[Enregistrement électronique]
Le mardi 2 mai 1995
[Français]
Le président: Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-76.
[Traduction]
Avant de commencer, je crois qu'il faudrait annoncer officiellement que Richard Domingue a eu des jumeaux il y a deux semaines. Il est absent depuis. Il a encore l'air fatigué et à bout de forces, et il ne sera probablement pas remis sur pieds avant longtemps, mais nous sommes heureux pour lui. Félicitations, Richard.
[Français]
David Walker veut vous poser une question.
M. Walker (Winnipeg- Nord-Centre): Ma question s'adresse au Bloc québécois. Le projet de loi C-70, qui est maintenant à la Chambre, nous sera soumis à la fin de la semaine prochaine. Auriez-vous des témoins à suggérer pour l'étude de ce projet de loi?
M. Plamondon (Richelieu): Est-ce que je peux vous répondre cet après-midi?
M. Walker: Oui.
M. Plamondon: M. Loubier sera ici ce midi. Vous siégez cet après-midi? Il va pouvoir vous répondre.
M. Walker: Très bien.
[Traduction]
Le président: Il n'y a pas de problème. Ray Speaker sera ici lui aussi.
Notre premier témoin ce matin est M. Thomas Payne, de la Central Western Railway. Bienvenue, monsieur Payne.
M. Payne (président, directeur-général de la Central Western Railway Corporation): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
J'ai amené avec moi un de mes collègues, M. Danny Moe. Il est président du comité consultatif des producteurs de la Central Western Railway. Ce comité regroupe des agriculteurs travaillant le long de nos deux lignes de chemin de fer, qui nous ont conseillés sur les questions relatives au service et nous ont énormément aidés au fil des ans. Il a fait partie du comité qui militait pour le maintien du service de transport ferroviaire dans la subdivision de Stettler au début des années 1980. Il vous dira quelques mots à la fin de mon intervention.
M. Goodale et M. Mulder ont bien présenté le cadre stratégique devant le sous-comité de l'agriculture la semaine dernière. En fait, nous nous acheminons - et je ne peux qu'applaudir à l'orientation que donne le gouvernement au secteur ferroviaire - vers des transports plus rapides, moins coûteux et plus efficaces et vers un partage équitable des coûts et des avantages.
Je dois dire que j'ai collaboré très étroitement avec Transports Canada aux modifications apportées à la Loi sur les transports nationaux et à la Loi sur les chemins de fer. Je crois que ce sont de grands pas en avant et que nous avons des chances de rattraper finalement le XXe siècle dans le secteur ferroviaire.
Le secteur travaille dans des conditions très réglementées. Il faut accueillir chaleureusement tout effort déployé pour alléger les formalités et permettre aux chemins de fer de se dégager de leurs entraves.
Je crois qu'il faut dresser un bref historique de la Central Western. L'entreprise a vu le jour en 1984 à la suite d'une loi spéciale de l'Assemblée législative de l'Alberta. Je suis un conducteur de locomotive de métier et j'en suis très fier. J'ai longtemps conduit des locomotives pour le CP.
Il est apparu tout à fait clair, à la fin des années 1970, que les chemins de fer nationaux voulaient s'en tenir aux lignes principales, dont ils voulaient d'ailleurs augmenter la densité, et abandonner les embranchements. Quelques copains et moi avons eu la brillante idée de mettre sur pied une compagnie de chemin de fer.
Cela semblait très simple à l'époque. Les vieilles lois étaient très bien rédigées et mentionnaient que nous pouvions présenter un projet, et c'est ce que nous avons fait. J'ai alors rencontré M. Bandeen, du CN, et M. Jack Spicer. Ils ont dit que c'était vraiment simple; il suffisait de faire adopter une loi fédérale spéciale ou une loi spéciale de l'Assemblée législative pour pouvoir créer notre entreprise. Puis, il fallait faire modifier d'une façon ou d'une autre les taux applicables aux grains.
La Convention du Nid-de-Corbeau, qui modifiait la LTGO, a entraîné une modification des taux applicables aux grains. Le gouvernement de l'Alberta nous a accordé une loi spéciale. Nous avons commencé à exploiter la subdivision de Stettler à l'automne de 1986.
Les deux lignes de chemin de fer que nous avons sont protégées par une ordonnance du gouvernement fédéral jusqu'à l'an 2000. C'est une ordonnance toujours valable du Conseil privé du Canada. Il n'y a qu'un problème, c'est qu'elle ne s'applique pas à nous. Nous relevons d'un autre secteur de compétence parce que nous sommes une compagnie provinciale de chemin de fer.
La CWR présente un certain nombre de caractéristiques. C'est la seule compagnie de chemin de fer régionale qui appartient à des intérêts canadiens. Nous sommes bien financés. Nous avons investi quelque 6 millions de dollars dans ces deux lignes de chemin de fer. Environ 2,8 millions de notre bilan représentent des bénéfices non répartis et des capitaux propres. Notre petite entreprise est solide et en bonne santé.
Nous offrons un service adapté à la demande. Si vous êtes des Prairies ou que vous êtes le long des embranchements, parfois vous voyez un train et parfois vous n'en voyez pas. Nous offrons un service adapté à la demande. Nous n'avons eu parfois que deux wagons, et nous en avons eu jusqu'à 198.
Nous avons réduit le cycle de rotation des wagons. Alors que le cycle moyen se situe à 20 ou 21 jours dans l'ensemble du secteur, nous l'avons réduit à 11 jours dans un cas et à 7 dans l'autre. Il s'agit du délai à l'intérieur duquel un wagon passe d'un silo-élévateur du milieu des Prairies à Vancouver et revient au silo. Je ne crois pas que les lignes principales soient un mesure d'offrir une gamme de services qui puisse concurrencer un rendement de ce genre.
Toutes les économies que la Central Western a pu générer au cours de ses neuf dernières années de service ont profité à l'ensemble des Prairies canadiennes.
Les tarifs marchandises baissent lorsque les coûts baissent. Alors si les trains ont un meilleur cycle de rotation, sont plus longs et plus efficaces et livrent les marchandises à temps, et si les embranchements ont des frais d'exploitation plus bas, les agriculteurs tirent profit de la situation parce que les tarifs baissent.
Le système est conçu essentiellement en fonction de la moyenne. On établit la moyenne entre les lignes principales, qui sont à haute densité et à faible coût, et les lignes qui sont à faible densité et à coût élevé. C'est sous ce régime que nous fonctionnons.
Passons maintenant au projet de loi C-76. Je ne peux qu'applaudir à l'introduction de ce projet de loi puisqu'il s'agit d'un pas vers le paiement aux producteurs. Je crois que c'est vraiment ce qu'il faut faire. On s'arrachera à grands cris la somme de 1,6 milliard de dollars qui sera versée. Le fonds de transition de 300 millions de dollars donnera probablement lieu à 4 milliards de dollars de demandes d'indemnisation, et je suis sûr que tous ceux qui estiment y avoir droit se manifesteront.
La situation de la Central Western est très simple. Il y a une lacune dans le projet de loi. Les compagnies de chemin de fer se font rembourser leurs coûts. Les tarifs marchandises découlent des coûts, qui sont fixés d'après l'emplacement. Lorsque nous prenons du grain dans un point de livraison comme Coronation ou peut-être même Stettler et que nous le livrons au Canadien Pacifique, le tarif que nous touchons équivaut à la différence entre le tarif prévu aux emplacements de départ et d'arrivée. La différence n'est pas dans les coûts, mais dans les taux. Alors on nous paie la somme astronomique de 50c. la tonne à même le tarif marchandises pour transporter un wagon de 100 tonnes de grain sur une distance de 100 milles alors qu'il nous en coûte environ 8,75$ de plus que cette somme pour exploiter la subdivision.
Qu'est-il arrivé à nos tarifs depuis que nous avons lancés notre entreprise? À nos débuts, le tarif marchandises que nous recevions pour notre tonnage était d'environ 13,50$. Nous avons réussi à faire des économies au fil des ans, mais les paiements que nous recevions au titre des tarifs marchandises ont baissé progressivement par rapport à nos coûts. Je crois que notre coût actuel est le plus bas qu'on puisse obtenir pour un embranchement de la densité de celui que nous avons dans l'ouest du Canada.
Nous survivons bien. L'an dernier, nous avons installé 15 000 traverses, et nos programmes des années précédentes étaient du même ordre. Nous reconstruisons nos lignes, et ce sans pouvoir bénéficier du programme de reconstruction des embranchements des Prairies parce que les coffres de ce programme sont vides.
La somme de 1,6 milliard de dollars que le projet de loi C-76 prévoit d'accorder aux producteurs de l'ouest du Canada représente en fait la totalité de l'argent disponible plus ce qui est accordé chaque année au CN, au CP et à nous. Ce sont donc les agriculteurs qui ont l'argent nécessaire au paiement des coûts d'exploitation des chemins de fer au Canada. Comment le percevons-nous? Nous le percevons par l'imposition d'un tarif marchandises.
Le barème des tarifs marchandises proposé à l'annexe III du projet de loi est trop bas. Les seuls coûts qui entrent dans le calcul de ce tarif sont ceux du CN et du CP. Si ce tarif leur permet de recouvrer seulement leurs coûts - ils peuvent toujours abaisser le tarif - , et si nous transportons un wagon jusqu'au lieu de correspondance et que nous disons qu'il nous faut 8,75$ pour pouvoir assumer les frais de transport de la subdivision, ils nous répondent qu'ils n'ont pas d'argent à partager avec nous.
Le ministère des Transports a confirmé ce fait. Je crois que le Comité a en main une lettre deM. Easter, président du Sous-comité sur le transport du grain, à ce sujet.
Lorsque nous avons discuté de la question avec les représentants du Canadien National et du Canadien Pacifique, ils nous ont répondu qu'ils n'avaient pas d'argent à partager avec nous, et ils ont entièrement raison.
Le Canadien National et le Canadien Pacifique perçoivent quelques centimes sur chacune des 32 millions de tonnes de grain à chaque point de livraison de leur route à travers les Prairies. Nous nous rendons alors au lieu de correspondance, nous leur donnons un train et ils nous paient une division complète de 9,25$ à même le tarif marchandises.
Nous nous sommes entretenus avec les représentants du CN et du CP. Ils sont tout à fait prêts à discuter d'un partage complet avec nous. Mais nous devons faire modifier le tarif marchandises pour qu'ils puissent percevoir l'argent que le gouvernement du Canada verse.
Il est important de noter que les sommes versées ne dépasseront pas celles qui sont versées aujourd'hui. Par conséquent, nous ne demandons pas d'argent supplémentaire.
Messieurs, c'est une question de justice. Nous sommes la seule compagnie de chemin de fer régionale qui appartienne à des intérêts canadiens au Canada. Nous sommes la seule compagnie de chemin de fer régionale présente dans les Prairies, à l'exception de la Southern Rails Cooperative Limited de la Saskatchewan, qui a le même problème que nous. Ils ont deux embranchements de 25 milles sans point de livraison. Ils mettent des wagons en place dans des champs d'agriculteurs. Honnêtement, je ne comprends pas pourquoi on nous a laissés à l'écart.
Ce que nous demandons au Comité, c'est une modification du tarif marchandises.
Monsieur le président, je vais m'arrêter là et je laisse la parole à M. Moe. Merci.
M. Daniel Moe (président du Comité consultatif des producteurs de la Central Western Railway Corporation): Merci, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du Comité.
Je suis agriculteur à Morrin (Alberta), qui est à l'extrémité sud de la subdivision de Stettler. Je cultive environ 2 500 acres et j'expédie environ 2 000 tonnes de grain par année par l'intermédiaire de la Central Western Railway Corporation.
Je suis le président du Comité consultatif des producteurs de la Central Western Railway Corporation, comme l'a mentionné M. Payne. Ce comité se compose de huit agriculteurs, quatre de la subdivision de Stettler et quatre de la subdivision de Coronation-Lacombe. Nous sommes chargés de conseiller la CWR sur des questions opérationnelles et des questions de politique susceptibles d'améliorer le service à la clientèle.
Pour l'instant, nous ne conseillons certainement pas à Tom de cesser ses opérations à compter du 1er août 1995, mais c'est bien ce qu'il pourrait devoir faire s'il n'obtient pas la modification qu'il demande.
Lorsque M. Payne a voulu acheter la subdivision de Stettler, en 1984, j'étais probablement parmi les plus farouches opposants à son projet. Mais, depuis, j'ai eu l'occasion de me familiariser avec le travail de la Central Western Railway, et j'ai constaté que cette petite entreprise de type privé pouvait améliorer grandement le service, la productivité et la satisfaction de la clientèle.
Jusqu'à présent, seuls des embranchements de moindre qualité étaient en vente. La CWR a beaucoup amélioré le fonctionnement de ces lignes. J'estime que si on étendait ses opérations à de bons embranchements et peut-être à des lignes secondaires importantes, on pourrait faire d'autres économies majeures.
Tom a mentionné dans son exposé que le nouveau projet de loi avait notamment pour objectifs de réduire les opérations et les subventions gouvernementales, de déréglementer les chemins de fer et d'abaisser leurs frais de fonctionnement et, enfin, de concevoir une structure pouvant faciliter le fonctionnement des lignes secondaires, accélérer le processus d'abandon et améliorer les taux de circulation. Les lignes secondaires ou les chemins de fer régionaux peuvent faire partie intégrante du processus, mais il nous faut un cadre législatif qui leur permettra de fonctionner et de produire des recettes.
Le problème de la CWR est que, à compter du 1er août 1995, elle n'a aucun moyen de se faire payer en vertu du nouveau projet de loi. Le prix de base, qui sert à déterminer les tarifs, ne tient pas compte de ses coûts.
Si on faisait fonctionner les chemins de fer nationaux dans une situation entièrement commerciale, il n'y aurait pas de problème. Les lignes secondaires et les chemins de fer nationaux négocieraient des ententes de partage des recettes fondées sur un système d'entier parcours.
Par exemple, si le CP demandait 30$ pour transporter du grain d'un point A à Vancouver en ayant recours à la fois à une ligne secondaire et à une ligne principale, la ligne secondaire pourrait transporter le grain jusqu'au lieu de correspondance pour, disons, 10$ la tonne et la ligne principale pourrait le transporter jusqu'à Vancouver pour 20$ la tonne, ce qui donnerait le même chiffre de 30$ la tonne. Mais comme les tarifs des chemins de fer nationaux sont maximaux, fondés sur les coûts, réglementés et calculés uniquement pour les lignes qu'ils exploitent, ils n'ont pas d'argent à partager avec les lignes secondaires.
Tout ce que nous demandons, c'est que les frais d'exploitation de la CWR soient intégrés au prix de base et soient payés au CN et au CP afin que ces entreprises puissent partager les recettes avec la Central Western Railway. Nous ne demandons absolument pas d'argent; nous voulons simplement trouver un moyen qui permettrait à la CWR d'être payée.
Si l'on modifie la loi de façon adéquate, les coûts inférieurs de fonctionnement des lignes secondaires contribueront grandement à faire baisser les tarifs marchandises pour les agriculteurs; en effet, le transport de marchandises pour les agriculteurs coûtera moins cher s'il est fait à la fois par une ligne secondaire et par une compagnie nationale de chemin de fer, que s'il est fait uniquement par une compagnie nationale de chemin de fer.
Par exemple, si l'on utilise les mêmes chiffres, le CP pourrait transporter un wagon de grain du point A jusqu'à Vancouver pour 30$ alors que, selon ce scénario, la ligne secondaire pourrait le transporter jusqu'au lieu de correspondance pour environ 8$ et le transporteur de la ligne principale toucherait 20$ pour le reste du trajet; le total s'élèverait donc à 28$, ce qui représente une économie de 2$. Le scénario permet simplement une certaine négociation et une baisse des frais de transport par chemin de fer.
À titre d'agriculteur, je peux accepter qu'une ligne de chemin de fer secondaire disparaisse parce qu'elle n'est pas concurrentielle. C'est dans l'ordre des choses. Mais, je vous en prie, ne forcez pas la CWR à disparaître à cause d'un oubli dans la loi. Je répète ce que nous avons déjà dit: nous ne demandons pas d'argent. Nous voulons simplement qu'on mette en place une structure permettant à la ligne secondaire de survivre.
L'autre scénario possible veut qu'une ligne secondaire qui achèterait un tronçon après l'adoption du projet de loi verrait ses coûts inclus dans le prix de base. Les transporteurs nationaux recevraient un tarif fondé sur ces coûts. Ils auraient donc l'argent nécessaire pour partager les recettes avec la ligne secondaire. Comme la Central Western Railway Corporation existait déjà avant l'introduction de ces changements, elle est mise à l'écart du système. Ce que nous demandons fondamentalement, c'est que le système soit équitable afin que la Central Western Railway Corporation puisse survivre.
M. Speaker (Lethbridge): Bonjour, Tom.
Le président: Faites-vous appel à la CWR pour le transport d'une partie de votre grain?
M. Speaker: Non. Je suis du Sud, et cette entreprise est au centre de l'Alberta , mais nous ne sommes pas loin les uns des autres.
