Elle a résumé sa position en posant une question purement réthorique: pourquoi avons-nous été obligés de donner ces instructions à nos membres? Et elle a répondu fort simplement: parce que nous avons fini par comprendre, comme l'ont fait beaucoup d'autres, que la persécution à l'égard des femmes est différente de celle dont les hommes sont victimes, et que l'application de la loi ne tenait pas compte de ces différences.

Dans mes mémoires, qui seront, je l'espère, annexés au compte rendu de ce comité, j'examine en détail les trois points soulevés par Mme Bernier et il n'est donc pas nécessaire que je les passe en revue maintenant. Je prie les députés francophones présents de m'excuser. J'ai préparé ce mémoire pendant mes loisirs et je vous avoue que j'ai fini de le dactylographier dans mon bureau à six heures du matin. S'il n'est pas traduit, ce n'est certainement pas la faute de votre personnel, mais celle de la personne qui est devant vous et qui n'a pas préparé ce document à temps.

Je dirais simplement des remarques de Mme Bernier qu'elles me surprennent. Je l'ai dit, parce que la jurisprudence canadienne a déjà reconnu deux de ces points, le fait que certaines personnes peuvent être persécutées à cause des activités d'un ami ou d'un membre de leur famille... C'est en tout cas ce que l'expérience nous a appris en Bolivie. Ma femme et moi avons pris chez nous les enfants d'un pasteur baptiste que le gouvernement militaire recherchait, non pas parce qu'ils avaient fait quelque chose mais parce que leur père avait critiqué les gouvernements militaires antérieurs, et ces enfants étaient de ce fait menacés.

.0915

La décision concernant l'affaire Rajudeen prise par la Cour fédérale en 1984 a établi un précédent concernant la capacité, ou la volonté, de l'État d'apporter une protection, précédent qui pourrait être décisif dans la suite donnée aux demandes de réfugiés au sens de la convention. Avant même que ces lignes directrices n'existent, les avocats plaidant devant la commission pouvaient exiger d'être entendus par des membres féminins de la commission. Ils pouvaient également exiger qu'un agent d'audience de sexe féminin procède au contre-interrogatoire, et qu'une interprète essaye de rendre le témoignage le plus facile possible. Nous savons tous, bien sûr, que les personnes qui ont été torturées ou agressées ont de la difficulté à évoquer leur expérience. Il était possible de présenter à la commission des éléments de témoignages sous la forme d'évaluations médicales, psychologiques ou psychiatriques afin d'éviter de prolonger l'interrogatoire.

Cela me surprend donc que Mme Bernier dise que ces idées ne soient venues aux cadres supérieurs de la CISR qu'en 1993. Je crois que ceux qui seront encore plus surpris seront les membres du Comité consultatif du statut de réfugié qui ont servi le Canada entre 1978 et 1988, et qui avaient précisément le sentiment de traiter ce genre de demandes et de faire oeuvre originale dans ce domaine en procédant à des consultations internationales.

Pour en venir à l'essentiel de mon propos, je tiens à dire que les lignes directrices étaient surtout le fruit d'un exercice de relations publiques destiné à créer un image positive de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. En 1993, son image n'était en effet pas très bonne. Son mandat est de prendre de bonnes décisions, décisions qui sont fréquemment mal comprises et mal présentées.

J'ai passé en revue les coupures de presse concernant la CISR entre 1992 et 1993, et elles m'ont révélé les pressions à laquelle la commission était soumise. Le président actuel était certainement dans une situation difficile et souhaitait, ce qui est compréhensible, prendre l'initiative afin de créer une image plus positive de la CISR et de son travail. Les lignes directrices étaient une des stratégies les plus importantes de ce programme de relations publiques.

Je crois qu'on pourrait faire valoir que la CISR n'avait pas besoin de lignes directrices pour mieux sensibiliser ses membres à la situation des femmes demandant le statut de réfugié. En effet, près de la moitié d'entre eux sont des femmes, et beaucoup d'entre elles appartiennent à des minorités visibles. Avant de de devenir membres de la commission, bon nombre d'entre elles s'occupaient de la situation des femmes dans leurs collectivités.

Je tiens à déclarer que je dois beaucoup à mes collègues féminines à Vancouver, qui m'ont aidé à mieux comprendre la situation des femmes au Canada et dans le monde entier et les efforts qu'elle font pour accéder à l'égalité. Dans chaque bureau, il y avait des programmes de formation professionnelle destinés à régler certaines questions et préoccupations, notamment en ce qui concernait les demandes pour lesquelles le sexe était un facteur. Je crois qu'il est important que ce comité sache qu'un rapport publié par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié environ un an avant la présentation de ces lignes directrices, signalait que le taux d'acceptation des femmes était nettement plus élevé que celui des hommes pour les principaux pays d'émigration.

Je tiens à ce que cela soit très clair. Avant l'adoption des lignes directrices, le taux d'acceptation des femmes était nettement plus élevé que celui des hommes venant des mêmes pays. Cela semble donc indiquer qu'à quelques exceptions près, les membres de la commission étaient disposés à traiter équitablement et avec compassion les arguments invoqués par les femmes demandant le statut de réfugié.

