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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 29 novembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Messieurs, nous allons poursuivre l'étude du Rapport de la Commission spéciale sur la restructuration de la Réserve, conformément à l'article 108(2) du Règlement.

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Aujourd'hui, nous accueillons M. Brian MacDonald et M. Paul Mitchell. Je devrais vous signaler que même si nous avons invité ces deux témoins en même temps, chacun comparaît en son nom propre et leurs mémoires respectifs n'ont aucun rapport l'un avec l'autre.

Nous connaissons bien M. MacDonald parce qu'il a déjà comparu à plusieurs reprises devant le comité et qu'il est invité comme analyste à la télévision. C'est un officier de carrière à la retraite qui est actuellement éditeur-conseil du magazine Militia Monitor et collaborateur à la rédaction de Defence Policy Review.

De 1984 à 1986, M. MacDonald a été commandant de la milice, district de Toronto. Il a beaucoup écrit sur des questions concernant la politique de sécurité et de défense du Canada. Nous l'accueillons ici cet après-midi.

M. Mitchell, lui, représente la génération des analystes un peu plus jeunes des questions de défense. Il a travaillé au Centre for International Relations de l'Université Queen's et se trouve maintenant au Centre for Foreign Policy Studies à l'Université de Dalhousie.

Je crois comprendre que M. Mitchell vient de terminer ses études de doctorat sur la défense et l'analyse stratégique. En lui souhaitant la bienvenue, je lui offre toutes nos félicitations pour sa réussite de la part des membres du comité et de moi-même.

Messieurs, chacun de vous va faire un exposé qui devrait durer une dizaine de minutes environ. Ensuite les membres du comité vous questionneront.

Vous aurez remarqué que nous ne sommes pas nombreux. Le premier ministre est en train de faire un discours. Le chef de l'opposition et le chef du troisième parti à la Chambre vont eux aussi faire un discours sur la situation au Canada en ce moment. Nous vous demandons d'être patients. Nous espérons que d'autres députés se joindront à nous en cours de séance.

L'un ou l'autre, au choix, peut commencer.

Le colonel Brian S. MacDonald (retraité), (éditeur-conseil, Militia Monitor): Merci, monsieur le président.

Comme j'en ai averti le greffier du comité, j'ai l'intention de lire simplement le résumé au profit du compte rendu, puis de faire une ou deux observations sur la position que j'énonce dans le corps du document. Je vais commencer par le résumé.

Le rapport de la commission contient, sur les améliorations pouvant être apportées à l'administration des réserves, un grand nombre de recommandations utiles qui ne prêtent pas à controverse et qui sont même dignes d'éloges. On peut citer, à cet égard, ses observations sur la totale médiocrité du système de solde de la milice. Toutefois, selon moi, le rapport pêche par certaines lacunes importantes qui entament grandement sa crédibilité.

Premièrement, on ne trouve aucune estimation des sommes que l'on économiserait en adoptant les changements structurels que la commission propose ni, ce qui est peut-être encore plus important, du temps qu'il faudrait au gouvernement du Canada pour mettre en oeuvre ces propositions, ni des coûts permanents qu'elles engendreraient.

Dans le secteur privé, il serait tout à fait impensable qu'une société de conseil en gestion, chargée de faire une étude et de formuler des recommandations sur la façon dont un client pourrait améliorer la rentabilité du fonctionnement de son entreprise, soumette un rapport ne comportant ni estimation des conséquences financières de ses recommandations, ni annexe technique illustrant les méthodes de calcul et les hypothèses de modélisation employées, de manière à ce que le client puisse vérifier la validité et l'exactitude des hypothèses.

Les clients du secteur privé s'intéressent avant tout au «bénéfice net» et ils s'attendent à ce que les conclusions d'une telle étude soient axées sur ce «bénéfice net». Il ne paraît pas déraisonnable, selon moi, d'attendre la même chose d'un rapport d'experts du secteur public.

Il se peut que cette absence de détails financiers soit foncièrement due à un problème relevé par le vérificateur général en 1992 et par le chef de l'équipe d'évaluation du programme des services d'examen en 1995, à savoir que le système intégré de gestion du ministère ne permet pas d'établir un modèle de prévision du coût réel des réserves - tant et si bien qu'on a parlé de «comptabilité vaudou», par exemple, dans le Militia Monitor.

Si tel est le cas, on aurait pu s'attendre à ce qu'une équipe de conseil en gestion note qu'étant donné ces lacunes, les conclusions sont sujettes à caution - une forme d'opinion limitée ou qualifiée fournie par toute société de vérification réputée qui n'est pas en mesure d'attester de l'entière exactitude des états financiers d'un client.

Deuxièmement, le modèle organisationnel qui est présenté n'est pas assez détaillé. Des changements aussi considérables que ce que laisse entendre le modèle général proposé - l'élimination de nombreuses unités et la disparition de la milice dans un grand nombre d'endroits - ont des conséquences à la fois sociales et financières. Le manque de détails sur le modèle présenté est source d'anxiété parmi les intéressés et d'opposition au plan politique. Ces préoccupations sont d'autant plus sérieuses qu'aucune prévision financière n'est fournie, comme nous l'avons déjà souligné.

On trouvera dans le présent document un modèle de «réflexion prospective» qui semble correspondre aux recommandations de la commission et illustre quelques-uns de leurs effets potentiels, y compris les pertes en capital humain qui seraient substantielles si l'on songe au coût que représente le remplacement immédiat de quelque 6 469 militaires spécialisés.

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Troisièmement, on constate certaines anomalies organisationnelles particulières: il semble, par exemple, que l'on recommande d'éliminer 1 032 postes médicaux dans la milice précisément au moment où les ressources médicales de la force régulière doivent être réduites et privatisées, ou de supprimer des moyens de défense aérienne transférés à la milice quand ils furent éliminés de la force régulière.

Il se peut que le caractère restrictif des attributions de la commission l'ait empêchée de procéder à des comparaisons critiques, en matière de rentabilité, entre les changements que l'on se propose d'apporter aux structures de la réserve et ceux qu'il serait possible de faire dans les structures de la force régulière. De fait, la commission observe dans sa conclusion qu'elle a «eu, à certains moments, la sensation d'examiner une seule tranche d'un pain beaucoup plus gros et beaucoup plus coûteux», et elle conseille vivement au ministre de:

Nous trouvons la conclusion de la commission particulièrement à propos. Par conséquent, nous conseillons vivement qu'aucune initiative de nature définitive ne soit prise à propos de l'organisation structurelle des réserves, avant que ne soit mise en place une telle commission spéciale avec un mandat très étendu pouvant faire appel à des vérificateurs et à des juricomptables du secteur privé, afin de déterminer de façon satisfaisante les répercussions financières de chacune des recommandations organisationnelles portant sur les trois composantes du ministère - la force régulière, la réserve et les civils.

Je vais maintenant vous exposer le modèle que j'ai mis au point. La première fois que j'ai lu le rapport de la commission, j'ai été fasciné par ce à quoi ressembleraient les conséquences si j'élaborais un modèle permettant de les prévoir. J'ai alors entrepris de reprendre le modèle du groupe-brigade de la commission, mais en y incluant trois bataillons d'infanterie au lieu de deux pour le rendre compatible avec l'organisation de la force régulière. C'était évidemment possible étant donné les recommandations de la commission.

J'ai ensuite étudié les effectifs de la milice, puisque la commission nous a rendu le service de les mentionner dans son rapport. J'ai décidé de protéger les unités qui possédaient le plus important effectif au même endroit. Ensuite, j'ai simplement fait des calculs pour répartir entre les unités conservées les effectifs des groupes professionnels des unités abandonnées.

Ensuite, j'ai pu examiner les conséquences de ces mesures. Quand j'ai vu le nombre d'unités et d'endroits qui seraient éliminés, j'ai été ahuri de constater que selon ce modèle construit à partir des principes énoncés par la commission, la présence militaire, jugée vitale pour la cause de la défense du Canada par nombre des témoins qui ont comparu devant la commission, se trouverait restreinte à 22 localités au lieu des 109 actuelles. Elle disparaîtrait de 87 agglomérations canadiennes, c'est-à-dire de 80 p. 100 du total actuel.

J'ai alors énuméré les localités visées à la page 6 du rapport en ajoutant des statistiques sur le personnel qui ne semblait pas touché selon ce modèle. J'ai inclus les effectifs qui constitueront une perte sèche pour le système, par exemple le sergent d'artillerie de Kenora, formé en technique d'artillerie, qui occupe un emploi civil à Kenora et qui ne va pas déménager à Vancouver, là où se trouve le régiment conservé. De même, dans certaines des grandes villes, on peut se demander si les gens accepteront de suivre un nouvel entraînement pour appartenir à un autre groupe professionnel en vue d'être muté à une autre unité, ou même d'être intégré à une unité différente, mais sans changer de groupe professionnel.

Donc, le modèle donne l'impression d'un taux de mouvement du personnel incroyablement élevé, selon moi, dans le système. D'après le modèle que j'ai produit, il serait de l'ordre de 43 p. 100 au Québec et pourrait aller jusqu'à 66 p. 100 dans les provinces de l'Atlantique.

À partir de là, je me suis penché sur le problème de reconstituer au sein de la milice réformée les compétences abandonnées à Kenora et dans diverses autres petites localités du pays.

Il me semble qu'au lieu d'envisager une réduction de 18 400 à 14 500, il serait concevable qu'en définitive de 8 000 à 10 000 membres quittent la milice. Évidemment, cela nous obligerait à mettre sur pied sans tarder le système d'entraînement nécessaire pour remplacer tous ceux qui seront partis.

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Bien entendu, cela nous amène à un autre problème, puisque nombre des recrues ne pourront pas, en fait, occuper n'importe quel poste laissé vacant car ce seront des débutants. Par exemple, dans le cas de l'artillerie, on ne peut pas former un sergent de pièce ou un technicien adjoint en quatre-vingt-dix jours d'entraînement de base. Il faut avoir suivi en alternance des cours de formation et des stages pratiques avant de pouvoir acquérir certaines compétences particulières.

Cela m'a également permis de faire d'autres constatations. Il faut une analyse comparée plus soigneuse. Ça me ramène aux commentaires tout à fait pertinents de la commission disant que c'était une seule tranche d'un pain beaucoup plus gros et beaucoup plus coûteux. Il est vital pour la rentabilité de commencer par comparer les diverses solutions possibles au lieu de se concentrer uniquement sur les réserves.

D'ailleurs, j'ai soutenu que si l'on s'en tient seulement à la rémunération, la paye de la milice représente environ 5,7 p. 100 de celle de l'ensemble de la force et pourtant, ces 5,7 p. 100 ont financé 40 p. 100 ou plus des Casques bleus déployés dans l'ancienne Yougoslavie. Cela m'est apparu comme un rapport coût-rendement plutôt avantageux et m'a amené à demander avec une pointe d'ironie: «Qu'est-ce qui ne marche pas? Que faut-il changer?» Ne devrait-on pas examiner les autres éléments de la structure en entier pour se concentrer sur les économies nécessaires.

En terminant, je voudrais vous dire un mot au sujet d'une protection législative pour les employés. J'ai longtemps eu l'impression que c'était une sorte de mantra - quelque chose qui allait de soi sans qu'on s'interroge sur les conséquences.

Permettez-moi de vous donner un exemple bien personnel. Mon fils aîné a récemment obtenu de l'Université York une maîtrise en administration des affaires avec inscription au palmarès du doyen. Il a eu du mal à décrocher un emploi. Il en a finalement trouvé un et je le vois de temps en temps à la maison quand il rentre pour se coucher et avant qu'il parte travailler le matin. Il constitue un exemple des contraintes que vivent les jeunes cadres et les jeunes professionnels dans notre pays: pour garder leur emploi et pour ne pas être oubliés au moment des promotions, ils doivent être prêts à consacrer un temps fou aux intérêts de leur employeur.

Prenons maintenant le cas d'un autre jeune cadre ou professionnel qui est en lice pour obtenir une promotion, qui se bat même pour conserver son emploi, qui sert activement dans la milice et qui bénéficie en théorie d'une loi protégeant son emploi. Ce qui me frappe, c'est qu'au moment de choisir entre le milicien et le civil pour les promotions, l'employeur, préoccupé d'abord par les bénéfices, aura tendance à accorder la promotion au civil plutôt qu'au membre de la milice. De fait, il hésitera même à engager quelqu'un qui fait partie de la milice.

Il me semble que si vous tenez sincèrement à adopter des mesures législatives pour la sécurité d'emploi, vous devez reconnaître qu'il faut être prêt à incorporer un programme d'action positive pour garantir que le service dans la milice n'est pas un obstacle à l'embauche et constitue un des motifs de protection prévus dans les dispositions législatives sur l'action positive.

