[Enregistrement électronique]
Le jeudi 4 mai 1995
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): La séance est ouverte. Je vous remercie tous beaucoup d'être ici. Il me fait plaisir de vous voir tous ici de si bon matin. Puisque nous avons un quorum, nous allons commencer même si tous les membres du comité ne sont pas encore arrivés.
Conformément aux articles 110 et 111 du Règlement, nous examinons ce matin les nominations par décret faites auprès de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Nous accueillons ce matin M. Jean-Guy Fleury qui a été nommé sous-secrétaire de la Direction des ressources humaines du Secrétariat du Conseil du Trésor le 21 janvier 1992. Il est maintenant directeur exécutif de la Commission.
Monsieur Fleury, avant que nous vous posions des questions, avez-vous une déclaration préliminaire à faire? Comment préférez-vous procéder?
M. Jean-Guy Fleury (directeur exécutif, Commission de l'immigration et du statut de réfugié): Non, monsieur le président, je préfère répondre aux questions. Je pense que les membres du Comité ont reçu un exemplaire du curriculum vitae.
Le vice-président (M. Dromisky): Monsieur Fleury est accompagné de Philip Palmer, avocat général et directeur des Services juridiques.
Monsieur Nunez.
[Français]
M. Nunez (Bourassa): Bonjour, monsieur Fleury.
M. Fleury: Bonjour.
M. Nunez: J'ai obtenu votre curriculum vitae et il y a une différence entre le curriculum vitae que nous avons obtenu dernièrement et celui qui a été publié lors de votre nomination.
Vous avez été nommé directeur général de la CISR le 18 avril 1995 au salaire de 110 100$ à 129 700$ - je ne connais pas votre salaire réel - pour une période de six ans.
Vous savez que votre nomination a éveillé beaucoup de curiosité, surtout parmi les journalistes, et aussi beaucoup de suspicion parmi les groupes qui travaillent avec les immigrants et les réfugiés et les avocats spécialisés en droit de l'immigration, parce que vous aviez caché que vous aviez travaillé pendant trois ans au Service canadien du renseignement de sécurité.
J'aimerais, dans un premier temps, vous demander pourquoi vous avez caché ces trois années de service au SCRS, quelles étaient vos fonctions et si on peut avoir les dates exactes.
M. Fleury: En premier lieu, j'aimerais dire que je n'ai rien caché. Mon curriculum vitae, celui que vous avez devant vous, est vraiment celui que j'ai fait parvenir à tous les intéressés tout au long du processus de sélection.
Les personnes de la Commission, quand elles ont fait l'annonce - je crois que c'était le 3 mars - ont décidé d'en faire un résumé et elles ont omis, de leur propre chef, les trois années que j'avais passées au Service canadien du renseignement de sécurité. Elles ont aussi omis, si vous regardez de très près, les quatres années que j'avais passées au sein des syndicats.
Je ne pense pas que cela ait été fait pour induire en erreur. C'était une question d'essayer de faire un sommaire de la carrière d'un individu qui avait passé 30 ans dans la Fonction publique, dans six différents ministères et une agence centrale, et quatre ans dans un syndicat.
C'est malheureux, parce que je n'avais pas besoin de publicité néfaste. Je n'ai pas beaucoup apprécié cela, évidemment. Voilà la première explication que je peux vous donner.
En ce qui a trait à mes fonctions au Service, j'ai été au Service canadien du renseignement de sécurité, de 1988 jusqu'à 1991, c'est-à-dire pendant trois ans. J'avais quitté le gouvernement fédéral et j'ai été en congé sans solde ou en affectation pendant une période où il y avait des difficultés au niveau des ressources humaines. Compte tenu de mon expertise en ressources humaines, j'ai cru bon de tenter d'aller travailler dans un secteur totalement différent, pour un employeur séparé, avec une plus grande liberté d'action au niveau des politiques en ressources humaines.
Mon travail au sein du Service était à titre de cadre. J'étais en quelque sorte un vice-président aux ressources humaines.
M. Nunez: Mais ici c'est écrit: «sous-ministre adjoint aux ressources humaines».
M. Fleury: Oui, j'étais l'équivalent d'un sous-ministre adjoint à la Fonction publique. J'emploie le terme de la Fonction publique: le titre était sous-directeur, Deputy Director. Donc, je devais exécuter des fonctions de gestion des ressources humaines et de formation professionnelle. Je ne travaillais pas du côté des opérations comme telles.
M. Nunez: Comme sous-ministre aux ressources humaines, vous connaissiez tout le personnel du service secret.
M. Fleury: J'ai, au cours des trois années, rencontré beaucoup de personnes. Je connaissais une bonne partie du personnel.
M. Nunez: Est-ce que vous saviez que le Service, quand vous étiez là, avait des sources d'information à la CISR?
M. Fleury: Non.
M. Nunez: Non?
M. Fleury: Vous m'avez demandez si je connaissais des sources d'information?
M. Nunez: Oui, c'est cela.
M. Fleury: Non.
M. Nunez: Vous étiez le sous-ministre aux ressources humaines. Il n'y avait aucun contact particulier...?
M. Fleury: Avec l'extérieur? Non. Il ne faudrait pas confondre une source humaine, dans le sens d'une source qui donne de l'information au Service, et les ressources humaines qui étaient vraiment la gestion interne de l'agence. J'étais à la gestion interne de l'agence.
M. Nunez: Dites-vous que vous ne saviez pas s'il y avait des informateurs du service secret à la CISR?
M. Fleury: Ce n'était pas de mon ressort.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Il faut être prudent. Ne posez pas des questions de politique.
M. Nunez: Je ne comprends pas, monsieur le président.
Le vice-président (M. Dromisky): Vous étiez sur le point d'aborder une question de politique, et je pense qu'il faut éviter ce genre de questions. Nous allons nous limiter aux questions opérationnelles et aux questions de procédure.
M. Nunez: Je pense que ma question était recevable, c'était le sous-directeur de ce service.
[Français]
Vous écrivez dans votre curriculum vitae que quand vous étiez à la Fonction publique, il y avait 230 000 fonctionnaires ou employés desservis par vous. Au service secret, c'était combien d'employés?
M. Fleury: C'est de l'information qu'on ne peut dévoiler, si je ne me trompe pas. Je pense que c'est de l'information qui n'est pas publique. Je n'en suis pas certain, mais si ce n'est pas le cas, on pourra peut-être vous donner l'information.
