Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 décembre 1995

.1530

[Traduction]

Le président: Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons l'étude du rapport de la Commission spéciale sur la restructuration de la réserve.

Aujourd'hui, nous recevons deux groupes de témoins. Tout d'abord, M. John Craig Eaton, président du Conseil de liaison des Forces canadiennes. En plus d'être membre de nombreux conseils et commissions, M. Eaton est également colonel honoraire du 400e Escadron d'entraînement opérationnel - Hélicoptères, basé à Toronto. Évidemment, M. Eaton n'est pas un étranger parmi nous. Nous connaissons tous l'important travail qu'il accomplit pour les réservistes canadiens depuis des années.

Il est accompagné de M. Léo Desmarteau, directeur général du Conseil de liaison des Forces canadiennes.

Messieurs, veuillez présenter votre exposé, après quoi nous passerons à la période de questions.

M. John C. Eaton (président national, Conseil de liaison des Forces canadiennes): Merci beaucoup, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bon après-midi. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de comparaître devant le comité pour parler de l'importante question qu'est la loi sur la protection des emplois.

Évidemment, nous comparaissons à la suite de la recommandation que la commission spéciale sur la restructuration de la réserve a faite au sujet de l'adoption d'une loi sur la protection des emplois. Je voudrais énoncer la position du Conseil de liaison des Forces canadiennes en ce qui concerne l'appui et la protection des réservistes par leurs employeurs, et me concentrer sur la question de la loi.

D'emblée, je tiens à préciser que le conseil n'appuie pas l'idée d'une loi destinée à protéger l'emploi des réservistes, sauf en cas de guerre ou dans une situation d'urgence déclarée en vertu de la Loi sur les mesures d'urgence. Nous comprenons assurément les besoins des réservistes et nous sommes prêts à leur accorder bénévolement notre aide pour obtenir leur appui. Cependant, nous estimons qu'il y a peu à gagner et beaucoup à perdre si l'on adopte une loi. La réaction extrêmement positive des entreprises et des industries à l'appel du Conseil nous fait croire que les employeurs sont prêts à appuyer leurs employés réservistes sans y être obligés par une loi.

Le Conseil compte 15 cadres supérieurs d'entreprise qui travaillent bénévolement pour sensibiliser les chefs d'entreprise commerciale et industrielle et les informer des avantages qui peuvent découler du fait d'avoir des employés réservistes. En retour, nous demandons aux employeurs de donner à ces employés le congé nécessaire pour participer à la formation et aux opérations militaires.

Le Conseil est en période de croissance, et actuellement, nous sommes en train d'établir des comités provinciaux pour développer ses activités. D'ici l'été 1996, nous devrions avoir près de 100 bénévoles travaillant pour le Conseil dans toutes les régions du pays. Le Conseil est appuyé par un réseau de 14 agents de liaison, qui assurent un lien essentiel entre le Conseil et les organisations militaires dans tout le pays. Le Conseil est administré par un secrétariat qui compte huit employés au ministère de la Défense nationale ici à Ottawa.

Les questions relatives à l'appui aux employés et à la protection des emplois surgissent de temps à autre quand on parle de l'utilisation de la réserve. Cela a été le cas au milieu des années 1970, d'où la création du prédécesseur du Conseil, c'est-à-dire le Comité national d'appui des employeurs. La question s'est encore posée au milieu des années 1980, ce qui a entraîné la revitalisation du programme d'appui aux employeurs et la création du CLFA, c'est-à-dire le Conseil de liaison des Forces canadiennes. Il convient de noter qu'en même temps, l'idée d'une loi sur la protection des emplois a été étudiée de façon approfondie, et que le rapport qui en a découlé a permis de rédiger la politique canadienne actuelle relative à la loi sur la protection des emplois.

.1535

Le Conseil a décidé de redynamiser son approche en avril 1993, ce qui signifie que le processus est toujours en cours. Il faut faire preuve de prudence et ne pas juger de l'appui des employeurs exclusivement par les résultats obtenus au cours des deux premières années d'existence du Conseil.

Dans le cadre du dialogue avec les employeurs, le Conseil met l'accent sur les compétences en gestion, les valeurs et les aptitudes professionnelles que les réservistes acquièrent et utilisent dans leurs emplois civils. En retour, on demande aux employeurs d'adopter une politique relative aux congés militaires, qui permet aux employés d'obtenir un congé de deux semaines chaque année afin de participer à un exercice annuel, d'offrir peut-être la différence entre les rénumérations civile et militaire pour éviter toute perte de revenu, et d'accorder peut-être du temps supplémentaire pour participer aux cours et un congé sans solde pouvant aller jusqu'à 12 mois pour participer aux missions opérationnelles.

Au cours des deux dernières années et demie, le Conseil a mis en oeuvre six programmes pour communiquer son message aux employeurs. La communication permet au Conseil d'atteindre un grand nombre d'employeurs par le biais d'envois postaux, d'exposés à des groupes et d'articles dans des publications d'entreprise. ExecuTrek permet aux employeurs de voir les réservistes en formation. L'ombudsman aide à prévenir les conflits et contribue à les régler. Nous décernons des prix aux employeurs méritants. L'Aide à l'emploi des réservistes facilite leur embauche. L'appui aux unités de réserve donne aux réservistes et à leurs unités les instruments permettant d'entretenir de bons rapports avec les employeurs. Ce dernier programme sera utilisé pour communiquer avec les employeurs des réservistes.

Quand nous abordons les employeurs pour demander leur appui, il est important de comprendre que les exigences relatives aux congés peuvent varier selon l'opération militaire envisagée. Bien entendu, il y a des mesures d'urgence en temps de guerre et en temps de paix, des exercices de formation annuelle, des cours, des opérations et des missions au Canada et à l'étranger. Pour chacune de ces activités, les réservistes ont besoin de demander à leurs employeurs un congé dont la durée peut varier de quelques jours à deux semaines et même jusqu'à un an. Dans certains cas, comme celui de l'exercice annuel, les réservistes peuvent demander un congé payé ou la différence entre les rénumérations civile et militaire pour éviter une perte de revenu.

La grande majorité des réservistes estiment qu'une loi serait une mesure ultime pour répondre à leurs besoins d'appui et de protection, surtout en raison du fait qu'ils connaissent la loi en vigueur aux États-Unis. Mais quand ces réservistes se rendent compte que la protection des emplois peut entraîner des pratiques d'embauche discriminatoires ou nuire à leur avancement, comme on l'a vu aux États-Unis, ils changent d'idée.

Les réservistes qui demandent une loi ne se rendent souvent pas compte qu'ils seront tenus de donner à leurs employeurs un préavis de congé. Dans le contexte canadien actuel, cela serait extrêmement difficile parce que les réservistes ne sont pas informés assez tôt pour respecter leurs obligations en matière de préavis.

Beaucoup de réservistes ne connaissent pas le travail du Conseil ni les résultats qui ont été obtenus en matière d'appui aux employeurs. Le principal véhicule utilisé pour informer les réservistes vient tout juste d'être mis sur pied, au printemps de 1995. Une fois que les réservistes prennent conscience de la réaction positive des employeurs aux demandes d'appui, ils préfèrent souvent que les employeurs donnent volontairement leur accord plutôt que de recourrir à des moyens législatifs.

.1540

En fait, la démarche utilisée par le Conseil encourage les employeurs à envisager un partenariat avec l'armée. Dans cette perspective, les employeurs acquièrent une attitude positive à l'égard de la formation militaire, ce qui contribue souvent à l'avancement des réservistes. À mesure que ces derniers prennent conscience des avantages de cette relation, ils comprennent que la loi détruit souvent la possibilité de partenariat.

L'expérience des autres pays en ce qui concerne les lois sur la protection des emplois peut nous servir de leçon. Même si nous n'avons pas eu l'occasion d'étudier la question en détail, en 1994, les États-Unis ont adopté une nouvelle loi sur l'emploi et le réemploi, qui régit toute la question. L'un des changements importants apportés à la loi est l'ajout de certaines dispositions pour remédier aux pratiques d'embauche discriminatoires qui ont découlé de l'ancienne loi. En dépit de la nouvelle loi, l'homologue américain du CFLA doit répondre chaque mois à 300 plaintes, dont certaines portent encore sur la discrimination dans l'embauche.

Au Royaume-Uni, la disposition de la Reserve Forces Act de 1985 relative à la protection des emplois, qui s'applique lorsque les réservistes sont convoqués, demeure en vigueur et ne changera pas dans un avenir proche. La politique britannique en matière de protection des emplois est semblable à la politique canadienne actuelle. De nouvelles mesures sont envisagées pour aider aussi bien les réservistes que leurs employeurs à faire face à une augmentation du nombre de rappels.

Avec sa Volunteers Employment Protection Act de 1973, la Nouvelle-Zélande a constaté qu'une loi utilisée pour contraindre les employeurs risque d'avoir des effets négatifs, et qu'elle ne serait utile que si elle exerçait une pression morale sur les employeurs tout en accordant un appui politique aux réservistes.

Au Canada, aucune loi semblable n'a été adoptée sauf pendant la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée. Nous avons toujours compté sur l'appui volontaire des employeurs pour tous nos besoins en réservistes. Au cours des deux dernières années et demie, le Conseil s'est évertué à mettre sur pied un programme d'appui des employeurs. Même si ce programme en est encore à ses débuts, nous sommes heureux de vous informer que des résultats importants ont été obtenus et qu'ils nous permettent de conclure à l'inutilité d'une loi.

Dans sa nouvelle forme, le Conseil a distribué des informations sur la force de réserve à plus de 250 000 employeurs. Au cours des trois dernières années, plus de 1 500 employeurs rendu visite à des réservistes en formation.

Actuellement, le CLFA a une liste de 1 830 employeurs qui sont disposés à étudier favorablement toute demande de congé provenant de leurs employés réservistes. Les employeurs ont donné des indications de leur appui dans des lettres adressées au Conseil, dans des déclarations d'appui ou dans des politiques de congé militaire adoptées par leurs entreprises.