J'ai des réserves au sujet de la constitutionnalité d'une protection législative de l'emploi étant donné qu'un très grand nombre d'employés au Canada travaillent pour des organismes publics. Il est intéressant de se demander si la Couronne fédérale a le pouvoir d'imposer ses règles à la Couronne provinciale ou, de fait, aux municipalités et aux sociétés d'État qui sont créées sous le régime d'une loi provinciale.

Sans vouloir trop insister, étant donné la situation délicate dans laquelle nous nous trouvons depuis le référendum québécois, je me demande si l'on tient vraiment à engager une bataille à ce propos avec le gouvernement du Québec.

Merci, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Mitchell.

M. Paul Mitchell (Centre for Foreign Policy Studies, Dalhousie University): Monsieur le président, je vous remercie de votre accueil chaleureux. C'est un honneur et un grand plaisir pour moi de comparaître devant votre comité. Je tiens à vous faire part des sincères remerciements du Centre for Foreign Policy Studies qui apprécie qu'un de ses membres ait été invité à venir témoigner devant vous.

Le mandat de la commission mentionne expressément le besoin pressant:

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Néanmoins, le rapport renferme des recommandations détaillées sur les réserves et sur leur utilisation pour appuyer la politique de défense et la politique étrangère du Canada. Ainsi, il est recommandé que des plans de mobilisation soient rédigés en accordant une attention particulière au rôle de la réserve dans les étapes trois et quatre de la mobilisation; ce sont les recommandations 4 et 5. Recommandations 6 et 7: que l'organisation actuelle de la milice en districts soit remplacée par sept groupes-brigades et que les secteurs des forces terrestres soient restructurés en quartiers généraux divisionnaires.

Ces recommandations illustrent plusieurs aspects du rapport. Premièrement, comme par enchantement, l'unique division sous-dotée de l'armée canadienne se transforme en trois divisions aux effectifs complets. Deuxièmement, on donne à penser que ces divisions sont capables de fonctionner comme des unités interchangeables tant au sein d'une division qu'entre des divisions différentes. Troisièmement, il est sous-entendu que toutes sont censées être efficaces au combat, sinon à quoi ça sert de recommander des modifications?

Il y a au coeur du rapport la supposition tacite que la guerre dans l'avenir va ressembler à la Deuxième Guerre mondiale; c'est-à-dire que ce sera un conflit planétaire dans lequel des combattants ordinaires se livreront bataille pour arriver à une fin décisive. La société et l'industrie tout entières seraient mobilisées pour soutenir l'effort de guerre et les réserves s'aligneraient aux côtés de la force régulière comme elles l'ont toujours fait, dans chaque conflit auquel le Canada a participé. Le plus important, c'est que le rapport laisse croire que nous aurons un certain temps, comme dans toutes les guerres passées, pour préparer nos forces au combat.

Si l'on croit que la guerre dans l'avenir rappellera vraisemblablement la Deuxième Guerre mondiale, alors les recommandations 4 à 7 inclusivement sont tout à fait logiques. Malheureusement, c'est fort peu probable. Même dans la guerre du Golfe, le dernier des conflits strictement conventionnels, les batailles ne ressemblaient pas à celles de la Deuxième Guerre mondiale.

Il est très risqué de prédire l'avenir. Il vaut mieux laisser ça aux médiums et autres charlatans. Dans les questions de sécurité nationale, il faut courir ce risque si l'on veut réaliser une planification efficace.

Heureusement, il existe plusieurs bons indicateurs qui nous permettent de conjecturer la forme que prendra probablement la guerre au siècle prochain. Des conflits aussi différents que la guerre du Golfe, les Balkans, et les troubles qui se poursuivent en Europe et ailleurs nous permettent d'ébaucher le rôle de la force dans l'avenir.

Certaines guerres revêtiront vraisemblablement nombre des caractéristiques qui ont émergé pendant la guerre du Golfe: haute technologie, puissance de destruction sélective et rapidité.

Les progrès de la technologie commandement et contrôle permettent aux commandants des armées de savoir exactement, parfois au mètre carré près, où se trouvent leurs forces et celles de l'ennemi. Une telle technologie leur permet également d'empêcher leur adversaire d'obtenir ces renseignements.

L'économie des forces est possible grâce à une utilisation plus efficace du pouvoir de destruction. Alors qu'il fallait une aile entière pour détruire un objectif pendant la Deuxième Guerre mondiale, et tout un escadron pendant la guerre du Vietnam, un seul avion est maintenant capable d'effectuer la même mission, et en provoquant beaucoup moins de dommage collatéral concomitant autour de l'objectif.

La même technologie qui fait faire des pas de géant à la gestion de l'armée accélère aussi les conflits. Si des unités plus petites sont capables de réaliser leur mission plus efficacement, les forces militaires pourront se déplacer beaucoup plus rapidement sur les champs de bataille. Le «brouillard de la guerre» existera encore, mais cette technologie en dissipera une bonne partie, ce qui permettra des engagements plus brefs et plus concluants.

C'est pourquoi les États qui utiliseront leur force militaire de cette façon n'auront plus besoin de mobiliser leurs industries et leur population pour la guerre. Les réserves seront peut-être inutiles. En outre, les forces capables de survivre et d'opérer dans de tels champs de bataille devront recevoir un entraînement supérieur, être extrêmement motivées et très professionnelles. Pour que les réserves atteignent la norme, il faudra un temps excessivement long.

Au risque de passer pour un partisan d'une révolution technologique, je dirais que la bataille adoptera bien d'autres formes susceptibles d'être tout aussi vilaines que les guerres que nous avons connues dans le passé. Comme on a pu le constater dans les Balkans, une guerre peut dégénérer en un conflit qui s'éternise, où la technologie est peu utilisée et le pouvoir de destruction est immense - un conflit interminable: bref, tout à fait le contraire de ce que je viens d'exposer.

Les réserves seraient idéales dans un tel conflit parce qu'elles s'ajouteraient aux forces régulières. Ce type de guerre laisserait à notre pays le temps de préparer les réserves au combat. De toute façon, un petit nombre d'unités seulement serait nécessaire pour grossir les pelotons ou les compagnies, des rôles que les réservistes peuvent assumer aisément sans trop de difficulté et sans perturber la force régulière.

Dans des conflits comme ceux-là, les parties non engagées seront confrontées à des contraintes particulières si elles veulent faire usage de la force, des contraintes que leurs adversaires pourront exploiter à leur profit. C'est ce qui s'est produit dans les Balkans où les forces en présence ont toutes exploité la peur du monde occidental qui craint les pertes de vies humaines, en détenant des otages. La même chose a pu être observée en Somalie où les forces du général Aidid ont conjugué une exploitation efficace de cette même peur à l'utilisation d'une technologie moderne de l'information pour chasser les Américains du pays. Il n'a fallu que dix-neuf rangers morts et un cadavre traîné dans les rues devant les caméras de télévision.

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Notre nation doit se préparer psychologiquement à ce genre de guerre. Outre les conflits qui menaceraient directement notre survie, on imagine difficilement que la société canadienne accepte de s'engager sans condition dans un conflit et d'accepter un grand nombre de morts sur de lointains champs de bataille, surtout si des objectifs abstraits tels que l'ordre international ou la stabilité mondiale étaient visés.

Enfin, nous avons une vision encore plus horrible de l'avenir des conflits comme celui en Algérie et des troubles qui persistent en France et ailleurs, là où des forces parallèles non gouvernementales imposent le chaos et la destruction à l'ensemble de la société. Ce n'est pas une guerre au sens strict, mais c'est tout de même un genre susceptible de se reproduire de plus en plus fréquemment et qui sera sans doute le plus fréquent au cours du XXIe siècle.

Comme on a pu le constater récemment aux États-Unis, notre continent n'est pas à l'abri du terrorisme politique et militaire; on n'a qu'à penser à l'attentat d'Oklahoma City ou du World Trade Centre à New York.

Étant donné que notre pays est une mosaïque de cultures, il se pourrait qu'un conflit soit importé de l'étranger, comme cela s'est déjà produit avec l'explosion de l'avion d'Air India et plusieurs autres troubles moins graves.

Pourtant, comme le démontre l'affaire d'Oklahoma City, ce que beaucoup de monde considère comme le «vrai Nord» - c.-à-d. les Canadiens blancs - peut aussi être une menace grave pour l'ordre public au pays. La montée de l'extrémisme et la volonté d'employer la force ne se limitent pas à certaines ethnies. Dans des conflits de ce genre, les forces de réserve sont susceptibles d'être extrêmement utiles parce qu'étant éparpillées dans le pays, elles peuvent réagir plus vite et être rapidement au poste. À cause de ses liens avec la collectivité, la réserve est susceptible de pouvoir effectuer dans de telles situations des opérations qui rallieront la majorité. De fait, grâce à ces liens, les réservistes seront sans doute plus utiles que les forces régulières.

La commission semble avoir mal attrapé la balle en ayant fait allégrement des suppositions non vérifiées sur la nature des conflits. Comme je l'ai signalé, les réserves sont susceptibles de demeurer très utiles à l'avenir, mais dans des opérations très précises.

Si ce rapport constituait un travail d'étudiant, je dirais qu'il faut approfondir la recherche au sujet des recommandations 4 à 7. Il n'est tout simplement pas évident que les réservistes auront à jouer le rôle que la commission envisage pour eux sur les futurs champs de bataille. Il ne sera peut-être pas nécessaire de réaliser les étapes trois et quatre des plans de mobilisation pour les réserves, car leur demander de s'engager dans une telle guerre équivaut à demander aux Canadiens de sacrifier leur vie pour défendre un symbole. Quel tragique gaspillage!

En remplaçant les districts par des divisions, on va certainement économiser des ressources grâce à la disparition des quartiers généraux, mais les groupes-brigade de la réserve sont susceptibles d'être un vrai handicap pour les unités de la force régulière sur les champs de bataille modernes. Certains conflits obligeront probablement à gonfler les effectifs, rôle que joueraient fort bien les réservistes. Cependant, il faudra que le pays accepte de prendre un certain engagement qu'il pourrait décliner dans certaines circonstances.

Dans le conflit décentralisé susceptible de toucher bien des États au XXIe siècle, peut-être même le nôtre, les réservistes demeureront très utiles. Toutefois, restructurer la réserve en se fondant sur les hypothèses simplistes et implicites au sujet de la guerre qui se trouvent dans le rapport, paralyserait nos forces régulières et sacrifierait les civils qui sont les plus engagés puisqu'ils donneraient volontiers leur vie pour défendre notre société.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Mitchell. Nous venons d'entendre deux excellents exposés.

Passons maintenant aux questions. M. Hart va commencer.

M. Hart (Okanagan - Similkameen - Merritt): Je me sens très seul aujourd'hui de ce côté-ci de la table.

M. MacDonald, vous parlez des défauts et des lacunes de l'analyse des coûts. Que suggérez-vous? Comment faudrait-il la faire?

Col MacDonald: La réponse la plus courte, c'est que le ministère de la Défense nationale a besoin d'un système de traitement des informations qui permette de savoir exactement combien coûtent les réserves au lieu d'en estimer simplement les coûts. Je vais vous donner des exemples.

L'une des difficultés de la comptabilité de gestion dans le secteur public, c'est le fait que les achats en capital sont comptabilisés entièrement l'année où ils sont effectués. C'est très différent dans le secteur privé où les immobilisations sont amorties, les dépenses étant comptabilisées tout au long de la durée utile du matériel.

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Prenons par exemple les dépenses en capital de l'installation du centre d'instruction de la milice à Meaford. Supposons que les dépenses sont effectuées cette année. On peut dire que tout l'argent a maintenant été dépensé pour les réserves et donc imputer intégralement le centre au compte de la réserve.

Mais ce faisant, on ne tient pas compte du fait que le centre servira pendant un certain nombre d'années et qu'une année donnée, il sera utilisé par des unités de la milice et par des unités de la force régulière.

Par conséquent, une proportion importante du coût du CIM profitera en fait à la force régulière. Il est donc faux et trompeur, en comptabilité de gestion, d'affirmer ensuite que c'est un des coûts de la milice.

De même, on pourrait examiner les dépenses par tranche - et là la commission est assez utile - depuis les divers niveaux du Q.G. de la Défense nationale jusqu'au manège même, en passant par les Q.G. du commandement des forces terrestres et des secteurs. On pourrait se demander par exemple si les dépenses imputées au QGDN sont toutes reliées à la réserve ou si certaines d'entre elles ne servent pas plutôt à d'autres fins qui ont été établies, bien entendu, par l'équipe d'évaluation des programmes du chef du service d'examen.

Voilà quelques exemples pour vous montrer comment la structure comptable actuelle ne produit pas toujours des réponses fiables. Dans la société civile, quand on est confronté à un problème comparable, on commence évidemment par congédier le vice-président aux finances, puis on recrute quelqu'un pour faire le ménage. Au besoin, on engage des firmes comptables externes, des conseils qui aident à concevoir le bon modèle de comptabilité de gestion capable de révéler avec certitude les coûts réels des diverses composantes de l'entreprise.

