[Enregistrement électronique]
Le jeudi 15 juin 1995
[Traduction]
Le président: Le Comité des finances entame sa première étude des institutions financières au Canada. La base de notre étude est le Livre blanc présenté en février par l'honorable Doug Peters.
Nous nous attendions à ce qu'un projet de loi soit présenté à cet effet aujourd'hui, mais ce ne sera pas le cas. Il est possible que le projet de loi soit déposé à la Chambre des communes avant la fin de la séance. Le projet de loi n'incorporera pas de grands changements par rapport à ce qui était prévu dans le Livre blanc.
Nous sommes impatients d'entendre aujourd'hui du ministère des Finances, M. Nick Le Pan, conseiller spécial du sous-ministre; M. J.R. La Brosse, directeur, Division des institutions financières, ainsi que Mme Patty Avenoff, économiste principale.
Comme je l'ai déjà mentionné, il s'agit là de la première fois que notre Comité se penchera sur la structure des institutions financières et sur un projet de loi à ce sujet. Au cours d'un bref entretien que j'ai eu avec M. Le Pan avant la réunion, celui-ci m'a dit qu'il allait très brièvement nous rappeler la structure qui existait auparavant, c'est-à-dire les quatre piliers du système financier. Il fera une rétrospective, passera en revue le Livre blanc et abordera la question du projet de loi.
Nous vous remercions d'être venus ici aujourd'hui et avons hâte d'entendre votre exposé.
M. Nick Le Pan (conseiller spécial du sous-ministre, ministère des Finances): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux d'être ici.
J'aimerais parler quelque peu des quatre piliers du système financier et de l'évolution de celui-ci. Nous avons également un document d'information que nous aimerions aborder avec les membres du Comité. Nous arrêterons au besoin pour répondre aux questions ou bien nous pourrons répondre à celles-ci à la fin de notre exposé et vous dire ce qu'il en est des propositions du Livre blanc et du contenu du projet de loi.
Jusqu'en 1987, le système financier canadien reposait sur quatre piliers: les banques à charte, sous réglementation fédérale, les compagnies de fiducie et de prêt dont certaines détenaient une charte fédérale et étaient réglementées par le gouvernement fédéral et d'autres par les provinces, le secteur de l'assurance, assurance-vie et assurances générales, sous réglementation fédérale et provinciale, et les courtiers en valeurs, sous réglementation provinciale.
En 1987, à la suite de pressions du marché et de différentes initiatives des organismes de réglementation, particulièrement au Québec et en Ontario, le gouvernement a permis à des institutions et banques étrangères puis canadiennes d'être propriétaires d'entreprises de courtage de valeurs. Après 1987, beaucoup de banques étrangères et canadiennes ont acquis des entreprises de courtage de valeurs, et certaines ont été acquises également par des institutions financières qui n'étaient pas des banques.
Tout cela était dû en partie à certaines pressions exercées par le marché, les courtiers canadiens étant considérés comme ayant une moins bonne capitalisation que leurs concurrents étrangers. Les institutions financières agissaient moins comme intermédiaires en matière d'épargne et le capital était obtenu directement dans les marchés financiers par des petites, moyennes et grandes sociétés. Par conséquent, l'obtention et l'utilisation des capitaux se font beaucoup plus grâce à la participation directe aux marchés, notamment par des courtiers en valeurs et beaucoup moins en faisant intervenir les banques, les compagnies de fiducie, etc., comme intermédiaires.
Au cours des années 1980 également, la question de la propriété des institutions financières était très importante. Cela était dû en partie à certaines transactions très précises comme notamment l'acquisition de Canada Permanent par Genstor.
C'était dû également au fait que le gouvernement du jour s'intéressait à la question de la propriété des institutions financières sous réglementation fédérale. Il se demandait si celles-ci devraient être des sociétés ouvertes ou si l'on pourrait leur permettre d'être la propriété d'un petit nombre d'actionnaires seulement.
Depuis cette époque jusqu'à l'heure actuelle, les banques à charte de l'annexe 1 devaient être des sociétés à grand nombre d'actionnaires et le secteur des compagnies de fiducie et d'assurance était des compagnies à petit nombre d'actionnaires. Il y en avait beaucoup. Jusqu'au milieu des années 1980, les compagnies de fiducie avaient été des sociétés au nombre d'actionnaires assez important et de façon générale il y a eu très peu de grandes sociétés de fiducie dont le nombre d'actionnaires était restreint.
Le débat sur la propriété était un débat très controversé et a été une des raisons pour lesquelles on a décidé d'examiner la réglementation de ces institutions financières au cours des années 1980.
En 1992, on a finalement procédé à une révision fondamentale des lois régissant les institutions financières fédérales. Il s'agissait des modifications à la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés d'assurances, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et la Loi sur les associations coopératives de crédit, étant donné que le gouvernement fédéral réglemente les coopératives de crédit.
Les changements qui se sont produits en 1992 portaient sur quatre questions importantes: tout d'abord, une érosion limitée des quatre piliers. En 1987 se produisait une érosion des possibilités de dépôt des courtiers en valeurs; en 1992, il devenait possible pour les institutions de dépôt d'être propriétaires de compagnies d'assurance, de même que les compagnies d'assurance pouvaient être propriétaires d'institutions de dépôt, y compris les banques, pourvu que ces compagnies d'assurance soient des compagnies ouvertes.
Depuis 1992, on assiste à une situation où les piliers sont érodés de facto. Cependant, cette érosion supplémentaire qui s'est produite en 1992 n'était pas totale. Il n'était pas complètement possible pour les banques ou les compagnies de fiducie importantes d'établir des réseaux pour leurs produits d'assurance, ni d'utiliser des techniques de commercialisation cible pour offrir des produits d'assurance directement aux consommateurs. Ainsi donc, on peut dire que l'érosion des piliers n'était pas totale en 1992.
Dans certains domaines de l'assurance, il était possible d'établir des réseaux complets, c'est notamment le cas de l'assurance-voyage. Les grandes institutions de dépôt sont présentes dans le domaine de l'assurance depuis longtemps et offrent de l'assurance-vie sur hypothèque et cartes de crédit.
L'érosion des piliers a été limitée du fait que les compagnies d'assurance par exemple n'étaient pas autorisées, aux termes de la loi, à accepter les dépôts. Ces compagnies ont élaboré des produits - rentes à terme - qui ressemblent fort aux dépôts des marchés à terme mais qui ne sont pas des dépôts au sens juridique du terme, n'étant pas garantis par la Société canadienne d'assurance-dépôts et la priorité en matière de remboursement est très différente également en cas de fermeture de ces compagnies d'assurance.
De plus, ces rentes ont des caractéristiques différentes des dépôts puisqu'elles ne sont pas directement transférables par chèque. Il n'est pas possible d'écrire un chèque sur une rente à terme. Même si ces rentes ressemblent beaucoup à des dépôts à terme, elles ne le sont pas vraiment et elles ne ressemblent pas non plus à des dépôts à vue.
Cette érosion des piliers a été en grande partie rendue possible parce que différents groupes de compagnies possédaient des filiales dans d'autres parties du secteur.
Le président: Pourriez-vous nous décrire une rente à terme, nous dire en quoi cela consiste?
M. Le Pan: Une rente à terme peut être structurée de diverses façons. Lorsque certains de mes ancêtres en achetaient, ils faisaient une série de paiements, parfois même un seul, après quoi, une série de versements leur étaient faits pendant une période déterminée, voire pendant leur vie entière. La formule était très simple.
Cette formule peut simplement consister à faire un seul paiement pour acheter une rente qui est versée en cinq fois. Il s'agit donc essentiellement d'une rente couvrant les cinq prochaines années. Cela équivaut à un certificat de placement garanti de cinq ans délivré par une société de fiducie ou à un dépôt à terme de cinq ans dans une banque. Mais sur le plan légal, c'est une rente.
Le président: Elle n'est pas protégée par la SADC?
M. Le Pan: Non. Elle l'est par la SIAP dont je parlerai tout à l'heure.
Il est possible d'avoir des rentes à plus long terme. Il peut y avoir toutes sortes de combinaisons du nombre des primes que vous versez et de celui des versements qui vous sont faits.
Les changements de 1992 portaient également sur la question de la propriété. Essentiellement, la politique adoptée par le gouvernement fédéral dans le cadre de ces changements autorisait des formes mixtes de propriété dans le cas des sociétés de fiducie et des sociétés d'assurance. Ces sociétés étaient autorisées à avoir peu d'actionnaires.
Le gouvernement fédéral a maintenu le pourcentage de 10 p. 100 pour les banques à grand nombre d'actionnaires de manière à ce qu'aucun particulier ou regroupement de particuliers ne soit propriétaire de plus de 10 p. 100 d'une banque à charte. Cette mesure a été prise pour diverses raisons, notamment par mesure de prudence. En fait, dans les pays développés, la norme veut, que ce soit de fait ou en droit, qu'il ne soit pas possible d'avoir un petit nombre d'actionnaires dans le secteur bancaire.
Le troisième volet des changements de 1992 concernait l'adoption d'une série d'améliorations aux règles de prudence afin d'imposer des contraintes plus rigoureuses aux sociétés en ce qui concernait leur solvabilité ou leurs transactions avec leurs institutions mères. Par exemple, en 1992, on a adopté un certain nombre de changements visant à interdire les «transactions entre initiés», soit entre une institution financière et son institution mère. Avant 1992, les règles dans ce domaine étaient beaucoup plus lâches dans le secteur des sociétés de fiducie et des sociétés d'assurance.
Il y a également d'autres domaines dans lesquels on a donné plus de pouvoir au surintendant ou imposé plus de restrictions aux institutions. Les règles de prudence comportaient également le renforcement des exigences concernant la régie des sociétés. Les membres de ce Comité ont sans doute entendu parler du récent rapport Day pour la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui portait précisément sur la régie des sociétés. Un des points les plus importants présentés dans le rapport de ce comité avait trait à l'obligation d'avoir des administrateurs indépendants au conseil d'administration des sociétés publiques.
Les changements de 1992 apportés à la Loi sur les institutions financières exigent déjà qu'un tiers des membres du conseil d'administration n'ait aucun lien avec l'institution - ne soit pas des emprunteurs importants et n'ait pas une société ayant signé un important contrat de services de consultation avec l'institution, etc.
En 1992, il y a donc eu divers changements dans le domaine de la régie des sociétés, comme, par exemple, l'obligation d'avoir des membres indépendants aux comités de vérification.
Le quatrième volet de ces changements concernait essentiellement la modernisation des lois. La Loi sur les sociétés d'assurances n'avait été soumise à aucune modification importante depuis 1926, je crois; c'était aussi le cas de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. Entre temps le droit des sociétés avait évolué et s'était amélioré. Un exemple me vient à l'esprit: En vertu de ces lois, il était interdit de tenir une réunion par téléphone. On a donc modernisé ces lois.