Nous savons que 238 employeurs disposent d'une politique relative au congé militaire, et105 d'entre eux ont déposé un exemplaire de leur politique au Conseil. Ajoutons à cela les employeurs qui ont des politiques de congé qui tiennent compte des congés militaires sans les mentionner de façon précise. Avec une déclaration d'appui ou une politique de congé militaire,775 employeurs ont exprimé officiellement leur appui au Conseil.

En plus d'accorder aux réservistes deux semaines de congé annuel, 44 p. 100 de ces employeurs sont prêts à compléter leur salaire, à raison de 65 p. 100 s'il s'agit de 12 mois de congé et de 84 p. 100 s'il s'agit de temps supplémentaire pour la participation aux cours et aux opérations.

Le Conseil participe à un certain nombre de projets intéressants qui vont produire des résultats utiles. Des mesures ont été prises, surtout dans le cadre du programme d'appui aux unités de réserve, pour concentrer notre attention sur les employeurs des réservistes. Nous communiquerons avec ces employeurs par la poste. Ils seront invités par leurs employés à participer au programme ExecuTrek, et certains d'entre eux recevront des prix dans le cadre du programme créé à cette fin.

Récemment, le Conseil a réussi à obtenir un engagement officiel d'appui à la réserve de la part du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Cet appui a été exprimé officiellement et publiquement pendant la journée de la réserve, en octobre dernier. Je suis heureux d'annoncer que des événements semblables auront probablement lieu en Saskatchewan en avril 1996 et peut-être en Ontario à l'automne de 1996. Monsieur le président, nous attendons encore la décision de Terre-Neuve.

.1545

Ces percées importantes auprès des gouvernements provinciaux, et même des administrations municipales, notamment à Riverview, St. John's et Ottawa, contribueront sans aucun doute à prouver que les employeurs sont prêts à appuyer la réserve.

Le Conseil croit fermement que la politique actuelle relative à la protection et au soutien des réservistes est suffisante. L'emploi doit être protégé par une loi dans les cas d'urgence en temps de guerre ou en temps de paix, et je crois que les employeurs sont prêts à accepter une loi dans ces circonstances. Le ministère de la Défense nationale doit rédiger un projet de loi et le tenir forêt pour qu'on puisse l'utiliser au besoin. Je crois que le ministère de la Défense nationale a décidé récemment d'aller de l'avant avec ce projet.

Dans tous les autres cas où il est question du service volontaire des réservistes, l'appui des employeurs doit être volontaire. Si le gouvernement devait envisager d'adopter une loi, il sera nécessaire d'en évaluer les répercussions financières pour les employeurs en ce qui concerne les salaires et les complications constitutionnelles en ce qui concerne les pratiques d'emploi, qui sont du ressort provincial, et aussi se pencher sur les questions juridiques touchant aux exemptions et aux exceptions à la loi.

Je m'en voudrais de ne pas parler de la situation au gouvernement fédéral. Actuellement, ce dernier a une politique régissant le congé militaire pour ses employés réservistes. Les fonctionnaires fédéraux ont rencontré un certain nombre de difficultés, et il serait éminemment souhaitable que le gouvernement national prenne les devants pour leur accorder une protection et un appui suffisants.

Actuellement, l'octroi d'un congé militaire relève de la discrétion de chaque ministère, conformément à la politique du Conseil du Trésor. Le congé devrait être obligatoire. Pour prendre des cours et participer à une formation spéciale, les réservistes doivent prendre un congé sans solde. Une fois de plus, il faut remédier à cette situation pour éviter que les réservistes soient défavorisés parce qu'ils prennent des cours.

Dans la politique actuelle, aucune disposition ne prévoit de congé à long terme pour participer à des opérations militaires. Même si ce genre de congé a été octroyé pendant la guerre du Golfe, cela n'est pas prévu dans la politique. Les dispositions relatives au congé militaire doivent être énoncées clairement pour éviter la confusion.

Enfin, certaines difficultés ont surgi parce que les paliers d'administration inférieurs ne connaissaient pas l'existence de la politique relative au congé militaire. Pour corriger cette situation, il faudrait entreprendre une campagne de promotion au sein du gouvernement fédéral afin de sensibiliser l'administration en la matière.

À maintes reprises au cours des dernières années, le Conseil a discuté de la question d'une loi sur la protection des emplois. Dans le cadre de ce débat, les membres du Conseil ont étudié sérieusement la demande des réservistes relative à la protection des emplois, et ils ont convenu que c'était très tentant. Toutefois, après avoir étudié tous les faits et toutes les implications, ils ont conclu qu'une loi n'assurerait pas nécessairement toute la protection nécessaire et qu'une bonne partie de l'appui des entreprises et des industries pourrait disparaître si l'on adoptait une loi.

Le Conseil a observé le travail fait dans d'autres pays et il a constaté qu'il valait mieux utiliser une démarche essentiellement volontaire en ce qui concerne l'appui des employeurs. Les résultats obtenus par le Conseil dans un délai relativement court militent fortement en faveur de la démarche volontaire. Le Conseil croit qu'une loi n'est nécessaire que pour les mesures d'urgence en temps de guerre et en temps de paix. Le Conseil croit que l'utilisation d'une loi pour toutes autres fins serait préjudiciable aux réservistes.

Monsieur le président, j'ai terminé.

Le président: Merci, monsieur Eaton. Vous avez été on ne peut plus clair. Vous êtes resté fidèle à la position que vous avez toujours défendue lors de vos comparutions devant ce comité depuis que j'y siège, et je suis sûr qu'elle va susciter de nombreuses questions et observations.

Monsieur Jacob, voulez-vous commencer?

.1550

[Français]

M. Jacob (Charlesbourg): Bienvenue, monsieur Eaton, et merci pour votre présentation.

Tout au long de votre présentation, il était clair que vous n'aviez pas du tout l'intention d'appuyer une loi qui obligerait l'employeur à traiter les réservistes d'une façon particulière. Vous favorisez une approche plutôt libre.

Ma question porte sur la participation des réservistes à certaines missions de paix ou autres. On sait très bien qu'il y a rarement plus de 25, 27 ou 30 p. 100 de réservistes dans ces missions. Croyez-vous que cette approche, qui se veut un genre de partenariat et qui n'a pas donné de résultats positifs, est trop coûteuse?

[Traduction]

M. Eaton: Monsieur Jacob, je maintiens qu'à travers l'histoire du Canada, il n'y a jamais eu de loi pour assurer la protection des emplois des miliciens en temps de paix. Nous avons toujours compté sur les bénévoles et le bénévolat, et les milieux d'affaires et industriels ont toujours appuyé le programme volontaire. Si les choses devaient changer, je pense que nous perdrions beaucoup d'appui de la part de ces derniers.

J'espère que j'ai répondu à votre question.

[Français]

M. Jacob: Si vous basez votre théorie essentiellement sur le bénévolat, tant de l'employeur que du réserviste, je me demande comment la situation peut s'améliorer, compte tenu du fait que qu'environ 60 p. 100 des emplois dépendent des petites entreprises, lesquelles, selon moi, n'ont peut-être pas le même sens du bénévolat ou du partage que les grosses entreprises, le gouvernement ou certaines municipalités. Connaissez-vous un autre moyen de faire participer les petites entreprises, qui sont déjà l'employeur le plus important et qui, jusqu'à ce jour, ont plus ou moins participé?

[Traduction]

M. Eaton: Nous bénéficions de l'appui des grandes sociétés, de même que des petites et moyennes entreprises. Toutefois, quand nous parlons des petites entreprises, nous devons nous assurer que la période de formation des réservistes coïncide avec les périodes où les activités de leurs employeurs sont au ralenti. Il s'agit là d'une question qui nous préoccupe de temps en temps, mais nous semblons avoir été en mesure de conserver l'appui des petits entrepreneurs, qui, pour une raison quelconque, sont farouchement opposés à l'idée d'une loi.

.1555

[Français]

M. Jacob: Je comprends que ce ne n'est pas dans la mentalité canadienne que de recourir à une loi. Par contre, même si vous me dites que les petites entreprises pourraient favoriser ce recours, ce n'est pas vraiment le cas.

Vous dites que l'entraînement peut se faire pendant des périodes où il y a moins de travail. Si un réserviste acceptait d'aller en mission de paix, pourrait-il reprendre son emploi à son retour? Il n'y a actuellement aucun incitatif qui permette à ce réserviste d'aller en mission. L'expérience passée des petites entreprises tend à prouver que très souvent, on ne peut pas réintégrer son emploi. Compte tenu de cela, beaucoup de réservistes n'accepteront pas de participer à des missions. Je vois mal la situation actuelle se poursuivre.

Vous pourriez peut-être nous faire part de certaines recommandations. Compte tenu de la situation actuelle, si on a lu le rapport et que l'on veut valoriser le rôle des réservistes, augmenter leur nombre, les rendre plus efficaces et plus compétitifs et rationaliser les coûts, il faudra ajouter certaines choses.

Vous voulez nous convaincre de votre approche, mais les faits sont là. L'utilisation des réservistes pourrait être stimulée par un incitatif quelconque. Je n'en connais pas, mais j'aimerais que vous nous en donniez un.

[Traduction]

M. Eaton: Je n'ai pas de réponse à cette question. Vous pouvez mentionner un cas précis où une petite entreprise a perdu un employé valable au profit des forces armées, ou alors le cas d'une petite entreprise dont un employé réserviste a dû quitter les forces armées pour conserver son emploi. Des deux côtés, il faut faire des compromis.

Nous ne pouvons régler tous les cas particuliers, mais nous réglons la plupart des problèmes. Vous comprenez bien que d'un côté, il y a le choix de l'individu. S'il veut participer au maintien de la paix, il se pourrait qu'il quitte son emploi. Inversement, s'il veut conserver son emploi, il quitte la réserve, une fois de plus de façon volontaire. Vous parliez d'une infime minorité. Cela ne s'applique pas à tout le monde.

M. Jacob: Merci. Je poursuivrai mes questions plus tard.

M. Mifflin (Bonavista - Trinity - Conception): Je tiens à souhaiter la bienvenue à M. Eaton et au colonel. Je suis heureux de vous revoir. Merci de votre exposé.

J'ai été ravi de passer ce week-end assez particulier au Nouveau-Brunswick avec vous, les colonels, certains réservistes et vos dirigeants. Ces deux jours ont été très édifiants. Ils nous ont permis de comprendre la force de l'organisation que vous représentez et dont je suis un fervent partisan, comme vous le savez. D'où les questions que je vais vous poser.

