[Enregistrement électronique]
Le vendredi 5 mai 1995
[Traduction]
Le président: Nous avons officiellement le quorum. Nous pouvons donc commencer. Nous recevons aujourd'hui le gouverneur de la Banque du Canada, Gordon Thiessen, et les sous-gouverneurs Charles Freedman et Tim Noel.
Soyez le bienvenu, monsieur Thiessen. Nous sommes très heureux de vous avoir parmi nous.
M. Gordon Thiessen (gouverneur, Banque du Canada): Merci, monsieur le président. C'est également un grand plaisir pour mes collègues et moi-même d'être parmi vous. Je suis bien sûr ravi de comparaître devant votre comité pour vous présenter notre nouveau «Rapport sur la politique monétaire» qui a été publié il y a quelques jours.
[Français]
Mais, avant que je parle de ce rapport, permettez-moi de vous expliquer en quelques mots sa raison d'être. Depuis un certain temps, nous cherchons à améliorer l'efficacité des communications de la Banque. Ainsi, notre rapport annuel, qui a été publié récemment, a changé de visage pour mieux rendre compte de toutes nos responsabilités et pour toucher un plus vaste public.
[Traduction]
L'objectif de ce nouveau «Rapport sur la politique monétaire» consiste à offrir aux intéressés de plus amples renseignements sur la conduite de la politique monétaire. En retirant du rapport annuel nos observations détaillées au sujet de la politique monétaire, nous avons la possibilité de présenter des données en temps opportun et d'étudier en profondeur tous les éléments liés à la politique monétaire. Ainsi, nous devrions être en mesure d'aborder davantage les perspectives d'avenir en parlant de cette politique.
Nous avons l'intention de publier le rapport en question deux fois par an, en mai et en novembre, et nous espérons qu'il contribuera à intensifier le dialogue sur les questions liées à la politique monétaire au Canada. D'ailleurs, monsieur le président, mes collègues et moi serions vraiment ravis que vous et votre comité nous invitiez à revenir régulièrement pour discuter de chaque nouveau numéro du rapport au moment de sa publication.
Le président: À mon avis, monsieur le gouverneur, vous pouvez compter sur une invitation du comité chaque fois que vous allez publier un de ces rapports. Ce sera un plaisir de vous accueillir. Merci.
M. Thiessen: Merci infiniment, monsieur le président.
Je vais maintenant aborder brièvement le contenu de ce rapport.
[Français]
On souligne dans ce rapport que l'objectif de la politique monétaire canadienne est de contribuer à la bonne tenue de l'économie en empêchant l'inflation de saper la valeur de notre monnaie. La maîtrise de l'inflation permet d'améliorer la productivité et d'éviter les fortes variations de l'activité économique.
[Traduction]
La Banque s'engage à atteindre des objectifs précis en matière de maîtrise de l'inflation en vue de stabiliser les prix. Depuis le début de 1993, selon nos évaluations, le taux d'inflation de base demeure dans les limites jugées raisonnables par la Banque. Il faut cependant revoir régulièrement la situation pour déterminer quelles mesures pourraient s'imposer pour réaliser ces objectifs. Il faut, pour cela, évaluer toute une série de facteurs qui influencent le taux d'inflation, notamment la vigueur de la demande globale - c'est-à-dire l'importance des dépenses globales par rapport à la capacité de production de l'économie.
[Français]
En 1994, les exportations ont été le moteur de l'expansion de l'économie canadienne, qui, avec un taux de 5,6 p. 100, a été beaucoup plus forte que prévu. Malgré un rythme élevé de croissance, l'économie affichait encore des capacités excédentaires au début de 1995.
[Traduction]
En 1994, la dépréciation du dollar, l'augmentation des prix des exportations qui en est résultée et la montée en flèche des prix des produits sur les marchés mondiaux ont tous eu tendance à grimper les prix. Cependant, grâce à l'influence d'autres facteurs, la progression des coûts et des prix globaux a été quelque peu freinée. Permettez-moi de vous en donner des exemples.
Les pressions sur la rémunération ont été modérées et la productivité s'est accrue. Cela a eu pour résultat de faire baisser les coûts unitaires de la main-d'oeuvre associée aux coûts de production. De plus, le secteur de la vente au détail et le secteur manufacturier sont devenus plus compétitifs, ce qui a également fait baisser les prix. Par ailleurs, la baisse du coût des machines et du matériel, notamment du matériel informatique, a également contribué à freiner la progression des prix globaux.
[Français]
Quant à l'avenir, les perspectives économiques du Canada demeurent favorables. Il est vrai que l'expansion de l'économie américaine se ralentit, mais pour adopter un rythme qui peut être mieux soutenu. Et le contexte international continue en général d'être encourageant pour le Canada.
[Traduction]
Il est vrai que certaines statistiques publiées récemment indiquaient que si la demande intérieure au Canada n'augmente pas, c'est sans doute à cause de la progression des taux d'intérêt depuis un an et des compressions budgétaires du gouvernement. Malgré tout, à la Banque du Canada, nous nous attendons toujours à ce que l'économie continue de prendre de l'expansion et de relancer les secteurs affaiblis au cours de 1995, mais ce, à un rythme plus modeste que l'an dernier, alors que la progression enregistrée était insoutenable. Donc, même si la capacité excédentaire de l'économie va sans doute aller en diminuant, elle va continuer de freiner le taux d'inflation en 1995.
[Français]
En revanche, il se peut que l'incidence, sur les prix, de la dépréciation passée du taux de change ne se soit pas encore fait totalement sentir dans l'économie, et cela pourrait hausser temporairement le taux d'inflation. Mais le raffermissement récent du dollar devrait commencer à contrebalancer cet effet.
[Traduction]
Quant aux autres signes de ce qui nous attend, de récentes études indiquent que le taux d'inflation devrait demeurer dans les limites jugées acceptables par la Banque, et l'ensemble des facteurs monétaires dont nous tenons compte laissent également supposer que le taux d'inflation restera faible.
Donc, si l'on tient compte de tous ces facteurs et de toutes les données disponibles à ce sujet, on constate en effet que les prévisions actuelles en ce qui concerne le taux d'inflation cadrent tout à fait avec les objectifs fixés par la Banque au niveau de la maîtrise de l'inflation. Autrement dit, nous sommes tout à fait satisfaits des résultats obtenus jusqu'à présent à ce chapitre.
Je voudrais cependant faire une petite mise en garde. Nous avons atteint le point du cycle économique où la Banque doit faire preuve de beaucoup de prudence, et nous allons donc suivre de très près la situation.
En terminant, permettez-moi de vous rappeler qu'un faible taux d'inflation est un ingrédient essentiel à une expansion économique durable. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur le gouverneur.
[Français]
Monsieur Pomerleau.
M. Pomerleau (Anjou - Rivière-des-Prairies): Certains économistes laissent entendre que l'économie américaine pourrait ralentir considérablement en 1997, ce qui pourrait entraîner des conséquences assez sérieuses pour le canada. Que pensez-vous de ces prédictions?
M. Thiessen: Je ne le sais pas. En ce moment, on parle beaucoup d'un atterrissage doux aux États-Unis et non pas d'un ralentissement très marqué. Tous les indicateurs et toutes les statistiques du moment indiquent que le taux de croissance aux États-Unis ralentit, mais pas très brusquement. Ce n'est vraiment pas un grand changement. Je ne sais pas pourquoi on prévoit un ralentissement très marqué. Toutes les statistiques actuelles indiquent qu'il n'y aura pas une récession aux États-Unis, du moins pas pour le moment.
[Traduction]
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): J'espère avoir l'occasion de vous poser trois petites questions, mais avant de vous les poser, je voudrais commencer par vous féliciter de votre décision de préparer ce rapport. Il s'agit à mon avis d'une excellente initiative et je vous en félicite. Je pense que les députés et les membres du Comité des finances notamment apprécient beaucoup que vous ayez proposé de revenir nous voir périodiquement.
Je suis particulièrement content de voir vos statistiques en ce qui concerne les coûts unitaires et la productivité de la main-d'oeuvre. J'ai pris connaissance d'une étude américaine qui indiquait qu'il existe une corrélation très étroite entre les salaires et le taux d'augmentation de la productivité, puisque c'est l'écart entre les deux qui détermine le taux de chômage aux États-Unis sur de longues périodes, y compris pendant les années 1930, et dans l'après-guerre. Donc, en ce qui me concerne, c'est extrêmement positif; par contre, j'aimerais que vous nous donniez la prochaine fois un tableau qui fasse la comparaison avec les États-Unis, soit en dollars canadiens, soit en dollars américains.
J'ai une question à vous poser. Dans votre exposé, vous avez surtout parlé de faits nouveaux. J'aimerais donc savoir quel a été le taux d'inflation par mois, mais calculé sur une année, au cours des quatre derniers mois?
M. Thiessen: Je ne pense pas pouvoir me souvenir des chiffres précis.
M. Grubel: Je peux vous dire que c'est 4,5 p. 100. Cela vous inquiète-t-il?
M. Thiessen: Je pense que la banque centrale s'inquiète toujours lorsque certains signaux indiquent que le taux d'inflation augmente. Pour l'essentiel, il nous semble qu'il s'agit d'un effet temporaire de la dépréciation du prix des importations et de l'effet du prix des matières premières. Nous nous attendons vraiment à ce que cet effet de la dépréciation ne soit que passager.
Ce dont s'inquiète toujours la banque centrale avant tout, lorsque les prix relatifs fluctuent du fait de l'évolution du taux de change, c'est que cela ne donne lieu à des attentes et, par voie de conséquence, à une augmentation constante du taux d'inflation. C'est ce qu'il nous faut surveiller de très près. Mais pour l'instant, autant que l'on puisse juger, non, il n'y a pas de tels signes. Il y a une anomalie passagère des prix et c'est tout.
