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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 12 juin 1995

.1530

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, je ne crois pas qu'il soit nécessaire que je me présente, mais en tous cas, je m'appelle Bill Rompkey et en punition de mes péchés, j'ai été désigné pour présider le Comité permanent de la Chambre des communes de la Défense nationale et des Affaires des anciens combattants.

Nous sommes très heureux de rencontrer cet après-midi nos collègues de l'Assemblée de l'Atlantique Nord. Je vous propose de faire un tour de table afin de permettre à chacun d'entre vous de se présenter.

M. Anders C. Sjaastad (chef de la délégation, président du comité, Comité de l'Assemblée de l'Atlantique Nord sur la défense et la sécurité (Norvège)): Je m'appelle Anders C. Sjaastad de la Norvège et je suis président du comité plénier sur la défense et la sécurité de l'Assemblée de l'Atlantique Nord.

Onorabile Alberto Di Luca (membre, Comité sur la défense et la sécurité, Assemblée de l'Atlantique Nord (Italie)): Je m'appelle Alberto Di Luca et je viens d'Italie. Je participe en Italie aux travaux du comité sur la défense.

Le sénateur Paolo Riani (membre, Comité sur la défense et la sécurité, Assemblée de l'Atlantique Nord (Italie)): Je m'appelle Paolo Riani. Je suis sénateur italien et je suis membre du comité sénatorial de la défense.

M. Jacob (Charlesbourg): Je m'appelle Jean-Marc Jacob. Je suis député. Je suis critique de l'opposition officielle pour les questions de défense nationale et je suis également membre du Comité de la défense nationale.

M. Proud (Hillsborough): Je m'appelle George Proud. Je suis vice-président du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et je suis l'adjoint de M. Rompkey.

.1535

M. Peter Corterier (secrétaire général, Assemblée de l'Atlantique Nord et membre du Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (République fédérale d'Allemagne)): Je m'appelle Peter Corterier et je représente l'Allemagne. Je suis secrétaire général de l'Assemblée de l'Atlantique nord.

M. José Lello (ancien président, Assemblée de l'Atlantique Nord et membre du Comité sur la défense et de la sécurité de l'AAN (Portugal)): Je m'appelle José Lello et je représente le Portugal. J'ai deux collègues qui semblent avoir disparu. Je suis membre du Comité de la Défense de mon Parlement.

M. Iahir Kose (membre, Comité sur la défense et la sécurité, Assemblée de l'Atlantique Nord (Turquie)): Je m'appelle Kose et je représente la Turquie. Je suis membre du Comité des Affaires étrangères et ancien ministre du Commerce et de l'industrie.

M. Florian Gerster (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (République fédérale d'Allemagne)): Florian Gerster, membre du Bundesrat allemand, la seconde Chambre et vice-président de la délégation allemande à l'AAN.

M. Peter Zumkley (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (République fédérale d'Allemagne)): Je m'appelle Peter Zumkley, je suis député de Hambourg au Parlement allemand. Je suis membre du Comité de la Défense et du comité du Budget.

M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Je m'appelle Fred Mifflin, et je suis député. Je suis le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale et des Affaires des anciens combattants et je suis membre du Comité permanent de la Défense nationale et des anciens combattants.

Sir Peter Emery (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (Royaume-Uni)): Sir Peter Emery; je suis député conservateur à la Chambre des communes et je ne suis qu'un néophyte relatif puisque je n'en fais partie que depuis 35 ans.

M. David Clark (vice-président, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (Royaume-Uni)): David Clark, député à la Chambre des communes britannique, vis-à-vis du secrétaire à la Défense dans l'Opposition.

M. Robert Banks (membre, Comité sur la défense et de la sécurité de l'AAN (Royaume-Uni)): Je m'appelle Robert Banks et je suis député depuis 21 ans à la Chambre des communes du Royaume-Uni.

Mme Ranja Hauglid (membre, Comité sur la défense et la sécurité et l'AAN (Norvège)): Ranja Hauglid, Norvège. Je suis députée au Storting depuis 1981 et membre du Comité de la Défense depuis 1989.

Le sénateur Lambert Kelchtermans (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (Belgique)): Je suis le sénateur Lambert Kelchtermans et je suis chef de la délégation belge à l'AAN. Je suis également membre de l'Assemblée du Conseil de l'Europe et de l'Assemblée de l'Union européenne occidentale.

M. Manfred Opel (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (République fédérale d'Allemagne)): Je m'appelle Manfred Opel. Je suis député au Bundestag allemand et membre de son Comité de la Défense.

M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): Bonjour, je m'appelle Robert Bertrand. Je suis député libéral à la Chambre des communes et suis également membre du Comité de la Défense nationale.

M. Frazer (Saanich - Les Îles-du-Golfe): Je m'appelle Jack Frazer. Je suis député à la Chambre des communes où je représente la circonscription de Saanich - Les Îles-du-Golfe sur la côte ouest du Canada. Je suis critique du Parti réformiste pour les questions de défense et membre du Comité permanent de la Défense nationale et des anciens combattants.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Je m'appelle John Richardson. Je suis député libéral et membre du comité permanent de la Défense nationale.

Le président: Il y avait d'autres personnes qui... Veuillez entrer...

M. Pedro Campilho (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (Portugal)): J'étais dehors en train de fumer une cigarette, car c'est interdit ici. Je suis Portuguais, je suis membre du Parti social démocrate. Je suis député depuis huit ans et membre du Comité de la Défense.

M. Ali Eser (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (Turquie)): Je vous prie d'excuser mon retard; j'avais des problèmes de billet à résoudre.

Le président: Vous ne fumiez donc pas, vous; c'est très bien.

M. Eser: Mais si, je fumais moi aussi.

Je m'appelle Ali Eser et je viens de Turquie. J'appartiens au parti de la Juste voie, qui appartient actuellement à la coalition. Je vous remercie.

M. Angelo Correia (membre, Comité sur la défense et la sécurité de l'AAN (Portugual)): Je m'appelle Angelo Correia. Je suis député depuis 1975. Je suis président de la délégation portugaise à l'Assemblée de l'Atlantique Nord et à l'Assemblée de la CSC.

Le président: Merci. Un de nos collègues, Francis LeBlanc, vient d'arriver.

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands - Canso): Je m'appelle Francis LeBlanc. Je suis député libéral à la Chambre des communes du Canada. Je dirige le groupe canadien à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE que nous devons accueillir au cours de la première semaine de juillet.

Le président: Merci beaucoup.

Au nom du Comité canadien de la Défense, j'invite maintenant M. Sjaastad à faire une déclaration préliminaire au nom de son comité.

.1540

M. Sjaastad: Merci, Bill. Je vais simplement vous dire pourquoi nous sommes ici et ce que nous avons fait plus tôt dans la journée.

Selon la tradition, tous les ans, un des cinq comités permanents de l'Assemblée de l'Atlantique Nord se rend en visite en Amérique du Nord. Cette année, c'était le tour du comité sur la défense et la sécurité. Nous sommes très heureux d'avoir pu venir en si grand nombre au Canada et par la suite, aux États-Unis.

