[Enregistrement électronique]
Le mardi 15 août 1995
[Traduction]
Le président: À l'ordre.
Le Comité des finances étudie le projet de loi C-100, mesure qui porte sur les institutions financièrs du Canada. Le projet de loi vise à rendre ces institutions plus sûres, à susciter une plus grande confiance à leur égard et, il faut l'espérer, à réduire les risques de faillite.
Notre premier témoin à ces audiences est l'honorable Doug Peters, secrétaire d'État aux Institutions financières internationales. Il est accompagné de MM. Nick Le Pan et Frank Swedlove.
Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue. Nous attendons votre déclaration.
L'honorable Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales)): Merci beaucoup, monsieur le président, honorables députés et chers collègues.
Je suis heureux d'avoir l'occasion de discuter avec vous du projet de loi C-100 qui, comme vous l'avez dit, vise à rendre le système financier du Canada plus sûr et plus solide.
Je tiens tout d'abord à vous remercier d'avoir décidé de tenir ces audiences même pendant les vacances parlementaires, en cette belle journée d'été. Il serait beaucoup plus agréable de profiter du beau temps.
Le projet de loi porte sur un domaine très vaste. C'est que le secteur financier est extrêmement complexe et divers et qu'il forme un élément dynamique de l'économie. En entamant cette étude dès maintenant, vous pourrez vous concentrer sur certaines questions de fond et des préoccupations importantes avec promptitude et discipline lorsque le Parlement reprendra ses travaux.
Les mesures qui figurent dans le projet de loi C-100 découlent d'une série de principes fondamentaux qui ont été exposés dans notre Livre blanc de février dernier.
Les consultations qui ont suivi m'ont convaincu plus que jamais que ces principes et le changement fondamental d'orientation que certains d'entre eux traduisent font du texte à l'étude un point tournant crucial et important dans notre approche de la réglementation.
Les quatre principes-clés qui sous-tendent cette réorientation fondamentale et que je tiens à faire ressortir aujourd'hui sont les suivants: c'est un privilège et non un droit que de posséder une institution financière; il faut intervenir rapidement dans les difficultés éprouvées par les institutions financières et les régler sans tarder; il doit exister des mesures incitatives suffisantes pour que les institutions financières règlent leurs problèmes promptement; enfin, il faut dans le système financier un régime de responsabilité et une transparence acceptables.
Ces principes reposent sur une hypothèse encore plus fondamentale. Le régime de surveillance et de réglementation est conçu pour protéger les droits des déposants, les souscripteurs et les créanciers. Ce régime ne peut prévenir toutes les faillites. Si c'était là notre objectif, nous limiterions le potentiel de prospérité du secteur financier et freinerions la croissance de l'économie canadienne.
Il existe une réalité très simple: aucun régime de réglementation ne saurait prévenir la faillite d'institutions à moins qu'il ne soit doté des pouvoirs et des ressources voulus pour contrôler toutes les décisions des dirigeants et à moins que les institutions ne soient assujetties à de sévères restrictions quant aux prêts et aux investissements qu'elles peuvent faire.
Le prix d'un régime aussi étanche, à supposer qu'il puisse s'appliquer, ce qui ne me semble guère possible, serait un secteur financier incapable de contribuer au dynamisme, à la croissance et à l'évolution de notre économie.
Notre objectif est donc de trouver un compromis entre la sécurité et la solidité des institutions financières d'une part, et, d'autre part, la préservation de l'innovation et du goût du risque nécessaires dans une économie productive et en croissance. Nous tenons aussi à ce que les droits des porteurs de police, des déposants et des créanciers priment les intérêts des actionnaires.
Compte tenu de ces droits, le projet de loi propose une politique d'intervention précoce. Celle-ci permet au BSIF, c'est-à-dire le Bureau du surintendant des institutions financières, de prendre le contrôle d'une institution en difficulté plus rapidement que ce n'est le cas en ce moment. Le nouveau régime donne au surintendant le pouvoir de fermer une institution avant que ses capitaux ne soient épuisés.
En outre, les fonctions du ministre seront modifiées. Je continuerai de jouer un rôle-clé dans le processus, mais ce rôle consistera à décider s'il est dans l'intérêt public de fermer une institution. Je n'aurai plus à me former une opinion sur la solvabilité de l'institution. Cette fonction relève davantage des autorités de réglementation, qui s'occupent de la réglementation des activités courantes des institutions.
Je tiens à préciser que cette mesure insiste autant sur la prévention des problèmes que sur leur règlement. Les institutions financières en difficulté sauront, dans ce nouveau régime, que le BSIF interviendra si elles ne prennent pas les mesures qui s'imposent.
De plus, le BSIF pourra compter sur la mise en place d'un nouveau régime d'assurance-dépôts dont les primes seront fonction du risque. La SADC pourra faire fluctuer les primes des diverses institutions selon une évaluation des risques que chacune d'elles présente.
Ces mesures inciteront les institutions à se réorienter, ce qui renforcera la sécurité et la solidité de l'ensemble du système financier. Voilà ce qu'on veut dire en rappelant que la propriété d'une institution est un privilège et non un droit.
Le projet de loi dit clairement que, si une institution est plongée dans les difficultés, ses propriétaires n'ont pas le droit de poursuivre les activités jusqu'à ce que l'impasse soit totale et qu'ils ne puissent plus honorer leurs obligations.
Ce principe comporte un important corollaire. S'il faut fermer une institution, il est de loin préférable de le faire pendant qu'elle possède encore des actifs, de manière à atténuer les pertes. C'est pourquoi les propositions contenues dans le projet de loi C-100 modifieront la loi existante pour permettre au BSIF d'obenir plus rapidement une ordonnance de mise en liquidation.
Je souligne que le rôle du BSIF n'est pas et ne peut pas être la microgestion des institutions financières. Nous n'allons pas non plus déployer une armée d'inspecteurs pour examiner les institutions financières de ressort fédéral. Ce projet de loi confie clairement la responsabilité aux gestionnaires et aux conseils d'administration.
D'autres dispositions garantiront une plus grande latitude pour restructurer, sous surveillance judiciaire, les affaires des compagnies d'assurance en liquidation. Le responsable de la liquidation aura donc les coudées plus franches pour valoriser les actifs et en tirer le maximum, dans l'intérêt des souscripteurs et des créanciers.
C'est pourquoi nous devons insister sans relâche sur la régie de ces sociétés. Ce sont les conseils d'administration qui sont en première ligne dans les efforts de prévention et de saine gestion. Le projet de loi C-100 prévoit d'importantes mesures pour favoriser cette gestion efficace et indépendante des sociétés, élément crucial d'un bon régime de prudence.