Le directeur des services d'établissement des coûts au ministère de la Défense nationale a fait de la modélisation financière très fine pour les forces régulières, mais ses services admettent pourtant avoir été incapables de déterminer la nature des coûts véritables des réserves et de la milice.

M. Hart: Faudrait-il le faire avant de prendre les mesures recommandées?

Col MacDonald: Je ne vois vraiment pas comment on pourrait proposer des changements visant à améliorer le rapport coût-efficacité si l'on n'a aucun moyen fiable de mesurer le coût.

M. Hart: Où croyez-vous donc que le ministre ou le gouvernement est allé pêcher ce plafond de rémunération de 14 500?

Col MacDonald: Il faudrait évidemment poser la question au ministre lui-même, mais on me dit que ça ne découle pas des besoins opérationnels, mais des finances. Au terme du processus budgétaire, on a estimé que ce serait le montant qu'on pourrait dépenser pour les réserves et la milice. On a ensuite converti cette somme en effectifs. J'ignore si c'est vrai, mais c'est ce que je me suis laissé dire.

M. Hart: Pour ce qui est des chiffres, quel devrait être, selon vous, le rapport entre la structure de la force régulière et celle de la réserve?

Col MacDonald: Si l'on examine ce qui se passe ailleurs dans le monde, on constate qu'habituellement, les réserves sont bien plus nombreuses que les forces régulières, notamment parce qu'elles coûtent beaucoup moins cher.

Il faut toutefois faire la distinction entre les forces de volontaires et les forces de conscrits. Les forces de réserve des pays européens sont considérablement plus nombreuses que les nôtres, d'après les documents, mais c'est parce qu'il y a conscription. En réalité, ces forces ne sont pas actives régulièrement.

Pour faire des comparaisons avec nos réserves, qui sont composés de volontaires, je crois qu'il vaut mieux utiliser les modèles britanniques, américain et australien.

Encore une fois, il faudrait aussi être prêt à examiner la façon dont ces réserves ont effectivement été utilisées lors d'opérations, parce qu'on pourrait en tirer des enseignements.

Prenons par exemple la guerre du golfe Persique. Les statistiques suivantes sont fort intéressantes.

En tout, 1 050 unités de la réserve et de la garde nationale de l'armée américaine ont été appelées pendant la guerre, dont quelque 165 unités portuaires et unités de transport, tant aux États-Unis que dans le Golfe, 40 unités de génie, 11 unités de guerre chimique, 50 unités d'appui tactique, 3 quartiers généraux de soutien au combat, 9 unités du matériel, 20 unités de manutention d'eau, et 9 unités de manutention de mazout.

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Les unités de la réserve et de la garde nationale ont fourni 17 p. 100 de toutes les missions techniques, 21 p. 100 de toutes les unités de maintenance, 31 p. 100 de toutes les unités de transport, 33 p. 100 de toutes les unités de défense chimique, 39 p. 100 des unités médicales de campagne, 59 p. 100 de la capacité de manutention d'eau, 63 p. 100 des unités d'opérations psychologiques, 65 p. 100 de la capacité de manutention de mazout, 69 p. 100 des unités d'administration et de manutention du courrier, 89 p. 100 des unités de traitement des prisonniers de guerre et 94 p. 100 des unités des affaires civiles.

Selon moi, on pourrait être justifié de soutenir que, sans les troupes de communications de la réserve, on n'aurait pas gagné la guerre du golfe Persique.

Pour répondre à la question de savoir quelle importance devrait avoir la réserve, il faut analyser les scénarios d'utilisation et se demander comment se passeraient les choses dans un contexte donné. Après avoir passé en revue toute une série de ces scénarios, on commence à se rapprocher d'une répartition plus raisonnable des effectifs et des groupes professionnels.

Il est intéressant de noter, par exemple, que durant les audiences du comité mixte spécial - et dans son rapport - on a insisté davantage sur l'utilisation d'un nombre accru d'unités de services qui seront formées avec des réservistes chez lesquels on trouve des compétences civiles qui se transforment assez facilement en spécialités militaires.

Je suis donc désolé, mais il m'est impossible de vous donner un chiffre précis. Je peux toutefois vous indiquer un éventail de facteurs dont il faut tenir compte si l'on veut arriver à un chiffre. Autrement dit, il faut se baser non pas sur un montant mais sur une sorte de structure cohérente des besoins opérationnels.

M. Hart: C'est donc plutôt stratégique.

J'ai regardé le modèle que vous avez présenté. J'ai eu un choc en constatant que dans ma province, la Colombie-Britannique, les endroits suivants seraient touchés: Kelowna, Vernon, Kamloops, Salmon Arm, Nanaimo, Port Alberni, Trail et Richmond. Pour que la réserve soit efficace, tout le monde conviendra que les Forces armées canadiennes doivent être présentes dans les localités. Si elles en disparaissent, cela aura un effet dévastateur.

Col MacDonald: C'est également mon avis. Je vous rappelle que c'est un modèle de réflexion prospective.

M. Hart: Je sais.

Col MacDonald: Il est conçu pour maximiser les économies qu'on obtient en réduisant le nombre de manèges et de commandants de la réserve. On pourrait produire un modèle différent et assurer une présence dans un certain nombre de ces petites localités, mais les économies seraient évidemment moins grandes.

De même, si les compressions sont moindres, on ne ronge pas le capital humain comme semblerait le faire le modèle plus rigoureux.

Bien entendu, l'autre dimension est uniquement politique. L'intérieur de la Colombie-Britannique est sûrement touché, mais ce qui va arriver dans les Maritimes sera pire encore étant donné le nombre de petites localités dans lesquelles il y a un tout petit groupe d'excellents soldats.

Évidemment, cela se répercute sur vous qui êtes des parlementaires, car vous devrez expliquer à vos commettants les conséquences des mesures qui seront prises.

Je vous recommanderais, je suppose, de vous méfier et de ne pas vous faire passer un sapin. Exigez que le ministère vous expose son plan avant de lui donner carte blanche.

M. Hart: Encore au sujet de la Colombie-Britannique, croyez-vous que la fermeture de la BFC Chilliwack aura un effet sur les structures de la réserve et de la milice?

Col MacDonald: Ce qui fait en partie problème, c'est le degré d'appui de la base que les unités de milice pourront trouver à une distance raisonnable. Une fois la base de Chilliwack fermée, il faudra faire appel à celles de Victoria et de Comox qui sont passablement loin des unités de l'intérieur et même de celles de Vancouver.

Et la proposition d'administrer toute la milice de l'Ontario à partir de la BFC Kingston peut sembler logique parce que c'est une base de l'armée, mais en fait c'est bien plus loin pour Toronto, Hamilton, London et Windsor que la BFC Borden qui relève d'un commandement différent.

C'est étrange que cette force unifiée semble se détourner de certains des avantages de l'unification: permettre à une base d'appuyer des unités relevant d'un commandement différent.

M. Hart: Croyez-vous que les Forces armées canadiennes ou le gouvernement devraient être capables de réaliser des économies ailleurs que dans la réserve qui est particulièrement visée?

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Col MacDonald: Il y a certainement beaucoup de possibilités. Par exemple, j'ai trouvé fascinant l'examen de la structure régionale. Pendant une vingtaine d'années, durant la guerre froide, le Canada a réussi à empêcher les Russes de venir ici grâce aux brigadiers-généraux de la milice qui se sont occupés de mettre sur pied la force requise. Mais maintenant que la guerre froide est terminée, on a besoin, pour jouer le même rôle, d'un major-général de la force régulière en plus du brigadier-général de la milice, plus des quartiers généraux bien plus vastes.

Il me semble qu'il faudrait sans doute envisager la possibilité de revenir à des quartiers généraux plus économiques où travailleraient moins d'employés à plein temps et de repenser à ce qu'on réalisait autrefois à moindre coût.

On pourrait aussi réfléchir à la critique du vérificateur général, entre autres, selon lequel il y aurait proportionnellement trop d'officiers dans les réserves; ils formeraient une proportion de 15 à 15,5 p. 100 d'après les chiffres que le vérificateur a fournis. Toutefois, je pense qu'il faut également vérifier le pourcentage d'officiers dans la force régulière. Or, leur proportion est de l'ordre de 23 p. 100.

Il est très intéressant de se rappeler certains modèles que j'ai faits dans le passé et qui suggèrent ce qui arriverait si l'on ramenait la proportion d'officiers dans les forces régulières à celle des officiers de la milice. On pourrait économiser des centaines de millions de dollars annuellement.

Bien entendu, il faut d'abord se demander si une proportion de 15 p. 100 est acceptable. Chose certaine, les Américains et les Britanniques s'efforcent depuis quelque temps déjà de réduire la proportion d'officiers. Le Corps des marines semble très bien se débrouiller avec seulement 10 p. 100 d'officiers.

M. Hart: Au sujet des mesures législatives pour protéger l'emploi, croyez-vous que le gouvernement ferait mieux de prêcher par l'exemple? Notre comité et le comité mixte spécial ont entendu des témoins affirmer que le gouvernement est sans doute le pire des employeurs quand vient le moment d'accorder aux réservistes un congé pour participer aux exercices ou aux activités de la réserve. Ne croyez-vous pas que la première chose à faire serait de demander au gouvernement d'examiner ce qui se passe dans ses ministères?

Col MacDonald: C'est effectivement ce que plusieurs intervenants ont fait remarquer. J'ai deux observations à faire à ce sujet.

Premièrement, je suppose qu'être réserviste doit nuire à l'avancement autant dans la fonction publique que dans le secteur privé. Si quelqu'un est connu comme un milicien qui peut lever le camp à tout bout de champ, il est moins susceptible d'être promu.

Deuxièmement, est-ce vraiment problématique? Disposons-nous de statistiques crédibles montrant que certaines opérations ont été paralysées parce que des réservistes avaient été incapables de laisser temporairement leur emploi civil ou leur travail dans le secteur privé pour participer à des activités quelconques?

Selon moi, on peut dire plutôt que la milice a répondu étonnamment bien quand il a fallu gonfler les rangs de nos forces de maintien de la paix, dans l'ancienne Yougoslavie par exemple. Elle leur a fourni de nombreux volontaires qui ont été très efficaces, se méritant ainsi les éloges de divers commandants, tant canadiens qu'étrangers. Donc, en un sens, si la milice s'est montrée à la hauteur en accomplissant les tâches qui lui étaient dévolues, peut-être le problème soulevé est-il moins grave qu'on le pense.

Par ailleurs, si je me reporte à l'époque où j'étais commandant du district de la milice de Toronto, je me souviens que certains membres avaient réussi à faire coïncider leur congé avec un cours de qualification qu'ils étaient obligés de suivre. Ils avaient dû négocier avec leur employeur pour y parvenir. Or, quand ils se sont présentés à l'endroit où le cours était censé être donné, ils ont appris que le cours avait été annulé. Ce n'est donc pas uniquement un problème de sécurité d'emploi mais de protection des cours, question qui relève certes du ministère de la Défense nationale.

M. Hart: Vous avez dit qu'il pouvait y avoir une certaine forme de discrimination; est-ce que ce problème ne pourrait pas se régler en invoquant les lois antidiscrimination qui existent déjà pour d'autres problèmes?

Col MacDonald: À ma connaissance, le service dans la milice ne constitue un motif de discrimination interdit dans aucune des lois sur les droits de la personne.

M. Hart: Je vous remercie.

Le président: Monsieur Richardson.

.1615

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux moi aussi souhaiter la bienvenue au colonel MacDonald et à M. Mitchell.

Je veux poser une question très simple au colonel MacDonald: qu'y a-t-il de bon, selon vous, dans le rapport de la commission? Qu'est-ce qui est bon, qu'est-ce qui ne l'est pas et avez-vous quelque chose à proposer à la place de ce qui est mauvais? Donnez-moi une réponse précise.

Col MacDonald: Comme je l'ai dit, il y a plusieurs très bons éléments dans le rapport. J'approuve certainement la recommandation de modifier l'organisation structurelle en remplaçant les districts par des brigades. J'ai toujours pensé que les districts ne constituaient pas une forme d'organisation militaire; il faut donc faire l'éloge de cette recommandation.

J'ai les mêmes réserves que mon collègue, je suppose, au sujet de la nouvelle structure qui transformerait les secteurs en ce qu'on appellerait des divisions, car vous n'êtes pas sans savoir que les divisions sont organisées un peu différemment des groupes-brigade. Une division est formée de brigades, pas de groupes-brigade et les forces spécialisées, l'artillerie, le génie, les services de soutien au combat, sont dirigés et centralisés par la division. Donc, s'il faut passer à un modèle à divisions, on devrait s'attendre à appliquer dans tout le pays le modèle correct tel qu'il est enseigné dans tous les collèges d'état-major.

Quant aux diverses recommandations de régie interne destinées à améliorer l'administration, le système de rémunération, etc., elles sont toutes fort sensées et je les approuve sans réserve.