Je voulais éclaircir certaines des choses que vous avez dites, Tom. Vous dites qu'il faudrait ajouter une petite somme au tarif prévu actuellement par la loi; cette somme serait-elle ajoutée à tous les tarifs en vigueur dans l'ouest du Canada? Disons qu'un cent ou 10c. ou quelque chose comme cela seraient ajoutés à tous les tarifs. Pourriez-vous préciser comment vous justifieriez qu'une somme soit ajoutée à tous les tarifs mais que l'argent soit ensuite remis à la Central Western Railway?
M. Payne: Lorsque les coûts du Canadien National et du Canadien Pacifique ont été retirés du système, les tarifs fixés pour toutes les gares sans exception (il y en a environ 7 000 dans l'Ouest canadien) ont baissé. Le système est conçu uniquement de façon à absorber les coûts moyens. Alors, dans l'ensemble des Prairies, les coûts ont baissé.
Je crois que vous avez un barème des tarifs marchandises dans votre documentation; vous pouvez voir que les tarifs de la Central Western s'établissaient autrefois à 88c. Puis, vous voyez ceux de 1992, qui représentent la ligne inférieure et montrent qu'il y a eu une baisse. Maintenant que la Central Western doit tirer ses fonds du système des tarifs marchandises plutôt que d'un paiement direct en vertu d'un contrat prévu à l'article 60 de la LTGO, il faut rehausser les tarifs moyens.
De la subvention de 658 millions de dollars prévue par la Convention du Nid-de-Corbeau, 653 millions vont actuellement au CN et au CP par l'intermédiaire du tarif marchandises et 5 millions vont à la BC Rail Ltd., à la Southern Rails Coop et à nous-mêmes. Cette somme de 658 millions est celle qui est toujours payée et qui a été prise en compte dans la somme de 1,6 milliard de dollars.
Est-ce que cela répond à votre question, Ray? Voyez-vous que le tarif fluctue à la baisse ou à la hausse pour ce qui est de la moyenne?
M. Speaker: Oui, votre réponse clarifie les choses parce que d'autres personnes pourraient s'opposer à votre proposition en demandant pourquoi elles devraient assumer les frais d'un service offert par une ligne privée.
M. Moe: Il faut également préciser que, comme l'a dit Tom, les suppléments fondés sur la distance, qui existent actuellement dans le système des tarifs marchandises, reposent sur des moyennes. Tout le monde dans les Prairies perçoit un peu d'argent pour la Central Western Railway. C'est pourquoi les suppléments fondés sur la distance ne peuvent pas s'intégrer à une entente de partage des recettes. Je crois que Tom a dit qu'ils équivalaient à 60c. sur la distance parcourue par l'une des lignes. C'est ce qui pourrait être couvert par une entente de partage de recettes avec le CP ou le CN à partir d'un tarif de 9$.
Pour clarifier mon propos, je dirai que les tarifs en vigueur ne correspondent pas au travail réellement effectué. Ainsi, on pourrait répartir l'augmentation de 50c. la tonne de la façon suivante: la ligne secondaire recevrait environ 10$ la tonne pour faire ce que j'appellerais le travail ingrat, soit sortir les wagons, les mettre en place aux silos-élévateurs, les prendre et les transporter au lieu de correspondance. La ligne principale recevrait environ 20$ la tonne pour l'expédition d'entier parcours à Vancouver.
Si on passe au groupe de tarifs suivant, qui est inférieur de 50c. la tonne, le scénario se poursuit. Le travail effectué par la ligne secondaire serait toujours payé 10$ la tonne, mais le transport principal passerait à 19,50$ la tonne, et ainsi de suite.
Si on passe au groupe de tarifs suivant, on fait toujours le même travail, et les coûts sont donc les mêmes; mais comme on se rapproche de Vancouver, on passe au groupe de tarifs suivant. Cela donnerait donc 10$ et 20$, 10$ et 19,50$, 10$ et 19$, 10$ et 18,50$. À mesure qu'on se rapproche de Vancouver, les tarifs baissent de 50c. la tonne.
Je ne sais pas si cette explication clarifie les choses, mais c'est là la raison de l'échec des dispositions sur le partage des recettes. Elles reposent sur des augmentations fondées sur la distance d'après un coût moyen. Elles ne reposent pas sur le travail qui se fait réellement à un point donné dans l'ensemble des Prairies. Je ne sais pas si cette explication a clarifié les choses.
M. Payne: La dernière fois que j'ai vérifié, le tarif à Meadow Lake, en Saskatchewan, ou dans un endroit de ce genre à l'extrémité d'une ligne secondaire simple était de 34,10$. Cette gare est située à quelque 350 milles de la ligne principale la plus proche. Je ne peux pas croire qu'il en coûte réellement 34,50$ pour transporter un wagon de grain de Meadow Lake à Vancouver.
Chacune des gares du système bénéficie de ces coûts moyens. Les gares des lignes principales ont un taux un peu plus élevé. Elles paient davantage à cause de leurs coûts moyens.
M. Speaker: Que prévoyez-vous comme augmentation du taux moyen? Parlons-nous de 10c., de 50c. ou a-t-on fait une projection?
M. Payne: Je crois que c'est de l'ordre de 10c. Il faudrait que je communique avec l'Office national des transports, qui reçoit nos états financiers et nos données sur l'établissement des coûts. Il faudrait que je leur demande d'établir nos coûts en détail, ce qui ne devrait pas être trop long. Deux ou trois jours suffiraient probablement. C'est probablement de l'ordre de 10c.
M. St. Denis (Algoma): Merci, messieurs, d'être venus nous rencontrer.
Est-ce simplement un oubli? La solution est-elle assez simple à trouver en pratique?
M. Payne: Oui, elle est très simple en pratique. Je crois que c'est un oubli. Je pense queM. Tobin a résumé la situation en 1990 lorsque l'adoption de la Loi sur les transports nationaux a eu des effets semblables sur nous. Votre documentation comprend une citation de M. Tobin. C'est la même chose qui recommence; c'est un oubli.
Je crois que quelqu'un a vérifié les coûts inscrits dans la Loi sur le transport du grain de l'Ouest. Les seuls coûts inscrits dans cette loi sont ceux du CN et du CP. Alors, certains chiffres ont été retenus et conservés. Je ne crois pas que quiconque ait songé à s'informer des coûts de la Central Western et de la Southern Rails Cooperative.
Qu'arrive-t-il à ces deux-là? Ils ont des coûts eux aussi.
M. St. Denis: Si on trouvait une solution ici, elle toucherait aussi la Southern Rails Cooperative?
M. Payne: Elle les touchera aussi. J'ai en main une lettre dans laquelle les représentants du CN et du CP disent que si cela se fait, ils partageront pleinement avec nous. Je suis tout à fait prêt à me lancer dans la mêlée et à discuter ferme avec les représentants du CN et du CP de la proportion du tarif qu'ils vont nous donner. Je n'ai pas peur.
Le président: [Inaudible]
M. Payne: Oui, mais il est rusé. Il est là depuis plus longtemps que moi. Je n'ai que 25 ans d'ancienneté, et il en a probablement 40.
M. St. Denis: [Inaudible] ...il faudrait des audiences publiques et d'autres choses de ce genre pour effectuer ce type de rajustement des tarifs, non? Corriger une telle erreur exigerait des efforts extraordinaires.
M. Payne: L'Office national des transports a entendu ces propos à maintes reprises au cours des audiences publiques qu'il a tenues à Stettler au moment de l'achat de la subdivision de Coronation-Lacombe en 1992. Il y a eu quatre jours d'audiences publiques à Stettler au cours desquels les effets des tarifs ont été expliqués de long en large.
Pour vous dire honnêtement, c'est l'un des problèmes que l'Alberta Wheat Pool voyait dans la vente. Ses représentants disaient que la Central Western risquait d'être oubliée et de ne pas être incluse dans les changements apportés au système. Ils perdent la sécurité de disposer d'un système de silos-élévateurs sur leurs lignes. Ils ont de nouveaux silos-élévateurs. Ils disent qu'ils n'auront plus la protection du gouvernement fédéral. Leurs coûts seront exclus. Ils ne feront plus partie du système.
C'était un risque pour eux. Je leur ai dit que je ne croyais pas que les événements se dérouleraient ainsi. Mais me voici aujourd'hui à Ottawa à faire campagne pour réparer un oubli.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): J'ai une première question pour Dan, le producteur.
Vous avez dit, pour reprendre vos propres termes, que vous vous opposiez farouchement à ce que M. Payne reprenne la ligne secondaire parce que vous pensiez qu'elle allait être inabordable, inefficace ou quelque chose de ce genre. S'il n'avait pas repris la ligne secondaire, auriez-vous eu comme solution de rechange de transporter votre grain par camion jusqu'aux silos-élévateurs suivants ou jusqu'à la ligne principale? Quelle était votre solution de rechange?
M. Moe: C'est exact.
Mme Brushett: Est-ce que c'est ce que vous faisiez avant 1986?
M. Moe: Avant 1986, je livrais les marchandises à la subdivision de Stettler, qui était alors exploitée par le CN. Lorsque le CN a demandé d'abandonner la subdivision de Stettler en 1984, j'ai fait partie du groupe réclamant que le CN continue à exploiter cette subdivision.
Mme Brushett: Alors pourquoi vous opposiez-vous...
M. Moe: Parce que nous craignions ce que Tom vient de mentionner, c'est-à-dire qu'une petite entreprise vienne reprendre les opérations. Nous ne pensions pas que son entreprise pourrait nous offrir un aussi bon service que le CN. Nous pensions qu'il ne serait pas capable d'exploiter la ligne, qu'il se retirerait du secteur et que nous serions privés de service.
Mme Brushett: Lorsque le CN exploitait la ligne, faisait-il des trajets particuliers comme le fait actuellement M. Payne?
M. Moe: Non, c'est ce que j'ai vraiment remarqué depuis que la Central Western a repris les opérations. Il n'y a pas de comparaison sur le plan du service. Le CN offrait un service fondé sur une demande de wagons minimale. Il nous offrait un service très irrégulier. Franchement, le service ne se compare pas depuis que la Central Western a repris les opérations. Nous n'avons jamais eu un tel service.
Cette ligne constitue peut-être un énorme changement. Si le CN avait offert un meilleur service, cela n'aurait peut-être pas été aussi évident. Pour nous, il n'y a pas de comparaison.
Mme Brushett: Si ce service n'existait pas, serait-il très coûteux pour vous de transporter votre grain par camion jusqu'à la ligne principale ou jusqu'au silo-élévateur le plus proche?
M. Moe: Pour ma part, les coûts supplémentaires ne seraient pas importants parce que je suis près de l'extrémité sud de la subdivision de Stettler. Mais pour de nombreux producteurs qui appartiennent à notre comité, le transport ne se ferait plus sur une distance de 10 ou 15 milles, mais peut-être sur une distance de 40 milles.
Mme Brushett: Si je vous pose ces questions, c'est que, comme vous le savez peut-être, nous à l'Est, nous avons perdu l'aide au transport, les tarifs marchandises et presque tout ce que nous avions pour expédier nos produits à l'extérieur de la région.
Nous avons aussi des lignes secondaires qui viennent d'être reprises par des lignes américaines et qui ont fait des bénéfices importants en deux ans seulement. Je suis donc à même de constater certaines différences.
J'ai une autre question pour M. Payne. Étant donné que les choses ne restent jamais stables bien longtemps en ce monde, lorsque vous avez décidé d'acheter la ligne secondaire et d'en devenir, d'après ce que je peux comprendre, le principal actionnaire, n'avez-vous pas vu que cette situation pourrait se produire?
En fait, transportez-vous d'autres produits que le grain? Transportez-vous de la potasse, du charbon, du soufre ou l'un de ces autres produits en vrac?
M. Payne: Non. Contrairement à nous, les lignes de chemin de fer RailTex, Goderich-Exeter et Cape Breton Central Nova Scotia ne sont pas tributaires du transport du grain. Leurs taux ne sont pas réglementés alors que les nôtres le sont.
Lorsque nous nous sommes orientés vers ce secteur, le gouvernement nous a assurés qu'il ferait tous les efforts nécessaires pour que nous fassions partie intégrante du système. Je suis tout à fait prêt à prendre mes risques en tant qu'élément du système. Ce qui se passe ici, c'est que le CN et le CP peuvent percevoir de l'argent des agriculteurs au moyen du tarif marchandises, mais que nous, nous ne pouvons pas le faire.
Je suis tout à fait prêt à vivre et à mourir dans l'univers commercial, mais je dois être en mesure de percevoir des recettes. Je ne peux percevoir suffisamment de recettes des agriculteurs des subdivisions de Stettler et de Coronation pour assumer tous mes coûts parce qu'une subvention découlant de la Convention du Nid-de-Corbeau est versée aux agriculteurs de l'ensemble des Prairies.
À nos débuts, si la réduction des coûts que nous avons obtenue sur notre ligne avait été remise à nos agriculteurs locaux, je pourrais comprendre qu'on me demande maintenant d'aller la leur réclamer. En effet, le tarif marchandises dans la subdivision des Stettler aurait été d'environ 11$ jusqu'à Vancouver, et celui de la subdivision voisine aurait été d'environ 34$, d'après les coûts du CN et du CP. Mais ce n'est pas juste.
Il est bien sûr que lorsqu'on s'oriente vers un secteur d'activités, on y va les yeux ouverts, mais on s'attend à ce que les règles du jeu soient honnêtes.
M. Walker: Je remercie M. Payne d'être venu ici et d'avoir rencontré un grand nombre d'entre nous avant la réunion pour expliquer son point de vue.
Je veux dire clairement que nous avons écouté vos arguments très sérieusement. J'espérais avoir une réponse plus complète que celle que je vous donne ce matin, mais je ne le peux pas. Cependant, avant de mettre un terme à nos audiences et d'examiner différents amendements, nous allons faire tout notre possible pour analyser votre situation et veiller à ce que tous les membres du Comité connaissent le pourquoi de nos recommandations.
Nous ne sommes qu'à quelques semaines de ce résultat. Nos audiences se poursuivent en mai. Puis, nous rassemblerons les amendements selon les besoins.
Je ne veux pas m'avancer trop vite. Je veux simplement vous dire que je regrette de ne pas avoir de réponse à vous donner aujourd'hui, mais que nous avons examiné la question depuis que vous êtes venu me voir la semaine dernière.
M. Payne: Merci beaucoup, monsieur Walker. En examinant rapidement votre dossier, vous verrez une photo de l'un de nos trains sortant de Coronation en direction de l'est. Cette photo a toute une histoire. Le ballast que vous y voyez a été payé et étendu par la Central Western. Les traverses sont en voie d'être remplacées. Vous pouvez voir de petites pièces rapportées là où nous avons inséré des traverses, au bord de la voie. À partir de la locomotive, nous remplaçons les traverses au rythme de 300 par mille sur un embranchement qui n'avait pas vu de traverses depuis les années 1960.
Nous faisons le travail pour lequel nous sommes payés, soit transporter du grain au coût le plus bas possible. J'aimerais m'intégrer dans le nouvel environnement parce que nous pouvons continuer à accomplir ce travail.
En ce qui concerne le train-bloc, nous offririons un service adapté à la demande sur une distance de 140 milles, nous mettrions en place 15 ou 16 petites gares et nous ramènerions ce train au CP en moins de 24 heures. Je ne crois pas qu'un embranchement ait un rendement comme celui-ci avec les densités que nous avons. Je ne crois pas qu'un embranchement se rapproche du service que nous offrons.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Je vois que tout le monde s'arrache les mêmes ressources financières. Nous avons un problème. Le gouvernement dit qu'il faut maintenant se serrer la ceinture et surveiller les dépenses. Pour que la CWR soit traitée équitablement, j'estime que ni le CN ni le CP ni aucune autre compagnie de chemin de fer, en fait, ne devraient être subventionnés. La CWR ne devrait pas être traitée différemment des autres. Si elle n'a pas sa part du gâteau, le CN et le CP ne devraient pas l'avoir non plus. C'est mon point de vue fondamental. Les mêmes règles du jeu devraient s'appliquer à tout le monde.
Le président: Qui s'opposera: tous les producteurs qui utilisent vos installations parce que leurs coûts vont monter de 10c. la tonne?
M. Payne: Je pense que oui, mais ce serait à cause d'une mauvaise compréhension du fonctionnement du système. Je ne sais pas comment ils calculent ce système, mais le chiffrier est important.
Le président: Je comprends.
La rumeur veut que vous fassiez une offre d'achat du CN lorsque nous allons le privatiser; est-ce vrai?
M. Payne: J'en serais très heureux. J'ai une carte où sont encerclées une foule de bonne lignes régionales de chemin de fer dont le Canadien National pourrait se défaire. Je pense qu'il y a de vraies bonnes occasions. J'ai vraiment hâte que ça arrive. Je me réjouis à l'idée d'élargir mes activités dans le secteur.
Le président: Messieurs, je vous remercie tous les deux d'être venus nous rencontrer. Vous avez donné à certains d'entre nous l'occasion de rencontrer des gens qui sortent de l'ordinaire, et nous ne sommes pas près de l'oublier. Comme l'a dit M. Walker, nous étudierons très sérieusement vos observations.
