[Enregistrement électronique]
Le mercredi 10 mai 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-76. Aujourd'hui nous avons parmi nous un groupe de représentants du SCFP, sous la direction de Mme Judy Darcy.
Madame Darcy, voulez-vous présenter les personnes qui vous accompagnent?
Mme Judy Darcy (présidente, Syndicat canadien de la fonction publique): Oui. En fait je les présenterai à mesure qu'elles prendront la parole, parce qu'elles participeront à l'exposé.
Le président: Combien de personnes feront une intervention?
Mme Darcy: Moi et huit autres personnes.
Le président: Bien. Y a-t-il au fond de la salle d'autres personnes qui sont avec vous?
Mme Darcy: Non. Ce sont des personnes qui assistent aux délibérations mais qui ne prendront pas la parole aujourd'hui.
Le président: Je suppose que les personnes ici présentes ne sont pas toutes des fonctionnaires?
Mme Darcy: Non, ce ne sont pas toutes des fonctionnaires fédéraux et il y en aura encore moins quand votre projet de loi aura été adopté.
Le président: Merci. Nous sommes impatients d'entendre votre exposé.
Mme Darcy: Est-ce qu'on attend les représentants du Bloc québécois ou non?
Le président: Non. Ils sont là.
Mme Darcy: Bon. C'est bien.
Je suis la présidente nationale du Syndicat canadien de la fonction publique qui regroupe 400 600 membres de 10 provinces du Canada. Nous sommes le plus gros syndicat du pays.
Parmi les personnes qui m'accompagnent, il y a des travailleurs de première ligne de la santé ainsi que des utilisateurs des services de santé. Il y a des parents, des travailleurs de garderie, des enfants, des travailleurs universitaires, des étudiants de niveau universitaire ainsi que des bénéficiaires de programme de service social ou des participants.
Nous avons un mémoire écrit à votre intention. Nous en avons distribué des exemplaires en anglais et en français. Nous avons toutefois décidé de ne pas faire un exposé sur un mémoire écrit officiel. Nous comptons plutôt vous parler de certains cas vécus plutôt que de statistiques, de faits et de chiffres, même si nous avons présenté des arguments très solides ainsi que des chiffres très sérieux dans notre mémoire écrit. Aujourd'hui, nous voulons vous montrer comment les gens sont déjà touchés par les réductions de paiement de transferts fédéraux, par les coupures qui ont été faites dans les programmes sociaux et les services publics provinciaux; c'est pourquoi, nous avons demandé à des gens qui fournissent ces services ainsi qu'à d'autres qui, comme tous les Canadiens, sont des bénéficiaires et des utilisateurs e ces services, de nous accompagner ici.
En tant que présidente nationale du plus gros syndicat au Canada qui représente des gens de toutes les conditions sociales, j'ai l'occasion et la chance de voyager dans tout le pays. Je dois dire que j'ai parcouru le pays à plusieurs reprises dans tous les sens et que je suis allée dans toutes les provinces ces derniers mois où j'ai eu l'occasion de parler à des membres de notre syndicat et à des gens qui sont très fiers d'être continuellement au service de leur collectivité.
Je dois vous avouer qu'en toute sincérité que les histoires que me racontent un nombre croissant de membres du syndicat ainsi que d'étudiants, de parents et de travailleurs des services de santé sont déprimantes parce qu'elles revèlent que le filet de protection sociale est déjà en train de se défaire, que les services publics et les programmes sociaux sont d'ores et déjà, et de plus en plus, en train de se détériorer. Ce sont des histoires que vous entendriez également si vous vous déplaciez dans le pays, si le gouvernement décidait de consulter la population, si vous lui recommandiez la tenue d'audiences dans tout le pays. Nous vous y exhortons vivement.
Nous vous parlerons aujourd'hui de cas qui mettent l'accent sur l'aspect humain tout en vous signalant que les changements envisagés dant le projet de loi C-76, c'est-à-dire la mesure budgétaire, vont modifier radicalement notre pays.
Les témoins qui ont comparu avant vous - des gens comme Keith Banting, qui est le directeur de la School of Policy Studies de Queen's University - ont déjà signalé que l'on est en fait en train de remanier la Loi canadienne sur la santé, mais pas officiellement. Il a parlé de «politique sociale en tapinois.
À notre avis, les changements envisagés ne sont pas de légers remaniements de nos programmes sociaux, de notre système de sécurité sociale; il s'agit en fait d'une restructuration profonde de nos programmes sociaux. Ils auront une incidence aussi forte sur l'avenir de notre pays que le libre-échange, l'Accord du Lac Meech, ou l'Accord de Charlottetown et par conséquent le gouvernement devrait aller consulter tous les Canadiens sur place.
Le gouvernement n'est pas mandaté pour comprommettre et démanteler nos programmes sociaux, ce que fera effectivement le projet de loi C-76. Il est impensable qu'un gouvernement procède de la sorte sans consulter davantage la population, sans que celle-ci lui en ait donné la mandat. Nous estimons que c'est faire fi de la démocratie que de ne pas aller consulter les habitants de toutes les régions du pays.
Avant le début de la séance, M. Peterson nous a dit qu'il est convaincu que nous exprimerons de façon éloquente les opinions des Canadiens, et c'est ce que nous espérons faire.
Nous tenons toutefois à nous signaler que dans bien des localités, il y a des gens qui sont déjà les oubliés de notre système de protection sociale et que ce genre de cas se multipliera à l'infini si le projet de loi C-76 est adopté. Nous vous recommandons donc très vivement de suivre notre conseil.
Je vais d'abord vous parler de services de santé et des conséquences que le projet de loi C-76 aura dans ce domaine du fait que, comme nous savons, le Budget fédéral sabre radicalement dans l'aide financière aux provinces dans ce domaine. Les chiffres précis, par province, sont indiqués dans le document que nous avons distribué. Bien d'autres témoins avant nous ont indiqué et démontré que les transferts de fonds aux provinces qui sont effectués à ce titre disparaîtront en fait d'ici une dizaine d'années.
Il ne faut pas être suprêmement intelligent pour comprende que lorsque les dépenses fédérales auront disparu, on n'aura plus les moyens de faire appliquer les normes nationales énoncées dans la Loi canadienne sur la santé. À cause du projet de loi C-76, de la réduction des paiements de transfert et de l'adoption d'un système de financement global, le gouvernement fédéral finira par ne plus être en mesure de faire respecter l'universalité, l'intégralité, l'accessibilité, l'administration publique et tous les autres principes édictés dans cette loi.
Nous savons déjà qu'ils sont compromis. Nous avons déjà pu constater ce qui se passe en Alberta, sous les auspices du gouvernement de Ralph Klein. On voit en effet apparaître dans cette province un système de santé à deux niveaux. Il est toutefois indéniable que la capacité financière nécessaire pour enrayer ce genre de situation dans l'immédiat et dans l'avenir s'amenuise à mesure que l'aide financière fédérale diminue.
Notre syndicat est fier de représenter 140 000 travailleurs de la santé de toutes les provinces qui sont en première ligne et prodiguent des soins aux Canadiens. Deux représentants de ces travailleurs m'accompagnent aujourd'hui; il s'agit de Scott McLaughlin qui travaille au Grace Hospital d'Ottawa et de Betty Sommers qui est infirmière auxiliaire au Perley Hospital, d'Ottawa également. Je leur demanderai de vous dire quelques mots.
M. Scott McLaughlin (Syndicat canadien de la Fonction publique): Je travaille dans un hôpital situé à quelques milles seulement d'ici. Il y a trois ans, des gens qui venaient chez nous nous félicitaient pour la propreté des lieux. Maintenant à l'heure actuelle, en raison de changements d'ordre technique qui reviennent en fait à réduire le personnel et à rogner sur les coûts, les gens disent que la semelle de leurs chaussures colle au plancher. Ils hésitent, paraît-il, à utiliser nos toilettes parce qu'elles ne leur semblent pas stériles. On parle des moutons qui s'accumulent sous les lits des malades.
Je travaille au service des fournitures et constate que l'on impose des quotas tellement stricts aux unités intéressées que les gens cachent des fournitures pour les conserver pour les malades. On a peur d'utiliser un protège-drap ou un pansement de trop et la quantité de gaze disponible est tellement limitée que l'on se trouve pris au dépourvu quand surviennent des complications qui obligent à en utiliser davantage. Des stocks minimaux et les systèmes de stockage au moment adéquat donnent de bons résultats dans le secteur manufacturier, mais pas en milieu hospitalier où l'on a affaire à des êtres humains.
Il y a deux mois mon épouse était à l'hôpital pour donner naissance à notre troisième enfant. Elle a dû malheureusement quitter l'hôpital au bout de 48 heures. La durée des séjours a tendance à diminuer comme aux États-Unis où l'on se débarrasse des gens en 24 heures. On ne peut pas s'empêcher de se demander quelle sera la prochaine étape si le projet de loi C-76 est adopté. Nous nous armons de tout notre courage.
Mme Betty Sommers (Section locale 883, Syndicat canadien de la Fonction publique): Je suis infirmière auxiliaire autorisée et je travaille dans une unité pour malades chroniques d'un établissement de la Capitale nationale. Il y a quelques années, nous pouvions lever les patients âgés tous les jours ou au moins tous les deux jours. Depuis lors, les crédits ont considérablement diminué que l'on ne peut plus lever les personnes âgées tous les jours; on procède par roulement. On lève un tel et une telle le lundi, le mercredi et le vendredi alors que le tour des autres est le mardi et le jeudi. Nous n'avons plus suffisamment de personnel pour les lever plus souvent.
Les personnes âgées ne reçoivent pas les soins de qualité qu'elles méritent. Les repas qu'elles reçoivent dans ce genre d'établissement ne sont plus d'aussi bonne qualité qu'avant.
J'estime que ces gens-là méritent de meilleurs soins. La situation empirera encore du fait que les fonds accordés par le gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux pour le secteur de la santé diminueront et c'est une situation que l'on ne saurait tolérer.
Mme Darcy: Voilà ce qui se passe déjà, comme l'ont signalé nos deux membres, dans des hôpitaux situés à deux ou trois milles d'ici. Nous n'ignorons pas qu'il existe des cas pires que cela dans d'autres provinces. En Alberta par exemple, j'ai parlé dernièrement à une femme qui s'était fait hospitaliser pour subir une intervention chirurgicale traumatisante au sein. À cause des réductions imposées dans cette province, elle a été forcée de sortir au bout de 24 heures, après une intervention aussi délicate.
Nos travailleurs de la santé de première ligne commencent à faire des blagues au sujet de ce qu'ils appellent le «service expéditif». À cause des attitudes, des mesures et des formules qui limitent considérablement la durée des séjours à l'hôpital pour les accouchements, par exemple, qui est déjà réduite à 24 heures dans un grand nombre d'établissements.
Je vais parler pendant deux ou trois minutes, d'enseignement postsecondaire, parce que, comme nous le savons, le budget fédéral a également sabré dans les dépenses de ce secteur. Pourtant, les provinces sont largement tributaires des crédits fédéraux pour financer les collèges et les universités. Il ne fait aucun doute que si ceux-ci viennent à manquer, et l'aide fédérale a déjà diminuée, l'on procédera à des coupes sombres dans les programmes universtaires et collégiaux. Dans certaines provinces, le gouvernement a déjà clairement fait comprendre que certains de ces établissements devraient fermer leurs portes.
Certains programmes d'établissements postsecondaires ont déjà été réduits à leur plus simple expression. Et pourtant vous dites, et tout le monde est d'accord, qu'il est essentiel voire critique pour notre avenir de se perfectionner sur le plan professionnel et sur le plan éducatif pour faciliter la recherche d'emplois dans le nouveau contexte économique mondial. Nos collèges et universités sont toutefois forcés de faire plus avec moins, de compenser ce manque à gagner en augmentant les droits de scolarité, en instaurant de nouveaux droits d'utilisation plus élevés en gérant les programmes publics comme de entreprises commerciales. Nous sommes convaincus que le budget fédéral aggravera considérablement cette terrible situation.
Les droits de scolarité augmenteront a un rythme accéléré et l'instruction universitaire finira de plus en plus par ne plus être accessible qu'à ceux qui en ont les moyens. Aucun d'entre nous, j'en suis sûre, ne veut que l'université finisse par ne plus être accessible qu'aux enfants de riches. Je ne crois pas que l'on veuille que l'éducation permanente soit remplacée par un endettement permanent.
Si l'on emprunte cette voie et que les étudiants cessent d'avoir accès à l'enseignement universitaire, ou doivent rembourser des emprunts pendant une bonne partie de leur vie pour y avoir accès, ce sont les femmes, les gens de couleur, les personnes invalides et les autochtones qui subiront le plus le contrecoup de ces mesures pour la bonne raison que même si l'on procède à certains changements sur le marché du travail, nous savons que leur capacité de gagner leur vie est nettement inférieure à celle des autres membres de la société, ce qui veut dire qu'il leur faudra beaucoup plus de temps pour rembourser leurs études postsecondaires.
Notre syndicat représente 40 000 travailleurs de l'enseignement postsecondaire parmi lesquels se trouvent également des étudiants. Nous vous présentons Madeleine Stewart-Damj, diplômée de l'université Carleton et Marnie Jordon, présidente de la section locale 24 du SCFP, qui représente le personnel de soutien de cet établissement.
Mme Marnie Jordan (Section local 2424, Syndicat canadien de la Fonction publique): Merci. Si je suis là aujourd'hui, c'est parce que les répercussions qu'aura votre budget sur l'enseignement postsecondaire me préoccupe. L'Université Carleton ressent déjà les effets des compressions budgétaires. Les cadres supérieurs annoncent d'ores et déjà publiquement qu'il y aura désormais des réductions puisque l'argent ne suit plus. Il y aura par exemple moins d'enseignement, moins de services pour les étudiants, moins d'étudiants, moins de personnel et moins d'ouvrages à la bibliothèque. La seule chose qui augmentera, ce sont les frais de scolarité. En raison de cette augmentation et de la diminution du nombre d'étudiants, les études universitaires seront hors de portée pour les familles de la classe ouvrière.
J'ai été élevée dans la pauvreté, dans une petite exploitation agricole de l'Île-du-Prince-Édouard. Je suis de ceux qui ont bénéficié des programmes aux étudiants au cours des années 1960 et je n'ai jamais pris cette chance pour acquis. Sans cette possibilité, je ne serais pas en train de faire cet exposé ici.
Les membres de ma section locale estiment que l'université ne répond plus aux besoins de ses étudiants. Une collègue m'a dit comment elle se sentait après avoir inscrit des étudiants étrangers à des cours télédiffusés.
Alors que ces étudiants viennent de l'autre extrémité de la planète pour vivre en résidence à Carleton, alors qu'ils ont payé des droits de scolarité exhorbitants et qu'ils ont dû surmonter les obstacles linguistiques, on leur donne la plupart de leurs cours par télévision. Si vous avez déjà regardé la chaîne de télévision scolaire de Carleton, vous vous rendez compte que cette situation était probablement triste pour eux. Même si elle n'a rien pu y faire, cette employée de l'université se sentait coupable et dans une certaine mesure, responsable.
Les étudiants ont toutes sortes de frais spéciaux. Ils doivent même payer pour leurs relevés de notes et pour leurs diplômes. C'est un peu comme si les épiceries de la chaîne A&P vous faisaient payer pour obtenir le reçu de caisse de votre commande en vous disant que ,tant que vous ne l'aurez pas fait, on gardera la marchandise et votre argent.
Plusieurs de nos membres affirment qu'ils n'ont plus le temps d'accorder aux étudiants l'attention personnelle dont ils ont tellement besoin. Ils doivent de plus en plus utiliser un système touch-tone pour obtenir des réponses à leurs questions et à leurs problèmes. Alors que ce qu'ils veulent, c'est avoir un contact humain dans un cadre qui n'est pas impersonnel, ni intimidant; cela est surtout vrai pour les nouveaux. Je crains qu'il ne faille plusieurs décennies aux universités pour se remettre des compressions budgétaires et que l'instruction universitaire ne soit réservée qu'à ceux qui en ont les moyens.
Mme Madeleine Stewart-Dmaj (Syndicat canadien de la Fonction publique): Je dois 30 000$ au gouvernement pour mes études et, tout cela, parce que j'étais pauvre. Je ne suis pourtant pas une exception. J'avais un choix très difficile à faire: prendre l'équivalent d'une hypothèque ou avoir la perspective d'occuper toute une série d'emplois mal rémunérés pendant le restant de mes jours.
Je commence à me demander maintenant si l'effort en valait la peine. J'ai peu d'espoir de trouver un emploi à plein temps. Si j'ai beaucoup de chance, j'arriverai peut-être à obtenir des contrats et dans ce cas, je n'aurais droit à aucun avantage social et je connaîtrai de longues périodes de chômage, entre deux contrats. La vérité est dure à accepter et à affronter.
Je suis née pauvre et je le suis toujours. Je suis endettée et il me faudra beaucoup de temps pour me remettre à flot. Je suis mécontente d'avoir 30 000$ de dettes et je suis furieuse d'être marquée à vie par la pauvreté que j'ai connue à la naissance. Je ne suis toutefois pas pleurnicharde ni plaignarde.
Dans ma jeunesse, j'ai vécu un certain temps dans une automobile parce que ma famille était sans abri. J'ai parcouru beaucoup de chemin depuis, grâce à un travail acharné et aux prêts du gouvernement, ce dont je lui suis extrêmement reconnaissante.
J'éprouve toutefois des craintes à l'égard de l'avenir. Nous nous orientons de plus en plus vers un système d'enseignement de classe. Je crains que les étudiants endettés ne viennent grossir les rangs des enfants appartenant à la classe moyenne.
Les frais de scolarité s'élèvent actuellement à environ 3 000$ par an. L'année prochaine, ils atteindront peut-être 5 000$, puis 7 000$ ou 10 000$ qui sait? Quelle famille canadienne de la classe moyenne peut acquitter des droits de scolarité annuels de 10 000$ par enfant?
Le nombre d'inscriptions a déjà diminué dans les universités. Nous nous en allons vers un système d'enseignement de classe qui assimile l'intelligence à la richesse. Pourtant, alors qu'à cause de lui l'instruction devient un rêve impossible pour la plupart, le gouvernement fédéral prétend que l'on a besoin d'un peuple mieux instruit.
Je réfléchis sérieusement deux fois avant de décider de faire un doctorat. Je ne peux pas m'endetter davantage. Que dire de ceux qui ont déjà entamé leur programme de doctorat, comme mon mari? Que feront-ils? Vont-ils abandonner? Vont-ils augmenter le montant de leurs hypothèques?
Les dettes accumulées pour s'instuire anéantiront les rêves de la génération actuelle. On sent déjà le contrecoup des compressions budgétaires dans le domaine de l'éducation. Les réductions proposées feront à coup sûr augmenter les droits de scolarité et accroîtront l'endettement. Il ne faut pas que cela détruise les espoirs de ceux et celles qui nous suivront parce que ce n'est pas 30 000$ de dette qu'ils auront, mais plutôt quelque chose comme 100 000$.
Merci.
Mme Darcy: Je vais maintenant dire quelques mots au sujet du RAPC, c'est-à-dire du Régime d'assistance publique du Canada et, plus particulièrement de l'aide sociale. Comme nous le savons, le gouvernement fédéral transfère actuellement aux provinces un montant équivalent aux sommes qu'elles consacrent aux programmes d'aide sociale ainsi qu'à d'autres domaines comme la garde des enfants. Certains critères sont énoncés dans la législation fédérale régissant le Régime d'assistance publique du Canada.
Le budget fédéral prévoit toutefois le remplacement de ce régime et de la législation correspondante par le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Cela veut dire évidemment que le montant des paiements de transfert que le gouvernement fédéral verse aux provinces au titre de l'aide sociale n'augmentera plus, même en cas de récession profonde, même si les gouvernements provinciaux décident de relever le niveau de l'aide sociale pour qu'elle atteigne des proportions acceptables.
Cela veut dire également que les principes fédéraux rattachés aux interdictions qui existent actuellement dans le RAPC, les règlements régissant l'aide sociale, disparaîtront. Je songe notamment au droit à l'aide qu'ont les personnes nécessiteuses. Je songe également à l'interdiction d'obliger les bénéficiaires de cette aide à travailler, c'est-à-dire des programmes de travail obligatoire.
On peut prédire d'ores et déjà que le niveau de l'aide sociale diminuera sans cesse, dans la course à l'abîme que se livreront les provinces, à en juger d'après ce qui est déjà arrivé au niveau provincial, depuis quelques années. Bien des citoyens qui auront toujours besoin d'aide sociale cesseront d'y avoir droit. À l'instar de l'Alberta, d'autres provinces distribueront des billets d'autobus à des milliers d'assistés sociaux pour les encourager à aller en Colombie-Britannique, initiative qui a fait l'objet d'une grande publicité.
Le nombre des programmes de travail obligatoire se multipliera. Je voudrais en parler pendant quelques instants. Nous n'avons parmi nous personne qui vienne du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve ou de l'Alberta, provinces où l'on a déjà beaucoup entendu parlé de cela.
Quand je suis allée passer une journée au Nouveau-Brunswick il y a deux ou trois mois, dans le cadre d'un regroupement d'organisations de lutte contre la pauvreté et de nos membres pour parler de ce qui se passe déjà dans cette province, j'ai été horrifiée. J'ai rencontré, dans le cadre d'une tribune, une femme qui a décidé de garder l'anonymat en adoptant comme nom d'emprunt Michelle et qui a participé à l'un des fameux programmes de travail obligatoire de la province.
Le Nouveau-Brunswick est souvent considéré, y compris par les comités du Parlement, comme un incubateur national en matière de réforme sociale et comme un innovateur en matière de politique sociale. Cette jeune femme, qui est mariée et qui a plusieurs enfants, après avoir reçu de l'aide sociale pendant un certain temps, a dû se démener pour décrocher n'importe quel emploi de très courte durée et elle a finalement décidé de participer à un de ces programmes.
Elle travaillait pour six dollars de l'heure pour une commission scolaire où il y avait des membres du SCFP qui ne font pas de gros salaires, croyez-moi; ils gagnent dix ou onze dollars de l'heure. À l'échelle nationale, nos membres gagnent en moyenne 26 000$ par an mais dans ce cas-ci, leurs salaires étaient encore inférieurs à cela. Cette personne était ce que l'on appelle une travailleuse subventionnée.
Elle m'a dit qu'elle savait pertinemment que la participation à ce programme n'améliorerait même pas sa situation financière mais qu'elle voulait prouver qu'elle ne voulait pas rester inactive, qu'elle voulait se trouver un créneau, avoir un pied dans la porte. Elle a toutefois ajouté que si le gouvernement prétend que c'est de la création d'emploi, c'est de la foutaise parce qu'elle va travailler 20 semaines et qu'elle sera remplacée ensuite, qu'il y a un certain roulement parmi les travailleurs subventionnés - c'est ce qui arrive dans toute la province, que ce soit dans le domaine des travaux publics, de la construction routière, des services sociaux, dans les bibliothèques et dans les commissions scolaires. Une fois qu'elle aura 20 semaines de travail, elle pourra toucher des prestations de chômage.
Ce n'est pas ainsi que l'on brise le cycle de la dépendance. Frank McKenna prétend que c'est de la création d'emploi. Il prétend que l'on fait cela pour diminuer le nombre d'assistés sociaux et briser le cycle de la dépendance. Pourtant, on remplace un type de dépendance par un autre. Cette femme m'a dit qu'elle voulait obtenir un vrai emploi et qu'elle voulait travailler.
Voilà ce qu'elle m'a racontée et on rencontre ce genre de cas dans toute la province.
J'ai également entendu la même histoire à Baie Verte à Terre-Neuve, où les travailleurs qui dispensent des soins à domicile sont remplacés par des assistés sociaux, qui touchent deux fois moins qu'eux - alors qu'ils ne gagnent qu'une dizaine de dollars de l'heure. Les soins à domicile seront désormais prodigués aux personnes âgées par des assistés sociaux qui ne gagnent que 5$ de l'heure, qui n'ont aucune formation et ne sont pas qualifiés pour ce travail.
On entend les mêmes genres d'histoires à Red Deer, en Alberta et de plus en plus, dans toutes les régions du pays, malgré le Régime d'assistance publique du Canada et les règlements qui interdisent les programmes de travail obligatoire.
Je vais vous parler pendant deux ou trois minutes des garderies. Pour le moment, les provinces reçoivent à ce titre des subventions dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada et, comme vous le savez, le gouvernement libéral a promis de créer 150 000 places supplémentaires dans les garderies, dès la fin de la première année de reprise économique. Au contraire, en se débarrassant du RAPC, le gouvernement a en fait supprimé l'aide du gouvernement fédéral aux garderies.
Le remplacement du système de partage de frais prévu dans ce Régime par des subventions globales n'incitera plus les provinces à lancer des programmes de garderie, à créer des places supplémentaires.
Voici Mme Julie Henry, qui travaille au Wellington Daycare Centre d'Ottawa et qui fait partie de la section locale 2204 du SCFP. Voici également Karen Parras, qui a une petite fille de trois mois, Amie, qu'elle a avec elle aujourd'hui et qui est inscrite sur une liste d'attente pour une garderie.
Mme Julie Henry (Syndicat canadien de la Fonction publique): Je travaille dans une garderie où les employées sont syndiquées. Notre section locale représente plus de 200 travailleuses de première ligne de ce secteur. Du fait que nous avons des contacts directs avec les enfants, nous ne sommes que trop conscientes des compressions budgétaires de ces dernières années. Notre budget est déjà très serré et nous craignons que des compressions supplémentaires ne se traduisent par des licenciements, ce qui réduira encore le nombre de places disponibles.
Nous nous sommes syndiquées en 1979 pour pouvoir mieux négocier nos salaires qui s'élevaient à l'époque à 5 000$ dollars ou 6 000$ par an, nos conditions de travail et pour protester contre l'insuffisance des fonds disponibles pour l'achat de fournitures. Il n'existait aucune stabilité dans notre milieu et nous passions d'une crise financière à l'autre. Cette situation pourrait se reproduire.
Dans le Livre rouge, on garantissait que les garderies seraient une priorité. Aujourd'hui, avec les transferts aux provinces selon la méthode du financement global et les coupures massives dans les services sociaux, le financement des garderies est des plus incertains.
Dans ma propre garderie, la liste d'attente pour les nourissons comportent 167 noms, alors que nous n'avons que neuf places. Pour les jeunes enfants, il y a 154 noms sur la liste d'attente, pour 10 places disponibles, et l'attente peut durer deux ans. L'an dernier, il y a eu dans Ottawa-Carleton près de 4 400 demandes de services de garderie subventionnés, alors qu'il y n'y avait que 640 places disponibles.
Le besoin de services de garderie de qualité est pressant. La législation que vous envisagez va avoir une incidence énorme sur les services de qualité que nous offrons actuellement aux familles.
Mme Karen Perras (Syndicat canadien de la Fonction publique): Je m'appelle Karen Perras. Hélas, ma fille n'est pas contente et elle a dû sortir de la salle. Je ne suis pas contente non plus.
Je suis actuellement en congé de maternité d'une durée de six mois mais, comme la période actuelle est incertaine sur le plan économique et comme mon partenaire n'a aucune sécurité d'emploi, je dois retourner au travail. Je n'ai pas de ressources suffisantes pour rester à la maison, ce qui est un choix que j'aimerais avoir.
Il est très important que nous ayions des services de garderie de qualité pour notre fille, Amy. Comme tous les parents, nous voulons lui fournir ce qu'il y a de mieux. Je dois dire que j'ai éclaté de rire quand des amis m'ont dit que je devrais m'inscrire sur une liste d'attente dès que j'ai appris que j'étais enceinte. Par contre je n'ai pas ri du tout quand j'ai appris que je devrais attendre deux ans pour trouver une place dans une garderie de qualité.
Et j'ai encore plus affolée quand j'ai appris que les places dans ces garderies peuvent coûter jusqu'à 1 300$ par mois. Comme nous gagnons chacun un revenu moyen, cela était absolument inabordable pour nous, mais nous ne pouvions pas non plus bénéficier d'une subvention. Que pouvons-nous donc faire? Nous ne voulons pas mettre notre enfant dans une garderie non réglementée, nos deux familles vivent dans d'autres villes, et je dois maintenant retourner au travail. Vous comprendrez que c'est là une situation très difficile pour un parent.
Plus effarant encore, le gouvernement propose aujourd'hui de sabrer les budgets sociaux, ce qui réduira encore les choix dont disposent les gens ordinaires comme nous. Est-ce juste pour ma fille Amy et pour tous les autres enfants qui ont besoin d'un programme complet de garderie de première qualité financé par le gouvernement fédéral? Ces enfants sont notre avenir. Ne vous attaquez pas à eux.
Mme Darcy: Merci. La dernière question que je voudrais aborder concerne le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Nous venons de parler des programmes qui seront directement touchés, mais il importe d'aborder aussi ceux qui le seront indirectement à cause des sommes considérables dont seront privées les provinces.
Avec le nouveau système de financement global, les autres programmes sociaux et services publics risquent d'être amputés car les gouvernements provinciaux et les municipalités vont devoir à leur tour réduire leurs dépenses. Ils auront des choix extrêmement difficiles à faire - voire impossibles - quant aux programmes à préserver. Ils devront décider si l'enseignement est plus important que les soins de santé, ou si l'on peut réduire l'assistance sociale pour préserver les services médicaux.
Il ne fait aucun doute que des programmes de toutes sortes continueront d'être amputés aux niveaux provincial et municipal. Une concurrence extrêmement vive va se faire pour essayer d'accaparer ce qu'il restera des budgets publics. L'écart entre les riches et les pauvres va continuer de se creuser et nous allons assister à une transformation radicale de notre société.
Je voudrais maintenant vous présenter Steve Sanderson, membre du SCFP qui travaille pour l'Association d'Ottawa-Carleton des personnes ayant un handicap de développement. Il va nous parler de Shawn Murphy, qui est également avec nous aujourd'hui.