Aujourd'hui on nous a donné des séances d'information très instructives, sur votre nouvelle politique étrangère et votre nouvelle politique de défense. Nous ne savons pas exactement ce qu'elles ont de nouveau, mais ce que nous savons, en tout cas, c'est que c'est la politique actuelle de votre pays.

Il y a un certain nombre de questions en suspens d'intérêt mutuel. La première, naturellement, c'est la politique nationale de chacun de nos pays. La seconde, c'est notre politique commune au sein de l'OTAN, dont un des points les plus importants est celui de l'élargissement de l'alliance.

À l'heure actuelle, quiconque s'intérese à la politique de défense et à la politique étrangère ne peut manquer de parler de la situation tragique qui règne dans l'ancienne Yougoslavie et de notre présence là-bas. Ce sont en fait les deux questions dont nous discutons depuis ce matin.

Nous souhaiterions donc très vivement connaître vos vues sur ces questions, après quoi nous pourrions en discuter. Je crois que nous disposons de près d'une heure.

Le président: Merci beaucoup. Oui, nous disposons en effet d'une heure environ et nous n'avons pas d'ordre du jour bien établi. Anders a relevé plusieurs sujets de discussion particulièrement importants.

Avant de les aborder, permettez-moi cependant de vous dire que ce matin, outre les exposés d'information des affaires étrangères et de la défense, nous avons également été reçus à déjeuner par le secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale qui est en fait venu nous dire quelques mots.

Mais si nous avons alors omis de vous remercier, Fred, permettez-moi de vous remercier d'avoir été notre hôte à déjeuner.

M. Mifflin: Je vous en prie.

Le président: Nous avons le champ libre.

Nous avons ici notre collègue, Francis LeBlanc, qui préside le groupe canadien de l'OSCE, qui accueillera en juillet, comme vous le savez, la conférence de l'OSCE à laquelle certains d'entre nous pourront assister, je l'espère. Nous avons donc un groupe de députés canadiens représentatifs de tous les partis, et vous êtes tout à fait libres de commencer par la question de l'élargissement de l'OTAN ou la situation dans l'ex-Yougoslavie.

J'attends avec impatience qu'une main se lève. Sir Peter Emery.

Sir Emery: Pourrais-je commencer par quelque chose qui nous préoccupe tous, et pas seulement les Canadiens. Bien que nous soyons tous favorables à l'augmentation du nombre des membres de l'OTAN, sommes-nous absolument convaincus ou devrions-nous l'être, que l'on devrait étendre l'application de l'article 5 du Traité de Washington, garantissant l'intégrité des frontières et la défense de tout nouveau membre accueilli au sein de l'OTAN? Faut-il ou non appliquer les dispositions de l'article 5 à tous ces nouveaux membres?

C'est là quelque chose qui nous préoccupe tous, et je me demande si le secrétaire parlementaire, en tant qu'ancien officier de l'active, voudrait bien nous donner son point de vue pour commencer.

Le président: Monsieur Mifflin.

M. Mifflin: Je vous remercie vivement de ces remarques préliminaires, Sir Peter.

En ce qui concerne l'élargissement de l'OTAN, je crois qu'il faut revenir à la fin de la guerre froide et aux 12 ou 18 mois de doute de l'OTAN. Je me souviens qu'à l'époque, on se demandait au Canada si l'OTAN allait demeurer ce qu'elle était. Comment se réalignerait-elle? Qu'adviendrait-il de la CSCE, ou de l'OSCE comme on l'appelle maintenant? Cela remplacera-t-il le pilier européen, quel lien l'OTAN entretiendrait-elle avec lui; voilà, entre autres, les questions qui se posaient.

.1545

À l'époque, mon impression en tant que Nord-américain, si je peux utiliser cette expression dans son sens générique - et je l'ai toujours dans une certaine mesure - c'est que si je me souviens bien du processus - et nous nous rappelons tous comment cela s'est passé de 1945 à 1951 - il nous a fallu cinq ou six ans pour que nous nous adaptions à la réalité de Guerre froide. Cette réalité a cessé d'exister en 1990, et je ne suis pas certain que nous ayons encore réussi à nous adapter à la nouvelle réalité. Je crois cependant que nous n'en sommes pas loin.

Chose certaine en tout cas - et personne ici ne le contestera - au lieu du monde plus stable que nous attendions tous...et bien que regrettable en elle-même, la guerre du Golfe nous a donné l'espoir qu'un nouvel ordre mondial était peut-être établi. Naturellement, l'ordre mondial que nous attendions ne s'est pas du tout concrétisé. Nous nous retrouvons donc maintenant dans un monde de plus en plus instable en comparaison des années de la Guerre froide, et il nous appartient maintenant de décider de ce que nous devrons faire.

La nouvelle réalité sera-t-elle faite d'autres guerres tribales? D'autres anciennes Yougoslavies? Des opérations de maintien de la paix? Nous connaissons tous le dessein du Secrétaire général des Nations unies: la création d'une force permanente pouvant servir au maintien de la paix. Cela m'inspire certaines réserves car je suis incapable de me représenter ce que seraient les règles d'engagement, la structure de commandement, et le contrôle de ce commandement.

Mais il ne faut jamais désespérer. Le Partenariat pour la paix a été une brillante initiative. Grâce à elle, il nous est maintenant possible d'espérer connaître un genre de paix différent de ce que nous avons connu avant 1990.

Bien entendu, la grande question demeure l'avenir de la Russie - nous savons tous ce qui s'est passé à la fin de mai entre le Président des États-Unis et M. Yeltsin; je ne suis pas certain que le tout ait été orchestré par l'OTAN; j'en doute - et nous ignorons également la position de la Russie quant à l'avenir de l'ex-Yougoslavie et de ce qui s'y passe.

Permettez-moi de résumer ce que je viens de dire.

Nous sommes loin d'une situation qui nous permette de conserver le genre d'OTAN qui existait auparavant et qui a maintenu la paix pendant tant d'années. Je crois que personne ne sait exactement où nous nous en allons. En tant que Nord-américain, je crois qu'il faut poursuivre. Nous avons une présence en Europe, mais - et j'en ai maintes fois parlé à votre président - je crois que M. Rifkind a pris l'initiative de proposer un renforcement des liens transatlantiques. Nous en avons ici un exemple aujourd'hui.

Le Partenariat pour la paix...nous y sommes très attachés au Canada. Quant à notre appartenance à l'OTAN...très franchement, notre position est beaucoup plus prudente. La grande inconnue, c'est l'Union soviétique. Où va la Russie? Que signifiera pour ses militaires leur incorporation dans l'OTAN? Que signifiera-t-elle pour les pays non russes dans le cadre de l'extension du Partenariat pour la paix?