D'autre part, en particulier dans le secteur des sociétés d'assurances, on a mieux défini les droits des détenteurs de police. Comme les membres de ce Comité le savent peut-être, les détenteurs d'une police d'une société d'assurances n'ont pas uniquement droit à un prêt ou à un remboursement de leur police à leur décès. Ils ont également droit aux dividendes versés sur les profits de la société.
Les détenteurs de police participants sont comme un peu des actionnaires, mais pas tout à fait. La loi de 1992 leur accordait certains droits à l'information à laquelle les actionnaires ont normalement accès.
Pour résumer grossièrement les changements de 1992, on peut dire que les principaux objectifs étaient d'accroître la concurrence en allégeant les structures afin d'améliorer l'autogestion et aussi d'assurer la supervision provinciale de ces institutions. Il s'agissait aussi de moderniser la loi de manière à l'adapter à l'époque, à lui donner plus de souplesse et à empêcher qu'elle n'entrave les bonnes pratiques commerciales.
La loi de 1992 ne traitait pas essentiellement de certaines questions liées à la sécurité et à la solidité, en particulier dans le cas des faillites d'institutions bancaires. En 1992 il n'y en avait pas encore eu beaucoup. Celles qui s'étaient produites plus tôt, au début des années 80, concernaient des institutions fédérales, les deux banques de l'Ouest qui étaient la Banque canadienne du commerce et la Norbanque. Au moment des changements importants adoptés dans le cadre des révisions de 1992, une ou deux sociétés de ficudie étaient poussées dans leurs derniers retranchements, mais l'on n'avait pas encore été témoins de l'épidémie de faillites qui se sont produites plus récemment.
Cela nous amène donc aux propositions contenues dans le Livre blanc. Elles sont, dans l'ensemble, inspirées par les leçons tirées des examens effectués par les comités parlementaires - y compris le Comité des finances de la Chambre de la dernière législature et le Comité sénatorial - de la situation créée par les principales institutions en difficulté ainsi que des questions découlant du régime de protection des souscripteurs et le régime de l'assurance-dépôts.
Avant d'en venir au Livre blanc lui-même, voudriez-vous que je fasse l'historique ou que nous discutions d'autres questions?
Le président: Vous avez été fort clair. Il n'y a pas de questions. Continuez.
M. Le Pan: Vous avez devant vous un document que je vous invite à feuilleter lentement pendant que je vous parlerai des propositions du Livre blanc et de leur origine.
Une voix: Elles viennent du Parti réformiste.
Des voix: Oh, oh.
Une voix: La nuit a été fort longue.
Le président: Pour ces jeunes, minuit est déjà bien tard.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): C'est ce que nous avons fait après minuit qui nous a demandé de l'énergie.
Le président: Qu'avez-vous donc fait après minuit, monsieur Fewchuk?
Des voix: Oh, oh.
Le président: Allons! Réveillez-vous. Continuons.
M. Le Pan: L'objet de cette proposition était de mieux protéger les intérêts des Canadiens et, comme je l'ai déjà dit, de réagir aux faillites passées en faisant en sorte que le système demeure sain, solide et efficace.
Ce quatrième point s'applique tout particulièrement aux propositions du Livre blanc concernant les systèmes de compensation et de règlement. Plus récemment, depuis le milieu des années quatre-vingt, on attache beaucoup plus d'importance, sur le plan international, à ces systèmes de compensation et de règlement - c'est-à-dire les systèmes qui relient les institutions des marchés - pour faire en sorte qu'ils soient soumis à une surveillance suffisante, et qu'ils soient sains, solides et efficaces sur le plan électronique.
D'où viennent les pressions en faveur de ces changements législatifs? Manifestement, il est indispensable de conserver la confiance du public. J'ai parlé de sociétés en difficulté. À l'échelon fédéral, il s'agissait surtout de la Central Guarantee Trust et de la Confédération-Vie.
Le déficit de la SADC a été un des motifs qui ont inspiré la préparation de ce document. Cet important déficit était dû à des faillites de sociétés ou à l'aide apportée par elle à la fusion de sociétés de fiducie en difficulté ainsi que, dans une certaine mesure, à deux ou trois banques, encore que les premières fussent les grandes responsables.
Le président: Quel est le défict approximatif actuel de la SADC?
M. Le Pan: Si mes souvenirs sont bons, cette dette, qui représente le total des emprunts de la SADC, est d'environ 3 milliards de dollars. Ce chiffre diminue cependant au fur et à mesure que les affaires se règlent.
À la fin de l'an dernier, sa dette cumulée était d'environ 1,7 milliard de dollars. Elle a augmenté depuis d'environ 0,5 milliard de dollars. Le déficit réel de la SADC a été de 590 millions de dollars l'an dernier. Sa dette totale est supérieure à ce chiffre en ce moment, à cause de deux ou trois problèmes qu'elle a dû régler depuis le dépôt de son rapport annuel.
Le président: Ces chiffres sont-ils considérés comme un prêt du gouvernement fédéral à la SADC?
M. Le Pan: C'est en effet un prêt du Trésor à la SADC.
Le président: La SADC est-elle censée atteindre le seuil de rentabilité dans son fonctionnement?
M. Le Pan: En un mot, non, car la SADC a pour mandat de rembourser des déposants puis de récupérer l'argent sur la masse des biens des sociétés en faillite en liquidant ceux-ci. On attend donc de la SADC qu'elle élimine son déficit, mais je ne pense pas qu'il serait raisonnable de s'attendre à ce qu'il soit constamment nul.
Je crois que l'objectif de la SADC est de ramener ce déficit à zéro en l'espace de quatre ou cinq ans. Il est possible qu'elle impose alors le versement de primes afin de constituer un fonds destiné à faire face aux faillites futures éventuelles.
Le président: La SADC n'a donc aucun revenu propre en ce moment en dehors de la réalisation des biens des sociétés en faillite.
M. Le Pan: Son revenu provient des primes annuelles...
Le président: Versées par qui?
M. Le Pan: Par les banques et d'autres institutions participantes, c'est-à-dire essentiellement les banques et les sociétés de fiducie, ce à quoi il faut ajouter la réalisation des biens des institutions en faillite.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): La prime annuelle est-elle proportionnelle aux dépôts?
M. Le Pan: Oui. La prime annuelle est un pourcentage des dépôts assurés, c'est-à-dire des dépôts jusqu'à concurrence de 60 000$. La prime est actuellement de un sixième de 1 p. 100, c'est-à-dire 16 points de base environ.
Mme Brushett: Nous pouvons donc augmenter la prime?
M. Le Pan: Le maximum est fixé par la loi et les règlements de la SADC, et ce maximum est actuellement atteint. La loi qui découlera de ce Livre blanc prévoit la possibilité d'augmenter la prime au-delà de un sixième.
Il appartiendra au Parlement d'en délibérer. Cela permettrait notamment d'éponger plus rapidement le déficit... et d'obtenir un versement plus rapide des primes par les institutions membres.
Ce taux a été augmenté. À la fin des années 1980, il était d'environ un dixième de 1 p. 100; elle a donc crû d'à peu près 60 p. 100 au cours des trois ou quatre dernières années.
Comme je l'ai dit, les rapports du comité parlementaire présentent un examen de certaines des sociétés en difficulté. Il y a sept ou huit éléments de propositions dans le projet législatif. Cette page les résume et, dans les pages qui suivent, je vais les passer en revue de manière un peu plus détaillée.
La première partie du projet est constituée par une série de propositions relatives à l'intervention et au règlement rapides des problèmes des problèmes de certaines institutions financières. Elle prévoit certains changements dans les politiques, mais comporte également des recommandations en faveur de la modification de la loi afin de permettre une intervention plus rapide sous diverses formes.
Dans ce domaine, mais aussi pour les besoins de la reddition des comptes, on propose un mandat légiféré pour le Bureau du surintendant des institutions financières qui n'en a pas maintenant. J'y reviendrai dans un instant.
Les changements destinés à faciliter une clôture plus rapide seraient les suivants: une divulgation accrue exigée des institutions financières en ce qui concerne leur situation; des modifications au régime de l'assurance-dépôts, bien que cela ne soit pas le plus important; la surveillance des systèmes de compensation et de règlement concernant les risques systémiques; des modifications techniques; et l'Office de protection des souscripteurs.
Le président: Qu'est-ce donc qu'un risque systémique?
M. Le Pan: Un risque systémique est le risque que la faillite d'une institution ne se répercute dans le système de compensation et de règlement ou dans les rapports entre les diverses institutions, entraînant ainsi la faillite d'autres institutions.
Le président: Pourriez-vous nous donner un exemple de la manière dont cela pourrait se produire aujourd'hui?
M. Le Pan: Actuellement, toutes les grandes institutions de dépôt sont liées par ce que j'ai appelé les systèmes de compensation et de règlement, en ce sens que, tous les jours, des sommes considérables d'argent circulent entre ces institutions afin de régler les transactions économiques de la journée. Il s'agit là de billions de dollars.
À n'importe quel moment, d'énormes sommes circulent donc, au cours d'une journée, entre les grandes institutions; ces sommes représentent toutes les transactions personnelles et d'affaires qui ont eu lieu.
De même, sur le plan international, il existe des relations entre les banques canadiennes et étrangères, à cause de la compensation et du règlement des transactions sur le marché des échanges, qui représente le côté financier de tous les mouvements internationaux qui ont eu lieu dans la journée.
Un troisième type de système, monsieur le président, a trait à la dette de l'État. L'État émet régulièrement des bons du Trésor et des obligations. Il y a un courant constant, dans les deux sens, entre le système financier et les émetteurs de valeurs.
Prenons le premier exemple que j'ai utilisé. Ces mouvements d'argent servent à compenser toutes les transactions entre les personnes qui ont signé des chèques et celles qui les ont reçus, dans la journée.
Supposons qu'à 13 h 37 une institution soit fermée. J'utilise une heure parce qu'il y a une heure légale à laquelle une grande institution est effectivement fermée. C'est peut-être un peu flou, mais il y a toujours des transactions qui sont arrêtées ou non avant ou après une heure précise. Normalement, on essaie de le faire dans la nuit, mais il y a une heure à laquelle une institution est effectivement fermée.
Il est souhaitable qu'il n'y ait pas d'arrêt ou de renvoi d'un nombre important de transactions dans le système. Lorsque cela se produit, il y a toujours quelqu'un dans une autre institution qui attend.
Beaucoup de ces paiements ne sont définitifs légalement que le lendemain. Donc, je vous ai donné de l'argent en échange de quelque chose, mais cette transaction ne sera définitive légalement que demain. Or je suis fermé.