[Français]
M. Steve Sanderson (Loge locale 1521, Syndicat canadien de la Fonction publique): Bonjour. J'avais l'intention de faire ma présentation en français, mais on m'a fait l'honneur de me demander de parler au nom de Shawn Murphy. Comme Shawn parle anglais, je pense que ce serait impoli de continuer en français.
[Traduction]
Je voudrais vous dire quelques mots sur Shawn, qui est client de l'un de nos établissements résidentiels. Jusqu'à il y a un an, il bénéficiait d'un programme de jour. Cependant, comme il est tombé très malade, on a pensé que ce programme ne répondait plus à ses besoins et il a donc dû rester en résidence. C'est tout à fait compréhensible car c'est en résidence qu'on pouvait lui fournir les soins dont il avait besoin. Il aurait été très difficile à l'époque de les lui fournir dans un programme de jour.
Cela dit, les choses changent et Shawn s'était assez rétabli pour pouvoir retourner dans le programme de jour. Hélas, il y a de longues listes d'attente et, quand Shawn est parti, quelqu'un a pris sa place. Nous ne pouvions pas demander à cette personne de partir. Il y en avait des centaines dans son cas. Nous avons donc voulu organiser autre chose pour Shawn et nous avons réussi à lui organiser quelque chose qui lui permet de sortir dans la collectivité deux ou trois jours par semaine pendant un mois et demi. Évidemment, sortir et se mêler à la collectivité est une chose qui nous paraît à nous complètement évidente.
Pour le moment, cependant, Shawn n'a rien. Il reste chez lui 24 heures par jour, sauf quand il a la possibilité de sortir. Aujourd'hui, par exemple, c'est lui qui a choisi de venir et c'est pour lui une sorte d'excursion. Nous ne lui avons pas demandé de venir, il a décidé lui-même. Mais cela lui est rarement possible.
Et Shawn est loin d'être une exception à la règle. Je puis vous dire qu'il y a des milliers de personnes dans cette province, et des dizaines de milliers de personnes au Canada, qui souffrent de handicap semblable au sien. Le problème ne vient pas de l'organisme pour lequel nous travaillons mais du manque de fonds. Nous sommes obligés d'utiliser nos ressources le mieux possible, et nous devons parfois faire avec des bouts de chandelle.
Voilà pourquoi il ne faut pas oublier les Shawn de ce pays quand on discute de finances publiques. Il faut se demander combien de gens peuvent bénéficier des programmes chaque année, et combien en sont privés. Tout cela sera déterminé par la réduction des transferts gouvernementaux.
Je voudrais aussi que chacun pense à une autre chose pendant ces délibérations très importantes. J'ai jeté un coup d'oeil dans la salle et j'ai vu que tout le monde est capable de prendre des notes soi-même. Pour vous, cela ne pose aucun problème. De même, vous n'avez aucun problème à prendre un verre d'eau si vous avez soif et, quand vous quitterez cette salle, à la fin de la journée, voue irez probablement dans le restaurant que vous aurez choisi. Demain, vous pourrez choisir les vêtements que vous voulez porter. Or, toutes ces choses que nous tenons pour acquises sont loin de l'être pour Shawn.
Certes, il y a une chose qui est positive dans cette ville au moment où l'on fait ces coupures budgétaires. Nous avons beaucoup d'églises, et les églises ont des sous-sols. Savez-vous où des gens comme Shawn ont commencé à obtenir des services, il y a 40 ou 50 ans? Dans les sous-sols d'église. Si vous ne faites pas attention aujourd'hui, c'est là que vous risquez de les renvoyer.
Nous semblons avoir oublié, au Canada, ce qu'est la notion de solidarité collective. Je trouve cela fort inquiétant. Je crains que nous ne soyons sur le point de faire comme Marie-Antoinette et de dire aux gens qui ne peuvent pas avoir de pain qu'ils n'ont qu'à manger de la brioche. S'il vous plaît, n'oublions pas ce que nous étions.
Merci.
Mme Darcy: Ce que nous vous avons raconté aujourd'hui ne concerne pas l'avenir mais le présent. Cela ne concerne pas des régions éloignées mais notre environnement immédiat. Il ne faut pas être devin ou savant pour comprendre que nous allons entendre des histoires encore pires dans un avenir très proche.
Pourquoi? Parce que l'adoption du projet de loi C-76 remettra à toutes fins pratiques aux gouvernements provinciaux le contrôle absolu des programmes sociaux, sans aucune condition, ce qui entraînera la disparition des normes nationales. Avec le projet de loi C-76, nous allons donner à des premiers ministres comme Ralph Klein le feu vert pour introduire un système de santé à deux paliers, et à des premiers ministres comme Frank McKenna le pouvoir d'instaurer le travail obligatoire.
Adopter le projet de loi C-76 revient à formuler une «politique sociale en tapinois». Cela revient à creuser l'écart entre les possédants et les dépossédés de notre société. Cela revient à confirmer la tendance vers un nombre de plus en plus restreint d'emplois relativement sûrs et bien rémunérés, pour accroître le nombre d'emplois sans sécurité, mal rémunérés et sans avantages sociaux. C'est une tendance qui existe déjà dans notre pays et le projet de loi C-76 ne fera que l'accélérer.
Adopter le projet de loi C-76 revient en fait à appuyer sur la gâchette du pistolet de départ de la course à l'abîme. L'avenir que certains de nous préparent ressemble étrangement à celui d'un pays où Ralph Klein établit des services de santé à deux paliers et où Frank McKenna instaure le travail obligatoire, et c'est un avenir qui ressemble beaucoup aux récits qui vous ont été faits aujourd'hui.
Je voudrais conclure en examinant la question de savoir si le gouvernement aurait pu faire autrement. Quand je vois vos réactions à ce que nous vous disons, je devine bien que vous êtes en train de penser qu'il aurait fallu faire autrement mais il n'y a tout simplement plus d'argent. Vous vous dites que nous devons savoir qu'on ne pouvait pas faire autrement. Vous pensez que vous partagez nos valeurs mais qu'il n'y avait pas d'autres solutions.
Je voudrais vous dire très respectueusement que des organismes comme le nôtre - le Congrès du travail du Canada, le Centre canadien de recherches en politique de rechange, les organismes de justice sociale dispersés d'un bout à l'autre du pays - se sont documentés pendant la période de consultations concernant la révision des programmes de sécurité sociale, avant le Budget fédéral. Nous nous sommes très sérieusement occupés de préparer un autre Budget fédéral dans lequel nous avons indiqué de manière très concrète les options qu'aurait pu choisir le gouvernement fédéral pour faire face aux problèmes financiers du pays et pour adopter une autre politique sociale.
Quand Paul Martin a pris la parole à la Chambre, en février dernier, pour annoncer son budget, il aurait pu mettre en oeuvre certaines des propositions que nous avions faites. À titre d'information, nous avons apporté aujourd'hui des exemplaires de notre document, intitulé «Budget fédéral de rechange 1995», au cas où vous ne l'auriez pas vu.
Par exemple, si le gouvernement avait décidé d'imposer un impôt sur les successions supérieures à 1 million de dollars - pas sur les foyers modestes que certains d'entre nous voulons laisser à nos enfants mais sur les héritages de plus de 1 million de dollars - cela seul aurait rapporter 2,25 milliards de dollars.
Si le gouvernement fédéral avait accepté de mettre un terme aux avantages fiscaux offerts pour les repas d'affaires et pour les places dans les loges luxueuses des skydomes et des Saddle Domes, que l'on prétend être des dépenses d'affaires, cela aurait rapporter 500 millions de dollars.
Si le gouvernement, au lieu de prendre des mesures qui fauchent les emplois, notamment les 45 000 emplois fédéraux, avait décidé non pas nécessairement de créer lui-même des emplois mais d'appliquer les mesures recommandées par le Congrès du travail du Canada pour stimuler la création d'emploi - de façon à créer 100 000 emplois supplémentaires par an, par exemple - cela lui aurait permis d'économiser 1 milliard de dollars en assurance-chômage et en aide sociale et d'obtenir 2,5 milliards de dollars de rentrées fiscales. Avec ces recettes supplémentaires, le gouvernement aurait eu d'autres options que de sabrer dans les programmes sociaux, l'assurance-chômage et Radio-Canada, et il aurait eu les sommes nécessaires pour établir un programme national de garderies.
Nous savons que Paul Martin et le gouvernement ont décidé de ne pas accepter notre budget fédéral de rechange. Certes, nous aurions été les premiers surpris s'il avait pris la parole à la Chambre pour lire notre budget. Il n'en reste pas moins que le gouvernement ne saurait prétendre aujourd'hui qu'il n'avait pas d'autre choix et que sa politique était la seule qui pouvait être retenue.
En conclusion, je répète que l'adoption du projet de loi C-76, sur les transferts en vertu du financement global, est tout aussi fondamentale pour notre avenir que le libre-échange, l'Accord du Lac Meach ou l'Accord de Charlottetown. Nous vous disons que le gouvernement n'a certes pas le mandat de démanteler les programmes sociaux. Nous vous disons qu'il a été élu sur un programme de création d'emplois et de protection des programmes sociaux.
Nous vous disons aussi en conclusion qu'il vous appartient d'excercer faire des pressions sur le gouvernement pour organiser, comme nous l'avons fait, des audiences dans tout le pays afin que les Canadiens puissent s'exprimer directement à ce sujet.
Le gouvernement fédéral, comme celui de Terre-Neuve, a fait preuve de beaucoup de courage lorsqu'il s'est agi de résister aux flottilles de pêche espagnole et à l'Union européenne, ce dont nous vous félicitons. Ce jour-là, le Canada s'est couvert de gloire, et Terre-Neuve et le Labrador encore plus.
Nous affirmons que le Canada se couvrira de gloire le jour où le gouvernement fédéral fera preuve du même courage pour défendre les services sociaux au lieu de les tailler en pièces.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Nous aurons cinq minutes pour les questions. J'ai quatre noms sur ma liste. Puis-je vous demander de vous limiter à une minute par personne.
[Français]
Nous allons commencer par M. Deshaies.
M. Deshaies (Abitibi): Merci.
[Traduction]
Je suis sûr que beaucoup d'entre vous ne parlent pas français.
[Français]
Mme Darcy: Excusez-moi.
M. Deshaies: Ce n'est rien. Je suis meilleur en français qu'en anglais. Je vous remercie d'être ici présents pour nous montrer l'autre côté de la médaille.
Comme vous faites partie des syndicats de la classe moyenne canadienne, qui est ou qui était heureuse, je voudrais vous poser rapidement une question. Puisque les budgets de santé et d'éducation sont gelés et qu'ils doivent être coupés, conscients de la situation financière du Canada, pensez-vous que le gouvernement devrait ouvrir tous ses ministères et tous ses programmes afin de refléter les choix de sa population et lui demander quels sont ses choix?
[Traduction]
Mme Darcy: Je voudrais préciser quelque chose. Vous dites que nous faisons partie de la classe moyenne parce que nous sommes des travailleurs syndiqués. Certes, nous représentons bien des gens qui font partie de la classe moyenne, mais nous en représentons aussi beaucoup qui font partie des travailleurs pauvres. Il y a parmi nos membres beaucoup de gens qui ne gagnent que 6$ ou 7$ de l'heure, soit 10 000$ à 12 000$ par an.
À nos yeux, l'un des problèmes fondamentaux de la démarche à laquelle nous participons, est que nous n'entreprenons pas la réforme des programmes sociaux de manière à essayer de les améliorer. À notre avis, il est absolument essentiel de consulter les personnes qui s'occupent d'offrir ces programmes, et de consulter aussi leurs destinataires, si nous voulons faire des progrès réels et ne pas nous contenter de détruire ces programmes.
En matière de soins de santé, par exemple, nous formulons des recommandations depuis de nombreuses années. Nous avons dit à maintes reprises ce que pourrait être une réforme vraiment progressiste des services de santé et, ce qui est encore mieux, tout en réalisant des économies par rapport au système actuel. Nous avons beaucoup d'idées à formuler sur la manière dont nous pourrions faire des économies.
À titre d'exemple, l'un des secteurs de dépenses connaissant la plus forte augmentation depuis quelques années est celui des médicaments. Lorsque les libéraux formaient l'opposition, ils ont pris vigoureusement position contre un projet de loi des conservateurs visant à offrir des avantages considérables aux sociétés de produits pharmaceutiques brevetées par rapport aux sociétés produisant des médicaments génériques. Si ce projet de loi était abrogé, nous pourrions constater une baisse considérable du coût des médicaments.
Nous avons recommandé aussi que l'on ait recours à du personnel para-médical pour la prestation des soins de santé. Nous croyons qu'il est temps de revoir le système de rémunération des médecins à l'acte, puisqu'il encourage les ordonnances et les traitements abusifs.
Nous avons formulé de nombreuses propositions pour réformer notre système de santé, tout comme nous l'avons fait dans tous les autres aspects de notre politique sociale. Et soyez certains que nous serions ravis de pouvoir participer à un débat visant à entreprendre une vraie réforme à long terme, dans l'intérêt des Canadiens.
Hélas, la démarche à laquelle nous participons aujourd'hui vise uniquement à réduire les coûts et, s'il est incontestable que des possibilités existent à ce chapitre, il est évident que nous devrions nous soucier aussi d'améliorer la qualité des soins de santé et des programmes sociaux.
Le président: Monsieur Abbott.
M. Abbott (Kootenay Est): Afin de voir si nous avons quelque chose en commun - et je précise que j'ai beaucoup de respect à l'égard des personnes qui viennent de s'adresser à nous - j'ai calculé rapidement le total des prêts d'étudiants que doivent mes enfants à la banque. Je suis arrivé à près de 57 000$. C'est là quelque chose que nous avons en commun. Il se trouve que j'ai aussi un ami qui a une tumeur rénale de la taille d'un pamplemousse et qui ne trouve pas de lit d'hôpital.
Le problème n'est donc pas que je ne sympathise pas avec ce que vous dites, ni que je ne pense pas que le TCSPS n'obligera pas les provinces et les municipalités à accroître leur propre fardeau fiscal, ni même qu'il ne faille pas transférer les responsabilités au palier de gouvernement qui perçoit les impôts. Nous sommes parfaitement d'accord là-dessus. En revanche, je crois que nous pouvons...
Mme Darcy: Je pensais bien qu'il y avait un «mais» qui allait venir.
M. Abbott: Ma question est la suivante: comme je ne suis pas contre le concept du travail obligatoire pour obtenir des prestations d'assurance sociale, concept qui amène à donner aux gens la possibilité d'avoir un emploi - et je précise que je m'adresse ici précisément à vous-même comme représentants du SCFP - je me demande si la position de votre syndicat au sujet du travail obligatoire ne répond pas à d'autres motifs que vous avez passés sous silence.
Mme Darcy: Nous n'avons pas de visées secrètes. Certes, vous pouvez juger que notre position répond à un intérêt personnel, mais nous pensons qu'il est dans l'intérêt du Canada lui-même de veiller à ce que les nouveaux emplois que nous voulons créer soient des emplois décemment rémunérés et relativement sûrs et non pas ce qu'on appelle des «McJobs», si vous me permettez d'utiliser cette expression.
Bien que je n'aie pas de statistiques à ma disposition - nous pourrions en obtenir si vous le souhaitez - la tendance en matière de création d'emplois dans notre pays, depuis quelques années, est qu'il y a de moins en moins d'emplois permanents ou à temps plein et bien rémunérés. Nous voyons apparaître de plus en plus d'emplois occasionnels ou à temps partiel, sans avantages sociaux et sans sécurité.
Certes, nous craignons que les programmes de travail obligatoire ne viennent renforcer cette tendance à la disparition des emplois bien rémunérés, et nous pensons que cela devrait inquiéter tout le monde. Il est en effet clairement dans l'intérêt de tous les Canadiens que nous ayons le plus possible d'emplois bien rémunérés. Et il est sûrement dans l'intérêt du gouvernement du Canada et de chaque parti politique de veiller à ce que l'on crée de plus en plus d'emplois décents plutôt que des emplois au rabais, de façon à ne pas creuser l'écart entre les possédants et les dépossédés et à ne pas créer une nouvelle classe de gagne-petits dans notre société.
Nous n'avons donc aucune visée secrète et nous ne pensons pas devoir nous excuser quand nous disons que la priorité devrait être de créer des emplois payés 12$, 14$ ou même 15$ l'heure. Et vous conviendrez qu'une telle rémunération est encore loin d'être le Pérou. Nous sommes très fiers de dire que nous avons oeuvré pour rehausser le niveau de vie des Canadiens, et je puis vous assurer que nous représentons des Canadiens ordinaires, pas des riches.
M. Abbott: J'avais l'impression qu'il y avait peut-être...
Le président: Veuillez m'excuser, je dois déjà vous interrompre car le temps passe très vite.
Monsieur Robinson, voudriez-vous dire quelques phrases, vous n'aurez pas le temps de faire plus.
M. Robinson (Burnaby - Kingsway): Je veux simplement remercier Mme Darcy et tous les témoins qui se sont adressés à nous aujourd'hui.
Cela fait 16 ans que je suis député fédéral, et je puis vous dire que j'ai assisté à de nombreuses séances de comités. Je n'ai donc aucune hésitation à souligner la valeur, l'impact et l'éloquence de votre témoignage. Certes, ce n'est pas moi qu'il faut persuader. Il se trouve que je suis parfaitement d'accord avec tous vos arguments. J'espère simplement qu'ils trouveront un écho chez mes collègues, surtout du gouvernement, afin qu'ils finissent par reconnaître, comme le rappelait Mme Darcy, que leur engagement pendant la campagne électorale était non pas de détruire l'emploi et les programmes sociaux mais de les protéger. Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Robinson, c'est la première fois que vous comparaissez devant le comité. Nous sommes ravis que vous puissiez passer toute la journée avec nous. Nous allons siéger jusqu'à 20h30 et nous espérons que vous pourrez participer à d'autres séances.
Monsieur Robinson vient de vous remercier avec beaucoup d'éloquence. Permettez-moi de faire de même, au nom de tous les membres du comité.
Mme Darcy: Merci de votre attention. Je vous implore encore une fois d'excercer des pressions sur le gouvernement pour que ces audiences se tiennent dans tout le pays. Merci.
Le président: J'ai bien entendu votre message. Merci beaucoup. Je ne veux pas vous couper la parole mais nous devons entendre d'autres témoins.
Nous allons donc maintenant donner la parole aux représentants de l'AMC.
[Français]
Je souhaite la bienvenue aux médecins, MM. L'Heureux, Léo-Paul Landry et William Tholl. Merci d'être venus nous rencontrer. Nous attendons votre présentation.
[Traduction]
M. Bruno L'Heureux (président, Association médicale canadienne): Merci, monsieur le président.
Comme porte-parole des médecins du Canada, notre association vous remercie d'avoir la possibilité d'exprimer ses préoccupations au sujet du projet de loi C-76. En particulier, les médecins du Canada sont préoccupés par le transfert «à tout faire» que propose le gouvernement fédéral.
À notre avis, s'il est adopté sous sa forme actuelle, le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux constituera le recul fédéral sur le plan financier le plus significatif depuis qu'ils existent. Ce qui est en jeu ici, c'est rien de moins que de conserver intacts à l'avenir dans notre pays nos programmes d'assurance médicale.
Juste après le dépôt du budget fédéral, l'AMC a publié un communiqué de presse disant que le TCSPS était «une mauvaise médecine pour la médecine». À l'époque, certains nous ont accusés d'avoir une réaction excessive. Après avoir examiné les détails du projet de loi C-76 et après avoir suivi le débat qui s'est engagé, nous sommes plus convaincus que jamais que le TCSPS risque d'être l'arrêt de mort du système d'assurance médicale que nous connaissons aujourd'hui.
[Français]
L'Association médicale canadienne est consciente des défis budgétaires. Nous continuons à appuyer les principes de l'assurance-maladie nationale, mais nous sommes d'avis, tout comme bien d'autres citoyens préoccupés, qu'il nous faut beaucoup plus de clarté et de certitude et beaucoup moins de rhétorique. Les médias et d'autres intervenants ont commencé à concentrer leur attention sur les détails du Transfert canadien et sur les déclarations du gouvernement fédéral.
Les préoccupations initiales de l'Association médicale canadienne surgissent de plus en plus souvent dans d'autres milieux. Dans leur communiqué du 11 avril 1995, les ministres provinciaux et territoriaux de la Santé signalent que «le gouvernement fédéral a peut-être pris des engagements envers les cinq principes de la Loi canadienne sur la santé, mais il ne suffit pas d'y adhérer en théorie».
[Traduction]
La semaine dernière, on rapportait qu'un spécialiste de premier plan en matière de politique sociale disait que les Canadiens «ne toléreraient pas l'abolition explicite de la Loi canadienne sur la santé, mais que l'érosion tranquille du transfert en espèces permet d'atteindre le même objectif politique en douce. Voilà ce que disait le docteur Keith Banting de l'université Queen's. Bien d'autres groupes partagent son opinion. L'AMC n'est plus seule à exiger plus de clarté, de certitude et de responsabilité de la part du gouvernement fédéral au sujet du CSPS.
La semaine dernière, nous avons comparu devant le comité dans le cadre du Groupe d'intervention Action santé HEAL. Il est évident que nous avons alors appuyé avec vigueur le message du groupe, et souhaitons le répéter aujourd'hui.
Nous allons toutefois le faire en mettant l'accent sur les préoccupations des médecins eux-mêmes.
Comme le temps nous est compté, je n'aborderai que nos principales préoccupations. Ce sont: (1) des préoccupations sur les informations erronnées que l'on diffuse pendant ce débat; (2) des préoccupations sur le transfert des fonctions et des responsabilités et (3) des préoccupations sur l'incertitude entourant les projets d'avenir du gouvernement fédéral. Je conclurais ensuite en indiquant comment on pourrait modifier le projet de loi pour éliminer ces préoccupations.
[Français]
Tout d'abord, parlons de l'information erronée. Les médecins du Canada continuent de suivre avec incrédulité une certaine rhétorique politique sur le manque de contrôle des coûts des soins de santé. Nous sommes encore plus démoralisés par les commentaires de ceux qui laissent entendre que, d'une manière ou d'une autre, les médecins ne font pas leur part pour optimiser l'utilisation des ressources du système de soins de santé. Nos membres nous disent pourtant qu'on a beaucoup fait et qu'on fait encore beaucoup pour rendre le système plus efficient.
La liste des initiatives va du lancement des programmes de congés rapides et de l'expansion de la chirurgie de jour jusqu'à l'élaboration de guides détaillés de pratique clinique et à l'organisation d'ateliers de collaboration sur le défi de la régionalisation.
Suite à la compression jamais vue des effectifs du système effectuée par chaque niveaux de gouvernement nous croyons que les médecins et les autres membres du système médical constituent la meilleure et la dernière ligne de défense contre la détérioration de notre système de soins médicaux.
Les médecins du Canada sont convaincus que c'est le cas. Ce qui nous inquiète, c'est la réaction du système à une réduction fédérale supplémentaire de 7 milliards de dollars sur deux ans, telle que prévue dans la cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Cela vient s'ajouter aux réductions dans les paiements de transferts fédéraux au titre des services de santé, intervenus depuis 1985 et qui se chiffrent déjà à 30 milliards de dollars.
Comme vous pouvez le voir, les gens sont très mal renseignés sur les nombreuses initiatives permanentes qui s'opèrent dans le cadre du système de prestation de soins de santé en vue de tirer le meilleur parti possible de l'argent des contribuables. La profession médicale continuera-t-elle de poursuivre cet objectif? La réponse est oui. Le système peut-il résister à un nouveau recul de 15 p. 100, soit 7 milliards de dollars, dans les dépenses du secteur public, comme d'aucuns le prétendent? La réponse de l'Association médicale canadienne est non, pas sans de graves conséquences pour la qualité de soins auxquels les Canadiens s'attendent.
Une explication partielle de cela nous est fournie par un examen plus attentif des clichés qui entourent le débat: Je veux dire par là des affirmations qui ne s'appuient pas sur des faits mais qui sont suffisamment répétées pour qu'on les accepte comme étant des vérités. Je vais vous en donner quelques exemples.
Il est, par exemple, recommandé que l'on contrôle mieux les dépenses des médecins et que l'on ne permette pas une privatisation plus poussée du système. Je songe ici à certains articles parus récemment dans la presse et à des déclarations faites dans le cadre du Forum sur la Santé du premier ministre. Les données publiques les plus récentes, jusqu'en 1993, font clairement ressortir que la part du gâteau des médecins n'a pas augmentée et qu'en fait elle ne cesse de rapetisser. Les versements aux médecins sont maintenant partout assujettis à des plafonds et ces plafonds ont d'ailleurs été sensiblement rabaissés dans la plupart des provinces ces dernières années.
Dans le contexte du maintien des principes nationaux en matière de santé, je rappellerai au comité que l'accessibilité financière ne signifie rien s'il n'y a plus de médecins pour offrir les services requis. Des nombres presque record de médecins sont en train de quitter le Canada. Pour l'année 1994, le total frôle 800. Je crains que le Transfert canadien n'encourage un nombre encore plus grand de mes collègues à changer de système, mais sans doute qu'ils resteraient si notre système était meilleur. Il existe au Canada des localités qui n'ont qu'un accès très limité aux services de santé car elles sont en train de perdre leurs médecins.
Autre exemple d'information erronée qui préoccupe l'AMC: Certains disent que le Canada ne soutient pas la comparaison avec d'autres pays en matière de dépenses consacrées aux soins de santé. Or, le pourcentage du PIB consacré à la santé est déjà en déclin et va bientôt approcher de celui d'un certain nombre de pays européens. La proportion des dépenses totales en matière de santé qui est financée par le secteur public au Canada - 72 p. 100 - est sensiblement inférieure à ce qu'elle est dans la plupart des pays européens, et la moyenne pour les pays membres de l'OCDE est de 80 p. 100. La proportion des revenus des médecins en provenance du secteur public au Canada est déjà de 95 p. 100, soit l'une des plus élevée du monde. Enfin, lorsqu'on compare le Canada à d'autres pays, il importe de tenir compte de nos réalités géographiques et politiques.
En ce qui concerne l'information erronée au sujet du projet de loi C-76, le gouvernement doit comprendre que moins, c'est moins, et que 7 milliards de dollars en moins, c'est 7 milliards de dollars en moins pour les soins de santé. Prétendre que rien ne va changer ou qu'une contribution pécuniaire moindre permettra d'avoir une plus grande force de frappe pour maintenir intact le système national n'est tout simplement pas défendable, étant donné les faits.
Enfin, s'en prendre en particulier aux médecins, disant que ce sont eux qui sont les premiers ou les seuls responsables des coûts est à la fois erronné, vu les faits, et injuste.
Il y a ensuite l'obligation de rendre des comptes. Notre deuxième grande préoccupation soulevée par le projet de Transfert canadien est que le projet de loi ne précise pas clairement les priorités du gouvernment fédéral. Le Transfert canadien rendra floues les responsabilitées et les obligations de rendre des comptes au sujet du financement des programmes de santé.
Permettez-moi de préciser ce que nous avons déjà affirmé à ce sujet dans le mémoire que le groupe HEAL a présenté au Comité la semaine dernière.
Tout d'abord, les contribuables fédéraux viennent de produire leurs déclarations de revenus pour l'année d'imposition 1994. Les taux fédéraux d'imposition ont toujours été fixés ou augmentés en fonction d'attentes connues quant à la façon de dépenser l'argent en cause.
Sur le plan des programmes nationaux de santé, le lien entre les impôts fédéraux perçus et le maintien des principes nationaux était, à l'origine, très clair dans le cadre des accords de partage des coûts. Les arrangements de 1977 sur le financement par bloc ont rendu ce lien moins clair, mais il demeurait quand même connu.
[Traduction]
La loi actuelle prévoit toujours une participation nationale aux programmes de soins de santé et d'éducation postsecondaire. Cela sert à énoncer les priorités fédérales et a par le passé permis au gouvernement fédéral de traiter séparément les programmes d'assurance maladie - je songe ici notamment aux programmes des 6 et 5 et au budget du printemps de 1994. Le Transfert canadien supprime ce lien et place les soins de santé sur le même terrain glissant que l'éducation postsecondaire et le bien-être social. Encore une fois, ce qu'on dit et ce qu'on fait sont deux choses différentes.
On nous dit que le gouvernement, grâce aux efforts louables de M. Massé, a entrepris l'examen le plus exhaustif, jamais effectué par le gouvernement fédéral. Cet examen, comme le sait le comité, a porté sur chaque ministère et sur chaque programme et ce dans le but d'établir un nouvel ensemble de priorités fédérales. Or, l'assurance-maladie est un programme très important pour le Canada, qui représente des dizaines de milliards de deniers publics, mais le gouvernement n'en dit mot. À notre avis, le gouvernement fédéral a pour obligation de fixer clairement et de défendre ses priorités en matière de dépenses.
Permettez-moi de préciser ma pensée. Nous comprenons fort bien que les transferts fédéraux sont tout simplement versés aux trésors des provinces. Les provinces et les territoires décident alors de la répartition à faire entre les soins de santé et les autres programmes.
Nous n'avons donc aucune objection en tant que telle, à un mécanisme de paiement unique. Cela n'autorise cependant pas le gouvernement fédéral à se soustraire à sa responsabilité d'envoyer aux Canadiens un signal clair quant à ses priorités en matière de dépenses publiques. Si la responsabilité financière doit être maintenue, et il le faut, alors le lien législatif entre les sources et les utilisateurs de fonds doit lui aussi être clair.
Notre troisième préoccupation est que l'arrangement intérimaire relativement au Transfert soulève plus de questions qu'il n'en règle. Par exemple, il n'établit pas clairement que le gouvernement fédéral a toujours un engagement à long terme à verser une contribution pécuniaire aux programmes d'assurance-maladie.