M. Payne: Merci, monsieur le président.
Le président: Notre prochain témoin représente la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Faisons d'abord une courte pause.
PAUSE
Le président: Puis-je vous demander votre attention, s'il vous plaît. Nos prochains témoins sont Guy Caron, président national de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants, et Jocelyn Charron, coordonnateur des relations avec le gouvernement. Nous attendons avec impatience de vous entendre.
M. Guy Caron (président national de la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants): J'aimerais d'abord vous présenter des excuses pour notre retard. Il y a eu un malentendu concernant l'heure de la séance.
Je suis accompagné par Jocelyn Charron, qui est le coordonnateur des relations avec le gouvernement pour la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Nous serons le plus brefs possible.
Nous aimerions remercier les membres du Comité de nous donner l'occasion de présenter un exposé au nom de nos membres. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants représente plus de 425 000 étudiants de collèges et d'universités au pays. Les leaders étudiants se réunissent deux fois l'an pour élaborer la politique et les grandes lignes des activités de la fédération. Notre objectif est d'obtenir un système d'éducation postsecondaire accessible à tous et d'une bonne qualité.
Notre mémoire repose essentiellement sur la prémisse suivante à savoir qu'un budget comporte des choix, et que les choix qui sont faits reflètent les valeurs et les priorités du gouvernement. Bien que nous soyons conscients des contraintes auxquelles le gouvernement a fait face lorsqu'il a fait les choix décrits dans le projet de loi C-76, nous sommes néanmoins d'avis que le gouvernement aurait pu et aurait dû faire d'autres choix. Nous commencerons par expliquer notre principale inquiétude au sujet du projet de loi C-76, soit la partie concernant le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
De toutes les mesures annoncées par le ministre des Finances, Paul Martin, dans son budget de février 1995, la fusion des transferts actuels prévus dans les Accords de financement des programmes établis et du Régime d'assistance publique dans un nouveau véhicule regroupant les transferts fédéraux appelé le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux aura probablement des conséquences d'une portée considérable. Dans le cadre de ce nouveau système de financement global, les provinces auront plus de latitude pour élaborer des programmes d'aide sociale, mais elles devront le faire avec des ressources financières réduites.
Comme l'indique le tableau I de la page 7 de notre mémoire, le gouvernement fédéral prévoit une réduction de 2,5 milliards de dollars en 1996-1997, puis une autre réduction de 1,8 milliard de dollars en 1997-1998, ce qui représente une perte totale de près de 7 milliards de dollars par rapport à 1995-1996. En raison du financement global, il est encore plus difficile d'évaluer exactement comment, où et quand les étudiants seront pénalisés. Les différents gouvernements provinciaux prendront des décisions en fonction de leurs priorités respectives. Dans certaines provinces, le plus gros des réductions pourraient être assumées par les étudiants, alors que dans d'autres provinces, les perdants pourraient être les assistés sociaux. Mais les étudiants seront sans doute lésés tout autant qu'ils l'auraient été si le gouvernement avait mis en oeuvre les propositions relatives à l'enseignement postsecondaires énoncées dans la révision de la sécurité sociale: une augmentation massive des frais de scolarité et une dette plus lourde pour les étudiants.
Contrairement aux dispositions législatives actuelles sur le financement des programmes établis, qui régissent les transferts fédéraux, le projet de loi C-76 n'indique même pas le pourcentage nominal du transfert qui devrait être consacré à l'enseignement postsecondaire. Or, les étudiants savent pertinemment que certaines provinces utilisent des fonds destinés à l'enseignement postsecondaire pour paver des routes, construire des barrages, etc. Mais en vertu des accords sur le FPÉ, au moins, ils pouvaient déterminer approximativement les montants détournés, étant donné que la loi stipulait que 28,5 p. 100 des transferts au titre du FPÉ devaient être réservés à l'enseignement postsecondaire.
Nous sommes convaincus que la réduction des niveaux de financement, alliée à l'absence de lignes directrices, sans parler de l'absence de normes nationales, aura des conséquences désastreuses sur l'accès aux études postsecondaires au Canada. Au cours de l'année dernière, nous avons maintes fois exprimé nos préoccupations quant au niveau d'endettement des étudiants dans notre pays, qui ne cesse de croître. Nous avons prévenu tous les niveaux de gouvernement que d'ici quelques années, un grand nombre d'étudiants auront une dette qui pourrait atteindre 40 000$ lorsqu'ils obtiendront leur diplôme. Nous avons été l'objet de risée lorsque nous avons mentionné ces chiffres. Pourtant, ces derniers ne sont que trop réalistes.
Écoutez bien ceci. Le prêt étudiant moyen en Ontario cette année, en 1994-1995, s'élevait à 6 169$. Pour un programme de quatre ans, la dette moyenne s'élève donc à 24 676$, montant auquel il faut ajouter l'intérêt que les étudiants devront payer pendant 10 ans. Notre première estimation des augmentations des frais de scolarité découlant du plan décrit dans la révision de la sécurité sociale était de 2 000$ durant une période de trois ans, estimation qui correspond à celle de l'Association des universités et collèges du Canada.
À notre avis, ces projections demeurent valables avec le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. En fait, selon ces projections, les augmentations des frais de scolarité qu'imposeront certaines provinces par suite des niveaux de financement prévus dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pourraient même être sous-estimées.
Chaque augmentation de 1 000$ au titre des frais de scolarité ajoute 4 000$ à la dette de nombreux étudiants. Ainsi, une augmentation de 2 000$ au cours des trois prochaines années ajouterait 8 000$ à la dette de nombreux étudiants qui sont inscrits à un programme d'études de quatre ans. Dans un tel scénario, la dette moyenne des étudiants s'élèverait à 32 676$. Ceux qui seraient tentés de considérer l'Ontario comme un cas d'exception devraient savoir que le prêt étudiant moyen en Colombie-Britannique cette année était de 5 996$, tandis que le prêt étudiant moyen en Nouvelle-Écosse, l'année dernière était de 5 997$.
Il est clair que quelque chose ne va pas. La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants n'est pas intéressée à jouer sur les différences d'une génération à l'autre, mais l'effet cumulatif des politiques adoptées au cours des 10 dernières années sera de créer une génération d'étudiants surendettés et dont les perspectives d'emploi ne sont guère réjouissantes.
Le gouvernement fédéral a certainement contribué à élargir l'accès aux études postsecondaires dans les années 1960 et 1970 et il ne fait aucun doute que, sans un soutien financier et moral majeur, les gains acquis au cours des dernières années seront perdus. Malheureusement, la création du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux indique clairement que c'est justement ce que vise le gouvernement: un retour en arrière.
Les étudiants canadiens qui fréquentent les collèges et les universités ne devraient probablement pas craindre un relâchement des normes nationales. Il n'y en a jamais eu. Depuis nombre d'années, la Fédération canadienne des étudiants et étudiantes demande l'adoption d'une loi sur l'enseignement supérieur, qui établirait des normes nationales relatives à l'enseignement postsecondaire, assorties de dispositions particulières pour le Québec. La création du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux réduit encore davantage les chances qu'une telle loi soit adoptée.
Alors que la loi régissant les accords actuels sur le financement des programmes établis stipule que les contributions fédérales doivent permettre aux provinces de jouir d'une plus grande flexibilité, le projet de loi C-76, lui, précise que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux vise à permettre aux provinces de jouir d'une plus grande flexibiblité. Or, cette flexibilité concerne maifestement la manière dont les programmes sociaux seront assurés.
Bien sûr, le gouvernement prétend qu'il pourra maintenir les normes nationales, et ces normes nationales sont mentionnése explicitement dans le projet de loi C-76. Deux critères ont été ajoutés aux cinq conditions déjà énoncées dans la Loi canadienne sur la santé: pas de surfacturation ni de frais modérateurs.
Dans son discours du budget, le ministre des Finances, Paul Martin, a dit que le gouvernement fédéral inviterait tous les gouvernements provinciaux à élaborer un ensemble de principes et d'objectifs communs qui pourraient caractériser le Transfert. Le paragraphe 13(3) de la Partie V du projet de loi C-76 réitère cet engagement. Or, nous sommes d'avis que d'autres intervenants devraient participer au processus, et nous espérons que le ministre du Développement des ressources humaines lancera une invitation à tous les groupes susceptibles d'être touchés par le Transfert.
Le projet de loi C-76 n'indique pas ce qui arrivera si le gouvernement fédéral et les provinces ne parviennent pas à s'entendre. Le gouvernement fédéral aura probablement le pouvoir d'agir unilatéralement et d'imposer son propre ensemble de principes et d'objectifs. Cependant, la capacité du gouvernement fédéral d'appliquer des normes nationales a toujours été liée au contrôle qu'il exerce sur les fonds transférés au titre du financement des programmes établis, fonds qui diminuaient déjà à cause du gel de cinq ans décrété en 1990.
Avec le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, les transferts pécuniaires diminueront encore plus rapidement.
Dans un proche avenir, le gouvernement fédéral pourra peut-être encore appliquer la Loi canadienne sur la santé, à condition de pouvoir canaliser la volonté politique de retenir toutes les contributions fédérales qui doivent être versées au titre du Transfert. En effet, si le gouvernement fédéral décide de ne retenir qu'une partie des contributions, les provinces pourront utiliser aux fins du régime de soins de santé le financement réservé à l'assistance sociale et à l'enseignement postsecondaire. Elles pourraient le faire impunément parce que le projet de loi C-76 ne prévoit aucun critère concernant l'enseignement postsecondaire dans le cadre du Transfert et qu'il prévoit un seul critère concernant les services sociaux.
Nous croyons qu'on finira par laisser tomber les normes nationales. Dépouvu de l'«arme» financière que lui procuraient les transferts pécuniaires, le gouvernement fédéral ne sera pas capable d'appliquer ces normes. Or, en l'absence de normes nationales, les gouvernements provinciaux aux prises avec leurs propres problèmes financiers pourraient être tentés de se libérer de leurs problèmes en les refilant aux établissements de soins de santé, aux établissements d'enseignement postsecondaire, aux organismes de services sociaux et aux municipalités.
Pourquoi tenons-nous à ce point à des normes nationales? Nombreux sont ceux qui ne voient rien de mal à sacrifier le principe de l'universalité à la faveur de programmes sociaux particuliers, ou même à laisser les individus et les familles se débrouiller seuls. Nous nous opposons vivement à cette vision. Nous ne voulons pas vivre dans une société où le droit de mettre au rancart ceux que nous considérons comme des parias est élevé au rang de principe sacré.
Nous croyons que les Canadiens qui ont besoin de soins médicaux devraient obtenir ces soins, quels que soient leurs revenus. Nous croyons que les étudiants qualifiés devraient avoir la possibilité de faire des études collégiales ou universitaires sans devoir contracter une dette qu'ils devront payer durant le reste de leur vie. Et nous croyons que les Canadiens ont droit à une alimentation et à un logement décents sans avoir à les mendier. Nous croyons que ces objectifs ne peuvent être atteints sans un secteur public fort, et nous sommes convaincus que les Canadiens peuvent encore se l'offrir.
Il est de plus en plus clair pour un grand nombre de Canadiens que le budget déposé en février dernier par le ministre des Finances, Paul Martin, apportera des changements majeurs dans notre pays. La plupart des Canadiens seront touchés, tant les cultivateurs et les céréaliers des Prairies, qui dépendent des subventions au titre du transport pour vendre leurs produits, que les patients qui jouissent des avantages d'un système de soins de santé avancé et les étudiants de niveau postsecondaire, qui seront bientôt surendettés.
Avant que le gouvernement donne suite à ces changements, les Canadiens devraient avoir la possibilité d'exprimer leurs préoccupations. C'est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement de tenir des audiences publiques à l'échelle du pays.
Merci beaucoup.
[Français]
Le président: Nous n'avons que sept minutes à consacrer aux questions. Nous allons donc commencer par vous, monsieur Plamondon.
M. Plamondon: Je vais d'abord vous exprimer ma surprise. Êtes-vous francophone?
M. Caron: Je suis francophone.
M. Plamondon: De quel endroit?
M. Caron: De Rimouski.
M. Plamondon: Et vous?
M. Jocelyn Charron (Fédération canadienne des étudiants et des étudiantes): De Sherbrooke.
M. Plamondon: Vous vous présentez ici avec un document uniquement en anglais. N'avez-vous pas honte? Au minimum, il devrait être dans les deux langues. Vous représentez une fédération constituée de francophones et d'anglophones, vous arrivez ici avec un document uniquement en anglais et vous vous exprimez en anglais. C'est ainsi, mes amis, que l'on s'assimile. C'est comme ça que le français se noie au Canada et perd sa place. C'est parce que des gens comme vous ne se tiennent pas debout, ont honte de leur langue et ne s'en servent pas pour s'exprimer.
Je n'ai aucune question.
Le président: Excusez-moi. Ils ont le droit de se présenter devant nous n'importe comment, et le gouvernement fédéral a le devoir de fournir la traduction. Lorsque je parle français, je crée le même problème.
M. Plamondon: Je ne parle pas de vous, monsieur le président. J'ai parlé directement aux témoins d'une chose. J'ai dit que je n'avais pas de questions. Donnez la parole à quelqu'un d'autre.
Le président: Merci, monsieur Plamondon. Monsieur Speaker.
[Traduction]
M. Speaker: Nous voulons, je crois, assurer la liberté de choix dans notre société. C'est ce que nous défendons, j'ose le croire, dans ce pays qu'est le Canada.
Je voudrais d'abord souligner en guise de préambule que vous avez présenté un mémoire intéressant. Il s'agit d'un mémoire réfléchi, bien présenté. je l'apprécie beaucoup. Vous avez très bien exposé votre point de vue, et votre vision est réaliste. Votre mémoire tient compte de la réalité, et je tiens à vous en remercier.
En tant que représentant d'une population qui ne se limite pas à celle des étudiants de collèges et d'universités, je dois répondre à deux questions particulières. À la page 11 de votre mémoire, vous dites:
- Nous croyons que les élèves qualifiés devraient avoir la possibilité de faire des études
collégiales et universitaires sans devoir contracter une dette qu'ils devront payer durant le reste
de leur vie.
Environ 6 p. 100 des élèves de première année se rendront jusqu'à l'université. Que dois-je répondre, par exemple, au jeune agriculteur ou au jeune homme d'affaires qui veut lancer une entreprise, ou à toute personne qui investit dans une affaire quelconque, et qui n'a aucun accès à ces fonds publics? Comment pourrais-je prétendre être juste si j'accepte de payer les études universitaires à l'étudiant alors que je ne peux aider de la même façon le jeune homme qui veut lancer une entreprise ou le cultivateur débutant? Comment pourrais-je le justifier et leur parler d'égalité de chances?
M. Caron: Je vous comprends. Nous avons présenté antérieurement un exposé sur le projet de loi C-28 et sur le programme de prêts aux étudiants.
M. Speaker: C'est juste.
M. Caron: La philosophie de la fédération et des étudiants qui ont préparé les politiques que nous présentons ici repose essentiellement sur le principe suivant: l'éducation est la responsabilité de la société principalement parce que la société a tout à gagner d'une population instruite.
Nous comprenons qu'il y a des choix à faire dans les circonstances. Nous comprenons l'importance du rôle respectif des secteurs public et privé. Selon notre conception des choses, les personnes qui veulent lancer une entreprise, une petite entreprise le plus souvent, ou commencer à travailler à leur compte, peuvent le faire et devraient également recevoir une aide à cette fin. Mais sans études universitaires, elles ne pourront peut-être pas faire ces choix.
Qu'est-ce qui empêche ces personnes de faire des études universitaires afin d'acquérir les connaissances et les compétences qui leur seraient utiles? En réalité, elles sont pratiquement obligées de faire des études postsecondaires en économie ou en administration pour être compétitives sur notre marché. Or, elles n'en ont peut-être pas les moyens. Voilà pourquoi elles considèrent que les études postsecondaires ne constituent pas une possibilité pour elles. Voilà pourquoi, si l'on facilitait l'accès aux études collégiales et universitaires, elles auraient une corde de plus que les autres à leur arc.
M. Speaker: Ma deuxième question concerne la responsabilité du gouvernement fédéral, par opposition à celle des gouvernements provinciaux, à l'égard de la qualité de l'enseignement, des soins de santé ou des programmes sociaux. Je suis un tenant de l'opinion selon laquelle plus le gouvernement est près de la population, meilleure sera la qualité des services. La population exige davantage du palier de gouvernement appelé à assurer les services. Je constate une tendance - et vous l'avez décrite très clairement ici d'ailleurs - à savoir que certains domaines sont de plus en plus confiés aux gouvernements provinciaux, ou même aux administrations municipales. J'ai confiance dans le système et je suis sûr que la qualité sera maintenue.
Vous pourriez peut-être donner votre opinion à ce sujet. Vous voyez les choses différemment. Vous voulez peut-être faire des commentaires.
M. Caron: Permettez-moi de ne pas partager votre opinion selon laquelle plus les services sociaux sont près de la collectivité ou de la population, meilleure est la qualité de ces services. On peut facilement constater que les nombreux services offerts dans différentes municipalités dans l'ensemble du pays ne sont pas d'une qualité égale. La qualité des services municipaux à Montréal, la collecte des ordures, par exemple, diffère sensiblement de celle d'Ottawa, et pourtant, ces services sont assurés par le même palier de gouvernement.