J'aimerais obtenir une précision: je crois savoir que les Américains appliquent plus ou moins la même loi que celle que propose la commission, mais par contre, les Britanniques, les Néo-zélandais et les Australiens n'ont pas de loi semblable. Est-ce vrai?

M. Eaton: C'est exact.

M. Mifflin: Lors de vos discussions avec les responsables d'autres pays, avez-vous constaté qu'ils prenaient des mesures dans le même sens que celles que nous prenons pour promouvoir les forces de réserve?

M. Eaton: En juin dernier, amiral, nous avons organisé une conférence portant sur l'appui des employeurs, à laquelle assistaient les représentants de 11 pays, dont certains partenaires de l'OTAN. La majorité des pays qui appliquaient une loi de ce genre s'en mordaient les doigts. Certains pays avaient adopté une loi et l'avaient abrogée par la suite. Les pays qui n'avaient pas légiféré dans ce domaine étaient tout à fait satisfaits du système de volontariat. À leur avis, c'est la meilleure façon d'aborder le problème dans les années 1990 et début du XXIe siècle.

.1600

M. Mifflin: Il existe à ce titre certains paradoxes et certaines contradictions. Permettez-moi de vous en citer quelques exemples.

Je parle en tant que membre du comité spécial mixte. Cinq d'entre nous sont présents aujourd'hui. Lorsque le Comité spécial mixte sur la défense nationale a débuté ses délibérations il y a un an et demi, nous avions l'impression que l'idée d'adopter une loi recevrait un appui très fort. En fait, nous avons constaté que, qu'il s'agisse des réservistes chevronnés, des membres de la milice ou des membres de la réserve navale, il était très difficile de trouver des partisans de l'adoption d'une loi. Nous avons jugé toutefois que lorsque la commission aurait terminé son étude et produit son rapport, les gens changeraient d'avis.

Cela ne s'est pas encore produit. En fait, nous constatons ce que vous êtes en train de nous dire: les gens s'inquiètent. Les préoccupations n'ont pas seulement été exprimées par les petites entreprises, et je pense que mes collègues seront de mon avis. En fait, notre comité a beaucoup de mal à trouver parmi les témoins des personnes qui soient favorables au projet de loi qui a été proposé.

Voici donc ma question: combien de temps avez-vous passé avec les commissaires? Pourquoi, selon vous, vous a-t-il été difficile de les convaincre que votre organisme fait son possible pour atteindre pratiquement le même objectif que celui qu'atteindrait la loi, et ce, avec beaucoup moins de risques et de compressions? Qu'est-ce qui a poussé la commission, d'après vous, à faire ces recommandations?

M. Eaton: Le Conseil a témoigné devant la commission, laquelle a tenu des audiences dans un certain nombre de villes du pays. D'après mes renseignements, à chacune des ces audiences, un réserviste, en général jeune, a déclaré que les réservistes souhaitaient voir adopter une loi sur la protection de l'emploi. Après avoir entendu cet argument dans chaque ville où ils ont siégé, les commissaires se sont sentis tenus d'inclure une recommandation dans leur rapport en disant que les réservistes étaient nombreux à désirer l'adoption d'une loi. Or, après avoir consulté un grand nombre de réservistes, nous constatons tout à faire le contraire.

L'un des arguments les plus convaincants, c'est que si la réserve est axée sur le volontariat, tous les employeurs savent au départ s'ils ont un employé ayant une obligation à remplir envers son unité dans les forces de réserve. En revanche, s'il existe la protection d'emploi ou une loi quelconque et qu'un candidat se présente à une entrevue pour obtenir un emploi, si cette personne a une obligation envers les réserves mais qu'un deuxième candidat se présente pour le même emploi et n'a aucune obligation à remplir, c'est lui qui obtiendra sans doute le poste plutôt que la personne ayant un engagement envers la réserve, car il faudra lui accorder des jours de congé. Si c'est prévu dans la loi, le candidat qui n'a aucune obligation obtiendra sans doute l'emploi.

.1605

C'est ce qu'on appelle la discrimination en matière d'emploi, et, mesdames et messieurs, il est à mon avis très difficile de prouver qu'il y a eu discrimination à l'égard d'un candidat qui postule à un emploi. Si la protection de l'emploi est prévue dans la loi, bien souvent, on risque de nuire aux chances qu'a un réserviste d'obtenir un emploi.

Il est un fait que cette discrimination existe actuellement aux États-Unis, malgré toute la protection prévue dans la loi américaine. Je le répète, l'homologue américain de Léo est saisi tous les mois de 300 cas de discrimination sur le lieu de travail.

Compte tenu de ce qui précède, pourquoi souhaitez-vous nous imposer cette loi alors que les entreprises et l'industrie, et depuis peu les gouvernements, sont de plus en plus sensibles à nos besoins en réservistes dans l'armée, qu'il s'agisse de la réserve navale, aérienne ou de l'infanterie?

M. Mifflin: Vous avez très bien répondu à ma question. Je vous remercie, monsieur.

Si l'on poussait l'argument un peu plus loin, on pourrait prétendre que si la loi était adoptée, qu'elle donne ou non les résultats escomptés, un certain nombre de contacts directs, de personne à personne, qui existent entre le Conseil de liaison des Forces canadiennes et les entreprises canadiennes disparaîtraient. Il n'y aurait plus de contacts personnels. Ce serait dommage, à mon avis.

M. Eaton: Je suis de votre avis. Il va sans dire que le Conseil appuierait la loi si elle était adoptée, car ce serait la loi du pays. Nous estimons toutefois que celle-ci serait plutôt mal reçue par les entreprises, l'industrie ou les gouvernements qui emploient des réservistes.

M. Mifflin: Cela rendrait votre tâche plus difficile.

M. Eaton: Beaucoup plus difficile.

M. Mifflin: J'ai une dernière question, monsieur le président, après quoi je partirai.

Dans le mémoire que vous avez fait parvenir au comité, vous dites que 1 800 employeurs appuient votre organisme mais que seulement 195 d'entre eux ont adopté officiellement une politique relative au congé militaire. Il n'y est pas dit si c'est un début ou si c'est un bon résultat; on pourrait faire mieux. J'ai l'impression que vous continuez d'innover. Vous nous dites en fait que vous commencez à peine à mettre sur pied certaines nouvelles initiatives. J'en conclus que même si 195 employeurs seulement sur les 1 800 ont déposé leur politique, cela ne signifie pas nécessairement que les 1 605 autres n'adopteront pas un jour ou l'autre une politique relative au congé.

M. Eaton: Non. Il y a peu de temps que nous avons mis en oeuvre ce programme et nous avons déjà obtenu une participation de 10 p. 100, ce qui ne représente que la pointe de l'iceberg. Nous espérons d'ici un an ou deux pouvoir compter sur un appui beaucoup plus solide.

Par ailleurs, j'ai parlé des 100 bénévoles. Il s'agit de comités. Par le passé, le Conseil de liaison des Forces canadiennes n'avait que des présidents provinciaux et, ensuite, un autre bénévole ainsi qu'un agent de liaison qui est lui-même réserviste se sont ajoutés à ces présidents. Nous avons maintenant des comités provinciaux qui comptent sans doute dans les cinq à vingt membres, lesquels oeuvrent tous dans le même but: obtenir l'appui des employeurs.

M. Mifflin: Avant de partir, monsieur le président, et en présence de notre collègue, je tiens à remercier M. Eaton de son assiduité dans ce domaine, ainsi que ses collègues qui sont tous des hommes d'affaires canadiens de premier plan, qui, bénévolement, donnent de leur temps pour le bien des Forces canadiennes et de la réserve. Je tiens à vous remercier, monsieur, ainsi que tous ceux qui font partie de votre comité. Je vous encourage à poursuivre dans cette voie.

M. Eaton: Merci beaucoup, monsieur.

Le président: Avant de vous donner la parole, monsieur Hart, je voudrais ajouter quelque chose aux questions de M. Mifflin.

Une des autres recommandations formulées par la commission proposait la conclusion d'un contrat avec des membres de la milice lorsqu'ils deviennent membres des forces de réserve. Cela serait-il possible en l'absence d'une loi sur la protection de l'emploi? Comment pourra-t-on les obliger à respecter un contrat?

.1610

M. Eaton: J'aimerais examiner la question minutieusement avant de répondre à votre question, monsieur le président. Dans quelle mesure le contrat est-il exécutoire? Quelle est la partie du contrat qui...

Le président: Il serait impossible de les obliger à garantir qu'il leur faut participer à une mission s'il leur est impossible d'obtenir un congé de leur employeur.

M. Eaton: Oui, cela peut poser un problème. Nous constatons d'autres problèmes très particuliers dans notre pays. Il y a par exemple le cas de gens qui ont joint la milice en tant que jeunes officiers ou même que simples soldats, et qui pour une raison ou pour une autre, ont été mutés par leur employeur dans une autre région du pays. Or, il ne se trouve pas dans cette région une unité ou une section semblable de la milice. Ces personnes doivent faire passer leur famille avant la milice. Elles sont donc obligées d'y renoncer, ce qui est une grande perte pour nous tous et pour le Canada. C'est la réalité.

Le président: Monsieur Hart.

M. Hart (Okanagan - Similkameen - Merritt): Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord faire une remarque au sujet des opinions diverses que nous avons reçues pour ce qui est de savoir si une telle loi serait ou non discriminatoire. Certains semblent dire maintenant que cette loi pourrait aller à l'encontre de la Charte.

La Chambre des communes a encore des avocats à son service, n'est-ce pas? Pourrions-nous retenir les services d'un avocat de façon à obtenir un avis juridique avant de continuer à perdre du temps en conjectures de toutes sortes...

Une voix: Nous pouvons obtenir un avis.

M. Mifflin: Je n'ai pas de problème, du fait que le président était le juge en chef du Canada.

M. Hart: Nous avons entendu des témoignages contradictoires à ce sujet, toutefois. S'il est possible d'obtenir un avis juridique des avocats de la Chambre des communes... Nous avons des avocats, si je ne m'abuse. Pourquoi ne pas faire appel à eux?