Comme le sait le comité, en vertu de l'actuel arrangement en matière de financement des programmes établis, les contributions pécuniaires destinées aux soins de santé devaient tomber à zéro. Il en est toujours de même avec le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Cependant, grâce à un petit tour de passe-passe législatif, le gouvernement est en train de dire aux Canadiens qu'il a gagné un peu de temps. Encore une fois, cela ne cadre pas avec la réalité telle que nous la comprenons.
[Français]
Le système que nous connaissons depuis les années 1960 subit des transformations fondamentales, et c'est une autre cause d'incertitude. Le rétrécissement de la prise de décisions des provinces envers les programmes de santé et la disparité croissante entre les régimes d'assurance-maladie ont déclenché un débat national sur l'avenir de la santé et des soins de santé au Canada. Si le gouvernement fédéral doit jouer un rôle actif et crédible dans ce débat, il doit le faire. Il faut connaître son engagement financier à long terme face à l'assurance-maladie.
[Traduction]
Il faut qu'il y ait un engagement financier fédéral important et irrévocable. L'actuel projet de loi n'indique pas quelle sera la contribution pécunaire du gouvernement au-delà d'avril 1997. Le projet de loi prévoit en fait, explicitement, que cette contribution pécuniaire est destinée à disparaître.
C'est maintenant qu'il faut agir. À notre avis, le gouvernement fédéral ne peut pas prendre encore deux ans pour décider s'il va continuer de contribuer financièrement aux programmes de santé et de soins de santé. Il nous faut un débat ouvert et sincère sur ce qu'il est réaliste d'inclure dans les programmes d'assurance-maladie. L'incertitude créée par le Transfert écarte en définitive le gouvernement fédéral du débat national.
Dans ce contexte, quels amendements au projet de loi C-76, l'Association médicale canadienne recommanderait-elle au Comité? Afin d'éclaircir les questions de responsabilité et de reddition de comptes, nous recommanderions au comité d'envisager les deux amendements que je vais maintenant vous soumettre. Premièrement, l'article 23.1 du projet de loi, devrait être modifié en remplaçant «peuvent préparer» par «prépareront», afin qu'il soit clair que les ministres visés soient tenus de préparer un rapport au Parlement.
[Français]
Afin de faciliter cette obligation de produire des rapports, il faut aussi apporter une deuxième modification. L'article 15 du projet de loi doit prévoir une répartition précise des fonds entre la santé et l'un ou l'autre des deux autres programmes, ou bien les deux, le PS et le RAPC. Ces répartitions précises seraient une décision politique et feraient passer un message concernant l'intention du fédéral de contribuer à fournir les moyens financiers nécessaires pour maintenir les principes nationaux de la santé.
[Traduction]
Pour éclaircir l'engagement pécuniaire à long terme du gouvernement, l'AMC recommande par ailleurs des amendements au paragraphe 13.(2) ainsi qu'à l'article 14 du projet de loi.
L'alinéa 13.(2) proposé serait modifié afin de prévoir une contribution pécuniaire de base ainsi qu'une augmentation suffisante du montant total à l'avenir - c'est-à-dire, l'article 15 - pour s'assurer que les montants pour les soins de santé soient alloués aux provinces de façon équitable.
L'article 14 serait modifié en supprimant le mot «éventuel», que nous interprétons comme une reconnaissance de jure que le gouvernement fédéral prévoit que le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux baissera à zéro.
En résumé, monsieur le président, l'Association médicale canadienne est préoccupée par l'incertitude et par les messages contradictoires auxquels donne lieu le Transfert canadien proposé. Nous croyons qu'il y a une meilleure façon, plus ouverte, de satisfaire à la fois aux exigences budgétaires fédérales et aux exigences de la population en termes de santé. Nous vous avons présenté des propositions précises, et nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
[Français]
En résumé, monsieur le président, l'Association médicale canadienne est préoccupée par l'incertitude et par les messages contradictoires auxquels donne lieu le Transfert canadien proposé. Nous croyons qu'il y a une meilleure façon, plus ouverte, de satisfaire à la fois aux exigences budgétaires fédérales et aux exigences de la population en termes de santé.
Nous vous avons présenté des propositions précises, et nous serons heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Le président: Merci beaucoup, docteur L'Heureux.
D'après vous, quel pourcentage du PNB devrait être dépensé pour les soins de santé?
Dr L'Heureux: C'est une décision politique, à toutes fins pratiques, monsieur le président. Nous ne sommes pas ici pour dire au gouvernement combien il devrait dépenser pour la santé. C'est au gouvernement de faire ce choix.
Le président: Pour avoir un bon système de santé, est-ce qu'il faudrait dépenser 15 p. 100 du PNB comme aux États-Unis ou 7 p. 100 comme en Europe?
Dr L'Heureux: C'est très variable d'un pays à l'autre. Il faut tenir compte des réalités géopolitiques, comme nous l'avons dit dans notre mémoire. Comme je vous le disais tout à l'heure, cette décision appartient aux politiciens. Nous, nous sommes des experts en soins de santé, et non des experts en financement des soins de santé. Ce qu'on peut vous dire, c'est notre inquiétude face aux propositions actuelles du gouvernement.
M. Deshaies: Bonjour, docteur L'Heureux.
Personnellement, je suis un peu intrigué par votre présentation. Au début, vous avez dit que les Canadiens voulaient que leur système de santé demeure une priorité, mais on vient de rencontrer des gens qui avaient un éventail un peu plus large. Pour eux, la santé était importante, mais il y avait aussi l'éducation et tout le filet social. Si, comme vous venez de le dire, ce choix est un choix politique, je me demande quel est le lien entre les citoyens canadiens pour qui le système de santé devrait être prioritaire et mieux financé pour résoudre tous les problèmes, y compris ceux de la gestion, et le fédéral qui veut imposer des normes nationales et diminuer les budgets à cause de la situation financière du Canada. Comment pensez-vous qu'il soit possible d'imposer des normes nationales dans de telles circonstances?
Dr L'Heureux: C'est manifestement l'inquiétude que nous avons montrée dans notre mémoire. Nous disons que, si le gouvernement fédéral veut maintenir des normes nationales, il ne peut pas en même temps diminuer les paiements de transfert aux provinces. Actuellement, c'est ce qu'il fait: il diminue l'enveloppe de 7 milliards de dollars en regroupant les programmes de santé, d'éducation postsecondaire et d'assistance publique canadienne dans un seul paiement. On voit difficilement comment cela va pouvoir se faire quand on sait que, déjà, le gouvernement fédéral a réduit ses transferts d'un montant appréciable depuis plusieurs années.
M. Deshaies: Je suis très heureux que vous demandiez au ministre de faire un rapport. Je pense que tous les ministres devraient faire des rapports sur l'état de leur ministère. Ce serait beaucoup plus démocratique que le «peut» qu'on trouve dans la plupart des lois qu'on adopte.
Maintenant, vous demandez que l'on donne suffisamment d'argent, mais sur quelle base? Est-ce au prorata, par tête, ou de quelle façon? Comment voyez-vous ça?
[Traduction]
M. William Tholl (directeur, service de politiques et d'économie en matière de santé, Association médicale canadienne): Cela dépend de ce que vous voulez dire par l'affectation des fonds.
À mon sens, au moins deux aspects de l'affectation des fonds intéressent votre comité. Je parle de l'affectation par province et de l'affectation par programme.
Quant à l'affectation par programme, nous estimons que le gouvernement du Canada devrait fixer des priorités précises en matière de dépenses, ce qui devrait mener à une sorte d'affectation conceptuelle entre les programmes de santé et les autres programmes.
Pour ce qui est de l'affectation par province, nous croyons comprendre que cette tâche a été confiée à M. Axworthy, au moins partiellement.
Dans notre mémoire, nous disons tout simplement qu'il devrait tenir compte des besoins de santé en particulier et de l'indicateur des besoins financiers relatifs à la santé. L'attribution per tête pourrait marcher. Elle pourrait être modifiée en fonction des besoins financiers relatifs. Nous croyons que cela pourrait s'appliquer dans le domaine de la santé.
[Français]
M. Deshaies: Une fois que cet argent aura été attribué par tête de pipe, par région, est-ce qu'il sera plus efficace qu'il soit géré par la province même, avec ses objectifs, ou pensez-vous que les normes nationales sont la solution?
Dr L'Heureux: Sans vouloir entrer dans le débat constitutionnel des responsabilités de l'un ou l'autre niveau de gouvernement...
M. Deshaies: Uniquement au point de vue gestion, si quelqu'un avait plus de conditions pour gérer, est-ce que cela vous embêterait ou vous faciliterait les choses?
Dr L'Heureux: On pense que les deux sont parfaitement conviviaux et qu'il y a moyen de vivre avec les particularités régionales, mais avec des normes nationales.
M. Deshaies: Il ferait un bon politicien.
M. Discepola (Vaudreuil): Tout d'abord, je veux préciser qu'il y a une erreur dans votre présentation. Vous dites qu'il y a 7 milliards de dollars de moins pour les soins de santé, alors que c'est 7 milliards de dollars de moins pour tous les services sociaux. C'est une petite précision, mais elle est quand même assez importante.
Deuxièmement, vous dites qu'une telle coupure réduira la qualité des services que les Canadiens et Canadiennes s'attendent à recevoir. Parlez-vous de la qualité ou de la quantité? Si vous parlez de la qualité, je m'attends à ce que des professionnels comme vous donnent toujours la meilleure qualité de service possible. Je voudrais que vous apportiez des précisions à ce sujet.
Vous faites une autre critique. Vous dites que notre gouvernement ne prend pas les choses en main. Permettez-moi de vous dire que la réforme des services de santé a été si cruciale pour notre gouvernement que le premier ministre a décidé de présider lui-même un comité sur la réforme totale. Nous n'y sommes pour rien si les autres ministres des autres provinces ne sont pas entrés dans le jeu, mais notre approche est très sérieuse. On envisage la question de toute la réforme avec le plus grand sérieux.
Je ne suis pas certain de votre position. Vous semblez dire que vous êtes contre le TCSPS, etc., mais dans une de vos recommandations, vous dites qu'un seul mécanisme de paiement devrait être applicable aux provinces. C'est exactement la façon dont je vois le block transfer.
Il nous permet, à titre de province... vous avez raison de dire qu'en vertu du système actuel, le Québec, qui a opté pour des paiements en espèces au lieu des crédits d'impôt en 1961, verra le système des paiements en espèces disparaître complètement si rien n'est fait.
Ce qui est intéressant avec le financement global, c'est ce qu'il nous permet de faire. Comme nous n'avons pas imposé beaucoup de restrictions aux provinces, nous avons un an pour négocier avec elles et pour établir des normes nationales qui ressemblent à la loi actuelle sur la santé.
Si je dois vous poser une question, je voudrais savoir si ce serait vous êtes en faveur de cela? Si vous préconisez un seul système de paiements de transfert, et si nous voulons permettre aux provinces de gérer ces services, pourquoi êtes-vous contre le programme de financement global?
Dr L'Heureux: Monsieur le président, je vais répondre aux deux premiers points soulevés par M. Discepola et je laisserai mes confrères répondre au dernier.
Vous avez raison lorsque vous parlez de la qualité et de la quantité de soins. Je pense que, non seulement les médecins canadiens, mais tous ceux qui travaillent dans le système de soins de santé actuellement font leur maximum pour donner la plus grande qualité de soins aux patients.
Vous devriez plutôt demander à la population comment la qualité des soins actuels se compare à celle des soins dispensés au tout début du système de l'assurance-maladie, il y a 30 ans. Il y a eu une détérioration très nette des conditions dans lesquelles s'exerce la médecine.
Deuxièmement, vous parliez de quantité. Il y a aussi un problème d'accessibilité. Lorsque je vois des patients avec des problèmes coronariens qui doivent attendre six, huit ou neuf mois avant d'avoir une dilatation ou un pontage dans un institut spécialisée, je suis inquiet. On doit hospitaliser ces patients et cela coûte une fortune pour les garder dans une institution pendant d'aussi longues périodes seulement parce que l'autre service dont ils ont besoin n'est pas disponible. C'est un rationnement indirect des soins.
Vous avez parlé du Forum national sur la santé du premier ministre du Canada. Je dois vous dire que nous avons accueilli l'annonce de ce forum avec beaucoup d'enthousiasme, parce que nous demandions au gouvernement depuis plusieurs années, et même depuis quelques décennies, qu'il y ait un débat sur l'avenir des soins de santé canadiens. Quand on regarde les soins dans notre pratique quotidienne, on a l'impression qu'ils se détériorent au fur et à mesure que le temps passe. Nous avions demandé un tel débat et je dois vous avouer que lorsque nous regardons les déclarations récentes de certains membres de ce Comité, nous sommes très inquiets de l'avenir de ce débat. On a l'impression que tout est préjugé. On voulait que le système de santé soit regardé de façon objective, que toutes les solutions possibles soient examinées, qu'on n'en exclue pas a priori, et finalement, qu'on puisse établir un consensus social à travers tout le Canada, qui rejoigne tant ceux qui donnent les soins que ceux qui les reçoivent et le gouvernement qui, jusqu'à un certain point, est responsable d'assumer le financement.
En ce qui concerne votre dernière question, je vais laisser le Dr Landry ou M. Tholl y répondre.
[Traduction]
M. Tholl: En fait, il existe plusieurs façons de créer des fonds globaux.
Une façon serait d'ajouter le volet RAPC des services sociaux aux arrangements existants en matière de financement des programmes établis. En d'autres termes, vous auriez [inaudible] une allocation visant les trois programmes. Il y aurait toujours une allocation de fonds pour les trois programmes en question.
Avec ce qui est prévu ici, vous estompez les distinctions et, à notre avis, vous n'indiquez pas quelles sont les priorités du gouvernement en ce qui concerne ces trois programmes. Or, je pense que les Canadiens veulent savoir dans quelle mesure l'assurance-maladie est importante.
En ce qui concerne le deuxième point, le projet de loi C-20 donnait déjà accès à d'autres programmes de transferts fédéraux-provinciaux relativement à la Loi canadienne sur la santé. La contribution pécuniaire allait tomber à zéro, pour ce qui est des fonds destinés à des programmes en particulier, mais il y avait déjà, en vertu du projet de loi C-20, le pouvoir de réduire les montants autrement payables dans le cadre d'autres programmes fédéraux. En ce sens, le projet de loi C-76 ne vous donne pas davantage de pouvoirs législatifs que ce qui était déjà prévu dans le cadre du projet de loi C-20.
Ce que fait le projet de loi, cependant, c'est donner au gouvernement fédéral un peu plus de... disons marge de manoeuvre, en n'étant pas tenu d'emprunter du côté de l'assistance sociale pour frapper du côté de la santé, et dans ce sens là, il est plus facile, politiquement, de s'en prendre à d'autres programmes de transfert. Mais vous aviez déjà ce pouvoir législatif.
M. Discepola: L'une des faiblesses que je vois dans votre proposition est que si nous allons dicter dans le détail aux provinces le pourcentage qu'elles doivent consacrez à l'éducation, aux programmes sociaux, etc, nous n'allons pas leur donner la souplesse dont elles ont besoin. Comment va-t-on faire pour respecter les différences régionales qui existent dans notre pays si l'on dit que Terre-Neuve devra avoir les mêmes normes que la Colombie-Britannique ou le Québec?
La souplesse est donc là. On vous donne le montant global, vous respectez les normes nationales ou autres qui vont être établies par suite des discussions avec les provinces, et le service est assuré. Cela semble logique. Où est la faille?
M. Tholl: Depuis 1977, il y a une affectation conceptuelle pour ce qui est de l'éducation post-secondaire et des soins de santé. C'est déjà là sous forme d'énoncé des priorités fédérales.
M. Discepola: Non. En versant l'argent aux provinces, on a constaté qu'une province consacrait peut-être 100 p. 100 des fonds transférés à l'éducation tandis qu'un autre ne dépensait à ce titre que 25 ou 30 p. 100 du total. Il est clair que les provinces prennent l'argent et s'en servent pour d'autres choses.
M. Tholl: On les y autorise depuis le début avec cette affectation conceptuelle, nous n'avons aucune raison de ne pas avoir une.
M. Discepola: Je ne suis pas de votre avis.
Le président: Merci, monsieur Discepola.
Nous avons un problème. Il serait souhaitable qu'autant de députés que possible se rendent à la Chambre pour voter. C'est un vote sur une question de procédure. On m'a dit que nous pourrions poursuivre avec un membre de l'Opposition, moi-même, et un autre membre du comité. Le vote se fera vite et les députés reviendront tout de suite après.
Nous pourrions peut-être faire cela, si quelques-uns d'entre vous vouliez bien vous y rendre pour voter.
Nous poursuivrons nos travaux avec le témoin suivant.
J'aimerais vous dire une chose. Je pense qu'on nous a présenté des recommandations visant des amendements qui me paraissent tout à fait logiques, et je vais sans doute les transmettre aux ministres et en obtenir leur opinion, les encourageant à envisager d'un oeil très favorable certaines des choses dont vous avez parlé.
Je tiens à vous remercier pour votre exposé, que j'ai trouvé très constructif, et pour les suggestions que vous nous avez faites en vue d'améliorer le système actuel sans y engloutir des tonnes d'argent. Merci, donc, au nom de tous les membres du Comité.
[Français]
Dr L'Heureux: Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
[Traduction]
Les témoins que nous allons maintenant entendre représentent le Syndicat national des travailleurs de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada). C'est Buzz Hargrove qui en est le président.
Buzz - pardon, monsieur Hargrove - je suis heureux de vous revoir.
Auriez-vous l'obligeance de nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
M. Basil Hargrove (président, Syndicat national des travailleurs de l'automobile, de l'aérospatiale, du transport et des autres travailleurs et travailleuses du Canada): Oui, monsieur le président, mesdames et messieurs. Il s'agit de: Cheryl Kryzaniwsky, membre du comité exécutif national des travailleurs canadiens de l'automobile et présidente de la grosse section locale représentant Air Canada, Air Ontario et un certain nombre d'autres travailleurs dans le secteur du transport aérien, et de Jim Stanford, économiste, qui travaille dans mon bureau.
Le président: Je me souviens de M. Stanford. Il est déjà venu nous voir. Bonjour.
Excusez-nous de ne pas être plus nombreux ici pour vous accueillir, mais c'est à cause d'une de ces choses terribles qui arrive: on tient en ce moment des votes sur la procédure.
Allez-y, je vous prie, monsieur Hargrove.
M. Hargrove: Merci, monsieur le président.
Je crois savoir qu'il s'agit d'appuyer le Règlement du Parlement, alors je comprends très bien la nécessité d'aller voter.
Le président: Nous avons jugé qu'il était plus important de rester ici et de vous entendre que d'aller voter.
M. Hargrove: Cela m'ennuie que mes amis du Parti réformiste qui étaient ici la dernière fois ne soient pas présents aujourd'hui. Je voulais ajouter mon appui à la proposition des réformistes visant à augmenter le salaire des députés en le faisant passer à 150 000$. Je pense que c'est leur whip de l'Alberta.... Je pense que c'est là la position la plus progressiste qu'ils aient adoptée depuis qu'ils sont arrivés sur la Colline. J'espère donc...
[Inaudible-Transéditeur]
Le président: Je leur transmettrai. Je sais de bonne source qu'ils craignaient beaucoup vos invictives, et ils ont préféré rester à l'écart.
M. Hargrove: Nous avons un bref résumé, et je pense, monsieur le président, que vous avez reçu les versions française et anglaise de notre mémoire. Nous avons donc un court texte que je vais vous lire, après quoi nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Nous sommes heureux d'avoir ainsi la possibilité de vous soumettre un résumé de nos opinions sur le récent budget fédéral et sur le projet de loi qui doit le mettre en oeuvre.
Je profite de l'occasion pour répéter une suggestion que j'ai faite plus tôt dans le courant du mois dans des lettres adressées au président Peterson et à M. Loubier, notamment que le Comité prolonge ses audiences sur le projet de loi C-76 et se déplace dans le pays. La nature historique des changements sociaux et économiques proposés dans le budget mérite un débat exhaustif et ouvert à l'échelle du pays. J'ajouterai, monsieur le président, que nous appuyons la demande formulée par le CTC - le Congrès du travail du Canada - pour que soit créée une commission de personnes éminentes chargées de tenir des audiences d'un bout à l'autre du pays. Nous pensons que c'est là une très bonne idée.
Notre mémoire consiste en deux grandes parties. La première contient nos opinions sur l'orientation générale financière et macro-économique du budget fédéral, vu que ces questions plus vastes sont critiques dans le cadre des mesures budgétaires que propose le gouvernement. La deuxième partie traitera de certains éléments particuliers du projet de loi C-76.
Notre mémoire contient des données plus détaillées ainsi que des arguments pour appuyer nos prises de position. Dans l'intérêt du temps, je vais vous en lire un bref résumé.
Tout d'abord, l'orientation financière et macro-économique du budget.
Lorsque nous avons comparu devant le comité en novembre dernier, nous avons dit convenir que l'endettement du Canada était bel et bien un grave sujet de préoccupation pour le public. Mais en même temps, nous avons affirmé que le ministre des Finances était sur une fausse piste alors qu'il s'efforçait de règler le problème.
Nous avions alors présenté des preuves économiques détaillées montrant que la cause dominante de nos difficultés financières n'a été ni de trop lourdes dépenses en matière de programmes, ni des réductions dans les taux d'imposition. Notre déficit énorme et notre endettement croissant représentent plutôt le point culminant d'un changement fondamental dans la politique économique du pays.
Les graines de l'endettement ont été semées il y a de cela 15 ans. C'est une montée dramatique permanente des taux d'intérêt réels survenus après 1980 qui a lancé le processus dynamique d'accumulation de la dette, pour atteindre les proportions que l'on connaît aujourd'hui. Cette augmentation continue des taux d'intérêt traduisait le fait que l'on s'orientait vers une gestion économique à croissance lente et d'argent cher qu'on renonçait au plein emploi comme objectif de politique.
Le tableau 1 de notre mémoire fait une récapitulation de plusieurs indicateurs économiques-clés, montrant à quel point ces changements à long terme dans la politique économique ont été dramatiques. Ces 15 dernières années représentent en fait une période de récession plus ou moins permanente. La politique de restriction monétaire a délibérément et artificiellement ralenti la croissance économique.
L'effet dramatique et dévastateur de cette récession permanente a été ressenti dans le domaine des finances gouvernementales. De 1950 à 1980, le budget fédéral a été relativement équilibré, et ce en dépit de l'expansion phénoménale qu'ont connu pendant cette période les programmes publics. Il est clair que ce n'est pas l'expansion de la fonction publique qui est à l'origine de notre problème de déficit chronique.
Or, depuis 1980, le déficit ne fait que gonfler, correspondant en moyenne à 4,5 p. 100 de notre produit national brut - et ce malgré le fait que les principaux programmes fédéraux ont été sans cesse réduits et que les impôts de la plupart des Canadiens - sauf ceux des plus riches - ont augmenté. Il y a plus d'impôts et les programmes sont moins généreux; or, les déficits chroniques accumulés ont donné lieu à une crise d'endettement caractérisée.
Ce sont des taux d'intérêt élevés et une stagnation économique qui ont été les plus importants facteurs à l'oeuvre ici. Sans s'attaquer à ces sources sous-jacentes de limitation de la croissance économique et, partant, des finances publiques, les tentatives du ministre des Finances visant à sabrer ici et là pour se sortir de l'endettement sont vouées à l'échec, sans compter les énormes difficultés pour la société, l'injustice économique est la désunion nationale que tout cela amènera. Les taux d'intérêt réels doivent baisser et la croissance économique doit être stimulée de façon soutenue si l'on veut que les Canadiens voient un jour la lumière au bout de notre tunnel d'endettement.
J'aimerais attirer votre attention sur le schéma 1 de votre mémoire. Sur les 10,4 milliards de dollars qui seront retranchés sur deux ans des programmes fédéraux d'ici l'exercice 1996-1997, 8,7 milliards, soit près de 85 p. 100, seront immédiatement versés sous forme d'intérêt aux investisseurs et aux détenteurs d'obligations. Il ne restera alors que 1,7 milliard de dollars pouvant servir à la réduction du déficit. D'une main, le ministre des Finances retire de l'argent aux programmes publics essentiels, et de l'autre il verse de l'argent à des investisseurs déjà très à l'aise. Les Canadiens ne le tolèreront pas.
Le reste de la réduction du déficit prévu par M. Martin sera le fait non pas de réductions des dépenses mais de nouvelles recettes provenant de croissance économique. Or, ce dividende de la croissance a lui-même été mis en péril par ces mêmes marchés financiers qui sont à l'origine de notre déficit.
En fait, il y a quantité de signaux qui montrent que l'économie canadienne se dirige déjà vers une nouvelle récession, causée par des taux d'intérêt réels débilitants. Une nouvelle récession, à ce moment-ci dans l'histoire du pays, serait une catastrophe sociale pour le Canada, amenant désespoir, pauvreté, suicides et violence. Nul besoin de rappeler aux membres du comité qu'une récession serait par ailleurs une catastrophe financière pour notre gouvernement.
Tout comme notre dernière récession, celle-ci serait fabriquée par nous, résultant d'une manipulation délibérée des taux d'intérêt au Canada et à l'étranger en vue de s'assurer que le plein emploi demeure un rêve hors de la portée des travailleurs, qui resteraient ainsi sans pouvoir.
Le budget fédéral contribue énormément à l'émergence d'une nouvelle récession. Il accepte des taux d'intérêt réels de 6 p. 100 ou plus comme étant une donnée incontournable, en dépit de leur rôle clé dans la faillite du gouvernement. Son énorme programme et ses réductions d'emplois minent la croissance nationale et la confiance des consommateurs.
Le ministre des Finances peut-il vraiment s'étonner de ce que la confiance économique s'évapore ici au Canada lorsqu'il ajoute la perte de 45 000 postes dans la fonction publique aux dizaines de milliers d'emplois qui continuent de disparaître dans le secteur privé et qu'il retire des milliards de dollars aux dépenses publiques et privées? Affirmer comme il l'a fait, que son budget a redonné la confiance dans l'économie canadienne c'est supposer, ce qui est une erreur, que ce sont les chemises amidonnées des occupants des corbeilles des obligations à la Bourse qui font tourner l'économie.
Les détenteurs d'obligations ont peut-être été rassurés d'une certaine façon par le budget, rassurés de voir que le Canada suit un chemin néo-conservateur ardu, quel que soit le parti au pouvoir, mais ce sont toujours M. et Mme Tout-le-Monde qui doivent acheter des voitures, faire construire des maisons et payer leurs factures. Leur confiance à eux a été sérieusement ébranlée par le budget. Ils votent avec leur portefeuille. Notre économie et les perspectives financières du gouvernement fédéral vont en pâtir.
J'aimerais vous rappeler l'autre budget fédéral établit au début de l'année par une coalition d'organisations communautaires et ouvrières y compris notre syndicat. Le tableau 2 met en lumière les grandes différences entre cet autre budget et celui du ministre des Finances. En réduisant les taux d'intérêt réels, et stimulant de ce fait la croissance économique, cet autre budget dépasse en réalité l'objectif de déficit 3 p. 100 proposé par M. Martin.
Est-il réaliste de penser qu'on peut réduire les taux d'intérêt réels? Les Canadiens s'entendent dire à satiété par les pontes des finances que ce n'est pas possible. Le rapport pré-budgétaire de votre comité semblait soutenir cette conclusion pessimiste. Mais à court et à moyen terme, on pourrait adopter différentes tactiques pour réduire les taux d'intérêt réels, et à long terme nous reconnaissons qu'il faudra apporter des réformes plus approfondies de notre régime financier pour arriver à une réduction permanente et stable des taux d'intérêt.
Dans les mémoires écrits que nous vous avons soumis, tant le présent mémoire que celui plus étoffé encore de novembre dernier, nous discutons certaines de ces solutions de rechange de façon plus approfondie. En revanche, le ministre des Finances espère que le Canada, en faisant preuve de responsabilité en matière financière, verra automatiquement les marchés financiers fixer des taux d'intérêt moindres. Cet espoir s'avère encore plus illusoire que notre proposition visant à réduire les taux d'intérêt.
Les taux d'intérêt, malgré les modestes améliorations récentes, notamment celles d'hier, sont encore supérieurs à ce qu'ils étaient en début d'année. Ils sont beaucoup trop élevés. Rien dans l'économie ne justifie que les taux d'intérêt réels dépassent les 3 ou 4 p. 100. Le ministre des Finances doit apprendre à gérer les marchés financiers au lieu d'essayer en vain de les distancer.
Je dois aussi faire quelques observations au sujet des effets distributifs foncièrement injustes de la politique de M. Martin qui consiste à puiser dans les programmes sociaux au bénéfice des titulaires d'obligations. Les banques enregistrent des profits records et leurs dirigeants touchent des rémunérations sans précédent parce qu'ils savent surfer sur les vagues de l'instabilité financière.
Quand j'ai comparu ici en novembre dernier, j'ai dit que les Canadiens qui gagnent plus de 100 000$ par année, et je m'inclus dans ce nombre, devraient payer davantage d'impôt pour aider à réduire le déficit. J'ai récemment écrit aux principaux dirigeants des cinq plus grandes banques pour leur demander s'ils accepteraient de contribuer avec moi à cette initiative. Leur rémunération moyenne, comme l'indique le tableau III du mémoire, atteignait les 2 millions de dollars en 1994.
Je leur ai soumis ma déclaration d'impôt sur le revenu de 1993 où je déclarais un revenu de 108 665.60$ sur lesquels j'ai payé au total 37 775.21$ d'impôt. Je leur ai demandé de me révéler à moi et aux autres Canadiens leur revenu total ainsi que les impôts qu'ils avaient versés à ce titre et de nous faire savoir quel montant supplémentaire ils seraient disposés à verser à titre de dirigeants multimillionnaires pour réduire le déficit.