J'ai soulevé bien des questions auxquelles nous n'avons pas de réponses à apporter. Mais à mon avis, nous sommes témoins d'une évolution. Je n'entrevois pas de changements profonds l'an prochain ou l'année suivante. Tant que cette nouvelle réalité dont je parlais ne se matérialisera pas, il faudra que nous continuions à évoluer, au lieu de révolutionner.

Le président: Merci.

Monsieur Gerster.

M. Gerster: Merci. Le Canada a une longue expérience des missions de maintien de la paix. D'autres États membres de l'OTAN ont des leçons à apprendre dans ce domaine; c'est le cas de l'Allemagne, qui s'est trouvée placée dans une situation spéciale pendant longtemps.

La question que je vais poser à nos amis et collègues canadiens est la suivante. Si l'on veut tirer les leçons des trois années de guerre dans l'ancienne Yougoslavie, indépendamment de la poursuite de cette terrible guerre, n'y en a-t-il pas une de très simple - , à savoir que les missions de maintien de la paix ne sont - rigoureusement - possibles que là où il y a une paix à maintenir? Dans tous les autres cas, en l'absence de paix, il faudrait trouver un moyen d'envoyer des missions comportant des éléments d'imposition de la paix - je dis bien des éléments et non pas des missions exclusivement destinées à cela. C'est peut-être là la leçon à tirer des trois premières années de guerre dans l'ancienne Yougoslavie.

.1550

M. Frazer: Je crois que vous avez mis le doigt sur le problème. Nous essayons de maintenir en Yougoslavie une paix qui n'a jamais existé et qui, du moins à court terme, demeure hors de notre portée.

Je ne sais pas combien d'Européens, l'à présents savent qu'il existe une divergence d'opinion autour de la participation du Canada aux opérations dans l'ancienne Yougoslavie. Je représente un parti qui considère que L'ONU devrait déclarer son intention de se retirer de ce pays parce que le mandat qui nous a été confié est impossible à accomplir. Nous ne sommes pas capables de fournir l'aide humanitaire mise en place, parce qu'elle est bloquée. L'aérodrome de Sarajevo est fermé depuis neuf semaines. Lorsqu'il est ouvert, les convois que nous essayons d'escorter sont souvent retenus, pour des raisons discutables.

Tant que nos troupes demeureront là où elles se trouvent, elles seront toujours vulnérables aux prises d'otages qui ont lieu en ce moment et dont des Canadiens ont déjà été victimes à au moins deux reprises.

Si nous sommes obligés de nous retirer dans des périmètres protégés, nous ne ferons pas le travail qui devrait être le nôtre. Et si nous escortons des convois ou si nous sommes affectés à des postes d'observation afin de signaler les infractions, nous sommes dans une situation très vulnérable et, dans ce cas, nous ne pouvons pas user de force pour contraindre les participants à respecter les accords pris par eux.

Je reconnais que le retrait n'est pas une solution facile, et qu'elle serait en fait très difficile. Mais si nous ne déclarons pas notre intention de nous retirer, cela ne se fera jamais, et notre politique étrangère sera dictée par les occupants de l'ancienne Yougoslavie: les Serbes, les Musulmans et les Croates.

Le président: Un député de l'autre côté de la Chambre voudrait-il commenter ce qui a été dit? Non?

Nous allons donc entendre M. Clark, de la Grande-Bretagne.

M. Clark: Plus tôt dans la journée, on nous a présenté un exposé très clair sur la manière dont vous aviez effectué votre examen de la défense au Canada. Nous avons été très intéressés de voir comment le comité permanent de la Chambre et du Sénat a présenté son point de vue.

Plus tôt, le major-général de Faye a déclaré que les effectifs des Forces canadiennes devaient être ramenés à 60 000. Je sais que votre comité mixte permanent a déclaré que le chiffre de 66 700 était «la capacité minimum requise pour les Forces canadiennes».

Comme pouvez-vous expliquer qu'il va y avoir une réduction de 10 p. 100 de ce que vous considériez déjà comme la capacité minimum?

Le président: Qui voudrait répondre en notre nom à nous, si j'ose dire?

M. Proud: Je vais essayer.

Je crois qu'au cours de toutes nos audiences et en nous fondant sur les témoignages présentés devant nous, les minimums que nous avons recommandé étaient des minimums au-dessous desquels il ne fallait pas descendre. Le gouvernement en a jugé autrement. Il estime que nous pouvons continuer à fonctionner de manière satisfaisante et efficiente avec un effectif de 60 000 personnes.

Dans ce contexte, une étude sur les Forces de réserve au Canada est en cours. Je ne voudrais pas préjuger de ces conclusions, mais je suppose que les réservistes vont être appelés à jouer un rôle plus important dans les situations dont certains ont parlé ce matin. Dans les contingents envoyés dans l'ex-Yougoslavie, par exemple, il y avait 20 p. 100 de réservistes... Dans un cas, il y en avait même 40 p. 100.

Personnellement, j'ai du mal à accepter le chiffre de 60 000; c'est l'absolu strict minimum. C'est la politique qui va être mise en oeuvre. Bien entendu, les militaires ont toujours fait ce qu'on leur demandait. Cela dit, ils y sont toujours parvenus, et nous croyons qu'ils le pourront encore. J'attends avec impatience pour la fin de l'automne - elles seront soumises à notre comité - les recommandations du groupe spécial qui étudie les forces de la Réserve afin de voir la place qui leur sera réservée dans ce nouveau contexte.

.1555

Le président: Fred Mifflin.

M. Mifflin: Merci, monsieur le président.

J'ai trois remarques à faire. La première, c'est que vous avez absolument raison, monsieur; nous avons effectivement dit que ce serait le minimum. Mais nous avons aussi recommandé que le budget de la Défense soit réduit d'un milliard de dollars sur trois ans - plus exactement, 2,8 milliards de dollars - parce que notre situation financière nous le dictait. Notre déficit est énorme. Je n'ai pas besoin de dire à un homme politique ce que cela représente. Il y a donc un rapport entre les deux. C'est dommage, mais nous n'y pouvons rien.

Deuxièmement, après avoir tenu la moitié de nos audiences, nous avons décidé qu'au lieu de présenter un document sur les moyens nécessaires qui pourrait s'appliquer aussi bien à un effectif de 120 000 personnes que de 50 000, comme c'est souvent le cas dans les livres blancs, nous avons dit que ce qui nous intéressait, c'était les résultats.

Pour l'OTAN, par exemple, il faut pouvoir disposer en bout de ligne de trois groupes de combat: un bataillon, selon les circonstances; une force opérationnelle navale avec une escadre de chasse; et un escadron de transport. Nous avons en fait fixé les résultats escomptés de manière à... Je ne dirais pas que nous avons voulu lier les mains du ministre, mais nous avons voulu décrire très clairement le genre de forces que nous entrovoyions à l'issue des consultations avec tant de Canadiens. Voilà ma seconde remarque.