Que se passe-t-il? Vous êtes là à attendre l'argent que vous pensiez recevoir pour ce que vous m'avez déjà donné. Mais moi, je veux conserver ce que vous m'avez donné. Cela ne va pas dans mes poches, mais le liquidateur de cette institution va le conserver car la tâche de celui-ci est d'assurer la valeur maximum des biens au profit des déposants de mon institution.
Il y a donc maintenant là un risque de réaction en chaîne puisque vous attendez de l'argent que je ne vous ai pas encore payé. Il s'agit de sommes importantes car les mouvements sont considérables.
Les milieux financiers s'efforcent actuellement, par exemple, de réduire le temps qui s'écoule entre le moment où je vous donne quelque chose et celui où vous me compensez de... L'objet serait, par exemple, de régler l'opération dans la même journée.
En ce moment, vous êtes obligé d'attendre le lendemain matin pour cela. Les propositions en faveur d'un système de transfert de grosses valeurs permettraient une compensation et un règlement entre nos deux institutions dans la même journée, qui seraient légalement définitifs.
Donc, à condition de ne pas avoir été fermée au milieu de l'après-midi - je ne l'ai été qu'après que la transaction soit légalement définitive - cela réduit la possibilité d'une réaction en chaîne dans laquelle ma faillite créerait un énorme trou dans votre bilan puisque la somme que je vous dois ne vous a pas encore été payée.
Le secteur privé fait actuellement de gros efforts pour revoir ce système et rendre ces transactions plus efficientes, plus sûres, et plus rapides de manière à ne pas laisser de gros déficits en cas de fermeture d'une institution. Bien entendu, celles-ci ne sont pas nécessairement des institutions canadiennes, mais des institutions d'autres pays qui ont des dispositifs de compensation et de règlement avec des institutions canadiennes à cause du marché des changes ou pour d'autres raisons.
On améliore donc actuellement ces systèmes. Manifestement, les éléments techniques et informatiques y jouent un rôle très important puisqu'ils permettent de traiter un grand nombre de transactions. Ce traitement doit être rapide car il faut s'efforcer de réduire le temps qui s'écoule entre le moment où je vais payer quelque chose et celui où vous êtes effectivement compensé. Nous allons essayer de réduire ce délai.
Il y a aussi la question de la protection des systèmes contre les risques. Pour être certain que le risque de réaction en chaîne n'existe pas, il faut que le système de compensation et de règlement lui-même soit solide, qu'il soit supervisé, qu'il y ait des capitaux et des règlements sur lesquels s'appuyer, et qu'il permette de déterminer le partage éventuel des pertes. Je m'arrête là pour l'instant.
M. Campbell (St. Paul's): Monsieur le président, j'allais poser une question au sujet du système de paiement pour règlement, mais après avoir signalé mon intention, j'ai remarqué que M. Le Pan et les autres présentateurs n'en sont encore qu'au stade de l'introduction des différents points dont ils veulent nous parler.
Préférez-vous que je réserve ma question sur le système de paiement jusqu'au moment où ils seront parvenus à la page appropriée et nous aurons fourni plus de détails?
Le président: Votre question est-elle bonne ou simplement juste?
M. Campbell: Bien sûr qu'elle l'est. Je crois que pour hâter un peu les choses, nous pourrions attendre qu'ils aient présenté leurs divers points avant de poser nos questions, à moins que vous ne préféreriez que nous le faisions pour chaque point?
Le président: Je pense que si M. Le Pan parvient plus tard à un point concernant la question que vous posez maintenant, il pourrait le signaler. Autrement, comme il s'agit d'un premier contact, ma réaction instinctive est de prendre tout le temps nécessaire et s'il nous faut une réunion supplémentaire, je suis certain que M. Le Pan et les autres se feront un plaisir de revenir.
M. Le Pan: Cela ne fait aucun doute.
Le président: Ce sont là des questions qui vont nous accaparer pendant longtemps; il faut donc que nous nous donnions une base solide pour notre examen.
M. Campbell: En deux mots, l'Association canadienne des paiements n'est ni dirigée ni supervisée activement par le gouvernement fédéral; son fonctionnement est assuré par les institutions elles-mêmes, conformément à la loi. Est-ce bien cela?
M. Le Pan: Conformément à la loi, la présidence est assurée par un agent de la Banque du Canada, mais le gouvernement est très présent dans les institutions financières elles-mêmes puisque tous les membres du conseil sont ses représentants.
M. Campbell: Seriez-vous partisan d'une surveillance plus étroite de ce système?
M. Le Pan: Oui. Je crois que l'Association canadienne des paiements s'occupe essentiellement de deux types de paiement. Je définirais les paiements dont j'ai parlé il y a quelques instants comme des paiements de gros. Il s'agit de sommes considérables circulant entre institutions.
Le système comprend aussi cependant ce que j'appellerais des paiements au détail... Par exemple, l'utilisation d'un guichet automatique, son fonctionnement, et les mesures qui permettent de payer les factures dans l'ensemble du système. Voilà le genre de choses dont je parle.
Le projet présenté dans le Livre blanc a fondamentalement trait à la sûreté et à la solidité de la partie du système qui s'occupe des «activités de gros». Ma transaction au guichet automatique ne va certainement pas créer un risque systémique. L'ACP s'occupe aussi de questions de «détail».
M. Campbell: Quelles sont les faillites, les préoccupations ou les raisons qui ont conduit à l'exercise d'une surveillance accrue de ce qui est essentiellement un système dont le fonctionnement est assuré par les institutions elles-mêmes?
M. Le Pan: Je crois qu'il s'agit essentiellement de réduire les risques actuels. Ces systèmes sont relativement nouveaux. L'Association canadienne des paiements créée à l'origine pour les «paiements de gros», a élaboré un système dans lequel les chèques sont compensés pendant la nuit dans les entrailles des édifices à Toronto.
Les responsables de cette supervision - la Banque du Canada, le Bureau du surintendant, et le ministère des Finances - ont tenu des réunions avec l'Association canadienne des paiements qui, au cours des 18 derniers mois, a élaboré ce système de transfert important des valeurs. Les responsables de la supervision ont fixé un certain nombre de conditions importantes pour assurer la protection contre les risques.
Nous avons pensé qu'au lieu de faire cela sans aucun mandat législatif, il était bon que nous déterminions les responsabilités en matière de reddition des comptes et que nous les codifiions par une loi.
M. Campbell: Je tiens à préciser qu'il n'y a pas eu de défaillances de la part de l'ACP; ce qui nous a inspirés, c'est la crainte de ce qui pourrait se produire au fur et à mesure que les choses deviennent plus complexes.
M. Le Pan: C'est exact.
M. Campbell: Nous affirmons à nouveau notre rôle, si vous voulez, mais pas parce qu'il y a eu d'échecs. Ce qui nous a poussés, c'est la crainte du risque systémique dont vous parlez, qui pourrait être amplifié par le fonctionnement des systèmes de paiement.
M. Le Pan: C'est exact. Ce n'est pas parce que quelque chose est arrivé. Il s'agit simplement d'une évolution normale qui se fait aussi dans le reste du monde.
Mme Brushett: Et les activités boursières, seront-elles considérées comme une «opération de gros»?
M. Le Pan: Une bourse des valeurs n'est pas un mécanisme de paiement, car si vous l'utilisez pour acheter des valeurs, la transaction financière proprement dite ne se fait pas par l'intermédiaire de la Bourse. Celle-ci s'occupe uniquement de l'opération boursière, opération qui ne fait pas vraiment partie du système de compensation et de règlement.
Ce système s'occupe de l'argent proprement dit lorsqu'il y a une opération boursière. L'opération boursière porte sur l'échange de certificats d'actions, qui sont d'ailleurs de plus en plus souvent immobilisés.
Mais il y a une autre partie, celle des mouvements d'argent. Où cela se produit-il? Cela se fait par le biais du système de paiement qui permet aux mouvements importants d'argent liés aux opérations boursières de se faire entre les courtiers, par exemple, vers la fin de la journée ou le lendemain au moment où ils font les totaux de ce qu'ils peuvent se devoir ou pas, ou de ce qu'ils peuvent devoir aux banques ou aux sociétés d'assurances qui se livrent à ce genre d'opérations boursières, ce qu'elles font parfois pour leurs clients et parfois pour leur propre compte.
Ces flux monétaires, s'ils sont suffisamment importants, passeraient par ce que l'on appelle le système des paiements à un montant élevé. Si les paiements ne sont pas d'un montant assez élevé, ils ne passeraient sans doute pas par ce système. Il s'agit surtout de superviser le côté pécuniaire de la transaction. La bourse elle-même est réglementée par la Commission provinciale des valeurs mobilières, par les organismes d'autoréglementation et nous n'avons nul désir de nous substituer à eux.
Mme Brushett: Même si la bourse de Chicago est ouverte 24 heures sur 24, ce sont les paiements, les règlements, qu'il faut finaliser dans les 48 heures ou dans un délai donné.
M. Le Pan: Exactement, selon ce que prévoient les règles.
La page suivante parle de l'orientation du mandat prescrit par la loi. Nous avons déjà abordé l'aspect reddition de comptes. On envisage également de préciser le libellé du mandat afin d'indiquer que la faillite d'un établissement ne signifie pas nécessairement qu'il y ait eu une panne du système de supervision.
Le Livre blanc du gouvernement indique clairement que le gouvernement ne s'attend pas à un système exempt de toute faillite. En effet, pour garantir qu'il n'y ait jamais de faillite d'un établissement financier, le niveau de réglementation et de surveillance devrait être tel qu'on paralyserait le secteur, l'empêcherait de prendre les initiatives que suppose un système flexible et compétitif. Le problème est toujours de trouver le juste équilibre entre les deux, mais il apparaît clairement que nous n'envisageons pas aujourd'hui un système excluant toute faillite.
J'ai ajouté le texte du mandat, dont nous n'avons pas besoin de parler en détail. Vous pourrez le lire par vous-mêmes. Un élément important est qu'il indique explicitement que la raison d'être du Bureau du surintendant est de prendre des mesures promptes, et je souligne le mot «promptes».
L'un des éléments du mandat est qu'il incombe au Bureau du surintendant des institutions financières de prendre des mesures promptes, d'agir rapidement, lorsqu'un problème survient. Je ne me souviens plus du terme exact, mais la notion d'identification rapide des problèmes et d'une intervention prompte sont au coeur du mandat proposé. Cela nous ramène à la responsabilité du Bureau et du système de supervision.
Le président: Est-ce que votre motivation était strictement la faillite de Confédération-Vie?
M. Le Pan: Non.
Le président: Il a bien fallu que quelqu'un estime que l'intervention du Bureau par le passé n'était pas assez rapide; sinon, pourquoi apporter ces changements.