Tout dépend de ce que les citoyens font de leur responsabilité d'informer leurs représentants de la qualité des services qu'ils reçoivent. Je crois que le niveau de gouvernement impliqué joue un rôle, mais pas aussi important que vous semblez le croire.
La qualité de la prestation des services varie selon les niveaux de gouvernement. En fait, tout dépend de ce que les citoyens demandent et de la vigilance qu'ils exercent à cet égard.
M. Charron: Lorsque nous parlons de «normes nationales», nous ne supposons pas que le gouvernement contrôlerait tout ce domaine. Nous reconnaissons tout de même que l'enseignement postsecondaire relève du gouvernement provincial.
Comme dans le cas de la Loi sur la santé, par exemple, il s'agit d'établir des normes minimales qui devront être appliquées au Canada. Les systèmes varient sensiblement d'une province à l'autre. Au Québec, le système est très différent de celui de la Colombie-Britannique, et les aspects sur lesquels les deux provinces mettent l'accent sont également très différents. Prenez deux autres provinces, et vous constaterez la même chose.
Notre but est de faire valoir que certains éléments du système d'éducation postsecondaire doivent être maintenus et faire l'objet de normes minimales. Il faudrait, par exemple, que les crédits soient transférables d'une province à l'autre, que les systèmes de prêts provinciaux soient, non pas normalisés, mais plus accessibles aux étudiants qui veulent poursuivre leurs études dans d'autres provinces. Il faudrait assurer un financement minimal dans le domaine de l'enseignement postsecondaire, lequel n'existe même pas actuellement dans les provinces. Il n'est pas question de normaliser les structures, car cela signifierait ne pas tenir compte de la culture de la région. En fait, nous préconisons l'adoption d'une loi qui permettrait de décloisonner le système d'éducation postsecondaire, de le rendre plus compatible d'une province à l'autre.
M. Speaker: Voilà une bonne réponse.
Mme Stewart (Brant): J'aimerais commenter un certain nombre de questions posées parM. Speaker. Lorsque nous avons parlé de la qualité, j'ai écrit que quelque chose ne vas pas; le système, dans sa structure actuelle, ne fonctionne pas.
L'une des questions auxquelles je réfléchis actuellement est la possibilité de confier la responsabilité d'assurer la qualité des services au niveau de gouvernement qui a compétence en matière d'éducation, c'est-à-dire les provinces. Les provinces seraient entièrement responsables de cet aspect et ne pourraient s'en prendre au gouvernement fédéral et blâmer ce dernier pour leur incapacité de faire ceci ou cela parce qu'il ne leur a pas fourni suffisamment de fonds.
Si cette responsabilité était confiée aux provinces et que les électeurs prenaient la peine d'exiger de ces dernières qu'elles fournissent la qualité à laquelle ils s'attendent, croyez-vous que cela contribuerait à régler les problèmes que vous soulevez? Avec le système en place actuellement, où le gouvernement fédéral n'a aucune responsabilité mais verse aux fins de l'enseignement postsecondaire des fonds qui, comme vous l'avez mentionné, ne sont pas nécessairement utilisés à cette fin, et où les provinces ne sont pas entièrement responsables de ces fonds devant le gouvernement fédéral, il est difficile de garantir que ces fonds sont utilisés aux fins de l'éducation. Est-il possible que la structure proposée soit effectivement une solution à ce problème?
M. Charron: L'idée est intéressante, mais je crois que le problème est encore plus profond, étant donné que, généralement, les universités et les collèges ne sont même pas responsables devant les gouvernements provinciaux. Il y a effectivement des problèmes majeurs.
Mentionnons l'Ontario, par exemple, où un problème majeur a été constaté il y a deux ans par une commission chargée d'étudier la responsabilité des universités et des collèges et qui a déposé son rapport l'année dernière. Le gouvernement n'avait pas accès aux états financiers complets des universités et des collèges. Il n'était même pas en mesure de déterminer si tout allait bien ou non.
Il est possible que certaines normes soient appliquées par les gouvernements provinciaux, mais la plupart des universités semblent jouir d'un statut particulier qui les exempte des lois gouvernementales. En fait, les universités ont leurs propres lois.
Il est difficile de définir exactement les questions pour lesquelles les universités devraient être responsables et celles où elles n'ont pas à l'être. Il est évident que les universités doivent demeurer indépendantes d'une certaine manière et doivent rendre compte des fonds qu'elles reçoivent.
Je conviens que les provinces ont un rôle important à jouer. On ne doit pas oublier que le gouvernement fédéral a un rôle très important à jouer dans le domaine de l'enseignement postsecondaire. Il doit veiller à ce que la philosophie sur laquelle repose l'enseignement postsecondaire ne diffère pas d'une province à l'autre au point d'avoir finalement 10 petits pays qui appliquent leur propre système, un système cloisonné, interdisant ou entravant les transferts d'une province à une autre, augmentant ainsi considérablement le risque que l'accès aux études postsecondaires soit réservé aux mieux nantis dans certaines provinces. Cette hypothèse pourrait devenir réalité à l'avenir.
Au Canada, notre système d'éducation est en quelque sorte un compromis entre le système européen, où l'accessibilité est le facteur clé, et le système américain, qui est considéré comme étant davantage régi par la loi de l'offre et de la demande. Les étudiants canadiens sont d'avis que nous prenons actuellement une tangente dangereuse en nous tournant vers le système américain et en renonçant à tous les avantages de certains éléments du système européen qu'on est sur le point de laisser tomber.
[Français]
Le président: Messieurs Caron et Charron, permettez-moi de vous remercier. Votre présentation était claire et bien préparée. Je regrette de ne pas être aussi bilingue que vous. Vous nous avez beaucoup aidés. Merci encore de la part de tous les députés autour de cette table.
M. Charron: J'aimerais m'excuser auprès des membres du Comité pour notre retard. M. Caron n'a rien à voir là-dedans. C'est moi qui ai reçu le fax et qui l'ai mal lu. Je n'ai pas une bonne vue, mais cela ne change rien. Donc, c'est ma faute et je m'en excuse encore une fois.
Le président: Non, c'est nous qui avons la responsabilité de faire traduire tous les mémoires.
M. Plamondon: Il parle de son retard.
Le président: Je n'ai jamais été en retard moi-même, mais merci beaucoup.
M. Plamondon: J'invoque le Règlement. Venez-vous de dire que la traduction des textes est votre responsabilité?
Le président: Oui, celle des comités.
M. Plamondon: Pas les textes des témoins.
Le président: Non, c'est la responsabilité du gouvernement.
M. Plamondon: Et de nous les faire parvenir par la suite? Si c'est votre responsabilité, pourquoi n'ai-je pas de texte français?
Le président: Je ne le sais pas. Je dois le demander à notre greffier. C'est peut-être à cause de l'heure à laquelle nous avons reçu cette présentation.
M. Plamondon: Monsieur le président, j'ai toujours compris que le témoin pouvait s'exprimer dans la langue de son choix, présenter son texte dans la langue de son choix et le distribuer lui-même dans la langue de son choix.
Le président: Oui.
M. Plamondon: Je suis d'accord sur cela. Vous avez mal saisi mon approche face à ces deux témoins. Je ne leur ai pas reproché d'avoir un texte en anglais. Je ne leur ai pas reproché d'avoir parlé uniquement en anglais. Je leur ai dit que moi, comme francophone, j'avais honte quand je voyais deux francophones se présenter ici et présenter un texte seulement en anglais, laissant croire que la langue qu'on comprend au Canada est uniquement la langue anglaise et que si leur texte n'avait pas été en anglais, il n'aurait pas été compris. J'avais honte de les voir s'exprimer uniquement en anglais, eux qui sont bilingues. Pourquoi ne pas démontrer que le Canada est bilingue si c'est vrai? Pourquoi n'ont-ils pas montré qu'ils possédaient les deux langues en présentant leur texte en français et en anglais comme le font généralement les témoins bilingues? C'est ce que j'ai dit.
Je n'ai jamais exigé de recevoir le texte en français immédiatement parce que, selon la coutume des comités, le témoin a le droit de présenter son texte en français ou en anglais et, par la suite, les textes sont traduits dans une langue ou dans l'autre.
Merci.
Le président: Nous allons maintenant entendre les représentants de la Commission de la fonction publique.
[Traduction]
Ruth Hubbard, auriez-vous l'amabilité de nous présenter les personnes qui vous accompagnent aujourd'hui?
Mme Ruth Hubbard (présidente, Commission de la fonction publique): Avec plaisir, monsieur le président. Je vous présente M. Michel Cardinal, directeur exécutif de la Direction générale des programmes de dotation de la Commission de la fonction publique, et Mme Ginette Stewart, commissaire à la Commission de la fonction publique. M. Fernand Lalonde, directeur général de la Direction générale des appels et enquêtes, et M. Gaston Arseneault, avocat-conseil à la Commission de la fonction publique, sont également présents mais ils ne prennent pas place à la table.
Le président: Auriez-vous l'obligeance de nous présenter les autres personnes qui vous accompagnent?
Mme Hubbard: Ces personnes m'ont accompagnée pour m'aider à répondre à vos questions, monsieur le président.
Le président: Il y a de nombreuses autres personnes ici également, d'après ce que je vois.
Mme Hubbard: Il y a effectivement un certain nombre d'autres personnes de la Commission de la fonction publique.
Si vous le voulez, je peux leur demander de se lever et de se présenter.
Le président: Je vous en remercie.
Mme Beverly Whitelaw (Services juridiques, Commission de la fonction publique du Canada): Beverly Whitelaw.
Mme Pamela Ward (Direction générale des programmes de dotation, Commission de la fonction publique du Canada): Pamela Ward.
M. Ross McMahon (Direction de l'élaboration des politiques et programmes de dotation, Commission de la fonction publique du Canada): Ross McMahon.
M. Keith Hobbs (Direction générale des communications, Commission de la fonction publique du Canada): Keith Hobbs.
Mme Cheryl Geeson (Affaires parlementaires et législatives, Commission de la fonction publique du Canada): Cheryl Geeson.
Mme Nora Benbaruk (Services juridiques, Conseil du Trésor du Canada): Nora Benbaruk.
M. Michel Papineau (Groupe de la restructuration de l'emploi dans la fonction publique, Conseil du Trésor): Michel Papineau.
M. George Brackenbury (Division des relations de travail, Conseil du Trésor du Canada): George Brackenbury.
Mme Joan LaRose (Division du perfectionnement des ressources humaines, Conseil du Trésor du Canada): Joan LaRose.
Le président: Je sais que vous avez un exposé à nous présenter. Je me demande combien de fonctionnaires il faut pour préparer une publication. Je suppose que toutes ces personnes émargent au budget. Quoi qu'il en soit, j'ai hâte d'entendre votre exposé.
Mme Hubbard: Comme vous le savez, monsieur le président, la Commission de la fonction publique du Canada est l'organisme parlementaire constitué par la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, responsable des activités reliées à la dotation, aux recours et à la formation.
La mission de la Commission de la fonction publique est de veiller à ce que la population canadienne soit servie par une fonction publique très compétente, non partisane et représentative de la société canadienne.
Un autre intervenant majeur dans le domaine des ressources humaines dans la fonction publique est le Conseil du Trésor qui, en tant qu'employeur, est responsable de domaines tels que la classification des emplois, les négociations collectives, la directive sur le réaménagement des effectifs et la gestion générale des ressources humaines.
[Français]
La Commission de la fonction publique et le Conseil du Trésor ont un pouvoir qui est exercé par les administrateurs généraux qui relève directement de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique. Nous sommes donc très heureux que la Commission de la fonction publique ait l'occasion de s'adresser au Comité des finances afin de répondre aux questions sur la relation qui existe entre le projet de loi C-76 et la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique.
[Traduction]
Les décisions annoncées par le gouvernement dans son budget de février auront des répercussions sur la vie et la carrière de milliers de fonctionnaires.
Le rôle de la CFP dans l'exécution des décisions découlant du dernier budget sera de continuer à aider les ministères à gérer le volet «ressources humaines» de leur réorganisation, notamment le placement de leurs employés excédentaires. Notre objectif à cet égard est de fournir aux ministères et aux administrateurs généraux des outils ciblés pour nous aider tous à veiller à ce que la population canadienne soit toujours servie par une fonction publique très compétente, non partisane et représentative de la société canadienne.
[Français]
Nous sommes bien conscients des défis qui se présentent à la Commission de la fonction publique à la veille du XXIe siècle et des possibilités qui laissent présager des changements.
Le projet de loi C-76 prévoit, dans le cadre de la Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, deux nouvelles dispositions portant sur les priorités auxquelles ont droit les employés excédentaires.
[Traduction]
La Loi sur l'emploi dans la fonction publique et son règlement prévoient actuellement deux catégories de priorités pour les candidats qualifiés: les priorités légales et les priorités réglementaires.
Les priorités légales ont préséance sur les priorités réglementaires. Viennent au premier rang, dans la catégorie des priorités légales, les fonctionnaires qui rentrent au travail après un congé, suivis des membres du personnel ministériel, puis des employés qui ont été mis en disponibilité. Dans la catégorie des priorités réglementaires, mais non par ordre de priorité, viennent les employés excédentaires, les employés mis en disponibilité, ou les employés déclarés excédentaires qui ont accepté un poste de niveau inférieur, les employés en congé aux fins de la réinstallation de leur conjoint et les employés qui deviennent handicapés.
[Français]
Quand la Commission jugerait que c'est dans l'intérêt public, elle accorderait aux fonctionnaires excédentaires d'un ministère une priorité supérieure à toute autre accordée à des employés du même ministère ou d'autres ministères pour les nominations au sein de leur propre ministère. Cette modification aiderait les ministères à gérer leur réorganisation et leurs compressions de façon plus rationnelle et humaine.
Les fonctionnaires excédentaires seraient placés avec la plus grande efficience possible, au moindre coût et avec le minimum de perturbations.
Par ailleurs, cette mesure renforcerait la responsabilité des ministères à l'endroit de leurs propres employés.
[Traduction]
L'article 9 du projet de loi C-76 conférerait à la CFP le pouvoir discrétionnaire de décider de ne pas nommer un bénéficiaire de priorité si la nomination en question a pour effet de donner le droit d'être nommé en priorité à une autre personne. Ce pouvoir permettrait aux minstères où des emplois sont supprimés et d'autres emplois sont créés de placer en priorité absolue des employés touchés par une réorganisation interne ou une réduction des effectifs. Les administrateurs généraux ne se trouveraient plus aux prises avec la difficulté de déclarer un employé excédentaire parce qu'un employé bénéficiaire de priorité a été nommé.
Dans le passé, ce sont les ministères eux-mêmes qui ont le mieux réussi à placer leurs employés excédentaires, en partie parce qu'ils sont en meilleure position pour assortir les employés qualifiés aux postes dans le cadre organisationnel du ministère.
[Français]
Nous croyons que la mise en oeuvre des nouvelles mesures proposées aidera les ministères à placer promptement les fonctionnaires qui ont de l'expérience et des aptitudes tout en contribuant à maintenir le niveau de compétence au sein de la Fonction publique.
Monsieur le président, les mesures préconisées dans le projet de loi C-76 rehaussent les pouvoirs dont dispose déjà la Commission de la Fonction publique. Ces nouvelles mesures seront avantageuses pour les fonctionnaires et aideront à réduire les répercussions négatives du réaménagement des effectifs.
Mes collègues et moi vous invitons maintenant à formuler des commentaires ou à poser des questions. Merci.
Le président: Merci. Monsieur Plamondon.
M. Plamondon: On parle de réduire le nombre de fonctionnaires par le biais du projet de loi. On parle de 45 000 emplois qui seront... J'ai du mal à comprendre comment le service à la clientèle demeurera aussi bon qu'aujourd'hui avec 45 000 fonctionnaires en moins.
Pour ce qui a trait au service, quel serait le pourcentage de baisse de la qualité du service? Est-ce que la qualité du service pourrait diminuer de 50 p. 100? Je parle des délais, de l'accueil, de la disponibilité des fonctionnaires. Surtout pour ce qui a trait aux délais, qu'est-ce que cela veut dire pour vous?
Mme Hubbard: Les ministres et les sous-ministres de chaque ministère pourraient mieux répondre à cette question, parce que la décision de changer la façon de faire les choses ou de ne plus donner un service est une décision politique reliée aux décisions énoncées dans le Budget.
Je présume qu'il y a des activités qui seront transférées d'un niveau de gouvernement à un autre, ou de la Fonction publique à une société de la Couronne. Dans ces cas, il s'agit simplement d'un changement; l'activité ne sera pas réduite. Je présume également que nous verrons une amélioration du service ou une diminution du coût en raison de la décision stratégique de changer la façon de faire les choses.
M. Plamondon: Le but du projet de loi n'est pas de transférer un pouvoir du fédéral au provincial, à une société privée ou à une société de la Couronne. On dit qu'on coupe 45 000 postes.