La plupart des membres n'avaient aucune difficulté à appliquer la loi à ces demandes. Si l'on s'était aperçu que certains membres y étaient hostiles, ils auraient certainement été éliminés ou on aurait refait leur formation dans ce domaine. Il n'en reste pas moins que la présentation des lignes directrices a suscité beaucoup d'attention dans les médias. La CISR est considérée comme politiquement correcte, proactive et, dans certains domaines, comme un des champions de la cause des femmes demandant le statut de réfugié. À cet égard, ces lignes directrices ont donc connu un succès retentissant.

Je crois cependant que le public canadien voudrait peut-être juger la commission sur la qualité des décisions prises par ses membres. Voilà le thème que je voudrais maintenant aborder.

J'estime que le second objectif de ces lignes directrices était d'accroître les taux d'acceptation. La présidente a déclaré qu'elle avait l'intention de voir jusqu'où il serait possible de pousser la définition de réfugié au sens de la convention.

.0920

Personne n'a sans doute présenté la question de manière aussi claire et franche que ne l'a fait Michael Schelew, un ancien vice-président de la commission, à une réunion de coordonnateurs du perfectionnement professionnel, à laquelle j'ai assisté à Toronto au printemps de 1994. M. Schelew se plaignait du fait qu'il ne réussissait pas à comprendre les décisions négatives prises depuis certains des pays d'origine les plus importants. Il a déclaré que c'était les décisions négatives, et non les décisions positives qui posaient des problèmes à la commission, et que cela continuerait à moins que le public canadien ne se lasse de voir tant de décisions positives et ne commence à attaquer les taux d'acceptation élevés.

Bien sûr, sur le plan pratique, M. Schelew avait raison. Sauf dans le cas des criminels et des terroristes, un taux d'acceptation plus élevé signifie qu'il y aura moins de plaintes de la part des groupes d'intérêts, et moins d'articles négatifs dans l'immédiat.

J'ai travaillé à Vancouver et je voudrais attirer votre attention sur le bureau de la commission qui y est installé. Il ne représente qu'une bien petite partie de la CISR, mais c'est celui que je connais le mieux. Ce bureau de Vancouver a fait l'objet de nombreuses plaintes, et je dois avouer que certaines étaient justifiées, même si la plupart d'entre elles ne l'étaient pas.

La majorité de ces plaintes concernait le taux d'acceptation qui, entre mai 1992 et mai 1993, a été de 28 p. 100. Il était nettement inférieur au taux moyen d'acceptation des autres bureaux de la CISR et nettement plus élevé que les taux d'acceptation des réfugiés au sens de la convention de tous les pays européens, y compris les nations scandinaves.

J'ajouterai en passant que le Comité consultatif du statut de réfugié a eu des taux d'acceptation de 22 p. 100 à 34 p. 100 entre 1978 et 1988. Ce n'est qu'en 1988, lorsque le CCSR a su que ses jours étaient comptés et qu'il a décidé de concentrer ses efforts sur les demandes les plus méritoires, que le taux d'acceptation a atteint 38 p. 100. Je considère donc qu'à Vancouver, ce taux était conforme à la tradition canadienne d'accueil des réfugiés.

En décembre 1993, le taux d'acceptation avait atteint 53 p. 100 à Vancouver. Au cas où cela serait considéré comme une anomalie, je précise qu'en janvier 1994, il y a eu 47 p. 100 de décisions positives.

Cependant ce pourcentage est bien faible en comparaison des taux actuels d'acceptation à Vancouver, après l'élimination des anciens membres de la commission et la nomination d'une nouvelle équipe en 1994. En décembre 1994 et en janvier 1995, ils ont en effet atteint 83 p. 100 et 84 p. 100, respectivement.

La présidente: Monsieur King nous sommes ici pour discuter des demandes de statut de réfugié dans lesquelles le sexe est un facteur et non de la commission. Si vous voulez bien conclure, nous pourrons passer aux questions. Nous avons votre mémoire. Je crois que tout ce que vous venez de dire figure dans votre mémoire.

M. King: Bien. Je vais essayer de conclure en deux minutes. Je tiens simplement à dire que je parle de ces lignes directrices parce qu'elles ont joué un rôle dans l'augmentation des taux d'acceptation, taux qui ne concordent pas du tout avec les taux d'acceptation des réfugiés au sens de la convention dans les autres pays industrialisés, ou qui en sont en tout cas très différents.

Cela faisait partie du processus. J'ai également évoqué d'autres raisons dans mon mémoire, y compris l'évolution du rôle des agents d'audience au cours des contre-interrogatoires ainsi que le rôle des promoteurs de l'immigration à Vancouver.

Je tiens simplement à déclarer que le bureau de Vancouver a été soumis à d'énormes pressions par ces derniers et que la CISR n'a pas offert de moyens de défense aux membres de ce bureau régional.

.0925

Pour en revenir à la question, je dirais simplement que les directives concernant les revendicatrices du statut de réfugié ont constitué un exercice de relations publiques auquel peu de gens pourraient avoir à redire. En fait, il est difficile de les critiquer, même si l'élasticité de la définition me gêne un peu. Ce qui me préoccupe le plus, c'est que les directives faisaient partie d'un processus qui a détourné la commission de son mandat principal. Celui-ci est de prendre de bonnes décisions fondées sur l'étude des meilleurs éléments de preuve possibles.