M. Richardson: Je vais choisir un autre sujet. Je vous remercie pour votre réponse.

Vous avez mentionné que les 14 500 avaient été pris dans le budget et qu'ils devaient représenter une certaine somme. Vous avez dit aussi être un peu préoccupé par les quartiers généraux régionaux avec quartiers généraux divisionnaires, car à l'origine, ils devaient compter de 60 à 80 employés. Certains des projets initiaux prévoyaient plutôt 150 employés.

Si l'on découvrait des possibilités de réaliser des économies en effectuant des compressions dans ces quartiers généraux et dans ceux des districts, croyez-vous que l'on arriverait à conserver un plus grand nombre d'unités loin des grands centres urbains, comme l'a suggéré M. Hart, afin que les petites localités et les régions rurales du Canada puissent aussi jouer un rôle?

Col MacDonald: Un autre modèle possible consisterait à nommer commandant divisionnaire des trois brigades régulières l'un des majors-généraux de l'armée et à établir en bonne et due forme son quartier général divisionnaire à Kingston, là où se trouve le régiment des transmissions; ce serait la base du quartier général et de l'escadron des transmissions.

On pourrait alors supprimer assez facilement trois postes de major général des forces régulières qui deviendraient superflus et revenir à une structure simplifiée pour la milice. On économiserait beaucoup de cette façon et l'argent récupéré pourrait servir à adapter le modèle que j'ai conçu, afin de conserver le Hastings and Prince Edward Regiment ou le régiment de Colombie-Britannique ou un autre de votre choix.

Il me semble que si j'avais le choix, je privilégierais le Hastings and Prince Edward Regiment pour l'ordre de bataille plutôt qu'un quartier général dont l'utilité m'échappe.

M. Richardson: Merci, colonel MacDonald.

Je m'adresse maintenant à M. Mitchell. J'ai vraiment aimé vos propos sur les guerres de l'avenir et sur les concepts, mais je vous demanderais de vous reporter dans le futur antérieur, dans ce qui m'apparaissait comme l'avenir au moment où j'avais sans doute à peu près votre âge.

.1620

Je faisais mon service en Allemagne et nous travaillions avec les premiers missiles Honest John qui formaient un escadron rattaché au régiment d'artillerie. Nous nous entraînions suivant le concept des forces constituées qui niait l'utilité des réserves. En vertu de ce concept, la guerre serait livrée rapidement et le vainqueur serait déterminé très vite. Les missiles étaient en place, les deux camps avaient une capacité et les objectifs étaient petits: un escadron blindé, des batteries d'artillerie, des escadrons de groupement tactique, une compagnie d'infanterie et un escadron. C'était nos exercices tactiques. Comme tous étaient des objectifs nucléaires, on larguait les bombes sans problème.

Nous pensions exactement comme vous le dites dans vos prévisions: ça s'est arrêté là et ensuite on est revenu sur cette position. Mais les réserves ne se sont jamais remises de ce rôle d'assurer la survie nationale qu'elles jouaient à l'époque et qui découlait directement du concept des forces constituées, parce qu'on croyait alors que ce n'était pas nécessaire.

Pourquoi se fait-il que nous, les Canadiens, soyons si brillants? Notre pensée militaire se situe à l'avant-garde; personne ne ressent le besoin d'avoir des réserves. Nous avons une petite armée régulière et une force de réserve encore plus petite, je dirais même la plus petite de tous les pays du G-7. Aux États-Unis, les forces régulières et les réserves sont à peu près équivalentes. En France et en Grande-Bretagne, les réservistes sont plus nombreux. En Allemagne aussi, les réserves sont plus nombreuses que les forces régulières, mais le rapport n'est plus de 2 pour 1 comme il l'a déjà été. Alors pourquoi tous ceux qui se sont penchés sur la question et les grands pays industrialisés ont-ils une opinion différente de celle des usines à penser?

M. Mitchell: Si vous permettez, je voudrais traiter l'exemple des États-Unis.

Ce que le colonel MacDonald a dit sur les unités de réserve qui ont participé à la guerre du Golfe m'a vivement intéressé. Vous remarquerez que la majorité des unités qu'il a énumérées étaient des unités d'appui tactique: manutention portuaire, transports, génie, guerre chimique, appui tactique, matériel, manutention d'eau, manutention de mazout, et certaines fonctions de renseignement. Ce sont les unités de réserve les plus efficaces dans l'organisation de la réserve américaine. Au sujet des divisions combattantes de la réserve, je vais vous lire un extrait de l'édition du 14 mars 1992 du Jane's Defence Weekly; le voici:

Je pense que la contradiction ressort clairement. Les unités de réserve qui ont été efficaces dans la guerre du Golfe étaient des unités d'appui tactique. Comme l'a dit le colonel MacDonald, ces réservistes effectuaient pour l'armée le même travail que dans la vie civile; dans les rôles de combat, ils n'étaient pas efficaces. Un certain nombre d'unités combattantes de la réserve ont été mobilisées, mais la plupart d'entre elles, je crois, ne se sont jamais rendues dans le Golfe parce que l'entraînement nécessaire à l'actualisation de leur potentiel a duré trop longtemps.

Quand je dis que les réserves ne sont pas susceptibles d'avoir un rôle à jouer, c'est parce que dans une bataille technologique entre deux adversaires possédant des armes comparables, elles ne peuvent pas faire grand-chose. Elles sont susceptibles de jouer un rôle dans des conflits moins importants comme une guerre du type de celle des Balkans, des troubles civils, car là on a le temps de les former comme il faut. Cependant, je ne crois pas qu'elles pourront jouer un rôle dans le genre de guerre très technologique qui se produira sans doute dans l'avenir. Je suis convaincu que l'expérience de l'armée américaine le confirme. Aux États-Unis, l'armée est en pleine fermentation intellectuelle à la suite d'une initiative nommée Force 21, destinée à étudier les divers moyens de moderniser les forces armées en prévision du XXIe siècle.

.1625

D'après ce que m'a dit un membre du commandement de l'entraînement et du perfectionnement, l'armée américaine est d'avis que les réserves de la garde et de l'armée ont besoin de trop de temps pour se préparer et elle n'a pas les ressources nécessaires pour les intégrer à son projet Force 21.

Je le répète, même si la réserve de l'armée américaine est importante, je ne crois pas qu'elle ait un rôle à jouer au combat, même dans l'armée des États-Unis.

Col MacDonald: Pendant la guerre du Golfe, cinq brigades combattantes de la garde nationale ont été mobilisées pour la guerre: deux brigades d'artillerie, la 142e et la 196e; une brigade blindée, la 115e; et deux brigades d'infanterie mécanisée, la 48e et la 256e. Seules les deux brigades d'artillerie ont terminé leur entraînement et ont été déployées à la guerre avec le bataillon lance-roquettes multiples de la 142e, qui a lancé plus de 900 roquettes durant la guerre. La 48e, la brigade complémentaire de la 24e division a été prête au combat au bout de 91 jours d'entraînement et n'a pas été déployée, bien entendu, parce que la guerre était alors terminée ou sur le point de l'être.

Les brigades de manoeuvres ont été critiquées, mais ceux qui critiquent si allègrement font abstraction du fait que les deux brigades d'artillerie - pas des batteries ni des bataillons, mais des brigades - ont terminé leur entraînement, ont été déployées et ont tiré de façon très efficaces pendant toute la guerre.

Je pense qu'il est important de faire la critique de cette critique et d'analyser pour quelle raison, par exemple, les brigades de manoeuvres n'ont jamais atteint l'état de préparation requis. Il y avait une différence capitale entre leur matériel et celui de leurs équivalents de la force régulière. Les bataillons de chars d'assaut avaient des M60 et non des M-1; ils ont donc dû s'adapter, ce qui crée des difficultés pour les canonniers, les conducteurs et les chefs d'équipage et complique de surcroît la logistique et la maintenance, car il faut modifier tout l'inventaire des pièces de rechange et habituer les spécialistes de la maintenance à du matériel assez différent.

Il faut se méfier de ceux qui soutiennent que la guerre du golfe Persique a démontré que la garde nationale n'était pas un mécanisme très efficace. De fait, comme l'armée canadienne prévoit actuellement que ses propres forces régulières ont besoin de 90 jours d'entraînement préparatoire et de réorganisation avant de partir à la guerre, les forces canadiennes et la garde nationale américaine auraient la même capacité de déploiement. Je repose donc ma question: quel problème pose une réserve bien administrée?

M. Richardson: On peut certainement réfuter cet argument, mais la plupart du temps,M. Mitchell, les arguments comme ceux que vous avancez sortent de la bouche des équipes d'usines à penser et de ceux qui les entourent.

Parlons aussi de Force 21. Le projet s'intéresse au concept même des opérations et de la doctrine. Tout d'abord, au sujet des qualités requises, tant pour les forces régulières que pour les réserves, il est question d'un bon entraînement des chefs, de lourdes dépenses pour bien les former. Mais le plus important, le pivot de tout, c'est le développement d'une doctrine qui pourrait être enseignée à tous les échelons et que tout le monde connaîtrait, que ce soit la doctrine de la marine, des forces terrestres ou de l'armée de l'air. On insiste beaucoup sur l'intégration de toutes les forces et on affirme de façon très nette compter beaucoup sur les réserves et exiger que leur entraînement soit amélioré afin qu'elles puissent se plier à certaines exigences - la formation technique et le reste.

On dépense donc de fortes sommes pour montrer que l'on agit selon la doctrine opérationnelle. Les réserves vont être équipées, entraînées pour être prêtes au combat mais pas tout à fait autant que les forces régulières. Personne n'osera prétendre qu'elles seront en mesure de prendre la relève aussi rapidement qu'une brigade régulière.

Au moment où j'ai reçu un briefing à Washington, tout le monde ne parlait que du Corps des marines qui était ravi de sa composante blindée. C'était elle qui avait eu le plus haut taux de destruction pendant la guerre et qui avait mis en déroute les blindés iraqiens en pénétrant dans Kuwait City.

Il y a du pour et du contre. Je comprends les complexités des batailles modernes, mais pas une seule grande armée ne diminue ses réserves en ce moment.

.1630

M. Mitchell: D'après ce que je sais de Force 21, on insiste surtout sur l'exploration et le développement de nouvelles technologies, et sur leur effet sur l'organisation au combat dans l'armée américaine.

De plus, d'après les renseignements que j'ai sur le commandement de perfectionnement... Laissez-moi vous lire un extrait du message que le commandement m'a envoyé sur Internet:

Cela me vient directement du commandement...

M. Richardson: D'après le reste de la déclaration, ils ont déjà un plan. J'ai lu le rapport publié par le général Sullivan et on peut y lire que l'armée est au courant de ça et qu'elle prend des mesures pour corriger la situation.

M. Mitchell: C'est vrai.

M. Richardson: On ne doit pas raconter seulement ce qui fait son affaire.

M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Chaque fois qu'il est question de l'empreinte militaire, vous remarquerez que tout le monde se tourne vers moi parce que je me suis fait un devoir de rappeler qu'une empreinte, c'est ce qui reste de ce qui n'est plus là, sinon l'empreinte est invisible sous la botte.

J'ai eu un certain succès. Tout le temps qu'il a parlé, M. Hart a employé le mot «présence». J'ai donc réussi à changer quelque chose au comité: on ne parle plus d'empreinte. Elle doit être enfouie sous le sable, je suppose.

Je connais M. Mitchell depuis toujours et je n'ai jamais réussi à avoir le dessus dans une discussion avec lui. Je ne vais donc pas me lancer là-dedans maintenant.

Quand vous avez analysé les batailles contemporaines dans ce rapport, avez-vous réfléchi au rôle des réserves dans les missions des Casques bleus?

Quand on parle des Balkans, il faut préciser que l'on a envoyé des troupes de maintien de la paix dans ce qui était en fait une zone de guerre. C'était tout à fait le contraire de ce qu'on aurait dû faire.

Pouvez-vous nous en parler?

M. Mitchell: Les missions de maintien de la paix sont assimilables à l'exemple des Balkans que je donne dans le rapport, puisque les unités de réserve pourraient servir à grossir les rangs des forces régulières et elles l'ont d'ailleurs fait de façon très efficace en Yougoslavie.

M. O'Reilly: Donc, en tentant d'analyser ce rapport qu'on nous a remis sur la restructuration des réserves, celui sur lequel vous fondez votre analyse et dont nous devons faire rapport au Parlement, puis attendre 150 jours que le ministre de la Défense nous réponde ou nous dise s'il est d'accord ou pas... Selon vous, ce rapport a-t-il tort ou raison d'affirmer que le maintien de la paix est un rôle tout désigné pour la milice?

M. Mitchell: Le défaut du rapport, selon moi, c'est qu'il ne précise pas ce qu'il entend par nouvelle situation stratégique. J'en ai conclu personnellement que cela signifiait un retour aux anciens rôles des réserves à l'époque de la Deuxième Guerre mondiale; les réserves seraient mobilisées comme elles l'ont toujours été à chaque grand conflit dans le passé.