Pour clarifier les choses, vous avez fait référence à 230 000 fonctionnaires. C'était la Fonction publique qui était l'employeur; j'étais sous-secrétaire au ressources humaines à la Fonction publique à titre d'employeur pour le gouvernement fédéral. Les 230 000 fonctionnaires ne me rendaient pas compte, je vous l'assure.
[Traduction]
Le vice-président (M. Dromisky): Merci, monsieur Nunez. Monsieur Hanger.
M. Nunez: Puis-je prendre la parole plus tard?
Le vice-président (M. Dromisky): Nous vous reviendrons plus tard. Maintenant nous passons à M. Hanger.
M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Merci, monsieur le président.
Contrairement à mon collègue, j'estime, monsieur Fleury, que votre expérience au sein du SCRS vous serait avantageuse dans un poste comme celui-ci. Même si je ne suis pas forcément d'accord avec tout le processus, je dirais que cette expérience serait avantageuse.
Je me pose des questions. Il y a eu des cas inquiétants où le processus s'est effondré, à mon avis. Il y a eu un cas à Montréal - et en tant que membre de la CISR, vous allez devoir certainement faire face à ce genre de situation - où une étude a été faite par certains des bureaux régionaux, ou par un bureau régional sur les demandeurs du Bangladesh qui ont utilisé de faux mandats d'arrestation pour demander le statut de réfugié au Canada. Une enquête a été menée, et il a été déterminé que ces personnes avaient présenté des demandes falsifiées. Pourtant, on a accordé le statut de réfugié à ces demandeurs.
Comment réagiriez-vous à une telle situation?
M. Fleury: Je ne pense pas que ce genre de cas m'aurait été soumis compte tenu de mes connaissances et de mon mandat au sein de la Commission. Il s'agit plutôt d'une question de politique. Il ne m'incomberait pas de rendre une décision dans un cas de ce genre. Si l'un de nos employés présentait une plainte au sujet de leur travail, j'aurais cependant effectivement à me prononcer
J'essaie de répondre à votre question au mieux de mes connaissances. Vous me donnez cependant un exemple dont je ne suis pas au courant...
M. Hanger: Posons le problème de façon plus générale. Il est évident que ce genre de cas a un impact sur votre travail. En fait, il ne s'agit pas d'un cas isolé. Plusieurs demandes frauduleuses de ce genre ont été présentées et je suis sûr que ce genre de situation relève de votre mandat. Je pourrais vous citer beaucoup d'autres exemples semblables.
Que feriez-vous dans un tel cas? Je sais que ce n'est pas vous qui prenez la décision, mais à titre de membre de la CISR, que conseilleriez-vous au juge qui serait saisi de ces cas?
M. Fleury: Je peux vous assurer que je ne cherche pas à me défiler, mais j'occupe mon poste depuis 12 jours seulement. Je viens de commencer ma formation. J'ai cependant l'impression qu'il s'agit d'une question de politique sur laquelle M. Frecker est sans doute mieux renseigné que moi.
Il faudrait que j'étudie les politiques pour voir de quelle façon elles touchent les relations de travail, nos politiques ainsi que nos propres employés.
Comme vous avez parlé dès le début du fait que j'ai déjà appartenu au SCRS, j'aimerais dire ceci publiquement. Je m'offusque beaucoup du fait qu'on aimerait que j'ai honte d'avoir fait du travail utile au sein d'un bon organisme.
M. Hanger: Je comprends totalement votre point de vue là-dessus, et suis heureux que vous le souligniez. Parlons donc plutôt des relations de travail.
Dans cette affaire de caméra à Montréal, la GRC a nié avoir jamais autorisé l'installation de la caméra. J'aimerais donc savoir qui a fourni l'avis illégal et...
Le vice-président (M. Dromisky): Je tiens à rappeler à M. Hanger et aux membres du comité qu'il nous faut faire preuve de la plus grande prudence lorsque nous posons nos questions. Il faut éviter de poser des questions qui se fondent sur des hypothèses ou des suppositions. Nous essayons plutôt d'établir si cette personne a bien les qualifications et la compétence voulues pour remplir ces fonctions.
M. Hanger: Parlons donc de compétences. Etant donné qu'on peut alléguer qu'il y a eu atteinte à la vie privée ou qu'un crime a été commis en installant cette caméra, comment évalueriez-vous cette situation? Vous aurez certainement à vous pencher sur ce cas.
M. Fleury: J'aimerais d'abord rappeler que je viens de me joindre à la Commission et que je suis actuellement en cours de formation. Je sais que la police fait enquête dans cette affaire et voilà pourquoi je ne pense pas qu'il convienne que je fasse des commentaires. J'aurai éventuellement à me renseigner à fond sur cette question, et je le ferai. Je m'attends aussi à ce que les syndicats présentent leur position là-dessus.
M. Assadourian (Don Valley-Nord): J'ai deux brèves questions à poser. Premièrement, l'appel de candidature signalait qu'il fallait présenter sa demande avant le 15 novembre 1994. Avez-vous vous-même présenté votre candidature ou vous a-t-on demandé de le faire?
M. Fleury: C'est une bonne question. J'occupais depuis quatre ans un poste très exigeant au sein du Conseil du Trésor. Tout le monde savait que c'était ma dernière année au Conseil du Trésor et que je participais à la préparation de mon dernier budget. Je savais que j'allais réorienter ma carrière peut-être dès cet été.
J'ai vu l'appel de candidatures dans les journaux. Je n'étais pas sûr si le poste du directeur exécutif était une nomination par décret ou un poste relevant de la fonction publique. Je me suis donc renseigné auprès du BCP et j'ai obtenu les précisions voulues. Je me doutais qu'il s'agissait d'une nomination par décret.
On m'a alors demandé si le poste m'intéressait, mais j'ai dit que non parce que je travaillais à la préparation du budget et que nous discutions fermement avec les syndicats de toutes les questions les touchant. On m'a rappelé plus tard pour me dire que si le poste m'intéressait, on organiserait une réunion à mon intention avec le président de la Commission pour que je lui pose des questions au sujet du poste. Voilà comment les choses se sont présentées.
M. Assadourian: Comment était-ce?
M. Fleury: Je ne m'en souviens pas vraiment. Je sais que c'était au beau milieu de la préparation du budget. Le premier appel a donc été fait en septembre ou octobre. Le poste est devenu vacant en septembre. Il faudrait que je me renseigne sur les dates exactes. Dans le cadre du processus de sélection normale, on m'a fait passer plusieurs entrevues.