Je crois que le Parlement doit faire en sorte que la commission rende des comptes et doit insister pour qu'elle revienne à sa mission, qui consiste à prendre des décisions justes et équitables en appliquant la définition de statut de réfugié au sens de la Convention. C'est le meilleur moyen de retrouver la confiance du public. Toutes les initiatives de la commission doivent viser cette fin.

J'aimerais terminer avec une anecdote personnelle. Au moment où j'arrivais à la fin de mon mandat en Bolivie, un ami a communiqué avec moi. C'était un médecin. Il avait fait ses études aux États-Unis et c'était également un merveilleux musicien. Il avait une fille retardée mentale. Lui et sa femme souhaitaient habiter dans un pays industrialisé où ils pourraient avoir accès à des programmes spéciaux pour leur fille. Il n'est pas facile d'avoir un enfant ayant des besoins spéciaux dans un pays Tiers monde.

Cet ami m'a demandé ce que je pensais de son idée, qui consistait à venir au Canada et à demander le statut de réfugié au sens de la Convention. Il aurait inventé une histoire selon laquelle il aurait été membre d'un groupe politique et aurait été persécuté par le gouvernement. J'ai conseillé à cet ami de ne pas poursuivre cette idée, même si ses intentions étaient honorables; je lui ai dit que c'était un homme de foi et un honnête homme et que le fait d'atteindre son but de façon malhonnête le poursuivra pour le reste de ses jours.

Voilà la question que je vous pose pour la commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ai-je donné un bon conseil? Défendons-nous les principes d'équité et de vérité ou avons-nous un système qui récompense des gens qui arrivent au Canada avec d'autres motifs. Le conseil que j'ai donné était-il terriblement naïf?

Madame la présidente, je suis désolé d'avoir digressé, mais je pense qu'il y a un lien. Je serai heureux de répondre aux questions des membres du comité.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur King.

Je vais commencer par Mme Debien, please.

[Français]

Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur King. Bienvenue à notre Comité. À vous entendre et à la lecture de votre texte que j'ai essayé de lire le plus attentivement possible, même si je ne maîtrise pas parfaitement bien l'anglais, il semble que tout allait bien dans le meilleur des mondes à la CISR, avant qu'on n'émette les lignes directrices.

D'après ce que j'ai pu comprendre de votre texte, les lignes directrices sont déjà incluses dans la jurisprudence canadienne. Vous avez dit qu'il y avait des agents féminins, des interprètes féminins qui s'occupaient déjà des femmes réfugiées et qu'on pouvait soumettre des preuves sous forme de certificat médical. En fin de compte, j'ai lu en quelque part dans votre texte, que les agents étaient bien formés. Il ne semble pas y avoir de problème, sinon le qualificatif que vous utilisez à savoir que les lignes directrices ne sont qu'une vaste stratégie de relations publiques pour redorer l'image de la commission.

Nous avons reçu, depuis déjà plusieurs mois, de nombreux organismes qui s'occupent de femmes réfugiées et ce n'est pas ce que nous avons entendu. J'en prends à témoin mes collègues ici. Dans tous les rapports qui nous ont été soumis, les femmes réfugiées éprouvent de très grandes difficultés, ne serait-ce qu'au niveau de l'information que l'on transmet ou de la formation reçue par les agents de visa, par exemple, aux ports d'entrée ou même ici dans les différentes commissions.

.0930

Vous êtes surpris, me dites-vous, des observations de Mme Bernier, et je suis également très surprise des vôtres. Enfin, je ne vous demande pas qui a raison ou qui a tort, mais j'aimerais que vous m'expliquiez ce qui motive vos observations par rapport à celles que nous avons déjà entendues et qui sont relativement très différentes des vôtres? Et je vous dirai que 50 p. 100 de la population mérite peut-être une stratégie d'opération de relations publiques.

[Traduction]

M. King: Merci beaucoup de votre question. J'aimerais parler aussi couramment le français que vous parlez l'anglais.

Je ne dirai certainement pas que les choses étaient parfaites à la CISR. Quel que soit le système dont dispose le Canada pour déterminer le statut de réfugié, il y aura toujours des gens pour débattre des questions et contester les décisions. Toutes les décisions ne peuvent pas être bonnes car les personnes qui occupent ces postes sont faillibles.

Vous avez mentionné les dispositions qui existent déjà. Et effectivement elles existent. L'adoption des directives n'a pas changé ces dispositions. On prenait déjà des décisions concernant des revendications fondées sur le sexe bien avant les directives.

En fait, lorsque l'on a commencé à former les gens après l'adoption des directives, du fait que j'étais chargé de la formation profesionnelle à Vancouver, j'ai pu obtenir les réactions de mes collègues. Un certain nombre d'entre eux, y compris des femmes, m'ont demandé en quoi les directives changeaient quoi que ce soit.

J'ai dit qu'il s'agissait d'une vaste stratégie de relations publiques car la plupart des efforts ont porté sur la communication des directives à l'extérieur de la commission. En fait, lorsque je travaillais à la commission à Vancouver, les programmes de formation ne faisaient pas intervenir des personnes occupant des postes de haut niveau.