Ce qu'il faut plutôt faire selon moi, comme l'a suggéré le colonel MacDonald, c'est préciser dans le rapport des scénarios d'utilisation montrant comment les réserves seraient employées à l'avenir.

La discussion depuis quelques minutes montre que nous ne nous entendons pas sur l'utilité des réserves dans des batailles technologiques. Je ne suis toujours pas convaincu qu'elles pourraient être utiles.

Dans les missions de maintien de la paix, toutefois, parce qu'on a le temps d'entraîner et d'équiper les réservistes, de leur faire atteindre la norme des forces régulières, je peux concevoir que les réserves seraient fort utiles.

Encore une fois, je préciserais que leur utilité dépend du degré d'engagement du pays dans un conflit donné. S'il n'y a pas d'engagement sincère, personne ne se portera volontaire pour effectuer les missions de maintien de la paix que le pays a accepté de faire. Cela nous ramène à nouveau à l'histoire trouble des scénarios d'utilisation.

.1635

Je pense que le défaut du rapport, c'est qu'il ne se prête pas facilement à la discussion de la manière dont les réserves vont être utilisées à l'avenir. Leur utilité dépend du scénario envisagé. Dans certaines circonstances, elles seront extrêmement utiles, mais dans d'autres, elles ne le seront pas du tout.

M. O'Reilly: Donc, d'après votre analyse, vous dites foncièrement que s'il est impossible de régler les problèmes de rémunération, d'entraîner les gens pour...

M. Mitchell: J'ai dit que si les réserves étaient incapables de se doter d'un système de paye informatisé, on ne pouvait pas s'attendre à ce qu'elles soient fonctionnelles dans un champ de bataille informatisé moderne.

Une voix: C'est la force négative

[Inaudible - Éditeur] système de paye.

M. Mitchell: Je trouve que ça nous ramène à un problème plus général.

Une voix: Vous avez raison.

M. O'Reilly: Colonel MacDonald, dans votre analyse de ce modèle, vous faites l'analogie avec la liste noire. Est-ce votre propre modèle?

Col MacDonald: Certainement. Comme je vous l'ai dit, c'est un essai théorique pour lequel je suis parti de ce qui me semblait être les principes de la commission et j'ai construit un modèle autour. J'ai ensuite examiné les résultats auxquels j'arrivais.

Évidemment, nous savons tous fort bien que d'après ce modèle, il n'y aurait pas de milice en Saskatchewan. Or, c'est inacceptable du point de vue politique. Selon toute vraisemblance, il faudrait ensuite se demander lequel des deux bataillons de Winnipeg il faudrait démanteler pour en créer un en Saskatchewan. Ou encore les gens des Maritimes pourraient s'inquiéter de la possibilité que les deux bataillons des Nova Scotia Highlanders et des West Novas disparaissent et l'on pourrait se demander là encore si c'est politiquement acceptable ou non. Si l'on décide de conserver les Nova Scotia Highlanders par exemple, il faut choisir de fermer autre chose ailleurs. Ou alors il faut délaisser le concept de l'effectif concentré à un seul endroit. Cela nous amène à la question des coûts et des avantages de tel sous-groupe du modèle par rapport à tel autre.

Donc, en fait, j'ai créé ce modèle dans le but de voir ce qui découlerait en pratique des recommandations de la commission.

M. O'Reilly: Vous n'avez donc pas fait jouer les influences politiques dans votre modèle?

Col MacDonald: Pas du tout. J'ai simplement pris les chiffres indiqués pour chaque endroit dans le rapport de la commission et j'ai construit le modèle à partir d'eux.

M. O'Reilly: Selon votre modèle, il n'y aurait donc rien entre Toronto et Ottawa ni entre Toronto et Montréal.

Col MacDonald: Il n'y a rien entre Toronto et Windsor.

M. O'Reilly: Si je fais une analyse politique de ce...

Col MacDonald: C'est insensé.

M. O'Reilly: La sous-ministre va en perdre deux. Deux ministres vont perdre les leurs. Je trouve tout ça insensé pour un politicien.

Col MacDonald: Pour un système politique, c'est vrai.

M. O'Reilly: En effet.

Col MacDonald: C'est exact. Et c'est pourquoi je vous dis qu'il vous serait extrêmement utile, du point de vue politique, d'insister pour que le ministère révèle son modèle avant que vous approuviez quoi que ce soit.

M. O'Reilly: Bien. Je ne connais pas bien le Militia Monitor même si je l'ai déjà lu. Vous dites que le comité de rédaction vous approuve entièrement. Combien de membres le composent?

Col MacDonald: Trois.

M. O'Reilly: Trois; et êtes-vous l'un d'eux?

Col MacDonald: Oui.

M. O'Reilly: D'accord. Est-ce que les Friends of the Militia and Reserves ont quelque chose à voir avec Reserves 2000 ou est-ce que ce sont des...

Col MacDonald: Non.

Friends of the Militia and Reserves a son siège social à Toronto. L'association a des membres dans tout le Canada mais j'ignore quel est leur nombre exact. Je leur envoie un chèque de 25 $. Elle a son propre conseil d'administration qui a examiné mon modèle et l'a approuvé.

M. O'Reilly: Reserves 2000 a utilisé un modèle de coûts fondé sur des effectifs. Le modèle que nous avons est basé sur un budget. Faites-vous un lien entre les deux ou préférez-vous que les effectifs soient gardés à part du budget et qu'ils servent seuls pour qu'ensuite on essaie d'adapter le budget en conséquence? Ou alors est-ce que vous préféreriez d'abord établir un budget pour l'armée et la milice et ensuite essayer de l'appliquer à ce que le rapport suggère?

Col MacDonald: En fait, comme le fait remarquer la commission, il faut fixer un plafond de rémunération. Chacun des membres est ensuite réputé obtenir un taux de rémunération moyen qui est multiplié par un nombre de jours donné, dont le produit est un montant de dollars.

.1640

Je ne suis pas certain que je procéderais ainsi moi-même. En déterminant quels sont les besoins opérationnels, on peut obtenir une idée des effectifs dont on a besoin. Cela nous permet d'établir le budget à partir des effectifs qui auront besoin d'entraînement.

Donc, d'instinct je commencerais par analyser les besoins opérationnels pour les convertir en nombre de personnes que je traduirais ensuite en dollars.

M. O'Reilly: Vous rejoignez mon opinion à moi qui suis du secteur privé. Quand tout le monde de l'usine se retrouve dans un bureau, il est évident que la production est nulle. Par conséquent, il faut analyser l'ensemble des opérations et non pas seulement quelques segments. Quand on établit un budget, il faut commencer par se demander quels sont les coûts, puis on fixe le budget en conséquence, selon ce qu'on peut se permettre de dépenser pour livrer la marchandise. Je pense que nous nous entendons là-dessus.

Col MacDonald: Bien sûr. Le principe de la comptabilité de gestion, c'est d'examiner la production et de déterminer combien elle coûte.

Le rapport de la commission est assez fascinant étant donné la centaine de jours pendant lesquels on a examiné les dépenses effectives des manèges d'où semblent être venus les jeunes hommes et jeunes femmes qui ont finalement été déployés dans l'ancienne Yougoslavie. Cela soulève une question intéressante: toutes les autres couches des quartiers généraux sont-elles assez efficaces puisqu'elles semblent absorber de gros morceaux du budget?

Bien entendu, en toute justice pour les échelons supérieurs des quartiers généraux, comme ce sont eux qui payent pour l'entraînement collectif estival, les cours dans les écoles de qualification pour les grades et les métiers, et les autres programmes comparables, on ne peut pas accuser toute la hiérarchie d'une inefficacité généralisée.

M. O'Reilly: Que pensez-vous de l'absence des unités médicales dans le rapport? Personnellement, ça me dérange.

Col MacDonald: Il en est question dans l'exposé que je vous ai présenté. J'ai l'impression qu'on supprime les 21 compagnies médicales et que les 1 032 membres entraînés du personnel médical disparaissent alors même que l'on propose de réduire les ressources médicales de la force régulière, même si ailleurs dans le rapport on semble proposer de faire appel à du personnel médical de réserve.

Je me demande si ça ne serait pas une simple erreur au moment de la conception du modèle, car je trouve étrange de prévoir des pelotons de soins médicaux tout en supprimant des compagnies médicales. C'est l'une des questions qui me préoccupent, tout comme celle des trois unités d'artillerie antiaérienne de la milice qui ont été bâties très soigneusement en vue de maintenir la capacité de défense sol-air requise par les brigades de la force régulière. Ça semble avoir échappé à la commission aussi, ce qui me laisse fort perplexe.

M. O'Reilly: Ma première question à tous ceux qui participent à nos audiences, c'est: pourquoi cette omission? Certains ont dit que c'était une malencontreuse erreur, d'autres ont invoqué la protection de la cour; bref, je n'ai toujours pas de réponse. Je ne sais pas si je pourrais...

Col MacDonald: J'ignore la réponse à votre question. Je trouve étrange qu'une telle omission ait pu se produire, puisque le chef de l'évolution des forces armées a conseillé la commission qui avait aussi à sa disposition les ressources humaines du quartier général du commandement des forces terrestres.

M. O'Reilly: Vous suggérez donc au comité d'examiner attentivement cette partie du rapport?

Col MacDonald: Ce serait préférable. Il me semble qu'une armée de terre, une marine et une armée de l'air ont besoin de médecins, d'infirmières et de toutes les autres ressources médicales nécessaires.

M. O'Reilly: Merci.

J'ai une autre question, monsieur le président, mais je la poserai lors de mon prochain tour si mon temps est écoulé.

Le président: Voulez-vous poser une question tout de suite?

M. O'Reilly: Non. Je l'avais écrite quelque part. Je la poserai plus tard quand je l'aurai retrouvée.

Le président: Merci.

Monsieur Bertrand.

M. Bertrand (Pontiac - Gatineau - Labelle): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai une première question qui s'adresse à M. MacDonald.

Vous parlez de votre modèle. Je regardais celui que vous avez fait pour le Québec et j'ai l'impression que vous abandonnez toutes les unités à l'est de Québec.

.1645

Col MacDonald: Et à l'ouest de Montréal. Le Régiment de Hull disparaît aussi, ainsi que le Régiment de la Chaudière et Les Fusiliers du Saint-Laurent dans ce modèle.

M. Bertrand: Pourquoi arrivez-vous à une telle conclusion? À mon avis, il faut une présence militaire dans toutes les régions importantes de la province.

Col MacDonald: Je suis tout à fait d'accord. Comme je l'ai déjà expliqué, c'était seulement un exercice de réflexion prospective à partir de ma perception des principes énoncés par la commission pour le choix des unités ayant le plus important effectif dans un même endroit.

D'ailleurs, si je peux me permettre, mon premier modèle, je l'ai fait en fonction des deux bataillons d'infanterie suggérés par la commission. J'ai alors été renversé de constater que dans la ville de Montréal, cela signifiait que les Canadian Grenadier Guards survivaient, mais pas Les Fusiliers du Mont-Royal ni le Régiment de Maisonneuve.

Je me suis donc dit qu'il fallait recommencer en construisant un modèle avec trois bataillons. Cela m'a permis de récupérer les unités francophones. Du point de vue de la présence de la milice, je soutiendrais, tout comme j'ai défendu la présence fédéraliste dans l'est du Québec, qu'il est tout à fait illogique de faire disparaître le Régiment de la Chaudière.

D'ailleurs, j'ai analysé les résultats du référendum et j'ai été frappé par l'écart statistique perceptible entre le vote dans les circonscriptions provinciales où il y avait une unité de la milice et celui dans les circonscriptions où il n'y en avait pas, à l'extérieur de Montréal. De fait, le vote fédéraliste était manifestement plus fort dans les circonscriptions ayant une unité de la milice que dans les autres.

Là encore, il est insensé de laisser tomber ces unités. C'est pour cette raison qu'il faut faire un modèle: pour voir si les recommandations ont du sens.

M. Bertrand: Dans la plupart des villes ou villages, est-ce que c'est l'entretien des manèges qui coûte le plus cher?

Col MacDonald: Il vaudrait mieux poser la question au ministère.

M. Bertrand: Qu'est-ce que vous en pensez?

Col MacDonald: À mon avis, le montant dépensé pour entretenir un manège est relativement minime par rapport au reste.

M. Bertrand: J'allais vous poser la question suivante: à supposer qu'on ferme les manèges pour faire des économies et qu'on loue des locaux à la place, est-ce que...?

Col MacDonald: Ça dépend. Vous supposez sans doute que la propriété pourrait alors être vendue par exemple. Dans certains cas, il s'agit d'édifices historiques soumis à des règlements municipaux, qui n'ont donc pas une grande valeur commerciale.