Je vais vous donner un exemple. Le nombre d'emplois au centre d'emploi de ma région passera de 42 à 10. Quelle sera alors la qualité du service offert aux bénéficiaires de l'assurance-chômage? C'est la même chose dans bien des domaines. Est-ce qu'en coupant 45 000 postes, on ne diminue pas de moitié la qualité des services à la population? Autrement dit, dans ses rapports avec le gouvernement fédéral, une personne devra-t-elle attendre plus longtemps avant qu'on ne lui réponde? Assisterons-nous à une diminution de la qualité des services?
Mme Hubbard: Comme présidente de la Commission de la fonction publique, je trouve difficile de répondre à cette question.
Je peux simplement dire que parmi ces 45 000 postes, il y a environ 6 000, je crois, qui sont reliés au service de navigation aérienne.
Le gouvernement a pris la décision d'offrir ce service différemment. Cela ne représente pas une réduction de postes. C'est le cas pour les autres. Il est vrai qu'on prévoit que la Fonction publique sera plus petite qu'avant, mais la question des services actuels et des nouveaux services est une autre chose. Il se peut que dans un ministère, le ministre annonce que le rôle du gouvernement fédéral va changer et que, conséquemment, il y aura moins de travail pour les fonctionnaires.
Il ne m'est pas possible de faire des commentaires sur l'effet de cette réduction sur la qualité des services parce qu'il s'agit d'une redéfinition du rôle du gouvernement et on doit savoir comment mettre cela en oeuvre. Cela va peut-être changer la façon de faire les choses. Certains services seront peut-être éliminés, mais je ne peux pas vous donner plus de détails à ce sujet.
[Traduction]
M. Speaker: À propos de ces 45 000 postes - je crois d'ailleurs que nous avons soulevé cette question dans un autre débat - ont-ils été identifiés?
Mme Hubbard: Autant que je sache, certains d'entre eux seront identifiés, et d'autres pourraient ne pas l'être. La situation varie d'un ministère et d'un organisme à l'autre, selon que ces derniers ont fait une planification suffisamment détaillée pour savoir exactement quels postes seront touchés. Par ailleurs, l'exercice s'échelonnera sur une période de trois ans.
Pour vous donner un exemple, dans ma propre organisation, au lendemain de la présentation du budget, nous étions en mesure d'informer pratiquement tous les employés qui seraient touchés durant l'exercice financier en cours de leur situation. Nous étions en mesure de déterminer le nombre de postes, selon le groupe et le niveau, qui seraient touchés durant le deuxième exercice, mais nous n'étions pas en mesure de dire à une personne en particulier qu'elle, précisément, serait touchée. Dans certaines parties de notre organisation, nous pouvions le faire; dans d'autres, pas. C'est un travail plus détaillé que nous exécutons actuellement. L'expérience des ministères devrait ressembler à cela.
M. Speaker: À propos des postes qui sont vacants actuellement ou qui le deviendront, vous ne pouvez dire lesquels deviendront effectivement vacants. Sur les 45 000 postes en question, sait-on combien il y en a qui sont vacants actuellement, qui ne seront pas comblés, et qui seront abolis?
Mme Hubbard: Il se pourrait fort bien qu'un certain pourcentage de ces 45 000 postes soient déjà vacants à l'heure actuelle et que les gestionnaires ne les comblent pas. Je ne peux malheureusement pas vous donner de chiffres pour toute la Fonction publique. Je ne suis pas certaine que ces chiffres soient disponibles. Dans notre propre cas, si j'ai bonne mémoire, parmi les 150 ou 160 postes qui, d'après nos estimations, pourraient être touchés au cours de la première année, 20 ou 25 sont déjà vacants.
M. Speaker: Le ministre a fait une déclaration devant la Chambre au sujet de l'équité en matière d'emploi à l'échelle de la Fonction publique: on s'efforcerait de tenir compte de ce principe au fur et à mesure des réductions dans l'ensemble de la Fonction publique. Comment conciliez-vous cette politique et le principe du mérite, qui devrait également être une priorité lorsqu'il s'agit de combler un poste?
Mme Hubbard: Selon les exigences législatives relatives aux réductions, nous devons en priorité faire des choix parmi les employés. Si 20 employés font le même genre de travail et qu'on décide que 15 suffisent on procède selon l'ordre inverse du mérite. Cela signifie que la personne la moins qualifiée est la première à être éliminée.
Au sens légal ou technique, le mérite est le principe sur lequel on se base pour trancher. Cependant, nous avons des programmes spéciaux que nous administrons en partie pour l'employeur afin de veiller à attirer et à garder dans la Fonction publique des personnes appartenant à des groupes visés par l'équité en matière d'emploi.
Nous poursuivrons nos efforts pour veiller à ce que ces programmes, qui sont relativement peu nombreux, soient maintenus.
Il est vrai, par exemple, que dans certains ministères les personnes appartenant à des groupes cibles parmi les employés nommés pour une période déterminée soient surreprésentées par rapport à la population en général. Si un ministère décidait de réduire ses effectifs en éliminant simplement tous ses employés nommés pour une période déterminée, cela pourrait effectivement se traduire par une baisse du pourcentage des employés appartenant à des groupes cibles. Il sera difficile de maintenir la représentation actuelle de ces employés au sein de la fonction publique, en l'occurrence. Les gestionnaires devront être vigilants à cet égard, mais le mérite demeure le critère fondamental sur lequel repose la réduction des effectifs.
M. Speaker: Ma dernière question est de nature générale. Vous avez parlé des articles 8 et 9, et vos commentaires m'incitent à conclure que vous les approuvez. Vous semblez penser que la politique découlant de ces deux articles est applicable sur le plan administratif et que vous êtes capable de travailler dans les limites de ces paramètres.
Mme Hubbard: Oui, nous croyons effectivement que ces deux articles faciliteront l'administration des priorités. L'article 8, soit celui qui concerne les bénéficiaires de priorité, dit essentiellement que lorsque nous jugeons, à la Commission, que cette mesure sert les intérêts de la fonction publique, nous pouvons nommer en priorité absolue un employé excédentaire dans un ministère, c'est-à-dire que cet employé a préséance sur tout autre bénéficiaire de priorité de ce ministère ou d'un autre ministère. Étant donné que d'après notre expérience, la plupart des ministères réussissent à placer eux-mêmes leurs employés dans leur propre organisation, nous sommes d'avis que cet article, de même que l'article suivant, permettra d'améliorer l'efficacité du système et de mieux placer les employés touchés et les employés excédentaires, au bout du compte.
M. Speaker: Avez-vous participé à l'élaboration de certaines des dispositions législatives, au début du processus, ou de certains articles du règlement?
Mme Hubbard: On nous a demandé s'il y avait des dispositions, comme les articles 8 et 9 en question, que nous considérions particulièrement utiles pour faciliter notre tâche, qui consiste à gérer le système d'administration des priorités. Oui, en tant que commission, nous avons participé à la prise des décisions quant aux dispositions que nous considérions utiles.
Le président: Je vous remercie.
Le secrétaire parlementaire, M. Duhamel. Bienvenue.
[Français]
M. Duhamel (Saint-Boniface): Merci de votre présentation, madame Hubbard. Je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'à vos collègues.
J'ai deux grandes questions et la première comporte des sous-questions. Je vais les poser l'une à la suite de l'autre et vous pourrez ensuite me répondre.
[Traduction]
La première question comporte des sous-questions. Pourriez-vous décrire, le plus brièvement possible, le rôle de la Commission de la fonction publique durant la période de réduction des effectifs, éventuellement en parallèle avec celui du Conseil du Trésor. Même si je suis secrétaire parlementaire au Conseil du Trésor, je dois avouer que j'ai parfois du mal à distinguer leurs rôles.
Vous pourriez peut-être également décrire comment la Commission de la fonction publique s'y prendra pour surveiller le recrutement durant cette période afin de veiller à ce qu'on place en priorité les employés excédentaires au lieu de recruter des employés à l'extérieur. Il me serait utile, à moi ainsi qu'à mes collègues, je crois, de savoir combien d'employés sont inscrits sur la liste des employés excédentaires et combien il y en avait l'année dernière, en comparaison.
J'aimerais que vous m'indiquiez aussi, brièvement, les genres de services de formation et de counselling que la Commission de la fonction publique offrira à ses employés excédentaires. Une dernière sous-question, comment la Commission de la fonction publique surveille-t-elle le recrutement d'employés occasionnels?
Voici ma deuxième question, s'il reste du temps, et je ne suis pas au courant des délais prévus, après la réduction des effectifs...
Le président: Le temps presse. D'autres personnes veulent poser des questions.
M. Duhamel: Je laisse tomber ma deuxième question.
Mme Hubbard: Je répondrai d'abord à votre question sur la réduction des effectifs et les responsabilités relatives des deux ministères. J'essaierai de le faire brièvement.
Les deux lois principalement visées sont la Loi sur l'administration financière et la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.
Dans quelles circonstances prend-on la décision de réduire les effectifs? De toute évidence, c'est le gouvernement en place qui décide, il s'agit d'une décision stratégique. L'exécution de cette décision est l'affaire de l'administrateur général. La responsabilité de décider que les services d'un fonctionnaire ne sont plus nécessaires incombe essentiellement à l'administrateur général.
Ou encore, si l'on demande à un ministère de réduire ses dépenses d'un montant X, celui-ci peut avoir recours à différentes solutions de rechange à la réduction des effectifs. Il s'agit ici également d'une décision de gestion.
Dans le cadre de la réduction actuelle des effectifs, les deux mesures d'encouragement au départs volontaire, soit le programme d'encouragement à la retraite anticipée et les mesures proposées d'encouragement au départ anticipé, relèveront également de l'administrateur général, en ce qui concerne la retraite anticipée dans le cadre de la Loi sur la pension de la fonction publique et des mesures d'encouragement au départ anticipé si ce projet de loi est définitivement adopté. Quant au versement d'un paiement forfaitaire et à l'administration de la directive sur le réaménagement des effectifs, il s'agit de responsabilités de gestion qui incombent au Conseil du Trésor.
La Loi sur l'emploi dans la fonction publique confère à l'administrateur général le pouvoir de décider que tel ou tel employé doit être mis en disponibilité. La Commission de la fonction publique n'intervient pas dans cette décision, mais le règlement découlant de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique indique la manière de procéder dans ces cas, et il s'agit en l'occurrence de procéder selon l'ordre inverse du mérite.
Dans l'exemple que j'ai cité précédemment, je disais que si 20 personnes font le même travail et que 15 suffisent pour le faire, la décision de réduire les effectifs incombe à l'administrateur général. L'exécution de la décision sur la base de l'ordre inverse du mérite découle du règlement concernant nos responsabilités.
Quant au processus de recours, si une personne estime qu'elle a été indûment mise en disponibilité, elle peut présenter un grief dans le cadre de la convention collective au Conseil national mixte. S'il s'agit de la première personne à être mise en disponibilité dans le groupe de 20, et que celle-ci estime que le processus d'élimination selon l'ordre inverse du mérite n'a pas été équitable, elle doit alors s'adresser à la Commission de la fonction publique. Nous avons un mécanisme de recours, que nous administrons en conformité de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, et nous enquêterions afin de déterminer si le processus a été dûment appliqué.
Services de réorientation professionnelle. Nous offrons des services de counselling aux employés à ce chapitre.
Réintégration des employés excédentaires ou mis en disponibilité. Cette responsabilité incombe principalement à l'administrateur général.
Nous sommes responsables des nominations par priorité et de la réintégration. Nous déléguons certains de ces pouvoirs aux administrateurs généraux, mais ils découlent de nos responsabilités. Nous tenons une liste des bénéficiaires de priorité, de sorte que si un employé excédentaire ne trouve pas d'emploi dans son propre ministère, nous l'informons des emplois disponibles dans d'autres ministères. Voilà un de nos rôles. Les ministères doivent consulter la liste pour vérifier s'ils peuvent nommer des personnes inscrites sur cette liste avant de tenir un concours, par exemple.
L'administrateur général peut faire des offres à des employés mais il s'agit d'un pouvoir que nous lui avons délégué. Il incombe à l'administrateur de trancher, conformément à la directive sur le réaménagement des effectifs, si un employé refuse une offre d'emploi raisonnable, ce qui met fin à la période ouvrant droit à priorité d'employé déclaré excédentaire selon le projet de loi.
Je ne suis pas convaincue que cela facilite les choses. La décision concerne principalement l'administrateur général et le gestionnaire du ministère.
[Français]
M. Duhamel: Il y a deux questions auxquelles on n'a pas été capable de répondre. On pourra peut-être nous donner les chiffres.
[Traduction]
Mme Stewart: Compte tenu de la qualité de notre fonction publique et du fait que vous savez qu'on veille à ce que les employés aient la formation et les compétences nécessaires pour faire leur travail, quelles auraient été les répercussions sur les services, à votre avis, si au lieu d'axer la stratégie sur les emplois et de déclarer l'employé excédentaire du fait que son emploi n'est plus nécessaire, on avait élargi les programmes à tous les employés, puis géré suivant les départs?
Mme Hubbard: En fait, c'est à l'employeur qu'il faut poser cette question.
Mme Stewart: Je parle de la transférabilité des compétences, de votre compréhension des services.
Mme Hubbard: Les fonctionnaires sont hautement qualifiés. La compétence de notre fonction publique est reconnue dans le monde entier. Il ne fait aucun doute qu'en raison de l'ampleur de la réduction des effectifs, des fonctionnaires très compétents, hautement qualifiés seront déclarés excédentaires. Les compétences de ces personnes pourraient très facilement être utilisées ailleurs.
Je ne voudrais pas faire de commentaires au nom de la commission sur un programme de départs volontaires; pour moi, gestionnaire, l'idée me parait intéressante, mais difficile à mettre en pratique.
Mme Stewart: Quoi, au juste?
Mme Hubbard: Un programme de départs volontaires. En tant que gestionnaire, vous avez une quantité donnée de travail à faire faire. On vous demande de continuer à offrir un certain nombre de programmes ou de les repenser. Vous voulez vous assurer d'avoir les effectifs nécessaires pour répondre à ces attentes.
Dans le contexte de la fonction publique, la question de l'équité entre également en ligne de compte. Par une bonne planification des ressources humaines, il est possible de prendre des mesures raisonnables avant de déclarer des employés particuliers excédentaires. Une fois la décision prise, la façon de procéder dans la fonction publique est de décider que les services de l'employé ne sont plus nécessaires faute de travail.
En fait, vous proposez une toute autre manière de faire les choses.
Mme Stewart: Exactement. Vous avez bien compris.
En réponse à vos propos, je peux vous dire que d'après mes discussions avec les gestionnaires, ces derniers font exactement l'inverse. Ils offrent cette possibilité aux employés, composent avec le fait que l'emploi n'existe plus et font faire le travail ailleurs.
Si, compte tenu de la législation actuelle, nous avons pris cette tangente mais que nous constatons que la stratégie adoptée en réaction à la législation est réellement différente, cela me préoccupe.
Mme Hubbard: J'avancerais l'hypothèse suivante, à savoir que les gestionnaires prennent comme point de départ le fait qu'il n'est plus nécessaire d'exécuter un volume de travail donné, de sorte que certains emplois doivent être supprimés. Avant de décider que la personne A, qui occupe l'emploi en question, n'a plus d'emploi, si l'on peut dire qu'un autre employé de l'organisation peut faire ce travail, l'employé dont l'emploi est supprimé peut également faire un autre travail, rien ne pourrait empêcher cela. Voilà une saine gestion des ressources humaines. À mon avis, cela ne va pas à l'encontre de l'objectif visé.
On part du principe qu'il n'y a plus de travail. Le fait que les gestionnaires dans les ministères font ce que j'appellerais une bonne planification des ressources humaines n'est pas une mauvaise chose.
Mme Stewart: Dieu merci, ce sont de bons gestionnaires qui font une bonne planification des ressources humaines. Sauf que je me demande si nous ne leur avons pas rendu la tâche particulièrement difficile. Si nous avions envisagé les choses d'un autre point de vue, nous leur aurions facilité la tâche en cette période très difficile.
Mme Hubbard: Il y a fort à parier que d'autres problèmes se seraient posés. Si l'un des emplois de mon service est supprimé et que sept employés se portent volontaires pour partir, comment vais-je trancher? Comment vais-je choisir celui des sept, ou des trois qui sera favorisé? S'il y en a trois, quatre ou cinq, et que j'en choisis un sur la base d'un critère donné, les autres seront déçus et auront l'impression que le processus n'a pas été équitable.
On ferait face à d'autres genres de problèmes. Je ne crois pas que l'exercice puisse se faire sans problèmes.
[Français]
M. Plamondon: Il y a, dans la Fonction publique, environ 30 000 employés fédéraux contractuels, c'est-à-dire des personnes engagées pour une période de trois mois ou plus. Lors de la réduction du nombre de fonctionnaires, combien de contractuels perdront leur emploi?
Je complète ma pensée et vous me répondrez sur l'ensemble de la question. Pourquoi couper des postes d'employés à temps plein tout en conservant des employés à temps partiel?
Mme Hubbard: Je regrette, mais je n'ai pas de renseignements sur le nombre de personnes engagées pour une période déterminée. Toutefois, j'ai ici une estimation. Je vais demander à Michel Cardinal de répondre.