La commission a eu la chance d'avoir des conseillers juridiques et un personnel très capable et très compétent. Bon nombre d'entre nous ont été surpris par les gens qui ont été sélectionnés pour assurer la formation car ils n'auraient pas été classés à un haut niveau d'ancienneté sur cette liste.

En ce qui concerne la formation des agents des visas, cela n'est pas de ma compétence. Je peux uniquement parler de ma propre perspective de la détermination du statut de réfugié telle qu'elle se pratique dans les salles d'audience de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.

Vous vous êtes dites surprise du fait que les observations de Mme Bernier m'ont étonné. C'est simplement que les trois points soulevés par Mme Bernier étaient certainement des points dont les membres de la commission connaissaient déjà l'existence en 1989, 1990, 1991 et 1992. J'ai parlé à des membres de notre personnel qui m'ont dit qu'il n'y avait rien de nouveau dans ces trois points et qu'ils avaient déjà pris des décisions relatives à la détermination du statut de réfugié qui s'y rapportaient. J'ai répondu à ces observations en disant que nous nous sommes aperçus que la jurisprudence ne tenait pas compte de ces points, que ce soit au plan national ou international.

Je me trouve dans une position délicate car si vous me demandez ce que je pense des droits de l'enfant dans le développement international, je vous dirais que l'on ne peut jamais faire assez pour sensibiliser les gens aux droits des enfants et à la nécessité du développement international, et je dirais la même chose des revendicatrices du statut de réfugié. On ne pourra jamais en faire assez pour sensibiliser les gens.

.0935

Il faut constamment sensibiliser les membres grâce aux programmes de formation. Mais je dis simplement que les directives s'adressaient davantage aux gens de l'extérieur qu'aux membres de la Commission elle-même.

M. Hanger (Calgary-Nord-Est): D'autres témoins nous ont dit qu'il n'y avait pas eu cette inondation, si vous voulez, de revendications fondées sur le sexe. Je suis curieux de savoir ce que, d'après vous, les nouvelles directives ont permis de faire et pourquoi nous n'avons pas été submergés par des revendications fondées sur le sexe.

M. King: J'ai remarqué que lorsque la présidente a fait ses observations au comité, elle a parlé de quelque 600 revendications fondées sur le sexe. Je suis surpris par ce chiffre, qui nous renvoie certainement à la question de la définition. À Vancouver, nous avons remarqué après l'adoption des directives que les avocats les utilisaient pour presque toutes les revendications du statut de réfugié par les femmes.

Pour préparer mon témoignage devant le comité permanent, j'ai parlé à des gens qui travaillent actuellement à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié et je leur ai demandé de me parler de leur expérience actuelle. Ils m'ont dit que, dans la salle d'audience, ils s'attendent à ce que l'on utilise les directives et que l'on y fasse référence, s'il s'agit d'une revendicatrice. J'ai parlé aux avocats qui présentent actuellement des revendications devant la Commission de Vancouver et ils m'ont dit que lorsqu'ils présentent des revendications de statut de réfugié concernant des femmes, ils se servent des directives.

C'est pourquoi ce chiffre de 600 m'étonne. C'est une question intéressante mais cela me paraît difficile à comprendre.

M. Hanger: Que pensez-vous du nouveau processus d'audience prévu?

M. King: J'ai grandi dans la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique. Mon père cultivait des arbres fruitiers et nous passions beaucoup de temps à cueillir des fruits. Pour moi, le nouveau processus d'audience me fait penser à un universitaire habitant en ville, qui n'a jamais mis les pieds dans un verger et qui doit concevoir un cueilleur de cerises.

À Vancouver, j'ai participé à de nombreuses audiences, où j'étais le seul membre du tribunal, en partie parce que je n'aimais pas du tout que des revendicateurs et des avocats se rendent à la division des réfugiés et être obligés de repartir parce quelqu'un a été malade et que l'affaire ne pouvait être poursuivie. C'est pourquoi si l'avocat m'acceptait et que le revendicateur ou la revendicatrice du statut de réfugié acceptait de passer devant une seule personne, je m'occupais du cas. Je ne pense pas que quiconque à Vancouver ait jugé plus de cas que moi.

Il n'est pas facile de procéder à une audience avec un seul membre, mais j'y suis favorable - et je loue le ministre pour cette mesure - car je pense que sur le plan de l'économie canadienne, c'est une bonne décision. Je sais qu'il y a des membres de la Commission qui ne sont pas d'accord avec moi.

La critique que je ferais du nouveau système d'audience, c'est que la charge de travail de chaque membre est très lourde. Pour juger d'un cas convenablement, il faut lire beaucoup, il faut faire un contre-interrogatoire - je ne suis pas avocat, mais j'ai appris un certain nombre de choses sur le droit et sur la façon habile de mener un contre-interrogatoire. Je dirais que c'est un peu comme un ministre qui prononce un bon sermon. Ce n'est pas simplement parce qu'il est doué mais parce qu'il a beaucoup travaillé. Pour bien faire un contre-interrogatoire, il faut connaître les documents, il faut connaître l'histoire du revendicateur et être bien préparé.