La troisième, et George y a fait allusion, c'est que je crois que nous avons ce que toute force a, ce que l'on appelle le concept de la force totale, qui nous permet peut-être de mieux utiliser nos réservistes. Cela intéressera sans doute le groupe d'apprendre qu'à un certain moment, il y a trois ans, quand nous avons déployé un effectif de 49 000 soldats, le plus important jamais déployé par nous, la plus grande partie d'un des groupes de combat était composée à 40 p. 100 de réservistes. Tout le monde reconnaîtra que c'est là un pourcentage élevé, peut-être plus élevé qu'il n'aurait dû l'être. C'est certain. Le pourcentage est maintenant tombé à 10 p. 100 environ. En moyenne, il y a un réserviste sur dix militaires, ce qui me paraît acceptable.

Je digresse. En fait, nous avons commencé à examiner la milice et les réserves navales et aériennes dans le cadre de notre étude, et nous nous sommes rendus compte que nous nous égarions. Nous avons en effet pensé que cela nuisait à l'angle macro utilisée dans nos délibérations, et nous avons donc recommandé qu'une étude distincte soit consacrée à la Réserve. Elle est en cours présentement. Cela vous intéressera peut-être de savoir que son président est un ancien juge en chef du Canada, et que deux autres Canadiens d'aussi grand renom font partie du groupe. Voilà donc essentiellement ma réponse à la question.

Je voudrais faire une dernière observation qui a trait à un point dont a parlé le premier ministre. Nous n'avions pas adopté d'a priori. L'OTAN n'en était pas un et le maintien de la paix non plus, lorsque nous avons entrepris notre étude. Les réactions des Canadiens, des milieux universitaires et de toutes les personnes auxquelles nous avons parlées au Canada et à l'étranger, nous ont cependant rapidement convaincus que l'OTAN était très importante. Je crois que la plupart d'entre nous y croyons. Mais je voulais entendre les Canadiens dire la même chose.

Le second point est peut-être plus difficile, certainement plus subjectif. Les Canadiens étaient-ils prêts à accepter que leurs jeunes, hommes et femmes risquent leur vie à l'étranger alors que le Canada n'était pas en guerre? Nous avions connu une expérience différente pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale, mais nous avons été assez surpris de constater que la majorité de nos compatriotes estimaient que nous servions l'intérêt national en envoyant des Canadiens dans des endroits tels que la Bosnie, la Somalie à l'époque, etc. C'est indiscutable: ils en sont aujourd'hui moins convaincus que l'an dernier, à la même époque. Ils y croient encore, je suppose que c'est une évolution normale des choses.

Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Campilho, du Portugal.

.1600

M. Campilho: Merci, Bill. Cet après-midi, le premier ministre a évoqué devant nous l'idée que dans six mois peut-être, il faut que nous soyons prêts à nous retirer de l'ancienne Yougoslavie. Nous venons d'entendre notre collègue déclarer qu'il est fier de défendre l'idée qu'il faut que vous quittiez la Yougoslavie.

Ma question est très simple. Quelle est votre opinion? Comment procéder? Quel est le modus operandi pour extraire vos troupes de Yougoslavie en ce moment? Comment allez-vous faire?

M. Frazer: Je crois qu'il est assez largement reconnu qu'il existe un plan de l'OTAN et qu'un contingent américain est prêt à aider au retrait de ces troupes. Être en faveur d'un retrait, cela ne signifie pas vouloir nous en laver les mains et dire «mettons les voiles, vidons les lieux, laissez-les se débrouiller». Je pense cependant qu'après le retrait des troupes, l'ONU serait en mesure de décider de la manière de s'attaquer à la situation.

Nous savons fort bien que ce retrait n'est pas chose simple, mais nous pensons que vu la configuration actuelle et les endroits où nous nous trouvons en ce moment, l'ONU et l'OTAN ne pourront pas atteindre leur objectif en Yougoslavie, qui est, je crois, de parvenir à un règlement pacifique de la situation et de s'assurer que tout le monde est prêt à y participer.

Le président: John.

M. Richardson: Je voudrais insister sur un point. Il n'est pas dans le tempérament des Canadiens d'être les premiers à s'en aller et à laisser le soin aux autres de tenir. Les Forces canadiennes collaborent avec des forces alliées et nous tenons à ce qu'elles pensent pouvoir compter sur nous lorsque cela va mal; nous n'allons pas donc faire demi-tour et prendre la fuite. Il y a une certaine ambiance favorable au départ dans notre société, mais je crois que la majorité des gens serait choquée de voir nos forces s'en aller et laisser aux autres le soin de se battre. Je crois que cela demeure une conviction profonde des Canadiens. L'engagement d'apporter le soutien nécessaire est donc pris, mais cela n'empêche pas de craindre que nos soldats ne soient placés dans une situation où ils ne pourraient pas se défendre. Étant passé à Visoko, je peux vous assurer qu'il est totalement impossible de se défendre.

Le président: Monsieur Frazer.

M. Frazer: Je voudrais encore une fois revenir sur une des remarques faites par M. Richardson. Pour moi, il ne s'agit pas pour les Canadiens de tourner casaque, ni d'abandonner leurs amis. Jamais je ne recommanderais cela. Je considère simplement qu'il s'agit d'un retrait d'une situation dans laquelle les objectifs sont impossible à atteindre, comme on est en train de s'en apercevoir rapidement. Nous ne sommes pas capables de remplir le mandat qui nous a été confié. Nous piétinons. Nous n'atteignons pas nos objectifs. Pour moi, les Canadiens ne battraient pas en retraite. Nous ne faisons qu'accepter l'inutilité de ce que nous faisons actuellement. Ce que nous recommandons, c'est de chercher un autre moyen de régler la situation en Yougoslavie.

Le président: Je tiens à préciser pour tout le monde que Jack exprime ici les vues de son parti. Ce ne sont pas celles du gouvernement.

José Lello, Portugal.

M. Lello: Merci, monsieur le président. Je suis l'autre Portugais mais je vous promets de ne pas soulever de questions particulièrement difficiles.

Lorsque j'ai lu le rapport du comité mixte spécial sur la politique de défense du Canada, j'ai noté qu'au nombre de vos principales recommandations, vous insistiez sur le fait que le Canada doit demeurer uni, qu'il doit maintenir son potentiel de combat, avec des forces armées polyvalentes et bien équipées, de manière à pouvoir aussi bien assurer la défense de la souveraineté territoriale du Canada, que de participer à l'étranger aux opérations multilatérales de maintien de la paix et de la sécurité, ce qui signifie qu'elles auront un rôle à jouer au sein de l'ONU et pour d'autres entreprises multilatérales de maintien de la paix et de la sécurité.

En ce qui concerne le mandat actuel des Nations unies, je doute fort qu'une force de maintien de la paix doive avoir les mêmes capacités et la même formation qu'une force de combat normal, ou même une force d'imposition de la paix. En effet, compte tenu du mandat donné par l'ONU, il me semble que d'autres types de forces, peut-être même des forces de gendarmerie, sont mieux à même de traiter avec la population et de s'occuper de la sécurité intérieure.