M. Plamondon: À peu près 30 000.
M. Michel Cardinal (directeur exécutif, Direction générale des programmes de dotation, Commission de la fonction publique): C'est ça. Si on tient compte des employés à terme engagés pour trois mois ou plus et des employés occasionnels, vous avez raison.
M. Plamondon: C'est donc là ma question. Est-ce que ces personnes seront renvoyées ou si elles conserveront leur emploi? Vous me comprenez. Je veux savoir ce qui arrive lorsqu'on a 30 000 emplois à temps partiel ou contractuels et qu'on doit supprimer des postes. Pourquoi ne pas d'abord supprimer ceux des contractuels ou des employés à temps partiel et conserver les employés à temps plein? Doit-on effectuer des coupures dans les deux camps, et dans quelle proportion?
Mme Hubbard: On tente de sauvegarder les emplois des personnes qui sont engagées pour une période indéterminée. Dans les ministères, on examine très attentivement la proportion du travail accomplie par des contractuels ou par des personnes engagées pour une période déterminée, et on essaie d'abord de réduire la proportion du travail effectuée par ces derniers.
Pour certaines activités, il peut être important de ne pas éliminer ce mode de travail. Cependant, à notre avis, il devrait y avoir moins d'emplois de ce type à l'avenir.
Je ne sais pas si Mme Stewart souhaite ajouter quelque chose.
M. Plamondon: Merci.
[Traduction]
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Est-il arrivé, sur le terrain, que les syndicats s'abstiennent de dire à leurs membres que certains employés étaient prêts à prendre leur retraite? Dans le ministère, il y a peut-être 12 fonctionnaires qui seraient disposés à prendre leur retraite et la direction veut bien garder les employés à temps partiel ou les contractuels, mais les syndicats s'y opposent. Vous a-t-on posé cette question?
Mme Hubbard: Il se peut fort bien que de tels cas existent. C'est que le ministère met tout en oeuvre, à l'administration centrale et dans les régions, pour collaborer le plus possible avec les syndicats et avec les autres ministères. Nous sommes souvent appelés à participer à ces démarches pour veiller à ce que la mise en oeuvre des décisions prises par suite de l'examen des programmes se fasse d'une façon que tous les intéressés jugent raisonnable, dans les circonstances. En ce moment, on met actuellement sur pied dans les régions des comités qui regrouperont des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor, de la Commission, des ministères et des syndicats. Ces comités examineront de près la façon dont les choses se passent dans la pratique.
M. Fewchuk: La question que je viens de soulever vous a-t-elle été posée par des employés? La direction serait disposée à les garder mais le syndicat n'est pas d'accord? La direction se dit prête à garder ces employés et, comme 12 personnes veulent prendre leur retraite demain, tout est parfait. Les fonctionnaires qui prennent leur retraite reçoivent les indemnités de départ ou bénéficient des autres avantages prévus dans ce cas. Toutefois, le syndicat refuse de donner son accord; ce faisant, il empêche l'employé de produire et de garder son emploi. C'est, en gros, cela qui se produit, en fin de compte.
Mme Hubbard: Ce problème particulier n'a pas été porté à notre attention.
M. Fewchuk: Mais moi, il m'a été signalé.
Le président: Dans ce plan de réduction des effectifs, y a-t-il une directive ou un stratégie qui permette aux fonctionnaires de l'administration centrale ou aux cadres supérieurs de supplanter des employés dans les régions? Prenons l'exemple d'Agriculture Canada, où des fonctionnaires des bureaux d'Ottawa viennent prendre le poste d'employés du bureau de Lethbridge parce qu'ils ont moins d'ancienneté ou un poste moins élevé dans la hiérarchie. Est-ce que ce sont les employés des régions qui perdent leur emploi au profit d'un fonctionnaire qui travaillerait actuellement à l'administration centrale ou qui occuperait un poste plus élevé?
Mme Hubbard: Il est vrai que, d'après certaines conventions collectives du secteur privé, il faut tenir compte de l'ancienneté au moment de procéder à des licenciements. C'était le cas, par exemple, à la Monnaie royale canadienne, où j'ai travaillé pendant un certain temps, mais les conventions collectives du secteur public ne contiennent aucune disposition de ce genre.
Permettez-moi de rappeler certains principes fondamentaux, notamment le fait qu'à la fonction publique fédérale, toute nomination doit être fondée sur le critère du mérite. Toutes les mesures prises pour doter des postes visent essentiellement à favoriser la nomination des candidats et candidates les plus aptes et les plus qualifiés. Quand nous plaçons des employés excédentaires, ce sont des employés qualifiés que nous plaçons. Il me semble nécessaire de le rappeler.
Permettez-moi d'ajouter encore quelque chose. Je pense que les administrateurs généraux et les cadres supérieurs savent très bien qu'il faut user de discernement au moment d'appliquer les décisions prises à l'issue de l'examen des programmes. Ils savent très bien, par exemple, qu'il serait illogique de réduire sensiblement la capacité opérationnelle tout en conservant la même capacité dans ce qu'on pourrait appeler les fonctions auxiliaires ou les fonctions de l'administration centrale. Il faut faire en sorte que le nombre de cadres diminue proportionnellement à la réduction des effectifs de première ligne.
Rien dans la structure n'incite les cadres à agir comme vous l'avez décrit. La plupart des gestionnaires auraient plutôt tendance à faire le contraire en adoptant le point de vue du contribuable et en agissant dans son intérêt.
Mme Brushett: J'aimerais vous poser deux questions. Premièrement, avez-vous un plan d'action qui vous permettra d'attirer des professionnels qualifiés une fois que cette opération de réduction des effectifs sera terminé? Quand nous aurons réduit la fonction publique à l'état de squelette, comment nous y prendrons-nous pour attirer de nouveau dans un proche avenir, des candidats vraiment qualifiés?
Deuxièmement, comment ce principe du mérite que nous ne cessons d'invoquer est-il appliqué dans le bureau d'assurance-chômage local ou dans les bureaux de développement des ressources humaines situés dans les petites agglomérations rurales du pays? Comment ce principe s'applique-t-il alors que nous donnons plus d'autonomie aux petits bureaux et qu'un directeur peut alors apporter tous les changements qui à son avis sont susceptibles d'améliorer l'efficacité, si bien que les employés sont remerciés parce qu'ils sont devenus excédentaires? Où est-il, le respect du principe du mérite dans de pareils cas?
Mme Hubbard: Je vais d'abord répondre à votre première question. Il faut savoir que, malgré la réduction des effectifs que nous connaissons depuis plusieurs années, nous maintenons certains programmes à l'échelle de la fonction publique pour continuer à attirer et à garder des personnes essentielles qui seront appelées à jouer un rôle important pour l'avenir de l'administration publique. Je pense, entre autre, au programme de stagiaires en gestion mis sur pied voilà quelques années, qui nous permet de recruter environ 200 candidats chaque année, parmi les plus capables et les plus brillants, ayant une formation postsecondaire en administration publique. Nous maintenons aussi notre programme de recrutement spécialisé pour certaines professions, pour doter des postes de statisticiens ou d'économistes, par exemple.
Malgré la compression des effectifs actuelle, cette revitalisation de la fonction publique se poursuit. Ces programmes jouent toujours un rôle important.
Je pense que nous pouvons continuer à compter, dans l'avenir, sur une fonction publique de grande qualité et très professionnelle. Nous devrons cependant faire savoir sans équivoque que cette fonction publique sera transformée et que certaines façons de faire auront sans doute changées.
La semaine dernière, j'ai pris la parole devant le Forum pour jeunes canadiens qui était en visite dans la capitale pour une semaine. Mme Michèle Jean, la sous-ministre de la Santé et moi-même avons été invitées à nous adresser à ce jeune auditoire. Sans nous consulter, nous avons toutes les deux conclu notre exposé de la même façon, en invitant les jeunes à envisager sérieusement une carrière dans la fonction publique fédérale. Être doté d'une fonction publique très compétente est un atout pour le Canada face à la concurrence internationale et malgré la réduction de la taille de l'administration publique et les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter, il y a sans aucun doute de l'avenir dans la fonction publique.
Faut-il en conclure que nous allons procéder à un recrutement massif dans un avenir immédiat? Absolument pas; mais nous continuerons à recruter quelques candidats. Nous devrons tout mettre en oeuvre, d'une part, pour encourager les fonctionnaires toujours en poste en leur montrant qu'il reste du travail intéressant et stimulant à faire dans la fonction publique et, d'autre part, pour attirer assez de candidats de l'extérieur pour renouveler nos effectifs et contrer le vieillissement de la fonction publique. Nous devrons y voir, sinon nous aurons des problèmes dans une dizaine d'années.
C'est un défi auquel nous devons tous faire face, mais il se pose de façon toute particulière à la Commission de la fonction publique. Nous réfléchissons et nous nous inquiétons beaucoup de la situation.
J'en arrive à présent à votre deuxième question qui porte sur le respect du principe du mérite dans les bureaux locaux. Depuis quelque temps, nous redoublons d'efforts pour veiller à ce que les responsabilités que nous déléguons aux ministères - et qu'ils délèguent à leur tour à leurs cadres hiérarchiques - et qui comportent l'application du principe du mérite dans la dotation de postes vacants, s'inscrivent dans un contexte où il est très clair que chacun sera appelé à répondre de ses résultats. Pour le faire, nous avons utilisé une série d'ententes de délégation.
Nous y arrivons mieux en négociant avec un ministère une entente qui décrit nos attentes quant à la façon dont les cadres investis de pouvoirs délégués devront se comporter. Nous pouvons surveiller comment les choses se passent et, si nous ne sommes pas satisfaits de la façon dont les cadres ont exercé le pouvoir que nous leur avions délégué, nous pouvons toujours le leur retirer.
À mon avis, il est tout à fait logique de conférer plus de responsabilités aux cadres de première ligne pour leur permettre de mieux adapter les services qu'ils offrent, pourvu qu'on leur confère en même temps l'obligation claire de bien s'acquitter de leur tâche et de respecter le principe du mérite. Tout employé qui s'estimerait victime d'une injustice a des recours: Il peut s'adresser à nous ou déposer un grief, selon la nature de sa plainte.
Le président: Combien la Commission de la fonction publique compte-t-elle d'employés?
Mme Hubbard: En tout?
Le président: Oui.
Mme Hubbard: Environ 1 700.
Le président: Il nous sera très difficile en tant que députés, de suivre cette opération qui consiste à réduire de 45 000 postes l'effectif de la fonction publique. Tout comme vous, nous tenons à ce que cela se fasse de la façon la plus humaine possible et dans le respect des normes d'excellence les plus rigoureuses. Votre tâche ne sera pas facile. Je vous souhaite bonne chance.
Nos prochains témoins ne nous sont pas inconnus. Ils représentent le Caledon Institute for Social Policy. Monsieur Ken Battle, président, et madame Sherri Torjman, vice-présidente.
M. Ken Battle (président, Caledon Institute for Social Policy): Je vous remercie encore une fois, monsieur le président ainsi que les autres personnes présentes, de nous permettre de comparaître de nouveau devant votre comité. Depuis quelques années, nous avons eu à maintes reprises l'occasion de nous présenter devant vous.
Permettez-moi, tout d'abord, d'expliquer ce sur quoi portera l'essentiel de notre intervention d'aujourd'hui. Nous avons préparé un mémoire qu'il serait peut-être bon de remettre aux membres de ce comité parce que je vais parler d'un graphique qui y figure.
Le document que nous distribuons en ce moment aux membres du Comité pour qu'ils l'emportent et l'examinent à loisir, monsieur le président, est une version remaniée de notre réponse au budget 1995. Je le mentionne parce qu'il présente une vue d'ensemble beaucoup plus vaste de l'évolution de la politique sociale que ce dont je vais vous parler ce matin.
Nous y commentons un plus grand nombre de programmes sociaux mais nous y décrivons aussi les tendances qui se manifestent dans ce domaine: nous avançons, essentiellement que les changements qui touchent ou qui toucheront, en partie, notre régime des pensions et aussi ceux qu'on va apporter au régime d'assurance-chômage et aux transferts sociaux du gouvernement fédéral aux provinces, sujet que nous souhaitons aborder avec vous aujourd'hui, étaient en fait en gestation depuis longtemps. Il n'y a rien de nouveau. À notre avis, l'orientation actuelle des programmes fédéraux et du rôle du gouvernement fédéral dans le domaine de la politique sociale remonte à neuf ou dix ans au moins. On en trouve l'origine dans les premiers budgets du gouvernement Progressiste conservateur, déposés par Michael Wilson.
Nous voyons donc là une certaine continuité, ce qui risque soit de piquer votre curiosité, soit de vous irriter.
Ceux d'entre vous qui nous connaissent et qui connaissent notre travail savent que quand nous étudions des aspects de la politique sociale, nous faisons des recherches et une analyse rigoureuse et nous rédigeons nos dossiers avec soin pour qu'il soit très claire. Voilà la réputation que Sherri Torjman et moi-même nous sommes bâtie au fil des ans. J'ai voulu souligner cet aspect personnel pour que vous puissiez replacer dans le commentaire que je m'apprête à formuler dans leur contexte. Nous pesons nos mots et nous n'avons pas la moindre propension aux envolées oratoires, aux coups bas ou aux types de critique qu'expriment souvent les détracteurs du gouvernement. Nous nous faisons un point d'honneur de présenter au gouvernement des analyses et des propositions responsables.
Nous sommes d'ailleurs heureux de constater que sur le chapitre de la réforme des pensions, le budget reprend presque textuellement les propositions que notre organisme à formuler il y a trois ans.
Quant au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, dont le budget et le projet de loi tracent les grandes lignes, je ne crois pas qu'il soit exagéré de dire - et je tiens à faire savoir publiquement qu'il s'agit-là de la vie de notre organisme - que cette mesure risque d'avoir des répercussions tout à fait désastreuses sur la politique sociale du pays. Évidemment, il faudra attendre pour savoir exactement quelles seront ces répercussions et nous devrons sans doute les analyser pendant plusieurs années. Cependant, compte tenu de la façon dont les choses se sont passées au cours des dernières années, nous sommes très inquiets au sujet de l'avenir des programmes sociaux et des programmes de santé partout au Canada.
Aujourd'hui, nous souhaitons attirer votre attention sur ce que nous appelons, dans notre mémoire, les parents pauvres des programmes touchés. Comme vous le savez, le gouvernement fédéral assume depuis 1966, dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, la moitié du coût de l'aide sociale et des services sociaux fournis par les provinces et les territoires. Depuis 1990, la part de ces dépenses assumées par le gouvernement fédéral a diminué pour l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta en raison des plafonds prévus dans le Régime. Grâce au financement des programmes établis, le gouvernement fédéral a effectivement partagé le coût du système de santé et du système d'éducation postsecondaire partout au Canada.
Nous voulons aborder l'assistance sociale et les services sociaux qui, à notre avis, sont les parents pauvres de ce programme. Les commentaires parus dans les médias au sujet du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et les réactions de groupes d'intérêt à cette initiative en disent long. Comme il l'était à prévoir, le débat a surtout porté sur l'assurance-maladie, certains soutenant que notre régime de santé est menacé et d'autres qualifiant ces craintes d'alarmistes. Dans tout ce débat, ce que l'on perd de vue - ce que nous avions, je le répète, prévu, et ce qui nous inquiète beaucoup - ce sont les répercussions des modifications qui seront apportées au Régime d'assistance sociale et aux services sociaux par suite de la mise en oeuvre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. C'est de cela que nous voulons vous parler aujourd'hui.
Avant de céder la parole à Sherri, j'aimerais donner quelques explications assez détaillées parce qu'on ne comprend pas toujours très bien la nature du système actuel du partage des coûts des programmes sociaux entre le gouvernement fédéral et les provinces. Bien des idées fausses circulent au sujet de la nature de ce système. Selon l'idée la plus répandue, les provinces ne seraient que des marionnettes entre les mains du gouvernement fédéral qui les obligeraient à se plier à toutes ses volontés pour obtenir de l'argent. Bien entendu, il n'en est rien. Les transferts sociaux du gouvernement fédéral sont assujettis à très peu de conditions, dans la réalité. Mais ces conditions sont absolument essentielles et nous craignons qu'à une exception près - dont nous parlerons tout à l'heure - ces conditions soient abolies.
J'aimerais souligner, en terminant, que nous ne sommes pas les défenseurs acharnés de la politique sociale d'une autre époque, que nous ne cherchons pas simplement à défendre le statu quo et que nous n'avons pas la nostalgie des années soixante. Loin de là. Au cours des années qui ont précédé la création de Caledon Institute, en 1993, Sherri et moi-même avons fait un travail d'avant-garde en préconisant une réforme approfondie du système de sécurité sociale du Canada. En fait, en ce qui concerne les transferts sociaux du gouvernement fédéral, loin de défendre le Régime d'assurance publique du Canada, nous avons proposé son abolition dans un document que nous avons adressé à Lloyd Axworthy avant même qu'il n'amorce l'examen des mesures de sécurité sociale.