En vertu du nouveau système, tel que je le vois, les membres de la commission seront chargés du contre-interrogatoire. Cela veut dire qu'ils seront non seulement des décideurs mais également des contre-interrogateurs, si l'on peut dire. Ils devront vérifier la crédibilité de la revendication.

.0940

D'autre part, on s'attend à ce que les membres de la Commission du statut de réfugié ait déjà tenu une conférence préparatoire à l'audience, probablement avec le revendicateur, l'avocat du revendicateur et un agent d'audition, et qu'il fixe un programme de recherche pour la préparation de l'audience.

Je suis sûr que je n'ai pas besoin de préciser aux députés la quantité de lecture nécessaire. Votre travail doit être encore plus important que celui des membres de la commission. À la Commission du statut de réfugié, si vous n'avez pas fini un cas le premier jour et qu'il est reporté à deux mois plus tard, vous devez parcourir à nouveau tous les témoignages et non seulement bien connaître les documents, mais avoir bien examiné ces témoignages.

C'est pourquoi je ne vois pas comment les membres de la commission pourront faire ce travail et rédiger leurs motifs. Je ne pense pas que ce soit faisable.

Mme Clancy (Halifax): Monsieur King, mes questions sont assez simples et j'aimerais avoir des réponses directes.

Premièrement, pouvez-vous définir pour moi l'expression «discrimination systémique à l'encontre des femmes»?

M. King: Spontanément, ma définition serait la suivante: des femmes qui doivent vivre dans un système qui limite considérablement leurs droits.

Mme Clancy: En fait, ce n'est pas la définition de la discrimination systémique à l'encontre des femmes, mais certainement une définition de la discrimination.

Depuis combien de temps n'avez-vous pas siégé à la commission?

M. King: J'ai quitté la commission il y a un an.

Mme Clancy: Il y a un an. Pourriez-vous me citer certains des principaux domaines dans lesquels les femmes font l'objet d'une discrimination en général, sans entrer dans la question des réfugiés... Vous n'y êtes pas obligé, mais pourriez-vous le faire? Pourriez-vous par exemple me donner une liste des domaines dans lesquels les femmes font probablement l'objet d'une discrimination, d'après vous, dans notre société ou dans une autre? Je ne vous demande pas de répondre, mais pensez-vous être en mesure de le faire?

M. King: Je pense pouvoir en mentionner quelques-uns.

Mme Clancy: Très bien. J'aimerais être un peu plus précise et vous demander de me dire ce qui constitue, d'après vous, dans notre société, au Canada, la principale manifestation d'une discrimination contre les femmes?

M. King: Puis-je en mentionner plusieurs?

Mme Clancy: Non, j'aimerais un seul secteur. Choisissez-en un.

M. Hanger: Madame la présidente, quelle est la pertinence de cette question?

Mme Clancy: Je parle de la discrimination fondée sur le sexe...

M. Hanger: Dans notre pays?

Mme Clancy: ...dans le sens le plus général, dans tous les pays. Autrement dit, si nous avons telle ou telle situation dans notre pays, dont les Nations Unies disent qu'il est l'un des meilleurs pays du monde, cela devrait être encore pire dans des pays qui produisent des réfugiés. Voilà ma démarche, monsieur Hanger.

Puis-je terminer ma question, madame la présidente?

La présidente: Monsieur Hanger, pourriez-vous laisser Mme Clancy poser sa question s'il vous plaît. Je vous ai laissé poser la vôtre.

Mme Clancy: Donnez-moi un domaine.

M. King: Madame Clancy, j'ai deux filles, je veux que mes filles...

Mme Clancy: Je ne veux pas d'anecdotes. Donnez-moi deux domaines dans lesquels vous pensez que les femmes font l'objet de discrimination; deux seulement, n'importe lesquels.

M. King: Le milieu de travail?

Mme Clancy: En voilà un. D'autres?

M. King: L'équité en matière d'emploi.

Mme Clancy: Très bien. Merci. Vous m'en avez donné deux, bien qu'ils soient plus ou moins dans le même...

M. King: Désolé. Je voulais parler des salaires.

Mme Clancy: C'est un autre domaine, je suis surprise que vous n'ayez pas parlé de la violence dans notre pays. D'accord.

M. King: La discrimination pour la violence?

Mme Clancy: Je pense que la violence est une forme extrême de discrimination.

La présidente: Pourrions-nous nous en tenir aux questions et aux réponses s'il vous plaît et ne pas nous lancer dans un débat. Merci.

Mme Clancy: De toute façon, vous avez parlé de la vulnérabilité des femmes réfugiées. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, en raison des deux domaines que vous avez mentionnés et de celui que j'ai ajouté, les femmes dans le monde entier peuvent être victimes de discrimination, quel que soit le pays dans lequel elles vivent?

M. King: Tout à fait.

Mme Clancy: Bon. Par conséquent, ne diriez-vous pas que dans le cas des pays qui produisent des réfugiés, comme la Bosnie, la Somalie et certains pays d'Amérique du Sud que vous connaissez bien, il pourrait y avoir des causes primaires et secondaires aux revendications du statut de réfugié? Autrement dit, la principale cause d'une revendication du statut de réfugié pourrait être le fait que si vous passez le pas de votre porte, quel que soit votre sexe, vous pouvez recevoir une balle d'un tireur embusqué. Ce serait probablement la cause principale, notamment selon les lignes directrices des Nations Unies. Est-ce exact?