Le projet de loi propose de donner au surintendant le pouvoir de statuer que certains administrateurs appartiennent au même groupe, aux fins des exigences de la loi portant qu'un tiers des administrateurs de l'institution doivent être indépendants.
Deuxièmement, une proposition interdira que le conseil d'une institution financière soit identique à celui d'une société mère non réglementée. Cette disposition permetra de s'assurer que des administrateurs de l'institution, c'est-à-dire de l'institution financière assujettie à la réglementation, se préoccuperont seulement des intérêts de l'institution même.
Enfin, le projet de loi permet au surintendant d'opposer son veto à la nomination d'administrateurs et de hauts dirigeants d'institutions en difficulté. Je signale au passage que ce même pouvoir existe déjà aux États-Unis.
Je n'ai énuméré qu'une partie des modifications proposées par le projet de loi C-100. Parmi les autres, notons des exigences plus rigoureuses dans la communication d'informations d'ordre financier au BSIF par les institutions et des dispositions qui visent à améliorer la constitution et le fonctionnement des grands systèmes de compensation et de règlement afin de réduire les risques inhérents à ces systèmes.
Avant de conclure, je voudrais vous signaler des mesures qui ne sont pas proposées au comité et à la Chambre.
Comme vous le savez, le Livre blanc traite également du renforcement de la protection à accorder aux souscripteurs des sociétés d'assurances de personnes en cas de faillite d'une compagnie. Il est certain que la SIAP a fait un excellent travail lorsque deux compagnies d'assurances de personnes de ressort fédéral ont fait faillite. Il est tout aussi clair que des améliorations s'imposent pour que les responsables de cette fonction vitale aient les outils et les ressources nécessaires pour faire face à de nouvelles difficultés qui pourraient surgir à l'avenir.
J'étais disposé à laisser le secteur privé relever ce défi au lieu de mettre en place une nouvelle bureaucratie fédérale, mais j'ai dit bien clairement qu'une SIAP renouvelée devait comporter différentes caractéristiques. Celles-ci se retrouvent toutes dans l'organisme de protection que nous avions proposé. Notons tout d'abord une régie renouvelée, dont un conseil d'administration indépendant de l'industrie; deuxièmement, un accès plus large aux ressources venant du privé; troisièmement, la capacité d'exiger rapidement des cotisations plus élevées au besoin pour satisfaire aux engagements envers les souscripteurs et faire face à la faillite de compagnies membres; enfin la capacité de faciliter les solutions qui permettent aux sociétés en difficulté de survivre si cela est possible et rentable, et de favoriser les fermetures en douceur qui réduisent au minimum les perturbations pour l'industrie et les consommateurs.
Les modifications apportées récemment aux règlements administratifs de la SIAP répondent à nos attentes, ce qui me permet maintenant d'annoncer que nous n'avons pas l'intention pour le moment de donner suite au projet de création, par le gouvernement, d'un Office de protection des souscripteurs. Bien entendu, nous resterions prêts à mettre en oeuvre ce projet si cela se révélait nécessaire à l'avenir.
J'aimerais, en guise de conclusion, replacer ce projet de loi dans un contexte plus vaste.
Le projet de loi C-100 est présenté pour que le système de réglementation et de surveillance continue d'être efficace, ce qui suppose une capacité d'évolution à la lumière des nouvelles tendances des marchés et une capacité d'adaptation aux nouvelles réalités, aussi bien au Canada que dans le reste du monde.
Les mots clés du projet de loi sont incontestablement la sécurité et la santé. Le reforcement et l'assainissement du système financier que propose ce texte permettra de tirer parti de l'expérience que la faillite récente d'institutions nous a permis d'acquérir.
Cela fait ressortir les raisons pour lesquelles, à mon avis, il est prudent de procéder à ces changements dès maintenant plutôt que d'attendre jusqu'en 1997, date de l'examen quinquennal de la réglementation du secteur financier, qui portera sur un éventail plus large de questions.
J'aimerais rappeller à tous - quoique je ne croie pas que ce soit nécessaire - , que le Canada est doté d'un système financier de calibre international. Ce système est toutefois confronté à d'importants changements technologiques, économiques et concurrentiels, aussi bien chez nous que sur le plan international.
Ce projet de loi ne constitue pas la fin du processus. Un certain nombre de défis extrêmement importants seront probablement soumis à votre attention dans le cadre du processus plus vaste qui mènera au renouvellement de la législation du secteur financier en 1997.
À cet égard, j'ai invité toutes les parties intéressées à me faire part, d'ici la fin de juin, de leurs commentaires et propositions sur toute question liée aux quatre lois qui s'appliquent aux institutions financières de régime fédéral. J'ai reçu jusqu'ici environ 25 exposés d'associations sectorielles, de groupes de défense des consommateurs, d'institutions financières et de particuliers. Je suis en train de les examiner afin d'en dégager les approches et les thèmes communs. Je me propose de donner suite à ce processus en tenant, à l'automne, des discussions avec toutes les parties intéressées pour que les échanges de vues soient plus approfondis.
Ces consultations orienteront l'élaboration d'un document de politique que je compte publier au début de 1996. Ce document sera suivi de nouvelles consultations, avant que nous déposions un projet de loi et qu'il soit adopté au début de 1997.
Je veux cependant agir dès maintenant sur les points abordés dans les projet de loi C-100 parce que celui-ci renforcera et assainira notre système financier. Toute mesure qui peut être prise pour l'améliorer, pour diminuer les risques, doit à mon avis être adoptée sans attendre.
Je suis persuadé que la projet de loi C-100 aidera le secteur financier canadien à conserver son excellente réputation au niveau mondial. Les mesures que nous avons proposées réalisent un bon équilibre entre la protection des déposants, souscripteurs et créanciers et la promotion de l'activité économique.
Merci, monsieur le président. Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.
[Français]
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Je vais laisser le temps au secrétaire d'État d'ajuster ses écouteurs, bien qu'il parle très bien le français et le comprend très bien aussi.
Avant de poser directement des questions au ministre qui pilote le projet de loi C-100, j'aimerais vous exprimer, en quelques minutes, les réticences que nous éprouvons comme Opposition officielle et comme Québécois face au projet de loi C-100.
Je vous dirais que, d'entrée de jeu,...
Le président: Et aussi comme Canadiens.
M. Loubier: ...et au système canadien, si vous le voulez. D'ailleurs, on apprécie le système canadien puisqu'on veut redéfinir un nouveau pacte, une nouvelle union économique avec vous. Donc, on vous aime bien.
Avant d'entrer de plein pied et de poser des questions au ministre, j'aimerais exprimer les trois aspects du projet de loi qui posent des problèmes considérables au Québec.