Nous préconisons une réforme en profondeur du Régime d'assurance-chômage, de l'assistance sociale et des services sociaux, réforme qui permettra d'atteindre certains des objectifs que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux vise à réaliser, d'après ses partisans. Il ne faut pas croire que nous nous acharnons à défendre le statu quo. Bien au contraire, nous critiquons depuis longtemps certains des aspects du Régime d'assistance publique du Canada. Mais nous craignons que, quoi qu'il se profile à l'heure actuelle, le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ne soit pas assez musclé.
Peu importe toutes les discussions au sujet des normes, des conditions et d'objectifs nationaux parce qu'il s'agit-là, en fin de compte de débats purement théoriques puisque les sommes qu'Ottawa verse aux provinces diminuent. N'ayons pas peur des mots mais disons les choses telles qu'elles sont: Au cours des années 50 et 60, Ottawa s'est ingéré dans des champs de compétence provinciaux, la santé et l'aide sociale, à coups de millions et aujourd'hui, le gouvernement fédéral dépense des sommes importantes justement pour se retirer de ses domaines.
Nous pensons que le Transfert aura des répercussions graves sur l'avenir des services sociaux et de l'aide sociale, entre autres raisons parce que les provinces n'aurons plus l'argent nécessaire. Les subventions du gouvernement fédéral étaient importantes. Nous avons calculé quel pourcentage des recettes provinciales représente les sommes actuellement transférées aux provinces en vertu du RAPC et du SPE. Il s'agit de pourcentages considérables qui varient, bien sûr, d'une province à l'autre, mais qui sont, à l'ordre actuel, de l'ordre de 12 à 14 p. cent. On peut effectivement prévoir qu'au début du XXIe siècle, ce financement n'existera plus; nous décrivons d'ailleurs différents scénarios selon le moment où les sources de financement se tariront.
Cela signifie qu'en définitive, mais si nous nous penchons sur les services sociaux et l'assistance sociale, au moment d'aborder les programmes sociaux, le Transfert aura des répercussions beaucoup plus vastes. Le rôle du gouvernement dans d'autres domaines s'en trouvera modifié. Cette mesure aura des répercussions sur d'autres programmes publics. Qu'ils soient provinciaux ou municipaux. Elle se répercutera aussi sur le rôle du secteur bénévole. Sans vouloir adopter un ton plus trop lyrique, j'estime que cette mesure aura des conséquences pour la nature même de notre Confédération, qu'elle changera ce que cela signifie d'être Canadien.
Passons maintenant du général au très précis. Je cède la parole à Sherri qui évoquera certains des arguments que nous voulons faire valoir au sujet de l'effet possible du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux sur le Régime d'assistance sociale et les services sociaux.
Mme Sherri Torjman (vice-présidente, Caledon Institute of Social Policy): J'aimerais décrire les répercussions du Transfert qui découleront de la disparition du fondement législatif des services sociaux et du Régime d'assistance sociale. Vous avez sans doute entendu parler abondamment de la réduction des subventions et j'aborderai dans un moment les conséquences de cette diminution des transferts. Le fondement législatif des mesures sociales disparaîtra, par ailleurs, cela me semble très inquiétant.
Permettez-moi de reprendre ce que Ken vous a dit au sujet de nos interventions passées. Nous nous sommes déclarés en faveur de changements fondamentaux du RAPC à la condition qu'ils s'inscrivent dans le cadre d'une réforme globale du système de sécurité sociale. Cependant, si le gouvernement instaure le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux tels qu'ils se présentent à l'heure actuelle, cela reviendra à démanteler le système sans tâcher de le rebâtir. En ce moment, nous nous voyons forcer de défendre le statu quo parce que cela nous semble tellement important. Nous préférons le statu quo à la mise en oeuvre du Transfert.
Le président: C'est aussi notre position, je pense.
Mme Torjman: Je suis très heureuse de vous l'entendre dire.
Comme l'a dit Ken, le RAPC est le principal mécanisme de financement des services sociaux et de l'aide sociale. Comme il l'a souligné, la Loi pose peu de conditions, mais ces conditions sont extrêmement importantes.
Je dirai d'abord quelques mots au sujet de l'aide sociale puis j'aborderai les services sociaux.
Dans le cas de l'aide sociale, trois conditions nous semblent primordiales: l'absence des conditions de résidence, critères d'admissibilité fondés sur les besoins et procédure d'appel.
En ce qui concerne les conditions de résidence, le projet de loi interdit aux provinces d'imposer une condition de résidence aux personnes qui demande l'aide sociale. Nous nous réjouissons qu'il en soit ainsi, mais il nous semble qu'aucun système n'existe ou si d'autres critères d'admissibilité sont établis, l'interdiction d'imposer une condition de résidence sera purement théorique. Il est heureux que le projet de loi comporte cette interdiction, mais il faudrait aussi regarder les autres conditions vues par le RAPC.
La deuxième question que nous voulons aborder est celle du critère du besoin. L'établissement de ce critère traduisait une profonde évolution de la politique sociale. En 1965, le Canada a instauré le Régime d'assistance publique du Canada (RAPC). En vertu de ce régime, les provinces étaient tenues de verser de l'aide sociale en fonction des besoins financiers des personnes qui la demandaient, peu importe les raisons pour lesquelles ces personnes se trouvaient dans le besoin. C'était là un progrès très important, parce qu'on n'avait pas besoin d'être aveugle, d'être handicapé ou d'être chef de famille monoparental comportant un enfant de moins de tel âge pour avoir droit aux prestations. L'admissibilité des personnes dépendait de ses besoins financiers, définis selon des critères très stricts par les provinces. Ce n'était pas un buffet ou tout un chacun pouvait se servir à volonté. Pour avoir droit à l'aide sociale, il fallait satisfaire à certaines exigences touchant les actifs immobilisés et liquides de même que leur revenu. Les critères étaient très sticts, de sorte qu'on n'avait pas, pour recevoir de l'aide sociale, à se présenter comme un pauvre «militant».
Dans la pratique, l'application de critères de besoins financier pour déterminer l'admissibilité sera compromise puisque le RAPC n'exige pas que les provinces fournissent une aide financière quelconque sur la base des besoins financiers. Les provinces peuvent choisir les critères qu'elles veulent. Elles pourraient même déclarer que certaines personnes n'en ont pas besoin. Elles pourraient fixer des critères d'admissibilité de ce genre.
Nous trouvons très inquiétant que l'on ait supprimé le fondement législatif d'un «filet de sécurité» social dans notre pays alors que le marché du travail est perturbé, qu'il y a tant de sans-emploi, que tant de travailleurs occupent un emploi précaire et touchent un salaire de famine. Supprimer le fondement législatif est une décision extrêmement grave.
Le troisième critère prévu par le Régime d'assistance publique du Canada était l'existence d'une procédure d'appel. Les provinces devaient être dotées d'un mécanisme d'appel dont les demandeurs et les bénéficiaires d'aide sociale pouvaient se prévaloir. Aucune autre condition ou caractéristique de ces mécanismes d'appel n'était prescrite, si bien qu'à l'heure actuelle le système d'appel varie énormément d'un endroit à l'autre du pays. Dans certains cas, on a mis sur pied un tribunal. Dans d'autres, on s'est contenté d'instituer des procédures de révision administrées par des fonctionnaires. Mais il y a toujours un mécanisme d'appel quelconque.
Ici encore, nous craignons que si le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux ne prévoit pas l'instauration obligatoire d'un mécanisme d'appel, cette protection disparaîtra tout à fait. L'aide sociale est un programme extrêmement complexe dont l'administration comporte un aspect extrêmement discrétionnaire et varie énormément d'une région à l'autre du pays. À notre avis, il est absolument indispensable que les citoyens puissent avoir accès à un mécanisme d'appel quelconque qui leur garantisse une certaine protection contre l'arbitraire, puisque chaque décision est prise cas par cas.
Je tiens aussi à signaler que bien des gens ne comprennent pas que l'aide sociale ne se résume pas au paiement d'une aide financière à des personnes sans revenu. Le Régime d'aide sociale permet d'offrir une aide particulière qui peut prendre diverses formes, par exemple, la fourniture de biens et de services dont ont besoin les personnes malades ou handicapées. Par exemple, des fauteuils roulants, des verres spéciaux, des prothèses et des services d'aide à domicile à l'intention des personnes âgées ou de personnes handicapées qui n'ont pas les moyens de payer ces biens et services. Or le remboursement de ces biens et services spéciaux est autorisé sur une base discrétionnaire. On n'y a pas automatiquement droit, il faut avoir de faibles revenus. Ces programmes qui viennent compléter notre régime d'assurance-maladie sont très importants.
En fait, le régime d'aide sociale joue un rôle qui relève pratiquement du domaine de la santé en fournissant ces types d'aide spéciale aux personnes qui en ont besoin. Or, si le fondement législatif du régime d'aide sociale et les services sociaux disparaît, nous craignons que les handicapés et les personnes âgées en souffrent démesurément. Nous croyons qu'il y aura des pertes graves au chapitre des dispositions relatives aux personnes ayant des besoins spéciaux.
Nous avons déjà eu l'occasion de constater que lorsque les provinces essaient de sabrer dans leur programme d'aide sociale, les dispositions relatives aux personnes ayant des besoins spéciaux sont parmi les premières à sauter. Cela s'est produit récemment dans la région urbaine de Toronto et la même chose se produit ailleurs au pays. Ce n'est pas seulement le versement de prestations directes en argent qui est compromis aujourd'hui, mais aussi le paiement de tous les autres biens dont ont besoin des personnes malades ou atteintes d'un handicap.
Nous pensons que c'est grave parce que la population de notre pays vieillit. D'après les statistiques, les personnes âgées sont proportionnellement beaucoup plus nombreuses à avoir une déficience et elles ont donc besoin de ce genre d'aide. Nous craignons qu'un problème va se poser dans l'avenir et qu'on n'y remédie pas du tout. D'après nous, ce projet de loi ne fera que l'aggraver.
J'aimerais parler brièvement des services sociaux. Le partage du coût des services sociaux, prévu par le Régime d'assistance publique du Canada, n'est pas assorti de beaucoup de conditions. En gros, le financement correspond au coût, mais on ne fixe pas réellement de conditions, si ce n'est que seul le coût des services fournis par des organismes sans but lucratif sera partagé.
Nous sommes inquiets de voir disparaître les dispositions législatives qui prévoient le remboursement des coûts de certains services sociaux. En fait, on ne peut pas dire que les normes en soi vont disparaître puisqu'il y en a très peu déjà, à l'heure actuelle, en ce qui concerne les services sociaux. Mais il n'y aura plus ce jumelage, cette correspondance entre le coût de certains programmes et l'argent que le gouvernement fédéral y consacre. Nous craignons qu'en fondant ensemble, dans un seul transfert, les subventions versées aux provinces, on ne puisse plus diriger les fonds fédéraux vers des programmes précis.
Nous craignons qu'on réduise considérablement les budgets des services de garde, de la protection de l'enfance et des aides à l'intention des personnes ayant des handicaps.
Nous ne préconisons pas un retour à la formule du partage 50-50 des coûts, reconnaissant qu'une telle demande serait déraisonnable et aurait peu de chances d'être entendue. Nous privilégions d'autres formules qui protégeraient à tout le moins une partie du financement de ces programmes.
Par exemple, une formule variable de partage des coûts de l'aide sociale et des services sociaux, fondée sur une entente négociée. On pourrait aussi établir un fonds global pour l'aide sociale et les services sociaux, fonds qui ne serait pas inclus dans le transfert général, de manière qu'une partie de l'argent soit à tout le moins dirigée vers ces secteurs et ne disparaisse pas complètement.
On pourrait aussi accorder des subventions conditionnelles dans certains domaines, par exemple les aides personnelles à l'intention des personnes âgées ou des personnes handicapées lorsqu'il est réellement indispensable d'éjecter des fonds.
Voilà l'essentiel de mon propos. Je serais heureuse de répondre à vos questions tout à l'heure. Notre inquiétude de voir disparaître le fondement législatif de certaines mesures très vive, mais nous sommes tous aussi inquiets de voir disparaître les fonds alloués à certains programmes et des conséquences que cela comporte. Ken parlera de cet aspect du problème.
Mme Battle: Il y a un graphique à la page 8 du document que nous vous avons remis. Vous avez sans doute vu bien des prévisions illustrant le décroissement des paiements de transfert, mais je voulais simplement attirer votre attention sur ce graphique.
Comme vous le savez, les prévisions se fondent sur les hypothèses que l'on fait au sujet, d'une part, de la performance de l'économie et, d'autre part, de la composition du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous avons envisagé trois scénarios possibles.
Le premier scénario, selon lequel les paiements de transfert aux provinces disparaîtraient, en moyenne, en l'an 2011 ou 2012, repose essentiellement sur l'hypothèse de la persistance du statut quo. Les transferts seraient partielelement indexés à l'évolution du PIB moins 3 p. 100, et un redressement en fonction de l'évolution démocratique se poursuivrait à l'échelle provinciale.
Le deuxième scénario se situe à mi-chemin entre le premier et le deuxième. Les paiements de transfert sont toujours indexés en fonction du PIB moins 3 p. 100, mais ils ne sont plus indexés en fonction de la population, parce qu'il est impossible que le nouveau système ne tienne pas compte de la taille de la population. Dans ce cas, les paiements de transfert disparaîtraient deux ans plus tôt.
Le troisième scénario est le plus sombre. Il se fonde sur l'hypothèse que le nouveau Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux serait gelé à son niveau de 1996-1997. Voilà ce qui arriverait alors.
On peut tracer des courbes ad nauseam, si bien que seuls les économistes peuvent s'y retrouver. Ce qu'il faut savoir c'est qu'il n'y aura plus d'argent, bien entendu, à moins que le Transfert ne soit assorti d'une disposition d'indexation, ce qui serait bon à savoir, mais je doute qu'il le soit. Si aucune indexation n'est prévue, voici ce à quoi on peut s'attendre.
Permettez-moi de signaler brièvement un autre aspect du Régime d'assistance publique du Canada. Lorsqu'on pense au RAPC, on pense toujours à l'aide sociale, à cette mesure destinée aux pauvres.
En fait, le RPC a été un important levier de la politique économique du gouvernement fédéral au cours des 30 dernières années, puisqu'en période de chômage élevé, pendant les récessions, alors que le nombre d'assistés sociaux et les coûts de l'aide sociale dans les province grimpaient, le RAPC avait une fonction stabilisatrice ou, contracyclique, si l'on veut, parce que le gouvernement fédéral absorbait la moitié de cette augmentation de coût.
Si cet effet stabilisateur disparaît, toutes les provinces contraîtront la situation dans laquelle l'Ontario se trouve depuis plusieurs années. D'après les chiffres que nous avons pu obtenir de l'Ontario - et que vous pourrez contester - depuis l'imposition d'un plafond au RAPC, en 1990, les fonds que le gouvernement fédéral verse à l'Ontario dans le cadre du RAPC ont diminué de 7,7 milliards de dollars. Cela s'explique, évidemment, par le fait qu'on a imposé un plafond aux versements du RAPC précisément au moment où la récession sévissait, particulièrement dans le sud de l'Ontario. Le nombre d'assistés sociaux a plus que doublé en Ontario pendant cette période, je pense, selon la ville et la partie de la province, si bien que les coûts ont grimpé en flèche. Les sommes que le gouvernement fédéral verse à l'Ontario, selon la formule du partage des coûts, passaient de 50 p. 100 à environ 28 p. 100 aujourd'hui. Il n'a fallu que quatre mauvaises années pour en arriver là.
Si le Régime de transfert proposé fonctionne comme nous le prévoyons, la prochaine fois qu'une récession frappe au Canada, les provinces seront touchées très durement, et nous nous inquiétons particulièrement du sort des provinces les plus pauvres. Encore une fois, à moins qu'on y trouve un moyen de compenser l'expiration de la formule de péréquation ou d'autres mesures compensatoires qui existaient sous le RAPC, les provinces pourraient se trouver dans une situation désastreuse.
Que pensez-vous qu'elles feraient alors? Quant à nous, nous croyons qu'elles risquent fort de sabrer l'aide sociale et même d'exclure massivement des catégories entières de personnes qui n'auront plus droit à l'aide sociale. Elles seraient également tentées d'instaurer des programmes de formation ou de travail obligatoires, d'alourdir le fardeau fiscal de leurs contribuables et d'imposer un ticket modérateur. Voilà pourquoi je disais tout à l'heure qu'à notre avis, la perte de subventions du gouvernement fédéral aura des conséquences beaucoup plus vastes et ne touchera pas seulement les programmes sociaux.
C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président. Nous pourrions arrêter ici et répondre aux questions des membres du comité. Comme l'a souligné Sherri, les recommandations et suggestions que nous présentons au comité comportent deux grands volets. Malheureusement, j'ai peu d'espoir qu'elles soient traduites dans les faits.
Le premier volet a trait aux conditions et aux principes que les provinces pourraient négocier avec Ottawa relativement à l'aide sociale et aux services sociaux. Nous pourrons en mentionner quelques-uns.
Le deuxième volet, qui est à mon avis le plus important, a trait à ce qu'il adviendra du paiement en espèce effectué dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous recommandons, bien entendu, que certains paiements de transferts fédéraux aux provinces soient maintenus pour prévenir cette érosion des services.