Vous ne serez pas étonnés d'apprendre qu'aucun des cinq dirigeants n'a été emballé par cet engagement. Ils sont bien contents de faire la leçon aux Canadiens au sujet de la responsabilité fiscale, mais quand vient l'heure de consacrer une part de leurs avoirs commerciaux ou personnels à cette noble cause, ils se défilent. Peut-être que les banques devraient ou pourraient se contenter de deux milliards de profit. Elles pourraient consacrer 2 milliards de dollars additionnels en vue de réduire le déficit et d'obtenir toutes ces bonnes choses que, prétendent-ils, cela entraînera.
Le contraste entre la richesse grandissante des financiers et des spéculateurs et la pauvreté des Canadiens et de leur gouvernement est moralement et économiquement insoutenable.
J'aimerais maintenant prendre quelques instants pour parler de la Loi d'exécution du Budget 1995, le projet de loi C-76. Nous en discutons plus en détail dans notre mémoire écrit.
D'abord, le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Comme de très nombreuses organisations de service social au Canada, nous sommes extrêmement préoccupés par les réductions des paiements de transfert envisagées dans le budget et leur consolidation en un transfert unique assorti de normes et de conditions nettement réduites préfigurent le commencement de la fin du système canadien de programmes publics nationaux à la fois accessibles et de qualité.
Le transfert unique proposé comporterait très peu de conditions permettant au gouvernement des provinces de transférer des fonds au chapitre des utilisations finales, et cela au détriment des programmes visant les circonscriptions les moins populaires politiquement. Il n'est même pas clair que les gouvernements des provinces seraient tenus de maintenir le moindre programme de bien-être social.
Nous sommes très inquiets du plan du gouvernement de supprimer 45 000 postes de fonctionnaires. Pour notre syndicat, c'est l'équivalent de la fermeture des usines General Motors et Ford au Canada. Ces entreprises regroupent quelque 45 000 emplois. Il y aurait une tempête de protestations au Canada si cela devait se produire, et l'incidence sur l'économie ne sera pas moins grande s'il s'agit de 45 000 postes de fonctionnaires.
La Fonction publique fédérale canadienne est déjà bien maigre par rapport à la population du pays.
Le nombre de fonctionnaires fédéraux diminue depuis 15 ans. Il est injuste de cibler les fonctionnaires pour qu'ils assument une si lourde part du fardeau du déficit. Ces congédiements massifs ne feront qu'accroître l'incertitude économique, réduire la consommation et supprimer des services publics essentiels par la fermeture, notamment, de nombreux centres d'emploi du Canada.
Au sujet du transport du grain, le projet de loi C-76 contient également des modifications à la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, ce qui supprimera les subventions traditionnelles du Canada au transport du grain à compter de juillet 1996. En tant que premier syndicat canadien des travailleurs des chemins de fer, nous sommes bien entendu préoccupés par l'incidence qu'aura sur les collectivités rurales cette décision subite concernant les chemins de fer qu'utilisent les agriculteurs canadiens.
Avec la suppression de ce programme, l'intensification de activités de notre infrastructure de transport selon un axe nord-sud en sera très certainement encore accrue.
En bref, permettez-moi de redire à quel point les membres de notre organisation sont furieux et préoccupés par le budget fédéral proposé.
Les grandes orientations politiques énoncées dans ce budget laissent entrevoir un renversement historique du rôle que les Canadiens ont toujours confié à leur gouvernement. Ce budget représente bien plus qu'un plan financier annuel pour le gouvernement fédéral. Il s'agit plutôt d'un manifeste en vue d'un chambardement en profondeur de la société canadienne.
Ce changement historique d'orientation est entrepris au nom de la responsabilité fiscale et de la nécessité économique. Nous rejetons catégoriquement cette prétention. Notre économie est plus productive que jamais et on pourrait en réaliser le plein potentiel en abaissant les taux d'intérêt, en soutenant la croissance et le plein emploi, au lieu de ces 15 ans de récession permanente qui ont au bout du compte abouti à cette crise financière. Notre capacité à garantir l'égalité régionale et sociale en serait formidablement accrue.
Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs, pour votre attention. Nous sommes prêts à répondre a toutes vos questions.
Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.
[Français]
M. Deshaies: Bonjour, monsieur Hargrove.
Je suis d'accord avec vous que la lutte contre l'inflation en vue d'empêcher les hausses des taux d'intérêt a peut-être été la plus grande erreur des dernières années en politique fiscale. C'est ce qui a amené un si gros déficit qui, aujourd'hui, force le gouvernement à faire des coupures qui, dépendant de nos choix, ne sont pas toujours les bonnes. Je suis d'accord avec vous qu'il y a d'autres endroits où il faut couper au lieu de couper tout simplement des emplois, ce qui fait que de moins en moins de gens font partie de la classe moyenne qui a un peu d'argent dans ses poches.
Le Canada avait une classe moyenne assez large, contrairement aux États-Unis où il y a plus de pauvres et de riches. La solution, naturellement, n'est pas de faire mourir cette classe moyenne, mais plutôt d'essayer de trouver des moyens de l'augmenter de façon à ce que ces gens paient des taxes et fassent rouler l'économie.
Vous avez demandé aux gens qui avaient des revenus élevés de verser une plus grande part de leur impôt pour aider la cause. Ils ont répondu que cela ne les intéressait pas. Si vous posiez la question aux banques, elles vous répondraient qu'elles sont là pour faire de l'argent. La réponse serait négative. Elles pourraient peut-être donner 2 milliards de dollars pour la cause canadienne.
Vous, les syndicats, seriez-vous prêts à forcer les choses, c'est-à-dire à renvoyer la balle dans le camp du gouvernement et des industries en faisant la promotion d'une semaine de travail plus courte? L'employé serait pénalisé en partie, mais compensé par l'employeur et le gouvernement, et on créerait ainsi plus d'emplois. Faites-vous partie des syndicats de la classe moyenne? Seriez-vous prêts à donner l'exemple pour forcer les autres institutions sociales à faire de même?
[Traduction]
M. Hargrove: En tant que syndicat, nous ne nous sommes pas contentés d'en parler, nous avons donné l'exemple. Ainsi, à Windsor, au cours de notre dernière ronde de négociations avec Chrysler, nous avons réduit la semaine de travail et ajouté un troisième quart, ce qui nous a permis d'embaucher 1 000 personnes. Les gens travaillent bien moins d'heures.
Le revenu de bien des gens sur le marché du travail a été très touché et nous en avons abondamment discuté. De nos jours, avec cette nouvelle pression de la droite, la communauté des affaires et ce qui s'écrit à l'échelle du pays, les travailleurs, sont de plus en plus dans l'insécurité. C'est la seule chose qu'ils veulent nous donner: davantage d'insécurité.
Les gens trouvent leur sécurité en travaillant toutes les heures qu'ils peuvent plutôt qu'en les partageant avec beaucoup plus de monde. La position officielle de notre syndicat, autant pour les négociations collectives que politiquement... est que le gouvernement et le monde des affaires devraient adopter les recommandations contenues dans le rapport Axworthy et aller dans ce sens.
[Français]
M. Deshaies: Je ne sais pas si vous avez des idées. Vous n'êtes peut-être pas un économiste, moi non plus d'ailleurs, mais la dette étant le pire ennemi de tous les Canadiens présentement, croyez-vous, comme moi, qu'il ne faut pas lutter seulement au moyen de coupures? La dette étant reliée directement avec les taux d'intérêt, Si on ne s'attaque pas à la philosophie des taux d'intérêt, on n'aura jamais le dessus sur cette dette. Auriez-vous des suggestions à faire au Comité ou au ministre? Faut-il essayer de payer la dette? L'intérêt déboursé est lié au pourcentage d'intérêt qu'il faut donner aux emprunteurs étrangers. Si la dette était seulement due à des Canadiens, on pourrait mieux contrôler le taux d'intérêt, on diminuerait le taux d'intérêt et on serait en mesure de créer des emplois.
Présentement, la construction de maisons et un grand nombre de projets ne se réalisent pas à cause des taux d'intérêt trop élevés. Auriez-vous des suggestions précises à nous faire? Par exemple, cela pourrait être des dons des banques pour payer le plus rapidement possible la dette étrangère.
[Traduction]
M. Hargrove: Dans notre exposé en novembre dernier, nous avons fait un certan nombre de recommandations que je vous répéterai aujourd'hui.
Tout d'abord, que nous fixions directement les taux d'intérêt, non pas en fonction du marché. Nous pouvons utiliser les obligations d'épargne du Canada, et non pas les marchés financiers privés, pour récolter des fonds. Nous devrions emprunter de plus en plus à la Banque du Canada plutôt que d'emprunter à l'étranger, et injecter directement des crédits dans l'économie. Nous avons proposé un fonds d'investissement national qui pourrait être créé et financé au pays. Et nous devrions contrôler la spéculation sur les taux de change et accepter une chute temporaire du dollar.
Je trouve intéressant que dans les milieux d'affaires que je côtoie quotidiennement, on se plaigne de la hausse du dollar et l'on s'inquiète de cette évolution et de l'incidence que cela aura sur les exportations. Ils aimeraient donc beaucoup que les taux d'intérêt diminuent et que le dollar chute en conséquence ou reste au moins au niveau actuel.
Et nous devrions accepter l'inflation au même niveau qu'aux États-Unis... plutôt que de maintenir cette politique ridicule de la Banque du Canada qui essaie de garder l'inflation à un niveau bien plus bas que nos principaux partenaires commerciaux.
Des tas de Canadiens sont d'accord là-dessus d'ailleurs. Beaucoup de Canadiens à qui je parle au cours de mes déplacements dans le pays se souviennent des années 1970 à 1975, de la fin des années 1960 et même jusqu'à la fin des années 1970 alors que l'inflation était beaucoup plus forte... à 5 ou 6 p. 100. Au moins les gens travaillaient et l'optimisme régnait dans le pays. Les jeunes savaient qu'ils trouveraient des emplois en sortant de l'école. Alors dire que les gens sont ravis qu'il n'y ait pas d'inflation est absolument stupide.
Évidemment, nous reconnaissons qu'il est difficile de contrôler les taux d'intérêt. Nous faisons partie d'un marché mondial ou d'un marché de capitaux mondial. Mais il y a moyen de le faire.
Bill Clinton, lorsqu'il était ici, a parlé de la nécessité de faire face aux changements. Il a parlé du FMI et de la Banque mondiale, de la collaboration nécessaire entre les pays du G-7. Nous reconnaissons que c'est la seule façon d'influer sur les taux d'intérêt. Il faut réussir à obtenir un certain contrôle, collaborer avec d'autres pays.
Le problème que je vois à ce que propose le gouvernement... si vous considérez les documents de M. Martin, les documents qu'il a présentés avec le budget, je crois que d'ici à 1997... enfin aujourd'hui, nous payons environ 43 milliards de dollars par an d'intérêt. Ce que nous payons en intérêt sur la dette, malgré toutes ces coupures, va passer à 50 milliards, d'après ses propres chiffres.
Il s'agit de 7 milliards de plus à une époque où nous prenons tout cet argent dans la poche des chômeurs canadiens, des mères célibataires assistées sociales, des personnes âgées, et nous mettons en danger le pays tel que nous avons connu. Nous continuons à accepter ce transfert incroyable de richesse. J'exprime ma frustration en déclarant que le budget est le plus gros transfert de richesse dans l'histoire de notre pays, transfert des groupes les plus nécessiteux aux gens les plus riches du monde, non pas seulement au pays, mais aux États-Unis et en Europe, alors que les investisseurs profitent des coupures budgétaires.
[Français]
M. Deshaies: Monsieur le président, je vais laisser la parole aux autres membres du Comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Deshaies. Vous aviez des questions précises et importantes.
Nous allons maintenant donner la parole à Mme Brushett.
[Traduction]
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur Hargrove et merci à vos collègues d'être venus aujourd'hui. Je n'étais pas membre du comité en novembre et votre point de vue m'intéresse donc beaucoup.
J'aimerais revenir un instant à ce que vous disiez à propos des années soixante et soixante-dix. Ce sont les taux d'intérêt qui ont provoqué la situation financière désastreuse que nous connaissons. Ne pensez-vous pas peut-être que l'augmentation des salaires à cette époque, l'instabilité de la parité salariale, ait pu également avoir eu une influence?
M. Hargrove: Non, je ne le crois pas. L'un des problèmes que connaît notre économie aujourd'hui est que nous n'avons pas suffisamment de gens qui travaillent et donc pas suffisamment de revenus. Si la situation était différente nous n'aurions pas le problème que nous connaissons aujourd'hui. Nous aurions une assiette fiscale plus solide.
Mme Brushett: Je crois qu'une des raisons pour lesquelles nous verrons les taux d'intérêt descendre très bientôt, dès hier, de même que les taux d'hypothèque, est que ceci semble possible. Si je dis cela, c'est parce que nous pouvons constater qu'il règne actuellement une certaine stabilité dans les salaires au Canada. Nous avons l'impression que les traitements et salaires demeureront relativement stables pendant quelques années. Il n'y aura pas de grandes fluctuations. Cela apporte une certaine stabilité et les taux d'intérêt peuvent ainsi diminuer. Nos usines ont toujours une certaine capacité de produire plus que nous ne consommons sans que l'inflation ne se déchaîne. Nous avons donc une certaine marge de manoeuvre.
N'êtes-vous pas d'accord?
M. Hargrove: Non, pas du tout, madame. Je vous dirai, en toute déférence, qu'il n'y a pas eu de hausse des salaires réelle dans ce pays depuis 15 ans et que cela n'a pas garanti pour autant la stabilité. Peut-être qu'il y a une certaine stabilité pour les banquiers et les riches mais cela ne s'applique pas aux travailleurs. Cela a provoqué du chômage. Cela a provoqué une augmentation du nombre d'assistés sociaux. C'est cela la réalité. La réalité est que nous avons les budgets les plus serrés jamais connus et que M. Martin lui-même l'a admis. Les dépenses sociales sont retombées à ce qu'elles étaient dans les années 50.
Ce gouvernement qui avait des traditions liées à la compassion et à la générosité en est arrivé à représenter les intérêts des investisseurs fortunés de notre pays. Je trouve cela très frustrant. Je suis originaire de Windsor où le père de M. Martin a été l'un des architectes de nos programmes sociaux, à une époque où nous produisions beaucoup moins de richesses. À une époque beaucoup plus difficile, nous avons adopté ces programmes et les avons financés. La seule chose qui a changé aujourd'hui, c'est que les riches exigent davantage pour ne produire rien de plus que ce qu'ils faisaient à l'époque. C'est nous qui payons.
Mme Brushett: À ce sujet, nous sommes un pays exportateur et vous avez parlé des consommateurs canadiens ici. Si nous n'avions pas nos exportations, notre économie nationale serait beaucoup plus limitée. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Hargrove: Tout à fait. Je suis favorable aux exportations.
Mme Brushett: En effet, c'est fondamental. Nous avons la capacité d'accroître nos exportations et de poursuivre notre développement économique n'est-ce pas? Nous avons encore une capacité accrue dans ce secteur.
M. Hargrove: La capacité demeure mais il faut une volonté politique pour l'exploiter.
Mme Brushett: Non.
M. Hargrove: Le problème aujourd'hui est que le budget semble accepter l'argument du Parti réformiste selon lequel il n'y a pas de place pour le gouvernement dans l'économie. Ce serait au marché privé...
Écoutez, je suis désolé. Je traite quotidiennement avec des gens qui font tourner le marché privé. Ils ont fait des erreurs énormes! Cela ne les empêche pas de toucher des millions de dollars de salaires, des primes et des pensions, tout en critiquant les parlementaires comme vous qui ont des revenus et des pensions misérables.
Mme Brushett: Et qui travaillent sept jours par semaine, en effet.
M. Hargrove: Cela me rend très franchement furieux; mais personne ne conteste ce genre de choses. Tout le monde dit d'aller prendre l'argent aux chômeurs, aux assistés sociaux.
Mme Brushett: Non, et c'est un défi qu'il nous faut relever. Le statu quo n'est pas acceptable. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Hargrove: Le statu quo dans quel groupe?
Mme Brushett: Le déficit et... [Inaudible].
M. Hargrove: Non. La population canadienne a compris qu'elle était victime de tactiques d'intimidation auxquelles s'opposait le Parti libéral lorsqu'il faisait campagne et qu'il menait un débat qui nous avait semblé très sain. Les gens ont fait des choix quant à leur vision de l'avenir.
Le problème est que les gens commencent à dire que les choses n'ont pas changé. Ils considèrent l'incidence de ce budget et l'incidence qu'il aura pour l'avenir. Croyez-moi, l'humeur va changer. Il va y avoir des réactions très sérieuses dès que l'on commencera à ressentir les effets de ce budget.
Mme Brushett: Monsieur Hargrove, si nous n'avions pas pris des mesures aussi strictes en ce qui concerne le déficit, ne pensez-vous pas qu'il aurait augmenté encore beaucoup plus vite et que nous n'aurions tout simplement plus aucun choix?
M. Hargrove: La question n'est pas de savoir s'il faut agir - nous avons dit qu'il faut agir - elle est de savoir qui sera visé.
La question que nous avons soulevée quand nous avons comparu ici en novembre dernier était... Nous reconnaissons que le déficit entraine une crise. La première question que j'avais posée alors était de savoir comment nous nous sommes mis dans un tel pétrin. Qui avait bénéficié de la situation, qui devrait payer?
L'ancien chef de la direction de NOVA Corporation de l'Alberta m'a précédé ici aujourd'hui et ses propos sont essentiellement similaires aux miens; au cours des années 1980, des gens comme lui ont considérablement bénéficié des taux d'intérêt élevés et de l'économie florissante. Tous ceux-là vivaient fort bien, mais ce n'était pas le cas pour les salariés. Il a offert de contribuer 500 000$ à la réduction de la dette nationale, à condition que le gouvernement exige que d'autres Canadiens fortunés, qui ont bénéficié comme lui dans le passé, fassent de même.
Je ne sais pas pourquoi le Comité n'a pas recommandé cette mesure au gouvernement. C'est au Comité qu'il appartient de s'expliquer. Mais j'étais d'accord avec ce témoin et j'ai dit que les Canadiens fortunés, et même les Canadiens à revenus élevés qui ne désirent pas nécessairement payer plus d'impôts, comme moi-même... L'an dernier j'ai gagné un peu plus de 100 000$ et ce montant sera un peu plus élevé pour l'année en cours. Je suis prêt à payer plus d'impôts pour contribuer à la solution de ce problème, parce que je peux me le permettre, s'il s'agissait de choisir entre m'imposer davantage ou imposer davantage une mère chef de famille et assistée sociale, ou une personne au chômage. La question n'est pas de savoir si le gouvernement aurait dû résoudre un problème qui appartient au passé; la question est de savoir qui va payer?
Mme Brushett: Je vous félicite de votre générosité et je suis sure que le gouvernement vous prendra au mot, probablement très rapidement.
M. Hargrove: Peu probable.
Le président: On l'appellera de l'impôt sur le revenu spécial de Buzz Hargrove.
Mme Brushett: C'est exact.
Une autre remarque. Certains des témoins que nous avons entendus estiment qu'il faudrait rapatrier les 300 milliards de dollars d'obligations qui sont détenues par des étrangers; cela nous permettrait de tout contrôler et tout reviendrait sur la bonne voie. Estimez-vous que cela constitue également un élément de réponse important?
M. Hargrove: Je m'excuse, je n'ai pas bien saisi.
Mme Brushett: Certains témoins qui ont comparu devant le Comité nous ont dit qu'une partie de la dette du Canada, environ 300 milliards de dollars, était entre des mains étrangères. Si cela pouvait retourner dans le cadre national, par la vente aux Canadiens d'obligations similaires aux obligations de la Victoire, ce qui reviendrait à racheter notre propre dette - et vous seriez peut-être le premier dans la file d'attente pour les acheter - cela permettrait-il d'éliminer tous les problèmes?
M. Hargrove: Non. Mais même si cela ne pouvait résoudre tous les problèmes, c'est une mesure qui pourrait faire partie d'une stratégie économique générale. À mon avis, reprendre le contrôle d'une partie de la dette détenue à l'étranger pourrait être avantageux et faire partie d'une solution générale; mais, prise seule, cette mesure n'apporterait pas de solution finale.
Si on ne s'attaque pas aux taux d'intérêt... ici encore je rappelle au Comité les chiffres donnés par M. Martin - même compte tenu des coupures budgétaires - indiquant que les versements au titre de l'intérêt sur la dette vont passer de 43 à 50 milliards de dollars pour 1996-1997. Si on ne peut pas régler cela...
Mme Brushett: Où irait-on si nous n'adoptons pas certains de ces changements?
M. Hargrove: Je pourrais suggérer que si nous étions en période de crise... J'ai lu tous les discours des chefs des banques canadiennes. Ils nous sermonnent tous, disant que chacun doit contribuer un peu.
Tout ce que je suggère, c'est que si le pays connaît une crise financière - et pourtant quand je lis la déclaration de M. Martin, je constate qu'il dit que notre dette en 1996-1997 sera la plus faible des sept pays de l'OCDE, compte tenu de la façon dont ils définissent leur dette, et cela m'amène à me demander si nous avons vraiment un problème - mais si le problème donc existe sans aucun doute, au lieu de voir les paiements passer de 43 milliards de dollars à 50 milliards de dollars, ce qui retire ces sommes de l'économie sans y contribuer, sans produire quoi que ce soit, sans qu'il y ait de création de nouvelles usines, de formation de travailleurs, d'embauche, je me demande si nous pouvons dire qu'au lieu de prendre 13 milliards de dollars dans la poche des chômeurs, des assistés sociaux, des personnes âgées et dans le système d'éducation du pays, pourquoi n'acceptez-vous pas 30 milliards de dollars cette année, sur les 43 milliards de dollars, et l'an prochain nous donnerons 26 milliards de dollars, ils obtiendront 30 milliards de dollars, soit 60 milliards de dollars au total et tout le monde sera content.
Mme Brushett: Ma dernière remarque, monsieur le président, comme hier, est que je crois que les taux d'intérêt hypothécaires ont tendance à baisser un peu et que les taux d'intérêt en général s'abaisseront parce nous connaissons bien l'orientation financière que nous avons prise. Nous prévoyons que les salaires vont se stabiliser au cours des toutes prochaines années, que la productivité va augmenter, ainsi que les exportations, et que nos manufactures peuvent affronter tout cela et contribuer à la croissance de l'économie. C'est pour cela que nous arriverons à une meilleure position.
M. Hargrove: Une remarque à ce sujet. Je prédis au Comité qu'une fois que les Américains auront résolu leurs difficultés commerciales avec le Japon, ils vont augmenter leurs taux d'intérêt pour appuyer le dollar américain et nous allons suivre leur exemple. Les taux vont alors remonter.
Peu importe la conjoncture économique au Canada, M. Thiessen dira simplement désolé, je ne peux pas le faire, nous devons suivre l'évolution des taux d'intérêt. Cette baisse prolongée des taux d'intérêt dont vous parlez n'aura donc pas lieu. Sous peu, il y aura une augmentation des taux d'intérêt.
Au Canada, nous produisons beaucoup grâce à un effort humain limité. Les améliorations enregistrées au niveau de la productivité dans tous les grands secteurs de l'économie ont été absolument incroyables. Mais qu'est-ce que ça représente pour les Canadiens? Ça veut simplement dire que nous ne pouvons plus nous permettre de financer les programmes que nous avons mis sur pied pendanta les années de vaches maigres. Il n'y a eu aucune augmentation de salaire pour les Canadiens. Il y a un taux de chômage élevé. Cela veut dire que ceux qui reçoivent actuellement des prestations d'assurance-chômage... La moitié d'entre eux ne seront pas admissibles aux prestations en raison des modifications apportées par les Conservateurs en 1985 et en raison des propositions formulées par M. Martin dans ses deux budgets.
Grâce aux réductions apportées par M. Martin, l'année prochaine, 30 p. 100 des Canadiens sans emploi ne seront pas admissibles à l'assurance-chômage. Pourquoi les Canadiens devraient-ils croire qu'un accroissement de la productivité améliorera le sort du simple citoyen.
Mme Brushett: Il faut souffrir un peu pour avoir des avantages à long terme.
M. Hargrove: Pendant 10 ans, nous avons souffert, nous avons beaucoup souffert. C'est assez.
Le président: Monsieur Campbell.
M. Campbell (St. Paul's): Merci. Nous avons pris plus de temps que prévu, monsieur le président. Je poserai donc des petites questions rapides.
J'aimerais une petite précision, monsieur Hargrove. Vous avez dit en réponse à une question posée par l'un de mes collègues que dans votre budget nous prenons de l'argent dans les poches de toutes sortes de gens, y compris les personnes âgées. Pouvez-vous me dire exactement comment dans ce budget nous allons plonger dans les poches des personnes âgées?
M. Hargrove: Vous apportez des réductions au financement des programmes de santé. Vous diminuez les paiements de transfert offerts aux provinces, et ces dernières cherchent à leur tour à apporter des réductions, au Québec, en Alberta et à Terre-Neuve. Les personnes âgées doivent déjà payer un ticket modérateur, des quotes-parts. On retrouve ces programmes dans diverses régions. Il suffit de lire les journaux.
M. Campbell: Dans notre budget prenons-nous de l'argent aux personnes âgées, directement?
M. Hargrove: Quel est le groupe le plus durement touché lorsque vous commencez à demander aux gens de payer pour des services qui étaient normalement payés par le programme d'assurance-santé?
M. Campbell: Est-ce que c'est ce que nous avons proposé?
M. Hargrove: Il s'agit du ticket modérateur; c'est un problème pour les personnes âgées qui ont un revenu fixe.
M. Campbell: Avons-nous imposé dans notre budget un ticket modérateur?
M. Hargrove: Non, vous l'imposez de façon détournée. Vous forcez les gouvernements provinciaux à faire ce que votre gouvernement fait mais n'a pas le courage politique de reconnaître.
M. Campbell: Nous nous opposons au ticket modérateur, comme vous le savez pertinemment.
M. Hargrove: Non, vous dites les bonnes choses, mais vous forcez les provinces à faire exactement le contraire.
M. Campbell: J'aimerais poser une dernière petite question, monsieur le président.
Monsieur Hargrove, je crois que nous avons déja eu une discussion semblable la dernière fois que vous avez comparu devant le Comité.
Encore une fois, vous avez parlé de ceux qui font des profits faramineux... de ceux qui jouent un rôle toujours plus important au sein de l'économie canadienne, ce que vous regrettez d'ailleurs, les banques. En fait, dans votre mémoire, vous parlez du contrôle toujours croissant qu'elles exercent sur l'économie. Permettez-moi de vous poser la même question que la dernière fois. À qui appartiennent les banques?
M. Hargrove: À qui appartiennent les banques? Bien, certainement pas à moi, comme je vous l'ai dit la dernière fois... Et vous avez commencé à parler des caisses de retraite qui étaient à notre avantage. Les caisses de retraite ne sont pas vraiment à notre avantage. Je vais vous expliquer la situation encore une fois si vous le désirez.
M. Campbell: Les caisses de retraite de vos travailleurs et du syndicat que vous représentez ont-elles un intérêt dans les banques canadiennes? Connaissez-vous le pourcentage d'intérêt qu'ils ont?
M. Hargrove: General Motors investit les caisses de retraite pour les travailleurs, comme c'est le cas pour Air Canada. Les intérêts obtenus sont donc protégés ce qui permet de créer des emplois et assurer une certaine sécurité d'emploi.
M. Campbell: Je ne discuterai pas avec vous la question de l'investissement des caisses de retraite. Ces investissements sont faits pour profiter aux travailleurs qui font partie de votre syndicat.
M. Hargrove: C'est faux.
M. Campbell: Ils ne profitent donc pas de ces investissements?
M. Hargrove: Ces investissements ne représentent rien pour nous.
M. Campbell: Vous préféreriez donc que les caisses de retraite ne soient pas investies dans les banques?
M. Hargrove: Nous avons obtenu après négociations des prestations déterminées. Je vous l'ai dit la dernière fois.
M. Campbell: C'est exact.
M. Hargrove: La société doit maintenant payer ces prestations. D'où tire-t-elle l'argent pour payer ces prstations? Nous supposons que cet argent viendra de la fabrication d'automobiles. Nous espérons que ce sera grâce à l'embauche d'employés qu'on pourra fabriquer ces voitures.
Le problème aujourd'hui c'est qu'il y a trop de spéculations et qu'on essaie trop de faire de l'argent plutôt que d'être productif.
M. Campbell: Nous n'avons toujours pas déterminé à qui appartiennent les banques. Ce n'est pas aux travailleurs.
M. Hargrove: Nous avons déjà conclu que ce n'était pas à moi. Je ne sais pas exactement ce à quoi...
M. Campbell: Très bien, les banques ne vous appartiennent pas, elles n'appartiennent pas non plus à ceux qui investissent dans des REER ou dans des caisses de retraite. À qui appartiennent-elles donc?
Les banques sont des institutions financières à capital largement réparti. La loi stipule que personne ne peut détenir plus de 10 p. 100 des actions d'une banque; je peux vous assurer que personne ne détient même près de 10 p. 100 des actions d'une de nos grandes banques à charte. Qui sont donc ceux qui sont avantagés par les profits réalisés par les banques?
M. Hargrove: Nous n'avons pas à nous demander qui est propriétaire des banques. Il faut plutôt se demander ce que seraient des profits raisonnables dans une période de crise comme on traverse actuellement.
M. Campbell: Je ne voulais pas...
M. Hargrove: Reconnaissez-vous que 4,3 milliards de dollars est déraisonnable lorsque les banques nous disent que le pays traverse une crise économique et qu'il faut se tirer d'affaire avec moins, alors qu'elles réalisent des profits toujours plus grands?
M. Campbell: Il s'agit peut-être là d'une discussion que nous devrions avoir avec les dizaines de milliers d'actionnaires des banques canadiennes.
M. Hargrove: Et les 300 millions de dollars que vous leur avez accordés en crédits d'impôts pour se munir de matériel d'équipement que se sont procurées toutes les autres entreprises canadiennes sans pour autant avoir accès à ce type de crédits?
M. Campbell: C'est vrai.
M. Hargrove: C'est intéressant. Vous ne parlez jamais de ceux qui profitent de la situation. Vous semblez toujours les défendre.