M. Grubel: Je comprends, mais cela pourrait bien sûr durer assez longtemps.
Avez-vous trouvé ce chiffre, Chuck? Quel est-il?
M. Charles Freedman (sous-gouverneur, Banque du Canada): Nous n'avons pas ce chiffre pour chaque mois. Le taux de croissance pour le premier trimestre était d'environ 2,7 p. 100 pour les données qui nous intéressent, c'est-à-dire l'IPC, à l'exclusion des aliments, des sources énergétiques et des taxes indirectes. Pour le quatrième trimestre, il était de 1,9 p. 100. Pour les six derniers mois donc, il serait par exemple de 2,3 p. 100.
M. Grubel: J'ai pris le chiffre global...
M. Freedman: Le chiffre global pour la même période est en fait légèrement inférieur puisque les impôts sont pris en compte. Il serait d'environ 2,2 p. 100 globalement pour les six derniers mois... Lorsqu'on décide de prendre le chiffre pour quatre mois, cela vous donne parfois une impression trompeuse.
M. Grubel: Je sais que les commentateurs de The Globe and Mail avait fait le même calcul et avait constaté que l'on commençait à sortir de la fourchette.
Je vous comprends lorsque vous me répondez que l'inflation est un processus continu d'augmentation des prix et non quelque chose qui se passe une fois pour toutes. Tout ce que je puis dire, c'est que le délai de répercussions de l'effet du taux de change pourrait prolonger cette situation. Il faut ensuite se demander à quel moment les syndicats commencent à insister pour que le revenu réel ne diminue pas et ne soit pas ajusté.
J'ai une deuxième question. Les journaux d'hier étaient pleins d'articles concernant le ralentissement dans le secteur du bâtiment, dans les ventes d'automobiles et les biens de consommation durables et je crois qu'il y a un chiffre qui est particulièrement inquiétant, c'est la baisse de l'indice des offres d'emplois. Il y a deux choses que je me demande: cela vous a-t-il surpris ou est-ce prévu dans les modèles qui sont utilisés pour prévoir les recettes publiques et faire les projections pour un budget équilibré?
M. Thiessen: Cela est certainement en partie prévisible. La hausse des taux d'intérêt que l'on a connue a certainement des effets, surtout sur les biens coûteux tels que les maisons et les voitures mais cela était en partie prévisible.
Mais pour répondre à votre question, je dirais que ce chiffre est un peu plus important que prévu. Cela veut dire qu'il nous faut surveiller la situation de très près pour veiller à ce que rien de nouveau ne se passe. Mais nous pensons que pour l'essentiel, il s'agit là d'une pause. Les réactions que nous avons connues dans le passé lors des hausses soudaines des taux d'intérêt ont montré que ce genre de situation a tendance à faire perdre confiance; et au fur et à mesure que les taux commencent à baisser un peu et que la population reprend confiance, les activités reprennent. C'est ce qui nous est arrivé fin 1992, au moment du référendum et à nouveau, bien que dans une moindre mesure, au printemps dernier.
M. Grubel: Possédez-vous des modèles à la Banque qui peuvent nous dire à quel taux de croissance économique, la baisse des recettes budgétaires et l'augmentation des dépenses entraînées généralement par ces ralentissements, feraient rater ses objectifs au gouvernement?
M. Thiessen: Nous avons effectivement des modèles, mais je crains que ce que vous demandiez exige davantage de précisions que ces modèles peuvent fournir. Nous avons effectivement des modèles et nous faisons effectivement des calculs, mais vous recherchez des données plus précises que tout ce que je pourrais vous dire.
M. Grubel: Pouvez-vous faire une approximation? Je crois que les prévisions actuelles en matière de déficit se fondent sur une hypothèse que l'on juge prudente et qui est, je crois, d'environ 4,5 p. 100 de croissance pour l'année prochaine.
Supposons un instant que nous le ramenions à 2 p. 100 en raison des effets cumulatifs, que l'on appelle l'effet multiplicateur, car on sait que cela se produit toujours lorsqu'il y a un ralentissement de la demande dans le domaine du bâtiment et de l'automobile. Pensez-vous que cela serait suffisant pour compenser l'objectif budgétaire?
M. Freedman: Je ne peux pas faire ce calcul de mémoire, mais je crois qu'il nous faut notamment nous rappeler - car c'est quelque chose que l'on a déjà vu - que dans la mesure où il y a un ralentissement, comme ce fut le cas par exemple aux États-Unis, la réaction à l'intention des marchés a été d'offrir de meilleures conditions monétaires. Ce matin, en réaction aux chiffres américains relativement faibles, il y a eu une baisse marquée des taux d'intérêt américains. Bien sûr, cela permet en retour de soutenir l'économie.
Avec ce genre de réaction, ce qui se produirait s'il y avait une réduction des dépenses publiques, sans tenir compte de tous les autres ajustements en cours, c'est que l'économie ne vous donnerait pas vraiment de chiffres beaucoup plus globaux.
M. Grubel: Il est bien évident que cela dépend de la façon dont les investisseurs interprètent ces chiffres et du fait qu'ils y croient ou non. S'ils provoquent plutôt un exode des capitaux, il faut à nouveau augmenter le taux d'intérêt.
M. Thiessen: N'est-ce pas effectivement le problème que posent les modèles? Ils ne permettent pas de bien comprendre les effets de telles attentes et les effets de la confiance. C'est pourquoi je juge important de se montrer très prudent à l'égard des résultats obtenus avec ces modèles qui prétendent que telle mesure va entraîner une augmentation du produit intérieur brut de 0,73 p. 100 et que le taux de chômage va faire précisément telle chose, etc.
M. Grubel: Cela marche dans les deux sens. La prévision voulant que l'on atteigne l'objectif de 2,5 p. 100 du PIB en ce qui concerne le déficit est également sujette à de telles fluctuations. Nous savons bien sûr qu'il y a une réserve pour imprévus. La véritable question que vont se poser les analystes consiste à savoir combien de réductions nous pouvons accepter avant d'avoir à prendre d'autres mesures. Je sais qu'il s'agit essentiellement de mesures financières, mais on peut aussi faire d'autres choses.
J'aimerais que vous nous expliquiez quelque chose si possible. Si, contrairement à vos attentes les plus vraisemblables qui restent une possibilité, le ralentissement entraîne une plus grande détérioration des attentes des consommateurs et de l'effet multiplicateur de choses qui sont déjà en place, il s'ensuivra un ralentissement de la croissance économique. De quels instruments dispose la Banque du Canada pour contrer ce genre de choses?
M. Thiessen: Ce que toute politique monétaire tente toujours de faire, c'est de fixer une voie pour les conditions monétaires, c'est-à-dire une combinaison des taux d'intérêt et du taux de change qui va permettre de maintenir le taux d'inflation à peu près dans les limites prévues. Pour ce faire, on cherche à la longue à maintenir l'activité économique à un rythme soutenable et stable si l'on peut.
De toute évidence donc, s'il devait y avoir un ralentissement substantiel de l'économie, susceptible de faire tomber le taux d'inflation sous notre cible ou près de sa limite inférieure, il nous faudrait alors prendre des mesures d'ordre politique pour apaiser les conditions monétaires. Qu'on y arrive par une action sur les taux d'intérêt ou le taux de change, n'est pas quelque chose que nous pouvons contrôler de façon directe. Mais oui, ce serait notre objectif.
M. Freedman: J'aimerais ajouter quelque chose, si vous me le permettez. Si la faiblesse de l'économie canadienne était due à la faiblesse de l'économie des États-Unis ou d'un autre pays, on verrait certainement un allègement des taux d'intérêt aux États-Unis, comme je l'ai déjà dit, et il serait alors pour nous bien évidemment plus facile d'alléger les conditions monétaires au Canada.
M. Grubel: Je le comprends bien, mais ce qui est inquiétant dans les manchettes d'hier c'est qu'il s'agissait en fait des ventes d'automobiles au Canada, des constructions de maisons au Canada qui étaient à la baisse. Étant donné que notre taux d'intérêt dépend tellement de ce qui se passe aux États-Unis, il se pourrait fort bien qu'une telle situation signifie simplement que les taux d'intérêt américains ne vont pas changer. De combien peut-on réduire le taux d'intérêt sans entraîner toutes sortes d'autres effets néfastes pour faire face à un éventuel ralentissement?
M. Thiessen: Certains problèmes peuvent être temporaires. L'essentiel est que votre politique soit crédible. Si c'est le cas, vous avez toujours une plus grande marge de manoeuvre. Souvent, dans le passé, nous avons eu des difficultés parce que notre politique n'était pas crédible. Ainsi, plus on a l'impression que la politique financière, tant fédérale que provinciale, est sur une voie durable, et au fur et à mesure que la politique monétaire de la Banque du Canada devient plus crédible, vous finissez par avoir une marge de manoeuvre beaucoup plus grande pour réagir face à de tels impacts.
Je crois que ce que nous avons vu récemment sur les marchés des capitaux, c'est un gain de confiance et une diminution des inquiétudes des investisseurs. Je crois qu'en de telles circonstances, nous sommes beaucoup mieux placés qu'il y a quelques mois pour réagir à un impact qui ralentirait l'économie canadienne.
M. Grubel: Merci beaucoup, monsieur le président, de m'avoir donné la possibilité de poser ces questions.
Le président: Monsieur Campbell, je vous en prie.