Si l'on décidait de former une nouvelle unité dans une agglomération, je privilégierais la location de locaux plutôt que l'achat d'un terrain pour y construire un immeuble.

M. Bertrand: Ma prochaine...

Une voix: Vous pouvez poser une autre question sans problème puisqu'il n'y a pas de président.

M. Bertrand: Ma prochaine question, si vous permettez, s'adresse à M. Mitchell.

Dans votre exposé, monsieur Mitchell, vous dites que dans les conflits près de chez soi, les réserves seraient mieux soutenues par la population et mieux placées pour répondre à l'appel. Cela se trouve à la page 4 de votre mémoire. Croyez-vous que les réserves pourraient intervenir en cas de sinistres comme des inondations ou des incendies de forêts, ou encore pour rechercher des gens disparus en forêt?

M. Mitchell: Je ne sais pas quelle est la doctrine actuelle à ce sujet et je ne suis pas certain que ce serait un rôle populaire auprès des réservistes d'aujourd'hui. Cependant, je ne vois aucune objection à ce que les réserves assument un tel rôle; d'ailleurs, la garde nationale américaine aide assez fréquemment les autorités en cas de sinistres et de troubles civils.

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Il me semble que ces rôles conviendraient particulièrement bien aux réservistes, surtout qu'ils connaîtraient à fond la région dans laquelle ils se trouveraient - non seulement la localité, mais les gens qui l'habitent. Je trouve que ce serait le rôle idéal pour les réserves.

M. Bertrand: Vous savez qu'en ce moment, pour faire appel à la milice ou aux forces régulières, le solliciteur général ou le ministre de la justice de la province doit en faire la demande au ministre de la défense.

M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Au chef de l'état-major de la Défense.

M. Bertrand: Oui, ça dépend de ce qui est demandé.

Croyez-vous qu'il y aurait lieu de modifier cette condition afin qu'un plus grand nombre de demandes provenant des régions puissent être acceptées et que les gouvernements municipaux et régionaux demandent eux-mêmes l'aide des réserves ou des forces régulières sans avoir à passer par le ministre de la justice?

M. Mitchell: Pour reprendre l'exemple des Américains, il serait logique que les provinces, les villes ou les régions fassent appel aux réserves. Toutefois, je pense que c'est une décision politique. Il faudrait sans doute que la Loi sur la défense nationale soit modifiée d'abord.

M. Bertrand: Merci beaucoup.

Le président: Monsieur Hart.

M. Hart: Merci beaucoup.

Monsieur Mitchell, voulez-vous dire que la réserve est uniquement capable de participer à des missions des Casques bleus et qu'elle ne pourrait pas servir à grossir les effectifs dans d'autres types de missions?

M. Mitchell: Je crois personnellement que si une guerre majeure ou une grande crise mondiale éclatait, comme le précise le rapport, le conflit ne pourrait pas se comparer à la Deuxième Guerre mondiale; ce serait une bataille avec des armes de haute technologie qui finirait probablement assez vite.

Je pense qu'un tel conflit serait terminé avant même que les réserves puissent être toutes mobilisées; elles ne seraient donc pas en mesure d'y participer. En outre, elles ne posséderaient pas le degré d'entraînement et le matériel requis pour survivre sur un tel champ de bataille.

M. Hart: Mais les membres de l'artillerie de la réserve ne devraient-ils pas suivre le même entraînement que ceux de l'artillerie des forces régulières? Ne devraient-ils pas être interchangeables?

M. Mitchell: Oui, en théorie, ils devraient être parfaitement interchangeables. Malheureusement, l'entraînement offert aux réservistes dans une année ne suffit pas à les amener au niveau de la norme des forces régulières. Or, ils doivent se conformer à cette norme. Je crois que les réservistes reçoivent 60 jours d'entraînement par année. Il est tout bonnement impossible de recevoir un entraînement poussé en si peu de temps.

Donc, c'est vrai qu'en théorie les deux groupes devraient être sur le même pied, mais en pratique, il faudrait que les réservistes aillent s'entraîner dans des endroits comme Gagetown s'ils veulent atteindre la norme de la force régulière. Mais il faudrait beaucoup trop de temps pour mobiliser toute la réserve en vue d'une guerre; ce serait impossible.

Je suis convaincu qu'en cas de conflit très technologique, jamais on aura le temps de mobiliser la réserve entière. De plus, quand bien même les réservistes respecteraient la norme, on sera incapable de leur fournir le matériel requis sur le champ de bataille, puisqu'on en a à peine assez pour les forces régulières canadiennes.

M. Hart: Mais ce n'est pas la faute des réserves; c'est à cause du système d'entraînement et de...

M. Mitchell: Ce n'est pas seulement à cause du système d'entraînement; il y a les lourdes restrictions budgétaires imposées au ministère de la défense. J'essaie de voir les choses d'un point de vue pratique.

M. Hart: D'accord. L'une des histoires qui me vient à l'esprit s'est passée en 1973, au moment où j'étais à l'école des recrues. L'adjudant a demandé à l'une de ses jeunes recrues à quoi servait la baïonnette qu'il lui a placée sous le nez. La sueur perlait au front de la jeune recrue qui a répondu: «Aux prises d'armes» - c'était évidemment la mauvaise réponse.

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Toutes nos troupes doivent être aptes au combat et la réponse exacte est évidemment: pour tuer l'ennemi dans un corps-à-corps. C'est à cela que sert une baïonnette et c'est le but de l'entraînement, pour toutes nos troupes. Il faudrait que la force de réserve soit aussi bien entraînée au combat que notre force régulière; l'aptitude au combat doit être la norme.

Si les réservistes ne sont capables de se mesurer à des adversaires que dans le cadre de missions de maintien de la paix, ou s'ils sont entraînés et peuvent se rendre utiles rien que dans ce contexte, alors nous avons un problème, car la réponse à la question n'est pas la bonne. Ils devraient être aptes au combat et à la mobilisation, car c'est précisément le but d'une force de réserve.

M. Mitchell: Le problème, c'est de savoir ce que l'on entend par «apte au combat». C'est plutôt vague. À quel genre d'adversaire est-on apte à être confronté sur le champ de bataille? De toute évidence, des forces comme celles qui sont allées en Somalie doivent être aptes au combat pour être capables de faire face à des bandes de brutes comme celles qui rôdaient autour de Mogadishu.

Pour prendre un exemple hypothétique, je dirais toutefois qu'il faudrait appliquer des critères d'aptitude au combat différents pour s'attaquer aux Soviétiques que pour faire face aux Irakiens. Par conséquent, quand les gens, et plus particulièrement le Livre blanc, se mettent à parler de forces aptes au combat, je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. Cela ne me dit pas grand-chose parce que ces termes peuvent vouloir dire toutes sortes de choses.

M. Hart: Sont-ils trop vagues?

M. Mitchell: Leur signification n'est pas assez précise. Je reconnais la nécessité d'avoir des forces aptes au combat. Cependant, à en juger d'après les progrès récents de la technologie militaire, il sera de plus en plus difficile pour nos militaires de rester à la hauteur par rapport aux Américains, par rapport aux armées en cours de formation dans la région de l'Asie du Pacifique ou à celles qui existent sur le continent européen. Il sera de plus en plus difficile pour les forces canadiennes, pour les forces régulières, de rester à la hauteur, et à plus forte raison pour les forces de réserve. Celles-ci auront encore plus de difficulté à y arriver.

M. Hart: Estimez-vous que c'est uniquement valable pour la milice et pas nécessairement pour la réserve navale et la réserve de l'air?

M. Mitchell: Oui et je dirais même que ce n'est probablement pas valable en ce qui concerne la réserve des communications, parce que ce sont des gens qui sont appelés à faire le même métier que dans la vie civile; on se contente de leur mettre un uniforme sur le dos et de leur assigner des tâches militaires.

Quant à la réserve navale, elle a des objectifs très précis à essayer d'atteindre. Elle ne sera pas appelée à aller combattre avec les groupes aéronavals. Elle est plutôt appelée à faire des patrouilles d'affirmation de la souveraineté, des patrouilles de surveillance des pêches ou à accomplir d'autres tâches de ce genre. Ces réservistes ne seront pas appelés à utiliser de l'équipement de pointe comme celui qu'il faut dans la marine pour déployer des troupes à l'étranger.

Je suis donc d'accord avec vous sur ce point. Les forces combattantes de la milice auront d'énormes difficultés si elles essaient de suivre les progrès technologiques militaires modernes, et c'est à ce point de vue-là que je ne suis pas d'accord avec les auteurs du rapport.

M. Hart: Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet, colonel?

Col MacDonald: À propos de technologies de pointe, je dirais qu'on en utilise beaucoup moins qu'on ne voudrait le faire croire.

Personnellement, j'étais dans l'artillerie. Nous avons acquis dernièrement - je ne sais pas depuis combien d'années au juste - un dispositif de pointe appelé télémètre laser dont un officier opérationnel peut se servir pour localiser une cible. Il suffit de choisir une cible, d'appuyer sur un petit bouton et le télémètre indique l'emplacement de la cible en question. Les chances de l'atteindre du premier coup sont de 95 p. 100 et celles de l'atteindre au deuxième coup sont de 100 p. 100. Et pourtant, c'est de la technologie de pointe.

Ce dispositif n'exige toutefois que des connaissances très rudimentaires de la part de l'utilisateur. Il n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme universitaire en physique pour pouvoir s'en servir.

M. Hart: Il suffit de voir clair et de savoir presser sur la détente.

Col MacDonald: Il suffit d'être capable d'appuyer sur le bouton.

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J'ajouterais que si l'on vérifie le niveau des connaissances techniques nécessaires dans les Forces canadiennes ou dans n'importe quelles autres forces armées, on constate que dans la plupart des cas, il est assez élémentaire. Il n'est pas nécessaire d'avoir des connaissances très poussées pour être conducteur de camion. Par contre, il en faut pour être pilote de CF-18. Il faut avoir à son actif 180 heures de vol sur ce type d'appareil pour répondre à la norme fixée par l'OTAN. Il existe toute une série d'applications de la haute technologie qui sont d'un niveau assez élémentaire ou moyen, qui sont au niveau de l'utilisateur.

M. Hart: Par conséquent, un réserviste devrait être capable de faire l'affaire.

Col MacDonald: Oui. Comme je l'ai dit, j'étais dans l'artillerie où les normes de formation des officiers observateurs avancés sont les mêmes que pour les membres des forces régulières. Ils n'ont pas autant d'heures de pratique à leur actif, mais ils savent que faire. Être officier observateur avancé pour un obusier 105 ou pour un obusier de calibre moyen, c'est exactement la même chose. La seule différence, c'est que la détonation est plus forte.

Prenez par exemple la guerre du Golfe persique. On pourrait se demander si nous aurions pu déployer une partie de l'armée canadienne malgré qu'elle soit prétendument mal équipée. La réponse est oui. Nous aurions pu déployer facilement une brigade d'artillerie, conduire exactement les mêmes obusiers automoteurs M109 que les Américains et nous aurions pu faire exactement la même chose qu'eux avec leurs obusiers automoteurs. C'est par principe que nous avons décidé de ne pas faire cela, mais nous aurions pu le faire.

Je n'aurais pas voulu aller sur ce champ de bataille où l'on utilisait de l'équipement de pointe avec nos transporteurs de troupes blindés à roues. J'aurais voulu avoir un Bradley pour mes fantassins. Cela indique qu'une partie de l'équipement de notre armée n'est pas assez sophistiqué pour aller combattre sur un champ de bataille où l'on utilise des armes à haute intensité mais qu'une partie du matériel ferait l'affaire, par contre.

M. Mitchell: J'ajouterais que l'un des aspects importants de la révolution qui se produit dans le domaine militaire ne concerne pas uniquement les relations détecteur-tireur mais aussi les technologies de commande et de contrôle. Comme je l'ai dit dans mon exposé, les commandants militaires savent non seulement où leurs troupes se trouvent mais aussi où sont les troupes ennemies, et parfois à un mètre carré près. Ils ont également la possibilité d'empêcher l'ennemi d'avoir ces renseignements. C'est le genre de progrès qui est encore plus important à mon sens que les technologies de détection, celles qui permettent de pointer les armes sur une cible avec plus de précision. Ce sont ces technologies de commande et de contrôle, ce sont les progrès réalisés à ce niveau, qui joueront un rôle capital dans les conflits futurs.

Ce sont des atouts d'envergure nationale. Ils ne sont pas liés à une unité en particulier ni à l'équipement individuel. D'après moi, c'est ce genre de formation, c'est l'accès à ce type de technologie que les forces de réserve n'auront pas.

Tout comme le colonel MacDonald, j'estime qu'un télémètre laser est un appareil particulièrement facile à utiliser. Par contre, les progrès qui se dessinent à l'horizon dans le domaine de la technologie de commande et de contrôle sont le genre de choses qui nous permettront d'utiliser dorénavant les forces militaires de façon beaucoup plus efficace et qui menaceront beaucoup plus la vie des soldats au combat.