M. Campbell: Monsieur Hargrove, nous nous sommes occupés de ce problème dans le budget.
M. Hargrove: Bien, ils ont reçu 300 millions et vous n'avez payé que 100 millions en impôts.
Le président: Vous avez parfaitement raison, nous avons eu tort de leur offrir un crédit d'impôt.
Merci, monsieur Campbell.
Il est très important que le comité entende vos commentaires sur ces questions d'importance primordiale. Vous représentez probablement un des meilleurs syndicats au pays et probablement un de ceux qui joueront le rôle le plus important dans l'avenir économique du pays. Le secteur de l'automobile joue un rôle très important dans l'avenir économique du Canada. Je sais que vous ainsi que vos membres avez fait du Canada le grand exportateur qu'il est. C'est pourquoi nous sommes très heureux d'entendre vos propos.
Je dois ajouter que les députés - de tous les partis je crois - s'inquiètent de la situation dans laquelle le secteur automobile se trouve actuellement; on se préoccupe des ventes du secteur. Il s'agit d'un secteur que nous suivrons de très près - et nous sommes toujours heureux d'entendre vos commentaires - et de temps à autre personnellement je communiquerai avec vous pour savoir ce qui se passe, monsieur Hargrove.
En terminant, je tiens à vous remercier de la recommandation que vous avez faite en reprenant les propos du Parti réformiste qui croit que les salaires des députés devraient être augmentés.
M. Hargrove: J'attends depuis les dernières élections de trouver quelque chose en commun avec le Parti réformiste, monsieur le président.
Le président: Très bien.
Je peux également vous signaler que nous sommes tous d'avis qu'à titre de président de cet important syndicat vous devriez recevoir un salaire égal aux PDG des sociétés automobiles. Merci encore une fois d'être venu nous rencontrer.
M. Hargrove: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Pouvons-nous recommencer? De Childcare Resource and Research Unit (Unité de ressourcement et de recherche sur les soins aux enfants) nous accueillons la coordonnatrice, Mme Martha Friendly.
Je vous souhaite la bienvenue. Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.
Mme Martha Friendly (coordonnatrice, Childcare Resource and Research Unit): Merci. Je ne suis pas tout à fait prête.
Le président: Prenez votre temps, détendez-vous. Enlevez votre cravate, mettez vos pieds sur la chaise.
Mme Friendly: Mainteniant que je sais qui vous êtes tous... Je vous ai donné un mémoire écrit. J'aimerais simplement vous parler un peu de nous.
J'ai déjà vu certains d'entre vous. Monsieur Peterson, je pense vous avoir rencontré pour discuter de la question des garderies il y a probablement 20 ans.
Le président: C'était lorsque j'étais à la garderie.
Mme Friendly: Presque.
En ce qui me concerne, je suis attachée de recherche en matière de politique à l'université de Toronto. Je travaille sur la politique en matière de garderie depuis de nombreuses années, au cours desquelles j'ai vu défiler une succession de gouvernements, tant aux paliers fédéral, provincial, que local. J'ai collaboré avec les membres de groupes de pression au gouvernement; je travaille beaucoup avec les groupes de pression. Je pense que nous sommes à la croisée des chemins; et c'est de cela surtout que je tiens à vous parler aujourd'hui.
Tout d'abord, j'aimerais vous poser quelques questions. Je vais poser ces questions, ensuite je résumerai mon mémoire pour ensuite revenir à ces questions.
Est-ce que vous connaissez tous l'engagement que vous avez pris à l'égard des garderies dans le livre rouge?
Une voix: Non.
Une voix: Nous sommes tous au courant.
Mme Friendly: Très bien, vous êtes tous au courant. J'aimerais d'abord vous demander si vous allez respecter vos engagements, ceux du livre rouge, vis-à-vis des garderies?
Ensuite j'aimerais savoir, si vous avez l'intention de tenir cet engagement, comment allez-vous procéder? Et si ce n'est pas le cas, pourquoi pas? J'y reviendrai en expliquant mon mémoire.
Troisièmement, j'aimerais vraiment savoir - c'est en partie une question qui me tient personnellement à coeur... J'ai rencontré des députés libéraux en ma qualité de défenseur des garderies et je n'arrive vraiment pas à comprendre ce qui motive votre position en ce qui concerne la dévolution.
J'aimerais donc que nous en discutions un peu. Je veux vraiment savoir ce qui est derrière tout cela, ce qui vous motive, quel est l'objectif. Donc j'y reviendrai.
Je ne vais pas vous lire mon mémoire, mais j'aimerais souligner que les changements structurels qu'entraîne le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux signifie que le régime de garderie pour lequel nous - moi, d'autres du milieu et certains du Parti libéral, avons travaillé pendant 20 pour mettre en place ne sera sera plus possible. Je pense également que vous serez incapable de respecter les engagements que vous avez pris dans le Livre Rouge.
J'aimerais un peu dresser l'historique de la question des garderies. Certains d'entre vous savent peut-être que cette question est à l'ordre du jour depuis environ 25 ans, mais que ce service n'est toujours pas disponible, abordable, et d'une qualité suffisante pour la plupart des enfants au Canada. Dans sa manière de traiter les enfants, le Canada n'est pas un pays moderne. La politique canadienne en matière de garderie et les services qui en découlent ne reflètent pas les réalités sociales modernes.
Comme vous le savez, la situation financière des jeunes familles canadiennes s'est détoriée de façon notable, surtout depuis dix ans. Vous savez que le taux de pauvreté des mères célibataires et de leurs enfants est particulièrement élevé et augmente toujours.
Deuxièmement, les mères d'enfants d'âge préscolaire se trouvent en grand nombre dans la population active. Troisièmement - et c'est, à mon avis, le point essentiel - nous savons très clairement aujourd'hui, ce que nous ne savions pas vraiment il y a 25 ans, que c'est l'enfance qui joue le plus grand rôle dans le développement de l'enfant. C'est vrai à court et à long terme. Je crois que ce fait a attiré l'attention sur la façon dont les enfants d'âge préscolaire passent leur temps. Au Canada, nous ne nous intéressons pas à cette question; on essaie simplement de fermer les yeux.
Dans mon mémoire, je fais valoir que le gouvernement fédéral joue un rôle très limité dans le domaine des garderies et que par conséquent, les services de garderie varient énormément d'un bout à l'autre du pays. Je peux voir que vous représentez diverses régions du pays. Vous savez probablement que les familles agricoles ont besoin d'une formule de garderie, les familles de pêcheurs dans les Maritimes d'une autre, les habitants des centres urbains d'une autre formule encore. Mais en fait, ces différentes formules ne sont pas disponibles et ce n'est pas en réponse à une politique concertée que nous avons divers types de services de garderie; cela s'est tout simplement produit. En fait, c'est parce que le fédéral n'a joué aucun rôle. Le rôle du gouvernement fédéral est extrêmement limité.
Le système des garderies est extrêmement rudimentaire. En fait ce n'est pas vraiment un système. Vers le milieu des années 1980, lorsque vous, Libéraux, étiez dans l'opposition, on s'est beaucoup activé autour de la question des garderies au niveau fédéral. En fait cela a réellement commencé avec l'élection de 1984. La question des garderies semblait pleine de promesses lorsque le gouvernement Mulroney a commencé à l'examiner. Je suis persuadé que vous vous rappelez tous ce phénomène.
Par conséquent, les gouvernements provinciaux ont commencé à apporter des améliorations au régime. Ils ont amélioré la réglementation, les arrangements de financement, l'accessibilité, et ils ont mis au point des modèles. Toutefois, toute cette activité n'ayant donné aucun résultat, au cours des années 1990, non seulement les gouvernements provinciaux ont-ils commencé à abandonner les améliorations, ils ont fait marche arrière dans de nombreux cas.
Si vous regardez au dos de mon mémoire, il y a un tableau des programmes de financement provinciaux qui ont pris fin. Il y a un tableau et un chiffre que vous voudrez peut-être consulter.
Autre chose, sous le gouvernement Mulroney, le Régime d'assistance du Canada a été plafonné et la formule de péréquation réduite - et vous pouvez voir les chiffres à la dernière page du mémoire - l'expansion des garderies réglementées s'est ralentie même si le nombre d'enfants dont les mères faisaient partie de la population active ne cessait d'augmenter à un rythme toujours plus rapide. Vous pouvez voir comment le nombre de places a vraiment diminué.
C'était la réaction, celle des provinces. Encore une fois, si je veux vous parler du lien entre le gouvernement fédéral et les provinces, c'est que comme vous le savez, les garderies relèvent de la jurisdiction provinciale.
Dans la mesure où il existe encore, il s'agit d'un programme social qui ne découle pas d'une politique directe du gouvernement fédéral, mais à la mise en oeuvre duquel celui-ci a joué un rôle important. Je crois que la période de transition le reflète.
Dans le contexte du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, il importe vraiment de tenir compte de la diversité des régions au Canada ainsi que de la précarité des services provinciaux de garde d'enfants. Cette mesure aura probablement pour effet de faire des services de garde pour enfants un domaine de compétence provinciale exclusive, et cela nous préoccupe en raison de la précarité de ces services. Nous craignons même qu'elle se traduise par un effritement des modestes réseaux de services de garde existant à l'heure actuelle. J'y reviendrai dans un instant.
Parlons maintenant du Livre rouge. Je suis sûr que je n'ai pas à vous rappeler ce que contenait le Livre rouge au sujet des services de garde. Qu'il me suffise de rappeler que les milieux intéressés ont bien accueilli les propositions faites dans le Livre rouge à ce sujet. Nous croyions même que le gouvernement fédéral était prêt à intervenir dans ce domaine, et c'est ce qui nous a amenés à resserrer notre collaboration avec les instances administratives visées. Je ne me souviens pas que le débat entourant l'élaboration de la politique en matière de services de garde ait été aussi intéressant au cours des 20 dernières années que depuis l'élection du gouvernement libéral. De très bonnes idées ont été avancées.
Ensuite, est venue l'annonce de l'examen de la sécurité sociale. Comme de nombreux autres groupes s'intéressant aux questions sociales, nous avons exprimé nos très sérieuses inquiétudes au sujet de certains aspects de cet examen. Nous nous réjouissions cependant du fait que, dans le cadre de cet examen, on accorde une place centrale aux services de garde. En fait, pour la première fois, le gouvernement fédéral a reconnu l'importance cruciale des services de garde pour ce qui est de l'emploi, de l'apprentissage et de la sécurité. Parmi les objectifs visés, on mentionnait le fait que les enfants devaient grandir dans un milieu propice à leur croissance physique et intellectuelle. On nous a remis un tableau supplémentaire sur le développement permettant de se faire une idée concrète de la vision exprimée dans le Livre vert.
Dans ce document,
il était question d'une vision du développement des services de garde au Canada qui repose sur certains thèmes communs, soit la qualité, la disponibilité, le coût abordable et l'étendue des services ainsi que sur un cadre national de principes.
Cette vision correspondait à ce qu'avaient réclamé les groupes militants pour des services de garde ainsi que les spécialistes de la politique sociale, de même que, j'ajouterai, le Parti libéral lorsqu'il constituait l'Opposition. Si vous le voulez, je peux d'ailleurs vous fournir des preuves à l'appui de mes dires. Elle confirmait aussi l'engagement pris dans le Livre rouge.
Dans son rapport final, le Comité permanent a souligné que de nombreux témoins ont abordé la question des services de garde et ont souligné l'importance d'un programme national dans ce domaine. En outre, le Comité permanent a afffirmé que le moment était venu de s'occuper du bien-être des enfants canadiens et de leurs parents. C'était avant le dépôt du budget fédéral.
Comme vous le savez, nous estimons que ce budget aura un effet dévastateur sur les services de garde. À mon avis, le fait que le gouvernement fédéral cessera de jouer un rôle déterminant dans le domaine des arrangements budgétaires et de la politique dans ce domaine aura non seulement un impact profond sur les programmes de santé et les programmes sociaux, mais sonnera le glas d'un programme national futur en matière de services de garde. Permettez-moi de vous expliquer pourquoi. Je vous donnerai d'abord quelques précisions, et nous pourrons discuter plus à fond de la question.
Je ne crois pas avoir à vous expliquer pourquoi on ne peut pas considérer un service de garde comme un programme établi. C'est un programme très précaire et mal établi. Comme la santé et le bien-être social, il s'agit d'un domaine de compétence provinciale. Contrairement à ce qui se passe dans ces deux domaines cependant, le gouvernement fédéral ne joue qu'un rôle très limité dans le secteur des services de garde. En fait, c'est un bon exemple de programme qui relève presque exclusivement des provinces, même s'il ne leur avait pas été confié à l'origine. Il y a donc eu dévolution dans les faits.
Quatre aspects de la question nous préoccupe.
Premièrement, j'estime qu'il est inévitable que les provinces réduisent de beaucoup leurs dépenses dans les domaines du bien-être social, de l'enseignement postsecondaire et de la santé pour compenser la réduction des paiements de transfert qui leur étaient versés par le gouvernement fédéral. Comme cela compremettra la survie de ces programmes, on doit s'attendre à ce que les provinces accordent aux services de garde une priorité encore moins élevée qu'elle ne le font maintenant.
Je ne peux imaginer que les provinces ne seront pas tentées d'utiliser les fonds qui sont actuellement alloués au service de garde pour les attribuer au domaine de la santé parce qu'il s'agit d'un programme plus établi que les gens comprennent mieux. En fait, je crois que les services de garde existants sont eux-mêmes en péril.
L'autre difficulté qui se pose à l'égard du financement global, tel que je le comprends, c'est celui des fonds de contrepartie. À l'heure actuelle, les gouvernements provinciaux consacrent collectivement beaucoup plus de crédits au service de garde que le gouvernement fédéral par l'intermédiaire du régime d'aide publique du Canada. En fait, ils y consacrent près de trois fois plus de crédits que le gouvernement fédéral. Le RAPC est un programme de rembousement. Les provinces doivent donc consentir des dépenses dans ces domaines avant qu'on ne les leur rembourse.
Je crains que l'adoption d'un mode de financement global - qui, à ma connaissance, ne se fonde pas sur le remboursement des dépenses - fera en sorte que seul le gouvernement fédéral allouera des fonds au service de garde. Voilà un autre point très important. Comme les provinces seront coïncées, je ne comprends pas ce qui les motivera à continuer d'allouer des fonds au service de garde. C'est le deuxième point sur lequel je voulais attirer votre attention.
Troisièmement, nous nous préoccupons aussi du processus de reddition publique des comptes pour ce qui est des dépenses fédérales. Nous nous préoccupons notamment du fait que rien ne permet de juger si les dépenses fédérales sont efficaces.
Prenons deux exemples: la déduction pour frais de garde et l'allocation pour charge de famille liées aux programmes de formation fédéraux. On ne sait pas trop si cet argent est affecté à des services de garde et si l'allocation pour charge de famille notamment favorise la création de services de garde de qualité.
Lorsque le gouvernement a été élu, il a beaucoup insisté sur la question de la transparence. Or, le financement global n'est pas transparent. La reddition des comptes et la transparence devraient cependant constituer les assises de la démocratie. Sans elles, rien ne peut fonctionner. Je vois cependant mal comment le mécanisme de la reddition des comptes peut s'appliquer au financement global.
Quatrièmement - et je ne peux trop insister là-dessus - il y a de grandes variations au Canada dans la qualité et l'étendue des services de garde. Ce programme n'a pas atteint la maturité. À mon avis, c'est surtout attribuable au fait que le gouvernement fédéral ne joue aucun rôle dans ce domaine et qu'il n'a aucun moyen d'exercer des pressions sur les provinces comme il peut le faire dans le domaine de la santé.
Comme vous le savez, il n'y avait pas non plus de véritable uniformisation des services dans le domaine de la santé avant l'adoption de la Loi canadienne sur la santé. Si le gouvernement fédéral avait à se plaindre de la conduite d'une province dans ce domaine, il le lui rappelait et vice versa. Cela ne s'est pas vraiment produit dans le domaine des services de garde.
À l'heure actuelle, il ne s'agit pas d'un véritable programme. Les services de garde ne sont pas universellement disponibles. Comme ces services ne sont pas financés à même les fonds publics, ils sont beaucoup trop coûteux pour les parents à revenu modeste. Comme j'ai une formation de psychologue, je crains vraiment que ces services ne soient pas de qualité suffisante pour favoriser un développement physique et mental sain.
Tous ceux qui oeuvrent dans le domaine des services de garde avaient espéré que la politique nationale que le gouvernement nous avait promise inciterait les provinces à améliorer les programmes provinciaux de service de garde, un peu comme elles ont été incitées à améliorer leur service de santé avec l'adoption de la Loi canadienne sur la santé. C'est cependant douteux, et c'est en fait peu probable, à moins qu'on ne prévoit un mécanisme auquel aucun d'entre nous n'a songé à l'égard du financement global. Je ne vois vraiment pas comment cet espoir pourrait se concrétiser.
Permettez-moi aussi de souligner que cette dévolution ainsi que la réduction des fonds alloués empêchera le gouvernement de respecter l'engagement qu'il a pris dans le Livre rouge. Or, je sais qu'un grand nombre de membres de votre caucus pensent le contraire.
Le plus triste, c'est que cet engagement avait reçu un accueil favorable, mais je peux vous assurer qu'il est gravement compromis. Il a été inclus au fonds d'investissement dans les ressources humaines, qui est essentiellement un mini fonds global.
Il semblerait que l'idée soit de lier ce programme à l'employabilité des parents. Il ne s'agira donc plus d'un programme axé sur le développement des enfants comme le proposait le Livre rouge. Ce qu'il importe encore plus de remarquer, c'est qu'en raison de ce transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, les provinces, qui auraient un rôle important à jouer dans l'élaboration d'un programme national de service de garde, hésiteront beaucoup à prendre une nouvelle initiative à un moment où elles devront réduire leurs dépenses au titre d'autres programmes.
Cela signifie que si l'on dépense des fonds pour la garde des enfants, on le fera sans que cela serve probablement à grand chose. On pourrait parler de ces questions; cela me préoccupe au plus haut point. Il ne vous sera pas possible de satisfaire aux engagements du Livre Rouge.
Je tiens à souligner que les personnes qui étudient les questions de politique en la matière, les personnes qui se font défenseurs de ces causes ont vraiment essayé de trouver une façon de réformer les programmes sociaux. Comme d'autres groupes, nous avons pensé que tout le réseau de protection sociale était démodé et qu'il fallait mettre en place un nouveau programme national.
Avant le budget fédéral, on s'attendait à ce que le gouvernement adopte un programme national de garde d'enfants, ce qui aurait permis d'améliorer les choses du point de vue économique et de mettre en place une justice sociale typiquement canadienne. Au lieu de cela, si le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux devient une réalité l'année prochaine, des programmes sociaux existant depuis longtemps deviendront aussi vulnérables et incohérents que le programme de garde d'enfants. C'est ce que je pense très fermement.
Une des choses qui me préoccupe vraiment c'est que cette nouvelle vision sociale ne semble que refléter ce que l'on a connu lors de l'ère Malroney; j'ai écrit un document plus long sur cette question qui sera publiée cet été.
Ce que le gouvernement Mulroney pensait d'un programme de garde d'enfants s'est répercuté dans d'autres domaines sociaux. Or, il semble que la situation se reproduit à l'heure actuelle maintenant que le ministère des Finances est en train de prendre des décisions tout à fait critiques en matière de politique sociale de façon tout à fait cachée du public canadien et cela, étant donné la nature très complexe de toutes ces questions.
Les médias n'ont pas parlé de toutes ces questions avec beaucoup de force. Comme vous l'avez sans doute entendu dire, nous disons qu'il s'agit en fait d'une politique furtive de la part du gouvernement canadien. On est en train de rejouer le scénario du gouvernement Mulroney.
Benoit Bouchard, lorsqu'il était ministre de la Santé et du Bien-être en 1992 a dit qu'il avait le privilège de tuer dans l'oeuf ce programme de garde d'enfants. Je crois qu'il ne s'est pas bien exprimé mais c'étaient là ses paroles.
Ce que vous faites c'est de mettre aux oubliettes le programme de garde d'enfants. Vous le faites grâce à des changements structurels. J'aimerais que cela ne se passe pas. Je suis ici pour m'opposer au transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux et cela à cause de mon orientation dans le domaine de la garde des enfants. Je vous remercie.
Le président: Merci.
[Français]
M. Brien (Témiscamingue): Tout d'abord, j'aimerais faire un commentaire. Vous avez soulevé un point intéressant dont on n'entend pas fréquemment parler, et c'est le manque de transparence relié au fait de regrouper dans un seul fonds tous les transferts fédéraux. Je suis content de revoir le Livre rouge, car ça fait longtemps qu'on en avait entendu parler. Je l'ai lu et relu, mais on en entend moins parler que l'an dernier.
Vous avez parlé de la transparence du Transfert social canadien. Je pense que vous touchez un point important. Au lieu d'annoncer les transferts que l'on coupe, on laisse aux provinces le choix de le faire.
Cependant, l'objectif était quand même de diminuer le montant global et, pour ce faire, on agrège des données. Quand on les rassemble, il devient difficile de savoir ce qu'on avait en tête parce que, parallèlement à cela, on prend d'autres mesures. On le voit et vous faites le lien avec le Fonds d'investissement au niveau des ressources humaines.
Il y a donc une vision derrière cela qu'on ne met pas de l'avant et qui devient difficile à retracer. Ce sont des hypothèses. C'est très difficile et je pense que vous soulevez un bon point quand vous dites que cela ne va pas dans le sens de la transparence.
Vous dites que cela aura un impact à cause des choix que feront les gouvernements provinciaux. Vous illustrez la difficulté qu'auront les gouvernements provinciaux à faire des choix. Toutefois, qu'est-ce qui vous fait dire que les gouvernements provinciaux choisiront de couper dans le soutien acccordé aux enfants? Qu'est-ce qui vous fait croire que c'est ce secteur qui écopera? Vous citez des mesures qui ont été prises depuis 1993 dans certaines provinces. Qu'est-ce qui vous fait dire que c'est là que les provinces vont couper? Est-ce que vous avez des indications?
[Traduction]
Mme Friendly: Je ne peux pas dire que toutes les provinces procèderont de cette façon. Il y aura beaucoup de différences entre celles-ci. À l'heure actuelle, comme vous le savez, les provinces réagissent de façon assez différente à toutes ces questions.
La raison pour laquelle je pense que la garde des enfants est particulièrement vulnérable - et il y a d'autres domaines également comme par exemple le bien-être des enfants - et qu'il ne s'agit pas d'un programme universel.
Je ne veux pas parler de l'éducation postsecondaire, je crois que cela représente une anomalie et je n'en parlerai pas.
Certaines provinces ont fait des coupures importantes dans le programme de garde d'enfants depuis 1990 alors que les paiements de transfert fédéraux et les paiements dans le cadre du RAPC ont été diminués. Je ne crois pas qu'il existe la même volonté politique d'appuyer la garde d'enfants et peut-être même pas les enfants. Cela m'inquiète. On est davantage prêt à appuyer des programmes comme l'assurance-maladie.
De façon générale, si l'on ne tient pas compte du Québec - et je n'aborderai pas directement cette question - le rapport entre le gouvernement fédéral et les provinces a été vraiment important pour tous ces programmes. Il est tout à fait crucial de ne pas avoir uniquement un seul intervenant dans ce domaine.
Depuis toujours, les gouvernements fédéraux ont eu une vision un peu plus large des programmes sociaux que les provinces, même s'il existe évidemment beaucoup d'anomalies. En fait, ce qui est le plus important, c'est que la tension entre les deux paliers de gouvernement a permis de faire des progrès.
L'assurance-maladie est un bon exemple. La province de Saskatchewan a été la première à prendre les initiatives dans ce domaine, et les autres provinces n'ont pas emboîté le pas avant que le gouvernement fédéral ne décide de prendre des ininiatives et de débloquer des fonds à cette fin.
Au moment de l'adoption de la Loi canadienne sur la santé, certaines provinces ne voulaient pas s'engager, et ce n'est qu'à la suite de l'adoption de cette loi que les provinces ont été forcées de participer.
Ainsi donc, en général, je crains bien - et c'est là ma plus grande peur - qu'il n'existe plus cette tension entre les deux paliers de gouvernement qui a permis tous ces progrès. Les programmes qui concernent la garde des enfants et les programmes d'aide pour les personnes plus vulnérables seront les premiers programmes à être coupés. Je ne crois que cela sera vrai dans toutes les provinces cependant.
[Français]
M. Brien: Je vais maintenant vous laisser échanger avec mes collègues libéraux. Je pense que ce sera intéressant.
Le président: Vos questions étaient fantastiques. Voulez-vous continuer?
M. Brien: Non. Je trouve cela clair. Merci.
Le président: Monsieur Discepola.
M. Discepola: Merci.
Au sujet de la question de la transparence et de l'imputabilité, j'estime que le programme de transfert global dépasse de loin la redéfinition du cadre dans lequel nous voulons que les provinces mettent en oeuvre ces différents programmes.
Lors de consultations avec les provinces, nous pourrons établir des normes nationales. Il faudra évidemment que règne un esprit de coopération, ce qui me laisse un peu sceptique. Nous pourrons redéfinir certaines normes qui ne sont pas très claires à l'heure actuelle.
Si nous avions pris l'initiative d'établir des normes, les provinces nous auraient accusés de leur dicter quoi faire. Nous avons donc décidé d'avoir des consultations avec les provinces pendant un an environ afin de redéfinir certaines de ces normes. Le point faible que nous voyons ici c'est que des groupes tels que le vôtre viennent dire que nous ne sommes pas en train de définir quoi que ce soit et disent même que nous voulons nous débarrasser de certains programmes.
J'insiste sur le fait que des transferts par bloc et des discussions avec les provinces forceront celles-ci à mieux rendre des comptes sur les services qu'elles offrent actuellement. Par contre, le système actuel ne nous donne aucun contrôle sur la façon dont les provinces dépensent l'argent dans les secteur de l'éducation ou du bien-être, par exemple.
Mme Friendly: Dans une certaine mesure, vous avez raison. Je suis d'accord avec vous en partie, mais pas dans tous les cas. Je reconnais que les provinces ne rendent pas de compte en ce qui concerne l'éducation postsecondaire et le financement limité du RAPC. Évidemment, j'aimerais qu'on améliore ces aspects-là.
D'un autre côté, depuis des années, depuis que les Conservateurs sont arrivés au pouvoir, les gens ne cessent de répéter qu'au fur et à mesure que la participation fédérale au financement diminue, les possibilités de négociations avec les provinces diminuent également. Je ne sais pas si vous l'avez dit vous-même, mais je me souviens avoir entendu des membres du parti libéral dire précisément cela à l'époque du gouvernement Mulroney.
Vous imposez d'énormes coupures et en même temps vous dites: nous allons tout regrouper, nous allons peut-être même avoir des normes nationales, faites-nous confiance.
Maintenant, s'il n'y avait pas ces coupures énormes, lorsque vous dites que vous allez adopter une loi nationale sur les services sociaux comme la Loi canadienne sur la santé, et également une loi nationale sur les services de garde d'enfants, je ne sais plus trop de quoi il s'agit, il y aurait peut-être moyen... Je suis prête à reconnaître que dans de telles conditions il y aurait peut-être d'autres solutions. Je ne prétends pas que le statu quo soit la meilleure solution. Si l'on prend l'ensemble de la situation...
J'aimerais signaler autre chose; quand vous dites que vous allez négocier ce genre de choses avec les provinces, ce n'est plus la même chose que lorsque Monique Bégin disait: Voici la Loi canadienne sur la santé, c'est notre argent. En faisant cela, le gouvernement fédéral change de tactique.
Ce genre de choses a toujours fait l'objet de négociations. On ne peut pas forcer les provinces à faire certaines choses dans des secteurs qui relèvent de leurs compétences, mais on peut toujours les encourager, les convaincre, et l'argent fédéral est un bon moyen. C'est sur ce plan-là qu'à mon avis vous battez en retraite, vous abandonnez le rôle fédéral et libéral traditionnel des programmes sociaux et des programmes de santé.
M. Discepola: En fait, il s'agit peut-être de «décentralisation», c'est peut-être le terme exact.
Mme Friendly: Oui, exactement. C'est précisément...
M. Discepola: C'est ce qui se passe également dans le secteur privé, c'est ce que les provinces réclament.
Mme Friendly: C'est ce qui se passe, mais uniquement si vous le voulez bien. Vous êtes le gouvernement.
Tout cela me fait une drôle d'impression. Les gens répètent: «C'est en train d'arriver». Mais quoi? Cela me ramène à ma question: j'aimerais savoir pourquoi les choses se passent ainsi. Comment cette décentralisation est-elle en train de se produire?
M. Discepola: C'est parce qu'elle permet à celui qui assure un service de le contrôler. La notion sous-jacente, j'imagine, est que cela permettra de faire les choses plus économiquement et plus efficacement.
Mme Friendly: Je suis prête à parier que ce n'est pas possible. En fait, tout semble prouver le contraire. Soyons sérieux, je sais bien qu'on dit cela, mais j'aimerais bien qu'on me le prouve sur le papier.
M. Discepola: C'est ma dernière question. Il va falloir que je cède la place à mes collègues.
Dans toute cette discussion, moi qui suis un représentant élu, j'ai beaucoup de mal à concilier les services, les coûts de ces services pour les bénéficiaires et le rôle de l'État, c'est-à-dire le pourcentage qui doit être payé par l'État et celui qui doit être payé par le bénéficiaire.
Je vais vous donner un exemple; avant vous, nous avons reçu un groupe de personnes, et entre autres, un étudiant en doctorat. Je n'ai pas pu lui poser cette question, mais l'étudiant en doctorat semblait penser que l'éducation postsecondaire devrait être la responsabilité du gouvernement.