M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président. Je me joins à mes collègues d'en face pour vous féliciter pour cette initiative. Je serai heureux, à l'instar de mes collègues, de vous recevoir à nouveau au moment de la publication semestrielle de ce «Rapport sur la politique monétaire».
Vos comparutions devant le comité contribueront à expliquer le rôle de la Banque du Canada car, comme mes collègues et moi avons pu le constater au cours de nos voyages dans l'ensemble du pays et en recevant des témoins ici à Ottawa et ailleurs, on a en général une idée très vague de la Banque et de ce qu'elle fait. Au hasard des circonstances, on vous accuse d'être à l'origine de tous nos maux ou d'être celui qui peut résoudre tous nos problèmes. Certains ont suggéré, comme vous le savez, qu'un simple changement dans vos politiques concernant les objectifs en matière d'inflation, dont on a déjà parlé ce matin, ou la gestion de la dette publique nous permettrait de nous sortir très rapidement du mauvais pas dans lequel nous nous trouvons.
Pour reprendre ce que M. Grubel disait, je reviendrai à la question des taux d'intérêt, des taux d'inflation et des objectifs. Vous dites dans votre rapport que la situation actuelle de l'inflation est conforme aux objectifs de la Banque. La situation étant ce qu'elle est, et elle est positive, quand allons-nous assister à une baisse des taux d'intérêt? C'est une question que de nombreux Canadiens nous posent.
M. Thiessen: Comme je l'ai déjà dit, cela dépend vraiment de la confiance du public. Ce qui s'est passé au cours de l'année écoulée, surtout à partir du début de février 1994, a été une perte totale de confiance au moment où les taux d'intérêt américains ont commencé à augmenter et où on a soudainement compris que la tendance des taux d'intérêt était plutôt à la hausse qu'à la baisse. Quelques mois plus tard, il est apparu que la récession en Europe, et surtout en Allemagne, allait être très faible. Tout au long de l'année 1993 donc, les taux d'intérêt ont baissé partout et tout à coup, en 1994, ils ont augmenté.
Qui cela touche-t-il le plus? Ceux qui ont les plus grosses dettes. On a donc vu dans le monde une réévaluation de la position de divers pays, les pays très endettés et les pays peu endettés. Nous nous sommes trouvés parmi les très endettés. Il y a une réaction assez forte face aux investissements au Canada, en Suède, en Italie, en Australie, et dans une certaine mesure au Royaume-Uni, tout cela parce que lorsque les taux d'intérêt augmentent, le service de la dette coûte beaucoup plus cher. Les investisseurs s'inquiètent beaucoup plus de savoir s'ils vont récupérer l'argent intégralement ou non. Va-t-on avoir recours à l'inflation? Cela veut-il dire que la monnaie va se déprécier? Toutes ces choses nous touchent énormément.
C'est cette diminution de la confiance qui fait grimper les taux d'intérêt. On finit par avoir des taux d'intérêt qui comportent une prime de risque assez élevée et cela coûte très cher au pays. Cela entraîne en gros une détérioration de votre situation, cela rend un pays plus pauvre pratiquement sur-le-champ lorsque cela se produit.
En contrepartie, le taux de change diminue. Cela permet à votre expansion de se maintenir. Le dollar est faible et les taux d'intérêt sont élevés, mais c'est une façon très coûteuse de maintenir l'économie à flot en prévision de l'avenir.
Je crois donc que les baisses des taux d'intérêt que nous avons connues, surtout depuis fin janvier, sont très encourageantes. J'y vois une réduction de ces primes de risque. Cela est dû en partie aux différents budgets qui ont été déposés. Il y a eu le budget fédéral, mais aussi tous les budgets provinciaux qui ont dit oui, nous savons que nous avons un problème de dette, mais nous pensons avoir une stratégie pour la maîtriser. À mon avis, cette nouvelle perception commence à gagner les marchés, ce qui fait diminuer la prime de risque.
Nous constatons donc que le dollar canadien commence maintenant à remonter après avoir atteint son niveau le plus faible. Un certain rééquilibrage est donc en cours. Les taux d'intérêt sont plus faibles et le dollar se raffermit légèrement. En ce qui me concerne, c'est extrêmement positif. Évidemment, tout cela prend du temps. Je ne peux pas vous promettre qu'un miracle fera disparaître dès demain ces primes de risque, mais je pense que les événements récents sont extrêmement encourageants. Par exemple, les taux d'intérêt à moyen et à long terme au Canada sont maintenant plus faibles qu'ils ne l'étaient il y a un an, quand tout cela a commencé.
M. Campbell: Les gens doivent donc se rendre compte du fait que même s'il ne s'agit pas d'abandonner la lutte contre l'inflation, car l'inflation doit continuer à nous préoccuper, il s'agit d'un seul facteur parmi d'autres qui influencent les taux d'intérêt. J'avais l'impression, en écoutant un témoin en particulier qui a comparu devant le comité, qu'étant donné que nous avons beaucoup mieux réussi à maîtriser l'inflation au Canada, comparativement à d'autres pays, nous avions droit à une récompense immédiate. Autrement dit, qu'il doit exister une corrélation directe entre ces deux facteurs. Vous êtes en train de nous dire qu'en réalité, la situation est beaucoup plus complexe, et que c'est un facteur parmi tant d'autres.
M. Thiessen: Oui, c'est effectivement le cas. En ce qui concerne la dette et le déficit...en réalité, je ne devrais pas insister sur la dette publique, car la dette externe du Canada est généralement élevée et même à la hausse depuis un moment. Nous avons un déficit courant assez important. L'une des bonnes nouvelles économiques que nous avons eues cette année est justement une baisse très marquée de l'écart entre le déficit courant du Canada et celui des autres pays du monde. Je pense que ce genre de nouvelle est très encourageante pour les marchés. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles les marchés financiers ont généralement une perception plus positive du Canada depuis quelques mois.
Le président: Merci, monsieur Campbell.
[Français]
Monsieur Loubier, s'il vous plaît.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Monsieur Thiessen, bonjour.
M. Thiessen: Bonjour.
M. Loubier: En premier lieu, je suis encouragé par votre rapport qui prévoit une conjoncture à la baisse au niveau des taux d'intérêt au cours de la prochaine année. En même temps, je vous dirai que j'ai trouvé qu'il était très optimiste face à la situation à moyen terme et qu'il tranchait beaucoup avec l'analyse faite récemment par la firme Moody's. La vraie analyse se retrouvait au début février plutôt que dans le rapport final. Moody's parlait du moyen terme, d'une période de deux ou trois ans, dans l'horizon que vous avez exploré dans votre rapport. Moody's disait qu'avec les mesures budgétaires qu'il avait mises en place, le gouvernement fédéral n'avait pas démontré qu'il avait un réel contrôle de l'évolution du déficit et de la dette en particulier.
Ces termes vous sont familiers. On parle entre autres de «crowding out» en analyse macroéconomique. On dit que le financement de la dette publique va drainer l'épargne disponible pour le secteur privé sur les marchés et faire hausser les taux d'intérêt. Le Canada se retrouverait, d'ici deux ans, dans une situation de ce genre-là, si on se fie à l'analyse de Moody's. C'est ma première observation.
J'en ai une deuxième, et j'aimerais qu'on y réponde, parce qu'on pose la question au gouvernement et qu'il ne semble pas pouvoir y répondre. En quoi votre approche au niveau de la politique monétaire est-elle différente de celle de votre prédécesseur? Qu'est-ce qui a vraiment changé au niveau de la perception qu'on a de votre lutte presque dogmatique contre l'inflation? Même si la Banque du Canada n'a pas tout à fait le contrôle sur les taux d'intérêt à moyen et à long termes, elle a encore un très fort contrôle sur les taux d'intérêt à court terme et donc sur l'évolution et la capacité de l'économie à générer des emplois.
J'aimerais que vous répondiez à ces deux critiques. Il y a premièrement votre optimisme, étant donné l'analyse très sérieuse faite par Moody's, et ce n'est pas la moindre. Deuxièmement, il y a votre crainte presque exagérée d'un retour de l'inflation. Il y a au moins un outil avec lequel vous pouvez jouer, c'est-à-dire les taux d'intérêt à court terme, pour aider la conjoncture économique.
M. Thiessen: Nous sommes vraiment optimistes quant à la situation fondamentale de l'économie, quant aux choses importantes comme l'augmentation de la productivité, le contrôle des coûts et le niveau des prix des matières premières. Ce sont des choses très importantes dans le comportement de notre économie. Il est vrai que le niveau de la dette est encore très élevé. Si l'agence Moody's dit qu'elle est encore un peu craintive, c'est à cause du niveau de notre dette.
Nous sommes très optimismes quant au comportement de l'économie, particulièrement du secteur privé de l'économie. Cela est vraiment important. Si l'économie croît à un rythme un peu plus élevé, cela augmente le revenu et l'emploi, ce qui donne une très bonne base à l'économie et contribue à réduire le déficit. Quand on parle de moyen et long termes, on parle de ces facteurs-là. Les choses les plus importantes sont la productivité et le contrôle des coûts. C'est la base de notre optimisme.
Mes collègues voudront peut-être ajouter quelque chose.
M. Freedman: Notre optimisme est aussi basé sur le comportement de nos exportations. Dans les dernières années, nous avons connu une augmentation énorme de nos exportations, ce qui est lié, bien sûr, à ce qui se passe sur le marché du change, mais encore plus profondément à ce que nos producteurs ont fait pour contrôler leurs coûts. Comme on l'a mentionné auparavant, le déclin du coût unitaire de la main-d'oeuvre est très important. Cela nous donne l'impression que les firmes sont prêtes à concurrencer tout le monde, surtout aux États-Unis où elles ont gagné des marchés.