.1605

En revanche, le retour de mission de toutes ces forces nous créera des difficultés lorsque nous aurons à les réaffecter chez nous, car il s'agit vraiment là d'un autre type de nation pour laquelle ils ne seront pas préparés.

J'aimerais avoir votre avis sur ce point.

M. Frazer: Je ne peux vraiment me prononcer que pour les forces canadiennes, et aussi vous parler brièvement des forces françaises auxquelles nous avons rendu visite lorsque nous étions en Bosnie lors de la tournée de notre comité. Nous avons conclu que les seules personnes dignes de crédibilité que l'on puisse placer dans une situation telle que l'effort de maintien de la paix en Bosnie sont les membres de forces armées ayant un potentiel de combat. Pour pouvoir servir d'intermédiaire entre deux forces armées ennemies, il faut être capable de comprendre ce qu'elles veulent dire lorsqu'elles parlent d'abandonner une position ou de faire de concessions. Il faut savoir que ce à quoi renoncent les uns profite aux autres et ce que cela signifie dans l'ensemble de la situation.

Si vous intervenez là-bas... Et bien entendu, si nous l'avons fait au début c'était parce que les organismes non gouvernementaux qui essayaient d'apporter une aide humanitaire étaient empêchés de le faire. Les forces armées sont donc intervenues pour les soutenir. Nous avons également constaté - et je ne parle là que des Canadiens - que ceux-ci sont excellents lorsqu'il s'agit d'établir des relations, non seulement avec des militaires mais aussi avec la population civile. Ils sont considérés comme justes, sans préjugés, et prêts à écouter et à donner des conseils lorsqu'on leur en demande. À mon avis, une gendarmerie serait incapable d'établir cette crédibilité aux yeux des protagonistes dans une opération de maintien de la paix telle que celle à laquelle nous participons en Yougoslavie.

M. Lello: Je ne parle pas d'une police non civile, je parle d'une gendarmerie. Ce sont des militaires capables d'assurer des fonctions de maintien de l'ordre plus complexe.

M. Frazer: Je le sais.

Le président: Monsieur Opel, de l'Allemagne.

M. Opel: Je voudrais revenir sur la planification des forces. En fait, ce qui m'a incité à vous poser mes questions, c'est le fait que le secrétaire parlementaire a parlé du financement des forces. Est-ce là une façon normale de procéder?

Premièrement, leur structure doit être déterminée pour le long terme, n'est-ce pas? Ce qui disparaît est bien difficile à récupérer par la suite. Deuxièmement, si vous modifiez la structure, vous perturbez profondément les forces et vous ne savez plus alors où aller, ni que faire. Ce qu'il vous faut, c'est un processus régulier échelonné sur le long terme. Si vous entreprenez quelque chose, c'est avec un horizon de 10, 20 et même 30 ou 40 ans, en particulier lorsqu'il s'agit de la marine.

Selon que le taux de chômage est très élevé ou inférieur à 3 p. 100, la situation est donc différente. Dans le premier cas, l'argument financier n'est probablement pas valable. Vous avez besoin d'un argument économique national, ce qui signifie simplement que si vous réduisez les dépenses en faveur des forces militaires vous risquez d'accroître encore le taux de chômage et, donc, de nuire à votre économie nationale.

Voici ma question, monsieur. Avez-vous discuté au sein de votre comité mixte, de... Le gouvernement a décidé de descendre au-dessous des 66 700. L'argument invoqué était-il surtout financier ou s'agissait-il surtout d'un argument économique national, ce qui serait beaucoup trop compliqué et qui serait probablement fondé sur une analyse de rentabilité?

.1610

Il est parfois encore préférable d'avoir des forces de qualité supérieure - la qualité implique à la fois la formation et le matériel - pour obtenir un revenu national plus élevé, ce qui revient plus ou moins à l'autofinancement des forces. Avez-vous des idées là-dessus?

Je vous remercie.

Le président: Je crois que je vais inviter le secrétaire parlementaire à répondre à cette question.

M. Mifflin: Merci beaucoup monsieur le président.

Les arguments que vous venez d'invoquer sont certainement très valables, mais je dois souligner un point qui, à ce stade de notre histoire rend la situation un peu différente pour les Forces canadiennes: il y a quatre ans seulement, nous avions une infrastructure correspondant à une force trois fois plus importante. À l'époque, l'effectif était d'environ 72 000 militaires. Toutes les personnes présentes dans cette salle savent combien il est difficile, sur le plan politique, de fermer une base. Je dois cependant rendre hommage au gouvernement précédent: il a pris la décision de s'attaquer à l'infrastructure, mais seulement superficiellement.

Lorsque nous avons pris la relève, il n'était plus question d'en rester là. Il fallait aller au fond des choses et nous avons fermé des bases à tour de bras. Cela a permis de réaliser des économies dont nous ne sentirons d'ailleurs les effets ni aujourd'hui ni demain, mais beaucoup plus tard seulement. Ce sont surtout des économies de personnel.

Nous avons également totalement réorganisé nos quartiers généraux. Nous en avions 80, de divers types, au Canada. Notre pays est très vaste, mais nos effectifs sont réduits et nous n'avions pas les moyens de nous offrir cela. Dans notre rapport, nous avons notamment recommandé que la méthode de commandement et de contrôle pour le pays et l'importance des Forces soient différentes de ce qu'elle sont actuellement.

Une des mesures les plus importantes inspirée par nos recommandations et, aussi, celles du Livre blanc, vise la structure de commandement qui va être totalement réorganisée, et les commandements des Forces aériennes, militaires et maritimes, qui au lieu d'être sur le terrain, reviendront à Ottawa, car, à notre avis, c'est là qu'ils devraient être.

Nous avons également fait des recommandations au sujet du contrôle opérationnel. Nous sortions peut-être un peu là du domaine de nos compétences, mais les experts nous ont écoutés et les étudient.

En fait, nous n'avions pas le choix. Nous avons pris le pouvoir avec une mission précise: réduire le déficit et maîtriser la dette nationale. La Défense nationale a connu le même sort que tous les autres ministères fédéraux. C'était sans doute regrettable, mais l'examen opérationel auquel a été soumis chaque ministère était une décision irrévocable du ministère des Finances.

Est-ce là la façon d'assurer notre défense? Vous m'avez demandé ce dont nous avons besoin. Je vous répondrai que nous avons probablement besoin d'un peu plus, mais voilà la situation.

Le président: Merci.

Monsieur Kose, de la Turquie.

M. Kose: Les Nations unies n'ont pas réussi. La guerre dure depuis trois ans. Le problème existe toujours. Quelles sont les erreurs commises par les Nations unies, à votre avis? Pensez-vous qu'une intervention militaire de l'OTAN soit nécessaire en Bosnie-Herzégovine? Troisièmement, que suggèrent les Canadiens pour régler les problèmes de la Bosnie-Herzégovine?