Le premier, on le retrouve à l'article 162. Vous avez pu entendre hier le ministre des Finances du Québec vous exprimer ses inquiétudes face à cet article 162 qui crée une loi régissant toutes les chambres de compensation et le règlement des paiements dans les secteurs financiers, y compris dans le secteur des valeurs mobilières.
D'abord, le champ des valeurs mobilières est un champ de juridiction exclusive aux provinces, un champ de juridiction exclusive au gouvernement du Québec en particulier, et déjà, dans ce secteur, oeuvre la Commission des valeurs mobilières du Québec.
Vous donnez aussi à la Banque du Canada un pouvoir inouï, non seulement de diriger les chambres de compensation et d'émettre des directives, mais d'émettre des directives aussi auprès des institutions participantes. Et là encore, c'est un rôle qui relève de la Commission des valeurs mobilières du Québec et de l'inspecteur général des institutions du Québec, en ce qui a trait aux valeurs mobilières.
Quand vous parlez de doter la Banque du Canada de pouvoirs supplémentaires auprès des institutions participantes, c'est-à-dire de donner à la Banque du Canada le pouvoir d'émettre des directives et même de poser des actions auprès de la Caisse centrale Desjardins, de sociétés comme Levesque Beaubien Geoffrio Inc., de Fiducie Desjardins Inc., de tout organisme à charte provinciale, je suis un peu surpris lorsque je vois la lettre du ministre des Finances, M. Martin, en réponse aux récriminations du ministre des Finances du Québec, M. Jean Campeau, laquelle dit que cela ne touche pas les juridictions du Québec, alors que vous entrez dedans, et pas à peu près. Vous empiétez, et pas à peu près, dans ce champ de juridiction-là.
En plus, non seulement entrez-vous dans un champ de juridiction québécois, mais vous créez des dédoublements et des chevauchements, et votre gouvernement est le premier à dire qu'il faut réduire les chevauchements et les dédoublements. Cela coûte au minimum 250 millions de dollars en coûts de chevauchements et de dédoublements, de duplication dans le secteur de la main-d'oeuvre. Vous en créez vous-mêmes des dédoublements dans le secteur des institutions financières et des valeurs mobilières en particulier. Combien ces dédoublements vont-ils coûter?
Le deuxième aspect du projet de loi qui pose un problème sérieux pour le Québec, c'est à l'article 133 de votre projet de loi où vous modifiez la Loi sur les liquidations. Vous élargissez la notion d'insolvabilité qui est un domaine de juridiction exclusive fédérale, mais ce faisant, vous passez outre au rôle, encore une fois, de l'inspecteur général des institutions financières du Québec.
Sous couvert de vouloir augmenter la stabilité et la certitude dans le secteur financier, vous ajoutez un acteur et vous ajoutez un potentiel de contestation de certaines institutions qui pourraient être prises en défaut par l'inspecteur général des institutions financières du Québec. Vous lui donnez une prise sur une contestation qui pourrait aller jusqu'à la Cour suprême, qui pourrait augmenter l'ambiguïté dans le secteur financier, qui pourrait augmenter l'incertitude et pour longtemps. Alors, faites-moi rire. Si vous voulez réduire les incertitudes, réduire l'instabilité du secteur financier québécois et canadien, vous vous y prenez très mal, parce que vous exacerbez des situations potentielles à cet égard.
Quant au troisième aspect du projet de loi qui pose des problèmes, on le retrouve à l'article 21. À la page 11 du projet de loi vous dites que, dorénavant, les primes payables à la Société d'assurance-dépôt du Canada seront fonction du risque des institutions analysées par elle. Le principe est excellent, sauf que vous passez outre, encore une fois, à la présence, à l'existence de la Régie de l'assurance-dépôt du Québec qui elle n'a pas éprouvé le besoin de mettre en place ce genre de système et qui n'a jamais été consultée sur le système de cotation que vous vous apprêtez à mettre en place par l'entremise de la Société d'assurance-dépôt du Canada.
On a plusieurs réticences au niveau de ces cotations-là. Prenez, par exemple, Fiducie Desjardins qui a 95 p. 100 de ses dépôts en sol québécois et 5 p. 100 en sol canadien. La Société d'assurance-dépôt du Canada va évaluer le risque de Fiducie Desjardins Inc. relié à 5 p. 100 de ses dépôts globaux. Cette cotation va s'appliquer à l'ensemble de Fiducie Desjardins Inc. et non pas seulement aux 5 p. 100 placés à l'extérieur du Canada. Donc, cela va devenir un baromètre du degré de risque encouru lorsque vous faites affaires avec Fiducie Desjardins Inc.
Qu'on le veuille ou non, cette cotation-là va devenir une cote aussi valable et aussi baromètre que celle de Dominion Bond Rating Service, etc. Cela va devenir un indice au niveau des milieux financiers, même s'il n'y a que 5 p. 100 des dépôts qui ont été évalués à partir de critères qui sont étrangers à la Loi sur les institutions financières du Québec.
Donc, ce sont les trois aspects qui nous posent problème et c'est un sérieux problème. Je ne sais pas, monsieur le ministre, si vous avez entendu hier, le ministre des Finances du Québec avec l'inspecteur général des institutions financières du Québec qui l'accompagnait et le président de la Commission des valeurs mobilières du Québec, mais il y a un sérieux problème avec votre projet de loi.
On regarde ce que vous faites depuis à peu près quatre mois comme gouvernement. Vous multipliez les gestes et les actions pour augmenter les frictions entre les provinces et votre gouvernement.
Simplement au niveau des forums sur la santé, par exemple, vous avez osé faire un forum sur la santé en l'absence des provinces. Vous avez fait la même chose pour ce qui est du projet de loi C-76 qui met en oeuvre le Budget. Vous vous êtes donné le pouvoir d'établir des normes pancanadiennes, peu importe si les champs attaqués étaient de juridiction du Québec. Avec le projet de loi C-88 qui régit le commerce interprovincial, vous avez encore une fois multiplié les attaques contre les juridictions du Québec avec des visées centralisatrices sans précédent.
Pourquoi tourner le fer dans la plaie avec un projet qui touche un bébé au Québec, qui touche le secteur des valeurs mobilières? Vous êtes intelligents, vous étiez sûrement conscients que vous attaquiez de front le secteur des valeurs mobilières, que même Daniel Johnson, dans une lettre qu'il adressait à M. Massé lorsqu'il était premier ministre du Québec, en 1994, invitait le fédéral à mettre de côté dans ses visées centralisatrices. Je vous pose la question. Pourquoi ces empiétements? Pourquoi ces chevauchements? Pourquoi cet entêtement à rentrer dans le corps et le coeur du Québec par l'entremise des institutions financières?
C'était ma première question.