M. Assadourian: Vous avez occupé des postes au sein de différents ministères. À votre avis, lequel d'entre eux vous a le mieux préparé pour votre poste actuel?
M. Fleury: Voilà une question intéressante. C'est sans doute le dernier pour les raisons suivantes. Bien que j'étais sous-secrétaire des ressources humaines, des relations de travail et des questions syndicales, je faisais aussi partie de la haute direction du Conseil du Trésor et nous présentions des dossiers chaque semaine aux ministres du Conseil du Trésor.
Je me suis donc familiarisé avec toutes les questions liées à la gestion, qu'il s'agisse de l'octroi de contrats, du contrôle de la qualité ou de l'introduction de la technologie dans le milieu de travail, bref, avec toutes les nouvelles initiatives dans le domaine de la gestion. Le Conseil traversait alors une période de réorganisation fondamentale dans ses rapports avec les autres ministères. Ceux-ci se sont vus accorder une plus grande marge de manoeuvre dans le domaine de la gestion.
C'est ce qui m'a intéressé, parce que je n'avais jamais travaillé auparavant dans un organisme central. J'avais toujours soutenu que le système était trop centralisé. Un jour, quelqu'un m'a demandé pourquoi je ne proposais pas de changements si telle était ma conviction. Un groupe de mes collègues et moi-même avons donc décidé de concrétiser les projets de nos ministres et de déléguer davantage de pouvoirs aux ministères. Je me suis aussi intéressé à d'autres questions de gestion comme la qualité des services.
Je pense donc que le dernier poste que j'ai occupé me sera le plus utile dans l'exercice de mes nouvelles fonctions, mais j'ajouterai que si je suis ce que je suis aujourd'hui, c'est à chaque poste que j'ai occupé que je le dois. Je ne renie rien de ce que j'ai fait.
Mme Terrana (Vancouver-Est): Bonjour et bienvenue.
J'ai moi-même travaillé au sein du gouvernement, de l'industrie privée et parmi le public, et je dois admettre que vous avez toutes les qualifications voulues pour le poste que vous occupez. Je crois que la Commission peut s'estimer chanceuse que vous ayez accepté le poste qu'on vous y a offert.
Combien d'employés relèvent de vous?
M. Fleury: Au sein de la Commission?
Mme Terrana: Oui.
M. Fleury: Je crois que la Commission compte environ 940 employés dont 160 à 180 sont des nominations par décret. Je m'occupe cependant des activités menées par les fonctionnaires qui sont au nombre de 700 à 800.
Mme Terrana: Ces employés ne se trouvent pas seulement à Ottawa, mais dans tout le pays, n'est-ce pas.
M. Fleury: Oui, ils sont répartis dans tout le pays dans des bureaux régionaux.
Mme Terrana: Ils doivent être nombreux.
M. Fleury: C'est fantastique. J'ai beaucoup de chance à certains égards, parce que la Commission a la taille parfaite pour qu'on puisse y apporter des changements. Certains gros ministères mettent parfois six ou sept ans à mettre en oeuvre certains changements. Revenu Canada-Impôt, par exemple, qui compte 40 000 employés...
Même si je n'avais pas d'antécédent dans ce domaine, c'est la taille de la Commission et son mandat qui m'ont intéressé. Il s'agit d'une situation idéale étant donné qu'on peut jouer un rôle utile et qu'on peut s'appuyer sur les équipes de travail en place.
[Français]
Mme Debien (Laval-Est): Bonjour, monsieur Fleury. Bienvenue à notre Comité. Dans le communiqué qu'on nous a remis, on nous dit qu'à la CISR, vous allez vous occuper des analyses statistiques, du renouvellement des ressources, de la coordination et du suivi des activités ainsi que de la formation du personnel.
J'aimerais vous parler du dernier aspect, soit la formation du personnel. Plusieurs témoins sont venus faire des observations ayant trait à l'absence de formation de certains agents et de certains commissaires à la CISR.
On sait, en plus, qu'il y aura des coupures importantes dans les budgets de la CISR. Certaines personnes nous ont dit craindre que les ressources à la documentation, entres autres, ne soient affectées. Compte tenu que toutes les questions relativement à l'information, à la documentation et à la formation du personnel sont très importantes, quels sont les objectifs que vous entendez poursuivre, plus spécifiquement en ce qui a trait à la formation du personnel?
M. Fleury: Je vous remercie. À titre d'ancien directeur des ressources humaines et de la formation, je tiens à vous dire qu'aujourd'hui, dans le milieu du travail, la question de la formation permanente continue est nécessaire et vitale.
Dans la société d'aujourd'hui, on ne peut absolument pas se limiter à de petits cours ou prendre une personne qui sort de l'université. Il y aura toujours de la formation permanente. Cette façon de penser accélère beaucoup le processus d'intervention. C'est le plan théorique. Voyons maintenant le plan pratique.
Nous allons regarder la formation qui est en place pour évaluer si elle répond aux besoins des profils des postes et de la recherche. On fait actuellement un exercice très bien planifié, qui a été commencé avant mon arrivée, sur la façon d'attribuer les ressources à l'intérieur du ministère ou de la Commission.
J'ai l'intention de m'assurer que la formation soit pertinente, que la question de l'apprentissage continue soit bien comprise et qu'on dépense notre argent là où des besoins organisationnels se font sentir.
[Traduction]
M. Hanger: À votre avis, le moral est-il bon au sein de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié?
M. Fleury: Chaque jour, mon personnel me pose cette question, et je dis que je ne suis pas encore en mesure de me prononcer là-dessus. Le moral est bas partout, qu'il s'agisse de la fonction publique... Nous traversons des temps difficiles. Je vous ferai part cependant de ce que j'ai pu constater jusqu'à maintenant.
Il est trop tôt pour que je me fasse une bonne idée du moral des employés de la Commission. La question du moral se pose à chaque employé comme à l'organisation dans son ensemble. Il faut cependant faire une distinction entre ces deux aspects de la question.
Pour répondre à votre question, je dirais qu'il est évident que certains employés veulent des changements et s'attendent, notamment, à ce qu'on se penche sur la question du leadership.
Toutes les critiques qui ont été formulées dans la presse au sujet de la Commission n'ont pas aidé les choses.