M. Tim Noel (sous-gouverneur, Banque du Canada): Malgré la décote de Moody's, il est clair que les marchés pensent que les politiques publiques au Canada ont changé et sont dans la bonne voie. On en a parlé plus tôt. Les taux d'intérêt, depuis le mois de janvier, ont baissé sur toute la ligne d'au moins 100 points de base. Par exemple, les taux à rendement réel des émissions du gouvernement ont baissé de 50 points de base au cours du dernier trimestre. C'est une indication que les marchés ont un point de vue différent de celui de Moody's.
M. Loubier: Vous conviendrez qu'on partait de loin, et je vous dirai que je suis plus modéré en ce qui a trait aux perspectives. D'une part, on sait fort bien que depuis deux ans, la reprise des exportations est due à la diminution du dollar canadien. Il n'y a pas eu de gain notoire ou significatif au niveau de la productivité au cours des deux dernières années. Il y a eu de petits bonds, de petits soubresauts, mais le facteur primordial, c'est la baisse du dollar.
Deuxièmement, on partait d'assez loin au niveau du différentiel entre les taux d'intérêt réels américains et canadiens. Vous dites qu'il y a eu jusqu'à 250 points de base de différentiel dans les taux d'intérêt. Il est tout à fait normal qu'à un moment donné, ils se mettent à baisser et suivent la conjoncture internationale.
La troisième chose qui me rend un peu pessimiste, et je me réfère à l'analyse que Lévesque Beaubien Geoffrion Inc. vient de sortir, c'est que vous dites, d'une part, que vous êtes optimistes face à l'évolution de la conjoncture économique, aux gains de productivité et à l'augmentation des revenus qui va se solder par une augmentation des rentrées fiscales et donc une réduction du déficit, mais, d'autre part, qu'aussitôt que la capacité excédentaire de production du Canada va diminuer, vous allez intervenir parce que les risques de tension inflationniste vont être élevés.
Si je me fie à l'expérience des cinq dernières années, quand vous êtes intervenus, vous êtes intervenus massivement, avec un remède de cheval. La plupart des spécialistes - il faut que je mesure mes mots, parce qu'il semble qu'ils sont dogmatiques face à la politique monétaire - la plupart des gens, dis-je, qui analysent la conjoncture depuis longtemps disent que depuis cinq ans, on aurait pu freiner un peu les élans au niveau de la détermination du niveau des taux d'intérêt. On aurait pu aussi s'arranger, surtout au niveau des taux d'intérêt à court terme, pour avoir des taux d'intérêt réels beaucoup moins élevés par rapport à ceux qu'on trouve aux États-Unis.
Alors, d'une part, vous êtes optimiste à cause la reprise économique et, d'autre part, vous dites que vous allez intervenir parce que vous être très angoissé à l'idée d'une reprise éventuelle de l'inflation. Vous risquez donc de ralentir cet élan et de nous mener plus rapidement que les autres pays industrialisés au ralentissement de 1997 dont beaucoup de gens parlent. Je suis un peu inquiet à ce sujet.
Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Qu'est-ce qui différencie votre politique de celle de votre prédécesseur, qui était critiquée par ce gouvernement alors qu'il était dans l'opposition?
M. Thiessen: La politique monétaire n'a pas vraiment changé. On a toujours eu à peu près la même politique monétaire, non seulement avec mon prédécesseur, mais aussi avec M. Bouey et M. Rasminsky. Ce qui a beaucoup changé, ce sont les conditions, la situation de l'économie. Actuellement, on a un taux d'inflation très, très faible, et cela change beaucoup la situation. Cela nous aide beaucoup. Quand l'économie approche le plafond de sa capacité, il n'est pas nécessaire de réagir trop fortement parce qu'on n'a pas un taux d'inflation si élevé qu'il soit nécessaire de le réduire. On commence avec un taux d'inflation faible, et on cherche seulement un taux de croissance soutenable pour l'économie. En effet, si la croissance est trop brusque, cela va causer l'inflation et ensuite la récession. C'est absolument certain et c'est ce que l'on veut éviter maintenant. Avoir un taux de croissance soutenable, un taux de croissance sans inflation, c'est la meilleure chose pour l'économie.
M. Loubier: Malgré le contrôle du taux d'inflation depuis cinq ans, malgré le contrôle des prix, il manque un équilibre. Bien que je pense que votre prédécesseur a réussi à juguler l'inflation, il a oublié d'équilibrer les choses. La priorité peut demeurer la stabilité des prix à long terme, mais vous devriez peut-être ajouter à votre mandat l'aide à la création d'emplois. En effet, quand il y a une reprise, il ne faudrait pas que ce soit seulement une petite reprise avec une récupération de 10 p. 100 des emplois seulement, comme chaque fois qu'il y a un cycle de reprise. Je me réfère au rapport emploi-population, et il faut constater une récupération minime par rapport à ce qui a été perdu depuis le premier trimestre de 1990. Les gens attendent en fait que vous donniez vraiment un grand coup de main.
Vous dites que vous avez de moins en moins de contrôle sur les taux d'intérêt à moyen et à long termes, et je suis d'accord. Vous dites aussi que votre priorité est la stabilité des prix à long terme, mais tout le monde a cette priorité. Cependant, il y a, depuis cinq ans, une forme d'obsession qui est pire que jamais. Chaque fois qu'il y un signe de reprise, au lieu de profiter du peu de contrôle que vous avez sur les taux d'intérêt à court terme pour nous aider à relancer l'économie, pour aider l'économie à se relancer sur une base durable, vous ne faites rien. En tout cas, personnellement, je n'ai pas l'impression que vous le faites. Il est certain que M. Grubel ne s'intéresse pas à ces questions, mais certains économistes s'intéressent au fait que vous pourriez ajouter à vos préoccupations celle d'aider la création d'emplois.
Je ne vous fais aucun reproche, monsieur Thiessen, et d'ailleurs je n'ai pas de reproche à vous faire, ni à M. Bonin, même si on a mal interprété mes propos à un moment donné. J'ai quand même un gros reproche à faire au gouvernement au sujet de la création d'emplois. Il dit que la nouvelle politique monétaire du nouveau gouverneur de la Banque du Canada sera différente de la précédente parce qu'on va se soucier de l'évolution à court terme de la conjoncture tout en gardant la stabilité des prix. Le message ne semble cependant pas être arrivé à la Banque du Canada, ou bien le ministre des Finances nous a raconté des histoires. Il nous a dit cela alors que ce mandat n'a pas été donné à la Banque du Canada. La seule chose qu'elle puisse contrôler, c'est le taux d'intérêt à court terme. J'aimerais donc que vous me rassuriez en ce qui concerne l'avenir, à savoir qu'il y aura le même discours à la Chambre des Communes et à votre Banque sur le rôle que peut jouer la Banque du Canada ailleurs qu'au niveau de la stabilité des prix à long terme.
M. Thiessen: Une période connaissant une inflation très faible est excellente pour la création d'emplois. Ce fut le cas pendant les années 1960.
C'est ce que l'on cherche à faire maintenant. Si l'on permet une augmentation brusque, ce sera peut-être bon pour l'emploi, mais ce sera seulement temporaire. Nous cherchons à obtenir une situation durable où l'emploi augmente sur une période de temps très longue. Je pense que le mot important est «soutenable». On cherche une expansion de l'économie et du marché du travail qui soit soutenable. C'est la meilleure chose pour notre économie.
M. Loubier: Je suis d'accord, monsieur Thiessen, sur la question de la durabilité, sur l'aspect soutenable de la reprise, mais vous admettrez que ce n'est pas ce qui s'est passé au cours des cinq dernières années. La stabilité des prix existe parce qu'il n'y a presque plus d'inflation; on est même en déflation par périodes, mais vous devez admettre que la politique monétaire a taxé impunément la création d'emplois. Les gens ne veulent pas attendre cinq ans avant d'avoir un emploi; ils veulent un emploi rapidement. Je me demande encore pourquoi, tout en maintenant le cap sur la stabilité des prix, en influençant en partie les taux d'intérêt à moyen et long termes, même en vous basant sur les taux d'intérêts américains ou les primes de risque demandées par les détenteurs étrangers de titres canadiens, vous ne jouez pas cette carte au niveau des taux d'intérêts à court terme. Pourquoi n'essayez-vous pas d'influencer un peu la conjoncture à partir des taux d'intérêt à court terme?
En ce qui concerne l'autre aspect, le moyen ou le long terme, c'est parfait. C'est même trop parfait. Mais pour le court terme, je pense que vous devez peut-être faire un examen de conscience.
M. Thiessen: Comme nous l'avons dit tout à l'heure, il reste des primes de risque dans nos taux d'intérêt. Les primes sont en train de diminuer, mais elles existent encore et il n'est pas possible pour la Banque d'éliminer toutes les inquiétudes du marché au moyen de la politique monétaire. C'est à cause de ces inquiétudes qu'il y a ces primes de risque.
M. Loubier: Ceci se retrouve dans les taux à moyen et long termes. Dans les taux à court terme, il n'y en a pas.
M. Thiessen: Dans les taux à court terme aussi. Absolument.
[Traduction]
M. Grubel: J'ai quelques questions à vous poser au sujet de la gestion de la dette. La première concerne une statistique que j'ai vue l'autre jour indiquant une augmentation considérable de la dette calculée en dollars américains. C'est un peu surprenant, étant donné que Moody a déclassé cette dette-là avant de déclasser notre dette en dollars canadiens. Je me demande si l'on peut en conclure que le gouvernement du Canada a du mal à vendre la portion de sa dette libellée en dollars canadiens.