[Traduction]
M. Peters: J'aimerais signaler, d'entrée de jeu, que cette mesure législative touche clairement des questions qui relèvent de la compétence fédérale. Je ne sais pas si tous les députés ont eu l'occasion de lire la lettre adressée par M. Martin à M. Campeau; j'en ai apporté quelques copies et je serai heureux de vous les distribuer si le président nous le permet car ce document répond à certaines des questions qu'a posées le député.
La question de M. Loubier comporte trois volets.
Les systèmes de compensation et de règlements relèvent de la Banque centrale. C'est d'ailleurs un rôle qui est confié à la Banque centrale des autres pays industrialisés, et c'est clairement le rôle de la Banque centrale du Canada de surveiller le système de compensation et de règlement. La loi en fait indique clairement que cela ne fait pas partie de la réglementation des valeurs mobilières.
Il s'agit là de ma réponse à la première question posée par le député.
Deuxièmement, la Loi sur les liquidations est une loi fédérale qui existe depuis déjà longtemps. Les amendements que nous proposons sont assez simples et ne visent que les institutions assujetties aux règlements fédéraux.
Vous faites également mention de l'assurance-dépôt. Toute institution assujettie aux règles de la Régie d'assurance-dépôts du Québec ou toute institution financière du Québec qui fait des dépôts à l'extérieur du Québec est déjà assujettie aux règlements de la SADC, paie déjà des primes à la société, et il n'y aura donc pas de changement important. Les primes fondées sur le risque que pourra établir la SADC conformément aux nouvelles dispositions, ne vaudront que pour les dépôts assurés par la SADC. Si la Société d'assurance-dépôts du Québec désire suivre les règles - et je crois que ce serait une bonne idée - des primes fondées sur le risque, bien, c'est à la Société d'assurance-dépôts du Québec et au gouvernement du Québec qu'il appartiendra d'apporter les modifications nécessaires.
Bref, pour ce qui est des trois questions que vous avez soulevées, je crois que la lettre deM. Martin et mes commentaires indiquent clairement que nous n'empiètons pas du tout dans le domaine qui relève du Québec. Il est clair que ces questions relèvent du gouvernement fédéral et que cela ne touche aucunement le secteur des valeurs mobilières.
Le président: Si nous nous en tenons au programme prévu, il nous reste que très peu de temps. Je crois que tout le monde serait d'accord pour qu'on prolonge la réunion?
[Français]
M. Loubier: Vous me permettrez un deuxième tour? Je suis d'accord avec vous, parce que j'ai beaucoup de questions à poser au ministre. Ce projet de loi est très important.
[Traduction]
Le président: J'aimerais que les députés me disent combien de temps ils veulent réserver au témoignage du ministre; nous avons un horaire très chargé et il sera peut-être nécessaire de changer l'heure de la comparution des autres témoins prévus aujourd'hui.
[Français]
M. Loubier: Une heure.
Le président: Une heure de plus?
M. Loubier: Oui.
Le président: C'est-à-dire jusqu'à 11 heures?
[Traduction]
Monsieur Williams?
M. Williams (St-Albert): Cela me convient.
Le président: M. Campbell?
M. Campbell (St. Paul's): Mon parti aimerait également poser des questions. J'ai plusieurs questions à poser. Je ne sais pas si M. Loubier nous disait qu'il aurait besoin d'une heure.
Le président: Non, non. Il partagera cette période avec les autres partis.
[Français]
M. Loubier: Oui, une heure à moi seul.
[Traduction]
Le président: Monsieur le ministre, est-ce que cela vous convient? Tous les députés reconnaissent que ce sont des dossiers très importants.
M. Peters: Oui, ça me convient.
Le président: Merci beaucoup.
[Français]
Avez-vous une autre question?
M. Loubier: J'aurais deux autres questions.
Monsieur le ministre, vous dites que la Banque du Canada a le pouvoir de surveiller les institutions financières. Je vous l'accorde. La Banque du Canada a le pouvoir aussi d'évaluer le risque systémique pour éviter les effets domino dans le secteur financier.
Mais la Banque du Canada n'a pas le pouvoir dans le secteur des valeurs mobilières et ailleurs d'émettre des directives directement aux chambres de compensation ou aux institutions participantes, surtout pas celles à charte québécoise qui oeuvrent dans le secteur des valeurs mobilières. Cela n'est pas tout à fait vrai de dire qu'elle en a le pouvoir. Elle n'a pas ce pouvoir. Si elle l'avait, vous n'auriez pas un projet de loi pour en fait lui donner ces pouvoirs-là.
Je vous rappellerais que le ministre des Finances, M. Martin, a écrit à M. Campeau hier, et il a dit: «Je réponds par la présente à votre lettre. Votre prétension selon laquelle le projet de loi C-100 constitue un empiétement dans un domaine de compétence provinciale n'est simplement pas vraie.» Donc, il nous traite de menteurs, alors que partout...
Regardez à la page 76 où l'on parle de société provinciale. Regardez dans votre projet de loi où l'on parle des chambres de compensation, où on exclut d'aucune façon le secteur des valeurs mobilières. Vous nous traitez de menteurs, vous traitez le ministre des Finances de menteur, alors que dans le projet de loi c'est explicitement écrit que les sociétés provinciales seront visées, que les chambres de compensation et les institutions participantes, peu importe dans quel domaine elles oeuvrent, seront être visées. Je trouve ça fort.
Expliquez-moi pourquoi vous dites que la Banque du Canada a déjà le pouvoir d'émettre des directives alors que vous avez un projet de loi qui explicitement lui donne le pouvoir d'émettre des directives. Cela veut dire qu'auparavant, la Banque du Canada n'avait pas ce pouvoir-là. Cela veut dire que vous ne nous avez pas dit tout à fait la vérité. Répondez à cette question-là.
Deuxièmement, est-ce qu'il est faux de prétendre - et là je vous pose la question - qu'on peut procéder bien autrement pour réduire les risques systémiques, c'est-à-dire les effets domino dans le secteur financier, qu'on peut procéder autrement que par la voie de donner des pouvoirs à la Banque du Canada qui entre de plein fouet dans des champs de juridiction du Québec?
Par l'amélioration du système des paiements de grande valeur, ne peut-on pas supprimer les risques systémiques et arriver aux objectifs que vous visez, mais sans rentrer dans les juridictions du Québec, sans créer de friction non plus avec le gouvernement du Québec? À moins que vous aimiez tellement les frictions, monsieur le ministre, que vous n'osez même pas changer ce projet de loi là. Il fait votre affaire.
C'était là mes deux questions.