M. Assadourian: À qui attribue-t-on ces critiques?
M. Fleury: Je ne suis pas en mesure de dire si ces critiques étaient fondées ou non... Je dis simplement qu'il est très important pour l'estime de soi qu'on puisse être fier de l'organisme pour lequel on travaille.
M. Hanger: Je suis tout à fait d'accord avec vous.
M. Fleury: Revenons à la question du service. Je n'ai pas encore visité les bureaux régionaux, et voilà pourquoi je ne peux pas vraiment me prononcer sur le moral des employés qui y travaillent.
Nous allons certainement nous assurer d'avoir les outils nécessaires pour évaluer le moral des employés. IBM le fait. L'entreprise fait remplir un questionnaire de base à ses employés pour évaluer leur moral. Ils sont aussi en mesure chaque année d'établir avec les gestionnaires de chaque secteur s'ils prennent les mesures voulues pour améliorer le moral. Ce n'est pas une panacée, mais on dispose au moins d'un outil objectif d'évaluation au lieu de se fonder sur des impressions.
Mme Terrana: D'après ce que vous avez pu voir, êtes-vous favorable aux changements apportés récemment à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié?
M. Fleury: Je vais me prononcer sur la théorie. Je ne suis pas un spécialiste du processus judiciaire, même si, ayant travaillé dans le domaine des relations de travail, je suis familier avec les activités d'un tribunal administratif et d'un tribunal d'arbitrage. Ce n'est vraiment pas comparable, mais cela donne une petite idée.
J'ai lu tous les documents pertinents et le rapport Hathaway et j'ai constaté les mesures que la présidente a prises en ce qui touche ces gestionnaires, et je crois que la Commission se dirige dans la bonne direction. Je crois que les changements proposés sont bons. Le processus est juste. Il s'agit de changements importants pour le personnel ainsi que pour tous ceux qui connaissent la Commission. Le groupe de travail qui a été créé pour se pencher sur la situation se dirige dans la bonne direction. Nous siégeons tous deux aux comité directeur. J'ai une bonne idée de ce que le groupe de travail a fait jusqu'ici.
Ce sera difficile. Les changements proposés ne sont pas faciles.
Mme Terrana: J'en suis sûre. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Dromisky): Je vous remercie beaucoup pour votre témoignage de ce matin.
M. Nunez: Nous avons assez de temps. La population et moi-même désirons savoir qui est M. Fleury et quels sont ses antécédents notamment au sein du Service national de sécurité...
Le vice-président (M. Dromisky): Je vous en prie, monsieur Nunez. Nous nous sommes entendus sur la façon dont nous allions procéder ce matin, et je vais m'assurer que nous continuons de respecter...
M. Nunez: Vous vous êtes entendus, pas nous. Nous avons suffisamment de temps...
Le vice-président (M. Dromisky): Monsieur Nunez, je tiens à ce que nous respections le Règlement.
Je vous remercie d'avoir comparu devant nous aujourd'hui ainsi que d'avoir répondu de façon succinte et claire à nos questions. Nous vous savons gré d'avoir répondu aux préoccupations des membres du comité.
M. Fleury: Permettez-moi une remarque en guise de conclusion, monsieur le président. Je suis né et ai grandi dans la base ville, à un kilomètre d'ici. Je suis souvent venu au Parlement suivre les débats. Je suis honoré de comparaître devant un comité. Je vous remercie.
Le vice-président (M. Dromisky): Je vous remercie beaucoup, monsieur Fleury.
[Français]
M. Nunez: Monsieur Frecker, avant votre nomination à la Commission, avez-vous été interviewé par un jury de sélection? Comment cela s'est-il fait?
[Traduction]
M. John P. Frecker (membre à temps plein et vice-président, Section du statut de réfugié, Commission de l'immigration et du statut du réfugié): Après avoir travaillé pour la Commission de réforme du droit, j'ai continué à m'intéresser au travail de la Commission. Même si au cours des trois dernières années, j'ai travaillé dans un domaine tout à fait différent, j'ai continué de m'intéresser à la Commission.
J'ai toujours eu des liens assez réguliers avec la Commission. Le contrat qui m'avait été accordé pour participer à la révision de la Loi sur les produits antiparasitaires expirait à la fin mars. Lorsque j'ai vu l'appel de candidature pour le poste de directeur exécutif en décembre, j'ai communiqué avec Mme Mawani, que je connaissais très bien, et je lui ai dit que cela m'intéressait. Je lui ai fait parvenir mon curriculum vitae.
Par la suite, on m'a informé que le poste de vice-président était aussi vacant en raison de la démission de M. Schelew. J'ai dit que ce poste m'intéressait aussi beaucoup...
M. Nunez: Y avait-il d'autres candidats?
M. Frecker: Oui. Je crois qu'on avait établi une liste restreinte. Lorsque le Bureau du premier ministre m'a convoqué pour une entrevue, on m'a dit qu'il y avait quatre ou cinq autres candidats pour le poste et qu'on communiquerait avec moi après l'entrevue.
L'entrevue a eu lieu autour de la Saint-Valentin. Je comptait me rendre à Terre-Neuve où vit ma famille, mais j'ai dû annuler mon voyage pour me rendre à l'entrevue. Quelques semaines plus tard, on m'a fait savoir que j'avais obtenu le poste.
[Français]
M. Nunez: Pouvez-vous nous décrire vos responsabilités? Pourquoi votre salaire est-il inférieur à celui du directeur général? Vos responsabilités sont-elles inférieures?
[Traduction]
M. Frecker: Non, je crois que cela a quelque chose à voir avec le niveau des postes. Le poste de président de la Commission est un poste de niveau GIC-9. Le directeur exécutif, dont relèvent les 700 à 750 fonctionnaires de la Commission est un poste de niveau GIC-8. Les vice-présidents - le vice-président de la Section d'appel et le vice-président de la Section du statut de réfugié, mon poste à moi, sont des postes de niveau GIC-7. Je suppose que c'est le Conseil du Trésor ou le Conseil privé qui a établi le niveau des postes.
[Français]
M. Nunez: Vous connaissez le problème qu'a eu votre prédécesseur. Comment allez-vous vous comporter? Comment trouvez-vous les taux d'acceptation des réfugiés? Sont-ils trop élevés ou trop bas?