M. Mifflin: [Inaudible - Éditeur] la loi est...

Le président: Elle va à l'encontre de la Charte. C'est ce que vous demandez?

M. Hart: Oui.

M. Hart: Monsieur Eaton, pourriez-vous nous citer certaines entreprises que vous consultez et qui participent aux activités du Conseil de liaison?

M. Eaton: Il y a ma propre entreprise, pour commencer. J'hésite à citer des noms, en fait, mais nous recevons l'appui de grandes sociétés, aussi bien que de PME, et ce, dans le secteur de la fabrication, des ventes au détail, de la publicité, etc.

M. Hart: Il y a de nombreuses définitions de la petite entreprise. Comment définissez-vous la petite entreprise dans votre...

M. Eaton: Toute entreprise qui compte de 1 ou 2 à 20 employés.

M. Hart: Bon nombre de petites entreprises sont en fait des entreprises familiales ou des toutes petites sociétés, comme les stations-services de quartier.

M. Eaton: Lorsqu'il s'agit d'aussi petites entreprises, il n'y a pas de problème. Si l'employé doit partir, il partira.

M. Hart: Lorsque vous avez fait votre étude et que vous vous êtes penché sur ce projet de loi relative à la protection de l'emploi, avez-vous envisagé d'autres possibilités, par exemple, des incitations fiscales à l'intention des employeurs?

M. Eaton Cela sort du mandat du Conseil de liaison des Forces canadiennes, lequel cherche à convaincre les employeurs d'accorder des congés à leurs employés réservistes. Notre mandat se limite à cela. Si je voulais en dire plus à ce sujet, je marcherais sur les plates-bandes de quelqu'un d'autre et je ne pense pas...

M. Hart: Vous n'avez pas examiné la question, donc?

M. Eaton: Ni moi ni le Conseil de liaison.

.1615

M. Hart: Vous vous êtes donc uniquement penché sur la loi relative à la protection de l'emploi?

M. Eaton: Oui.

M. Hart: Les membres du comité et ceux du comité spécial mixte ont entendu de nombreux témoignages, selon lesquels les employeurs ont tout intérêt à compter un réserviste parmi leur personnel. Par exemple, un réserviste est en général un employé beaucoup plus dévoué et il semble que...

M. Eaton: Et loyal.

M. Hart: Et loyal, entre autres choses, ce qui est vraiment avantageux pour l'employeur. Pourquoi, dans ces conditions les entreprises hésiteraient-elles à avoir un atout aussi précieux qu'un réserviste parmi leurs effectifs?

M. Eaton: Tout s'est fait de façon facultative. Je ne sais pas ce que vous en pensez, monsieur, étant vous-même un législateur, mais plus on impose des lois aux gens d'affaires, plus ces derniers désapprouvent les législateurs. Peu importe qu'il s'agisse des autorités provinciales, fédérales ou municipales.

M. Hart: Je suis tout à fait de votre avis.

M. Eaton: C'est la réalité.

M. Hart: Aujourd'hui, quelqu'un a demandé - l'amiral aurait pu poser cette question - pourquoi les réservistes estiment qu'une loi semblable est nécessaire. Ils se sentent sans doute responsables de tous les problèmes de déficit et d'endettement du monde. Étant donné les compressions effectuées dans la force de réserve et dans la force régulière, je pense qu'ils se sentent abandonnés par leur pays. Ce genre de loi les protégerait d'une certaine façon.

M. Eaton: Oui, on peut voir les choses ainsi, mais je continue de maintenir que cela ne servira à rien. Les entreprises ou l'industrie estimeraient que c'est une loi de plus à respecter. Il n'y aurait plus de bénévolat; il n'y aurait plus l'appui que nous essayons d'obtenir.

M. Hart: Ce que je veux dire, c'est qu'étant donné les réductions visant les réserves de la force régulière, il faut qu'il existe des liens avec la collectivité si on veut favoriser le volontariat. Bon nombre de collectivités perdront leur unité de la milice ou de la réserve. En fait, il n'y aurait plus aucune présence militaire dans certaines régions du pays.

M. Eaton: C'est tout à fait vrai.

M. Hart: Comment les gens vont-ils se porter volontaires pour une chose dont ils ne savent rien? D'ici 10 ans, certains élèves de l'élémentaire n'auront jamais vu un uniforme des Forces armées canadiennes.

M. Eaton: C'est exact.

M. Hart: Ainsi, cette loi...

M. Eaton: Je ne pense pas qu'une loi y change quelque chose, si l'élève en question vit dans une collectivité où il n'y a plus aucune présence militaire, si ce n'est le jour de l'Armistice ou le11 novembre. Lorsqu'ils verront leur grand-père sortir avec des médailles plein la poitrine et saluer devant le monument aux morts, cela constituera toute leur expérience militaire. Vous avez tout à fait raison. De temps à autre, ils verront peut-être à la télévision un spectacle aérien offert par l'aviation.

M. Hart: Au lieu d'une loi, donc, vous souhaitez plutôt que le gouvernement agisse de façon judicieuse pour garantir une certaine présence militaire dans toutes les régions du pays où c'est possible.

M. Eaton: C'est une question délicate. Si vous me demandez d'y répondre au pied levé, je dirai que l'armée a servi de bouc émissaire. Il serait souhaitable de trouver un autre secteur dans lequel on pourrait réaliser des économies, car je ne pense pas qu'on puisse effectuer d'autres compressions.

M. Richardson (Perth - Wellington - Waterloo): Moi aussi je souhaite la bienvenue à M. Eaton et au Conseil de liaison des Forces canadiennes.

Je suis sidéré de voir toutes les activités auxquelles vous vous adonnez depuis la dernière fois que nous nous sommes rencontrés. Vous avez pu obtenir l'appui de 1 830 chefs d'entreprises. C'est un progrès important. D'une certaine façon, cela nous a permis d'envoyer un grand nombre de réservistes en Bosnie. Il est indubitable que c'est en grande partie grâce à vous, et cela prouve à quel point ce genre d'activité est utile.

.1620

Notre comité verra sans doute un plus grand nombre de membres de la réserve aérienne, même si celle-ci est moins visible. Un jour, nous revenions de Bruxelles en Airbus, et tout l'équipage, depuis le pilote jusqu'aux hôtesses, était constitué de membres de la force aérienne de réserve. Il y a donc une croissance énorme qui s'exerce à tous les niveaux.

La marine a surtout grandement profité de ce genre d'initiative. Ce genre d'appui d'un bout à l'autre du pays permet certainement à la marine de continuer d'avoir quatre navires en service - deux sur chaque côte. Je ne pense pas que la majorité des Canadiens sachent que l'équipage de ces navires - j'espère ne pas me tromper, Fred - se compose d'environ 90 p. 100 de réservistes.

M. Mifflin: Et même davantage.

M. Richardson: C'est une proportion énorme dont les gens ne sont pas conscients, mais on en arrive peu à peu à reconnaître ce genre de chose.

Il nous faut toutefois pouvoir compter sur les budgets nécessaires, comme vous l'avez dit plus tôt. À mon avis, je ne pense pas qu'on puisse couper encore dans ces budgets car nous avons atteint le minimum.

Au sujet de la réorganisation de la réserve, je pense que le comité aura son mot à dire et fera en sorte qu'il y ait des réserves d'un bout à l'autre du pays, même à l'extérieur des grandes villes d'un million d'habitants.

Je n'ai pas vraiment de question à poser parce que je sais ce que vous faites. Je veux tout simplement vous remercier.

M. Eaton: Merci, général.

Pour en revenir à ce que vous avez dit au sujet des coupures, nous pensons que nous sommes allés assez loin.

Nous nous préoccupons aussi du taux de roulement élevé de la réserve. Le Conseil de liaison des Forces canadiennes en est saisi, et si on pouvait empêcher cela dans les unités qui existeront à l'avenir... Je sais que tout cela est dicté par des exigences budgétaires, mais si les réservistes avaient les instruments voulus pour apprendre leur métier et bien s'acquitter de leurs tâches, ils n'en seraient que meilleurs. Ils voudraient sans doute demeurer dans la réserve au lieu d'y passer un an, un an et demi ou deux ans et de partir ensuite en raison d'un manque d'intérêt. Mais je crois que je m'aventure dans un domaine qui n'est pas de ma compétence.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur O'Reilly, voulez-vous dire quelque chose?

M. O'Reilly (Victoria - Haliburton): Merci beaucoup, monsieur le président. Messieurs, je vous remercie d'avoir accepté de comparaître.

Encore une fois, votre rapport au comité est très fouillé et très bien écrit. Il nous laisse la difficile tâche de trancher entre l'opinion de la commission, qui recommandait que l'on légifère en matière de protection de l'emploi, et la vôtre, qui va dans le sens contraire.

J'ai servi dans la réserve et j'ai connu cette discrimination. Je me souviendrai toujours d'avoir travaillé pour une entreprise qui fermait la dernière semaine de juillet et la première d'août. Or, notre formation avait lieu la première semaine d'août. Je sais très bien ce qui se passe. On vous dit que vous pouvez prendre congé, mais qu'il n'est pas nécessaire de ramener vos affaires si vous revenez postuler un nouvel emploi. J'ai connu cela et je sais qu'il existe effectivement un problème de discrimination.

Pensez-vous que nous devrions réviser le rapport et recommander qu'une mesure éventuelle en ce sens ne vise que les urgences en temps de guerre et en temps de paix?

M. Eaton: Je crois savoir qu'à la Défense nationale, on prépare déjà une mesure comme celle-là. Je suppose qu'elle nous sera présentée au moment opportun. Mais personnellement, je ne recommande pas de légiférer dans ce domaine car cela pourrait miner la bonne volonté de la majorité des entreprises du pays. Je pense que d'ici les deux prochaines années, nous serons en mesure de revenir devant le comité pour lui annoncer que nous pouvons compter sur l'appui et la bonne volonté non seulement des milieux industriels et d'affaires, mais aussi de tous les gouvernements du pays.

Le président: Monsieur Eaton, monsieur Desmarteau, je vous remercie d'être venus nous présenter votre exposé aujourd'hui. Il a été très apprécié.