[Traduction]
M. Peters: J'aimerais signaler tout d'abord que le projet de loi mentionne les risques systémiques. Le risque systémique désigne le danger pour un système d'institutions financières plutôt que pour une institution particulière. Cela ne touche pas le règlement des questions mobilières, pas plus que la situation de quelqu'un qui achète un tracteur. Si vous voulez acheter un tracteur, vous allez offrir un chèque pour le paiement. La question qui nous occupe....
[Français]
M. Loubier: Dites-moi où dans le projet de loi on exclut le secteur des valeurs mobilières, des nouveaux pouvoirs octroyés à la Banque du Canada? Dites-moi où? Dites-moi où on exclut des sociétés provinciales à chartes québécoises dans le projet de loi? Au contraire. À plusieurs endroits dans le projet de loi on inclut explicitement les sociétés à chartes provinciales. C'est cela que je vous pose comme question. Dites-le moi. À moins que vous ne connaissiez pas votre projet de loi, dites-moi à quel endroit on exclut explicitement le secteur des valeurs mobilières.
Est-ce que vous partagez l'avis de votre ministre des Finances qui dit qu'on ne dit pas la vérité? Donc, que nous sommes des menteurs. Le ministre des Finances et le critique de l'Opposition sont des menteurs.
[Traduction]
M. Peters: Permettez-moi de vous renvoyer à la page 116, où l'on dit tout au haut de la page que le terme «banque» utilisé dans le projet de loi désigne la Banque du Canada. Un peu plus bas à la rubrique «système de compensation et de règlement» on dit qu'on entend par ces termes un système ou arrangement visant le règlement ou la compensation des obligations monétaires, puis on donne d'autres détails.
À mon avis, cela n'inclut pas le marché des valeurs mobilières ou la bourse. Cela n'inclut pas la vente d'obligations, pas plus que le paiement par chèque pour l'achat d'un tracteur. Ce chèque fait partie du système de paiements.
[Français]
M. Loubier: À la page 118, l'article 6 stipule:
- Lorsqu'il est d'avis qu'une chambre de compensation ou un établissement participant est
en train ou sur le point de commetre un acte ou d'adopter une attitude qui ne permet pas un
contrôle adéquat du risque systémique, ou encore qu'un système de compensation et de
règlement fonctionne ou est sur le point de fonctionner sans mesures adéquates pour contrôler
le risque systémique, le gouverneur de la banque peut, au moyen d'une directive écrite,
ordonner à la Chambre la chambre, de compensation
- ou à l'établissement de cesser, de s'abstenir ou de prendre toute autre mesure nécessaire
pour corriger le fonctionnement du système de compensation et de règlement qu'il opère ou
auquel il participe.
Pour nous, au Québec, c'est Fiducie Desjardins Inc., les caisses centrales Desjardins, c'est Levesque Beaubien Geoffrion Inc. Ce sont toutes des sociétés à charte provinciale. Donc, lisez votre projet de loi jusqu'au bout. Ne m'en donnez pas seulement que des parties. Où explicitement exclut-on le secteur des valeurs mobilières? À quel endroit?
[Traduction]
M. Peters: Exactement là où je vous l'ai dit. Pour être assujetti au règlement que peut formuler la Banque du Canada vous devez être une chambre de compensation aux termes de la définition incluse dans la loi, et cela c'est la disposition qu'on retrouve à la page 116. Le secteur des valeurs mobilières n'y figure pas.
Nous n'y faisons pas mention des valeurs mobilières. La Bourse de Montréal n'est pas incluse, et il en va de même des systèmes qui ne touchent pas les systèmes de paiements. C'est justement là qu'on exclut le secteur des valeurs mobilières.
Donc, ces dispositions ne valent pas pour ces groupes, à moins....
[Français]
M. Loubier: Vous êtes d'accord que Fiducie Desjardins Inc. et Levesque Beaubien Geoffrion Inc. sont des sociétés participantes? Vous êtes d'accord. Si elles sont des sociétés participantes, elles sont soumises à l'article 6. Vous êtes toujours d'accord? Si elles sont soumises à l'article 6, c'est parce que la Banque du Canada a le pouvoir d'émettre des directives auprès d'elles sous prétexte de risque systémique. La Banque du Canada pourrait ordonner n'importe quoi à ses institutions à charte fédérale, alors que c'est la Commission des valeurs mobilières du Québec et l'inspecteur général des institutions financières du Québec qui ont pleine juridiction pour effectuer ces tâches-là.
Monsieur Peters, vous n'avez pas encore dit s'il y avait un autre moyen que celui de créer une confrontation avec votre projet de loi pour supprimer justement les risques systémiques tout en préservant les juridictions du Québec? Ce n'est pas comme souverainiste que je vous pose la question. Daniel Johnson, en tant que premier ministre, l'a déjà posée à votre ministre, Marcel Massé. Il n'a toujours pas eu de réponse. Nous aussi attendons toujours les réponses, mais pas des réponses comme celles qu'on a obtenues de M. Martin hier. Pas des choses qui nous démontrent que le ministre Martin n'a pas lu le projet de loi. Il dit à peu près n'importe quoi. Répondez à ma question, s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Peters: Vous voulez savoir s'il y a une autre façon d'éliminer le rythme systémique? Je ne crois pas.
C'est clairement la Banque centrale qui est chargée, dans tous les pays industrialisés, d'éliminer les risques systémiques. C'est donc clairement la responsabilité de la Banque du Canada.
Le président: Monsieur Williams.
M. Williams: J'ai été fort intéressé par les commentaires de mon collègue. Je crois que s'il y avait association économique, les choses seraient faites comme le veut le Québec plutôt que comme le veut le fédéral; je crois que l'avenir sera plutôt intéressant.
Monsieur le ministre, vous avez adroitement évité de répondre aux questions portant sur la co-assurance, des questions qui ont été soulevées à plusieurs reprises par le secteur financier et ceux qui surveillent les activités de ce secteur de près. Pourquoi n'avez-vous pas proposé dans le projet de loi C-100 la création d'un système de co-assurance?
M. Peters: Nous avons étudié la question de la coassurance de façon exhaustive lorsque vous avons élaboré le Livre blanc. Certains commentateurs se sont dit de la même opinion que vous, se sont prononcés pour la coassurance.
Il y a des arguments pour et contre cette idée.
Le projet de loi prévoit toutefois d'autres mesures.
Avec la coassurance, il incombe à chaque déposant d'évaluer lui-même son institution financière. Nous avons estimé qu'il serait préférable de responsabiliser les administrateurs et les dirigeants des institutions financières.
C'est ce que nous avons fait en créant, pour la SADC, des primes fondées sur le risque. Ainsi, nous indiquons clairement aux dirigeant et aux administrateurs qu'il leur incombe de minimiser le risque de leur institution. Nous responsabilisons ainsi les dirigeants et les administrateurs, ce qui me semble mieux que d'exiger de tous les déposants qu'ils évaluent chacune des institutions financières.