M. Le Pan: Le comité qui vous a précédé, le Comité sénatorial des banques et d'autres ont indiqué dans différents rapports qu'il serait souhaitable de bien spécifier qu'une intervention rapide est nécessaire.
Je ne vais pas distribuer des blâmes, monsieur le président, à quiconque. Il est facile d'être clairvoyant après coup.
Une autre motivation est ce que j'ai pu constater, de plus ou moins près, lorsque ces institutions rencontrent des problèmes. Les gestionnaires de ces établissements en difficulté ont toutes sortes d'incitations à retarder la recherche d'une solution. C'est un instinct humain naturel. Ils pensent que quelque chose va survenir qui va les sauver, ou bien qu'il leur faudrait encore 50 millions de capital supplémentaire et ils sont en pourparlers avec des bailleurs de fonds, mais l'accord n'est pas tout à fait conclu ou le chèque est en route.
Je ne blâme pas les dirigeants de ces institutions ou leurs propriétaires, car c'est là une tendance toute naturelle.
La question est que lorsqu'un problème grave survient, à qui va-t-on donner le bénéfice du doute? Va-t-on le donner aux propriétaires et dirigeants pour leur donner plus de temps pour régler leurs difficultés, ou bien donne-t-on le bénéfice du doute au surintendant afin qu'il intervienne pour mettre le holà, pour récupérer l'argent des déposants et assurés tant qu'il en reste encore? En insistant sur la rapidité de l'intervention, on dit que les assurés et déposants doivent passer en premier.
Mme Stewart (Brant): Il s'agit donc de privilégier cette décision à l'exclusion de toute autre considération, notamment politique et Dieu sait quoi encore. Voici donc la directive qui est donnée.
M. Le Pan: C'est juste. Exactement.
D'après ce que j'ai observé sur cinq ou six ans, on semble postuler que si un établissement fait faillite, que cette faillite débouche sur une liquidation ou sur une fusion assistée, on en conclut d'office que le système de supervision a fait défaillance.
Ce n'est pas non plus un climat très sain pour ceux qui gèrent le système de surveillance. Si c'est cela la norme qu'ils sont censés atteindre, eux aussi se mettent à espérer quelque solution miracle. Tout cela se tient et l'aspect psychologique est important.
Mme Brushett: Comment mesurez-vous la qualité du système de supervision, qu'il s'agisse de la partie surveillance...
M. Le Pan: Me demandez-vous comment on assure le contrôle de la qualité?
Mme Brushett: Oui, périodiquement ou après coup.
M. Le Pan: Nous faisons le point. Nous procédons à des autopsies. Je suis sûr que, lorsque des problèmes se seront posés, vous-mêmes voudrez demander des comptes au surintendant.
Une autre chose que nous avons faite dans cette documentation, c'est de dresser une sorte de guide, dont vous voyez une illustration à la dernière page. Il montre les étapes du processus d'intervention. Il indique de façon plus transparente que par le passé le processus suivi par le surintendant et la Société canadienne d'assurance-dépôts face à une institution financière en difficulté.
On voit les différentes étapes, jusqu'à l'insolvabilité imminente et la liquidation éventuelle; quelles sont les mesures normales prises à ces différents niveaux. C'était l'intention des institutions elles-mêmes, des membres de ce comité aussi, et un certain nombre de mesures sont spécifiées. Parvenu à un certain stade, on voit que l'institution est censée déposer un plan d'entreprise montrant comment elle compte trouver des capitaux et...
Mme Brushett: Est-ce que cette démarche est fondée sur des cas classiques comme la faillite de Confédération-Vie?
M. Le Pan: Cela a été élaboré sur la base de l'expérience.
Mme Stewart: Juste une précision. Cela revient à dire que le Bureau du surintendant doit décider uniquement sur la base des faits, de la situation d'une institution financière en particulier, sans se préoccuper de savoir si l'on est en plein milieu d'une campagne électorale.
M. Le Pan: Oui, c'est son travail.
Mme Stewart: Il ne doit donc tenir compte d'aucune autre considération?
M. Le Pan: C'est juste.
Selon la loi actuelle, pour fermer une institution, il fallait l'aval du ministre. Avant que le surintendant ne puisse prendre le contrôle d'une institution, le ministre devait s'assurer que les conditions énoncées dans la loi étaient remplies, à savoir essentiellement l'existence d'un problème de solvabilité, et que l'institution a pu exposer son point de vue.
Nous apportons un changement mineur à ce mécanisme, pour modifier les raisons sur la base desquelles le ministre doit se prononcer sur l'intérêt public, afin qu'il n'ait plus à former un jugement sur la solvabilité. On précise donc que les ministres sont tous...
Mme Stewart: Autrement dit, le ministre ne se prononce plus sur la solvabilité, il applique la directive ici.
M. Le Pan: Les ministres peuvent encore intervenir lorsqu'ils pensent qu'il n'est pas dans l'intérêt public que le surintendant prenne la mesure envisagée, mais ce sera dans des circonstances très limitées, si cela arrive.
M. Fewchuk: Est-ce qu'il peut y avoir là une lutte d'influence?
M. Le Pan: Non, je ne pense pas. Ce n'est pas tant une question de lutte ou d'influence que de préciser les rôles de chacun. Le rôle du surintendant est de se préoccuper de la sécurité et de la solvabilité.
Celui du ministre est d'être un garde-fou. Supposons qu'il y ait eu violation de procédure, pour une raison ou pour une autre. Je ne dis pas que cela va arriver, mais c'est possible. Cela sera englobé dans la notion générale d'intérêt public.
Si, pour une raison ou pour une autre, il y avait une raison très prépondérante, dans l'intérêt public, de ne pas fermer une institution, ce ne pourrait être que parce que le gouvernement est prêt à injecter des fonds. C'est mon point de vue personnel, car autrement quelle raison pourrait-il y avoir d'empêcher le surintendant de procéder à la fermeture ou à la fusion de l'institution s'il a déterminé que celle-ci est dans une impasse financière? Mais c'est une possibilité qu'il faut à tout le moins prévoir et il faut qu'un certain nombre de garanties de procédure soient données.
Mme Stewart: Est-ce le surintendant qui prononcera ce jugement avant une intervention ministérielle?
M. Le Pan: Le système énoncé ici est que le surintendant forme ce jugement, sur la base des faits. L'avant-projet de loi figure à l'arrière du Livre blanc. Il prévoit que le surintendant demande à un tribunal de prononcer la liquidation d'une institution, à moins que le ministre ne décide que ce ne serait pas dans l'intérêt public, ou quelque chose du genre. C'est une double négation. Mais ils en discuteront au préalable.
Techniquement, le ministre ne fait pas une détermination préalable pour consulter ensuite les institutions. C'est le surintendant qui procède au cas par cas, sur la base des faits et en fonction des institutions.
M. Fewchuk: Qui nomme le surintendant? Qui le met à la place qu'il occupe?
M. Le Pan: Il est nommé par le gouvernement. Il est nommé par décret pour un mandat de sept ans.
Mme Brushett: Je veux revenir au rôle du surintendant une dernière fois. Procède-t-il à un examen annuel des institutions, pour leur donner une cote - trois étoiles, une étoile, peu importe - de telle façon qu'il y ait un dossier permanent?
M. Le Pan: Oui. En fait, la loi l'oblige à procéder à des inspections régulières des institutions. Il dispose d'un important personnel pour cela. Il peut faire appel à des experts-conseils externes. Il procède à des examens réguliers de la situation des institutions. Il y a un système de cotation qui tient compte des avoirs, des liquidités, de la gestion de l'institution, de ses revenus, etc.
Mme Brushett: Que se passe-t-il lorsqu'une institution a accordé trop de prêts à l'étranger à un pays qui ne pourra sans doute pas les rembourser? Que fait-il dans ce cas? Est-ce qu'il déclenche un signal d'alarme, ou bien interdit-il carrément ces prêts?
M. Le Pan: Le guide d'intervention dont j'ai parlé, qui n'a pas encore été publié, montre bien que l'intervention est graduelle. La loi autorise le surintendant à prendre une ordonnance contraignante, qui a valeur juridique, enjoignant l'institution à ne pas faire telle ou telle chose. Mais, normalemnt, il ne commence pas par là. Il commence par dire à la direction ou au conseil d'administration: voici les résultats de l'examen. Voici la cote que je vous attribue. Voici où je décèle des problèmes, et j'aimerais votre réponse. Je vous demande un engagement de régler ce problème dans tel ou tel délai ou de ne plus faire telle ou telle chose.
Il commence donc normalement par un processus officieux avant de passer aux mesures contraignantes... Je parle des cas où l'institution n'enfreint pas encore la loi. Celle-ci prévoit certaines limites spécifiques que l'institution ne peut légalement franchir.
Mme Brushett: Est-ce qu'il interviendra également, par exemple, s'il estime, au vu du bilan, que la société a un trop investi dans l'immobilier et si cela lui paraît imprudent. Va-t-il intervenir et dire au conseil d'administration...
M. Le Pan: Le mandat précise bien que le rôle du surintendant n'est pas d'intervenir dans la gestion courante de l'institution. Celle-ci relève de la direction et du conseil d'administration. Le surintendant va leur faire des observations, mais il ne leur dira pas que tel ou tel placement est imprudent. En revanche, il émettra des lignes directrices sur la concentration, par exemple. Il leur dira que, pour ce qui est de la concentration des prêts, les institutions sont censées, de par la loi, avoir un portefeuille diversifié, prudent. Si le surintendant estime que la règle de prudence pour l'ensemble du portefeuille n'est pas respectée, un problème se pose et demandera ce que la compagnie compte faire pour y remédier. Mais le surintendant ne va pas gérer l'institution. Cette gestion est l'apanage de la direction et du conseil d'administration.
Le surintendant peut faire part de préoccupations, et il y a évidemment un peu de flou à cet égard. Il serait très coûteux que le surintendant épluche en permanence tous les comptes de ces institutions et connaisse tous les détails... Notre système fait appel aux vérificateurs comptables externes pour déterminer ce qui se passe et faire rapport. C'est un substitut, en quelque sorte.
Aux États-Unis, il y a beaucoup plus d'inspecteurs, qui se penchent sur la microgestion. Mais le coût de la supervision, pour les institutions de dépôt américaines, est neuf fois plus élevé qu'au Canada en proportion des avoirs, car la démarche y est beaucoup plus interventionniste que chez nous. Nous procédons davantage par lignes directrices.
M. Fewchuk: Nous voici donc, nous, les contribuables canadiens, à cautionner ce système sans avoir grand-chose à dire. Le conseil d'administration peut faire ce qu'il veut.