Je ne suis pas d'accord. Est-ce que notre rôle est d'assurer l'éducation élémentaire, secondaire, et l'éducation postsecondaire, baccalauréat, maîtrise, doctorat? Qui profite de ces programmes? Si j'obtiens un doctorat aujourd'hui, les statistiques prouvent que c'est moi qui en profiterait le plus. Vous pouvez prétendre qu'indirectement la société en profite également.
Permettez-moi de vous demander...
Mme Friendly: Permettez-moi de vous demander: Qui profite des services de garde d'enfants?
M. Discepola: Ah, c'est justement ce que j'allais vous demander. Pouvez-vous m'éclairer?
Mme Friendly: Vous me demandez qui profite des services de garde d'enfants?
M. Discepola: Permettez-moi de préciser tout d'abord que j'ai fait un choix conscient, avec ma femme nous avons décidé qu'elle resterait à la maison pour s'occuper de nos enfants. D'accord? Ne faudrait-il pas la payer ou lui offrir une certaine compensation?
Mme Friendly: Pour commencer...
M. Discepola: Est-ce que ce n'est pas juste?
Mme Friendly: Attendez un instant, c'est différent.
M. Discepola: Vraiment?
Mme Friendly: Puis-je vous poser une question? Quel est l'âge de vos enfants?
M. Discepola: Ils ont 8, 16, 21 et 22 ans.
Une voix: Il ne va pas réussir à obtenir des conseils gratuits.
Mme Friendly: Est-ce qu'ils sont allés au jardin d'enfants?
M. Discepola: Oui.
Mme Friendly: Est-ce que c'est une forme d'éducation? Qui a payé pour cela?
M. Discepola: C'est ce que je vous demande.
Mme Friendly: Effectivement. Si vous étiez en Italie ou en France, cela ferait partie du système de garde d'enfants. C'est une façon différente de procéder.
Les gens ont l'impression étrange que la garde d'enfants ne profite qu'aux parents qui choisissent d'aller travailler à l'extérieur, ce qui leur permet de gagner des quantités d'argent. Pour commencer, ces parents-là apportent une contribution considérable et diverse à l'économie.
M. Discepola: Ce n'est pas le cas de ma femme?
Mme Friendly: Si, absolument; justement, j'aimerais en discuter avec vous.
Si l'on se demande qui profite de ces services de garde, il y a bien sûr les enfants, et à travers eux, l'ensemble de la société. Les femmes ne sont pas près de quitter le marché du travail, et je ne voudrais certainement pas leur enlever ce choix. À mon avis, les femmes qui ne travaillent pas à l'extérieur devraient pouvoir utiliser des services de garde d'enfants, car c'est là le fond de la question.
En réalité, quand on élève toute une génération d'enfants à la va comme je te pousse, et c'est ce que nous faisons au Canada, il faut un jour payer le prix.
Je le répète, j'ai une formation de psychologue, mais pas de psychologue clinique. On a beaucoup fait de recherches à ce sujet, et sur le plan de l'éducation des très jeunes enfants, notre pays est très en retard, extrêmement en retard. Nous nous y prenons extrêmement mal, et cela va avoir des répercussions néfastes. C'est la société qui va devoir payer la facture.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Discepola.
Monsieur Fewchuk.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Je suis heureux de vous accueillir parmi nous cet après-midi.
J'aimerais vous faire remarquer quelque chose; l'autre jour, j'étais dans un taxi et j'ai demandé au conducteur d'où il venait. Il m'a dit qu'il était somalien, qu'il était ici depuis quatre ans. Il a ajouté: «Quel merveilleux pays vous avez, c'est extraordinaire de ne pas mourir de faim et d'avoir suffisamment à manger. Je vous assure que j'apprécie tout ce que les Canadiens font pour moi et je n'ai même pas besoin de demander qu'on m'aide.»
Les priorités du gouvernement municipal sont identiques, nous cherchons toujours à aider les gens.
Je n'en crois pas mes oreilles quand vous dites que vous ne faites pas confiance aux provinces qui, à votre avis, ne font plus le travail qu'elles devraient faire. Ça m'a fait drôlement plaisir. Vous avez dit qu'elles ne pouvaient pas faire ce qu'elles étaient censées faire.
Mme Friendly: En vérité, vous me faites dire ce que je n'ai pas dit. Je n'ai pas dit que je ne faisais pas confiance aux provinces. Il y a d'autres solutions possibles.
M. Fewchuk: C'est vous qui l'avez dit.
Mme Friendly: Non, je ne me méfie pas particulièrement des provinces. Certaines sont parmi mes meilleurs alliés.
Des voix: Oh, oh!
Mme Friendly: Mais ce n'est pas toujours le cas. Elles ne sont pas toujours les alliées des enfants ou des familles.
M. Fewchuk: Parfait, merci.
Mme Friendly: Soit dit en passant, je ne considère pas que les services de garde d'enfants aident les gens. À mon avis, c'est une nécessité.
Est-ce que vous considérez que l'éducation publique aide les gens? Cela fait partie des choses, que font les sociétés modernes parce que c'est préférable.
M. Fewchuk: Nous avons un bon programme. J'ai beaucoup apprécié votre réponse au sujet des provinces. Merci.
Mme Friendly: Puisque vous semblez mettre fin à notre conversation, est-ce que vous allez respecter les promesses de votre Livre rouge?
M. Fewchuk: Je respecte tous les livres, même mon livret bancaire...
Mme Friendly: Allez-vous répondre?
M. Campbell: Nous avons déjà eu l'occasion de nous rencontrer.
Mme Friendly: Effectivement.
M. Campbell: Je ne ferai donc pas l'erreur de vous poser une question.
Des voix: Oh, oh!
Mme Friendly: Cela me ferait pourtant plaisir.
M. Discepola: Pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus?
M. Campbell: Je voulais voir comment vous vous en tireriez. Je suis désolé.
Des voix: Oh, oh!
M. Discepola: Je croyais que Mme Friendly portait bien son nom et que c'était une personne amicale.
Mme Friendly: Je le suis.
M. Campbell: Vous le savez peut-être, les séances d'aujourd'hui ont été très longues et il se pourrait que nous sortions un peu nos griffes. Je suis heureux de vous revoir.
La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, vous disiez que les enfants de ce pays n'avaient pas suffisamment de défenseurs et que cela vous inquiétait. Comme toujours, vous prenez la défense des enfants avec beaucoup d'éloquence, vous insistez sur les programmes de garde d'enfants et sur les engagements que nous avons pris.
Comme je vous l'avais dit à cette occasion, c'est un engagement que nous maintenons. Le budget n'y a pas mis fin, on s'est contenté de garder le silence là-dessus. Attendez un instant. De ce côté-ci de la Chambre nous sommes nombreux à maintenir cet engagement très fermement et à apprécier l'importance de ces programmes.
Mme Friendly: Très bien, je compte sur vous.
M. Campbell: Merci.
Le président: Barry l'a très bien dit: vous êtes une intervenante très convaincue et très convaincante. Vos observations nous font penser à la séance d'hier où nous avons entendu les représentants de la Ontario Coalition for Better Child Care.
Vous n'êtes pas seulement un défenseur très convaincant, vous excellez également dans la polémique. Vous avez parfaitement le droit de brandir ce Livre rouge comme vous l'avez fait, et vous pouvez en distribuer des exemplaires dans tout le pays, d'accord?
Martha Friendly, avec des gens comme vous, nous savons que vous ne nous lâcherez pas, nous savons que vous allez continuer à nous aiguillonner, et nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
Mme Friendly: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons faire une pause de cinq minutes.
Le président: À l'ordre s'il vous plaît.
Nous passons maintenant de l'étude du projet de loi C-76 à une discussion sur le budget des dépenses du ministère du Revenu national. Nous souhaitons la bienvenue au sous-ministre, M. Pierre Gravelle. Peut-être voudra-t-il nous présenter les gens qui l'accompagnent.
M. Pierre Gravelle (sous-ministre, ministère du Revenu national): Oui, monsieur le président. C'est avec grand plaisir que je rencontre les membres du comité ce soir. Je vous remercie de m'avoir invité.
Je suis accompagné de Barry Lacombe, sous-ministre adjoint, Vérification de l'exécution et recherches sur l'observation; Mike Burpee, sous-ministre adjoint, Cotisations et recouvrements; Allan Cocksedge, sous-ministre adjoint, Services frontaliers des douanes; Bill Crandall, sous-ministre adjoint, Finances et administration; et John Kowalski, directeur général de la Direction des ressources.
Monsieur le président, nous avons préparé à l'intention des membres du Comité un court aperçu de l'activité des programmes et de la répartition des ressources du ministère du Revenu national. Nous avons fait parvenir ces documents aux membres du Comité tôt ce matin. Je n'ai pas d'introduction à faire, mais si vous le désirez, il me ferait bien plaisir de passer en revue la documentation que nous avons fait parvenir au Comité.
Le président: J'ai l'impression que les députés ont déjà lu ce que vous nous avez fait parvenir ce matin.
Il vaudrait peut-être mieux commencer par M. Abbott du Parti réformiste qui a suggéré cette séance.
[Traduction]
M. Abbott: Je tiens tout d'abord à remercier M. Gravelle et tous les témoins d'être venus, et à dire au Comité qu'à titre de critique de mon parti en matière de revenu, j'ai trouvé M. Gravelle et ses collaborateurs vraiment très coopératifs. Ils se sont toujours montrés tout à fait coopératifs et je tiens à les en remercier.
J'ai rencontré M. Gravelle il y a tout juste plus d'une semaine. Nous avons passé en revue un certain nombre de points qui nous préoccupent et à l'égard desquels nous voulions obtenir des précisions.
Monsieur Gravelle, j'ai ici des notes sur cet entretien, mais voudriez-vous d'abord nous résumer vous-même la teneur de cette discussion?
M. Gravelle: Oui.
Monsieur le président, je crois que les documents que nous vous avons fait parvenir traitent de la plupart des questions que M. Abbott a soulevées pendant notre entretien. Permettez-moi de dire, dès le départ, que le budget principal du ministère que vous avez aujourd'hui en main est très différent de ceux que le Revenu national a établi jusqu'ici. En effet, pour la première fois, nous avons un budget des dépenses principales qui tient pleinement compte du fait que, depuis que le projet de loi C-2 a été adopté par le Parlement, nous avons maintenant une administration du Revenu national pleinement intégrée, opérant ainsi la fusion des douanes, de l'accise, de la TPS et de l'impôt.
Je crois qu'il est juste de dire que l'ensemble des ressources attribuées au Revenu national sont consacrées essentiellement à quatre missions, si je peux employer ce terme. La plus importante est la perception des recettes, dont nous nous chargeons non seulement pour le gouvernement fédéral, mais aussi au nom des provinces, car nous administrons la législation fiscale provinciale au nom de toutes les provinces, à l'exception du Québec.
Il y a, par ailleurs, toute la question des paiements socio-économiques effectués dans le cadre du régime fiscal, parce que c'est rentable de procéder de cette manière, et beaucoup de ces prestations et paiements divers sont directement liés au revenu déclaré par les entreprises ou les particuliers.
Il y a ensuite le service aux frontières et à cet égard, notre rôle est double, c'est-à-dire, d'une part, favoriser le commerce et le déplacement des voyageurs, et d'autre part, nous occuper de toute la question de la surveillance, de l'administration des règles du GATT et d'autres ententes bilatérales à l'appui du commerce international.
Nous avons pensé qu'il serait bon de montrer au Comité la répartition globale du budget de Revenu Canada. À la page 8, vous avez une ventilation par catégorie: aide à la clientèle, établissement des cotisations des déclarations, vérification et exécution, perceptions et accomptes, etc. etc.
M. Abbott m'a demandé si cette intégration des services de Revenu Canada avait eu une incidence quelconque, en particulier sur la surveillance des frontières, et si nous maintenions l'équilibre entre les services à la clientèle et la surveillance. Je crois qu'il est juste de dire que l'aide à la clientèle représente environ 6 p. 100 des dépenses prévues dans notre budget.
Les autres activités, notamment l'établissement des cotisations des déclarations, les appels, l'informatique, les programmes de soutien, contribuent au fonctionnement du ministère dans son ensemble, y compris les douanes, l'accise, la TPS et l'impôt. Toutefois, à la rubrique vérification et exécution, on constate que 20 p. 100 de nos ressources sont consacrées à cette activité, qui comprend essentiellement l'accise, la TPS, l'impôt et certains aspects de la surveillance des frontières.
À la rubrique des services frontaliers d'administration commerciale et des douanes, qui représentent environ 17 p. 100 de notre budget, il y a d'une part, la facilitation et d'autre part, la surveillance des frontières.
Comme vous pouvez le voir, on a maintenu un équilibre au fil des années entre la facilitation et la surveillance dans toutes nos catégories d'activité.
Je tiens à dire aux membres du Comité que dans le contexte de cette vaste initiative de restructuration qui a permis la fusion de ce que j'appelerais les trois équipes, à savoir l'accise, la TPS et l'impôt, nous avons réussi, dès la première année, à faire des économies de l'ordre de 30 millions de dollars à l'administration centrale en éliminant les dédoublements et chevauchements.
Une partie de cette somme de 30 millions de dollars a servi à atteindre notre objectif de réduction du déficit pour cette année-là, mais surtout, environ 13,5 millions de dollars économisés au cours de cette première année ont été réinvestis dans les services frontaliers et l'administration des douanes, en particulier en vue de renforcer notre capacité technique sur le plan de la facilitation et de la surveillance des frontières.
Je tiens à dire également que cette intégration des composantes du Revenu national nous permet maintenant de rationaliser tous nos champs d'activité. Nous avons réduit le nombre de nos bureaux régionaux de 22 à six. Nous ferons des économies regroupant nos activités, nos programmes de soutien et nos services communs sur le terrain. Je crois que cette année, nous serons en mesure d'économiser une somme additionnelle de 35 à 40 millions de dollars que nous voudrons, bien sûr, réinvestir dans nos activités ou utiliser pour financer d'autres priorités et assurément aussi pour réduire le déficit.
Des choses incroyables se sont passées au fil des années. Je vous renvoie à la page 10. Si l'on remonte à 1985-1986, on constate que depuis cette date, Revenu Canada a connu une croissance phénoménale et a embauché environ 10 000 équivalents temps plein. Mais ce qui est remarquable, c'est que 70 p. 100 de cette croissance a été attribuable à d'importantes nouvelles initiatives ou mesures législatives du gouvernement. Il y a eu la TPS, la mise en oeuvre du crédit d'impôt pour TPS, la réforme des pensions, la réforme fiscale, les prestations pour enfants et le libre-échange. Seulement 30 p. 100 des ressources additionnelles qui nous ont été accordées au cours de cette période étaient attribuables à une augmentation de la charge de travail.
Je veux donc attirer l'attention des députés sur le fait que nous avons connu, au cours de cette même période, une augmentation considérable de notre charge de travail. Voyons les chiffres: 25 p. 100 pour les déclarations d'impôt des particuliers et les comptes des employeurs, 30 p. 100 pour les voyageurs, 40 p. 100 pour les documents commerciaux et les déclarations d'impôt des entreprises, jusqu'à 130 p. 100 pour les demandes de renseignements du public. Il est donc évident qu'il a fallu réaliser des gains considérables sur le plan de la productivité, grâce à l'application de nouvelles techniques ou à une meilleure administration et mise en oeuvre de nos programmes, afin d'absorber cet alourdissement de notre volume de travail.
M. Abbott m'a également interrogé sur l'incidence que l'examen des programmes a pu avoir sur Revenu national. En guise d'introduction, à la page 11, les objectifs de réductions budgétaires pour 1994-1995 s'établissent à environ 144 millions de dollars et cela va jusqu'à 247 millions de dollars en 1997-1998. Cela représente bien sûr plus de 10 p. 100 du budget d'ici 1997-1998. L'examen des programmes s'ajoute à cela.
Comme vous le savez, pour beaucoup de ministères, l'examen des programmes a abouti à la décision de supprimer des services et des programmes ou de se retirer de certains secteurs d'activité, ou encore de privatiser, ou bien simplement de déléguer des programmes à un autre ordre de gouvernement. Dans le cas de Revenu national, je dois signaler que tous les mandats et responsabilités du ministère ont été confirmés, de sorte qu'il n'y a eu aucune réduction de nos activités ou responsabilités. De fait, comme vous le savez, les mesures législatives découlant du dernier budget prévoyaient que Revenu national devrait assumer des charges additionnelles. Mais en plus de cela, on nous a demandé d'améliorer l'efficience de nos programmes pour économiser plus de 110 millions de dollars au cours des trois prochaines années.
Si l'on devait simplement transposer toutes ces réductions étalées sur la période en question en équivalents de postes à plein temps - car il ne faut pas oublier que la masse salariale représente le gros de notre budget - cela donnerait probablement des compressions de l'ordre de 3 000 à 5 000 personnes en trois ans.
Le fait que notre mandat ait été confirmé et que l'on nous ait demandé de nous attacher en priorité à maintenir le niveau de service dans toute la mesure du possible, et à protéger l'intégrité de l'assiette fiscale - de fait, on nous a même demandé d'en faire plus - signifie que nous devons maintenant mettre au point des stratégies afin de gérer toute cette enveloppe avec beaucoup d'imagination pour réaliser des économies.
Le tableau en couleur vous donne une idée du défi qui nous attend sur le plan des ressources. En noir, vous avez notre budget de fonctionnement actuel pour la période de 1993-1994 à 1997-1998; on voit que ce budget passera d'environ 2 milliards de dollars à plus ou moins 1,7 milliard. En bleu, ce sont les économies que nous avons dû réaliser dans le cadre de l'examen des programmes; et en rouge, les réductions qui nous ont été imposées depuis décembre 1992. En vert, la nouvelle législation, les priorités gouvernementales et la croissance de la charge de travail; essentiellement, c'est ce que nous devons absorber. Comme le financement ne sera pas à la hauteur, je dois faire des économies internes afin de réinvestir dans les immobilisations et l'amélioration continue. De sorte que d'ici 1997-1998, nous devrons réaffecter presque 26 p. 100 de notre budget pour atteindre tous nos objectifs.
Est-ce faisable? Je le crois. C'est faisable parce que nous nous sommes lancés, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans l'initiative de réorganisation la plus avant-gardiste de tout l'appareil gouvernemental.
Dans l'ancien système, une petite entreprise, ou même une grande, devait s'adresser à différents guichets pour faire affaire avec Revenu Canada. Les services fonctionnaient comme des entités séparées. Tout était fondé sur le mandat législatif conféré à une direction particulière de Revenu national. Ainsi, dans le cas des douanes, on trouvait toute la panoplie des activités liées à la facilitation, à l'administration, à la technologie, au recouvrement, aux enquêtes, à l'exécution, aux appels, etc., et c'était la même chose pour l'accise, la TPS, et l'impôt.
À l'automne 1992, quand on m'a demandé de prendre en main l'administration de Douanes et accise et de l'Impôt, les obstacles juridiques à l'intégration étaient tels que je devais cumuler, le même jour, deux ou trois fonctions différentes. Les pouvoirs conférés par la loi ne nous permettaient pas de gérer efficacement selon un mode horizontal. Le projet de loi C-2, approuvé par le Parlement au printemps 1994, a levé tous ces obstacles d'ordre juridique.
Nous avons donc maintenant adopté une approche pleinement intégrée pour la mise en oeuvre de nos programmes. Cela veut dire qu'une petite entreprise, au lieu d'avoir de quatre à sept numéros de comptes ou de recevoir la visite de quatre ou cinq équipes de vérification la même année, bénéficiera désormais d'une approche pleinement intégrée pour ce qui est de l'aide à la clientèle, de la vérification, du recouvrement et des mécanismes d'appel ou de recours. Tout cela nous fait épargner beaucoup d'argent, mais cela fait également économiser de l'argent aux contribuables et au milieu des affaires, car nous réduisons le coût et le fardeau de la paperasse imposée par Revenu national. Pour vous donner une idée de certaines économies proprement incroyables, au cours des cinq ou six dernières années, avant même la réorganisation, la technologie à elle seule nous a permis de faire l'économie d'environ 2 000 équivalents temps plein.
Nous avons modifié les façons de faire à la frontière. La Loi sur les douanes a été élaborée en 1967. Il est fascinant de constater qu'elle reflète encore aujourd'hui les concepts qui avaient cours à l'époque en matière de commerce international. Le système de stockage au moment adéquat n'existait pas encore. Tout devait être inventorié article par article et documenté sur papier à la frontière. En 1867, personne n'avait même encore imaginé le traitement informatisé des demandes.
Cela faisait augmenter de façon vertigineuse les coûts des entreprises, des commerçants, des importateurs et des exportateurs. Donc, dans le cadre de la réorganisation, nous avons décidé de mettre à l'essai le prédédouanement informatisé des biens sur le plan commercial, tout en veillant scrupuleusement à l'observation de nos lois et à la protection de notre souveraineté. Cela a été mis à l'essai dans un premier temps, sur le plan administratif, dans le secteur de l'aérospatiale et pour les trois fabricant d'automobiles.
Grâce à la réorganisation de nos activités à la frontière, ces deux secteurs nous permettront de réaliser des économies d'environ 180 millions de dollars au cours des 10 prochaines années. C'est incroyable. Ces économies et cette réorganisation du volet commercial nous permettront d'affecter les ressources humaines et matérielles à des domaines plus prioritaires, qu'il s'agisse des contacts avec les gens ou de l'exécution de la loi à la frontière ou des questions d'exécution de la loi et de facilitation ailleurs.
Je pense qu'il est possible d'atteindre les objectifs considérables de réduction du déficit qui nous ont été fixés. Nous avons trois ans pour y arriver. Il faudra pour cela utiliser davantage la technologie et remanier de fond en comble nos activités au ministère ainsi que nos rapports avec l'extérieur, qu'il s'agisse des particuliers ou des milieux d'affaires.
Chaque année, nous déposerons un rapport au Parlement sur notre rendement et sur les questions qui font problème. Si nos objectifs de réduction du déficit semblent devoir influer sur l'exécution de notre mandat, nous ne manquerons pas de le signaler aux parlementaires et au gouvernement.
En réponse à la question de M. Abbott, j'aimerais apporter des précisions sur notre budget. Ces renseignements figurent dans la courte annexe des perspectives concernant Revenu Canada. Vous y trouverez des gains d'efficacité rendus possibles par les améliorations technologiques. Il y a lieu de signaler... Permettez-moi de vous faire remarquer ceci. Je me reporte à la page 5 de l'annexe.
Dans le contexte des ressources modestes qui nous ont été accordées, de l'austérité budgétaire et des attentes de la population ainsi que des pressions exercées pour que nous nous déchargions de nos mandats législatifs, si vous examinez la vérification, par exemple, et si l'on compare la progression de 1991-1992 à 1993-1994, on s'aperçoit que nos ressources n'ont augmenté que de 13 p. 100. Par contre, nos vérifications ont augmenté de 24 p. 100, ce qui représente donc un important gain de productivité. Il en va de même pour les enquêtes spéciales. Le programme de RS et DE et la façon dont il est géré à 52 p. 100, etc. - c'est vers cela que l'on s'oriente à l'avenir, d'une année à l'autre, pour arriver à réduire notre déficit.
Passons aux principaux changements de productivité.
Il y a lieu de noter, à la page 6, que même si l'on considère seulement un certain nombre de dossiers examinés par équivalent temps plein, il y a eu un gain de productivité de 10 p. 100 dans le secteur des vérifications. Pour les enquêtes spéciales, cela s'établit à 14 p. 100, pour la RS et DE, à 13 p. 100 et pour les demandes de renseignement du public, il y a une augmentation de 4 p. 100. Pour le traitement des rapports d'impôt, c'est 16 p. 100, etc. À la page 7, il y a d'autres gains de productivité pour ce qui est des cotisations supplémentaires par équivalent temps plein. M. Abbott m'a demandé de donner des précisions sur les dépenses non salariales. Elles se trouvent à la page 9. Dans l'ensemble du budget de Revenu national, la masse salariale s'élève à 1,7 milliard de dollars. Cela représente 70 p. 100 du budget. Les dépenses non salariales ne représentent que 19 p. 100 du budget et s'établissent à 422 millions de dollars. Cette somme est répartie comme suit: services professionnels et spéciaux, affranchissement, impression, déplacements; tout ce qui est absolument nécessaire pour assurer la bonne marche du ministère. Le paiement de transfert qui s'élève à 94 millions de dollars - c'est-à-dire 4 p. 100, M. Abbott - c'est le transfert au ministère du Revenu du Québec pour l'administration de la TPS au Québec.
À la page 11, pour ce qui est des services professionnels et spéciaux qui intéressent M. Abbott, je vous en ai donné la ventilation: services juridiques, formation et éducation. Dans la catégorie des services juridiques, je signale aux députés que les 7,2 millions de dollars comprennent environ 4,4 millions de dollars qui servent à payer nos agents et à financer les poursuites et 1,2 million de dollars pour les dépens, ainsi qu'environ 1,6 million de dollars pour d'autres services juridiques - des avis, notamment.
Il va sans dire que les services de formation et d'éducation sont très importants pour nous. Même si nous avons des moyens assez importants à l'interne pour la formation et le perfectionnement, il nous faut un effectif solidement formé parce que nous nous occupons de lois très complexes et que nous sommes en rapport avec un grand nombre de contribuables chaque année. C'est pourquoi nous consacrons, en plus, environ 10,8 millions de dollars à l'achat de cours, aux services d'experts-conseils et aux frais de scolarité.
Les services de protection, ce sont essentiellement les gardes qui sont postés dans les édifices.
Parmi les autres services professionnels, d'une valeur de 19,7 millions de dollars, figurent les experts-conseils que nous consultons pour les besoins du remaniement ou pour d'autres raisons.
Autre point intéressant, le numéro 7, autres services et frais de représentation. Ces frais de représentation sont minimes mais le reste recouvre des versements de 7,9 millions de dollars à la Société canadienne des postes, 6,6 millions de dollars aux Travaux publics et services gouvernementaux et 1,2 million de dollars en aide temporaire. Voilà donc l'essentiel des services professionnels spéciaux.
M. Abbott: Pendant que j'y pense, pourriez-vous répéter en quoi consiste le chiffre qui passe de 28,3 millions de dollars à 24,8 millions, dans la catégorie autres services et frais de représentation. Pourriez-vous répéter la ventilation?
M. Gravelle: Versements à la Société canadienne des postes, 7,9 millions de dollars; Travaux publics et services gouvernementaux, 6,6 millions de dollars; aide temporaire, 1,2 million de dollars; autres, 12,6 millions, ce qui comprend les frais de représentation à 0,4 million de dollars, c'est-à-dire 0,5 p. 100 du total.
M. William Crandall (sous-ministre adjoint, Finances et administration, ministère du Revenu national): J'aimerais vous préciser, monsieur Abbott, que si la catégorie «autres» est si considérable, c'est qu'il existe un grand nombre de catégories plus petites qui sont codées sous cet article de rapport. Il y a, je crois, une douzaine de catégories distinctes pour ce poste.
M. Abbott: Je trouve un peu curieux que les frais de représentation figurent sous «autres services.»
M. Crandall: C'est la présentation courante des comptes publics...
M. Abbott: Vraiment?
M. Crandall: ...ce sont les articles de rapport et les rubriques utilisés pour presque tout.
M. Gravelle: De plus, nous vous avons donné une récapitulation...
M. Williams (St-Albert): Monsieur le président, j'aimerais continuer de poser des questions sur cette page.
Je constate que votre budget de formation et d'éducation a chuté de façon spectaculaire en 1993-1994, pour passer de 10,8 millions de dollars à 7,3 millions. C'est une réduction d'environ 30 p. 100. De nos jours, au moment où la technologie et la Loi de l'impôt deviennent de plus en plus impénétrables, comment expliquez-vous cette baisse de 30 p. 100 du budget de la formation?
M. Gravelle: Cela ne représente pas nécessairement une réduction de formation à l'interne; il s'agit plutôt de coupures affectant l'achat de services extérieurs comme les services professionnels spéciaux. Nous faisons plus de choses à l'interne. Par le passé, certaines dépenses étaient imputées à l'élaboration de cours et de programmes. Aujourd'hui, nous pouvons faire ce travail à l'interne.
Nous avons - corrigez-moi si je me trompe, Bill - un budget d'environ 45 millions de dollars pour la formation et le perfectionnement à l'interne. C'est très décentralisé. Nous avons deux centres de formation, l'un à Ottawa et l'autre à Rigaud, mais en plus, nous essayons de décentraliser le plus possible les activités pour faire des économies. La formation se donne d'un bout à l'autre du pays, ce qui permet de faire suivre tous les ans des cours de formation et de perfectionnement à un plus grand nombre de fonctionnaires. En moyenne, l'employé bénéficie d'environ six jours de formation par an, des cours de recyclage et autres.
M. Crandall: J'aurais une autre chose à ajouter, si vous me le permettez.
Certains des chiffres de 1993-1994 concernent un événement ponctuel, la mise sur pied du Centre de traitement de la TPS à Summerside. Ils incluent sans doute certains montants pour la formation et certainement pour d'autres catégories également.
Donc, sur cette période de trois ans, la baisse n'est peut-être pas aussi prononcée qu'il paraît. Cependant, la baisse entre 1994-1995 et 1995-1996 réflète nos efforts pour réduire le budget et réaliser ainsi des économies.
M. Abbott: La baisse la plus spectaculaire, naturellement, se trouve au point 4, «autres services professionnels», où le montant est passé de 19,7 millions de dollars, à 3,7 millions de dollars. Que s'est-il passé?
M. Crandall: C'était pour les services professionnels liés à la mise sur pied du Centre de traitement de la TPS à Summerside.
M. Abbott: Merci.
M. Fewchuk: Avez-vous dit que vous avez un centre de formation à York?
M. Gravelle: Non. À Rigaud et à Ottawa.
M. Fewchuk: Il y a combien d'années que celui de Rigaud a été établi?
M. Gravelle: C'est Allan Cocksedge qui peut m'aider.
M. Allan Cocksedge (sous-ministre adjoint, Direction générale des services frontaliers des douanes, Revenu Canada): Il y a 15 ans.