M. Thiessen: Excusez-moi, mais je ne suis pas sûr de comprendre de quelle dette vous parlez...
M. Grubel: Je parle de la proportion des obligations à long terme libellées en dollars américains en circulation.
M. Noel: Le gouvernement du Canada n'emprunte pas sur les marchés étrangers pour répondre à ses besoins internes. Il le fait uniquement aux fins de son compte de réserve de devises, et le fait est que nous n'avons pas fait d'emprunt de ce type depuis très longtemps. Les emprunts se sont faits en juin de l'an dernier.
M. Grubel: Excusez-moi, il devait s'agir d'emprunts provinciaux.
Je pense que je devrais être sur un terrain un peu plus solide avec la question que je vais vous poser maintenant...
Des voix: Oh, oh!
M. Grubel: C'est tout de même une question tout à fait justifiée. Je pense bien que cela correspond à votre politique. Je me demande pourquoi les gouvernements provinciaux font des emprunts en dollars américains alors qu'il est clair qu'au cours des quelques dernières années, la prime de risque associée aux obligations libellées en dollars américains a dû augmenter considérablement à la suite de la décote annoncée par Moody et d'autres sociétés d'évaluation du crédit. Je vais donc reformuler ma question. Pensez-vous que ce soit une indication des difficultés que rencontrent les gouvernements provinciaux pour vendre des obligations libellées en dollars canadiens sur les marchés financiers?
M. Thiessen: Je ne sais pas. Je ne me sens pas suffisamment impliqué dans les décisions que prennent individuellement les provinces. J'ai l'impression qu'elles suivent constamment ce qui se passe sur le marché, le coût de l'emprunt en dollars canadiens, le coût de l'emprunt en monnaie étrangère en y ajoutant le coût de couverture. À l'heure actuelle, si je ne m'abuse - Tim le saura sans doute mieux que moi - presque tous les emprunts sont protégés. Autrefois ce n'était pas le cas, mais ça l'est de plus en plus. Je crois qu'on procède à l'heure actuelle à un simple calcul financier.
M. Noël: Oui, les emprunteurs constatent à de nombreuses occasions qu'ils peuvent maintenant emprunter à l'étranger, protéger leurs emprunts en dollars canadiens et le faire à un taux concurrentiel par rapport au taux qu'ils auraient obtenu en empruntant en dollars canadiens.
M. Grubel: Merci.
Je ne sais pas depuis combien de temps cela se produit, mais pour la vente des obligations à intérêt réel arrivant à échéance en 2021, le taux d'intérêt est quelque peu inférieur à cela. Pouvez-vous nous indiquer la différence entre les obligations indexées et non indexées arrivant à échéance en 2021?
M. Noël: Oui, les obligations indexées, que le gouvernement propose depuis quelques années maintenant, représentent presque 5 milliards de dollars en circulation et rapportent un taux d'intérêt réel auquel on ajoute l'indice des prix à la consommation comme taux d'intérêt qui s'y applique. Le principal, lorsqu'il arrive à échéance, est également indexé selon l'IPC.
M. Grubel: C'est la différence qui existe actuellement pour le court terme. Quelle est la différence de rendement?
M. Noël: Le rendement réel des obligations est actuellement de 4,55 p. 100 et il est de 8,37 p. 100 pour les obligations à long terme.
M. Grubel: Vous semblez être sûrs de pouvoir maintenir le taux d'inflation à un bas niveau et vous semblez déterminé à le faire. Admettons que nous ayons un taux d'inflation de 1 p. 100 et qu'on l'ajoute à ces 4,5 p. 100. Le coût de l'emprunt pour le gouvernement par cet instrument serait actuellement de 5,5 p. 100 uniquement alors que dans l'autre cas il serait de plus de 8 p. 100. Pourquoi ne vous mettez-vous pas à emprunter massivement par le biais de cet instrument afin de réduire l'importance du déficit?
M. Noël: Le gouvernement a décidé d'essayer d'augmenter la quantité des obligations à rendement réel en circulation. C'est une question d'offre et de demande. Nous en plaçons régulièrement chaque trimestre autant que le marché peut en supporter.
M. Grubel: Pourquoi le marché hésiterait-il à profiter de cette magnifique occasion?
M. Noël: C'est parce que le rendement global pour une obligation à long terme à 8,37 p. 100 est très intéressant s'ils pensent la même chose que vous au sujet de l'inflation.
M. Thiessen: On pourrait aussi penser que cela pourrait réduire le rendement des obligations à long terme, mais ça n'a pas encore été le cas.
Tim a raison, il y a là un problème. Il s'agit d'un nouvel instrument que l'on n'a pas l'habitude d'utiliser dans de nombreux comptes. Il faut un certain temps pour lui créer un marché, mais ce marché augmente.
Je croyais que vous aviez demandé pourquoi il y avait une grosse différence entre les valeurs indexées sur l'inflation et les valeurs nominales, et ce que cela signifiait pour la situation de l'inflation.
M. Grubel: C'est ce qui allait suivre. L'avez-vous vérifié?
M. Thiessen: Certainement.
M. Freedman: On le cite en réalité dans le rapport parmi les indicateurs.
M. Grubel: Pouvez-vous dire à la population canadienne, qui n'a pas lu le rapport, ce qu'il en est et ce que les derniers mois permettent d'envisager?
M. Freedman: La différence entre les deux, qui est pratiquement de 4 p. 100, est nettement plus importante que n'importe quel autre indicateur de l'inflation future, qu'il provienne de l'enquête ou d'une autre source d'information.
Cela est dû en partie au fait que vous avez encore une fois une prime de risque dans les obligations nominales, une prime contre les impondérables, si vous voulez. Il s'agit d'une prime qui met à l'abri des risques que l'on peut courir. Il se peut que la meilleure hypothèse soit par exemple 2 p. 100 d'inflation, c'est-à-dire à mi-chemin entre 1 p. 100 et 3 p. 100. On a besoin d'une recette pour faire face aux impondérables car cela a été seulement mis en place il y a deux ou trois ans, et il faut un certain temps pour obtenir des résultats.
Pour le reste, cela revient à ce qu'a dit Tim. Il s'agit d'un nouveau marché; il s'agit d'un nouvel instrument. Ce sont surtout les caisses de retraite qui s'en prévalent, les particuliers pour leurs REER, et je pense que le système n'est pas encore suffisamment développé pour vous donner un bon indicateur. Je crains qu'il faille attendre un peu avant qu'il ne devienne un meilleur indicateur.
M. Grubel: Milton lui-même a laissé entendre qu'on alimente le marché en émettant ces différentes obligations, qu'on prend la différence comme l'indication des attentes de la population à l'égard de l'inflation et qu'on ajuste la politique monétaire de cette façon. J'imagine que vous n'êtes pas encore allés aussi loin.
M. Thiessen: Non, mais c'est une source d'information importante qui mérite qu'on la prenne en considération. Nous apprenons ainsi que nous n'avons pas réussi à convaincre un groupe important de personnes du fait que notre taux d'inflation est bas et que nous allons le maintenir à ce niveau.
Le président: Et cela en dépit d'un budget extraordinaire?
M. Thiessen: En dépit d'un budget extraordinaire, en dépit d'une politique monétaire extraordinaire, nous n'avons pas encore...
Des voix: Oh, oh!
M. Grubel: Quelle est l'importance de la différence de régime fiscal? Cela joue-t-il? Car les bénéfices seront perçus en 2021. De ce fait, l'imposition de cette prime à l'inflation est reportée. Il me semble que cela devrait en fait rendre la prime encore...
M. Freedman: Tim, vous pouvez me corriger si je me trompe. Je crois qu'on doit payer l'impôt chaque année au fur et à mesure que s'accumule l'intérêt, que s'accumule la prime. Même si on est payé en l'an 2021, il faut payer l'impôt au fur et à mesure. C'est bien sûr l'une des raisons qui font que ce sont surtout les caisses de retraite et les REER qui s'en prévalent car ils sont exemptés d'impôt.
M. Grubel: Quel cauchemar!
M. Noël: Ce sont surtout les comptes non imposables qui ont acheté ce...
M. Grubel: Merci.
M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Au cours de l'année écoulée, une grande partie des témoins qui ont comparu devnt le comité se sont dits en désaccord avec la stratégie de la banque. J'ai jugé bon de profiter de l'occasion pour vous demander de répondre à ces critiques, si je puis me permettre d'être leur intermédiaire, et de nous dire de quelle façon il faut prendre ces critiques.
On s'inquiète généralement, entre autres, du fait qu'une trop grosse partie de notre dette est entre les mains d'étrangers, du fait qu'il y a trop... Je ne veux pas parler de la petite partie de la dette qui est détenue en devises étrangères, mais du pourcentage élevé de la dette en monnaie canadienne que détiennent des étrangers. Que répondez-vous à cela? La banque s'en inquiète-t-elle?
M. Thiessen: Oui, il me semble qu'elle se doit d'être inquiète car si vous payez un intérêt à des étrangers, cela représente en quelque sorte un exode de revenus. Plus votre dette est élevée, plus les taux d'intérêt que vous payez sont élevés, plus le service de la dette vous coûte cher, et c'est en gros ce qui fait que le Canada s'en trouve appauvri.
Normalement, on ne s'inquiète pas de la dette si elle a été contractée pour financer des entreprises productives. Si par exemple le Canada a emprunté pour financer le chemin de fer du Canadien Pacifique, et que cela a donné lieu à d'importantes sources de revenus pour le Canada, ce qui a facilité le paiement du service de la dette, on peut dire qu'il n'y a pas de mal à cela.