M. Le Pan: Le contribuable canadien ne cautionne pas vraiment...
M. Fewchuk: Si, nous cautionnons les pertes, jusqu'à concurrence de 60 000$.
M. Le Pan: Oui, mais ce n'est pas le contribuable canadien qui paye. Ce sont les institutions qui payent.
M. Fewchuk: Nous ne venons pas au secours des déposants.
M. Le Pan: Non, nous assurons une protection jusqu'à concurrence de 60 000$, il se peut d'ailleurs que ce soit bien plus, selon la manière dont on calcule.
M. Fewchuk: Et s'il n'y a pas d'argent dans les caisses de l'institution, d'où vient-il?
M. Le Pan: Qui paye pour ce système? En gros, ce ne sont pas les contribuables. D'ailleurs, une disposition de ce projet de loi permettra à la SADC de ne plus emprunter auprès du Trésor, mais sur les marchés financiers. Le coût du système sera entièrement pris en charge par les institutions et les déposants. Ce ne sont pas les contribuables qui payent.
Lorsque vous dites que nous n'avons pas grand-chose à dire - nous avons au contraire beaucoup à dire. Si vous regardez la Loi sur les banques et les règlements d'application, et le rôle du surintendant avec ses lignes directrices... En fait, dans une certaine mesure, les institutions, en bonne santé financière se plaignent d'une trop grande lourdeur du système, estimant qu'il y a là des règlements ou des règles qui sont inutiles, du point de vue de la sécurité et de la solvabilité.
M. Fewchuk: C'est ce que je voulais préciser. Je vous remercie.
Le président: Herb, vous avez manqué l'un des meilleurs exposés que ce comité ait jamais entendus, mais c'est quand même agréable de vous voir maintenant parmi nous.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): J'espère que vous pardonnerez mon absence. J'ai été pris dans une autre réunion. Je n'ai pas dormi. Je connais aussi pas mal le sujet, et j'aurais quelques questions. L'une est de savoir pourquoi diable vous n'avez pas de coassurance.
Le président: Pas de quoi?
M. Le Pan: De coassurance.
M. Grubel: Est-ce que vous en avez déjà parlé? Oh, vous êtes encore en train de passer en revue le document.
Le président: Nous ne sommes pas là pour les mettre sur la sellette ou les critiquer. Nous sommes là pour apprendre.
M. Grubel: J'aimerais simplement savoir ce qu'un conseiller technique neutre peut nous dire de ce qui est essentiellement une décision politique. Ou bien y a-t-il un argument économique que vous puissiez faire valoir pour expliquer l'absence de franchise?
M. Le Pan: Souhaitez-vous que je réponde, monsieur le président? Nous pouvons en parler maintenant, si vous voulez.
Le président: Nick, c'est à vous de décider. Vous avez vu comment nous procédons, tout à fait dans le désordre.
M. Le Pan: Permettez-moi de consacrer quelques minutes à l'assurance-dépôts avant de répondre à la question, afin que les autres membres du comité puissent...
Le président: Je m'en remets à vous. Quelle est la meilleure façon de procéder?
M. Le Pan: Si vous allez voir quatre ou cinq pages plus loin.
M. Grubel: Allez-y systématiquement. J'avais l'impression, en arrivant, que vous aviez déjà passé en revue tous les documents.
M. Le Pan: Oui, nous en avons vu des bouts ici et là. Il n'y a pas de problème.
Il y a une page intitulée «Changements au système de l'assurance-dépôts». C'est quatre pages plus loin que là où nous en étions. Désolé, les pages ne sont pas numérotées.
Le Livre blanc propose quelques changements, mais aucun dans les domaines qui intéressent M. Grubel.
Le premier changement proposé vise à autoriser des primes basées sur le risque. Nous avons expliqué il y a quelques minutes comment la SADC est financée: une prime de un sixième de 1 p. 100. C'est un taux forfaitaire sur tous les dépôts couverts. Ce n'est pas en fonction du risque.
Normalement, dans un système d'assurance, si vous avez un assuré qui fume beaucoup ou des conducteurs d'âges différents ou qui ont eu des accidents par le passé, ils paient une prime supérieure, en fonction du risque accru. L'idée ici est de modifier la loi pour permettre à la SADC de faire varier ses primes en fonction du risque présenté par l'institution. Ce ne sera jamais un étalon parfait du risque présenté par l'institution car s'il s'agit de l'institution qui est à deux semaines de sa fermeture pour insolvabilité, la prime ne pourra jamais être à la mesure du risque, mais nous pensons qu'il importe de donner un signal financier à l'institution lorsque ses risques dépassent la norme. C'est un message très important au conseil d'administration et à la direction si la SADC décide de leur appliquer une prime supérieure à celle de tous les autres.
Mme Stewart: Allez-vous nous expliquer les retombées de cette directive sur les investisseurs?
M. Le Pan: Les investisseurs?
Mme Brushett: Les investisseurs vont prendre la fuite, je suppose.
Mme Stewart: Exactement.
M. Grubel: Les investisseurs?
Mme Stewart: Les déposants. Excusez-moi.
M. Le Pan: Les déposants? Je ne sais pas. C'est fascinant. L'expérience faite dans les cas de faillite de compagnies fiduciaires montre que, dans bien des cas, au moment de la fermeture, 95 p. 100 ou plus des dépôts étaient en-dessous de la limite assurée.
Mme Stewart: Oui, mais réfléchissons un peu. Vous n'aurez pas à modifier vos primes au dernier moment.
M. Le Pan: Non, c'est juste.
Mme Stewart: Vous aurez un barème mobile.
M. Le Pan: Exactement. Il y aura des primes variables.
Mme Stewart: Le déposant va voir cela et se demander quel message se dégage d'une majoration de la prime. Quelle conclusion va en tirer le déposant, comment va réagir le marché?
M. Le Pan: L'expérience américaine, où ce système existe déjà, est que le niveau réel du risque des institutions n'est pas très largement connu. Ce n'est pas étalé partout. Nous avons jamais vu de ruées des déposants qui seraient engendrées par ce type de système.
Mme Stewart: Vous n'y voyez donc pas un outil de vérification sociale ou pratique?
M. Le Pan: J'y vois un message adressé au conseil d'administration et à la haute direction. Je ne pense pas que cela pose plus de problèmes que la modification de la cote donnée par les organismes de cotation, cotes qui sont connues du marché. Vous aurez certains sur le marché qui diront que cette institution leur paraît plus risquée ou moins risquée qu'une autre.
Je ne pense pas que cela engendre une ruée des déposants qui voudraient retirer leur argent. C'est plutôt un message adressé au conseil d'administration et à la haute direction.
M. Discepola (Vaudreuil): Mais y aura-t-il un message pour informer les déposants qu'un changement a été...?
M. Le Pan: Non.
M. Discepola: Est-ce qu'il ne faudra pas le faire? Si j'ai 60 000$ déposés dans une institution, ne faudra-t-il pas m'informer du fait que la cote de crédit, ou peu importe comment vous appelez cela, a changé?
M. Le Pan: Eh bien, il y a déjà pas mal de données en circulation et nous proposons d'en divulguer encore davantage avec les règles de divulgation sur la situation financière des institutions.
Il y a des institutions intermédiaires qui font ce genre de choses à l'intention du public. Les sociétés de cotation des compagnies d'assurances, par exemple, utilisent les données publiquement disponibles, provenant soit de l'institution, soit du surintendant, pour dresser des cotes dont on parle beaucoup dans la presse. Ces renseignements sont recueillis par l'entremise du personnel des agences, par exemple.
On peut se fier aux cotes données par les agences d'évaluation du crédit.
M. Discepola: Je parler de protéger le consommateur.
M. Le Pan: C'est ce dont je parle également.
M. Discepola: Lorsque j'achète une police d'assurance, je la place normalement dans un coffre bancaire ou un autre endroit sûr d'où je ne la sors que lorsque quelque chose se produit. Entre temps, si la compagnie d'assurances a tout à coup une mauvaise cote de crédit, on devrait m'en aviser. La même chose s'applique aux banques. Si j'ai des dépôts à terme ou autres, ils sont généralement là pour quatre ou cinq ans. Si quelque chose se produit dans l'intervalle, il me semble qu'il devrait peut-être y avoir des mécanismes pour aviser les déposants.
M. Le Pan: Je suppose qu'il s'agit avant tout de savoir s'il est possible de ramener la situation financière d'une institution à un chiffre que les autorités pourraient faire connaître à tous les déposants ou souscripteurs. Je crois que la réponse est non.
Ces propositions partent du principe que les souscripteurs et les déposants doivent eux-mêmes assumer une part de responsabilité. Prenez le cas des sociétés de fiducie qui ont fait faillite. Tout le monde n'a pas réagi immédiatement, mais les gens étaient au courant, car on en parlait dans les journaux.
M. Discepola: Les banques sont-elles tenues d'envoyer annuellement leurs états financiers aux déposants?
M. Le Pan: Ce n'est pas une obligation.
M. Discepola: Alors, comment les déposants peuvent-ils décider d'eux-mêmes de...
M. Le Pan: Ils en font la demande.
Mme Brushett: Va-t-on divulguer ces renseignements à l'occasion d'une assemblée générale ordinaire?
M. Le Pan: Bien entendu.
M. Discepola: Seuls les actionnaires sont invités à ces assemblées. Les déposants ne le sont pas. Les banques ont trop de pouvoir. Nous devons trouver...
M. Le Pan: La proposition contenue dans ce document vise fondamentalement à forcer les institutions à divulguer davantage de renseignements au sujet de leur situation financière, et pas simplement aux actionnaires. J'ai parlé du rôle des intermédiaires qui, bien souvent, dévoilent des renseignements dans la presse. De plus, on obtient le point de vue de quelqu'un sur les points forts relatifs des diverses banques, etc.
Pour ma part, je crois qu'il y a une meilleure façon de renseigner la population que d'envoyer, par exemple, par la voie du courrier, un rapport annuel de 40 pages de n'importe quelle société. C'est ainsi que je perçois la façon dont les gens semblent obtenir des renseignements de nos jours. À la suite de ces propositions, nous divulguons une assez grande quantité de renseignements sur les institutions financières, notamment sur leurs niveaux de capital réglementaire. Ces renseignements se retrouvent dans des bases de données publiques. Et ce ne sont pas simplement les agences d'évaluation du crédit comme Moody's et Standard & Poor's qui viennent les chercher, mais également d'autres sociétés qui suivent de près ces cotes. On parle beaucoup de tout cela et il en est question dans un grand nombre de journaux, et pas simplement les grands journaux financiers nationaux.
M. Grubel: Cette information va figurer dans tous les états financiers, et il serait facile à partir de là pour quelqu'un de calculer la cote de ces institutions?