M. Fewchuk: Et pourquoi ce centre a-t-il été établi? Pour quelles raisons officielles a-t-on ouvert ce centre? Quelle était la politique sur la formation lorsque ce centre a été créé?
M. Cocksedge: À l'époque, la formation des agents des douanes se faisait de façon ad hoc. Au ministère comme ailleurs au gouvernement, on a décidé à l'époque de procéder de façon beaucoup plus systématique et de donner à tous une formation professionnelle de base. Naturellement, le poste d'inspecteur des douanes est un poste très spécialisé.
La construction du centre a coïncidé avec la mise sur pied d'un cours de formation de 16 semaines que devaient suivre, à l'époque, tous les agents des douanes. Depuis, la durée du cours est passée à 14 semaines et le contenu est revu périodiquement.
Tous les agents des douanes qui sont embauchés de l'extérieur doivent suivre ce cours de formation au tout début de leur carrière. C'est également au centre que l'on offre des cours de formation spécialisés dans le domaine de l'application de la loi, et c'est là que nous formons nos maîtres-chiens et d'autres catégories de personnels qui s'occupent de diverses activités d'application de la loi.
M. Fewchuk: Pourriez-vous me faire un tel historique du centre d'Ottawa?
M. Cocksedge: Je connais moins le centre d'Ottawa. Il a été établi à l'appui des activités fiscales.
M. Crandall: Le centre d'Ottawa sert surtout aux activités fiscales du ministère, à ce qui a trait à l'impôt sur le revenu. C'est là que se fait toute la formation technique, professionnelle et de gestion liée à la planification, à la perception, à l'interprétation, à la Loi de l'impôt sur le revenu, etc. Il est situé dans un immeuble de Travaux publics sur le chemin Heron.
M. Gravelle: Ces deux centres... Eh bien, nous ne pouvons même plus parler de deux centres maintenant. C'est une seule et même ressource de formation.
M. Fewchuk: C'est ce que je dis.
M. Gravelle: Nous utiliserons le centre de Rigaud pour tous les cours de formation chaque fois que cela convient, qu'il s'agisse d'un cours de formation en administration fiscale, en administration de la TPS ou en administration douanière, et c'est la même chose pour le centre d'Ottawa.
Je veux tout simplement dire aux députés qu'il serait absurde de penser aujourd'hui que toute la formation du ministère ne se fait qu'à Ottawa ou à Rigaud. Il n'y aurait pas suffisamment d'argent pour faire venir les gens d'un peu partout au Canada afin qu'ils reçoivent cette formation.
Ce qui est plus important pour nous, c'est d'apprendre aux agents de formation à utiliser la technologie pour former les gens sur place, dans chaque bureau local. C'est ce que nous faisons.
Le président: Ce que nous ne pouvons comprendre, c'est pourquoi diable vous n'en n'avez pas établi un à Selkirk?
Des voix: Oh, oh!
M. Fewchuk: Je voulais tout simplement savoir si l'on pouvait en supprimer un....je blague.
M. Gravelle: Nous pourrions peut-être obtenir des contributions du secteur privé pour établir un centre à Selkirk.
Mme Brushett: Faites-vous beaucoup de sous-traitance, et dans l'affirmative, où est-ce que cela serait inclus dans ces chiffres?
M. Gravelle: Nous faisons beaucoup de sous-traitance pour l'impression et la distibution de formulaires. M. Crandall peut parler du budget et expliquer de quelle façon cela se fait. La sous-traitance est beaucoup plus rentable.
Même dans le secteur de l'impression et des publications, les dépenses ont été réduites de façon substantielle au cours des ans. Nous établissons des profils de contribuables en nous fondant sur les T1 produits antérieurement, ce qui nous permet de leur envoyer seulement l'information, la documentation et les formulaires appropriés à leur situation fiscale. Cela a permis de réaliser des économies considérables.
Nous avons, en outre, recours à la sous-traitance pour la fourniture des services informatiques. Nous avons cependant également besoin d'une certaine capacité à l'interne.
Rien n'est affermé lorsqu'il s'agit de traiter des renseignements concernant les contribuables ou de percevoir les impôts. Cela devient extrêmement difficile. Cette question nous a été posée à maintes reprises: pourquoi n'affermons-nous pas les programmes de perception du ministère du Revenu national? Il y a en effet dans le secteur privé toutes sortes d'agences de recouvrement.
C'est une question que nous avons examinée très soigneusement. Il y a deux raisons qui expliquent pourquoi nous ne sous-traitons pas ce genre d'activité. Premièrement, cela serait très coûteux. Il nous en coûte, pour réaliser nos activités de perception, l'équivalent d'environ 2 p. 100 de nos créances. Pour les agences privées, ce coût se situe entre 15 et 30 p. 100.
Ce qui est plus important, du point de vue de la politique gouvernementale, c'est que si l'on sous-traitait la perception, par exemple, on se trouverait à mettre entre les mains d'agences de recouvrement privées et autres quantité de renseignements privés et confidentiels concernant les contribuables. La loi nous interdit de faire cela.
Mme Brushett: Nous en avons discuté maintes fois avec d'autres comités. Vous avez fait valoir que ça n'en vaut pas la peine. Je comprends cela parce que je crois que notre fonction publique est parfaitement capable de faire ce travail.
M. Fewchuk: Et le secteur privé n'est pas toujours la solution à tout. Je ne devrais pas dire cela parce que j'en suis.
Le président: Que voulez-vous faire, monsieur Brien?
[Français]
M. Brien: Vous avez parlé brièvement des formulaires. Depuis quelques années, il y a à l'occasion de petites erreurs dans les formulaires. Est-ce que votre processus de révision des formulaires pourrait être amélioré pour qu'il n'y ait plus d'erreurs comme celles qu'on a constatées dernièrement?
M. Gravelle: J'aimerais vous dire, monsieur Brien, que ce sujet revient chaque année et qu'on investit beaucoup d'énergie et de temps pour assurer la qualité de nos publications.
Il y a eu des erreurs...
Le président: Est-ce que vous n'avez jamais fait une erreur?
M. Gravelle: Errare humanum est. Il y a quelquefois des erreurs d'aiguillonnage. Par exemple, très souvent, lorsque nous envoyons les documents qui ont été revisés et approuvés, non seulement par le ministère, mais également par les ministères provinciaux, parce qu'en matière d'impôt, chaque formulaire et chaque guide tient compte à la fois de la dimension fédérale et de la dimension provinciale, il arrive que des erreurs se glissent au niveau de l'impression. L'impression est souvent entre les mains du secteur privé et là il y a simplement des erreurs techniques qui se présentent. Il va falloir simplement continuer d'être extrêmement vigilant et d'essayer de minimiser ces erreurs.
Fort heureusement, aussitôt que nous dépistons une erreur, nous entrons en contact avec les contribuables visés. Je pense qu'aucun contribuable n'a été pénalisé à cause d'une erreur du ministère.
M. Brien: Qu'est-ce qui va arriver cette année, entre autres pour les résidents à l'étranger qui ont soumis la déclaration en français alors qu'on ne les renvoyait pas à la bonne ligne dans le guide d'impôt? Est-ce que vous allez déceler cette chose au moment du passage à l'informatique?
M. Gravelle: Si. Lorsque nous décelons une erreur qui peut être corrigée au niveau du traitement de la déclaration, nous apportons immédiatement des correctifs et ça se fait automatiquement. Il y a des explications qui sont envoyées aux contribuables pour indiquer les changements que nous avons faits.
M. Brien: Si l'erreur est décelée au début d'avril, mais que vous avez déjà entré des données en mars, est-ce que vous aller revérifier celles qui étaient déjà entrées?
M. Gravelle: Tout à fait. De toute façon, toutes ces erreurs ont été identifiées au tout début, lorsque nous avons envoyé ou distribué les formulaires d'impôt et les guides.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
[Traduction]
Monsieur Gravelle, avez-vous terminé...
M. Gravelle: J'allais seulement dire qu'au cours de la discussion de ce soir, nous serons heureux de vous parler de l'ensemble de nos innovations, qui sont décrites à l'annexe A, ou onglet A de votre cahier; de notre stratégie en matière d'observation de la loi, parce que je crois que c'est critique, très important; et de certains résultats, particulièrement pour ce qui concerne l'économie parallèle.
Nous serons heureux de parler des créances, si cela intéresse les députés. Nous pourrons ensuite discuter des activités qui sont décrites sous l'onglet D et qui entrent dans le cadre de nos initiatives anti-contrebande, parce que cela intéressait vivement M. Abbott lorsque nous l'avons rencontré.
M. Abbott: J'ai reçu des réponses très complètes à un grand nombre des questions que j'ai posées à M. Gravelle après avoir fait une lecture très rapide des documents. Je dois avouer que je n'ai pas eu le temps d'en faire une lecture approfondie et que je n'ai donc pas d'autres questions à poser à ce sujet. Il semble que les questions de conformité, plus particulièrement de conformité à la TPS, ont été très bien traitées.
J'ai quelques autres questions à poser. La semaine dernière, l'un de mes collègues a parlé en Chambre des dons de charité. Supposons qu'un organisme quelconque participe à des activités illicites tout en étant un organisme de charité enregistré. À l'heure actuelle, que peut faire le ministère du Revenu pour régler un tel problème?
M. Gravelle: Nous avons 70 000 organismes de charité enregistrés. D'après la loi, chacun d'entre eux doit déposer un rapport annuel. Ces rapports annuels sont assez précis. Si l'on constate qu'un rapport annuel est incomplet, on demande des renseignements supplémentaires à l'organisme. Un organisme de charité qui ne dépose pas son rapport, ou qui dépose un rapport incomplet, reçoit un avis officiel et risque de perdre son enregistrement. Cette mesure sévère nous permet d'amener les organismes à fournir les renseignements exigés de façon disciplinée.
En outre, nous faisons un certain nombre de vérifications... pas beaucoup, quelques-unes. Ces vérifications sont faites à contrat par les services d'experts-conseils du gouvernement, ce que l'on appelait autrefois Services de vérification Canada, car c'est le moyen le plus rentable d'effectuer ces travaux. En outre, nous soumettons à des vérifications et à une enquête tout organisme de charité qui fait l'objet d'une plainte ou de commentaires, soit dans les médias, soit de la part de particuliers. C'est un domaine complexe qui pose de nombreux défis.
D'une façon générale, le public canadien appuie de façon très active les organismes de charité locaux. La loi ne définit pas ce qu'est un organisme de charité, mais aux fins de l'impôt, la notion d'organisme de charité a évolué au cours des siècles grâce aux décisions de la common law. Lorsque nous recevons une demande, nous devons nous assurer que le but de l'organisme est conforme à ce que l'on considère une oeuvre de charité en droit. C'est en nous fondant sur cette demande que nous acceptons ou refusons d'enregistrer l'organisme.
Nous devons, bien sûr, compter sur le respect volontaire des règles. Compte tenu de l'importance que le public canadien accorde aux oeuvres et aux sociétés de charité, il existe dans ce milieu une certaine discipline qui nous aide à garantir que les organismes de charité enregistrés chez nous respectent la loi.
En outre, les organismes de charité ne sont pas censés participer à des activités politiques ni défendre des droits. D'après nos lignes directrices en matière d'administration, ces organismes peuvent consacrer un maximum de 10 p. 100 de leurs ressources à de telles activités. Nous effectuons également une surveillance dans ce domaine.
M. Abbott: Passons maintenant à un sujet totalement différent: le cautionnement des courtiers en douane. Les questions remontent environ à six mois. Le problème a-t-il été résolu?
M. Gravelle: Il l'a été...
M. Abbott: À la satisfaction de tous, à votre avis?
M. Gravelle: Je le crois, monsieur Abbott. Aucun courtier n'a été jusqu'à présent incapable d'obtenir les garanties nécessaires. Nous avons tenu des consultations très étendues auprès des courtiers. Nous avons eu de longues discussions avec les importateurs et les sociétés de cautionnement, et elles se poursuivent.
Notre régime protège les importateurs, les courtiers et, bien sûr, les revenus de la Couronne. Nous avons augmenté le plafond à 10 millions de dollars, c'est vrai, mais ce plafond ne s'applique pas à tous les courtiers. Cela dépend du volume d'affaires et de transactions au cours d'un mois donné.
Autre élément important, le régime est suffisamment souple, car les courtiers peuvent maintenant prendre certaines dispositions avec leurs clients, les importateurs, lorsque ceux-ci négocient les dispositions de cautionnement avec nous ou font directement les paiements chez nous. Le régime a donc une certaine souplesse. Ce n'est pas le régime idéal de l'avenir, mais nous étudions également cette question dans le cadre de l'examen de la Loi sur les douanes.
M. Abbott: Excusez-moi de vous avoir posé l'une des autres questions - je ne m'étais pas rendu compte que c'était dans les documents, mais ça y est peut-être. Je vous avais demandé si, dans l'hypothèse où vous auriez 50 millions de dollars et que vous puissiez utiliser cette somme à interdire l'arrivée d'armes au Canada par la frontière, comment vous dépenseriez cet argent? Avez-vous répondu à cette question ici?
M. Gravelle: J'y ai beaucoup réfléchi. Pour commencer, permettez-moi de dire que je ne saurais tout simplement affirmer que nous utiliserions... Pour commencer, je dois présumer que le Parlement nous accorderait 50 millions de dollars supplémentaires.
Une voix: Jamais.
Une voix: C'est une hypothèse.
M. Abbott: Non, le Parti réformiste souhaite donner 50 millions de dollars.
M. Gravelle: Si le Parlement décidait de me donner 50 millions de dollars et que cette somme devait être consacrée à une fin bien précise, comme c'est le cas lorsque vous approuvez le Budget principal des dépenses, il faudrait bien sûr utiliser cette somme aux activités d'exécution et d'interdiction à cette fin-là. Toutefois, ce ne serait peut-être pas nécessairement la solution.
Ce que nous essayons de donner aux Canadiens, foncièrement, c'est l'administration la plus disponible, responsable, transparente et rentable des revenus. Nous devons toujours établir un équilibre entre le fait de faciliter la tâche de nos clients, d'une part, et, d'autre part l'exécution et une saine gestion qui permette à l'organisme de fonctionner.
Mesdames et messieurs, aucun organisme du secteur privé au Canada - dans tout le Canada, croyez-moi - ne doit assumer le même volume de travail chaque année au niveau des activités et des interactions avec les particuliers, les voyageurs à la frontière ou les sociétés. Les chiffres que vous trouvez dans vos documents, au tout début de l'aperçu, sont astronomiques. Nous devons appliquer plus de 185 lois et règlements qui sont tous très complexes.
Le système global ne se fonde pas sur une optique policière, mais plutôt sur le respect des citoyens canadiens et sur l'espoir qu'ils respecteront les règles en bons citoyens. Pour pouvoir se conformer à des règles aussi complexes, il faut que les citoyens soient bien informés. Pour cela, ils ont besoin d'aide. Nous croyons que l'administration de Revenu national Canada - et cela a bien fonctionné jusqu'à présent - a la très importante tâche de former les Canadiens à l'autoévaluation, de faciliter cette autoévaluation, de faciliter cette autoévaluation et de fournir aux citoyens les outils nécessaires à cette fin.
M. Abbott: Mais lorsque, avec le plus grand respect, j'ai posé la question au ministre en Chambre, à savoir que... si je me rappelle bien, il s'agissait d'envoyer les gens à Victoria, ce qui, avec les frais de déplacement, entre autres, coûtait un quart de million de dollars. Il a répondu que les douanes constituent le premier front de défense des Canadiens, etc. Par la suite, j'ai reçu une lettre du porte-parole de l'Association canadienne des policiers. Il disait dans sa lettre ne pas être tout à fait d'accord avec les propos du ministre. En fait, j'ai trouvé sa réponse très intéressante. J'ai également reçu trois ou quatre coups de téléphone...
M. Peterson (Willowdale): Vous a-t-il dit également qu'il était en faveur du contrôle des armes à feu?
M. Abbott: J'y arrive.
J'ai également reçu trois ou quatre coups de téléphone anonymes - auxquels on n'attache généralement pas grand crédit; mais néanmoins - il s'agissait de personnes prétendant être des agents des douanes et qui déclaraient que tout cela c'était de la foutaise, que les agents des douanes ont pour seul travail de souhaiter la bienvenue aux gens et de percevoir les taxes.
C'est pouquoi je demande si, dans l'hypothèse où vous auriez 50 millions de dollars de plus, qu'est-ce qui pourrait être fait pour concrétiser ce qu'a dit le ministre du Revenu?
M. Gravelle: Lorsque nous disons que nous sommes la première ligne de défense, c'est vrai, mais il faut reconnaître que nous partageons une frontière commune non-défendue de 7 000 kilomètres avec nos alliés et partenaires commerciaux, les États-Unis d'Amérique. Nous n'avons qu'un certain nombre de bureaux des douanes sur cette longue frontière. Si l'on décidait de consacrer 50 millions de dollars supplémentaires pour la police à la frontière, cela ne représenterait pas une grande différence, parce que la frontière, cela se gère sur toute la longueur.
Je sais que la question des armes à feu est une question très sérieuse qui préoccupe beaucoup et il faut savoir comment pouvoir contrôler les importations d'armes à feu que fait Revenu Canada à cet égard. Certaines de ces armes à feu sont apportées légalement au Canada. Dans notre documentation, particulièrement à la dernière page, on a donné la liste de toutes les mesures de surveillance en matière d'importation et d'exportation des armes à feu.
En ce qui concerne la contrebande et les problèmes en matière fiscale, aucune dépense gouvernementale ne pourrait permettre de résoudre le problème en s'attaquant à l'aspect policier de la chose. C'est impossible. Nous avons déjà le Code criminel, les lois municipales et provinciales, le code de la route. Il est absurde de penser qu'aucune infraction à ces lois ne sera commise et qu'aucun contrevenant ne s'en sortira. Nous pouvons installer des policiers à tous les coins de rue dans toutes les villes du Canada.
J'en reviens une fois de plus à mon thème central qui est celui de s'assurer que les citoyens canadiens soient responsables, qu'ils sachent quels sont leurs devoirs, qu'ils développent un certain civisme. C'est la raison pour laquelle je crois qu'en gérant les revenus, nous pouvons nous occuper à la fois de l'application de loi et de l'administration du revenu, et procéder à des économies importantes à long terme, tel que le classement électronique, par exemple.
M. Abbott: Vous ne seriez pas du tout d'accord pour dire que les agents des douanes se contentent de souhaiter la bienvenue au Canada et de percevoir les taxes?
M. Gravelle: Je rejète cette façon de voir totalement et catégoriquement. Nous avons 100 millions de voyageurs par année qui passent par nos frontières, dont 45 à 50 p. 100 sont des Canadiens qui reviennent chez eux. J'ai beaucoup de mal à croire que la grande majorité de ces personnes, des voyageurs, des visiteurs, des voyageurs fréquents, des hommes d'affaires, sont malhonnêtes. D'après les chiffres que nous avons, d'après les activités d'application de la loi, ce n'est pas le cas du tout.
Je crois qu'il est important pour l'image du Canada, qui est celle d'un partenaire commercial important dans le monde, que nous accueillons les personnes qui passent par nos frontières avec le sourire et que nous fassions preuve de grand professionnalisme. Très souvent, je reçois des lettres des députés dont les électeurs se plaignent de n'avoir pas été reçus courtoisement à la frontière par nos agents. C'est la plainte la plus fréquente que nous avons.
Le travail de l'inspecteur des douanes ne se limite pas à souhaiter la bienvenue aux gens. Il s'agit de la première ligne et il faut donc que nous nous assurions que nous agissons non seulement dans le plus strict respect de la loi sur les douanes, mais que nous agissons conformément aux lois des autres ministères comme ceux de l'Agriculture et de l'Agro-alimentaire, de Santé Canada, d'Environnement Canada, etc., et même le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Grâce à la sélection et à la rationnalisation nous pouvons procéder ensuite à d'autres sortes d'examen. La gestion des frontières n'est pas quelque chose de magique et l'on ne devrait pas penser que les inspecteurs des douanes devraient seulement jouer un rôle d'executeurs de la loi ou un rôle d'intermédiaire. En fait, ils remplissent toutes sortes de fonctions.
M. Abbott: À la page 7, à laquelle vous avez attiré notre attention, vous indiquez les mouvements des armes à feu et le genre de contrôle exercé en la matière.
Mais vous devrez sans doute être d'accord avec moi pour dire qu'il n'est pas possible de mettre un frein au nombre d'armes qui entrent au Canada en contrebande à l'heure actuelle.
M. Gravelle: Il y aura toujours des fuites et de la contrebande, que nous investissions 50 millions ou deux milliards de dollars dans des activités visant les armes prohibées aux frontières. Il y aura toujours de la contrebande quand il y aura un avantage économique.
M. Abbott: J'ai posé la même question à M. Cocksedge dans un autre comité. Il n'est pas possible de donner de chiffres à ce sujet, car nous n'avons absolument aucune idée de l'importance de la contrebande. Nous savons qu'il y en a, mais nous ne savons si c'est une goutte ou un fleuve.
M. Gravelle: L'année dernière, nous avons saisi 1 864 armes à feu à la frontière. Cela répond à une de vos questions, monsieur Abbott. La possession de ces armes à feu n'était pas illégale; il s'agissait de citoyens américains qui ne savaient pas que le port d'arme est interdit au Canada.
La contrebande ne se fait pas nécessairement aux points-frontière où nous avons de la surveillance, elle peut s'exercer entre les points-frontières. C'est la raison pour laquelle que les forces policières, les organismes d'application de la loi et la GRC en particulier ont été très vigilants pour s'assurer de mettre au point les stratégies voulues pour s'attaquer à cette contrebande entre les points-frontières.
M. Abbott: Que pensez-vous du statut d'agent de la paix qui pourrait être conféré aux agents des douanes?
Il y a beaucoup de postes-frontières, je pense notamment à Nighthawk en Colombie britannique qui sont surveillés par une seule personne. Je ne pense pas à ces postes-frontières en particulier, je pense plutôt à Windsor, Fort Érié où le problème de l'alcool au volant est important. Les responsables aux frontières ne sont même pas équipés pour pouvoir arrêter ce genre de personnes.
Avez-vous étudié cette question avec tout le sérieux voulu?
M. Gravelle: Nous l'étudions extrêmement sérieusement. Nous avons eu des discussions avec les agences d'application de la loi et la GRC.
Cette question touche à celle des pouvoirs des inspecteurs des douanes aux frontières. Ces inspecteurs ont le statut d'agents de la paix et détiennent les pouvoirs de ceux-ci en matière d'infraction à la Loi sur les douanes; mais pas dans le cas d'infractions relevant du Code criminel. En matière criminelle, l'application du Code relève du procureur général de la province et des forces de police locales. Nous étudions donc cette question dans ce contexte.
Jusqu'où voulons-nous aller en la matière? Les inspecteurs des douanes devraient-ils disposer d'autres pouvoirs conférés aux agents de la paix? Devrait-il y avoir une présence plus visible, plus active dans certains domaines, des organismes d'application de la loi? Nous étudions toutes ces questions à l'heure actuelle.
M. Abbott: Quand croyez-vous avoir réglé cette question?
M. Gravelle: Nous étudions cette question dans le contexte de l'examen de la Loi sur les douanes, comme vous le savez. Cela fait l'objet de consultations externes très poussées avec tous les intervenants dans le domaine des activités aux frontières, qu'il s'agisse d'exploitants d'entrepôts, de courtiers, de négociants etc. ainsi que d'organismes d'application de la loi. Nous continuons nos discussions et nos consultations. Nous espérons avoir terminé notre étude à la fin de l'année civile et nous étudierons la question dans le contexte de cet examen.
M. Abbott: Songe-t-on à un système à deux paliers, un pour nos employés de Nighthwak ou Oroville et un autre pour les points-frontières où l'on a...? Est-ce là une option que vous étudiez?
M. Gravelle: Nous ne la rejetons pas d'emblée. Il s'agit en fait de permutation et de possibilité que nous étudions.
M. Abbott: Que pensez-vous de la question d'armer les inspecteurs des douanes?
M. Gravelle: Je ne crois pas qu'ils devraient l'être. À l'heure actuelle, le gouvernement canadien estime que les inspecteurs des douanes ne devraient pas être armés. Il s'agit-là d'une question de politique publique qui peut être très controversée. Je ne crois pas que cela assurerait une meilleure protection des inspecteurs ou du public à la frontière.
M. Abbott: Je suppose qu'il y aurait en même temps des frais de formation.
M. Gravelle: Oui, et ils seraient relativement élevés puisqu'il faudrait mettre en place une procédure très rigoureuse de filtrage des gens finalement autorisés à porter une arme à feu pour l'exécution des lois.
Je voudrais ajouter une information pour les membres du comité. En ce qui concerne les relations entre les douaniers et les services de police, il existe des ententes locales à tous les postes-frontière au sujet d'une vaste gamme d'activités, allant des mesures requises pour assurer la sécurité des inspecteurs des douanes et du public jusqu'aux mesures d'exécution du droit pénal.
Le président suppléant (M. Fewchuk): Cela me rappelle bien des souvenirs. Lorsque notre municipalité locale a mis sur pied son propre service de police, nous avons dû emmener les agents d'exécution des règlements municipaux devant le procureur général afin de leur faire prêter serment, ce qui était nécessaire pour leur donner le pouvoir d'infliger des amendes et des P.-V.. Nous avons le même problème au niveau fédéral, mais à beaucoup plus grande échelle. Le problème des armes à feu est très délicat. Nous sommes parfaitement d'accord avec vous là-dessus.
M. Williams: Merci.
Monsieur Gravelle, je voudrais attirer votre attention sur la page 6 de la partie III du budget, concernant les programmes. Je vois que le budget de l'aide à la clientèle et de l'examen des déclarations tombe de 548 millions de dollars à 453. Cela s'explique-t-il par une baisse des services?
M. Crandall: Je ne pense pas qu'il y ait une baisse, monsieur. Les 548 millions de dollars représentent le total...
M. Williams: Veuillez m'excuser. Le chiffre est de 590 millions de dollars l'an dernier, contre 548 millions de dollars cette année. Veuillez m'excuser, c'est moi qui me trompais.
M. Crandall: Avant de demander à M. Burpee de vous donner des précisions, je précise qu'il y a manifestement des réductions budgétaires dans ce secteur d'activités. M. Burpee peut vous donner des précisions.
M. Mike Burpee (sous-ministre adjoint, Cotisations et recouvrements, Revenu): Tout ce que je peux ajouter, monsieur Crandall, c'est que nous pensons pouvoir rationaliser la prestation de nos programmes d'information, notamment des programmes de renseignements à la clientèle afin de pouvoir fournir le même type de service, mais de manière plus rentable.
M. Williams: Allez-vous supprimer un nombre important de postes à temps plein?
M. Burpee: On y arrivera inévitablement.
M. Williams: Je constate, à la page 46, que vous allez éliminer près de 400 postes pour l'aide directe aux clients. Revenu Canada n'est pas le ministère le plu populaire.
M. Gravelle: Croyez-vous? Vous m'étonnez.
Des voix: Oh, oh!
M. Williams: C'est le ministère qui envoie les factures. Normalement, on n'entend pas parler des chèques. Quoi qu'il en soit, je vous répète qu'il y a une baisse du service.
M. Burpee: Puis-je ajouter une précision? Il ne s'agit pas seulement de l'aide aux clients, mais aussi de l'établissement des cotisations. Cela s'explique par le fait que nous sommes en mesure de traiter les déclarations d'impôt de manière plus automatisées, notamment grâce à la production de déclarations électroniques. Depuis trois ans, nous avons trouvé le moyen de réaliser des économies importantes, notamment en ce qui concerne les T1, en réorganisant...
M. Williams: Permettez-moi d'intervenir. À la page 46, vous indiquez une baisse d'environ 700 postes en ce qui concerne le traitement des déclarations, alors que les effectifs consacrés à l'aide aux clients vont baisser de 400 postes. Cela représente un recul considérable sur le plan des services directement fournis à la population. Or, je suis fermement convaincu qu'il faut absolument préserver la qualité des services directs à la population. Vous pouvez réduire vos dépenses administratives et vos frais généraux si vous le voulez mais, si vous commencez à réduire le service à la clientèle, vous en constaterez rapidement les conséquences. Comment pouvez-vous garantir le même niveau de services si vous éliminez 10 p. 100 des postes de première ligne?
M. Burpee: Votre objectif est de faire un usage plus efficient de nos ressources humaines et autres. Par exemple, nous envisageons de mettre sur pied des centres d'information, pour éviter qu'il y ait du personnel réservé au traitement des appels téléphoniques dans chaque bureau. Cela devrait nous permettre de faire des économies d'échelle tout en améliorant le service. Il y a bien d'autres secteurs dans lesquels nous pouvons nous réorganiser dans le même sens, c'est-à-dire dans le but de réaliser des économies tout en fournissant un service équivalent, voire meilleur.
M. Williams: Quand vous parlez de service équivalent ou meilleur, avez-vous déjà essayé de téléphoner à Revenu Canada?
Il se trouve que j'étais comptable avant de me faire élire. Lorsque je voulais téléphoner à Revenu Canada, c'était pratiquement impossible d'obtenir la communication. Je suis très sérieux. À Edmonton, il était quasiment impossible de téléphoner à Revenu Canada. À l'époque des déclarations d'impôt, quand les gens ont vraiment besoin de renseignements, c'était impossible. Il m'est arrivé de composer le numéro avec un système de composition automatique, et il me fallait parfois plusieurs jours pour avoir une ligne.
Avez-vous résolu ce problème? Qu'avez-vous fait?
M. Burpee: Voilà précisément les questions dont nous nous occupons. Nous examinons la manière dont fonctionne le secteur privé à cet égard et, comme je l'ai dit, nous attendons un rapport d'une équipe analysant les centres d'appel organisés par diverses entreprises. Nous aurons ce rapport dans quatre à six semaines.
Il y a certains outils technologiques qui nous permettront de faire un meilleur usage de notre personnel tout en répondant à un plus grand nombre d'appels.