M. King: Oui.

.0945

Mme Clancy: D'accord. Par conséquent, si un pays comme le Canada émet des directives, il se pourrait bien qu'il y ait également une cause secondaire.

Vous dites que vous n'êtes pas avocat. Je vous dirai que les avocats ont tendance à établir leurs dossiers sur la prépondérance des preuves... sur le fait qu'il peut y avoir des revendications primaires et secondaires. N'est-ce pas exact?

M. King: Si.

Mme Clancy: D'accord. Pour terminer, comme vous le dirait ma très chère mère, monsieur King, vous devez très bien connaître une femme avant de dire que c'est une dame.

Mme Terrana (Vancouver-Est): Vous avez dit que les directives fondées sur le sexe étaient uniquement un exercice de relations publiques et que pouviez appliquer ces directives avant qu'elles ne soient mises en oeuvre. J'aimerais que vous me donniez quelques exemples, car je pense que ces directives étaient nécessaires. En tant que femme, sachant ce par quoi passent les femmes dans le monde, je pense qu'elles sont nécessaires. C'est pourquoi j'aimerais que vous me donniez certains exemples pour justifier ce que vous avez dit au sujet de cet exercice de relations publiques. Cela me dérange quelque peu de vous entendre dire cela.

M. King: Je le dis car, à mon avis, d'après les taux d'acceptation de la commission, qui, comme je l'ai déjà dit, étaient plus élevés pour chaque pays d'origine pour les revendicatrices du statut de réfugié, il y avait un problème. Bien entendu, nous aurions pu mieux faire, et vous verrez que dans mon mémoire, j'ai indiqué qu'il me semblait que le cadre analytique était très utile pour prendre des décisions. Mais j'ai pris des décisions positives au sujet de revendicatrices du statut de réfugié bien avant l'adoption des directives et après leur adoption. Il ne m'a pas semblé qu'elles changeaient la jurisprudence dans le cadre de laquelle je devais agir, en tant que membre de la commission.

Mon exposé d'aujourd'hui consiste en partie à vous dire que le lendemain de l'introduction des directives, la commission poursuivait son travail comme à l'habitude, en citant toujours la même jurisprudence.

Je ne sais pas trop quoi vous dire. Voulez-vous que je vous donne des exemples concrets de cas ayant fait l'objet d'une décision?

Mme Terrana: Je ne pense pas que nous ayons le temps.

Vous saviez déjà ce qui se passait avant et vous appliquiez les directives avant même qu'elles soient adoptées. Qu'en est-il du reste de la commission? Vous avez dit que la commission continuait son travail de la même façon. En avez-vous des preuves? Pensez-vous qu'il y a eu des améliorations depuis l'adoption des directives?

M. King: On pourrait dire que la commission en général connaît mieux la situation des revendicatrices du statut de réfugié et leurs besoins particuliers. Je n'ai jamais voulu dire que les directives sont inutiles pour la commission. Mais je dis qu'il s'agissait surtout d'un exercice de relations publiques et qu'il existait déjà des moyens d'aborder ces problèmes à l'aide de programmes de formation professionnelle, et c'est ce que nous faisions.

[Français]

Mme Debien: Suite à tout ce que vous venez de dire en réponse à nos questions, je pense qu'il faut situer vos interventions à deux niveaux d'interprétation.

Quand vous dites que la jurisprudence canadienne reconnaît déjà les différents aspects contenus dans les lignes directrices et que celles-ci, dans le fond, sont venues confirmer ce qu'il y avait déjà dans la jurisprudence canadienne, et donc que ce n'était pas nécessaire qu'elles soient émises, je pense que c'est une chose. En ce sens, certaines observations de Mrs. Hathaway, qui s'est présenté devant nous ici, il y a quelque temps, rejoignaient un peu ces mêmes observations, même si je n'étais pas d'accord.

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Je pense que l'autre niveau d'interprétation est celui de la mise en application de ces directives et que c'est là où le bât blesse. Je veux bien comprendre que la jurisprudence canadienne contient déjà les grands paramètres émis dans les lignes directrices, sauf que ce à quoi nous avons été confrontés ici, suite aux différents témoignages qui nous ont été présentés, est un problème de mise en application.

Peu importe qu'on dise qu'elles soient déjà contenues dans la jurisprudence canadienne ou que les lignes directrices actuelles viennent conforter ce qui était déjà dans la jurisprudence canadienne, il y a deux niveaux d'interprétation et c'est comme cela que je comprends le problème.

Je ne sais pas si mes observations abondent dans le sens que celles de Mme Clancy, entre autres, avec laquelle je suis pas mal sur la même longueur d'ondes dans ce sens. En tout cas, c'est actuellement mon niveau de compréhension. C'est un problème de mise en application, d'après ce que vous nous avez dit. C'est ce que je comprends et cela ne veut pas dire que j'entérine ce que vous avez dit. C'est une observation.

[Traduction]

M. King: Oui, je pense que votre observation est bonne.

J'ai dit dans ma conclusion que je trouvais difficile de critiquer les directives. Si je faisais partie de ce comité, je m'inquièterais des taux d'acceptation et de ce que je viens de dire. Je pense que vous devez vous demander pourquoi le Canada est si différent des autres pays du monde.