M. Le Pan: On ignore au juste si ces renseignements vont figurer dans l'état financier.
M. Grubel: Pourquoi pas?
M. Le Pan: Il faudra encore calculer comment elles en sont arrivées là.
M. Grubel: Mais Moody's ou une autre agence de ce genre peut offrir le service.
M. Le Pan: Ces gens tentent de déterminer qui sont les gagnants et qui sont les perdants. On se penche déjà beaucoup sur la situation financière des institutions. On constate une différence entre les cotes accordées par les agences canadiennes d'évaluation du crédit et les agences étrangères.
Mme Stewart: Parlons-en.
Le président: Je suis prêt à dire qu'elles commettent des erreurs.
M. Le Pan: En effet.
Mme Stewart: Lorsque vous parlez des gagnants et des perdants, une des questions fondamentales - cela revient à notre conversation sur l'Association canadienne des paiements - est celle des délais. Étant donné que dans le cas de toutes ces décisions ces délais finissent par se compter en minutes et étant donné la structure que nous mettons en place, structure selon laquelle nous devons agir de telle ou telle façon à certaines étapes, est-il possible, en fait, alors que ces délais s'amenuisent, de créer un système assez souple pour donner au surintentant la capacité de s'acquitter du mandat que nous lui confions? Est-ce que cela va même être possible?
M. Le Pan: Il faut 24 heures pour fermer une institution. Il ne faut pas très longtemps pour émettre une ordonnance enjoignant d'observer les règles.
Mme Stewart: C'est précisément mon point. Ici, nous allons regarder tout cela et à diverses étapes, nous allons modifier les primes. Est-ce, fondamentalement, impossible étant donné que nos délais dans toutes ces décisions sont vraiment...?
M. Le Pan: Je ne le pense pas. Tout dépend de ce qui est impossible. Nous avons un système - et nous pensons l'améliorer - qui encourage les gens à agir face à un problème. Il n'agit pas qu'un seul groupe réagisse. Comme nous l'avons dit plus tôt, les conseils d'administration, les directions, etc., ont d'importantes responsabilités dans le cas présent. Il n'incombe pas simplement au surintendant, ou à ses vérificateurs, etc., de prendre des mesures.
Créons-nous un système dans lequel nous allons...? Je pense que nous créons un système qui, je l'espère, encouragera suffisamment les divers intervenants à agir de concert dans la plupart des cas, sinon tous.
Mme Stewart: Mais dans tout cela, combien de temps faut-il à une institution pour passer, par exemple, de l'étape 1 à l'étape 4 dans votre système?
M. Le Pan: Si on veut être réaliste, il faut un certain temps.
Mme Stewart: Qu'entendez-vous par là? Combien a-t-il fallu de temps dans le cas de la société Central Guaranty ou la société Confédération-Vie?
M. Le Pan: Quelques années.
Mme Stewart: Des années?
M. Le Pan: Deux années. Deux ans et quelque. Dans le cas de Central Guaranty, par exemple, l'un des problèmes résidait dans le fait que les intéressés ne pouvaient même pas compter sur tous les systèmes de soutien voulus pour appuyer leur système. Il fallait sept ou huit imprimeries pour produire les documents pertinents. La société a eu un certain temps pour résoudre ce type de problème. Cela touchait fondamentalement son système d'information de gestion et ce que la direction savait du fonctionnement de l'entreprise.
De l'étape un à l'étape quatre, ou d'une étape à l'autre, il ne faut pas compter un mois. Cela prend un mois lorsqu'on a une entreprise comme la BCCI qui ferme au Canada ou que nous avons fermé quelques petites filiales de compagnies d'assurances au Canada, à la suite de problèmes éprouvés par leur société mère à l'étranger. La question qui se pose alors n'est pas de savoir si on doit intervenir mais bien de déterminer si on s'est assuré qu'il y a suffisamment de capital au Canada pour protéger les déposants canadiens. La réponse est oui, car nous allons veiller à ce qu'il y ait assez d'argent pour couvrir les dettes au Canada.
Le système de compensation diffère de la santé financière d'une institution. Dans le cadre du système de compensation, de grandes quantités d'argent entrent et sortent chaque jour. Cependant, une bonne partie des problèmes de ces institutions sont reliés à la qualité de l'actif, à la gestion, au manque de systèmes d'information, etc.
Mme Brushett: Je constate qu'il est fort possible dans le cas présent qu'une institution devienne si conservatrice qu'elle n'accepterait pas d'accorder des prêts. Il est déjà assez difficile maintenant d'amener nos banques à prêter de l'argent que si la cote de crédit de l'institution en question est le moins du monde douteuse, elle sera fortement poussée à montrer qu'elle est meilleure que les autres et cessera alors complètement d'accorder des prêts. Elle se contentera d'accepter tous les dépôts.
M. Le Pan: Mais les institutions doivent avoir un certain revenu du côté de l'actif dans leur bilan.
Mme Brushett: Je considère que c'est un très grand risque étant donné la situation actuelle en ce qui concerne les prêts.
M. Le Pan: Oui, c'est pourquoi c'est un art et non une science. La surveillance et la réglementation sont un art plutôt qu'une science. Vous avez raison dans ce sens que si les règles sont trop imposantes, et qu'il y a toutes sortes de limites techniques liées au dollar, alors un problème pourrait se poser. Les primes établies en fonction du risque dont nous parlons ici vont être plutôt modestes. Il ne s'agit pas de tripler les primes de qui que ce soit.
M. St. Denis (Algoma): On a répondu à mon autre question. Il me semble qu'en fin de compte pour éviter de fausser le système, et vous avez parlé de toutes les règles qui existent et de la présence trop forte de l'État, il faut, en fin de compte, que le consommateur devienne aussi responsable que possible et que le marché décide, en définitive, de la stabilité du système.
M. Le Pan: Cela touche directement la question de M. Grubel. Nous avons un système en vertu duquel on dit fondamentalement que jusqu'à 60 000$, les gens n'auront pas à subir de pertes. L'un des principaux arguments pour justifier le maintien de ce système et de ne pas mettre en place un système de coassurance, en vertu duquel une personne devrait assumer certains des coûts jusqu'à concurrence de 60 000$ - il serait possible d'établir un simple régime de coassurance - c'est le fait que nous ne couvrons alors que 90 p. 100 des pertes d'une personne jusqu'à concurrence de 60 000$, que les gens doivent donc assumer les 10 premiers ou derniers ou je ne sais quoi p. 100. Avec un simple régime de coassurance, les gens assumeraient 10 p. 100 des pertes ou 5 p. 100, si vous préférez.
Un des principaux arguments qui justifient le maintien du système actuel c'est qu'il y aura un nombre important de gens qui, peu importent les renseignements qui seront divulgués, pourront prendre eux-mêmes une décision sur la solvabilité d'une institution financière. C'est très difficile à faire.
Même si nous pouvions, par magie, amener tout cela à un chiffre, ce dernier serait faux parfois. Il y aura des gens qui ne comprendront pas ce chiffre. Beaucoup de Canadiens ignorent ce qu'est une cote. Vous prendriez beaucoup de temps pour leur expliquer de quoi il retourne, même si elle s'appelait A, B, C ou D. Ils pourraient fort bien l'oublier et ne pas l'examiner. Ils ne lisent pas. C'est donc probablement le principal argument qui milite contre la coassurance.
Est-il possible d'administrer un système dans le cadre duquel on fournirait toutes sortes de renseignements et où il y aurait alors coassurance, les gens assumant une partie des risques financiers? La réponse est oui. Cela se fait dans d'autres pays. Un des principaux arguments qui militent contre l'implantation d'un système de ce genre au Canada, c'est que nous ne serions pas disposés à divulguer ou ne croyons pas possible d'obtenir les renseignements que nous jugeons nécessaires si nous voulons que ces gens assument une partie de la responsabilité pour les pertes subies. Il s'agit de protéger les petites gens, le système de paiement, les dépôts pour que les gens n'aient pas le sentiment d'avoir à sortir leur argent instantanément. C'est le type de structure dont nous parlons, si vous voulez.
J'ignore si c'est utile. Je voudrais revenir plus particulièrement à sa question à laquelle je n'ai pas répondu complètement. Allez-y.
Mme Stewart: J'essaie probablement d'aborder plusieurs idées à la fois. Cependant, mon incapacité à prendre une décision réfléchie quant à savoir si je dois investir ou non et payer mon assurance est une chose, mais même dans le contexte du BSIF pour en revenir à ce qui s'est passé avec Central Guaranty... Si on regarde juste le cadre dans le cas présent, il semble qu'en janvier 1992, nous disions que tout allait bien. C'est en avril que nous avons pris des mesures. Même dans ce contexte, qui peut affirmer dans ce monde compliqué, que le surintendant a les renseignements voulus pour porter les jugements nécessaires ou qu'il est prêt à le faire?
M. Le Pan: Eh bien, je suppose qu'on en revient à la question de la structure, des intéressés et des encouragements. Je ne vais pas garantir qu'il n'y aura jamais d'échecs.
Mme Stewart: S'agit-il simplement d'avoir les outils - dont le mandat manifestement?
M. Le Pan: Oui. Le mandat, les outils et la volonté de les utiliser.
Mme Stewart: Oui.
M. Le Pan: Revenons-en à la Commission royale chargée d'étudier la question des banques de l'Ouest - celle du juge Estey - sur le mandat, les outils et la volonté de les utiliser. J'ajoute un mandat. On apporte certains ajustements mineurs aux outils, il s'agit de voir la panoplie d'outils à notre disposition maintenant, outils qui vont des lignes directrices et des règles sur les actifs et les investissements, etc., jusqu'aux directives à suivre, qui peuvent interdire fondamentalement de faire telle ou telle chose ou de modifier en quoi que ce soit littéralement le régime actuel. On a même demandé à l'ancien et à l'actuel surintendants de façon assez explicite s'ils voulaient plus d'outils de réglementation... Le surintendant sait en quoi consiste le travail. La réponse, c'est qu'on apporte quelques modifications mineures, mais pas beaucoup.
Dans certains cas, le surintendant n'a pas nécessairement tous les renseignements voulus, mais il en obtient beaucoup. Je ne sais pas au juste jusqu'à quel point je peux vous rassurer. C'est un art et non une science. Il n'y a pas de garantie à 100 p. 100 dans ce monde et cela s'applique à ce système.
Permettez-moi de revenir à sa question. Fondamentalement, vous vouliez savoir ce qui s'opposait à la mise en place d'un système de coassurance, n'est-ce pas?
Le président: Pourriez-vous expliquer ce qu'on entend par coassurance, s'il vous plaît?