[Traduction]
M. Frecker: C'est une question qui en dit long. Elle est au coeur des problèmes qu'a connus la Commission.
Le fait de se préoccuper des taux d'acceptation est, à mon avis, une erreur fondamentale. Les membres de la Commission sont censés prendre des décisions au sujet des demandes de statut de réfugié. Ils doivent rendre des décisions très difficiles en se fondant sur les preuves qui leur ont été fournies. Le taux d'acceptation peut refléter la nature des demandes ou dénoter un problème s'il s'écarte trop du taux auquel on pourrait s'attendre. Il n'y a pas lieu de faire une obsession au sujet du taux d'acceptation ni de se demander s'il est trop élevé ou trop bas.
Il faudrait plutôt se préoccuper de savoir si on prend les bonnes décisions et si celles-ci se fondent sur les preuves dont on dispose. Avons-nous l'information voulue pour prendre des décisions intelligentes? Donne-t-on à nos membres la formation voulue pour qu'ils puissent tirer parti de l'information qui leur est donnée.
Pour moi, le taux d'acceptation est simplement un indicateur de gestion. Je me poserais des questions s'il y avait de grands écarts dans ce taux d'un mois à l'autre ou d'une partie du pays à l'autre. Pour moi, la qualité des membres de la Commission n'est pas fonction du fait qu'ils sont trop durs ou trop généreux envers les réfugiés. Je veux simplement être sûr que leurs décisions se fondent sur les preuves qui leur sont fournies. Je laisse à chaque membres le soin de prendre des décisions difficiles selon leur conscience.
M. Hanger: Comme vous avez rempli deux mandats au sein de la Commission de réforme du droit du Canada, vous connaissez de toute évidence très bien le droit.
M. Frecker: J'ai rempli deux mandats et demi jusqu'à ce que la Commission soit abolie.
M. Hanger: Je m'interroge au sujet des procédures qui ont été adoptées, et qui sont peut-être déjà mises en oeuvre, en ce qui touche les agents d'audiences. Que pensez-vous du fait que les agents d'audiences, qui portent maintenant un autre nom, rencontrent des membres de la CIFR? N'est-ce pas un peu comme si l'avocat de la poursuite rencontrait le juge avant l'audition d'une affaire?
M. Frecker: Je pense que c'est une méconnaisance chronique du processus. Quantité d'avocats qui représentent des réfugiés expriment cette crainte.
Assimiler le processus de détermination du statut de réfugié à des poursuites criminelles est tout à fait erroné. Les réfugiés qui viennent ici revendiquent le statut de réfugié parce que, disent-ils, ils ont été persécutés dans leur pays d'origine. Ils fondent leur demande sur certains faits.
En vertu de la loi, la commission détient les pouvoirs d'une commission d'enquête qui sont définis dans la Loi sur les enquêtes. L'agent d'audition, qui vient seconder le membre de la commission, examine avec lui les documents soumis, réunit les preuves nécessaires, travaille avec l'avocat. Ils n'ont aucun parti pris contre la personne qui demande le statut de réfugié. Leur seul intérêt est d'aller au fond de la question.
M. Hanger: Et que faites-vous de la justice naturelle?
M. Frecker: La justice naturelle est respectée car la politique que nous avons adoptée exige la divulgation totale de tous les renseignements que se transmettent l'agent d'audition et le membre de la commission, la divulgation totale du dossier préparé par la commission elle-même ou transmis à la commission par le ministère de l'Immigration. Il faut la collaboration la plus totale entre la commission qui est un organisme d'enquête et l'avocat qui représente le demandeur de statut de réfugié. Nous essayons de créer un climat où il n'y a aucun soupçon de parti pris contre les demandeurs du statut de réfugié.
Il y a des fraudeurs et nous prenons les dispositions nécessaires à leur égard.
M. Hanger: Et la crédibilité.
M. Frecker: Parmi ceux qui revendiquent le statut de réfugiés, il y en a qui ont subi d'énormes traumatismes psychologiques et qui ont du mal à l'exprimer. Nous en tenons compte.
M. Hanger: Monsieur Rankin, avocat bien connu de Vancouver qui s'occupe des réfugiés, se félicite que cette procédure soit mise en place. Il estime que cela va le conduire plus que jamais à la cour fédérale. Il semble que les avocats qui s'occupent d'affaires d'immigration et de statut de réfugié se réjouissent à l'idée d'être de plus en plus occupés à cause des nouvelles procédures, essentiellement parce que tout le processus fait fi de la justice naturelle, et qu'à aucun moment, le ministre, la Couronne, n'est représenté. Il y a aussi le fait que le juge siège avec le procureur pour entendre la cause avant d'entendre l'argumentation.
Le vice-président (M. Dromisky): Je pense que vous dépassez les bornes ici. Comment prétendre que ce que vous venez de dire a quelque chose à voir avec la compétence et les qualifications du témoin?
M. Hanger: Je pense qu'il incombe au témoin d'aborder ce point en particulier car cela va se traduire par une augmentation de coûts. Je pense que le témoin va devoir porter un jugement quelconque tôt ou tard, sinon dès maintenant.
Mme Clancy (Halifax): J'invoque le Règlement, monsieur le président. Monsieur Hanger pourrait-il m'expliquer... Ce n'est pas que je sois nécessairement en désaccord avec lui mais je voudrais savoir ce qui lui fait penser que la question qu'il a posée a quelque chose à voir avec les compétences de M. Frecker.
M. Hanger: En tout cas, il est avocat. Il siégera comme directeur de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Les procédures vont devoir être évaluées par quelqu'un qui aura un pouvoir de décision et c'est à lui qu'il appartiendra de le faire.
Mme Clancy: Qu'est-ce que cela a à voir avec ses compétences?
M. Hanger: Ses compétences? Je lui demande ce qu'il va faire dans ce cas-là.
Mme Clancy: C'est purement hypothétique à mon avis.
M. Hanger: Ah, vous croyez?
Mme Clancy: Je prétends que c'est une question hypothétique.
Le vice-président (M. Dromisky): J'en conviens.
Vous n'avez pas à répondre à ce que M. Hanger vient de dire.
M. Frecker: Je serai ravi de le faire.
Le vice-président (M. Dromisky): Dans ce cas, allez-y, très brièvement.
M. Frecker: Monsieur Rankin est bien connu pour ses déclarations inconsidérées... Je ne dirai pas «inconsidérées», mais plutôt «pittoresques». Il a dit la même chose quand nous étions de passage à Vancouver cette semaine. Je ne suis pas du tout d'accord avec lui pour dire que cette procédure va lui permettre de gagner beaucoup d'argent et le conduire à la cour fédérale. Nous avons analysé ces procédures avec soin en consultant des avocats chevronnés à l'interne comme à l'extérieur, et nous avons pu vérifier que les règles de la justice naturelle sont entièrement respectées.