Je sais qu'il existe certaines tendances.
Les consommateurs ont tendance à se dire que les institutions les plus importantes présentent moins de risque. Avec la faillite récente de la Confédération, par exemple, et d'autres événements, nous avons constaté que tel n'était pas nécessairement le cas.
Nous avons aussi rejeté l'idée de la coassurance parce qu'on aurait eu tendance à favoriser les très grandes institutions financières au détriment des plus petites, qui ne présentent pas nécessairement plus de risque, mais qui sont parfois plus difficiles à évaluer.
M. Williams: À mon avis, vous avez tort de ne pas instaurer la coassurance. N'oublions pas que bon nombre de grandes institutions vendent des instruments financiers qui ne sont pas assurés. Certaines banques vendent, par exemple, des fonds mutuels et des investissements dans leurs filiales.
Pour ma part, monsieur le ministre, j'estime que bien des consommateurs se retrouveront dans la confusion totale et incapables de faire la part entre les instruments qui sont assurés et ceux qui ne le sont pas.
La confusion règne, et cela doit cesser. Avec la coassurance, on aurait pu faire comprendre au grand public qu'il lui incombe de gérer son argent en examinant la situation de son institution financière et des instruments financiers qu'il achète.
Je suis certain que, même dans les banques, les employés ne savent pas toujours quels sont les instruments qu'ils vendent qui sont assurés.
M. Peters: En ce sens, il revient à chaque déposant d'assumer ses responsabilités.
Si on avait prévu une coassurance à 90 p. 100, par exemple, je ne suis pas certain que cela aurait fait une grande différence pour les déposants.
M. Williams: Il n'en reste pas moins que les banques et institutions financières vendent des instruments d'investissement assurés et non assurés. Il existe donc une grande confusion chez les consommateurs, même de nos jours, quant à ce qui est assuré et ce qui ne l'est pas, et vous n'avez rien fait pour régler ce problème.
M. Peters: Nous avons amorcé un projet en collaboration avec la SADC en vue de clarifier cette distinction. C'est en effet un problème, nous le reconnaissons.
Nous allons prendre des mesures pour que cette distinction soit plus claire et mieux comprise par le grand public.
Cette difficulté existe, vous avez raison. Toutefois, même avec une coassurance, une partie des dépôts aurait été assurée et l'autre ne l'aurait pas été. La distinction aurait continué d'exister. Certains instruments seraient non assurés, d'autres seraient assurés en partie, et ainsi de suite.
M. Williams: Au moins, les déposants ou l'investisseur sauraient que chaque investissement présente des risques inhérents et que ce n'est pas parce qu'il s'agit d'un instrument important qu'il ne comporte pas des risques, et ce n'est pas parce qu'il est vendu dans une banque ou une institution financière qu'il est automatiquement assuré par la SADC.
Je le répète, la confusion règne au sein du marché et il faut y mettre fin. Vous avez fait un pas dans la bonne direction en imposant l'établissement des primes en fonction des risques. Avez-vous l'intention de rendre public les taux de ces primes afin que je puisse savoir que la prime de l'institution X est supérieure à celle de l'institution Y?
M. Peters: Non. Ces informations seront communiquées aux administrateurs et aux dirigeants. À mon avis, on ne ferait qu'ajouter à la confusion en rendant publics ces renseignements.
M. Williams: Par conséquent, moi, membre du grand public, je vais continuer de me faire mener en bateau par le gouvernement qui me permettra d'investir dans ce que le BSIF juge être une institution financière risquée. Vous ne me direz pas si j'investis mon argent dans une institution qui présente un risque élevé.
M. Peters: N'oubliez pas que le surintendant joue un rôle de réglementation et de supervision, tandis que le rôle de la SADC est un rôle d'assurance. Il ne lui incombe pas de rendre publiques ses constatations. Son rôle de réglementation pourrait même se trouver compromis s'il lui fallait divulguer ces informations...
M. Williams: Pourquoi ne laissez-vous pas les forces du marché...
M. Peters: Il y a de nombreuses agences de cotation qui évaluent les institutions financières. Manifestement, il incombe au secteur privé d'effectuer ces évaluations, et c'est ce qu'il fait. Ces agences de cotation du secteur privé sont nombreuses et elles fournissent un service très précieux. Je ne crois pas que nous devions leur refuser de s'acquitter de cette fonction en révélant les informations confidentielles du BSIF.
Soit dit en passant, il est vrai que la confidentialité est un problème.
M. Williams: Je ne crois pas que la prime imposée par le BSIF et le gouvernement du Canada pour protéger les souscripteurs et les investisseurs devrait être un renseignement privilégié. Ce genre d'information devrait être public. Si nous voulons sensibiliser les consommateurs, nous devrions rendre publique cette information le plus tôt possible. C'est ainsi qu'on devrait procéder, à mon avis.
Vous semblez avoir fait une distinction...
Le président: Monsieur Williams, me permettriez-vous de poser une courte question complémentaire?
M. Williams: Oui.
Le président: Les sociétés publiques devront vraisemblablement inclure à leur bilan de fin d'année le fait que, en raison du risque qu'elles courent, leur prime a été augmentée, puisqu'il s'agit d'un élément d'information à caractère significatif que doivent divulguer les comptables. Avec ce système, les entreprises ouvertes devront divulguer davantage que les sociétés privées en ce qui concerne notre évaluation.
M. Peters: Si je peux me permettre d'ajouter autre chose, le ministère s'est informé auprès de l'ICCA à qui aviez d'ailleurs posé la question. Je crois savoir que l'Institut canadien des comptables agréés comparaîtra devant votre comité, n'est-ce pas?
Le président: En effet.
M. Peters: La question est de savoir s'il s'agit d'un élément d'information à caractère significatif ou non, et j'estime qu'il incombe aux professionels de la comptabilité d'en décider. Il se pourrait que ce genre d'information soit divulgué, mais je crois savoir qu'ils sont d'avis que ce ne sera pas nécessairement le cas.
M. Nick Le Pan (conseiller spécial du sous-ministre des Finances): Si je peux me permettre un autre éclaircissement, monsieur le président, les règles comptables actuelles exigent la divulgation de ce qui, selon les vérificateurs, par exemple, aura un effet sur la santé de l'institution. Ça signifie qu'on devra peut-être divulguer l'événement ayant accru le risque et, du coup, la prime fondée sur le risque, mais ce sera cet événement seul, et non la prime même, qui sera dévoilé, et seulement s'il est important au point d'influer sur la santé de l'entreprise. C'est déjà une règle comptable.