M. Le Pan: Eh bien, dans le cadre d'un système de coassurance, une partie des pertes d'un déposant ou d'un souscripteur d'une institution faisant faillite sera subie par ce souscripteur ou ce déposant. Ainsi, au lieu de couvrir les pertes en entier jusqu'à concurrence de 60 000$, la Société d'assurance-dépôts du Canada couvrirait 90 p. 100 de ces pertes, les autres 10 p. 100 étant à la charge du déposant. Ainsi, un déposant ayant 50 000$ placés dans une institution au moment où cette dernière fait faillite, ne retirerait que 45 000$ et perdrait ainsi 5 000$. C'est là le fondement du régime de coassurance. Le déposant doit supporter une partie des coûts de liquidation.
Ce système existe dans certains pays européens. C'est le cas au Royaume-Uni et en Allemagne, par exemple, et si je ne m'abuse, il est question de coassurance dans la directive sur l'assurance-dépôts de la communauté européenne.
À l'heure actuelle, cela ne s'applique pas aux institutions financières sous réglementation fédérale. Cela ne s'applique pas non plus aux mouvements des coopératives de crédit, que ce soit au Québec ou dans le reste du pays. En fait, les dépôts dans ces institutions sont normalement garantis jusqu'à concurrence d'un montant supérieur à 60 000$.
On ne retrouve pas ce système aux États-Unis où la limite est de 100 000$, si je me rappelle bien.
Un des arguments en faveur de ce système, c'est que fondamentalement on fera en sorte que le système et la structure de réglementation, ainsi que le secteur financier, soient davantage régis par les lois du marché. L'autre argument en faveur de ce système, est qu'il réduirait le coût du système d'assurance-dépôts. Fondamentalement, on redistribue les coûts d'une faillite. À l'heure actuelle, ce sont tous les déposants qui les assument, car elles sont incluses dans les primes que la SADC exige de tous les déposants assurés. Ils sont donc payés par tous les déposants de cette institution ou de toutes les institutions qui demeurent après cette faillite.
Dans un système de coassurance, une partie de ces coûts ne seront pas inscrits comme un déficit au bilan ou à l'état des résultats de la SADC; ce sont les déposants qui devront les assumer. Ainsi, généralement, cela signifie que la SADC paie moins et les déposants plus.
Les arguments contre ce système sont, tout d'abord, la présence d'une équité concurrentielle à moins de mettre en place un système de coassurance dans les institutions se livrant concurrence. Ainsi, s'il y a un système de coassurance à la SADC mais pas à la Régie de l'assurance-dépôts du Québec, par exemple, ou dans les coopératives de crédit, un petit problème intéressant se pose.
Mais laissons cela de côté. C'est important; c'est une question non négligeable, et pour certaines institutions, sur certains marchés où il y a concurrence directe - disons, le mouvement des coopératives de crédit - cela poserait un grave problème si les provinces n'emboîtaient pas le pas, car cela toucherait fondamentalement la Régie de l'assurance-dépôts du Québec et le mouvement des coopératives de crédit. La décision reviendrait aux provinces et non au gouvernement fédéral.
Le deuxième argument qu'on présente depuis toujours, c'est que la mise en place d'un système de coassurance minerait à la viabilité des petites institutions et des petites sociétés de fiducie, ce qui favoriserait une plus grande concentration dans ce secteur, une chose qu'on ne souhaite pas.
À ma connaissance, on a très peu de preuves, c'est-à-dire qu'on n'en a aucune au niveau national et pas beaucoup au niveau international, des répercussions des régimes de coassurance sur les petites institutions. Ces dernières, les sociétés de fiducie par exemple, sont tout à fait persuadées que cela nuirait beaucoup à leur position, parce que même si elles sont bien administrées, elles seraient perçues comme moins sûres que les grandes banques et implicitement, les gens penseraient alors que les grandes banques sont plus sûres que les sociétés de fiducie, plus petites, même très bien administrées. Ainsi, elles seraient donc victimes de discrimination sur le marché et la concurrence en souffrirait. Les sociétés signalent qu'elles sont la source d'un certain nombre d'innovations favorables aux consommateurs au fil des ans, comme des heures d'ouverture plus longues, un plus large éventail de transactions, etc.
Le troisième argument qui milite contre ce système concerne, fondamentalement, la question des renseignements à la disposition des consommateurs, question que nous avons abordée plus tôt. Est-il juste sur le plan de la politique ou autre de demander fondamentalement aux déposants qui risquent d'être incapables de lire un état financier de juger de la santé financière de l'institution? C'est implicite, les critiques de la coassurance affirment si on impose à des particuliers une perte de 10 p. 100, on leur dit, en fait, qu'ils doivent déterminer si oui ou non cette institution est sûre. On n'est peut-être pas raisonnable. On doit se prononcer sur une politique.
Enfin, depuis toujours, le débat sur la coassurance porte sur la nécessité ou non d'en revenir aux premiers principes. Il s'agit de déterminer l'objectif de l'assurance-dépôts et d'établir, en fonction des premiers principes si, selon que l'on connaît l'objectif visé, il devrait y avoir ou non un système de coassurance. Je n'ai pas trouvé cette discussion très utile, car, lorsqu'on remonte dans le temps pour voir ce qu'il en était à l'époque, on s'aperçoit que les objectifs du système d'assurance-dépôts étaient, en fait, variés. Je ne pense donc pas que ce soit une façon très utile d'aborder la question.
Cependant, de fervents partisans de la coassurance vous diront qu'en fin de compte, la seule raison d'être vraiment importante de l'assurance-dépôts est de prévenir une ruée instantanée vers les institutions qui pourrait déstabiliser le système. Ainsi, on devrait couvrir les dépôts dans des comptes de chèques que les gens peuvent sortir instantanément, mais rien ne justifie de couvrir les dépôts à plus long terme. C'est ainsi qu'on entre dans ce type de débat.
En fin de compte, comme M. Grubel l'a reconnu, c'est une décision politique. Les ministres ont examiné tous les arguments, ils ont écouté beaucoup de gens et ils ont dit fondamentalement qu'ils ne sont pas persuadés qu'un régime de coassurance s'impose à ce point, surtout en fonction des divers secteurs militant contre ce système. Je peux défendre les deux points de vue. J'ai assisté à tout le débat sur cela.
Le dernier point c'est, en ce qui concerne les gens qui s'opposent à la coassurance, qu'ils ignorent au juste ses répercussions sur les petites institutions. De même, pour les partisans de la coassurance, ils ne prouvent aucunement que ce système va vraiment amener une discipline sur le marché. Il faut donc faire acte de foi à ce chapitre, en quelque sorte.
J'ai un point de vue bien arrêté sur la coassurance. Selon moi, il est impossible d'implanter un régime de coassurance sans un excellent système de divulgation. Nous ne faisons que commencer à en mettre un en place et je voudrais qu'il fonctionne pendant un certain temps avant qu'on commence à imposer des pertes financières aux gens. Je pense donc qu'en fait, si on veut en revenir à la question de la coassurance, il s'agit tout d'abord de mettre en place le régime de divulgation que nous améliorons dans ce document pour voir au juste comment il fonctionne. Je pense que ces deux systèmes vont de pair et beaucoup de gens en faveur de la coassurance ne portent pas suffisamment attention, selon moi, au système de divulgation qui doit venir appuyer ce régime de coassurance.
Le président: Permettez-moi d'interrompre les délibérations un instant. Il nous reste environ 10 minutes avant de perdre la salle. Il se peut que des membres aient des questions, mais il est évident que nous n'en sommes qu'à la moitié environ de l'exposé.
J'ai l'impression que vous devriez prendre notre éducation en main et notre formation, mais nous allons intervenir. Nous vous laissons le soin de nous rappeler à l'ordre au besoin. Mais je voudrais aussi proposer ceci: Au lieu d'entendre d'autres témoins la semaine prochaine, nous devrions recevoir à nouveau mardi prochain M. Le Pan, M. La Brosse et Mme Avenoff.
M. Le Pan: Je reviendrai avec plaisir.
Le président: Cela convient-il au Comité? Bien. Merci.
M. Le Pan: Laissez-moi vous donner les grandes lignes de ce qui reste du document, et nous pourrons y revenir la semaine prochaine.
Deux pages avant le régime d'assurance-dépôts, vous trouverez une petite page dans laquelle on traite de la divulgation accrue. Cette disposition devrait encourager en soi une discipline accrue sur le marché, étant donné que les institutions y songeront à deux fois avant de divulguer quoi que ce soit. Si vous obligez une institution à divulguer s'il y a eu érosion ou non de son capital réglementaire, elle sera incitée à maintenir son capital réglementaire en bonne posture.
Uniformité entre les secteurs. L'industrie de l'assurance n'a jamais eu à se soumettre à des règles de divulgation aussi poussées que celles qui s'appliquent à l'industrie des banques ou même que celles qui ont été appliquées tout récemment aux fiducies. Il y aura divulgation de la part du BSIF ou de l'institution financière. Le projet de loi qui sera déposé insiste beaucoup sur la divulgation dans ses règlements, et nous pourrons vous expliquer tout le travail que nous effectuons eu égard au contenu des règlements.
Autres mesures de réglementation. On parle ici d'élargir le pouvoir du surintendant.
Le président: Pardon, monsieur Le Pan, mais à quelle page êtes-vous?
M. Le Pan: Je me trouve deux pages avant celle qui est intitulée «Divulgation accrue». Je n'ai malheureusement pas numéroté mes pages, monsieur le président.
Je suis maintenant à la page suivante intitulée «Autres mesures de réglementation».
Deux ou trois des propositions du Livre blanc portant sur la régie des sociétés se retrouveront dans le projet de loi.
En vertu de l'une des propositions, les institutions financières régies par le fédéral et leur maison mère non soumise aux règlements devront avoir des conseils d'administration distincts, c'est-à-dire qu'il y aura indépendance entre les deux conseils. Il peut bien y avoir un certain chevauchement, mais l'indépendance doit être préservée; un tiers du conseil d'administration doit être indépendant.
M. Fewchuk: Que signifie IFRF?
M. Le Pan: Cela signifie: Institution financière régie à l'échelle fédérale. Cela s'applique à celles qui sont régies à l'échelle fédérale.
C'est parce qu'il existe plusieurs institutions incorporées à l'échelle provinciale et qui sont très importantes, notamment au Québec, dans l'assurance-vie et au Québec et en Ontario dans l'industrie des fiducies; je crois même que cela existe dans une ou deux provinces de l'Ouest. Ces règlements ne s'appliquent donc pas à ces dernières, car nous n'empiétons pas sur la compétence provinciale.
Il s'agit de propositions visant à donner au surintendant le droit de veto relativement à la nomination des administrateurs des institutions en difficulté. Je n'ai pas besoin de vous parler des actuaires.
Une voix: Celles qui sont en difficulté?