M. Williams: Même si vous étiez débordés auparavant?
M. Burpee: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a des solutions. Nous sommes absolument convaincus de pouvoir en trouver.
M. Williams: Allez-vous faire...
M. Burpee: Nous pourrons vous donner des précisions là-dessus l'an prochain.
M. Williams: ... ces changements et réduire votre personnel de 10 p. 100 en ce qui concerne le service à la clientèle?
M. Burpee: Oui, sur une période de trois ans.
M. Williams: On ne parle pas de trois ans, ici. On parle de 3 543 postes pour 1994-1995 et de 3 145 pour 1995-1996.
M. Burpee: Veuillez m'excuser, c'est juste.
M. Williams: Cela fait 10 p. 100 de moins en un an. Croyez-vous pouvoir éliminer 10 p. 100 de postes tout en améliorant le service?
M. Burpee: Comme je vous l'ai dit, nous allons au minimum maintenir le service, mais probablement l'améliorer. Je suis sûr que nous y arriverons.
M. Williams: Voyez-vous, je ne crois pas que «maintenir» le service soit suffisant. Si j'en juge d'après mon expérience personnelle, se contenter de maintenir le service ne nous mènera pas loin.
M. Gravelle: Je dois dire que tout cela représente un défi important pour le ministère, puisque nous recevons environ 17 millions de demandes de renseignements du public chaque année. Pendant la période des déclarations d'impôt - de février à avril - le nombre de demandes de renseignements augmente considérablement.
Pendant cette période de pointe, nous augmentons les heures et jours de service, ainsi que le nombre de numéros de téléphone. Nous avons des lignes réservées de façon à ne pas embouteiller les lignes consacrées aux informations générales, concernant par exemple le crédit relatif à la TPS ou le crédit d'impôt pour enfants.
En outre, les fiscalistes qui connaissent leur affaire ont accès à des lignes directes pour s'adresser à des cadres supérieurs dans les bureaux locaux de Revenu Canada. En ce qui concerne les questions plus complexes, visant des décisions ou des interprétations techniques, il y a des services réservés de l'administration centrale, avec des numéros 1-800.
Nous avons donc recours à diverses stratégies pour faire face à la demande pendant ces périodes chargées. Je conviens cependant qu'il peut être difficile d'entrer en contact avec nous.
Le président: Vous ne pouvez pas faire comme H et R Block et mettre tout votre personnel à pied pendant huit mois de l'année.
M. Crandall: L'un des problèmes est qu'il est difficile de trouver du personnel pendant la période de pointe. Comme vous le dites, la période d'indisponibilité est longue.
Je voudrais ajouter une précision sur le système de composition automatique dont vous avez parlé. En effet, ce genre de système nous cause des problèmes car il produit des embouteillages sur les lignes.
J'ajoute que, lorsque nous examinons la possibilité d'avoir recours à de nouvelles technologies, nous examinons aussi attentivement l'aspect psychologique correspondant, c'est-à-dire les réactions que cela peut susciter chez le client. Nous travaillons avec les sociétés de téléphone pour voir comment économiser de l'argent et rendre le processus plus efficient.
M. Williams: Je comprends les efforts que vous déployez à ce sujet, mais mon rôle est de défendre le contribuable qui ne parvient pas à poser sa question à Revenu Canada. Lorsque cela arrive, il m'est très difficile de lui expliquer que le gouvernement fournit un service efficace auquel le contribuable ne parvient pas malgré tout à avoir accès.
Je voudrais maintenant changer de sujet, monsieur Gravelle. Vous dites que personne, à votre connaissance, n'a dû payer quoi que ce soit à cause d'une erreur du ministère. Cela m'amène à parler de la qualité des renseignements fournis par les bureaux de district, car cela a manifestement coûté quelque chose à l'un de mes électeurs. Il a téléphoné plusieurs fois à Revenu Canada et on lui a répondu à chaque fois qu'il avait droit à une certaine déduction. Quand il a envoyé sa déclaration d'impôt, sa réclamation a été acceptée. Plus tard, il a téléphoné à nouveau à Revenu Canada au sujet d'un autre problème et, quand on a sorti son dossier, on a décidé de rejeter sa réclamation. Cela a continué ainsi quatre ou cinq fois de suite, avec des décisions contradictoires. Finalement, le ministère a rejeté sa réclamation et lui a fait payer de l'intérêt sur le remboursement qui lui avait envoyé par erreur.
Que pouvez-vous donc dire de la qualité des avis fournis au téléphone? Y a-t-il un processus de surveillance à cet égard?
M. Gravelle: Oui, nous avons un processus de vérification interne à ce sujet. Il y a plusieurs années, si je me souviens bien, notre taux d'exactitude était en moyenne de 75 p. 100 à la période de pointe. Cela nous a amenés à mettre en place un système de renseignements à plusieurs paliers. Le premier palier concerne les renseignements généraux, dont s'occupent des employés ayant reçu une formation générale. Le deuxième palier concerne les questions plus complexes, qui sont acheminées à des employés plus spécialisés ou à des cadres supérieurs.
Je dois vous dire que vous avons mis en place une multitude de mécanismes pour faire face à ce genre de situations. Nous avons maintenant, dans chaque bureau de district, un programme de résolution des problèmes en vertu duquel plusieurs agents sont chargés d'éliminer les entraves bureaucratiques lorsqu'un contribuable fait face à un problème de cette nature. Certes, quand on a un effectif de près de 42 000 employés et que l'on traite avec 20 millions de contribuables individuels et 1 million d'entreprises, on opère dans un environnement très complexe où certaines erreurs sont inévitables. Ce qui est important, ce n'est pas d'éliminer absolument tous les risques mais plutôt de gérer les risques et les erreurs afin d'apporter les correctifs très rapidement.
Nous avons donc ce programme de résolution des problèmes, d'avis d'opposition et de procédures informelles. En outre, le législateur a accepté d'inclure des dispositions d'équité dans la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la taxe d'accise. Lorsqu'une pénalité a été imposée ou que des frais d'intérêt ont été facturés à une personne à cause d'une erreur que nous avons commise, nous les éléminons purement et simplement.
Mme Brushett: Je voudrais apporter une précision, monsieur le président. Certes, il y a des plaintes de temps à autre mais, dans l'ensemble, j'estime que Revenu Canada a fait des progrès considérables en matière de service au public. J'ai reçu récemment des lettres de personnes âgées qui ont recours à nos séances d'information sur l'impôt pendant la période de pointe. J'ai été inondé de lettres nous demandant de ne pas réduire ce service que l'on estime extrêmement utile. Il est donc évident que certains de nos fonctionnaires font un excellent travail à ce sujet.
Je voudrais faire une deuxième remarque sur la rapidité avec laquelle nous pouvons envoyer des chèques de remboursement d'impôt aux personnes ayant utilisé le système TED. Bon nombre de comptables et de contribuables ont reçu leur chèque en moins d'une semaine.
J'ai donc la conviction que nous avons déjà beaucoup avancé vers la prestation d'un meilleur service au contribuable, et ce pendant la période de pointe.
M. Gravelle: Je voudrais attirer votre attention sur un succès remarquable, concernant notre système fiscal, et dont on ne parle quasiment jamais. Au cours des années, nous avons mis sur pied un réseau de bénévoles du Revenu national, c'est-à-dire de gens qui travaillent avec nous à l'échelle locale en jouant le rôle de prolongement de Revenu Canada. Ils le font de manière purement volontaire afin d'aider les gens hospitalisés, par exemple. Cette année, nous avons bénéficié des services de plus de 12 000 bénévoles dans tout le pays. C'est absolument incroyable.
Le président: Avez-vous d'autres questions à poser?
M. Williams: Une seule, sur l'annexe 7.
Le président: Je ne voudrais pas vous pousser, mais je voudrais donner aussi la parole aux autres membres du Comité.
M. Williams: C'est juste...
Le président: Très bien. Prenez votre temps.
M. Williams: Merci.
Je n'ai pas eu le privilège de relire le mémoire que vous avez remis aujourd'hui au Comité, monsieur Gravelle, mais je viens d'en examiner l'annexe A, à la page 7, concernant les montants d'impôt supplémentaires perçus par équivalent à temps plein. Il me semble...
M. Gravelle: Vous parlez de l'annexe de notre document général?
M. Abbott: Avant l'onglet A.
M. Williams: Détails du budget supplémentaires.
M. Gravelle: Page 7?
M. Williams: Oui, page 7. Si je comprends bien, vous surveillez de près l'argent qu'obtiennent vos percepteurs. Lorsque vous avez témoigné devant le comité des comptes publics, vous avez cependant affirmé que vous ne fixez aucun objectif chiffré quant aux sommes que doivent obtenir vos percepteurs.
M. Gravelle: C'est une chose de mesurer le rendement, c'en est une autre de dire aux gens qu'ils doivent atteindre un quota particulier pour que nous puissions décider s'ils font bien leur travail ou non.
Nous ne donnons pas de quotas ni d'objectifs chiffrés aux employés de Revenu Canada. Ce serait foncièrement inacceptable. En revanche, nous évaluons constamment notre rendement, afin de pouvoir vous rendre des comptes ainsi qu'au public canadien.
À mon avis, il est tout à fait remarquable que nous puissions informer le public de la qualité du personnel du revenu national, qui a réussi à obtenir des gains de productivité notables, alors que les salaires des fonctionnaires sont gelés depuis plusieurs années et malgré les tensions que produisent dans le milieu de travail les compressions budgétaires et les mesures de réduction du déficit.
M. Williams: Vous dites que vous surveillez cette activité pour pouvoir rendre des comptes, mais que le rendement du personnel n'est pas évalué dans ce contexte. Il est cependant évident que vous suivez de près cette situation.
M. Gravelle: Oui, pour évaluer notre rendement collectif et non pas le rendement individuel des employés.
M. Williams: Vous ne faites pas de surveillance individuelle?
M. Gravelle: Non, ce ne serait pas bien.
M. Williams: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Williams.
Monsieur Brien.
[Français]
M. Brien: Vous avez un grand nombre de crédits d'impôt en recherche et développement à vérifier. J'aimerais que vous me disiez quelles ressources vous allez y consacrer cette année et dans quel délai vous pensez être capables de passer au travers ce travail.
M. Gravelle: Nous avons un programme qui nous permet de traiter des demandes de crédits d'impôt à la recheche et au développement sur une base annuelle, en l'espace de trois mois.
Depuis plusieurs années, nous sommes en mesure d'examiner le profil de chaque demandeur, de sorte que lorsqu'un requérant a déjà soumis des demandes et que la vérification préliminaire n'a présenté aucune difficulté, nous sommes en mesure d'accélérer le traitement de la demande de crédit.
Cette année, il y a eu une modification à la loi, et le ministre des Finances et le Parlement ont approuvé ce que j'appelle la guillotine en ce qui concerne les demandes de rajustement pour le années antérieures. Il fallait que ça se termine en septembre.
Dans ce contexte-là, nous avons reçu, de la part de compagnies ou d'individus qui avaient négligé de faire des demandes de rajustement ou de nous donner les renseignements, au-delà de 20 000 réclamations. Nous estimons que nous serons en mesure de traiter ces réclamations en deça de deux ans, mais nous avons donné l'assurance aux contribuables que, pour ce qui est des réclamations ordinaires de l'année courante, nous allons continuer de les traiter le plus rapidement possible en vertu du programme déjà en place.
M. Brien: Quel est le montant minimal pour émettre un chèque au ministère du Revenu?
M. Gravelle: Ce que ça coûte pour émettre un chèque?
M. Brien: Non, non. Le montant minimal pour que vous émettiez un chèque. Par exemple, si vous me devez 57 cents d'après mon rapport d'impôt, j'imagine que vous ne m'enverrez pas un chèque.
M. Gravelle: On ne vous enverra pas un chèque de 57 cents. Je pense que M. Burpee ou M. Crandall peut m'éclairer à ce sujet, mais si je ne m'abuse, c'est probablement 10 dollars.
M. Burpee: Deux dollars, je pense.
M. Brien: Sur ma déclaration d'impôt, il est écrit qu'en bas d'un certain montant, le ministère n'émettra pas de chèque.
M. Gravelle: Deux dollars.
M. Brien: Qui émet les chèques d'assurance-chômage?
M. Gravelle: L'assurance-chômage.
M. Brien: Le ministère du Revenu ne fait pas l'envoi.
M. Gravelle: Non.
M. Brien: Eux, c'est différent, donc.
M. Gravelle: Voilà!
M. Brien: Je voulais vérifier, parce qu'il y a des gens qui avaient reçu des chèques de 1$, par exemple, qui me posaient la question.
En matière de recherche et développement, pourriez-vous m'expliquer la notion de société en commandite?
M. Gravelle: Voulez-vous qu'on en discute quelques minutes?
M. Brien: Oui, s'il vous plaît.
M. Gravelle: Je peux vous faire une mise à jour.
Dans la Loi de l'impôt sur le revenu, il y avait la possibilité de créer des sociétés en commandite pour promouvoir la recherche et le développement. Il est arrivé que des promoteurs de sociétés en commandite ou de projets de recherche fassent du marketing assez créatif et agressif dans le but d'inciter les gens à se prévaloir de crédits d'impôt.
Au cours des deux dernières années, nous avons fait un examen attentif des demandes de crédit d'impôt dans le contexte de l'opération de société en commandite. Nous l'avons fait parce que nous avons eu beaucoup de plaintes d'individus, de professionnels, de comptables et même d'investisseurs. Ceux-ci ont porté à notre attention des abus dans l'application de cette disposition de l'impôt. J'ai même reçu des représentations de la Commission des valeurs mobilières du Québec et de celle de l'Ontario.
Nous avons donc décidé d'entreprendre un vaste programme de vérification de toutes les sociétés en commandite. Cela nous a amenés à recotiser au-delà de 15 000 investisseurs, plus particulièrement au Québec.
Certains investisseurs se sont rendu compte qu'ils avaient investi dans une société en commandite bidon qui n'avait jamais fait de recherche. D'autres se sont retrouvés dans la difficile position de ne pas avoir participé activement à la société en commandite, ce qui les rendait inadmissibles au crédit d'impôt. Pour d'autres, on a simplement dû faire des ajustements au quantum du crédit d'impôt, compte tenu de l'activité de la société en commandite.
Donc, il y a un certain nombre de contribuables qui sont malheureusement mécontents. J'ai accepté de rencontrer les représentants de tous ces contribuables. Nous faisons présentement un examen attentif par projet, par société en commandite, pour essayer de trouver, avec la plus grande équité possible, une solution à cette question-là.
J'espère bien y trouver une solution d'ici l'été.
[Traduction]
M. Abbott: En préparant une motion à ce sujet, j'ai fait beaucoup d'effort pour trouver quelque chose que la majorité libérale pourrait appuyer, et je crois avoir réussi. Je propose que le crédit 1 du Revenu national, d'un montant de 1 779 862 000$ soit réduit de 9 998 000$, pour être ramené à 1 769 000$... Puis-je me passer de la lecture?
Mon argument est le suivant: on indique, dans le budget des dépenses nettes de 2 136 998 000$, alors que le montant figurant dans le budget déposé par le ministre des Finances est de 2 127 000 000$, soit une différence de 9 998 000$.
Comme nous devons rendre des comptes au public canadien, il serait relativement illogique d'approuver un budget qui est à peu près de 10 millions de dollars supérieur au montant qu'avait prévu le ministre des Finances dans son propre budget. J'espère que les Libéraux pourront appuyer cette motion.
Le président: Pouvez-vous expliquer cette situation, monsieur Gravelle?
M. Gravelle: Je suis sûr que M. Crandall peut le faire.
Des voix: Oh, oh!
M. Crandall: Je vais devoir en trouver une, de toute façon.
Cela s'explique, monsieur Abbott, par le fait que le gouvernement a pris des décisions de dernière minute au sujet d'autres réductions de dépenses, et que nous n'avons pas eu le temps d'en tenir compte dans le budget. J'ajoute que ce n'est pas la première fois que cela arrive. Dans le passé, surtout lorsqu'il y avait coïncidence entre le moment où le budget devait être publié, après le budget fédéral... Ce n'était pas toujours comme cela. Il y avait souvent...
Le président: Avez-vous une objection quelconque à formuler au sujet de la motion de M. Abbott?
M. Gravelle: Quel est le processus normal?
M. Abbott: Je propose de réduire le budget principal du montant que j'ai indiqué, pour que le chiffre global soit le même que celui du ministre des Finances.
Le président: Mais, considérant ce qu'a dit M. Crandall, voulez-vous que nous changions les chiffres ou non, si le budget ne correspond pas à ce qui était prévu, puisqu'on n'a pas eu le temps de faire les changements?
Mme Whelan (Essex - Windsor): Ne pourrions-nous pas approuver le budget en principe, sous réserve du projet de loi budgétaire qui sera adopté à la Chambre des communes?
Le président: Je n'ai aucune idée de la marche à suivre.
Mme Whelan: M. Abbott a choisi arbitrairement les dépenses d'exploitation. Je ne sais pas si c'est à ce chapitre qu'il faudrait imposer une réduction.
Le président: Je suis prêt à suspendre ma décision jusqu'à ce que nous ayons eu le temps d'y réfléchir. Êtes-vous d'accord? Si vous avez une autre motion, pourriez-vous la présenter maintenant?
M. Abbott: D'accord. M. Williams a...
M. Williams: Auparavant, je voudrais poser quelques questions. J'allais proposer une motion, monsieur le président, mais je constate à la page 135 du budget principal...
M. Gravelle: Du budget principal?
M. Williams: Oui. À la page 135, vous parlez de recettes portées au crédit de 114 291 000$. De quoi s'agit-il?
M. John Kowalski (directeur général, Direction de la gestion des ressources, Revenu Canada): Il s'agit des recettes portées à ce crédit. Elles correspondent à certaines activités d'administration et de perception de primes d'assurance-chômage et de cotisations du RAPC que nous exécutons au nom de Développement des ressources humaines et pour lesquelles nous recouvrons les coûts. Ces coûts sont recouvrés conformément à un protocole d'entente que nous avons signé avec le ministère. Ce sont les deux seuls postes pour lesquels il s'agit d'un crédit net, et cela relève du protocole d'entente. C'est automatique. Il y a un relevé détaillé tous les cinq ans, et une vérification annuelle, et c'est tout.
M. Williams: Donc, ces 114 millions de dollars correspondent à la récupération de prestations d'assurance-chômage versées en trop, activités que vous avez réalisées pour DRHC?
M. Kowalski: Il ne s'agit pas de récupérer des sommes payées en trop. Il s'agit de percevoir des cotisations et les primes du RAPC et de l'assurance-chômage.
M. Williams: Par le truchement du programme de déductions à la source?
M. Kowalski: C'est cela.
M. Williams: Bien. La somme a augmenté considérablement par rapport à l'année précédente. Pourquoi?
M. Kowalski: Nous avons révisé le protocole d'entente afin de mieux tenir compte des coûts que le ministère assume au nom de DRHC.
M. Williams: Bien. À la même page, je vois également des dépenses d'investissement mineures de 53 786 000$. De quoi s'agit-il?
M. Crandall: Vous pourriez en trouver une bonne explication à la page 12 de l'annexe du document général. C'est la dernière page avant l'onglet A. À la dernière colonne du tableau, vous trouverez ce chiffre de 53,8 millions de dollars. Vous pouvez voir de quoi il se compose: 3,6 millions de dollars pour du mobilier, etc.
La majeure partie de cette somme concerne du matériel de TED. Dans un ministère qui traite une foule d'informations, il faut un programme régulier d'acquisition de matériel de TED. Nous sommes heureux de souligner cependant que ce poste reflète une baisse sur une période de trois ans, parce que nous obtenons maintenant de meilleurs prix puisque nos commandes sont plus grosses suite à la fusion des ministères.
M. Williams: Vous nous avez dit plus tôt, en ce qui concerne les autres services et l'accueil, que vous aviez des frais de poste de 7,9 millions de dollars, mais je vois également d'autres frais de poste à la même page, au chapitre des biens et services, ainsi qu'à celui des voyages. Je vois également qu'il y a eu des compressions spectaculaires, pour vous amener à juste en-dessous de 29 millions de dollars, mais il vous reste des frais de poste de 56 millions de dollars. Pourquoi essayez-vous donc de cacher 7,9 autres millions de dollars de frais de poste dans la catégorie des autres services et de l'accueil?
M. Crandall: Ce sont les frais que nous devons à Postes Canada pour l'exécution de toutes les activités de perception des droits de douane ou de taxes concernant les colis acheminés dans le système de courrier international.
Voulez-vous ajouter quelque chose?
M. Cocksedge: Non, je crois que cela suffit.
M. Williams: Pour les services professionnels et spéciaux, je vois 100 millions de dollars. C'est une somme considérable. Je parle toujours de la page 135.
M. Crandall: À la page 11 de l'annexe du document en question, nous essayons également de vous expliquer en quoi consiste les «services professionnels».
On voit quelle est la tendance pour trois ans. Le chiffre est toujours 100 millions de dollars, mais cela représente une proportion relativement faible de notre budget de fonctionnement total. Il faut ce montant pour pouvoir remplir toutes les fonctions liées à ces sous-catégories représentées par les services professionnels.
M. Williams: Je ne le trouve pas à la page 11.
M. Crandall: À la page 11 de l'annexe du document intitulé «Perspective», vous verrez le montant de 100 millions de dollars en question. Ce qui nous préoccupe, c'est que la tendance est à la baisse.
M. Williams: Je n'ai pas la ventilation et, comme je l'ai dit, je n'ai pas eu la chance d'examiner ce document à cette occasion.
Ce qui m'inquiète, c'est le deuxième point, au bas de la page et le fait en ce qui concerne les projets secondaires, les ressourses seraient interchangeables et pourrraient être affectées aussi bien aux dépenses liées au personnel qu'aux dépenses affectées aux biens et aux services. Cela vous donne-t-il le pouvoir de passer d'un poste budgétaire à l'autre?
M. Crandall: Oui, et cela fait partie des nouvelles règles établies par le Secrétariat du Conseil du Trésor, et approuvées par tous les ministères et organismes, qui stipulent que les dépenses en capital secondaire pourraient être considérées comme n'importe que autre poste de dépenses du budget de fonctionnement alors que les dépenses en capital importantes ou contrôlées doivent être utilisées aux fins prévues.
M. Williams: Vos dépenses en capital contrôlées ne s'élèvent qu'à 9 millions de dollars alors que vos dépenses secondaires se chiffrent à 53 millions. Vous dites donc que vous pouvez utiliser ces 53 millions pour les postes budgétaires que vous voulez? Est-ce bien cela?
M. Crandall: C'est bien cela.
Les 9 millions de dollars représentent en fait les liquidités prévues pour réaliser certains projets approuvés. Ces dépenses sont plus ou moins bloquées. Le ministère ne peut pas transférer cet argent à d'autres postes sans l'autorisation du Parlement; par contre, les dépenses en capital secondaires sont considérées comme n'importe quel autre budget de fonctionnement.
M. Williams: Monsieur le président, il semblerait que le Conseil du Trésor ne se montre pas bien strict s'il permet à un ministère de faire ce qu'il veut des 50 millions de dollars, d'après les dires du sous-ministre adjoint. D'après la note qui se trouve là, le ministère peut consacrer ces 53 millions de dollars aux dépenses prévues ici ou les dépenser absolument comme il l'entend. Il peut s'en servir pour le personnel, s'il le veut.
Il faudrait peut-être consulter le Conseil du Trésor pour essayer de savoir pourquoi il se montre aussi conciliant.
M. Crandall: Monsieur le président, j'ai peut-être commis une légère erreur. Étant donné que ces dépenses en capital secondaires font faire partie d'un crédit d'immobilisations spécial dans le cas de Revenu Canada, le crédit 5, il faudrait consulter le Parlement pour pouvoir s'en servir à d'autres fins que des immobilisations. Ce n'est que lorsqu'il s'agit d'un faible montant, comme c'est le cas dans certains ministères, que cela fait partie intégrante de leur crédit.
Dans notre cas, il faudrait présenter un budget supplémentaire pour obtenir un transfert de crédit. C'est donc le Parlement qui décide.
M. Williams: Si vous vouliez transférer cette somme à un autre budget, seriez-vous tenu de présenter un budget supplémentaire?
M. Crandall: Oui.
M. Williams: Bon.
Monsieur le président, je crois qu'il y a qu'une motion, que mon collègue a déjà proposée.
Le président: Je vais consulter le secrétaire parlementaire à ce sujet. J'ai envisagé deux possibilités et j'invite les témoins à me dire comment il faut procéder.
Je suppose que c'est un problème qui pourrait se poser pour n'importe quel ministère et c'est à vous d'établir un précédent.
M. Abbott, on pourrait rejeter votre motion et, préciser, au moment de voter pour adopter le budget des dépenses, que nous le faisons «sous réserve de rectifier en fonction du budget». J'ignore quel genre de précédent nous créons sur le plan de l'administration de toutes nos pratiques comptables. Si l'on a toujours procédé ainsi, c'est qu'il y a une raison. Je trouve que ce que vous dites est très sensé.
Je voudrais connaître l'avis de nos témoins.
Sinon, je crois que la majorité d'entre nous rejetterait la motion puis adopterait la motion d'adoption du budget des dépenses, à condition de pouvoir rectifier en fonction du budget. Ainsi on tiendrait compte de ce que vous avez dit.
M. Crandall: Monsieur le président, s'il ne se passe rien, le crédit serait adopté et il serait bloqué par le Conseil du Trésor. Le ministère ne serait pas en mesure de dépenser cet argent. Le comité peut indiquer dans son rapport que cela n'arrivera pas.
S'il fallait présenter un budget supplémentaire, ce qui serait possible pour diverses raisons - on ne sait jamais - , cette somme pourrait être disponible pour d'autres dépenses nécessaires. Comme je l'ai dit, cela est arrivé souvent et le Comité peut noter tout simplement que cet argent serait bloqué et qu'il ne serait pas utilisé.
M. Lacombe travaille depuis des années au Conseil du Trésor. Il pourrait peut-être nous aider.
Le président: Je voudrais que vous nous disiez que faire. Nous avons une motion à mettre aux voix.
M. Abbott: Monsieur le président, j'ai eu l'occasion d'en parler avec mon collègue et je crois que la solution que vous préconisez nous agrée parce qu'elle donnerait les résultats que nous essayons d'obtenir, à savoir de permettre à nouveau aux représentants élus de contrôler les dépenses. Je crois qu'en suivant votre suggestion, on aurait déjà parcouru plus de la moitié du chemin.
Le président: Vous retireriez la motion ou nous...
M. Abbott: Je préférerais procéder comme vous l'avez suggéré.
M. Williams: Monsieur le président, nous voudrions que la motion soit maintenue et qu'elle soit mise aux voix. Nous comprenons la recommandation du Comité où nous nous rendons compte que c'est l'argent des contribuables que nous dépensons, que le ministre des Finances a donné à ce ministère ainsi qu'à d'autres l'ordre de réduire leur budget d'administration en précisant de quel montant.
Nous estimons que si l'on veut conférer une certaine légitimité au processus budgétaire en faisant témoigner certaines personnes et en examinant le budget des dépenses, s'il y a possibilité de réduire celles-ci dans certains secteurs, il faut que cela se fasse dans le courant de l'année au lieu d'avoir affaire à un budget immuable. Nous apprécions beaucoup le fait que le Comité reconnaît que c'est le contribuable qui doit avoir le dernier mot.
Le président: Je m'excuse. Aviez-vous quelque chose à dire?
M. Fewchuk: Je voudrais seulement que M. Lacombe nous donne des conseils. Il travaille au Conseil du Trésor depuis des années. Je voudrais qu'il dise ce qu'il en pense, qu'il dise si nous sommes sur la bonne voie.
M. Barry Lacombe (sous-ministre adjoint, Vérification de l'exécution et des recherches sur l'observation, Revenu Canada): Non, je n'ai pas grand chose à ajouter à ce qu'a dit M. Crandall, à savoir que cet argent serait en fait bloqué. À mon avis, la meilleure façon de procéder consisterait à adopter la deuxième motion, c'est-à-dire celle qui a été proposée par le président.
Le président: M. Abbott, appuyé par M. Williams, propose que le crédit numéro 1, d'un montant de 1 779 milliard de dollars, soit réduit de près de 10 millions de dollars. Je ne parlerai pas des chiffres.
La motion est rejetée
Le président: Madame la secrétaire parlementaire, vous avez une motion?
Mme Whelan: Je propose la motion suivante: que l'on approuve le budget des dépenses en principe, quitte à le rajuster en fonction du budget.
Le président: Sous réserve de le rectifier en fonction du budget. La motion est appuyée par Mme Brushett.
La motion est adoptée
Le président: Y a-t-il autre chose que vous vouliez faire? Permettez-moi de me prévaloir de mes prérogatives. Je crois que nous apprécions tous beaucoup le travail de M. Abbott et de M. Williams, qui ont saisi le Comité de cette question.
Je tiens à dire aux représentants du ministère qu'ils ont fait du très beau travail. J'ai vu beaucoup de mémoires et je dois dire que celui-ci est un véritable tour de force et un modèle pour les autres ministères, car il est très complet et très clair. Je crois que mes collègues de tous les partis ont été très impressionnés par vos connaissances et par votre franchise. Je peux affirmer ceci, et je crois que d'autres le feraient aussi, ne fusse que d'une façon plus discrète: nous avons l'impression que vos explications seront très utiles aux citoyens et aux parlementaires. Merci beaucoup.
M. Gravelle: Merci, monsieur le président. Je voudrais dire un dernier mot. C'est avec plaisir que nous avons fait cela pour vous. Nous l'avons fait également pour faire preuve d'une certaine transparence envers les contribuables et nous continuerons à collaborer avec vous pour rendre notre administration vraiment efficace et utile.
Le président: Merci beaucoup.
Merci à vous, monsieur Abbott et M. Williams.
Merci à vous également, chers collègues.
La séance est levée.