.1625

Et pour reprendre les propos de l'amiral Mifflin, nous vous remercions également des efforts et du temps que vous avez consacrés au Conseil. Nous espérons avoir l'occasion de vous entendre à nouveau à l'avenir. Nous devons prendre sous peu une décision au sujet de nos recommandations et, avant de le faire, nous tiendrons compte de votre exposé. Merci beaucoup.

M. Eaton: Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, je vous remercie. Merry Christmas. Joyeux Noël et Bonne année.

J'espère que mes souhaits en français ont été consignés au procès-verbal.

Le président: Mesdames et messieurs, nous allons maintenant entendre le major-général Reg Lewis et le brigadier-général Don Pryer.

Chers collègues, je vous rappelle que jeudi, nous avons une rencontre informelle avec le Conseil des colonels honoraires.

La major-général Reg Lewis est directeur du Conseil des colonels honoraires. Il a servi dans l'armée britannique et dans l'armée canadienne et a été Chef de la Réserve de 1985 à 1987. Il a aussi été président international de la Confédération interalliée des officiers de Réserve à l'OTAN, de 1988 à 1990.

M. Pryer est coprésident du groupe Réserves 2000 et ancien commandant du Queen's Own Rifles et du district de la Milice de Toronto.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Comme d'habitude, vous avez une dizaine de minutes pour faire votre exposé. Ensuite, nous passerons aux questions. La parole est à vous.

Major-général à la retraite Reginald W. Lewis (ancien Chef de la Réserve): Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Nous sommes heureux de cette occasion qui nous est donnée d'aborder des questions qui nous intéressent et qui nous préoccupent beaucoup.

Permettez-moi de commencer par le rapport de la CSRR. À mon avis, ce rapport qui commente objectivement les nombreux problèmes de la réserve s'avère fort utile. J'ai trouvé particulièrement pertinent ce qu'il dit sur le modèle de corps proposé, la mobilisation, les avantages, l'opportunité de légiférer et les liens entre la réserve et la communauté, ainsi que l'ensemble de la défense. Malgré les courts délais qui lui étaient impartis, la commission a réussi à s'acquitter de son mandat de façon louable.

J'ai trouvé positif les commentaires de la commission au sujet de la réserve supplémentaire disponible et de la réserve supplémentaire d'attente, mais j'avoue que j'aurai certaines craintes tant que cette réserve supplémentaire ne sera pas devenue réalité. En effet, en dépit d'efforts considérables, on attend depuis longtemps qu'elle voie le jour et j'espère qu'on ne se servira pas de cela comme d'une excuse pour justifier une petite force de réserve primaire et insuffisante.

À cet égard, je suis sûr qu'on a porté à votre attention le fait que le Canada fait figure d'anomalie au sein de la principale alliance dont il fait partie, l'OTAN, pour ce qui est de la taille de sa réserve. Pratiquement tous les pays de l'OTAN ont des réserves plus importantes que leurs forces régulières, à l'exception de la France et des États-Unis, où 46 p. 100 et 48 p. 100 des forces armées sont constituées de réservistes. Chez nous, 28 p. 100 seulement des forces armées sont constituées de réservistes.

Chose particulièrement intéressante à mes yeux, ce pourcentage demeurera constant à partir de maintenant jusqu'au moment où l'on mettra en vigueur les changements et les réductions proposés pour la force régulière et la réserve, selon le Livre blanc. J'espère sincèrement que ce n'est pas une façon artificielle d'arriver à une taille appropriée pour la réserve.

.1630

Je parlerai surtout de la milice, étant donné que c'est là que j'ai acquis le gros de mon expérience.

Si l'on considère les chiffres avancés par le commandement de la Force terrestre, où l'on prévoit que la milice fournira 7 200 soldats, si l'on prend en compte un ratio de 3 p. 100, on se retrouve en fait avec une réserve comptant environ 21 000 ou 22 000 soldats. Cela nous rapprocherait quelque peu du rapport force de réserve force régulière de nos principaux alliés.

À mon avis, les courts délais de publication du rapport n'ont pas permis un examen financier détaillé du coût de la réserve, non plus qu'une analyse coûts-avantages fouillée. Je pense que la commission a trouvé fort difficile de devoir présenter sur le sujet un rapport dicté par des contraintes financières. En effet, la commission était aux prises avec des délais impératifs et manquait sans doute de ressources pour fouiller en profondeur, comme elle aurait dû le faire le problème du coût. Je pense que l'analogie qu'elle fait avec la tranche de pain dans sa conclusion est tout à fait juste.

À mon avis, il conviendrait de revoir à la lumière des conclusions de la commission plusieurs études et rapports antérieurs portant sur les forces armées. On devrait faire un effort pour colliger et concilier ces rapports avant d'apporter des changements en profondeur à la réserve.

La commission a eu des paroles très encourageantes au sujet du fardeau imposé à la réserve, et particulièrement à la milice, en matière de formation. Si je dis cela, c'est que j'en sais long là-dessus. La réaction des autorités a été de répartir la formation en deux modules de deux semaines maximum. Ce n'est pas une mauvaise idée, mais cela ne résout pas le principal problème, soit le fardeau démesuré imposé aux réservistes en matière de formation. Tout ce que cela signifie, c'est qu'il nous faut plus de modules de deux semaines.

Avec votre permission, j'aimerais vous donner quelques explications. La milice compte essentiellement deux programmes de formation des officiers. Nous avons le Programme d'instruction individuelle et profil de carrière de la milice, qui est le programme de formation de la milice. Ce programme s'adresse aux personnes qui aspirent à devenir officiers et qui occupent déjà un emploi, de sorte que leur temps est limité. Pour passer du niveau de base d'élève-officier à celui de deuxième lieutenant, outre les 30 à 35 heures de formation aux quartiers généraux locaux pendant l'année, ils doivent participer à trois phases de 10 jours, à temps plein, ce qui représente environ six semaines. Il n'est pas facile pour quelqu'un qui a un emploi à temps plein de trouver le temps de faire cela.

Ensuite, ils passent de second lieutenant à lieutenant, et la situation se répète exactement pour ce qui est des exigences de temps: 35 jours environ de formation locale, suivis des trois phases de dix jours à temps plein chacun, deux semaines chaque fois.

Il y a aussi un programme beaucoup plus populaire, le PIR-O Programme d'intégration à la Réserve - Officiers. Ce programme amène les participants au niveau de formation des officiers normalisés dans la force régulière. La première phase de la formation exige deux semaines à temps complet; la phase deux, treize semaines et la phase trois, treize semaines encore, à temps plein. Après ces 22 semaines obligatoires, ils accèdent au rang de lieutenant.

À cela s'ajoute la formation aux quartiers généraux locaux. Je serai très bref maintenant. De lieutenant à capitaine, les participants sont tenus de prendre un cours d'État-major qui dure dix jours pleins, en plus de toute la formation locale et des tâches régimentaires. Pour passer de capitaine à major, il faut réussir un examen, ce qui implique qu'il faut étudier pour cet examen, et prendre un autre cours de dix jours à temps plein. Pour passer de major à lieutenant-colonel, il faut suivre un cours d'État-major pour les officiers de la milice et de nombreux cours dirigés, ce qui exige dix week-ends à temps complet, outre les études à la maison. À ce stade, les participants ont beaucoup de travail avec leurs unités, et le programme se termine par deux semaines à temps plein à Kingston.

.1635

Je tiens à souligner qu'en plus, ils doivent consacrer environ 40 jours par an à leurs fonctions régimentaires. C'est donc une tâche à laquelle il faut consacrer beaucoup de temps. J'imagine que c'est presque aussi difficile que d'être député.

Permettez-moi de vous parler du PIR-O. Il s'agit d'un programme très efficace qui a remplacé le Corps-écoles d'officiers canadiens, le COTC.

Avant de devenir chef de la réserve, au moment où j'ai abandonné le commandement du Secteur du Centre (Milice), j'étais agent de projets spéciaux pour la réserve aux quartiers généraux de la Défense nationale. À ce moment-là, on m'avait demandé d'effectuer une étude sur la remise au jour du COTC. Ce Corps-école avait disparu à la suite de la publication du rapport Suttie, en 1964. On y disait que le COTC devrait être offert dans les unités parce que trop de personnes ont pris le cours à l'université et ensuite n'ont pas poursuivi leur service, dans la force régulière ou dans la réserve.

Je vous ai distribué une feuille qui comporte un passage de l'exposé que j'ai présenté devant la CSRR. Si je peux me permettre, je vous invite à la lire puisque j'y explique pourquoi les autres pays maintiennent un programme comme le COTC. On place les réservistes et les soldats réguliers potentiels dans un contexte militaire sur le campus et on leur inculque des qualités de leadership militaire et une éthique militaire. Nos futurs leaders de la magistrature, du gouvernement, de la politique, des universités, de l'industrie et du commerce passent par l'université. Or, nous ne sommes plus présents sur les campus. Auparavant, ces personnes se faisaient au Canada les champions de la cause de la défense. Il est évident que cette clientèle nous fait défaut maintenant.

Le secteur militaire, c'est-à-dire tant la force régulière que la réserve, traverse une période dilicate. Comme l'a mentionné la Commission, il existe un fossé entre la force régulière et la réserve, et c'est malheureux. Je pense que le COTC contribuait beaucoup à prévenir ce genre de fossé, non seulement au sein des forces armées, mais aussi dans la population civile et dans les instances politiques.

Permettez-moi de revenir sur cette étude pendant un instant. J'ai personnellement dirigé l'étude et communiqué avec 70 universités ou établissements analogues dans tout le Canada. Cela englobait certaines entités qui n'étaient manifestement pas appropriées comme le RMC, Royal Roads et certains collèges théologiques.

Si les chiffres vous intéressent, il s'agissait de 66 universités. De ces 66, 37 n'ont pas répondu à ce questionnaire détaillé. Parmi celles qui ont répondu, 13 étaient enthousiastes, trois étaient contre, huit ont eu une réaction manifestement ambivalente et n'avaient pas d'objection à notre présence, et cinq jugeaient que cela ne convenait pas à leur établissement. Je le répète, il y avait entre autres un collègue théologique et aussi le Collège des Beaux-Arts de l'Ontario. Parmi les établissements qui ont répondu, 13, soit 54 p.1 00, ont accueilli avec enthousiasme l'idée de ressusciter le COTC; trois étaient contre, soit 13 p. 100 et huit ont eu une réaction ambivalent, soit 33 p. 100.