M. Williams: Dans la même veine, s'il faut augmenter la prime, d'après votre définition, monsieur Le Pan, c'est qu'il existe un risque sous-jacent et, par conséquent, qu'on le constatera dans le bilan financier présenté par le vérificateur. Cela mènera le grand public à se poser la question suivante: Le BSIF impose-t-il une prime plus élevée?
Qu'en pensez-vous, monsieur le ministre?
M. Peters: Il incomberait à l'entreprise de répondre aux question de ses actionnaires. Les dirigeants de l'entreprise doivent rendre les comptes des actionnaires. Si, à l'assemblée générale des actionnaires, on demande: «Votre prime a-t-elle augmenté?», je présume que les dirigeants d'entreprise seraient obligés de répondre.
M. Williams: Vous faites une distinction entre les banques et les sociétés d'assurance, les premières étant régies par la SADC et les secondes, par l'OPS. Bien sûr les banques, par l'entremise de la SADC, ont accès au Trésor, ce qu'on refuse au secteur de l'assurance. Pourquoi?
M. Peters: Toutes les institutions de dépôt sont régies par la SADC ou la Société d'assurance-dépôt du Québec.
Elles doivent aussi s'occuper du risque systémique. Le système de paiement même est distinct.
L'assurance-dépôt comporte deux volets. Le premier est celui de la protection du consommateur, et la SADC et la SIAP s'en occupent. Toutefois, la SADC a aussi la responsabilité de contrer le risque systémique, et c'est pourquoi elle a accès au Trésor.
M. Williams: Pouvez-vous nous garantir qu'on n'aura recours au Trésor que dans le cas de problèmes de paiement systémiques, et non pas pour renflouer une institution financière régie par la SADC? Étant donné que le secteur de l'assurance doit assumer lui-même ses pertes, pouvez-vous nous garantir que les banques et les institutions financières devront en faire autant?
M. Peters: Les mêmes règles s'appliquent. Les primes et les coûts de la SADC, y compris les coûts d'intérêts, sont assumés par toutes les institutions de dépôt.
M. Williams: Mais moi, je parle des pertes et des paiements.
M. Peters: Toutes les pertes sont couvertes par les primes des institutions de dépôt. Le gouvernement ne verse aucune subvention. Toutefois, lorsqu'on fait partie d'un système de paiement, il est essentiel que ce paiement soit fait sans délai, qui n'est pas le cas dans le domaine de l'assurance. Les sociétés d'assurance doivent verser des indemnisations, mais elles ne font pas face aux mêmes demandes de paiement que les institutions de dépôt pour lesquelles on doit agir dans les meilleurs délais. C'est la tâche de la SADC et c'est pourquoi elle doit pouvoir faire des emprunts et avoir accès, pour ces emprunts, au Trésor.
Pour ce qui est des autres polices d'assurance, vous ne réclamerez pas votre indemnisation immédiatement - du moins , je l'espère. Dans la plupart des cas, les passifs s'échelonnent sur une longue période et on a davantage de temps pour tout régler. C'est la différence entre le SIAP et la SADC.
M. Williams: Je ne vois toujours pas pourquoi la SADC devrait emprunter au Trésor.
Vous prévoyez que le BSIF pourra dorénavant assumer le contrôle d'une institution financière qui est encore solvable, même si ce n'est que de façon marginale. Est-ce que le BSIF ne prend pas alors la responsabilité de ressusciter cette entreprise? Quelle est la responsabilité du BSIF s'il décide de liquider l'entreprise alors que le conseil d'administration estimait pouvoir la remettre sur pied? Quelle est la responsabilité du BSIF dans un tel cas?
M. Peters: Aux termes de cette loi, il n'y en a pas. Si le BSIF outrepasse ses pouvoirs, l'entreprise en question peut demander qu'on enquête sur les agissements du BSIF. Ce recours existe toujours.
M. Williams: Qui ouvrira cette enquête?
M. Peters: Lorsqu'une société est mise sous séquestre, il y a toujours une différence considérable entre la valeur des actifs en fonction de la continuité de l'exploitation et la valeur de séquestre. Par conséquent, lorsque le BSIF estime qu'une l'entreprise est sur une pente dangereuse, il impose une réorientation et émet des avertissements... Si l'entreprise fait fi des avertissements, le BSIF doit parfois intervenir dans les meilleurs délais, avant que le capital ne soit entièrement épuisé. Sinon, les pertes seront d'autant plus importantes pour les déposants et les créanciers.
Nous devons tenter de minimiser les pertes, même si cela signifie une intervention précoce. Je doute toutefois que cette question se pose, parce que...
M. Williams: Est-ce que le public en sera informé?
M. Peters: ...les propriétaires d'institutions financières ont cette obligation. C'est un privilège que de posséder une institution financière, et non un droit.
M. Williams: Le public sera-t-il informé lorsque le BSIF interviendra et émettra des directives aux dirigeants ou prendra le contrôle de l'institution?
M. Peters: Ça dépendra des mesures qui seront prises, mais, oui, tout cela sera public.
M. Williams: Alors, si le BSIF émet des directives aux dirigeants parce qu'il estime que cette entreprise est en difficulté, nous le saurons?
M. Peters: Non. Si vous lisez le livre blanc, vous verrez qu'on parle de trois niveaux de conformité...
M. Williams: Mais il s'agit de transparence; nous voulons que tout cela se sache. Tout semble se faire en catimini au BSIF. Tout s'y fait en cachette.
M. Peters: Je vous répondrai ainsi: si vous informiez le public du fait que le BSIF a donné une directive à une institution financière, cette institution fermerait ses portes. Cela provoquerait la situation qu'on veut éviter. Le surintendant prend les mesures pour que l'entreprise s'attaque à ses problèmes de manière que la SADC n'ait pas à ordonner sa liquidation.
M. Williams: Pour le public, le premier indicateur sera la petite augmentation de la prime fondée sur le risque; cela équivaut, pour le BSIF, à dire: «Cette entreprise a de petites difficultés et, si elles s'aggravent, les primes continueront d'augmenter». Puis, le BSIF intervient et dit aux dirigeants: «Vous vous acquittez mal de votre tâche. Voici ce que vous devez faire». Il y a donc une certaine progression et, si le public en est informé, il peut prendre les mesures qui s'imposent dans son cas.
Parce qu'il s'agit de leur entreprise et qu'ils doivent rendre des comptes aux actionnaires, les dirigeants se diront: «Nous ferions bien d'agir, sinon, les actionnaires nous remplaceront par d'autres». Ainsi, les forces du marché s'exercent sur les institutions financières; c'est bien mieux que de s'en remettre au BSIF, ou à des organismes de réglementation et aux bureaucrates qui agissent à huis clos, à notre insu.