[Français]

M. Nunez (Bourassa): Merci pour votre présentation. C'est un sujet très important et vous êtes venu de Vancouver. Vous savez qu'environ 80 p. 100 des réfugiés dans le monde sont des femmes et des enfants. Vous avez vécu la situation en Bolivie. Quelles sont vos recommandations pour mieux protéger les femmes réfugiées sur le terrain?

Vous connaissez la situation en Bolivie et en Amérique centrale. Est-ce que vous avez des suggestions à nous faire là-dessus?

[Traduction]

M. King: Monsieur Nunez, merci de votre question. Je sais que vous auriez de très bonnes idées.

Quant à moi, je pense que nous devrions faire en sorte que le système canadien fonctionne pour que les réfugiés qui ont besoin de protection et la méritent l'obtiennent ici.

En ce qui concerne notre travail à l'étranger, les organisations qui s'occupent de développement communautaire, qui insistent sur une formation spéciale pour les femmes, des emprunts à faible taux d'intérêt pour les femmes et les droits de la personne pour les femmes font une différence. J'espère que nous qui contribuons, en tant que pays, à ces programmes, nous allons les appuyer. Cela fait partie de notre contribution, non seulement agir comme il convient lorsque les gens arrivent chez nous, mais en tant que nation riche et possédant un certain prestige, contribuer à faire ce qu'il faut dans le pays d'origine.

[Français]

M. Nunez: Ces directives n'ont pas force de loi. Est-ce que vous croyez qu'on devrait aussi prévoir, dans la loi actuelle de l'immigration, des dispositions spécifiques pour protéger les femmes persécutées en raison de leur sexe?

[Traduction]

M. King: Comme dans tout ce que j'ai dit aujourd'hui, je donne ma propre opinion, c'est-à-dire que la définition de la convention elle-même est suffisamment souple pour tenir compte des questions liées aux revendications fondées sur le sexe et que la jurisprudence canadienne est déjà en mesure de répondre à ces besoins. Je m'inquiète davantage du bon fonctionnement de la commission que d'une modification de la loi.

M. Hanger: Au cours de votre présentation, vous avez mentionné au sujet de la crédibilité que, dans le cadre du nouveau processus, un membre de la commission va écouter et interroger le demandeur si cette personne le souhaite. Il faut aussi voir dans quelle mesure il sera possible de faire cela. Voyez-vous la crédibilité comme un facteur important dans chacune de ces demandes?

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M. King: La crédibilité n'est pas toujours un facteur important dans les demandes du statut de réfugié lorsque les pièces justificatives sont valables. Je suis désolé de recourir à des exemples, mais c'est la meilleure façon d'expliquer ce que je veux dire.

Je me souviens d'un cas où nous avons simplement demandé à l'avocat d'obtenir un document du syndicat des enseignants au Salvador pour montrer que cette personne avait été membre du syndicat. En moins d'une journée, nous avons reçu le document en question par télécopieur et avons pu prendre une décision.

La crédibilité est un facteur important lorsqu'on ne connaît pas vraiment l'identité de la personne dont on étudie la demande. Le processus d'examen accéléré des revendications, qui consiste simplement dans la sélection administrative des demandeurs du statut de réfugié, peut donner lieu à des abus parce que la crédibilité du demandeur n'est pas mise à l'épreuve.

Je suis d'accord avec Mme Bernier. Elle a dit que la crédibilité est le principal facteur dans la plupart des audiences relatives à la reconnaissance du statut de réfugié. C'est tout à fait normal. Nous avons la personne devant nous et nous avons son histoire. Nous voulons protéger cette personne si elle a besoin de protection. La seule façon de s'assurer de la crédibilité de cette personne, c'est de lui poser certaines questions précises. Si on ne pose pas ce genre de questions, on ne peut pas établir la crédibilité du demandeur.

Le meilleur ami d'un réfugié est certainement la personne qui est prête à prendre des décisions difficiles fondées sur des preuves solides, parce que cette personne se trouve ainsi à protéger la place des réfugiés dans cinq ans d'ici et dans dix ans d'ici en assurant la crédibilité de notre système.

M. Harper: Étant donné le taux d'acceptation, qui est très élevé au Canada comparativement aux autres pays, le fait que nous n'ayons pas vraiment une formule d'opposition qui nous permette de juger de la crédibilité des demandeurs, y compris ceux dont la demande est fondée sur le sexe, pose un grave problème.

M. King: Je crois que nous avons effectivement un grave problème au Canada. Nous allons continuer de limiter le nombre de réfugiés en imposant des restrictions en ce qui concerne les visas et en faisant d'autres choses pour qu'il soit plus difficile pour les gens de venir au Canada. Ce n'est pourtant pas ce qu'il faut faire. Ce que nous devons faire, c'est nous assurer que le système est efficace pour ce qui est d'identifier les personnes qui ont vraiment besoin de protection.

M. Hanger: Vous n'avez pas vraiment proposé de solution de rechange à cet égard. Nous avons certainement fait notre part en soumettant tout ce système à un réexamen. Mais je veux m'écarter de cette question pendant un instant.