Encore une fois, je rappelle aux députés qu'il ne s'agit pas d'une poursuite. Dire cela, c'est dénaturer le processus.
Mme Clancy: Merci beaucoup, monsieur Frecker. À propos de vos compétences impressionnantes... Pour une personne venant de Terre-Neuve, même si vous avez fait un petit tour du côté de la faculté de droit de l'Université Queen... J'aimerais que vous confirmiez quelque chose. Si j'ai bien compris, tout examen que l'on demanderait à la Cour fédérale pourrait porter sur les principes de la justice naturelle, n'est-ce pas?
M. Frecker: C'est absolument fondamental, monsieur le président. C'est un principe que la Cour fédérale garde jalousement. Nous devons toujours nous assurer que les processus que nous adoptons respectent la justice naturelle. La justice naturelle, c'est ni plus ni moins une justice de bon sens.
Nous avons le plus grand souci de maintenir un processus juste, à la fois pour le demandeur de statut et pour le public canadien que nous devons protéger contre les abus.
[Français]
Mme Debien: Bonjour, monsieur Frecker. Bienvenue à notre Comité.
En lisant votre curriculum vitae, je me suis rendu compte que vous aviez une expérience assez pertinente en tant que juriste et chercheur. D'autre part, avez-vous une expérience concrète en immigration? Avez-vous assisté, par exemple, à des audiences? C'est ma première question.
Ma deuxième question a trait au rapport que vous avez produit en février 1991, qui s'intitule The Determination of Refugee Status in Canada: A Review of the Procedure et qui a été publié par la Commission de réforme du droit. Dans ce rapport, vous avez fait certaines observations critiques sur le fonctionnement de la CISR. J'aimerais que vous nous résumiez les critques que vous avez faites dans ce rapport, entre autres celles concernant les discussions et les analyses qu'il y aurait à faire en ce qui a trait aux qualifications des commissaires et à leur formation.
Excusez-moi d'insister sur cet aspect de la formation, de l'information et de la documentation, mais comme ex-pédagogue, ce sont pour moi des questions très importantes, étant donné que plusieurs des témoins qui sont venus nous rencontrer nous ont dit qu'il y avait de graves lacunes à ce niveau-là.
M. Frecker: J'espère, madame, que nous aurons le temps de répondre à cette question. Elle est très vaste.
[Traduction]
Je vais répondre à vos questions dans l'ordre où vous les avez posées. Vous m'avez demandé si j'avais une expérience personnelle du processus d'audition en matière d'immigration et de détermination du statut de réfugié. J'ai l'expérience d'un observateur et non celle d'un participant. Pour l'étude que j'ai faite pour le compte de la Commission de réforme du droit, avec les autres chercheurs, j'ai assisté à un certain nombre d'audiences, m'entretenant avec les participants afin de comprendre le fonctionnement du processus.
Quand j'exerçais le droit, je faisais tout autre chose que ce que j'ai fini par faire à la Commission. Je m'occupais surtout de questions fiscales et de droit commercial des sociétés. Mes études ont porté essentiellement sur le droit administratif, domaine où j'oeuvrais à la Commission. Je comprends le processus mais je n'en ai pas une connaissance concrète.
Pour ce qui est du rapport, il est très long. Permettez-moi de résumer les principales recommandations. Tout d'abord, l'abolition du processus des auditions à deux paliers. Cela s'est fait grâce au projet de loi C-86. Nous avons aussi recommandé que l'on passe de deux commissaires à un seul qui deviendrait le président de l'audition. C'est par la loi que le ministre a annoncé que cette modification se concrétisera.
Nous avons étudié quantité d'aspects concernant le fonctionnement, la façon dont les auditions sont menées. Ce serait fastidieux d'entrer dans les détails ici. Je serais ravi de rencontrer les députés pour parler de ces recommandations et de la préparation du rapport.
Nous avons fait aussi une autre recommandation qui à mon avis est très importante et que nous envisageons d'appliquer dans le cadre de la réforme du processus interne. En effet, il s'agit d'un mécanisme de contrôle de la qualité sous forme d'examen interne des décisions afin de réduire le nombre de cas qui se rendront à la Cour fédérale de sorte que s'il y a violation du principe de justice naturelle la Commission pourra d'elle-même redresser ses propres erreurs.
Voilà le genre de recommandations que nous avons faites.
Quant à la question de la compétence, nous étions tout à fait conscients lors de notre étude de la nécessité de recruter des gens qualifiés. Les compétences ne doivent pas nécessairement être juridiques ou être acquises grâce à une formation officielle mais il s'agit surtout de traits de caractère, notamment l'esprit de décision, la capacité d'écouter, d'assimiler une série de faits complexes, de prendre des décisions et de suivre une formation spécialisée offerte par la Commission dans le domaine du droit de l'immigration et de la détermination du statut de réfugié.
Avec la constitution du comité de M. Fairweather, c'est un pas dans cette direction puisqu'il examinera minutieusement les nominations et les reconductions. La commission a pris un engagement - et nous sommes ravis de constater que le gouvernement en a fait autant - car elle veut s'assurer que ceux et celles qui rempliront ces tâches très importantes, dont les décisions sont des décisions de vie ou de mort pour les demandeurs de statut, sont des gens qui sont compétents et capables de relever les défis.
M. Hanger: Allez-vous demander ou exiger des justifications écrites des décisions positives ou négatives qui seront prises?
M. Frecker: Non, car nous n'avons pas le pouvoir de le faire en vertu de la loi. On est sur le point d'élaborer une politique de consultation des membres pour établir des paramètres afin de les encourager à prendre des décisions positives.
Nous songeons à ce que cela va représenter du point de vue des coûts. Si on le faisait dans chaque cas... Il y a une question de temps et de ressources dont il faut être conscient. Nous pensons qu'il est tout à fait nécessaire de pouvoir compter sur une jurisprudence tant pour les décisions positives que négatives et de garder un dossier permettant l'évaluation de la performance ou des décideurs.
M. Hanger: Quand une décision négative est rendue, très souvent il y a appel devant la cour fédérale, n'est-ce pas? La commission d'appel envisageait d'en faire autant dans le cas où une décision positive serait une erreur?
M. Frecker: Malheureusement, c'est la commission qui est le tribunal. La commission ne peut pas elle-même interjeter appel. Si le ministre...