Le président: Qui veut répondre à ces questions?

Je crois qu'il convient de dire que le comité mixte spécial a conclu que les Nations unies n'avaient pas agi assez vite au début pour mettre en oeuvre les décisions du Conseil de sécurité.

Deuxièmement, le major-général MacKenzie et d'autres personnes présentes sur le théâtre des opérations ont déclaré qu'il y avait une faiblesse au plan du commandement et du contrôle. Les Nations unies n'avaient notamment pas de système efficace pour assurer la circulation de l'information. Lorsque nous étions à New York à l'occasion de nos audiences, la salle d'information que nous avons vue était littéralement risible; elle n'en était encore qu'à ses débuts. Cela se passait il y a environ un an et demi, et elle commençait seulement à être organisée. Lorsque vous ne savez pas ce qui se passe, il est impossible de dominer la situation.

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Un des problèmes, à mon avis, c'est que l'information circule mal à l'ONU et qu'à New York, l'Organisation a du mal à se tenir au courant des événements.

Troisièmement, j'ai parlé de commandement et de contrôle, mais je crois que les Nations unies elles-mêmes n'avaient pas le genre de structure militaire secondaire dont elles auraient eu besoin. Elles n'étaient pas quotidiennement conseillées par des militaires compétents. Ce sont là les observations du comité au sujet des Nations unies.

Il y a aussi des problèmes plus généraux et créés par le mandat lui-même. Nous sommes partis là-bas avec un mandat précis et nous avons vu ce mandat changer constamment une fois que nous étions sur place. Étions-nous là pour maintenir la paix ou pour l'imposer? Le mandat semblait constamment évoluer.

Il existe donc cinq ou six problèmes différents ou faiblesses, si vous préférez, en ce qui concerne les Nations unies. J'espère que ce que je viens de dire vous aidera à en cerner quelques-uns.

Je ne sais pas si certains d'entre nous ont des observations à faire.

George.

M. Proud: Je crois que ce monsieur avait également demandé quel était le rôle de l'OTAN vis-à-vis des Nations unies.

Après avoir parcouru le monde et écouté des experts dans ce domaine, j'estime personnellement que si l'OTAN n'existait pas, il faudrait l'inventer. Elle joue un rôle précis et essentiel dans la situation qui règne actuellement dans l'ancienne Yougoslavie, et je suis convaincu qu'elle sera appelée à en faire autant dans d'autres régions où des problèmes vont certainement éclater. Je crois que c'est absolument nécessaire. C'est ce que notre Comité mixte spécial a pu constater au cours de ses voyages dans notre pays et dans le monde entier.

Selon moi et selon beaucoup d'autres, l'OTAN est un des organismes qui, dans l'histoire de notre planète, ont mieux réussi à maintenir la paix. Il faut cependant maintenant la modifier pour être certain qu'elle évolue dans le bon sens.

Le président: Merci. Je ne sais pas si cela vous éclaire, mais...

Revoyons notre liste. J'ai maintenant Anders, puis Robert Banks, suivis de M. Eser, de la Turquie.

M. Sjaastad: Merci, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à confirmer ce que Bill Rompkey a dit à propos des lacunes du Secrétariat des Nations unies en ce qui concerne l'information et des renseignements sur le commandement et le contrôle, etc. Je crois qu'il va falloir combler ces lacunes si les Nations unies veulent jouer un rôle plus important à l'avenir.

Je tiens cependant à vous mettre en garde contre la création d'un second commandement intégré de type semi-OTAN car je ne pense pas que cela marcherait. Cela ne me paraît pas nécessaire. Il n'en reste pas moins qu'il faut trouver un moyen d'éliminer le manque de capacité que nous pouvons encore observer à New York.

J'avais en fait l'intention de vous parler de deux questions différentes. Je crois que nous sommes tous d'accord pour reconnaître que dans l'ancienne Yougoslavie, aucune solution facile ne s'offre à nous et que nous allons être obligés de choisir entre des mesures mauvaises ou très mauvaises. Je vais donc essayer de ne pas m'en tenir à l'ancienne Yougoslavie. Nous en avons déjà parlé aujourd'hui. À l'avenir, il y aura probablement plus de conflits et d'appels à nos forces que nous ne serons capables d'accepter. Je pense donc que nous voulons tous nous en tenir à des interventions raisonnables. Peut-être voudrons-nous participer aux opérations qui ont des chances de réussir, si l'occasion s'en présente, ce qui, après tout, correspond de plus près aux activités traditionnelles de maintien de la paix.

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Je crois qu'il sera plus difficile de faire face à des opérations destinées à imposer le respect de l'ordre et d'amener les gens à fournir des forces pour ce genre de situation. Il faut bien le reconnaître, il serait peut-être préférable que certains pays qui sont prêts à le faire, ne participent pas parce qu'ils n'ont pas les capacités, la discipline ou la formation nécessaires. En dehors des pays de l'OTAN, je crois qu'il en reste quelques-uns en Europe et très peu en dehors qui pourraient jouer un rôle vraiment utile dans des opérations plus difficiles.

Si nous laissions de côté l'ancienne Yougoslavie, je me demande vraiment si mes divers collègues canadiens seraient prêts à engager des forces canadiennes dans des opérations comparables à ce qui se passe en Bosnie?

Je voudrais également parler de votre nouveau programme et votre nouvelle stratégie de défense. Sauf erreur, 43 p. 100 de votre budget de défense sera consacré aux coûts relatifs au personnel. C'est assez considérable. Je comprends très bien les problèmes que vous pose la fermeture de vos bases. Comme le disait le secrétaire parlementaire, c'est là une question qui est difficile pour nous tous. Mais compte tenu des restrictions budgétaires, il me semble que c'est beaucoup d'y consacrer 43 p. 100 de votre budget de défense. Idéalement, un tiers me paraîtrait beaucoup plus acceptable. Je souhaiterais donc avoir votre avis à ce sujet. Je vous remercie.

Le président: Qui veut répondre à cette question? Bud.

M. Mifflin: Vous avez tout à fait raison, monsieur le président. Idéalement, nous voudrions avoir 35 p. 100, 35 p. 100, et un peu plus pour le matériel. C'est un combat difficile à mener une fois que vous vous engagez sur ce terrain. Cela fait très longtemps que nous nous battons sur les questions des vieux navires et des vieux aéronefs, et pourtant, nous en avons encore. Il faudrait que l'hélicoptère Sea King soit remplacé le plus vite possible, et nos TTB ont besoin d'être modernisés et remplacés.

Si vous prenez l'enveloppe des dépenses de défense, cependant, pour la période couverte par le Livre blanc, vous constaterez que les coûts relatifs au personnel vont diminuer. Les coûts d'entretien demeureront à peu près les mêmes, mais la place du matériel dans le budget de défense augmentera. Nous espérons que le recours aux réservistes nous y aidera, et que la réduction de 80 à 52 environ du nombre de quartiers généraux y contribuera également.