M. Richardson: Ce que vous dites est absolument exact, mais les progrès de la technologie de commande et de contrôle sont bel et bien là, surtout dans l'armée américaine. Celle-ci fait des recherches et des essais dans ce domaine, et elle obtient de bons résultats.

D'après vous, dans quelle mesure les forces régulières canadiennes sont-elles équipées de technologies de commande et de contrôle? Le savez-vous?

M. Mitchell: Je m'en remets à votre expérience, monsieur.

M. Richardson: C'est nul dans ce domaine. Je ne pense pas que le programme de TCCS soit jamais mis en oeuvre. Il était prévu mais nous utilisons encore des techniques qui datent de l'époque de la Seconde Guerre mondiale.

M. Mifflin: De celle d'Alexandre le Grand.

M. Richardson: Presque. Nous ne sommes absolument nulle part dans ce domaine.

M. Mitchell: Comme je l'ai dit précédemment, cela nous ramène à un problème plus général.

M. Richardson: Les forces régulières ont besoin d'aide pour se procurer également ce genre de technologie. Quant à dire que les forces de réserve ne l'ont pas... Nous essayons de...

Je m'excuse de vous interrompre, monsieur Hart. Je tenais seulement à signaler que les forces régulières n'ont pas cette technologie non plus.

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M. Mitchell: Je suis parfaitement d'accord, mais si les forces régulières n'ont pas accès à ce genre de chose, il est illogique de s'attendre à ce que les forces de réserve y aient accès.

Quant à la capacité des Forces armées canadiennes de prendre part à une guerre où l'on utilise des technologies de pointe, aussi mythique que cela puisse paraître, cela nous ramène à un problème plus général. Je crois que cela nous ramène au commentaire que j'ai fait précédemment à propos du manque de précision qui entoure la notion d'aptitude au combat.

M. Richardson: Des trois secteurs, c'est probablement la marine qui approche le plus ce niveau de technicité.

M. Mitchell: Je suis entièrement d'accord.

M. Richardson: Je m'excuse, monsieur Hart, mais je tenais à faire ce commentaire.

M. Mitchell: Je sais que le colonel a un commentaire à faire.

Col MacDonald: Je signale tout simplement que sur un champ de bataille moderne, on a beau disposer des appareils les plus extraordinaires du monde capables d'indiquer au centre de commandement la position exacte d'une cible au millimètre carré près, il reste qu'il faut des êtres humains pour donner les ordres à d'autres êtres humains qui doivent les transmettre à d'autres personnes, qui vont faire démarrer les camions et exécuter ces ordres.

La vieille théorie de von Clausewitz sur la friction sur le champ de bataille est toujours valable. Le fait d'avoir un système de commande et de contrôle extraordinaire ne signifie pas que l'exécution sera aussi instantanée que dans les films de la série «La guerre des étoiles».

M. Hart: Monsieur Richardson, vous avez dit que c'était probablement la marine qui était la mieux lotie à cet égard. En fait, j'ai été extrêmement étonné d'apprendre que l'on équipe les nouveaux navires de défense côtière des mêmes canons que ceux du Bonaventure.

Je voulais poser une question au sujet de la recommandation numéro 25 du rapport dans laquelle la Commission recommande que la force régulière tente en premier lieu de satisfaire ses besoins en spécialistes en tenant compte des disponibilités au sein de la force de réserve et n'engage des civils à contrat qu'après s'être assurée que l'on ne peut y trouver des personnes qualifiées.

J'ai l'impression que cette recommandation est un peu inutile, parce que c'est déjà ce que l'on fait. Il y a la liste principale des réservistes qui se trouve au QGDN; il s'agit de spécialistes. J'ai été passablement étonné de voir que la Commission avait passé cet aspect de l'organisation de la force de réserve sous silence. On y trouve le nom d'environ 600 spécialistes dont des médecins, des travailleurs sociaux, des relationnistes, des avocats et des aumôniers. Avez-vous trouvé cela étrange?

Col MacDonald: J'ai trouvé que la recommandation était très opportune quand nous avons examiné l'aspect du rapport qui m'intéressait le plus, c'est-à-dire l'aspect médical. En fait, si l'on a à sa disposition des officiers médicaux qui sont rattachés à l'armée et qui comprennent comment cela fonctionne, je trouve qu'il est bien plus intelligent de choisir parmi eux les gens destinés à participer à une opération en ex-Yougoslavie par exemple, que d'essayer d'engager un médecin généraliste n'ayant absolument aucune expérience militaire.

M. Hart: Ces personnes devraient-elles être rattachées au QGDN, comme c'est actuellement le cas, ou à des unités?

Col MacDonald: J'ai commandé un district qui comprenait une compagnie médicale. Il me semble que la présence de ce genre d'organisation au sein de la collectivité constitue un pôle d'attraction pour les membres de cette structure. Par exemple, le commandant d'une compagnie médicale qui voudrait trouver des officiers médicaux ou des infirmiers supplémentaires aurait plus de facilité à convaincre les gens de faire partie de cette organisation, qui est une organisation sociale en fait.

J'estime que c'est une manière bien plus efficace de garantir leur disponibilité que d'établir une liste qui est mise à jour une fois par an tout au plus, et qui est conservée dans un quartier général éloigné. Étant personnellement membre de la réserve supplémentaire disponible, j'ai vu comment fonctionnait le système de mise à jour; maintenant que l'on ne reçoit plus de fonds, je suis encore plus sceptique au sujet de cette réserve. En tout cas, je suis absolument sceptique en ce qui concerne la réserve supplémentaire d'attente.

Il me semble que le système actuel, qui consiste à se réunir une ou deux fois par semaine environ, permet d'avoir une ressource assurée. Je voudrais qu'on nous garantisse ce système.

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M. Hart: J'ai parlé à quelques personnes dont le nom figure sur la liste et j'ai constaté qu'il arrive que les autres unités ne sachent même pas que ces gens-là sont disponibles. C'est un gros problème, parce qu'on peut faire appel quand on veut à environ 600 spécialistes mais on ne les utilise pas efficacement pour le moment.

Col MacDonald: Et ils perdent le contact. Il s'agit d'une organisation sociale et les organisations sociales ont besoin d'une certaine continuité dans les contacts humains. Je crois que la présence de cette structure est une très bonne chose.

M. Hart: Je n'ai probablement plus beaucoup de temps une fois de plus et par conséquent, ma question sera brève. Je voudrais savoir ce que vous pensez de la recommandation du rapport concernant le CIC et plus particulièrement les sous-officiers. J'ai essayé de l'évaluer à la lumière de mon expérience personnelle et je commence à croire qu'elle n'est probablement pas fameuse. Un sous-officier supérieur qui va dans une unité de cadets peut se retrouver sous les ordres d'un commandant âgé de 21 ans. Il faut quelqu'un de spécial pour accepter de quitter la force régulière au bout de 30 années de service comme adjudant supérieur et de se retrouver dans ce genre de situation. L'autre problème, c'est que l'unité de cadets a sa propre structure hiérarchique. Un sous-officier venant de l'extérieur occuperait pour ainsi dire un poste qui devrait revenir aux cadets.

Col MacDonald: J'ai eu relativement peu d'expérience directe avec les cadets et par conséquent, je ne me prononcerai pas là-dessus.

M. Hart: Bien.

M. Mitchell: Je suis instructeur civil au 342e escadron de Bedford. Il y a deux sous-officiers dans notre escadron. L'un est un soldat et l'autre est un matelot de première classe. Tous les deux, mais surtout ce dernier, sont de bons éléments. Le matelot de première classe, qui est chargé d'assurer le maintien des normes d'exercice dans l'escadron, n'a aucun problème de relations avec les cadets. Il est considéré sans le moindre doute comme le supérieur du cadet qui est sous-officier breveté dans la structure de commandement de cet escadron. Il est apprécié de ses collègues.

C'est une proposition intéressante de la Commission. Je crois que ce serait une très bonne idée d'intégrer quelques sous-officiers provenant des forces régulières aux cadets.

M. Hart: Je ne suis toutefois pas certain que c'est ce que recommande la Commission. Le scénario que vous nous proposez est celui de quelques membres de la force régulière qui se portent volontaires pour offrir leurs services à un escadron pendant leurs temps libres. Par contre, ce n'est pas la même chose lorsqu'il s'agit d'intégrer des gens à la structure de l'escadron en question.

M. Mitchell: Je parlais de l'exemple que vous avez cité, celui d'un sous-officier supérieur qui vient chez les cadets.

M. Hart: D'après ce que j'ai pu constater personnellement, 99 p. 100 des sous-officiers de la force régulière qui quittent pour aller dans un escadron de cadets voudraient faire partie des officiers commissionnés de cette organisation.

M. Mitchell: Je peux seulement me baser sur le cas des deux sous-officiers du 342e escadron que je connais personnellement. Ce sont d'excellents éléments.

Le président: Merci.

M. Mifflin: Nous sommes heureux de vous revoir, colonel. Vous avez beaucoup aidé notre comité spécial mixte. Cela fait du bien de vous revoir.

Monsieur Mitchell, je connais certaines personnes avec qui vous travaillez à Dalhousie et j'ai donc apprécié votre exposé.

Je voudrais faire des commentaires ou poser des questions d'ordre technique.

Colonel, avez-vous utilisé pour votre modèle un système d'échantillonnage aléatoire ou vous êtes-vous basé sur des critères moins objectifs?

Col MacDonald: Je me suis basé sur des critères tout simples. Je me suis basé sur l'annexe du rapport de la Commission, où l'on indique les effectifs par endroit, en choisissant les unités qui possèdent l'effectif le plus important au même endroit.

M. Mifflin: Et vous les avez conservés en vous débarrassant du reste.

Col MacDonald: Oui.

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M. Mifflin: Parfait.

Monsieur Mitchell, si quelqu'un s'intéressant à la nature de la guerre nous avait dit il y a 10 ou 15 ans qu'il y aurait bientôt un conflit où les représentants des principaux médias du pays attaquant seraient installés dans une chambre d'hôtel au centre du pays attaqué pour faire des reportages destinés à être diffusés dans le monde entier, je crois que l'on aurait trouvé cela incroyable.

Je trouve que les idées que vous avez avancées sont justes et je pense que la prochaine décennie nous réserve bien des surprises. Je crois que c'est le message de votre exposé, et je pense que nous sommes tous d'accord avec vous. Malheureusement, la seule chose que l'on puisse faire face à l'incertitude, c'est se couvrir et j'ai l'impression d'après vos deux exposés que vous estimez que la solution proposée dans ce rapport laisse à désirer.

Je n'ai aucun autre commentaire à faire avant de poser des questions précises. J'ai l'impression, surtout d'après ce que le colonel MacDonald a dit, que vous ne tenez pas à ce que l'on mette les recommandations de ce rapport en oeuvre sans avoir fait une quelconque analyse des répercussions.

Col MacDonald: C'est bien cela.

M. Mifflin: Bon. Cela dit, je vais vous poser deux ou trois questions bien précises.

Nous sommes confrontés à la perspective plutôt décourageante de prendre ce rapport et de le remettre au ministre avec des recommandations. Nos recommandations pourraient être de le mettre en oeuvre immédiatement parce que nous le trouvons formidable ou de lui dire qu'étant donné que nous ne savons trop qu'en penser, il faut l'examiner de plus près. Nous n'avons évidemment pas encore pris de décision à ce sujet parce que nous ne sommes qu'au milieu de nos délibérations.

Prenons la recommandation qui parle de l'aspect organisationnel de la réforme et qui propose de remplacer les 14 districts par sept brigades. Oublions les chiffres et les coûts pour l'instant. En tant que militaire, êtes-vous en faveur de ce changement?

Col MacDonald: Je suis en faveur du remplacement du système des districts par un système de brigades.

M. Mifflin: Parce que c'est beaucoup plus intelligent.

Col MacDonald: Parce qu'on remplace une organisation statique de type civil par une organisation militaire. J'estime qu'il est raisonnable de s'attendre à ce que les structures militaires soient organisées selon des modèles typiquement militaires.

M. Mifflin: Bien. Je crois que c'est dans la recommandation numéro 8 que la Commission a énuméré une série de critères pour décider quelles unités devraient être maintenues. L'avez-vous examinée de près?

Col MacDonald: Je l'ai fait, et je me suis demandé à plusieurs reprises ce que signifiait un terme en particulier. Quand on parle d'efficacité d'une unité dans le contexte du recrutement et du maintien, quels sont les facteurs sur lesquels l'unité a le contrôle et ceux sur lesquels elle n'en a pas?