Les lignes directrices sont-elles une béquille pour les membres qui ont une connaissance insuffisante de la jurisprudence?

M. King: Je ne sais pas s'ils ont besoin d'une béquille.

M. Hanger: Mais est-ce là le but des lignes directrices?

M. King: Je ne peux pas dire que ce soit le cas. Compte tenu de la façon dont la CISR est structurée, presque n'importe quoi peut servir à cette fin parce que jamais personne ne conteste les décisions positives au Canada.

À quand remonte la dernière décision positive dont la Cour d'appel fédérale a été saisie? En tant que Canadiens, si nous voulons que le système fonctionne bien, il est important que nous prenions de bonnes décisions relativement aux gens à qui nous accordons le statut d'immigrant reçu et la citoyenneté canadienne. J'aimerais bien que les décisions positives, tout comme les décisions négatives, puissent être soumises à un examen ministériel afin d'en assurer le bien-fondé selon les règles de droit et les preuves produites.

Si on ne veut pas avoir de problèmes dans ce système, on n'a qu'à rendre des décisions positives, car personne ne s'en plaindra. La commission ne semble jamais avoir de problèmes avec les bureaux ou les personnes qui ont un taux d'acceptation de 80 ou 90 p. 100. Ces décisions sont-elles toutes bonnes?

La présidente: Monsieur King, je voudrais savoir si, à votre avis, le viol ou la violence dans le contexte d'une guerre sont une raison valable pour revendiquer le statut de réfugié.

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M. King: Oui. Je crois que le viol peut être une forme de torture aux termes de la convention. N'est-ce pas ce que nous avons vu en Bosnie? On violait les femmes, on castrait les hommes.

La présidente: Par conséquent, en tant qu'ancien membre de la CISR, auriez-vous accordé le statut de réfugié à une femme bosniaque dont la demande aurait été fondée sur le fait qu'elle a été violée?

M. King: Oui, et j'ai d'ailleurs rendu des décisions concernant des demandes présentées par des Bosniaques.

La présidente: Vous êtes donc d'accord pour dire que les lignes directrices aident effectivement les membres de la commission relativement à ce genre de demande?

M. King: Mais les membres de la commission auraient certainement pris la même décision avant la publication des lignes directrices.

Mme Clancy: Pas nécessairement.

La présidente: Mon autre question est celle que vous a posée M. Nunez. Les lignes directrices devraient-elles être incluses dans la loi? À l'heure actuelle, les membres ne sont pas tenus de suivre les lignes directrices. On leur suggère de les suivre, mais ce n'est pas une obligation.

M. King: Ils doivent rendre compte au président s'ils ne le font pas. Je crois qu'il y a suffisamment de pression...

La présidente: Mais vous ne croyez pas que ces lignes directrices devraient être incluses dans la loi?

M. King: Non, je ne crois pas qu'elles devraient l'être.

Puis-je revenir à votre question?

La présidente: Certainement.

M. King: Il y a un aspect de cette question qui pose certains problèmes. Comme on vous l'a dit probablement plus souvent que vous n'auriez voulu l'entendre, on doit tenir compte de l'avenir dans la détermination du statut de réfugié. Si, par exemple, je suis citoyen d'un tel pays et que j'ai été persécuté ou torturé par le gouvernement de ce pays mais que les circonstances ont changé, cela rend la situation plus difficile pour les personnes qui doivent prendre une décision. Elles doivent non seulement tenir compte du traitement que j'ai subi, mais aussi déterminer si j'aurais des raisons valables de craindre la persécution si je retournais maintenant dans mon pays d'origine.

C'est le cas du Chili. On pourrait déterminer que la situation s'est stabilisée et que le danger de persécution n'existe plus.

Il est toutefois prévu que, lorsque des personnes ont souffert de façon extraordinaire, elles ne devraient jamais être obligées de retourner dans leur pays d'origine. Je crois que cette disposition avait été prévue pour les Juifs, afin qu'ils n'aient pas à retourner en Allemagne ou en Europe de l'Est, où ils avaient tant souffert. Cependant, nous nous sommes servis de cette disposition dans des cas où les circonstances avaient changé, mais où nous estimions que, sur le plan émotif, ce serait tellement traumatisant pour la personne de retourner dans son pays d'origine qu'il fallait que le Canada soit généreux et permette à cette personne de rester ici même s'il n'y avait pas de danger prévisible.

La présidente: Monsieur King, je vous remercie pour vos remarques sur la CISR et sur les demandes du statut de réfugié fondées sur le sexe. Je suis heureuse de vous entendre dire que le Canada continue d'être un pays très généreux et devrait maintenir cette politique. Merci beaucoup.

M. King: Je m'excuse de ne pas avoir été plus bref dans mes réponses.

La présidente: Vous n'avez pas à vous excuser. Merci.

Chers collègues, M. Mayfield avait présenté un certain nombre de motions que nous devions examiner aujourd'hui, mais, comme il est absent, nous allons reporter l'adoption de ces motions. Il a donné le préavis nécessaire, etc., mais nous allons reporter cela à plus tard.

Mme Clancy: Nous n'allons pas le faire maintenant?

La présidente: Non, parce qu'il n'est pas ici.

La séance est levée.

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