M. Hanger: La commission ne peut pas interjeter appel auprès de la cour fédérale et ensuite faire des recommandations.
M. Frecker: Non, si la commission prenait une décision positive malencontreuse - et ce n'est pas impossible - on s'attendrait à ce que le ministre intervienne...
M. Hanger: Qu'entendez-vous par une décision malencontreuse?
M. Frecker: Une décision qui ne serait absolument pas fondée sur des preuves. Une décision qui n'appliquerait pas les dispositions de la convention ou encore une décision où les facteurs mis en cause n'auraient rien à voir avec la détermination du statut de réfugié. En y regardant de plus près, il se pourrait qu'il s'agisse de quelqu'un qui n'est rien d'autre qu'un migrant économique, qui n'en sera pas moins un excellent citoyen canadien, mais qu'il ne conviendrait pas d'accepter comme...
M. Hanger: Quelqu'un comme Inthavong qui en fait avait assassiné un jeune Canadien.
M. Frecker: Parlez-vous de cette affaire de Vancouver?
M. Hanger: Oui.
M. Frecker: C'était avant que je n'arrive à la commission.
M. Hanger: Je donnais cela comme exemple.
M. Frecker: En fait, il s'agit d'une clause d'exclusion. Si la commission prend une décision inappropriée en application des clauses d'exclusion qui portent sur les crimes graves non politiques, alors j'estime qu'il convient que le ministre intervienne. Il arrive parfois que la difficulté vienne du fait que dans ces cas-là, la commission dispose de preuves qui ne sont pas claires. Le cas que vous avez évoqué ne m'est pas familier si bien que je préfère m'abstenir d'en discuter les détails.
M. Hanger: Je vois.
M. Frecker: La difficulté vient du fait que le personnel du ministre dispose de ressources très limitées de sorte que des preuves négatives très importantes ne parviennent pas à la commission. La cour fédérale l'a dit à maintes reprises, ceux qui prennent les décisions doivent s'en tenir aux preuves dont ils disposent.
Si la commission n'est pas au courant de l'existence d'un casier judiciaire dans le cas d'un demandeur, il est fort possible que sa décision soit positive. Il appartient alors au ministre de décider si les preuves dont il dispose justifient que l'on rouvre le dossier à la cour fédérale.
Ce à quoi je faisais allusion, c'était ce qui est du ressort de la commission, c'est-à-dire des erreurs techiques, le cas par exemple où l'on aurait rendu une décision avant d'entendre tous les témoins. Cela peut se produire s'il y a confusion dans la procédure.
Manifestement, le système ne fonctionnera convenablement que s'il y a équilibre. En cas d'inquiétude sur la légitimité d'une revendication, c'est le ministre qui va devoir trancher. La commission doit demeurer neutre.
La commission prend des décisions et la justice naturelle exige qu'elle se mette un peu à l'écart des arguments présentés lors de la plaidoirie. La commission, étant donné que c'est un organisme d'enquête, doit prendre les dispositions nécessaires pour s'assurer qu'elle dispose des preuves pertinentes. Il lui faut donc faire cela en collaboration avec l'avocat et le ministre. À cet égard, nous faisons de grands progrès pour améliorer le système.
M. Assadourian: Vous avez dit tout à l'heure que la formation est un facteur important, tout comme les compétences, si je me souviens bien. Revenons à cette question de la formation.
Dans la formation que vous recevez, apprenez-vous à tenir compte également... Prenons par exemple le Sri Lanka, qui est une source importante de réfugiés, ou encore n'importe quel pays qui produit des réfugiés. Étudiez-vous l'histoire du pays, la nature du conflit, les raisons pour lesquelles le pays produit un si grand nombre de réfugiés? Arrive-t-il que des membres de la CISR soient envoyés là-bas pour une semaine environ et qu'ils en reviennent mieux informés sur les raisons qui font que le pays en raison produit un si grand nombre de réfugiés et sur les façons de traiter les demandes de réfugiés éventuels? Est-ce là quelque chose qui est prévu dans votre formation?
Le vice-président (M. Dromisky): Pourriez-vous formuler la question de manière à bien établir le lien avec ses qualités et compétences?
M. Assadourian: Avez-vous reçu une formation en ce sens?
M. Frecker: Je suis arrivé à la CISR il y a un mois, monsieur le président, et je n'ai pas encore reçu de formation.
Mme Clancy: Vous vous débrouillez très bien.
M. Frecker: Ayant autrefois été membre de la Commission de réforme du droit, puis expert-conseil indépendant, j'ai eu l'occasion de donner des programmes de formation aux membres de la CISR. De formateur, je deviendrai maintenant participant.
La CISR consacre une part très considérable de son budget à la formation et à la collecte de renseignements. Nous avons un centre de documentation qui est sans doute le meilleur en son genre au monde. Le centre recueille des renseignements bien précis sur chaque pays et fournit aux commissaires des quantités importantes de documents pour les aider à décider de la recevabilité des demandes, les documents portant, non pas sur le demandeur en tant que tel, mais sur les conditions qui prévalent dans le pays d'origine.
Dans le cadre de nos programmes de formation, nous faisons également appel à des spécialistes, qui peuvent être soit des ressortissants du pays d'origine, soit des Canadiens, soit des Américains, soit des experts internationaux bien au fait des conditions qui prévalent dans le pays en question et à qui nous demandons de donner des ateliers. Ces ateliers sont offerts tant aux commissaires qu'aux conseillers juridiques qui représentent les avocats, pour que nous soyons tous sur un pied d'égalité.
Nous avons à coeur d'assurer la transparence du processus pour que tout le monde sache ce qui se passe. Nous cherchons constamment à apporter des améliorations en ce sens, car nos décisions ne seront valables que dans la mesure où nous aurons des informations valables et où les commissaires auront reçu la formation voulue pour leur permettre d'assimiler l'information et de prendre des décisions rationnelles. Le processus n'est pas parfait et il est toujours possible de l'améliorer.
Le vice-président (M. Dromisky): Vous avez deux minutes chacun pour vos questions. M. Nunez a maintenant la parole.
[Français]
M. Nunez: Vous êtes la deuxième personne en importance à la CISR. Comment voyez-vous les relations entre la CISR et les services secrets du Canada? Comment voyez-vous la question de la plainte du syndicat en ce qui a trait aux caméras à Montréal? Comment allez-vous régler cela et quels sont les rapports entre l'immigration, la sécurité publique et la sécurité nationale?