Le président: À propos d'une seconde Bosnie, je crois que ce qu'il faut tout d'abord dire, c'est que nous ne pouvons pas faire plus. Le Canada a atteint la limite de ses possibilités d'intervention dans le monde. Nous avons 2 000 hommes et femmes en Bosnie, et d'autres Canadians qui participent à d'autres opérations de maintien de la paix, si peu importantes qu'elles soient. Même avec les 3 000 soldats supplémentaires qu'on nous a accordés, surtout à cause de nos responsabilités en matière de maintien de la paix, nous avons atteint la limite de nos moyens.

Quant à savoir s'il convient, ou non, de participer à une opération de maintien de la paix, nous avons, au Canada, des critères qui nous permettent de juger des mérites de chaque situation. Nous ne les avons pas énoncés de manière très précise, mais je crois que notre comité conclura probablement qu'il faut se montrer très sélectif dans le choix de nos interventions. Vous devez d'abord déterminer vos capacités. Ensuite, il vous faut établir si les objectifs sont conformes à ce que pense le Canada et s'ils sont réalistes, et si nous pouvons apporter quelque chose à la force multinationale qui est détachée.

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Si nous nous trouvions à nouveau devant un cas comme la Bosnie aujourd'hui, nous appliquerions de nouveaux critères, que nous n'avons sans doute jamais par le passé pour évaluer les situations.

M. Proud: je veux ajouter que nous disons, tout comme vous venez de le faire, que nous verrions d'un nouvel oeil une autre situation. Pourtant, nous ne le faisons pas. Prenons l'exemple du Burundi, étalé dans le journal. Nous savions depuis longtemps ce qui se passait dans ce pays, mais si on demande aux responsables pourquoi ils n'interviennent pas immédiatement,... c'est la même histoire.

On nous a demandé si nous allions participer. Je crois que les Canadiens interviendront. Si nous avons les effectifs et si d'autres pays particpent, alors oui, je crois que les Canadiens interviendront, parce que nous l'avons toujours fait et que je ne vois aucune raison pour que nous changions d'idée à ce sujet.

Nous étions à New York l'hiver dernier. Sir Brian Urquhart a déclaré au sujet des Nations unies que l'Organisation appartient à tout le monde, qu'il est facile de critiquer et de s'arroger le mérite lorsque l'ONU fait quelque chose de bien.

Nous devons faire quelque chose - je dis «nous» mais je pense à la communauté internationale - à cette Organisation.

Je crois que les Canadiens seraient tout à fait disposés à continuer à faire leur part sur la scène internationale, à mesure que ces crises surviennent.

Le président: Robert Banks.

M. Banks: Avant d'aborder la question dont je veux traiter, c'est-à-dire le futur rôle de l'OTAN, je veux signaler qu'en Bosnie, à mon avis, nous sommes de plus en plus perçus comme des forces de l'OTAN accomplissant une opération de maintien de la paix, alors que c'est en réalité une opération des Nations unies. Nos discussions devraient se dérouler à la tribune des Nations unies. Si nous continuons ainsi, nous serons entraînés dans une guerre qui, comme le craignent tant les Américains, pourrait se transformer en un autre Vietnam. Je crois que nous devons très clairement replacer l'opération dans le contexte des Nations unies.

C'est de l'avenir de l'OTAN que je veux parler, parce que je croyais que Fred Mifflin, qui a entamé les délibérations en répondant à la question de Sir Peter Emery, a vraiment soulevé une des questions importantes, soit l'orientation future de l'OTAN. Assez récemment encore, nous nous concentrions sur la définition d'un nouveau but pour l'OTAN. Nous devons maintenant délimiter les zones noires et blanches qui constituent les points forts de l'OTAN.

À mes yeux, par exemple, l'OTAN est la cheville ouvrière de l'Alliance de l'Atlantique Nord. Nous ne serions pas ici si ce n'était de l'OTAN. L'organisation est un exemple remarquable et un modèle en matière de sécurité commune. Elle assure une étroite coopération et une interopérabilité. Nous voulons maintenant élargir le processus et le principe pour englober d'autres nations qui sont entrées dans un partenariat pour la paix, qui constitue une période d'essai avant que, comme je crois que la plupart d'entre eux le souhaitent, ils puissent devenir des membres à part entière de l'OTAN.

Je crois que la question de Sir Peter Emery au sujet de l'opportunité d'un amendement en vue d'assurer la sécurité commune pour chaque membre est une question importante. Je ne crois pas que nous devrions avoir un système de participation à deux vitesses. Si vous êtes un membre à part entière, vous devez y mettre tout le soutien et la réglementation qui, pour nous, ont toujours été synonyme de l'OTAN, les obligations liées à l'appartenance.

Si nous examinons notre rôle, ce sera sûrement un rôle de collaboration et de coexistence pacifique entre les pays membres de l'OTAN, quel que soit leur nombre. Il serait impossible d'aller au-delà, car nous tentons enfin de créer une situation dont nous ne sommes pas certains et qui n'existe pas. Pourquoi nous acharnons-nous? Pourquoi ne décidons-nous pas simplement d'oeuvrer pour conserver l'OTAN comme elle est?

Ce que je veux surtout dire, c'est que, en faisant cela, nous devons procéder à un examen fondamental de la structure militaire, de la structure bureaucratique. Nous ne pouvons demander à nos membres de se tourner vers l'Union soviétique, qui n'existe plus.

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Nous devons réorienter l'Organisation. Je serais très heureux de savoir de nos amis et collègues canadiens s'ils appuient ou non l'idée de repenser la façon dont notre struture militaire exploite la force militaire de l'OTAN.

L'OTAN ne doit jamais devenir une force de maintien de la paix; elle n'est pas équipée pour le faire. C'est une force militaire, et c'est là qu'elle excelle. Il ne faut pas confondre les genres.

Le président: Merci.

M. Richardson: J'aimerais reprendre le dernier commentaire au sujet de l'importance extraordinaire de cette seule organisation apte au combat au monde. C'est la raison pour laquelle les peuples en difficulté se tournent vers l'OTAN.

Il est facile, après coup, de désigner des coupables. L'ONU fonctionne depuis longtemps. Je me souviens qu'en 1956, pendant la crise du canal de Suez, il nous a fallu nous y rendre et mener des opérations dans la zone de séparation, après le départ des Britanniques et des Français. Très franchement, il était très dangereux pour les troupes de se trouver sous le contrôle des Nations unies.

L'ONU hésitait à seulement penser à maintenir un centre d'opérations permanent qui pouvait communiquer sans délai avec les troupes sur le terrain et réagir et les appuyer.

On ne prévoyait rien. On ne planifiait rien. Il n'y avait pas de personnel administratif parce que l'ONU prévoyait ces petites crises, qui se produiront tant et aussi longtemps que les hommes vivront sur cette planète.