On s'inquiète en fait de ce qu'une trop grande partie de la dette ait servi à financer essentiellement des dépenses de consommation, souvent des dépenses publiques de consommation, et en conséquence cette dette ne permet pas de percevoir des revenus importants par la suite qui vont financer le service de la dette.
M. Freedman: Puis-je ajouter une petite chose? C'est la dette nette qui est importante et non la dette brute. Dans le monde où il y a de plus en plus de diversification des portefeuilles au-delà des frontières, il y a des étrangers qui achètent une partie de la dette canadienne et des Canadiens qui achètent une partie de la dette étrangère. Lorsque les choses se font en parallèle que les Canadiens détiennent une plus grande part de la dette étrangère et les étrangers de la dette canadienne, cela ne pose pas en soi de problème.
Je crois que le gouverneur veut parler du fait qu'avec le temps, avec les déficits du compte courant, nous avons un cumul de la dette nette. Il s'agit d'un passif net et c'est l'une des choses que prennent en compte les marchés. Notre situation de passif net à l'égard des étrangers a augmenté puisqu'elle est passée de 36 p. 100 il y a quelques années à 44 p. 100 maintenant, si j'ai...
M. Thiessen: Du produit intérieur brut.
M. Freedman: Du produit intérieur brut - merci, merci, monsieur le gouverneur. En gros, c'est l'une des choses qui inquiètent les marchés. Cela nous inquiète aussi à long terme car cela veut dire que nous avons dépensé plus que nous n'avons gagné et que nous sommes arrivés à cette situation en empruntant. D'une certaine façon, la question de savoir pourquoi nous avons emprunté devient essentielle à ce moment-là.
M. Walker: Deuxièmement, pourquoi ne rachetez-vous pas tout simplement la dette étrangère? Pourquoi n'augmentez-vous pas le pourcentage de la dette canadienne que vous détenez?
M. Thiessen: Si vous la rachetez, cela suppose que vous ayez une importante épargne qui reste là à ne rien faire. À ce moment-là, on prendra cette magnifique épargne pour rembourser les étrangers.
Mais une telle épargne n'existe pas. Chaque dollar de l'épargne canadienne a été investi ailleurs et si nous devions tout à coup rembourser les étrangers qui détiennent une partie de la dette fédérale, il y aurait un très grand nombre d'emprunteurs canadiens - des sociétés, des particuliers, des provinces - qui devraient aller emprunter ailleurs. La seule façon de procéder consiste donc à réduire d'une certaine façon l'emprunt global ou à augmenter l'épargne nationale. Ce sont les seules manières de changer la situation.
Le président: Je vous demande pardon; j'aimerais revenir là-dessus. On nous a proposé une autre manière. La Fédération ontarienne du travail a suggéré hier que la Banque du Canada rachète tout simplement toute la partie de notre dette qui est détenue par des étrangers.
M. Thiessen: Oui, la Banque du Canada pourrait en théorie racheter la dette, mais cela augmenterait énormément son bilan. La seule manière consisterait à accroître la masse monétaire, c'est-à-dire à imprimer une très grosse quantité de billets. Je ne sais pas quel est le montant de la dette étrangère. Pour le gouvernement fédéral, elle représente à peu près 40 p. 100 du total, soit environ 160 milliards de dollars.
Le président: Cela comprendrait aussi la dette étrangère des provinces.
M. Thiessen: Vous y allez fort, monsieur le président.
Comme les actifs de la Banque du Canada sont de l'ordre de 27 milliards de dollars, le rachat de la dette étrangère ajouterait de 250 à 270 milliards de dollars...
Le président: Disons, 200 milliards.
M. Thiessen: Ce qui reviendrait à décupler le solde de notre bilan, c'est-à-dire à multiplier par 10 la masse monétaire. Cela aurait pour effet de multiplier également par 10 le taux d'inflation, qui passerait de 2 p. 100 à 20 p. 100, au minimum, mais ce serait sans doute encore pire car tout le monde se dirait que nous avons perdu la tête.
Le président: Et votre dette étrangère...
M. Walker: Je voudrais vous poser une autre question, même si vous y avez déjà répondu en partie lors de votre discussion avec les représentants des partis d'opposition.
Pourquoi ne décidons-nous pas simplement de ne plus nous préoccuper de Moody's, en élaborant notrre propre stratégie canadienne de faibles taux d'intérêt? Menons notre propre barque et faisons ce qui nous paraît préférable pour préserver l'emploi, en trouvant des solutions purement canadiennes à nos propres problèmes.
M. Thiessen: Aujourd'hui, les marchés financiers sont très internationaux. Le Canada en fait partie, de manière importante, depuis une quarantaine d'années. De fait, le Canada a été l'un des premiers pays à ouvrir ses marchés financiers après la Seconde Guerre mondiale, lorsqu'il les a ouverts essentiellement aux États-Unis.
Cela nous a été fort utile car nous sommes un petit pays ayant besoin d'énormes capitaux. Nous avons une population relativement faible dans un pays énorme qui exige beaucoup de capitaux, pas seulement dans le secteur public, pour les travaux d'infrastructure, mais aussi pour exploiter les ressources naturelles qui sont à l'origine d'une part aussi importante de notre richesse depuis des années. Or, notre population relativement petite n'a jamais beaucoup épargné pour constituer les capitaux dont nous avons besoin. Nous avons donc dû les emprunter, ce qui s'est avéré dans l'ensemble une excellente chose puisque nous nous retrouvons aujourd'hui avec un niveau de vie très élevé.
Si nous voulons continuer d'avoir recours aux marchés financiers internationaux, nous devons continuer à nous y intégrer. Cela veut dire que ce qui se passe sur les marchés internationaux exerce une influence sur nos propres décisions. Si les taux d'intérêt augmentent aux États-Unis, cela a des retombées chez nous. En revanche, cela ne nous empêche pas d'avoir une politique monétaire indépendante. Nous pouvons toujours choisir le taux d'inflation que nous sommes prêts à accepter, bas ou élevé.
Ce que nous ne pouvons pas faire, c'est choisir arbitrairement un taux d'intérêt en essayant de l'imposer. Nous ne pouvons pas dire que nous allons choisir 3 p. 100 de taux d'intérêt, par exemple, en faisant fi de ce qui se passe dans le reste du monde. Si nous faisions cela, cela reviendrait à fermer complètement notre économie et à nous priver de l'accès à l'épargne extérieure, alors que c'est précisément ce qui a fondé notre prospérité.
M. Freedman: Je me permets d'ajouter, monsieur Walker, que toute tentative de réduire brutalement les taux d'intérêt à court terme serait interprétée par les marchés comme un changement de politique et comme une source d'inflation. De ce fait, nous assisterions presque instantanément à une hausse brutale des taux d'intérêt à moyen terme et à long terme, ce qui irait en fait à l'encontre de ce que nous essaierions de faire, même sur le plan de la demande.
M. Thiessen: Excellente remarque.
La Banque du Canada exerce une influence sur les taux d'intérêt à court terme, comme le dit M. Loubier, mais c'est une influence limitée. Si nous voulions exercer une influence beaucoup plus forte sur ces taux d'intérêt et que cela fasse apparaître le spectre de l'inflation, nous nous retrouverions avec une hausse générale de tous les taux d'intérêt, plutôt qu'avec une baisse. Nous pourrions donc essayer de faire baisser les taux d'intérêt à très court terme, mais cela ferait monter tous les autres.
Dans cette hypothèse, vous auriez une baisse des taux à un jour, à une semaine ou à deux semaines, mais une hausse des taux à un an et à cinq ans, ainsi que des taux hypothécaires, parce que nous perdrions toute crédibilité en faisant baisser les taux à très court terme. Cela ferait naître le doute chez les épargnants.
Souvenez-vous que ce n'est pas la Banque du Canada qui vous prête l'argent que vous empruntez pour votre hypothèque. C'est un épargnant. Or, cet épargnant veut être sûr de retrouver son argent intact au bout des cinq ans pour lesquels il vous l'aura prêté.
Le président: Merci, monsieur Walker. Puis-je ajouter une brève question sur le même sujet?
Il y a un autre argument que l'on entend souvent. C'est M. Paul Hellyer, si je me souviens bien, qui dit que la Banque du Canada devrait détenir 20 p. 100 de notre dette. Il est arrivé dans le passé que la Banque du Canada détienne des pourcentages plus élevés de notre dette qu'aujourd'hui.
M. Thiessen: C'est exact. À l'époque, cependant, monsieur le président, notre dette totale était beaucoup moins élevée. Autrement dit, notre niveau d'endettement par rapport à la taille de notre économie était bien inférieure.
En outre, il y avait à l'époque plus d'argent liquide en circulation qu'aujourd'hui. Le dollar est le principal titre de créance de la Banque du Canada. Le solde de la Banque est en grande mesure déterminé par la quantité de billets que nous mettons en circulation, à quoi s'ajoutent les réserves des établissements financiers. Depuis l'époque dont vous parlez, cependant, les espèces ont perdu de l'importance, les gens utilisant de plus en plus des cartes de crédit, des cartes de débit, etc.
C'est pour cette raison que le solde de la Banque du Canada a lui aussi diminué, puisqu'il y a moins de gens qui veulent des dollars, et que l'ampleur de notre dette par rapport à la taille de notre économie a augmenté. Si la Banque du Canada devait détenir aujourd'hui la même proportion de la dette qu'à l'époque dont vous parlez, cela entraînerait une expansion énorme de son solde de bilan et, par conséquent, une hausse énorme de la masse monétaire, ce qui aurait tous les effets inflationnistes dont nous parlions plus tôt. Ça ne marcherait tout simplement pas.
Le président: D'aucuns recommandent de relever sensiblement les exigences de réserves des banques, ce qui vous donnerait la souplesse nécessaire pour racheter la dette ou pour la détenir.