[Traduction]
M. Frecker: Voilà par ce que vous entendez par une courte question, monsieur le président? J'espère qu'on ne me coupera pas la parole au beau milieu de ma réponse. Il s'agit là de questions très importantes et très intéressantes. J'essayerai d'y répondre.
Les rapports que nous avons avec les services secrets sont exempts de tout lien de dépendance. Il arrive que le SCRS ait des renseignements qui soient très utiles pour permettre de juger de la validité d'une demande en particulier. Rien n'empêche les commissaires de recevoir ces renseignements et d'en tenir compte dans la mesure où ils peuvent être produits au moment de l'audience de façon qu'ils soient aussi à la disposition du demandeur. S'il s'agit toutefois de renseignements qui devraient nous être communiqués dans le secret, il y aurait là violation des principes de la justice naturelle, et ces renseignements ne seraient tout simplement pas recevables.
Le SCRS a pour mission de préserver la sécurité des frontières du Canada et de protéger le Canada contre les menaces venant tant de l'intérieur que de l'extérieur. Si le SCRS a des renseignements à nous communiquer au sujet d'une personne dont nous avons à traiter la demande, nous exigeons simplement que ces renseignements puissent à tout le moins être mis à la disposition de l'intéressé pour qu'il sache de quoi il est accusé. Il serait tout à fait inacceptable que la Commission ait des rapports cachés avec un organisme de renseignements de sécurité, au même titre que s'il s'agissait d'un tribunal.
Pour ce qui est des caméras...
M. Nunez: Et de la plainte du syndicat.
M. Frecker: ...et de la plainte du syndicat, je peux vous faire part d'une remarque assez ironique à ce sujet. Quelqu'un a dit qu'il s'agissait davantage d'un problème d'hygiène en milieu de travail que d'un problème de violation de la vie privée, puisque la caméra est tombée du plafond. Il ne faudrait pas conclure pour autant que nous ne prenons pas la chose très au sérieux. Comme l'a dit M. Fleury, la question - pas les caméras comme telles, mais le sujet - fait l'objet d'une enquête policière, de sorte que nous ne sommes pas à même de discuter des détails.
M. Nunez: Pourquoi seulement à Montréal?
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup. Monsieur Hanger, s'il vous plaît.
M. Hanger: Vous avez dit que vous voulez vous assurer que les commissaires et la Commission feront le meilleur travail possible. Je me demande comment ils pourront y parvenir étant donné qu'il n'est pas permis d'interroger le demandeur pour juger de sa crédibilité et que les agents d'immigration supérieurs, qui sont les premiers à recueillir des renseignements du demandeur, ont reçu l'ordre de se limiter à certaines questions désignées sans chercher à aller plus loin. Vous vous trouvez ainsi à limiter les renseignements qui peuvent être obtenus avant même que l'audience ait lieu. Comment pouvez-vous alors faire le meilleur travail possible?
M. Frecker: La question est très pertinente, monsieur le président. J'essaierai d'y répondre sans dépasser le temps de parole de deux minutes, mais je devrai peut-être demander votre indulgence pour qu'il me soit permis de continuer un peu plus longtemps.
Tout d'abord, le nouveau modèle d'enquête que nous mettons en place vise à nous rendre plus à même de juger de la crédibilité du demandeur. Il est faux de dire qu'on ne peut pas interroger le demandeur pour juger de sa crédibilité, puisque c'est précisément le but des audiences et c'est ce qui explique que, dans certains cas, l'audience dure six ou sept heures.
Il faut bien savoir que le rôle n'est pas le même selon qu'il s'agit du personnel de la commission, de l'agent d'audience, des commissaires qui entendent la demande ou de l'agent d'immigration supérieur qui fait l'entrevue au port d'entrée.
La nature des questions que peut poser l'agent d'immigration supérieur est circonscrite dans une certaine mesure par les dispositions de la loi. Les questions qu'il pose visent à déterminer si la personne répond aux critères d'admission au Canada, et l'agent a quand même une certaine marge de manoeuvre. Ce n'est toutefois pas à l'AIF qui se trouve au port d'entrée qu'il appartient d'entendre la demande de statut de réfugié. C'est à la commission d'en décider.
Nous tentons actuellement de négocier un protocole d'entente avec le ministère de l'Immigration afin que les notes prises par l'agent d'immigration soient systématiquement envoyées à la Commission pour qu'elles puissent être prises en considération dans l'examen de la demande. C'est quelque chose qui ne se faisait pas auparavant à cause des préoccupations qu'on avait relativement aux modalités suivies pour les entrevues.
Ce n'est pas à nous de dicter aux agents d'immigration la marche à suivre pour leurs entrevues. L'entrevue doit être réalisée dans les limites fixées par la loi. Tous les renseignements obtenus lors de l'entrevue qui pourraient nous être utiles pour notre enquête nous sont communiqués et seront communiqués au demandeur et à son avocat. Ainsi, si le demandeur ou son avocat ont des inquiétudes à ce sujet, s'ils estiment que les faits n'ont pas été bien représentés, ils pourront en parler au moment de l'audience.
Nous nous efforçons d'utiliser tous les outils possibles afin que l'audience soit équitable et que les commissaires puissent bien juger de la crédibilité du demandeur, car c'est sa crédibilité qui est au coeur du processus. La préoccupation que vous soulevez est légitime, et nous tentons d'y répondre.
Le vice-président (M. Dromisky): Merci. Y a-t-il quelqu'un du côté ministériel? Très bien.
Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer ce matin. De toute évidence, les deux témoins ont acquis une connaissance approfondie de leurs rôles, et ce, en un laps de temps très court. Nous vous en félicitons. Merci beaucoup.
M. Frecker: Merci à vous et merci aux membres du comité.
Le vice-président (M. Dromisky): Je demanderais aux membres du comité de bien vouloir rester une minute encore.
Mesdames et messieurs les membres du comité, vous avez entre les mains le rapport du comité-directeur, à savoir le onzième rapport du sous-comité du programme et de la procédure. La recommandation formulée dans ce rapport vise simplement l'abrogation d'une notion portant création d'un sous-comité chargé de choisir les témoins pour l'étude de la Loi sur la citoyenneté que le comité a faite l'an dernier et qui était resté en suspens.
Le rapport est-il adopté?
La motion est adoptée [Voir Procès-verbaux]
Le vice-président (M. Dromisky): Merci beaucoup.
La séance est levée.