Nous avons proposé de lancer un projet pilote à King's College, à Halifax et, ensuite, s'il était couronné de succès, de l'étendre à l'Université de Regina, à Western, à Memorial et à une autre université dans la province de Québec. Après analyse, j'ai constaté que les administrateurs de l'université étaient plutôt en faveur de ressusciter le COTC, et les étudiants aussi. Les professeurs étaient contre, à l'exception de ceux qui avaient déjà participé au COTC.

Il s'agit là d'un exercice qui remonte à quelques années. Je pense que cette fois-ci, l'atmosphère sera meilleure étant donné que nous sommes fort éloignés d'activités comme la guerre du Vietnam.

.1640

En conclusion, permettez-moi de préciser quelle est une position. Je pense que nous devrions avoir une réserve à deux niveaux. Il va de soi que notre réserve doit être préparée pour les quatre phases de la mobilisation, mais comme l'a dit le Livre blanc, c'est une erreur que de se concentrer sur les phases un et deux. Je suis ravi que la commission ait relevé cette erreur. En effet, à ce moment-là, ce n'est pas une réserve, c'est un corps adjacent à la force régulière pour ses activités quotidiennes courantes. Or, une réserve, c'est un peu comme une réserve d'argent. On l'amasse au cas où l'on en aurait besoin. La phase trois s'apparente à la mobilisation d'unités, comme en Corée, et la phase quatre, prévoit la mobilisation de tout le pays. C'est là l'objectif premier d'une réserve.

Voilà pourquoi je suis ravi que la commission ait proposé un modèle de corps. Je pense qu'elle a prévu trop peu de brigades. Qu'il devrait y en avoir au moins neuf pour tenir compte de la situation démographique. J'estime aussi qu'il faut effectuer une analyse coûts-avantages de la réserve pour pouvoir être en mesure de formuler un budget pour elle.

Il convient aussi d'examiner la situation des manèges. Bon nombre sont sans doute redondants, quoique je n'en sois pas très sûr. Chose certaine, il faut se pencher sur les coûts et sur la commodité de ces manèges, notamment sur leur emplacement en termes de transport et de stationnement. Je connais la musique. J'ai entendu dire bien des âneries au sujet de la difficulté d'accéder aux manèges des centres-ville empruntant les transports en commun... c'est tout simplement ridicule. Il faudrait envisager d'avoir des manèges polyvalents pour qu'ils puissent servir à d'autres usages. On pourrait en mousser les aspects historiques, leur trouver d'autres emplois, envisager des entreprises en coparticipation. Sans compter qu'on pourrait examiner la possibilité de les mettre sur le marché. Dans certains cas, il serait plus coûteux de les fermer que de les garder.

À mon avis, nous faisons face à un problème sérieux, particulièrement en ce qui a trait à la réserve, et cela se reflète sur l'ensemble des Forces armées. La réserve est tellement intégrée dans la population civile et dans le monde du travail - comme le montre la présence de M. Eaton ici - , qu'elle devrait pratiquement être transformée en société de la Couronne.

Je pense que nous devrions avoir une réserve à deux niveaux. Si je dis cela, c'est que nous devrions nous attacher à former les rangs subalternes dans un premier temps, et, dans un second temps, les rangs supérieurs. Il est absolument insensé de dire qu'on peut économiser en supprimant un lieutenant-colonel et en ayant quatre simples soldats. On peut former un simple soldat très rapidement - je suis passé par là, et il n'a pas fallu longtemps pour faire de moi un simple soldat. Par contre, il faut beaucoup plus de temps pour former les officiers supérieurs. Comme vous le lirez dans mon document, ce sera notre dilemme si nous nous retrouvons avec une catastrophe sur les bras.

Il serait présomptueux de ma part de faire des recommandations pour les autres volets de la réserve, mais je pense que la milice devrait avoir son propre conseil d'administration. Ce dernier devrait être composé d'un président ou président-directeur général, probablement le commandant des forces terrestres. Il devrait aussi y avoir un ou deux représentants des milieux d'affaires. Il faudrait aussi évidemment un expert-conseil qui s'y connaisse en ressources humaines et aussi un spécialiste de la gestion des questions financières. Je pense qu'il serait bon d'accueillir un universitaire, un représentant du monde de la politique et également le chef de la réserve. Je répète qu'il faut pouvoir disposer d'un budget définitif. Le conseil d'administration en question devrait assumer la responsabilité de ce budget et mettre en oeuvre les changements imposés par le gouvernement. Il est nécessaire de dépolitiser le processus, et j'espère qu'un tel conseil serait un instrument de cette dépolitisation.

Merci de m'avoir accordé ce temps de parole.

Le président: Merci beaucoup.

Voulez-vous ajouter quelque chose, monsieur Pryer?

Brigadier-général à la retraite Don Pryer (Témoignage à titre personnel): Voulez-vous que je continue et qu'on passe aux questions à la fin?

Le président: Oui, on pourrait procéder ainsi.

Br. gén. Pryer: Merci, monsieur le président.

Mesdames et messieurs, je suis enchanté de comparaître devant vous. Je suis le général Don Pryer. Je suis colonel honoraire des Queens's Own Rifles du Canada et ancien commandant de cette unité. Comme le disait votre président, je suis l'ancien commandant de la Milice de Toronto et aussi de ce qui s'appelle maintenant le Secteur du Centre de la force terrestre, anciennement, le Secteur central de la Milice. J'ai également été président du Congrès des Associations de la Défense et je suis l'ancien président de l'Association de l'Infanterie canadienne. Au civil, je suis président et PDG de Armatek Controls Ltd.

.1645

Personnellement, j'ai donné 37 ans de service à la réserve. Je souscris au document Réserves 2000, dont vous avez reçu copie, mais je comparais à titre personnel et en tant que colonel honoraire préoccupé par certaines idées véhiculées dans le rapport du comité. On y prétend en effet que certains titulaires de grades honoraires et certains colonels honoraires, particulièrement en Ontario, sont déloyaux.

Je suis abasourdi par ce genre de commentaire puisque je n'estime pas être déloyal. Je suis loyal envers le Canada, envers mon régiment et envers tous les anciens combattants qui m'ont précédé. J'en ai pris conscience encore plus pendant les activités qui se sont tenues en Hollande et en France, au cours des deux dernières années, soient les cinquantenaires du Jour J et du Jour de la Victoire en Europe. J'espère que le comité permanent, dans son rapport, n'a pas confondu la loyauté avec l'obéissance aveugle à la force régulière.

Je serai très bref. Le général Lewis et moi-même nous sommes rencontrés dans l'avion, et je suis d'accord avec lui sur bien des choses. C'est pourquoi je vais essayer de m'en tenir au minimum, puisqu'il a déjà dit la moitié de ce que j'avais à dire. Je suis d'accord avec lui.

Je voudrais principalement parler de ce qu'on a appelé l'empreinte dans la collectivité, l'importance des réserves pour les milieux de vie, ce que je préfère appeler la présence visible.

M. O'Reilly: Si vous permettez que je vous interrompe, nous avons eu beaucoup de difficultés avec cette empreinte. Je dis toujours au comité qu'une empreinte, c'est ce qui reste après que quelqu'un est passé. Je vous saurai gré d'utiliser un autre terme. Je n'aurai plus à refaire cette recommandation.

Je m'excuse encore de vous avoir interrompu.

Br. gén. Pryer: À ce sujet, en 1980, le ministre de la Défense, Gilles Lamontagne, parlait avec un de ses spécialistes des relations publiques des méthodes de promotion des militaires auprès des Canadiens. Il lui a dit: «N'oubliez pas la réserve. Leurs voisins sont des civils». Je pense qu'il ne faut pas oublier cet aspect important.

Avec votre indulgence, je vais vous lire une page du document de Réserves 2000 qui résume mes pensées:

Je ne veux pas vous ennuyer en vous lisant beaucoup de texte, mais j'ai apporté quelques copies d'un extrait d'une oeuvre de Farley Mowat, intitulée The Regiment. Il s'agit de l'histoire du Hastings and Prince Edward Regiment. J'ai d'autres copies de cet extrait, que je vous donnerai volontiers.

.1650

Je vais simplement lire le premier paragraphe.

Il y a bien d'autres paragraphes dont je vous recommande la lecture, pour que vous compreniez où je veux en venir. Il ne faut pas retomber dans le même piège qu'en 1933.

Je félicite la Commission pour son rapport. Elle a fait beaucoup de travail. Elle a soulevé de très intéressantes questions et nous a fourni beaucoup de sujets de discussion. Il y a certaines choses, toutefois, auxquelles je ne souscris pas.

Comme je le disais, il faut reconnaître que la Commission ne pouvait faire qu'une analyse partielle de l'organisation, comme elle le dit elle-même à la page 78: «Nous avons eu, à certains moments, la sensation d'examiner une seule tranche d'un pain beaucoup plus gros et beaucoup plus coûteux». C'est parce que la Commission avait accepté le mandat qu'on lui avait confié. On lui a donné un plafond économique correspondant à l'ensemble des 23 000 réservistes, soit14 500 membres de la milice. J'aimerais savoir où le ministre a pêché ces chiffres, et pourquoi étaient-ils coulés dans le béton? À cause de cela, la Commission avait les mains liées pour l'examen du rôle des réserves.

Le Canada est l'un des rares pays dont la force régulière est plus nombreuse que la réserve, comme le signalait le général Lewis. Le budget salarial total, y compris les contributions au régime de retraite, pour les Forces canadiennes en 1994-1995 était d'environ - j'ai dû écrire ce chiffre pour bien le comprendre - 3 980.8 millions de dollars, soit, je crois, 3,9 milliards de dollars. Le budget salarial total pour la réserve était de 222 millions de dollars, soit 5,7 p. 100 de l'ensemble. Comme la Commission le signale, pour ces 5,7 p. 100, la réserve a fourni plus de 20 p. 100 des soldats affectés au maintien de la paix dans l'ex-Yougoslavie.