M. Thiessen: L'exigence de réserve est essentiellement un mécanisme d'attaque du système bancaire. Elle signifie en effet que les banques sont légalement tenues d'avoir certains dépôts à la Banque du Canada, sans que celle-ci leur paie d'intérêts. Autrement dit, nous obligeons les banques à faire des dépôts sans intérêt à la Banque du Canada, dépôts qu'elle pourrait investir ailleurs de manière rentable. Il s'agit donc en fin de compte d'une forme de taxe imposée aux banques, puisqu'on les oblige à renoncer à un certain montant d'intérêt.
Comme toute taxe perçue sur un produit ou un établissement, ce n'est pas très efficace. Cela revient en effet à décourager les gens d'avoir recours aux établissements concernés. Par exemple, nous avons constaté qu'une proportion croissante d'activités financières avait tendance à se détourner des banques à cette époque. On avait de plus en plus recours aux marchés et aux institutions externes, et l'on constatait une croissance plus élevée dans les activités d'établissements tels que les caisses de crédit et les compagnies de fiducie.
En fin de compte, c'est une forme de taxe. Cela veut dire que la Banque du Canada se retrouve avec un bilan plus important, puisque les banques sont obligées d'avoir des dépôts plus élevés chez nous, et que nous détenons donc plus de dette.
Ma réaction à cela, monsieur le président, est qu'il est peut-être parfaitement légitime de décider d'accroître les impôts pour faire baisser la dette, mais qu'il ne faut pas le faire par le truchement de la Banque du Canada.
M. Freedman: J'aimerais ajouter une remarque. Je viens de faire quelques calculs pour vous donner une idée des conséquences de cette proposition. Nous détenons actuellement environ 25 milliards de dollars de dette du gouvernement. Pour revenir au taux de 20 p. 100 d'il y a 20 ans, nous devrions en détenir 87 milliards de dollars, soit trois fois et demie à quatre fois plus. Or, il faut bien savoir que la taxe que représente l'exigence de réserve n'est pas absorbée par les banques, elle est assumée par les consommateurs.
M. Thiessen: C'est en effet très important.
M. Freedman: Les gens qui l'assument en dernière analyse sont les emprunteurs et les déposants. Il faudrait une exigence de réserve extrêmement élevée pour neutraliser cette quantité supplémentaire d'obligations du gouvernement qui seraient détenues par la Banque du Canada. Cela voudrait dire soit que les taux de dépôt baisseraient ou que les taux d'emprunt augmenteraient, ou les deux. Les gens capables de trouver d'autres solutions, c'est-à-dire ceux qui connaissent mieux la chose financière, transféreraient leur argent dans des choses telles que les fonds mutuels. Ou alors, ils emprunteraient directement aux prêteurs ou aux établissements non assujettis à l'exigence de réserve.
Cela veut dire que l'exigence de réserve constituerait une taxe pour les petits déposants, pour les personnes connaissant moins la chose financière, pour les petites entreprises ou pour les ménages, qui ont beaucoup moins de possibilités d'emprunter ailleurs. Les très grandes entreprises ne seraient probablement pas touchées car elles pourraient emprunter ailleurs et n'auraient donc pas à payer cette taxe supplémentaire.
M. Campbell: Vous avez dit qu'un État-nation peut choisir d'avoir une politique monétaire indépendante, et il est vrai que c'était là autrefois l'un des signes de la souveraineté. J'éviterai la tentation de parler aujourd'hui de caractère «illogique» d'un Québec qui parle de souveraineté politique tout en renonçant à sa souveraineté monétaire. Je voudrais cependant vous demander dans quelle mesure on peut vraiment avoir aujourd'hui une politique monétaire indépendante, alors que le marché de change est en grande mesure non réglementé. Je vous poserai ensuite une autre question.
M. Thiessen: Je ne pense pas que les fluctuations de devises empêchent d'avoir une politique monétaire indépendante. Certes, elles peuvent rendre la vie plus difficile à certains moments, mais l'analyse attentive de la situation des marchés de change montre que le degré de volatilité n'a pas vraiment augmenté. Il est là depuis très longtemps. Comme nous avons réussi à mener notre politique monétaire dans le passé malgré cette volatilité, il n'y a aucune raison que nous ne puissions continuer de le faire à l'avenir.
Quand les gens parlent de la volatilité des marchés de change, ce n'est généralement pas en pensant seulement aux fluctuations immédiates mais aux fluctuations à long terme. Or, si l'on examine attentivement l'évolution historique, on constate dans chaque cas que cela résulte d'un problème de politique économique.
Prenons un exemple à l'étranger, la hausse brutale du dollar américain jusqu'en 1985. À cette époque-là, la politique monétaire des États-Unis était très rigoureuse parce que le taux d'inflation avait beaucoup augmenté dans les années 1970 et jusqu'au début des années 1980. En même temps, les États-Unis avaient une politique budgétaire relativement peu rigoureuse. La conjugaison d'une politique budgétaire lâche et d'une politique monétaire rigoureuse a entraîné des taux d'intérêt très élevés et une hausse considérable du dollar américain. À terme, cependant, cette devise très forte a eu un effet assez catastrophique et elle a commencé à baisser. Le problème venait donc d'un déséquilibre entre les deux politiques du gouvernement américain.
On constate généralement la même chose au Canada lorsqu'on examine les fluctuations à long terme, la seule exception à ce phénomène concernant les prix des matières premières. Au Canada, ces prix ont fréquemment entraîné des fluctuations importantes de notre dollar, mais celles-ci, bien que parfois difficiles à maîtriser, sont en fait utiles. En effet, lorsqu'on constate des fluctuations aussi brutales des cours des matières premières, cela a une incidence profonde sur notre économie. Si les coûts montent beaucoup, cela veut dire que le Canada s'enrichit rapidement. Ensuite, lorsque les quantités baissent, cela veut dire que nous nous appauvrissons rapidement. C'est un ajustement naturel auquel l'économie doit réagir.
Si le dollar canadien ne bougeait pas dans de telles circonstances, cela voudrait dire que le seul facteur d'ajustement se produirait au sein de l'économie. Autrement dit, on constaterait un ajustement des prix, des salaires et de l'emploi, ce qui pourrait causer de graves difficultés. Il est fréquemment beaucoup plus facile, en cas de baisse des cours des matières premières et d'appauvrissement de la nation, d'accepter un ajustement par le truchement de la dévalorisation du dollar.
Certaines des situations importantes que l'on constate sont reliées à ce facteur. Plus récemment et le plus souvent cependant, elles ont trouvé leur origine dans des problèmes de politique économique, c'est-à-dire une politique monétaire qui n'était pas assez rigoureuse pour prévenir l'inflation, et de politiques budgétaires qui entraînaient un accroissement de la dette et du déficit.
M. Campbell: Ces remarques sont assez encourageantes, monsieur le gouverneur, parce que beaucoup de gens croient que ce sont les agents de change qui provoquent les situations de l'économie. Or, vous nous dites que ces situations constituent une réaction aux politiques nationales, ou peut-être à l'absence de coordination internationale parmi les pays du G-7 ou d'autres.
M. Thiessen: Je suis d'accord avec vous, monsieur Campbell. Je crois que l'on a complètement tort d'accuser les marchés financiers. La plupart des agents de change n'ont pas la possibilité de prendre des positions financières très importantes. Certes, il y a des exceptions à cela, et nous en connaissons, mais la plupart des établissements financiers n'ont pas la possibilité de parier des sommes considérables pour ou contre telle ou telle devise. Dans l'ensemble, ils réagissent simplement à l'action des investisseurs.
Bien souvent, le problème concerne les politiques économiques. Prenez le cas de l'Europe, il y a quelques années. À l'époque de la réunification allemande, on a constaté une hausse énorme des dépenses gouvernementales pour aider l'Allemagne de l'Est. Du fait de l'union monétaire, il y a eu une hausse considérable de la masse monétaire allemande. Les Allemands tentent désespérément de maîtriser ce phénomène en faisant monter leurs taux d'intérêt.
Cela a eu des répercussions sur le reste de l'Europe et a exercé des pressions sur les taux d'intérêt et les devises des autres pays. Un grand nombre d'investisseurs se sont dits que cela ne pourrait pas durer, c'est-à-dire qu'il serait impossible aux Anglais et aux Italiens de résister à ce mouvement. Ils ont donc commencé à croire que la livre et la lire seraient dévalorisées. Certes, vous avez entendu parler de spéculateurs comme George Soros, mais ils ne font qu'exprimer une attitude beaucoup plus répandue parmi tous les investisseurs.
M. Campbell: Vous conviendrez cependant que, lorsque l'Allemagne se lance dans ce genre d'activités, comme elle l'a fait à l'époque de l'unification, ou lorsque les États-Unis appliquent des politiques semblables à celles que nous voyons ces derniers temps - ou ne les appliquent pas, selon votre point de vue - la chose à faire serait de mieux coordonner les politiques à l'échelle internationale.
Je voudrais donc aborder maintenant la réforme des institutions financières internationales. Comme vous le savez, le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international contribue à la préparation du Sommet du G-7. Comme je m'intéresse à ces questions, j'ai participé aux travaux de ce comité. Nous nous sommes rendus à Washington et à New York, et nous avons également entendu des témoins ici, à Ottawa. Il est clair que la réforme des institutions financières internationales, c'est-à-dire du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et des banques de développement régional, constitue un point important du prochain Sommet du G-7.