Un facteur sur lequel l'unité n'a pas le contrôle est la stabilité du budget qui lui est attribué pour la rémunération, par exemple. Si ce budget ou le temps de formation doit être réduit parce qu'il en a été décidé ainsi en haut lieu, cette décision aura une incidence directe sur l'attrition au sein de cette unité. La plupart de nos jeunes recrues sont des étudiants du niveau secondaire qui font cela pour avoir un revenu à temps partiel ainsi que pour le pur plaisir de se retrouver dans un milieu militaire et de faire preuve de patriotisme. Par contre, si l'on réduit leur solde, ils s'en iront.

Je crois que si vous reprochez ensuite à l'unité le fait que son taux d'attrition ait augmenté et que ce n'est pas de sa faute, on se mettra à tirer des conclusions erronées sur son efficacité et sa rentabilité, par exemple. En ce sens, j'estime qu'il faut examiner de près ces questions de rentabilité et demander ce que «efficace» veut dire dans ce contexte.

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Je crains que la décision soit prise au niveau politique, dans l'anonymat, et que parmi les décideurs se trouve quelqu'un qui fasse partie d'un régiment, et que cette personne soit décidée à tout faire pour qu'il soit maintenu, et mette en doute la rentabilité d'un autre régiment en invoquant son attrition de l'année dernière.

Je voudrais que les décisions soient prises au grand jour en fonction d'un modèle bien précis pour que tout le monde puisse mesurer les conséquences. C'est en fait ce que j'ai fait au cours de cette expérience intellectuelle; j'ai procédé tout simplement par modélisation et constaté ce que cela donnait. J'aime que tout soit bien clair.

M. Mifflin: Parlons chiffres. Je crois qu'à un certain moment, quelqu'un nous a dit clairement que les 14 500 personnes en question font partie de la milice et non des forces de réserve. Il faut donc y ajouter les forces de réserve navales et aériennes ainsi que celles des communications.

Col MacDonald: C'est exact.

M. Mifflin: Je crois que cela fait un bon 20 000 au total, et c'est ce que dit le Livre blanc.

Col MacDonald: C'est 23 500, si je ne me trompe.

M. Mifflin: Par conséquent, si nous approuvons le Livre blanc, il va falloir trouver 3 000 personnes supplémentaires.

Le président: D'après les chiffres que nous avons, il n'y a pas de problème.

M. Mifflin: Ce que je veux dire, c'est que ce chiffre de 14 500 correspond pas mal à ce qu'on nous disait dans le Livre blanc de l'année dernière, si je comprends bien.

Col MacDonald: Oui, bien que la Commission ait signalé à juste titre que le plafond prévu pour les soldats rémunérés ne correspond pas nécessairement exactement au nombre de personnes qui font effectivement partie du système.

M. Mifflin: Nous comprenons cela et l'on peut faire des compromis au niveau des grades, en comptant par exemple cinq soldats pour un général.

M. Hart: [Inaudible]

M. Mifflin: Nous n'avons pas de problème en ce qui concerne la force de réserve navale. C'est ce qu'indique le rapport.

Une voix: Que l'on se débarrasse des amiraux!

Une voix: Ils sont tous ici.

Des voix: Oh, Oh!

M. Mifflin: J'ai un commentaire à faire à propos de la technologie. Je serai le plus bref possible.

Une des raisons pour lesquelles la marine a évolué comme elle l'a fait, c'est que l'on ne pouvait pas s'attendre à ce que des réservistes viennent faire dans un des DDH280 le travail d'un officier marinier qui a dû faire deux ans de formation. Il a donc fallu recommencer à zéro.

Non seulement a-t-il fallu repenser les rôles, les responsabilités et les normes de métier des réservistes de la force navale, en fonction du temps dont ils disposent ou dont ils ont des chances de disposer, mais il a fallu ensuite trouver des navires spéciaux pour eux parce que, comme l'a signalé M. Mitchell, leur tâche ne consiste pas à sillonner tous les océans pour surveiller la marine russe mais plutôt à poursuivre des contrebandiers d'alcool, des braconniers, des passeurs de drogue et à accomplir d'autres tâches de ce genre.

Je ne sais pas très bien comment cela s'applique à la milice. Je sais comment cela s'applique à l'infanterie. Il faut toutefois penser aux métiers spécialisés. Quant à savoir si les 60 jours de formation prévus pour un milicien, pour un fantassin, lui permettent d'arriver au niveau, ou à peu près, d'un membre de la force régulière, c'est une question de jugement. Je n'en suis pas sûr.

Colonel, vous avez dit que vous aviez une compagnie qui a participé à une mission de maintien de la paix. Quel était réellement, d'après vous, son degré d'efficacité?

Col MacDonald: Je n'ai jamais commandé une compagnie dans le cadre d'une mission de maintien de la paix.

M. Mifflin: Non, mais il y avait dans votre district, si j'ai bien compris, une compagnie qui...

Col MacDonald: Oh, c'est arrivé bien longtemps après que j'eus cessé d'assumer le commandement de ce district.

M. Mifflin: Oui.

Col MacDonald: Revenons à ce que vous avez dit à propos de la force de réserve navale. Il y a évidemment l'autre aspect, celui du contrôle naval de la navigation commerciale, qui, selon la marine, est une nécessité en temps de guerre mais pas en temps de paix. Par conséquent, c'est une tâche qui peut être confiée à la force de réserve navale; c'est plus rentable que si elle est assumée par la force navale régulière.

L'attitude de la force navale à l'égard de sa force de réserve me paraît très raisonnable. Elle a décidé qu'étant donné la longue formation que l'utilisation de la haute technologie exige, cette tâche ne pouvait être confiée qu'à un membre de la force navale régulière et que l'utilisation des technologies moins sophistiquées qui ne nécessitent pas une formation aussi longue pouvait être facilement confiée à un membre de la force navale de réserve. Certaines autres tâches nécessaires en temps de guerre seulement peuvent aussi être confiées sans problème aux forces de réserve.

Il est possible d'appliquer le même raisonnement à l'armée. Par exemple, la mobilisation des troupes pour certaines fonctions n'est pas absolument nécessaire pour l'instant, mais bien en cas de guerre. Dans ce sens, on pourrait prévoir des activités comparables au contrôle naval de la navigation commerciale.

M. Mifflin: Effectivement.

Col MacDonald: Je signale par ailleurs que dans la plupart des cas, dans l'armée, les compétences techniques exigées de l'utilisateur sont d'un niveau moindre que celles qu'il faut pour un 280 ou une FCP. La majeure partie des compétences technologiques nécessaires peuvent être acquises par des gens qui font cela à temps partiel.

Chose étrange, je ne dirais pas nécessairement que c'est la même chose en ce qui concerne l'infanterie, et en particulier l'infanterie légère. Ceux qui sont dans l'infanterie légère doivent posséder une série de compétences extrêmement complexes. Je dirais même qu'ils doivent recevoir une formation plus poussée que les membres de l'infanterie lourde ou que les conducteurs de véhicules blindés motorisés de transport de troupes.

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À bien des égards, la formation nécessaire pour faire partie d'un détachement d'artillerie est moins compliquée que pour l'infanterie légère, parce qu'il s'agit de faire toute une série de gestes et d'exercices répétitifs et qu'une fois qu'on les a appris, on est tranquille.

Il faut un certain temps à un artilleur pour s'adapter à un autre modèle de canon. Je dirais qu'il faut probablement deux semaines à quelqu'un qui fait partie d'un détachement utilisant des canons de type 105 à missiles TOW pour s'adapter aux tâches que doit exécuter un membre d'un détachement de canons antiaériens automoteurs, sauf s'il s'agit d'un conducteur ou d'un commandant. Dans ce cas, le transfert de compétences est relativement simple.

Dans tous ces cas-là, il faut voir quelles sont les compétences requises et se demander combien de tâches nécessitent 8 000 heures de formation. Il arrive que ce ne soit pas nécessaire. On constate très souvent qu'en temps de paix, les armées ont tendance à ajouter à leurs cours des matières qui pourraient être utiles ou qu'il faudrait connaître; du coup, la matière indispensable est noyée dans la masse et le cours s'allonge de plus en plus. Quand une guerre éclate, on ramène tout à l'essentiel, car il faut produire des renforts. Il ne faut pas perdre cela de vue non plus.

M. Mifflin: C'est une remarque très pertinente et j'apprécie le fait que vous ayez attiré notre attention là-dessus.

Je constate qu'il ne me reste presque plus de temps et il faudra par conséquent que je fasse une sélection. Je n'aborderai pas la question de la législation, parce que je connais vos opinions à ce sujet. Vous les avez exprimées très clairement.

D'après ce qu'ont dit les témoins que nous avons entendus jusqu'à présent, j'ai l'impression qu'en ce qui concerne la milice, il faudra dorénavant faire un compromis; il s'agira d'accroître son efficacité en partant du principe qu'il y a toujours moyen de l'améliorer, en renonçant à assurer une présence dans toute une série de petites localités comme Kelowna, Corner Brook et Stephenville. Je simplifie peut-être le problème à outrance, mais c'est le compromis qu'il faudra faire. Je crois que c'est un compromis conscient. C'est également un compromis politique et nous n'y couperons pas, à mon avis.

Quel type de critères suggérez-vous d'appliquer dans ce contexte? Je ne suis même pas sûr que vous acceptez ma prémisse, mais dans ce cas, comment suggéreriez-vous de procéder?

Col MacDonald: Comme vous le dites si bien, je ne suis pas sûr d'accepter votre prémisse, parce que je préfère envisager le problème sous l'angle de la rentabilité. Je veux voir combien coûte le peloton et demi ou la compagnie qui se trouve à Kelowna et savoir combien on économiserait en fait en fermant la base militaire de cette ville et en déménageant les troupes à Vancouver car quand on ferme une base, on perd l'investissement en capital humain qui a déjà été fait et il est possible que les économies possibles soient relativement faibles. Je voudrais avoir sous les yeux des chiffres précis qui me permettent de faire des comparaisons sur le plan de la rentabilité. Comme je suis un Écossais méfiant et que j'aime savoir en tout temps où j'en suis lorsqu'il s'agit de mes petits sous, je tiens à voir des chiffres qui me prouveront que c'est effectivement une solution rentable.

M. Mifflin: C'est à ce point de vue-là qu'une analyse des répercussions est utile.

Col MacDonald: Précisément.

M. Mifflin: Ce n'est que juste.

Le président: Merci, messieurs.

J'ai quelques toutes dernières questions à poser au colonel MacDonald.

Dans votre dernier paragraphe, où vous parlez de la conclusion de la Commission, vous dites que la Commission spéciale devrait pouvoir faire appel à des vérificateurs et à des juriscomptables ainsi qu'à d'autres spécialistes ayant beaucoup d'expérience. Comme l'ont dit l'amiral et d'autres témoins, nous devons maintenant tirer une conclusion et décider ce que nous allons faire du rapport.

Envisagez-vous par exemple la possibilité que nous recommandions que la mise en oeuvre de ce rapport, dans quelque ordre que ce soit, soit assurée par un groupe de personnes recommandées par nous, qui devraient nous tenir régulièrement au courant des résultats? Croyez-vous que l'on pourrait envisager cela pour faire l'étude dont vous et l'amiral avez parlé? Quel délai faut-il envisager? Est-on pressé d'en finir ou faut-il faire les choses dans les règles, ce qui prendrait par conséquent plus de temps? Pensez-vous que ce serait réaliste, que nous pourrions envisager les choses de cette façon, en chargeant un groupe de personnes de mettre le rapport en oeuvre?

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Col MacDonald: Je dirais tout d'abord qu'il est plus important de faire les choses dans les règles que d'en finir immédiatement. À mon avis, il est arrivé trop souvent que l'on fasse bifurquer la politique canadienne de défense sans en avoir mesuré soigneusement toutes les conséquences, pour revenir ensuite au point de départ au bout d'un certain temps.

J'estime que la défense de notre pays a une telle importance qu'il faut faire les choses dans les règles. Cela signifie qu'il faut faire une analyse des répercussions. Il faut s'asseoir et dire: «Un instant. Ce n'est pas suffisant. Reprenons tout à zéro et assurons-nous que c'est la bonne solution.»

Que vous soyez ou non en mesure de le faire, c'est évidemment à vous de juger, parce que c'est vous et pas moi qui connaissez votre comité. Je suis toutefois convaincu qu'il faut réaliser un certain équilibre en quelque sorte. Il faut reconnaître que si on le laisse faire, le ministère continuera à agir comme par le passé. Dans certains cas, sa performance sera extraordinaire - et l'opération en ex-Yougoslavie est un très bel exemple - et dans d'autres, elle sera plus médiocre, et nous savons de quoi il s'agit.

Par conséquent, je vous encouragerais une fois de plus à faire diligence sans pour autant aller trop vite.

Le président: Merci.

Monsieur Mitchell, avez-vous quelque chose à dire pour terminer?

M. Mitchell: Non.

Le président: Je vous remercie infiniment tous les deux d'être venus. Vous nous avez donné quelques idées excellentes et même parfois très originales sur les questions qu'il faudrait examiner avant de faire nos recommandations à la Chambre, peu importe le résultat final.

La séance est levée.

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