Messieurs, je m'arrête ici parce que je suis convaincu que vous avez beaucoup de questions à me poser, au général Lewis et à moi-même. Je suis prêt à vous répondre.

Le président: Merci beaucoup, général Pryer et général Lewis. Nous passons maintenant aux questions.

Je donne d'abord la parole à M. Hart.

M. Hart: Bienvenue, général Pryer et général Lewis. Il est bon de vous voir ici aujourd'hui.

Pour revenir à votre dernier commentaire, général, pensez-vous que le comité doit recommander une analyse des coûts de la réserve, avant de suggérer la mise en oeuvre de l'une ou l'autre des recommandations?

Br. gén. Pryer: Oui, je pense que c'est ce qui convient. Le rapport du vérificateur général a soulevé des questions intéressantes à ce sujet. Une analyse approfondie montrerait qu'il y aurait d'autres façons d'économiser 100 millions de dollars, plutôt que de couper du côté des manèges militaires. Si on réduit le budget des manèges militaires, c'est comme si, dans une entreprise déficitaire, on décidait de régler le problème en le confiant à la personne responsable de l'achat des crayons.

Si la portion du budget de la réserve consacrée au traitement est à peine de 222 millions de dollars, alors que le budget total de la réserve est de 550 millions de dollars, on peut sûrement trouver des économies quelque part sans enlever quoi que ce soit aux soldats sur le terrain.

Ce sont ces jeunes soldats qui sont importants pour la communauté et le pays. Chaque fois qu'on réduit leur nombre, on augmente leur coût net. Si vous voulez épargner, doublez le nombre de réservistes et le coût par soldat sera coupé en deux. Les frais généraux demeurent les mêmes.

M. Hart: Général Lewis, avez-vous également des commentaires à ce sujet?

.1655

Maj. gén. Lewis: Oui. Je pense qu'une analyse financière est absolument essentielle. Il est clair que les chiffres cités par le passé, au sujet du coût de la réserve, étaient extrêmement exagérés. En fait, certains officiers supérieurs ont même déjà déclaré que le coût d'un réserviste est supérieur à celui d'un soldat de la force régulière.

Je suis comptable de profession et, pour moi, il est inacceptable d'utiliser des chiffres découlant de spéculations. Il doit y avoir une analyse des coûts et des avantages. Mais c'est très, très difficile. Comment répartir les frais généraux? Il faut toutefois s'efforcer de le faire. On peut toujours trouver un moyen, même s'il n'est pas très exact, de déterminer le coût réel.

M. Hart: J'ai une autre question, dans la même veine: «Où le gouvernement et le ministère de la Défense nationale, plus particulièrement, pourraient-ils trouver le moyen d'économiser, sans couper dans la réserve?»

Maj. gén. Lewis: Le général Pryer a fait allusion aux commentaires du vérificateur général. Je me fie à ma mémoire. Je ne veux pas vous induire en erreur et je m'excuse à l'avance de toute erreur. Il a parlé des systèmes d'information et a trouvé là la possibilité d'économiser des sommes extraordinaires, des centaines de millions de dollars. Cela aurait dû réveiller quelqu'un, quelque part. Je pense que nous devons revenir à ce rapport et l'utiliser comme point de départ pour voir comment on peut épargner de l'argent.

M. Hart: Au sujet de notre témoin précédent, M. Eaton, avez-vous des commentaires au sujet d'une loi servant à protéger les emplois?

Br. gén. Pryer: Quand je suis arrivé, son témoignage était déjà commencé, et je n'en ai entendu que la fin. Je suis d'accord. Si nous devons légiférer, il faut que ce soit au sujet de la conscription, parce qu'une protection accordée aux soldats, de manière partielle, nous fera perdre la milice. Nous n'y gagnerons pas. On ne pourrait pas l'avoir pour les éléments clés: la police, les pompiers et les chauffeurs d'ambulance. Nous ne l'aurons pas. Il faudra laisser de côté la milice.

En tant qu'homme d'affaires, si j'ai sous la main les dossiers de quatre candidats, actuellement, je donnerais la préférence au soldat de la milice ou de la réserve parce que je sais la fierté qui l'anime et sa connaissance de la discipline. Toutefois, si, en vertu de la loi, je dois me passer de lui pendant deux semaines, ou plus, j'y songerai à deux fois. Et je le dis en tant que réserviste à tout crin. On ne peut pas diriger une entreprise quand cinq ou six employés doivent partir en même temps pour un camp d'été.

M. Hart: Mais qu'est-ce que vous feriez maintenant, si un réserviste de la milice vous demandait, à vous qui êtes son employeur, de le laisser partir six mois pour une mission de maintien de la paix en Bosnie?

Br. gén. Pryer: Il faut savoir quelle est la position de l'employeur. Je n'aime pas tellement les congés de maternité, lorsque je dois remplacer pendant 19 semaines une secrétaire que j'ai formée pendant cinq ans. Je ne sais pas ce que je ferais si l'un des principaux directeurs devait partir pendant six mois.

M. Hart: Avez-vous des commentaires à ce sujet, général?

Maj. gén. Lewis: Oui. Je crois qu'on devrait essayer de légiférer. Les réservistes ont besoin qu'on leur prouve cet engagement. Le gouvernement doit faire preuve de leadership et leur garantir un congé suffisant et approprié. Il serait anormal que le gouvernement légifère et ne pratique pas ce qu'il prêche.

Cela aurait ses bons et ses mauvais côtés. Certains prétendront que des soldats ne seront pas embauchés à cause de cette loi. Pourtant, avec les lois sur l'équité en matière d'emploi, on franchit sûrement des obstacles énormes, et je pense que c'est le même genre de problème. C'est une question d'éducation. À quelques reprises, j'ai vu des réservistes décrocher des emplois dans des entreprises américaines; ils obtenaient automatiquement des congés pour aller au Canada. Pourtant, nos propres entreprises ne font pas de même.

On parle de cela depuis 40 ans déjà. On ne peut pas continuer de reporter la question, particulièrement de nos jours, quand la réserve est utilisée d'une manière totalement différente. La réserve fait presque partie des forces régulières et, de ce fait, devrait être protégée par la loi. Le simple fait de prendre des mesures menant à une loi pourrait être très avantageux pour les réservistes.

.1700

M. Hart: Général Lewis, vous dites qu'à cause de la réduction du nombre de réservistes, cette loi serait encore plus utile?

Maj. gén. Lewis: Non, je n'ai pas fait d'association entre les deux. Je pense que la loi doit être adoptée de toute façon. J'aimerais que, par suite du débat actuel, et considérant les statistiques qui vous sont fournies, vous vous opposiez à la réduction de la taille de la réserve et que nous aurons une réserve en mesure de répondre aux demandes actuelles.

M. Hart: À votre avis, combien doit-il y avoir de réservistes au Canada?

Maj. gén. Lewis: Je vais parler plus particulièrement de la réserve de la force terrestre. Ce devrait être de 21 000 à 22 000 réservistes. Comme je l'ai déjà dit, il faut avoir des programmes comme le Cours-école d'officiers canadiens. Nous constatons que peu de diplômés de ce cours peuvent se joindre à la réserve. C'est pourquoi on l'a annulé, à tort. Nous avons mis la main sur des gens qui avaient une formation militaire, et... on voudrait qu'à l'université, ils puisent garder ces connaissances. Même s'ils partent, s'ils retournent à la vie civile, on peut les rappeler.

Permettez-moi une digression. Lorsque j'étais chef de la réserve, j'ai participé à un exercice au Royaume-Uni, appelé Brave Defender. Tous les chefs des réserves des pays de l'OTAN y participaient. C'est seulement au Canada que j'étais l'exception, en tant que chef de la réserve qui était lui-même réserviste. C'est comme si j'étais déguisé pour profiter de tous les avantages de l'exercice. Il était extraordinaire de constater à quel point ces troupes rappelées pouvaient très bien fonctionner, retrouver les compétences acquises des années auparavant et s'en servir après une période de 10 jours.

À la même époque, j'ai assisté à un exercice de mobilisation en Hollande. Les télégrammes ont été envoyés le vendredi, il y avait une émission de radio, et les réservistes se sont présentés le mardi. J'étais là, le mardi, avec mes collègues. J'ai vu comment on utilisait des simulateurs pour la formation. Ce qui était particulièrement intéressant, c'est qu'ils avaient conservé... Les réservistes, là-bas, n'avaient effectué qu'un service de six mois ou de neuf mois, selon leur division. La rétention des compétences acquises était extraordinaire, ainsi qu'ils l'ont démontré dans les exercices et le test de «mise à jour».

Quand on a des gens particulièrement doués et qu'on peut les former, c'est très avantageux pour nous.

Le président: Je veux simplement rappeler à tout le monde qu'à 17 h 15, le timbre va nous appeler pour un vote, qui se tiendra à 17 h 30.

Vous pouvez continuer, monsieur Richardson.

M. Richardson: Je veux également souhaiter la bienvenue au major-général Lewis et au brigadier-général Pryer. J'ai remarqué que vous aviez amené avec vous un vieil ami de Brockville. Je suis ravi de le voir ici.

J'aimerais revenir sur les chiffres que vous nous avez donnés: il s'agit du 14 500 et du budget total. Ce n'était qu'un des chiffres dans le budget, qui représentait une valeur en dollars, au moment où le gouvernement allait décider du budget de la Défense. C'est la partie qui avait été prévue par le quartier générale de la Défense nationale. À l'époque, ce n'était donc qu'un chiffre du budget, représentant ce que ça coûterait, pour ce nombre de personnes.

Maintenant, si cette réduction d'effectifs et cette réorganisation peuvent entraîner une baisse des coûts, alors quand on prend le montant en dollars, il peut y avoir une certaine marge de manoeuvre et ce chiffre peut augmenter. Je réfléchis tout haut, mais c'est ainsi qu'on m'a expliqué les choses.

Cela vous donne donc une idée de la raison pour laquelle ce nombre séquentiel quant à la réduction globale a été accepté par tous dans les forces armées canadiennes et au Quartier général de la défense et a été assigné à la milice.

.1705

Je voudrais revenir sur un point que vous avez soulevé, général Lewis. Vous avez évoqué la possibilité qu'il y ait neuf brigades au lieu de sept. Pour quelle raison?