Bien que vous ayez exprimé un certain désaccord avec mon hypothèse concernant le fait que les marchés de change sont en grande mesure non réglementés, il ne fait aucun doute que l'on parle fréquemment de la nécessité de mieux contrôler ces marchés. Deux propositions notables ont été faites ces derniers temps pour rétablir plus d'équilibre sur ces marchés, et je voudrais savoir ce que vous en pensez.
La première concerne une sorte de taxe sur les transactions de change, ce qu'on appelle la taxe Tobin. Cela n'a rien à voir avec le poisson, il s'agit des transactions internationales. L'autre proposition, qui émane essentiellement du gouvernement français, si je ne me trompe, est de rétablir des gammes de taux de change. Il n'y aurait donc pas de taux fixes en soi, puisqu'on accepterait plutôt certaines fluctuations à l'intérieur d'une gamme. Que pensez-vous de cela?
M. Thiessen: La taxe Tobin, qui viserait à décourager les flux monétaires spéculatifs, ne découragera aucun spéculateur. De fait, elle pourrait même nuire aux transactions ordinaires. Le vrai problème est que les transactions financières se font fréquemment pour des fluctuations très minimes. Autrement dit, la transaction financière ordinaire, qui trouve peut-être sa genèse dans une transaction commerciale internationale - pour financer un contrat, par exemple - a tendance à se faire avec des marges très étroites.
Les spéculateurs, quant à eux, sont généralement à la recherche de gains très importants. Il faudrait donc que la taxe Tobin soit très élevée pour décourager l'action des spéculateurs. Si on faisait cela, on découragerait en même temps toutes les transactions financières légitimes. En fin de compte, nous risquerions de nous nuire en essayant d'appliquer cette solution.
En ce qui concerne l'idée de bandes de fluctuation, elle est partagée par un certain nombre de pays. C'est notamment le cas en Europe, où l'on pense qu'un minimum de maîtrise des variations des taux de change est utile. Nous parlions cependant il y a un instant des facteurs qui sont à l'origine des fluctuations du dollar canadien et du phénomène d'amortissement que joue un taux de change libre. Quand j'examine la situation du point de vue canadien, je dois vous dire que j'hésiterais beaucoup à renoncer à cela.
Si votre pays est fondamentalement différent de votre principal partenaire commercial, et nous sommes extrêmement différents des États-Unis, notamment à cause de l'importance que jouent chez nous les produits primaires... avoir des taux de change libres est très utile pour s'ajuster aux changements de conjoncture. Certes, les produits primaires sont moins importants aujourd'hui qu'autrefois, mais ils sont quand même déterminants. Lorsqu'il y a des chocs économiques, ils touchent le Canada différemment des États-Unis, et la liberté des taux de change nous permet de nous adapter. Il faudrait être extrêmement prudents si l'on voulait renoncer à cet avantage. Voilà pourquoi j'hésite beaucoup à envisager des taux de change fixes.
Pour revenir à ce dont nous parlions il y a un instant, j'ajoute que les taux de change fixes finissent par devenir des cibles pour les spéculateurs. Ceux-ci savent en effet que le risque auquel ils s'exposent va dans un seul sens, alors qu'il peut aller dans un seul sens avec un taux de change flottant. C'est là un atout considérable quand on veut décourager les spéculateurs dont le seul objectif est de faire rapidement des gains importants.
[Français]
M. Pomerleau: Monsieur Thiessen, j'aimerais vous poser une question qui relève beaucoup plus de la psychologie que de l'économie ou de l'analyse monétaire. Vous avez beaucoup parlé du lien de confiance, de la confiance nécessaire au dollar canadien. On sait qu'on a besoin de la confiance des marchés, des investisseurs, des maisons de courtage. Ce lien de confiance détermine jusqu'à un certain point la valeur de la monnaie. On a également besoin d'avoir la confiance des individus de ce pays vis-à-vis de la monnaie canadienne.
On sait que tous les soirs, à la télévision, on nous fait part de l'état de santé du dollar canadien. On est un des très rares pays au monde à faire cela. Je n'ai jamais entendu parler d'un autre pays qui faisait cela. Il semble que cela donne aux citoyens l'impression que le dollar canadien est en perpétuel état de fibrillation cardiaque. Est-ce une bonne façon de donner aux citoyens normaux confiance en cette monnaie-là?
M. Thiessen: Je ne sais pas si on peut décider qu'il n'est pas acceptable de donner le taux de change chaque soir.
M. Pomerleau: On n'appelle pas cela l'état de santé.
M. Thiessen: Je pense que la chose importante pour que les citoyens aient confiance dans leur monnaie est que les politiques économiques soient très crédibles et soutiennent la valeur de notre monnaie. C'est pourquoi, à la Banque du Canada, nous pensons qu'il est très, très important que nous contrôlions le taux d'inflation, parce que l'inflation érode la valeur de notre monnaie.
Pour les citoyens ordinaires, il est important que la valeur de notre monnaie demeure stable, que la valeur du dollar soit exactement la même qu'aujourd'hui dans quelques mois ou quelques années. C'est la chose la plus importante pour leur donner confiance dans notre monnaie.
[Traduction]
M. Grubel: J'ai reçu de nombreuses lettres de Canadiens au sujet de l'émission d'une pièce de 2$. Comme nous manquons de temps, je vais vous poser très brièvement ma question.
Il est évident qu'émettre une pièce de 2$ permettrait de réaliser des économies sur le plan de la gestion des devises, parce que les pièces n'ont pas à être remplacées aussi souvent que les billets. Avez-vous cependant calculé les économies que pourrait réaliser le gouvernement de cette manière, en tenant compte des coûts que devraient assumer les propriétaires de machines utilisant des pièces ou devant être reprogrammées? Et la chose serait relativement compliquée parce qu'il faudrait modifier toutes sortes de choses pour pouvoir rendre la monnaie à partir de sommes différentes.
Le président: Il s'agit de politique monétaire...
M. Grubel: Non, je crois que cela relève du gouverneur.
M. Thiessen: Hélas non, monsieur Grubel. L'émission d'une pièce de 2$ relève de la Monnaie royale, pas de la Banque du Canada. En conséquence...
M. Grubel: Veuillez m'excuser.
M. Thiessen: ...c'est à la Monnaie qu'il faudrait poser la question.
Je puis vous dire cependant que la Banque du Canada est favorable à l'émission d'une pièce de 2$ pour remplacer le billet équivalent. Nous constatons en effet que le billet de 2$ a perdu de sa valeur dans les transactions commerciales et qu'il est beaucoup moins utile qu'autrefois. Il est souvent tellement froissé et sale qu'il ne passe plus dans les machines permettant de compter les billets, ce qui augmente considérablement son coût de manipulation. De ce fait, le recours à une pièce présenterait des avantages considérables.
Je sais qu'il y a eu des pourparlers avec les gens qui utilisent des machines à pièces. Il y a bien longtemps que je ne me suis pas penché sur la question, mais je crois comprendre que ceux-ci préféreraient avoir une pièce de 2$ parce que cela leur permettrait d'élargir leur gamme de produits pouvant être vendus dans des machines.
M. Grubel: Pourriez-vous demander à vos chercheurs de nous adresser, à moi et aux autres députés qui reçoivent toutes ces lettres de plaintes, une étude faisant le point sur les économies que l'on pourrait réaliser en remplaçant les billets par des pièces? D'autre part, quel serait à votre avis le coût social instantané du remplacement des machines afin qu'elles puissent accepter les pièces de 2$?
M. Walker: Si vous me permettez de répondre au nom du gouvernement, monsieur le président, je dois dire que c'est là une question qui concerne essentiellement le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, la Monnaie et le ministre des Finances. Si vous le voulez, je pourrais faire préparer une lettre vous communiquant ces réponses, car cela concerne moins la Banque du Canada que le gouvernement lui-même.
M. Grubel: Je m'excuse.
Mme Chamberlain (Guelph - Wellington): Je pourrais préciser à l'intention de mon collègue qu'il y aura une présentation à ce sujet par l'adjoint du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, afin de répondre précisément à ces questions. On vous donnera alors des faits et des chiffres précis.
Le président: Comme vous devez revenir, quel sera d'après vous le taux de change du dollar canadien par rapport au dollar américain au moment de votre prochaine comparution?
Des voix: Oh!
M. Thiessen: Je ne saurais le dire, monsieur le président. Toutefois, comme je l'ai dit récemment en réponse à une autre question, je crois que les facteurs fondamentaux qui déterminent la valeur de notre monnaie sont très positifs et c'est pourquoi j'espère que nous finirons par constater une hausse du dollar et une baisse des taux d'intérêt. Cela permettrait de rééquilibrer les facteurs de notre politique monétaire, ce qui serait très utile.
Le président: Je voudrais conclure en faisant une dernière remarque. Nous procédons actuellement à une transformation profonde de notre politique budgétaire, puisque nous sommes obligés de réduire considérablement les dépenses du gouvernement, et cela suscite beaucoup d'appréhension chez les Canadiens. Ceux-ci ne cessent de s'adresser à nous pour dire que nous devrions trouver d'autres solutions. Cela touche les questions dont nous avons discuté avec vous, concernant la politique monétaire, puisque les gens croient qu'il doit y avoir une méthode indolore de résorption de la dette et d'abaissement des taux d'intérêt.
Voilà pourquoi j'estime qu'il est crucial que vous comparaissiez devant notre comité pour participer avec les autres Canadiens à ces débats publics qui visent à rendre plus transparent le processus d'élaboration non seulement des politiques budgétaires, mais aussi des politiques monétaires. Je crois que vous avez un rôle éducatif considérable à jouer dans ce domaine, pour nous faire comprendre les difficultés inhérentes aux autres options.
Je vous remercie donc en notre nom à tous pour un exposé très lucide et très opportun.
La séance est levée.