À n'en pas douter, si nous devions faire jouer la force de l'OTAN - et dans ce cas nous pouvons compter sur d'importants signataires du Pacte de Varsovie - il y aurait en Yougoslavie de nombreux intervenants qui n'ont guère l'habitude de l'art de la guerre dans les points chauds parce qu'il s'agit d'une opération de l'ONU et que nous voulons qu'elle soit perçue comme telle.

À n'en pas douter, je crois que si les Nations unies veulent s'en mêler à nouveau, si elles ont tiré les leçons qui s'imposaient, il serait bon de faire preuve d'un peu de prévoyance. Il faudrait mettre sur pied un état-major de planification avec une présence mondiale, en liaison avec les principaux organismes du monde à l'extérieur des Nations unies. Il leur faudrait d'abord faire le point sur la situation et évaluer le bien et le mal qui pourraient découler d'une intervention.

Je crois qu'ils sont maintenant engagés, et il est difficile de prendre une décision dans cette situation. L'ONU compte sur l'OTAN, parce que depuis des années, il y a interopérabilité entre ces deux organisations, et elles ont collaboré l'une avec l'autre. Il y avait des plans, et il a fallu des années de dur labeur pour faire de l'OTAN ce qu'elle est aujourd'hui. J'ai tout simplement l'impression qu'il y a deux forces en présence en Yougoslavie, les forces de l'OTAN et celles du Pacte de Varsovie.

Certains Tchèques et les Ukrainiens font du bon travail, en autant que je puisse le dire, et il y en a peut-être d'autres. Certainement, d'autres pays sont venus et ont voulu prêter main-forte, mais je ne crois qu'ils étaient préparés. C'est mon évaluation personnelle.

Les Nations unies ne peuvent pas simplement ajouter des intervenants simplement parce qu'ils sont membres de l'ONU. Elles ne peuvent pas non plus s'adresser à un bloc indépendant comme les pays de l'OTAN et leur demander de prendre la relève. Ce chemin est parsemé de toutes sortes d'embûches. Il faudra s'asseoir et dresser un plan, faire des prévisions et utiliser toutes les leçons du passé.

Les Nations unies ne sont pas une force de combat. Elles ne sont jamais équipées à cette fin. Elles aiment pourtant intervenir. Il est dangereux d'intervenir lorsqu'on n'a pas planifié ce type de participation, parce qu'en Yougoslavie nous sommes assis sur un volcan.

Voilà ce que je voulais dire à ce sujet. Je crois que les Nations unies ont bien fait d'intervenir, mais elles ne peuvent pas compter sur l'OTAN.

Le président: Merci.

M. Clark: Pourrais-je ajouter simplement, à cet égard, que l'on peut certainement résumer la situation en disant que l'ONU et l'OTAN ne doivent jamais intervenir dans une guerre civile, de conflit civil interne au sein d'une nation, parce qu'alors il n'y a pas d'agresseur et la Charte des Nations unies vise les agresseurs.

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Il est absolument insensé de croire que les Nations unies peuvent être des redresseurs de torts pour chaque segment de la collectivité mondiale. Il faut sûrement fixer comme critère que l'ONU ne s'engagera pas dans une guerre civile et n'interviendra pas à moins qu'il n'y ait un agresseur connu. Il convient alors d'intervenir pour mettre fin à l'agression, comme on l'a fait au Koweït et en Corée.

Mais il est complètement insensé de croire que l'on peut intervenir et devenir la cible non seulement de deux côtés, mais de trois côtés, comme en Yougoslavie. Il faut veiller à ce que cela ne se reproduise plus.

Le président: Merci. On me dit qu'il faut terminer rapidement la séance. M. Zumkley etM. Eser, de la Turquie, ont demandé la parole. Je demanderais à chacun de vous d'être bref; nous devons nous presser. Je vous en prie.

M. Zumkley: Merci beaucoup, monsieur le président. J'ai bien peur que ma question ne vienne un peu tard, mais je tenterai néanmoins de l'exposer.

Je voudrais revenir à vos recommandations-clé. On y lit que le Canada devrait accorder plus d'attention à la région du Pacifique et aux Amériques. Pourriez-vous expliciter un peu ce point? Pour les Européens, c'est une question très intéressante.

Le président: J'aimerais faire brièvement remarquer que cette question, je crois, été traitée dans une certaine mesure ce matin. La même question a été soulevée ce matin pendant les exposés.

Nous n'avions pas l'intention de nous détourner de l'Atlantique. Le Canada est un pays atlantique, il a des liens atlantiques et la plupart des citoyens de ce pays, et je crois qu'il est juste de dire au moins dans la plupart des régions du pays, ont des racines européennes d'une façon ou d'une autre. Nous avons donc des liens atlantiques forts, et nous demeurerons un pays atlantique.

Toutefois, cela dit, je crois que le Comité a le sentiment que jusqu'à maintenant nous n'avons pas suffisamment accordé d'attention à la côte pacifique, parce que nous sommes aussi un pays du Pacifique. Nous ne nous en sommes pas beaucoup préoccupés sur le plan de la sécurité, nous commençons seulement à nous intéresser aux échanges dans cette région et nous n'avons certainement pas affecté le genre d'équipement et de personnel convenant à une situation qui commence à se dégager en matière de sécurité. Je crois que c'est en ce sens que le Comité a réfléchi, et Jack Frazer, qui est citoyen de la Colombie-Britannique, est venu renforcer cette opinion.

J'espère avoir ainsi répondu brièvement à votre question. Monsieur Eser.

M. Eser: Merci. Je voudrais quant à moi aborder un de vos problèmes nationaux.

Comme vous convenez de cette situation, voulez-vous faciliter l'immigration dans votre pays?

Le président: Notre politique en matière d'immigration a été légèrement modifiée, mais il serait juste de dire qu'aucun changement fondamental n'y a été apporté. Nous acceptons encore des immigrants chaque année. L'immigration régulière au Canada est contingentée, sauf dans le cas des réfugiés. Nous avons accueilli un bon nombre de réfugiés de la Somalie, par exemple, du Rwanda et...

M. Frazer: Des Vietnamiens.

Le président: C'est exact. Toutefois, en plus des réfugiés que nous avons acceptés, nous accueillons un contingent régulier d'immigrants chaque année. Cette année, je crois, nous avons reçu de 80 à 90....

M. Frazer: Nous en avons reçu 250 000.

Le président: Oui, c'est vrai, 250 000.

On me dit maintenant que nous devons lever la séance. Je vais donc vous remercier tous d'être venus. Vous savez, vous ne venez pas assez souvent. Nous avons si peu de contacts avec nos amis européens, nos voisins et nos alliés. Nous avons eu grand plaisir à vous rencontrer, et nous vous remercions sincèrement d'être venus. J'espère que vous êtes satisfaits de votre visite.

M. Sjaastad: Bill, je dois vous dire que nous avons beaucoup apprécié cette journée à Ottawa. Vous nous avez très bien accueillis et nous n'hésiterions pas à revenir. Merci.

Le président: Merci, monsieur.

La séance est levée.

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