Maj. gén. Lewis: Pour des raisons d'ordre démographique. La région de l'Ouest en a le même nombre qu'en Ontario. Il sera extrêmement difficile de se contenter de trois brigades en Ontario, une régulière et deux de réserve. Prenons l'exemple du sud-ouest de l'Ontario. À cause de l'envergure du contrôle et de la simple importance numérique de la population et du nombre de réservistes dans cette région, ce serait une répartition inéquitable des brigades par rapport à la population.

En outre, les neuf brigades cadrent naturellement très bien avec le modèle du corps d'armée. Je ne pense pas que toutes ces brigades doivent nécessairement être identiques. En fait, elles ne le seront pas. Certaines d'entre elles seront des brigades d'entraînement à divers degrés, mais je crois que l'on peut justifier l'existence de neuf brigades.

Pourrais-je revenir sur ce que vous avez dit au sujet du chiffre de 14 500?

M. Richardson: Oui.

Maj. gén. Lewis: Vous n'ignorez pas qu'à une certaine époque, nous avions beaucoup de services bénévoles, que les réservistes accomplissent volontiers de temps à autre, et je crois qu'on n'en a pas tenu compte. On n'en a pas tenu compte pour la simple raison que le Congrès des associations de la défense voulait à une époque établir le service bénévole, et nous l'avons obtenu par la suite. Je suis certain que vous vous rappelez de cette situation. Et puis il est arrivé qu'une mère s'est inquiétée de ce que son fils n'était pas payé et a donc écrit à son député. Vous savez peut-être que, depuis 1985-1986, il n'y a plus de service bénévole.

Je crois vraiment qu'il y a place pour du service bénévole, pourvu que les gens se portent vraiment volontaires. On doit être libre de le faire. Il faut trouver des façons novatrices de récompenser les gens. J'ai longtemps pensé que l'on pourrait récompenser les gens en créant une quelconque médaille pour service bénévole, que l'on obtiendrait après avoir accumulé un certain nombre de crédits de service bénévole. On peut établir diverses formules. Ma favorite serait qu'après une dizaine d'années, vous auriez droit à la médaille pour service bénévole.

Beaucoup de réservistes, surtout aux grades de sous-officier supérieur et d'officier, accordent de l'importance à la reconnaissance de leur service. La Décoration des Forces canadiennes, la médaille elle-même, n'a aucune valeur intrinsèque, mais elle a une grande valeur à mes yeux et aux vôtres. Je trouve qu'on ne cherche pas suffisamment à innover en la matière.

M. Richardson: N'était-ce pas le fondement de l'ancienne ED, la décoration d'efficacité?

Maj. gén. Lewis: Oui, bien sûr.

M. Richardson: Où mettriez-vous l'autre brigade? Vous avez parlé de la région de l'Ouest; il y en avait deux là-bas. Vous avez dit neuf et cela amènerait le total à huit.

Br. gén. Pryer: L'autre est en Ontario; trois en Ontario, trois dans l'Ouest, deux au Québec, une dans les Maritimes et une en Colombie-Britannique. Pardon, la Colombie-Britannique fait partie de l'Ouest, qui en a trois au total.

Une voix: Mais l'Ouest en avait deux.

M. Richardson: La Colombie-Britannique n'aimera pas cette régionalisation. On dirait qu'il faut diviser le pays à la chaîne de montagnes. Ce n'est pas très logique parce que... Je voudrais faire un commentaire. Les deux provinces qui sont en croissance, où les gens immigrent, sont l'Ontario et la Colombie-Britannique. S'il y a potentiel de croissance, je crois que la Colombie-Britannique devrait avoir sa propre brigade. Celle-ci relèverait toujours du quartier général des forces terrestres de l'Ouest. J'ignore si ça peut s'arranger.

Br. gén. Pryer: Pour des raisons géographiques, il faudrait que la Colombie-Britannique ait une brigade d'entraînement, parce que cette chaîne de montagnes est en effet problématique.

Maj. gén. Lewis: Je voudrais répondre à votre première question. Actuellement, il y a sept brigades en tout: deux dans l'Ouest, deux dans le Centre, deux au Québec et une dans les Maritimes. Je pense que si l'on adopte le modèle de neuf, il faudrait en ajouter une au Québec et une dans le Centre. Les chiffres appuient cette distribution.

.1710

M. Richardson: En êtes-vous sûr? L'Ouest, c'est l'Ouest. Sa population est à peine inférieure sinon même égale à celle du Québec. Je parle de la population de l'ensemble de l'Ouest, du Manitoba à la Colombie-Britannique.

Maj. gén. Lewis: Ma réponse est provisoire.

Non, je plaisante.

M. Richardson: Moi, je suis sérieux. Je sais que vous songez en termes d'équilibre politique, mais la démographie... Je pense que l'Ontario représente 37,5 p. 100 du Canada.

Maj. gén. Lewis: Il est très évident que la répartition ne peut pas être rationalisée en prenant comme base une représentation proportionnelle de l'Ontario.

M. Richardson: Quand le même parti fait élire 97 députés au Parlement en Ontario, c'est une assez bonne rationalisation.

Le président: Il y en a trois d'entre eux ici aujourd'hui.

Br. gén. Pryer: Nous n'avons pas autant de brigades.

M. Richardson: Je remarque que j'ai réussi à capter l'attention de mon ami Fred Mifflin.

Vous avez des arguments. C'est le genre d'argumentation qu'on utiliserait. La Colombie-Britannique représente plus de la moitié du Québec.

Le président: Monsieur Mifflin.

M. Mifflin: Je vais passer à un autre sujet, monsieur le président.

Je souhaite la bienvenue au général Lewis et au général Pryer. Je suis content de vous revoir, général, ainsi que votre collègue de Brockville et notre collègue Jim Jordan. Bienvenue, Jim.

Cette affaire de projet de loi sera un véritable problème pour nous, parce qu'à titre de législateurs, on comptera sur nous pour aboutir à quelque chose de raisonnable. Je dois vous dire que la prépondérance...à votre niveau, c'est très risqué. C'est très risqué.

Vous n'étiez pas là quand j'ai parlé de John Eaton, mais il y a près de deux ans, nous avons amorcé nos travaux au Comité de la défense à titre de comité spécial mixte, et nous comptions recommander un projet de loi à la fin de nos travaux. Nous en avons été dissuadés seulement par l'intervention de membres de l'Association canadienne de la défense, de représentants des unités de la milice et du chef de la réserve. Nous avons donc décidé qu'il était préférable de ne pas se lancer là-dedans.

Personnellement, j'étais content que ce soit présenté, parce que j'étais plutôt de votre avis là-dessus, général Lewis. Vous comptez parmi les rares partisans, ce qui ne laisse pas de m'étonner. Je pense que le général Pryer n'est pas tellement en faveur de cela, nous avons donc déjà dissension entre vous deux.

Nous devrons trancher dans le vif. Il n'y aura pas de consensus. Ce serait bien d'en débattre à la Chambre des communes, même si le projet n'était pas adopté.

Maj. gén. Lewis: C'est ce que je veux.

M. Mifflin: Je connais votre position.

Je vais passer à quelque chose d'autre. J'ai trouvé très attrayante votre idée d'un conseil d'administration. À mes yeux, c'est très important, et je pense que je comprends votre position là-dessus. Ce serait un peu comme le conseil de la marine ou de l'armée, enfin quelque chose de ce genre.

J'avais l'impression que les colonels honoraires ou l'Association canadienne de la défense, ou peut-être les deux, servaient, sans être institutionnalisés, de conseils d'administration de facto de la milice.

Maj. gén. Lewis: Je suis membre du conseil d'administration. Je représente l'Ontario. Je suis colonel honoraire, et cela je crois me donne toute licence pour parler sans détour. Oui, c'est le cas. L'ACD a précisément pour mandat de conseiller la population canadienne en matière de défense. Les colonels honoraires sont, collectivement, les parrains ou les marraines de leurs régiments.

D'après mon expérience personnelle, et j'ai présidé bon nombre de conseils d'administration, c'est qu'un conseil nombreux, comme d'ailleurs un comité nombreux, est presque impraticable. Les colonels honoraires sont excellents pour régler les problèmes régimentaires. Les dossiers que nous traitons et dont j'ai parlé, quoique superficiellement, c'est-à-dire l'élaboration du budget, la mise en oeuvre des changements, feraient contrepoids à ce que je considère comme une situation émergente très dangereuse, nommément le schisme avec les forces régulières.

.1715

C'est presque un cercle vicieux, c'est-à-dire que si l'on amène les réservistes au niveau des forces régulières, surtout au niveau des officiers, naturellement, les forces régulières en seront satisfaites en termes d'aptitudes techniques. Mais cela exige énormément de temps et c'est loin d'avoir autant d'attrait que les emplois prestigieux du secteur privé dans le domaine de la gestion. Souvent, ces gens-là veulent d'abord et avant tout faire plus d'argent. Ils peuvent être président d'une compagnie, mais ils ne sauraient pas comment s'y prendre pour commander un bataillon.

Il faut donc un équilibre entre les deux. C'est pourquoi j'appuie avec enthousiasme la notion de faire l'entraînement au début et de confier ensuite à une partie de la réserve les missions des étapes trois et quatre, qui n'exigent pas autant de financement que les étapes un et deux.

Franchement, avec des gens de ce calibre qui ont une bonne formation civile, on peut s'en tirer avec une dizaine de jours d'entraînement par année. Ainsi, la quatrième étape de la mobilisation est dans le sac. J'envisage un système à deux niveaux, avec une grande polyvalence. Je ne vois rien de tel à l'horizon et cela m'inquiète.

M. Mifflin: C'est une observation pertinente et je vous en remercie.

J'aurais d'autres questions, mais vu les contraintes de temps, je vais m'en tenir là.

Le président: Merci, messieurs. Ça été un plaisir de discuter avec vous. Vos présentations ont été fort stimulantes, et je sais qu'au bout du compte, nous devrons tenir compte de tout cela. Je vous remercie du travail que vous avez consacré à ce dossier et d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

La séance est levée.

Retourner à la page principale du Comité

;