M. Le Pan: Oui, celles qui ont des problèmes.
Dernier point, divulgation au consommateur: Dans le passé, nous avons déjà eu des problèmes avec des institutions telles que la Royal Trustco qui n'est pas une institution réglementée. On ne devrait utiliser ce langage que pour la société de fiducie.
Nous avons déjà parlé de l'assurance-dépôts.
Monsieur le président, je crois que nous avons déjà parlé des compensations et des règlements. Je pourrais peut-être parler à mon retour seulement de la restructuration des compagnies d'assurance, car c'est assez technique.
Je pourrais vous parler de la protection des souscripteurs, à la dernière page, ou laisser ce sujet jusqu'à mardi. C'est comme vous voulez, mais je suis sûr que vous aurez des questions là-dessus.
Le président: Dans ce cas, nous allons nous arrêter ici, à moins que certains membres du comité aient des questions à poser sur ce qui s'est dit.
Mme Brushett: Qu'entendez-vous par «Il ne faut pas utiliser ce langage avec la Trustco». D'où vient la différence?
M. Le Pan: Il existait deux sociétés dont l'une s'appelait la Royal Trustco et l'autre la Royal Trust. La Royal Trust était une fiducie soumise à la réglementation mais chapeautée par une société de portefeuille non réglementée. Ceux qui avaient investi dans la Royal Trustco pensaient peut-être qu'elle était réglementée, mais ils avaient tort.
M. Discepola: Si je vous comprends bien, vous ne proposez pas qu'il y ait coassurance.
M. Le Pan: C'est exact.
M. Discepola: Pour l'instant, je suis d'accord avec vous d'un point de vue technique. C'est parce que je n'ai pas trop réfléchi à la question. Mais s'il devait y avoir coassurance, seuls les déposants dans cette institution devraient assumer le risque d'une faillite, alors qu'en ce moment, les conséquences sont réparties équitablement.
M. Le Pan: Pas seulement les déposants. Supposons qu'il y ait coassurance à 10 p. 100: Vous assumez donc 10 p. 100 des pertes. Si les pertes se chiffrent à plus de 20 p. 100 dans l'institution en question, c'est vous qui assumez les premiers 10 p. 100, et c'est le reste du système qui assumera les autres 10 p. 100, de sorte que vous serez remboursé à 90 p. 100.
M. Discepola: Le risque existe donc toujours.
M. Le Pan: On vous remboursera jusqu'à 90 p. 100, mais vos actifs ne vaudront que 80c. le dollar, de sorte que ce sont les primes de tous les autres souscripteurs qui compenseront pour la différence entre 80 et 90.
M. Discepola: D'où vient ce chiffre magique de 60 000$? Depuis quand le montant est-il maintenu à 60 000$? Pourquoi n'a-t-il pas été rehaussé? Je présume...
M. Le Pan: Ce chiffre remonte à 1980. Les dépôts moyens des sociétés de fiducie en faillite représentaient quelque 20 000$...
M. Discepola: N'y a-t-il pas là un lien de cause à effet? N'est-ce pas parce que la limite d'assurance est de 60 000$ que les gens hésitent à investir plus?
M. Le Pan: Je ne le crois pas. Si c'était le cas, la plupart des dépôts représenteraient de 50 000$ à 60 000$, alors que ce n'est pas le cas. La plupart des dépôts tournent autour de 20 000$.
M. Discepola: S'agit-il uniquement de dépôts au comptant ou s'agit-il aussi de dépôts à terme?
M. Le Pan: Sont inclus là-dedans les dépôts à terme ou certificats de placement garanti dans les sociétés de fiducie.
M. Discepola: Et ces instruments financiers ne représentent en moyenne que 20 000$?
M. Le Pan: En effet. La moyenne était de 20 000$, dans les trois grandes sociétés de fiducie en difficulté. Je crois que les dépôts de moins de 30 000$ représentaient environ 85 p. 100 de tous les dépôts. Je pourrais fournir au comité les vrais chiffres; 85 à 90 p. 100 de tous les déposants avaient investi moins de...
Rappelez-vous aussi que les REÉR sont assurés de façon distincte, de même que les comptes de chèques. Pour les REÉR, le montant est de 60 000$; pour les comptes de chèques, c'est aussi de 60 000$, et c'est la même chose aussi pour les dépôts à terme. Donc, les REÉR sont assurés séparément des autres dépôts, et la moyenne de tous ces dépôts vous donne 29 000$.
M. Discepola: Très bien. Merci.
Le président: Monsieur Grubel, vous avez une autre question? Celle-ci ne devrait pas être aussi facile que la précédente, n'est-ce pas?
M. Grubel: Je serai absent la semaine prochaine, car je vais à l'étranger.
Des voix: Oh, oh!
M. Grubel: On me paye un voyage en Allemagne pour m'offrir un prix soulignant ma contribution passée au domaine de l'économie internationale.
Le président: Bravo!
M. Grubel: On ne pourra plus rien pour moi après. En fait, j'ai déjà prononcé une allocution à l'institution en question sur le même sujet. Comme l'ont dit Jane et d'autres, vous demandez aux bureaucrates de prendre toutes les décisions. Or, d'après le modèle que je préfère et qui a déjà paru dans la littérature économique, on laisse plutôt au milieu des services financiers lui-même le soin de prendre ces décisions.
Pour la gouverne de ceux qui ne le savent pas, voilà comment fonctionne ce modèle: le gouvernement dit au secteur des banques de décider lui-même de sa propre assurance-dépôts. Cela se justifie si l'on sait que chacun doit avoir un élément de passif éventuel égal à 10 p. 100 de son dépôt, par exemple, en cas de faillite. Quant au reste, vous vous administrez vous-mêmes et vous avez le droit d'exiger de vos membres ceci: s'ils veulent s'établir dans le secteur bancaire au Canada, ils doivent divulguer toute l'information nécessaire de façon que vous puissiez mener votre boîte conformément à toutes les conditions qui s'appliquent à vous, notamment à la coassurance.
Cet incitatif vous permet d'aller chercher toute l'information voulue et d'avoir bonne presse auprès des souscripteurs. Quant à nous, nous ne faisons qu'agir comme agents de réglementation.
Le président: C'est ce que l'on fait avec les compagnies d'assurances par opposition aux banques, n'est-ce pas?
M. Grubel: Voici ma question: ce modèle a-t-il été envisagé, et dans l'affirmative, pourquoi a-t-il été rejeté?
Le président: On ne peut demander à nos témoins de répondre en 30 secondes.
M. Le Pan: Je pourrai y revenir mardi.
Mme Stewart: Quant à moi, je vous enverrai le rapport mardi.
M. Grubel: Et vous nous répondrez?
Le président: Monsieur Le Pan, vous avez 15 secondes pour répondre.
Mme Stewart: Répondez-nous mardi.
M. Le Pan: À mardi. Je prendrai cela en délibéré, et au besoin, nous pourrons en parler privément pour faire suite à ce que je vous aurai dit mardi.
C'est une bonne question, à laquelle je ne puis répondre en 15 secondes.
Le président: Cela va au coeur même de ce dont nous débattrons la semaine prochaine, puisqu'il s'agit d'une activité qu'entreprennent les sociétés de fiducie pour elles-mêmes, alors que c'est nous qui l'entreprenons pour le compte des banques. D'aucuns affirment que c'est inéquitable du point de vue de la concurrence, et il faudra nous poser des questions plutôt dures du point de vue politique.
Puis-je suggérer à nos membres...? Je sais que vous l'avez tous lu, mais il serait peut-être bon que vous relisiez le Livre blanc d'ici mardi prochain.
Ne pourriez-vous pas réfléchir à ces questions d'ici la semaine prochaine, et ne pourriez-vous pas nous apporter un profil des acteurs les plus importants dans les quatre grands secteurs, ventilé par actif et par type d'industrie? Les noms et le langage utilisés nous seraient alors plus familiers. Pourriez-vous également nous énumérer les sociétés ou institutions qui ont déjà fait faillite? Et pourriez-vous nous dire quelles institutions le secteur public a renflouées, quelles banques nous avons aidées et lesquelles nous avons refusé d'aider. Nous pourrons peut-être alors nous poser certaines questions d'ordre politique qui permettront de mieux nous armer lorsque nous aurons à rencontrer des déposants ou des souscripteurs qui viendront se plaindre d'avoir perdu leurs épargnes.
Y a-t-il d'autres choses que vous voudriez voir soulever la semaine prochaine?
M. Grubel: Je voudrais savoir si on limite les dépôts multiples individuels. Aux États-Unis, des organisations ont vu le jour pour faire en sorte que si un déposant voulait investir 1 million de dollars comptant, il ne pouvait le faire qu'à coup de 60 000$ à la fois, de sorte que dès qu'une difficulté financière apparaissait à l'horizon... en fait, si vous aviez suffisamment d'argent, vous pouviez acheter ce service et on déplaçait votre argent pour vous. Ce problème existe-t-il ici?
M. Le Pan: Il existe des gens qui font des dépôts multiples, mais ils ne représentaient que 6 à 8 p. 100 de tous les dépôts effectués dans les compagnies faillies; nous vous donnerons les chiffres.
Mme Stewart: Le contrat conclu avec l'institution financière ne prévoit-il pas ce service spécifique?
M. Le Pan: Que je sache, ces services n'existent pas ici, mais je vais vérifier. Peut-être l'offre-t-on à certains endroits.
M. Grubel: Il est impossible de se prémunir contre cela?
M. Le Pan: Non.
Le président: Monsieur Grubel, je vous suggère d'envoyer quelqu'un d'autre recevoir le prix à votre place, pour que vous puissiez être parmi nous la semaine prochaine.
M. Le Pan: Si vous songez à d'autres questions, d'ici mardi prochain, transmettez-les à la greffière, et nous verrons si nous pouvons trouver les chiffres pour vous répondre.
Le président: L'affaire s'avère beaucoup plus difficile que nous ne l'aurions cru. Ce sera un long apprentissage pour nous tous, et il est important que nous commencions par quelque chose de relativement simple avant de nous lancer dans l'examen de la Loi sur les banques, en 1997; après tout, il faudra alors faire table rase, puisqu'il y aura concurrence entre les quatre grands piliers qui voudront chacun une part plus grande du gâteau. Ce sera à nous de prendre les décisions judicieuses.
Pour ce qui est de l'information que vous devez nous apporter, pourrions-nous savoir quelles institutions financières sont régies à l'échelle fédérale et lesquelles nous échappent complètement? Pouvez-vous nous apporter leur profil et les comparer en termes de taille et d'actif?
Au nom du Comité, je vous remercie d'avoir entamé avec nous ce qui semble être un défi énorme et qui nous promet beaucoup de plaisir.
La séance est levée jusqu'à mardi prochain.