Le président: Le ministre a confié à M. Axworthy le mandat d'entamer ces négociations avec les provinces immédiatement.
M. Battle: Nous le savons. Sherri pourrait peut-être rappeler brièvement quelques-unes des recommandations que nous formulons.
Le président: Le temps est presqu'écoulé. Faites comme bon vous semble, je m'en remets aux membres du comité. Nous pourrions peut-être y revenir.
[Français]
M. Plamondon: À deux ou trois endroits dans votre document, vous avez évoqué les années Wilson. Vous parlez aussi du début du règne libéral. Si vous ne connaissiez pas les noms des partis politiques et que vous voyiez les orientations sociales actuelles sans savoir que ce sont celles du Parti libéral, croiriez-vous que le governement a changé ou si vous croiriez que la situation a empiré?
[Traduction]
M. Battle: En un mot, non.
[Français]
M. Plamondon: Voilà!
[Traduction]
M. Battle: Pas vraiment.
Permettez-moi sans tarder d'ajouter quelques précisions. Notre document décrit d'une façon assez détaillée l'évolution de la politique sociale. Nous sommes d'accord avec l'évolution des régimes de pension et, d'ailleurs, nous préconisions de tels changements, contrairement à beaucoup de groupes qui s'intéressent à la politique sociale. Nous sommes en faveur du remplacement du régime universel des pensions de vieillesse par un régime de pension assujetti à l'évaluation des revenus. Au chapitre des changements apportés aux transferts sociaux et aux régimes de l'assurance-chômage, je pense qu'il est tout à fait justifié de dire que la transition du gouvernement fédéral précédant au gouvernement actuel a été marquée par la continuité. Cette continuité s'explique, entre autres, par le fait que ce sont les mêmes fonctionnaires, au ministère des Finances, qui rédige les politiques. Ce n'est un secret pour personne.
La seule différence, à mon avis, est que sous le gouvernement conservateur, tous ces changements étaient généralement imposés à la population canadienne. On ne laissait guère de place à des débats publics. En revanche, le gouvernement qui est actuellement au pouvoir montre plus d'ouverture que la précédent et donne davantage à la population la possibilité de débattre des changements qu'il entend opérer.
J'aimerais rappeler, en terminant, que pour une fois la motivation principale, qui pousse le gouvernement fédéral à trouver une solution à la crise des finances publiques était la même. De ce point de vue, il ne s'agit pas vraiment d'une question partisane.
[Français]
M. Plamondon: Vous ne voulez pas que ce soit une question partisane, mais vous dites qu'ils font face au même problème de déficit. Vous êtes d'accord pour dire qu'ils utilisent exactement les mêmes moyens.
[Traduction]
M. Battle: Non, je ne suis pas d'accord. Il y a d'autres moyens de s'attaquer au déficit; c'est pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec toutes les dimensions de la politique. Si on interrogeait un observateur venu de la planète Mars ou des États-Unis - c'est un bon exemple, puisque les Américains ne savent rien de nous - s'il avait constaté une grande différence entre les politiques des deux derniers gouvernements, pourrait difficilement répondre par l'affirmative. Quant à moi, je vois beaucoup plus de continuité que des différences.
Mme Torjman: Permettez-moi d'ajouter, pour répondre à votre question, qu'il avait été possible d'apporter certaines améliorations aux programmes sociaux. Le gouvernement envisageait certaines modifications aux prestations pour enfants et au régime d'assurance-chômage, modifications auxquelles nous étions favorables. Pendant l'examen du régime de la sécurité sociale, il y a eu des possibilités ou du moins des perspectives d'apporter des changements constructifs.
Ce qui nous semble inquiétant, aujourd'hui, c'est que les propositions qui sont avancées ne sont pas constructives du tout. On ne fait que supprimer des choses qui existaient.
[Français]
M. Plamondon: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Plamondon, pour votre question non partisane.
M. Speaker: Je souscris sans réserve à votre analyse quant à l'évolution du fondement législatif et du financement des programmes sociaux. C'est effectivement ce qui va se produire.
Au cours des années 1960, on a établi trois critères pour le RAPC. Je me rappelle très bien la procédure d'appel prévue par le régime. Nous avons surmonté l'obstacle de la condition de résidence. Je me rappelle très bien des discussions au sujet de l'admissibilité fondée sur le critère du besoin. C'est, d'ailleurs, peut-être ce critère qui sera le plus contesté des trois par la conjoncture actuelle. Quel est votre avis à ce sujet?
Ma principale question porte sur un sujet que vous avez abordé tout à l'heure. Il y a actuellement un courant en faveur d'une plus grande autonomie des provinces. Comment nos principes devraient-ils évoluer pour en tenir compte, à votre avis? On pourrait aborder le problème dans une perspective historique, mais j'aimerais connaître votre opinion actuelle à ce sujet.
Mme Torjman: Je pense qu'il existe une grande latitude permettant de respecter les principes des différentes provinces et leur volonté au chapitre des programmes.
Il y a une grande diversité dans notre pays, particulièrement entre les localités, et il faut encourager cette diversité.
À notre avis, il faut prendre les mesures voulues pour préserver notre filet de sécurité à l'intention des plus démunis. Il faudrait énoncer dans un principe général qu'au Canada, toute personne qui en a besoin peut obtenir de l'aide. Il pourrait y avoir beaucoup de diversité dans l'application de ce principe, comme à l'heure actuelle, mais on garantierait à tout le moins un minimum de protection à tous les citoyens du pays. Nous préconisons la définition de grands paramètres qui laisseraient beaucoup de latitude aux provinces, mais à notre avis il faut qu'il y ait un cadre.
M. Speaker: Avez-vous défini ces paramètres dans un document?
Mme Torjman: Oui, nous travaillons effectivement à un document qui traite des différences entre les conditions et les normes existants à différents endroits; nous y décrivons également ce que nous considérons comme les meilleures pratiques dans le domaine de l'aide sociale et des services sociaux. Comme le Régime d'assistance publique du Canada est essentiellement un cadre législatif qui énonce quelques paramètres essentiels, nous croyons que le gouvernement fédéral pourra se charger de cerner les meilleures pratiques dans les domaines de l'aide sociale et des services sociaux et encourager les meilleures méthodes et l'amélioration de la qualité des services dans certains secteurs où il ne peut pas imposer de normes. Voilà une initiative particulière qu'elle pourrait prendre, dès qu'il soit évident qu'il ne pourrait imposer ce type de conditions.
Le président: Le projet de loi C-76 n'interdit-il pas au gouvernement d'agir de la sorte?
Mme Torjman: Non.
M. Speaker: Comme le temps passe, j'aimerais recevoir une copie de ce document lorsqu'il sera prêt. Cela sera utile.
Mme Torjman: Le projet de loi C-76 n'interdit pas au gouvernement d'instituer des normes, à d'imposer des conditions ni de définir la meilleure pratique. Mais la diminution des paiements de transfert, et la disparition de toutes conditions qui assujetties le versement de fonds au respect des normes imposées, posent un problème. Le projet de loi en tant que tel n'interdit pas l'imposition de normes, mais il est difficile de les faire respecter dans la menace d'une diminution des subventions, puisque les paiements de transfert vont toujours en décroissant. On en arrive ainsi à la nécessité de définir la meilleure pratique.
Le président: Dans le cadre du RAPC, les provinces sont tout à fait libres de décider des programmes qu'elles veulent financer. Si elles subventionnent un programme, nous devons en financer la moitié. Il n'y a pas de normes nationales.
Mme Torjman: C'est exact, il n'existe pas de normes nationales sauf celles que nous avons mentionnées tout à l'heure.
Le président: Aucune province n'est forcée d'instaurer un programme quelqu'il soit.
M. Battle: C'est vrai.
Le président: Si une province crée un programme, nous devons le subventionner à 50 p. cent. Au moment où nous nous parlons, le gouvernement fédéral n'oblige aucunement les provinces à s'occuper des démunis, des handicapés, des pauvres, des personnes défavorisées.
Mme Torjman: Effectivement. Une province pourrait même décider de n'avoir aucun système d'aide sociale.
Le président: Exactement.
Mme Torjman: Cependant, si elle se dote d'un régime d'aide sociale, ce régime doit reposer sur le critère des besoins financiers.
Le président: Nous nous entendons à tout le moins pour dire que M. Axworthy devrait discuter avec les provinces pour tâcher de définir des normes ou les meilleures pratiques, appelé cela comme vous le voulez, car cela sera une amélioration par rapport à la situation actuelle.
Mme Torjman: Oui, exactement. Nous avons formulé beaucoup de suggestions à cet égard, des pages de suggestions au sujet de l'aide sociale et des services sociaux. Mais je crois qu'il faudrait que ces propositions prennent la forme de meilleures pratiques et non de conditions, parce que je vois mal comment le gouvernement fédéral pourrait imposer des conditions aux provinces alors qu'il diminue les paiements de transfert. Cela ne marchera pas.
M. Walker: Je vous remercie tous les deux de votre présence.
Personne au gouvernement n'ignore les risques qui se posent au sujet l'évolution de notre politique sociale. L'automne dernier, nous avons été déçu il a fallu tant de temps pour dégager un consensus. À présent, des gens viennent nous dire qu'ils sont en faveur de normes nationales, par exemple au niveau de l'éducation postsecondaire. Mais ces mêmes personnes étaient tout à fait silencieuses pendant l'automne, à un moment extrêmement crucial.
Au sujet des problèmes que vous avez soulevés, il nous inquiète également et c'est un peu à cause de cette inquiétude que nous tenons à ce que le débat se poursuive pour éviter que les gens idéalisent les conditions dans lesquelles le gouvernement fédéral fonctionnait au cours des 25 ou 30 dernières années. Il ne fait aucun doute que nous avons un rôle à jouer à cet égard.
Il y a quelques années, j'ai vu un film de l'ONF qui représentait le RAPC comme un élément primordial et crucial de la politique sociale du Canada. Si on renonce à ce régime, c'est un peu comme se tremper dans l'eau d'un lac au début du printemps: On ne sait pas si l'eau sera tiède ou glacée. C'est une des rares fois où j'ai vu un ministre être expressément chargé de poursuivre les pourparlers, lors de l'étude d'un projet de loi au gouvernement. Je pense que cela en dit long sur l'intérêt que nous portons à ce dossier.
Tout ce que j'ai lu au sujet de la politique sociale - bien que je ne sois pas aussi documenté que vous - me porte à ne pas me méfier autant des provinces que des États et de l'argument des droits des États. Je crois que le problème aux États-Unis est très sérieux, parce que, historiquement, certains États n'ont jamais fait quoi que ce soit pour les démunis. En revanche, depuis la grande dépression, très peu de provinces canadiennes se sont constamment montrées mesquines envers les démunis. Bien sûr, il y a eu des moments où elles ont manqué de générosité - je ne m'illusionne pas - mais je ne pense pas que nous devions nous méfier de certaines provinces au point de leur enlever toute marge de manoeuvre.
Il faut absolument poursuivre ce débat. Je pense que les arguments que vous faites valoir au sujet de la nécessité de réindexer les paiements de transfert pour éviter l'épuisement de ressources méritent d'être retenus. Mais il faut se demander s'il s'agit d'un fait accompli? Nous entendons-nous sur les moyens à prendre pour poursuivre notre lutte?
J'ai énormément de respect pour vous. Je sais à quel point il vous est difficile de vous présenter de nouveau devant nous, et j'admire la bonne volonté dont vous faites preuve en le faisant. Mais à mon sens, il faut que nous parvenions à un consensus pour pouvoir continuer la lutte. Nous devons nous entendre et nous organiser.
Il faut que nous ayons des idées précises à proposer, au bon moment, par exemple de réindexer les paiements de transfert, sans quoi cette idée se perdra et la population sera prise de panique en voyant que nous l'avons abandonnée. Comme vous l'avez dit en répondant à votre premier interlocuteur, les ministères restent, les combats se poursuivent et les personnalités demeurent les mêmes, même si les titres changent.
Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser. J'aimerais simplement faire un commentaire, expliquer comment nous pourrions décider des moyens à utiliser et poursuivre dans la même voie au cours des deux prochaines années.
Compte tenu de la motion de confiance à l'endroit de Lloyd Axworthy, qui a été chargé de mener les négociations, et compte tenu de la réalité, c'est-à-dire des restrictions financières avec lesquelles nous devons composer, il vaut mieux définir tout de suite les grandes lignes de l'Évolution que nous souhaitons et poser le moins possible de conditions. Un trop grand nombre de conditions sera un frein qui entraverait toute évolution. Il serait préférable, à mon avis, que l'on dispose d'une liberté totale au cours des deux prochaines années pour pouvoir bien définir nos paramètres. Il faudrait vivre dans un autre monde pour prétendre que les problèmes que vous avez soulevés n'existent pas.
Mme Torjman: Permettez-moi simplement de rappeler que, loin d'idéaliser le RAPC, nous l'avons abondamment critiqué au fil des ans, dans toutes nos études sur l'aide sociale et les services sociaux. Cependant, après avoir pris connaissance de ce projet de loi, nous estimons que le RAPC était préférable au Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux.
Je ne vois pas pourquoi il serait impossible de prévoir un mécanisme de financement global des services sociaux et de l'aide social. Pourquoi faudrait-il mettre tout l'argent dans la même cagnotte? En tout cas, cette formule n'a certainement pas été discutée dans le cadre de l'examen des programmes de sécurité sociale. Elle est apparue tout d'un coup, comme tombée du ciel, émanant du ministère des Finances. Cette option n'a pas du tout fait l'objet d'un débat public.
Le président: Une explication possible serait peut-être que plus la cagnotte est importante, plus c'est un levier puissant. Trois cagnottes distinctes mais plus petites n'auraient pas la même force de frappe.
M. Battle: On ne donne pas plus de poids à l'aide sociale, au contraire. C'est ce qui nous inquiète.
Mme Torjman: L'argent se perdra en chemin. Je comprends l'expression que vous donnez, en vous plaçant du point de vue du gouvernement fédéral; en fondant ensemble tous les paiements de transfert et en gardant cet argent plus longtemps, on pourrait aboutir à de meilleurs résultats. Mais nous nous inquiétons de ce qui arrivera au niveau des provinces, de l'attention ou du statut relatif que les provinces voudront bien accorder à l'aide sociale et aux services sociaux.
M. Battle: Notre réflextion repose encore sur d'anciens schèmes même si nous vivons dans un monde nouveau qui est différent. Une de ces anciennes idées que nous entretenons toujours est que le gouvernement fédéral sera toujours là pour faire respecter certaines normes. Or même s'il y avait une réindexation à un niveau inférieur, je crois que nous devons aller plus loin et tacher de faire en sorte que les provinces collaborent avec le gouvernement fédéral - même si cela peut sembler un peu naïf - dans le cadre d'un nouveau fédéralisme axé sur la coopération, parce que je crois que tous les paliers de gouvernement sont conscients de la crise des finances publiques et des problèmes qu'elle comporte pour la politique sociale.
Pour que nous puissions réaliser de véritables progrès dans ce dossier, il ne suffit pas qu'Ottawa décrète que les provinces doivent faire ceci ou cela. Il faudra réellement travailler ensemble. Les provinces devront aussi s'affirmer davantage et jouer un rôle plus important dans ces discussions.
Sherri a mentionné qu'Ottawa devait intervenir. Ce serait peut-être à certaines provinces de prendre l'initiative. Nous ne sommes pas des fédéralistes fanatiques; nous pensons simplement que la définition de nouvelles normes, l'adoption de meilleures pratiques et la modernisation de nos régimes d'aide sociale sont des dossiers importants qu'il ne faut pas perdre de vue dans toutes les critiques qui sont formulées.
M. Campbell (St-Paul): Les arguments que vous avancez sont convaincants et je comprends votre crainte de voir l'aide sociale laissée pour compte dans le débat qui aura lieu au niveau provincial. Les gens qui craignent que l'assurance-maladie ou que l'éducation soit touchée font valoir les mêmes arguments que vous. Sachant qu'il y aura beaucoup de concurrence pour des ressources de plus en plus rares, tout le monde a peur de perdre au change.
Mme Torjman: Et c'est ce qui arrivera effectivement. Les services qui s'adressent à l'ensemble de la population ont plus de poids, politiquement, que les services qui ne visent qu'un petit pourcentage de la population.
M. Campbell: Oui, c'est évident.
Le président: L'Institut Caledon et vous deux vous êtes taillés une réputation enviable au fil des ans et vous jouissez d'une grande crédibilité. Nous vivons à une époque très difficile, comme vous le savez, une époque de transition rendue nécessaire par les restrictions financières. Les nombreuses études que vous menez et votre collaboration avec nous comme avec les autres élus à tous les paliers du gouvernement seront très importantes dans les mois et les années qui suivent. Elles nous aideront à trouver de nouvelles formules et peut-être aussi à fixer de nouvelles priorités dans ce domaine de la politique sociale. Je vous suis très reconnaissant d'avoir comparu devant nous aujourd'hui pour attirer notre attention sur certains grands défis qui se poseront à nous. Nous apprécions votre collaboration constante et nous vous en remercions.
La séance est levée. Elle reprendra à 15h30 cet après-midi, dans la salle 705, La Promenade.