À mon avis, ce n'est pas ainsi que cela devrait se faire.
M. Peters: Je vous répondrai ainsi: Tout à l'heure, vous avez dit que le consommateur devrait être en mesure d'évaluer son institution financière à l'aide des agences de cotation privées, notamment. Le surintendant joue un rôle de superviseur et c'est à ce titre qu'il lui incombe de corriger les situations problématiques. Cet objectif est au coeur même de tout ce qu'il fait.
M. Williams: Que se passe-t-il s'il prend le contrôle d'une entreprise qui est encore solvable, même si ce n'est que de façon marginale, et qu'il décide que son plan est meilleur que celui des dirigeants? Il assume des responsabilités et se met même en position de conflit d'intérêts en disant: «Je suis plus compétent que vous».
Ne devrait-il pas remplacer les dirigeants par d'autres plutôt que de prendre le contrôle lui-même - qui contrôlera le BSIF pendant qu'il dirige les institutions financières?
M. Peters: La loi confère au surintendant un droit de veto en ce qui concerne la nomination des hauts dirigeants et administrateurs; ça vous donne une bonne idée du genre de mesures que le BSIF peut prendre. Mais ce n'est pas là ce qu'il fera en premier...
M. Williams: Je comprends cela.
M. Peters: ...à moins qu'il ne doive régler un problème très grave.
M. Williams: J'estime néanmoins que le BSIF sera en conflit d'intérêts s'il assume le contrôle et la gestion quotidienne des activités d'institutions qui sont encore solvables. C'est pour cela que je vous demande pourquoi le BSIF ne choisit pas de nouveaux dirigeants plutôt que de prendre le contrôle direct de l'entreprise.
M. Peters: Le BSIF n'assumera pas le contrôle direct de l'entreprise. Il la liquidera avant que ses actifs ne soient épuisés.
M. Williams: Vous nous avez déclaré que vous, les ministres, déterminerez s'il est dans l'intérêt public de fermer une institution. Qu'entendez-vous par «intérêt public»?
M. Peters: Beaucoup de choses. D'abord, je devrai me demander si la fermeture d'une institution entraînera de graves problèmes pour le pays, ce qui pourrait parfois être le cas. Toutefois, je doute qu'on invoque souvent cette disposition.
M. Campbell: Monsieur le ministre, j'ai plusieurs questions à vous poser. Je crois pouvoir dire que nous sommes saisis d'un projet de loi-cadre, qui comporte de nombreux changements. Il est donc inévitable qu'il soulève de nombreuses questions. D'ailleurs, comme vous l'avez laissé entendre plus tôt, certaines de ces questions ne trouveront réponse que dans le cadre de l'examen exhaustif que nous amorcerons sous peu, en 1996, et qui se poursuivra en 1997.
Bon nombre des intervenants du secteur des services financiers m'ont signalé que, bien que les objectifs du projet de loi soient louables, comme je le crois moi-même, certaines des dispositions techniques ont pour résultat d'aller à l'encontre des buts visés. J'aimerais à cet égard soulever deux ou trois points. J'en ai parlé avec des fonctionnaires dont certains sont ici aujourd'hui.
Je vous ferai donc part de mes préoccupations au cas où ces dossiers auraient progressé, comme c'est le cas en ce qui concerne la SIAP, une nouvelle que j'ai très bien accueillie.
En ce qui concerne les changements proposés à la Loi sur les liquidations, j'ai noté, et j'en ai discuté avec vos fonctionnaires, des incohérences entre les définitions des amendements et les définitions identiques ou semblables qui figurent dans d'autres lois, notamment, la Loi sur les sociétés par actions et la Loi sur les faillites qui a fait l'objet d'un examen exhaustif, et de modifications.
Premièrement, peut-être que vous ou vos fonctionnaires pourraient nous dire comment il se fait que ces incohérences existent. N'ajouteront-elles pas à la confusion plutôt que de simplifier les choses?
M. Peters: Je vous remercie de votre aide à ce chapître. Nous en avons discuté avec le secteur privé et nous allons examiner attentivement ces définitions pour assurer la cohérence entre les diverses lois. C'est assez difficile, car il y a trois lois distinctes qui touchent trois secteurs distincts.
M. Campbell: J'ai moi-même travaillé en périphérie de ce domaine, et je sais qu'il est difficile de donner des conseils lorsqu'il y a des incohérences dans les lois.
Je vous remercie de votre réponse.
Ma deuxième préoccupation est liée aux administrateurs indépendants. J'en ai déjà parlé. L'objectif est louable, mais je crains qu'on ne se retrouve avec le résultat contraire. En exigeant des administrateurs indépendants d'une institution réglementée qui ne siègent pas au conseil d'une entreprise apparentée non réglementée, est-ce qu'on ne causera pas des difficultés opérationnelles et organisationnelles? Il est très difficile de recruter des administrateurs compétents de nos jours. Il est tout aussi difficile de doter en personnel les différents comités. En fait, j'aurais plutôt pensé qu'il aurait été utile, pour assurer de bonnes relations entre la société mère et ses filiales, que des administrateurs indépendants siègent aux deux conseils afin d'avoir toutes les informations pertinentes et de pouvoir les transmettre aux intéressés dans la mesure où cela est permis.
Pourriez-vous nous expliquer ce changement?
M. Peters: On ne leur interdit pas de siéger au conseil de l'entreprise apparentée; seulement, certains des administrateurs de l'institution réglementée doivent être indépendants de la société mère. Si les deux conseils d'administration sont identiques, la société mère, qui n'est pas réglementée, risque d'imposer ses vues à l'entité réglementée. Par conséquent, si certains administrateurs de l'entité réglementée sont indépendants de la société mère, on garantit à l'institution réglementée une certaine autonomie par rapport à l'entreprise mère. C'est tout ce que vise la nouvelle loi. Rien n'empêche qu'un certain nombre des administrateurs de la filiale soient aussi membres du conseil d'administration de la société mère.
M. Campbell: Je me suis mal exprimé. J'avais compris cela. Le fait est, cependant, qu'on impose une restriction qui viendra s'ajouter aux difficultés que les institutions ont déjà à recruter des administrateurs.
Quoi qu'il en soit, je croyais que l'essentiel ici était de s'assurer de l'indépendance des administrateurs. C'est pourquoi je me suis demandé quel risque il pourrait y avoir à ce que ces administrateurs indépendants siègent aux deux conseils d'administration.
M. Peters: Le risque vient du fait que le point de vue de la société mère l'emportera sur le point de vue distinct que pourrait avoir la filiale, de ce qu'aucun des membres du conseil d'administration de la filiale n'adoptera un point de vue indépendant sur la façon dont la filiale réglementée exerce son activité étant donné que le point de vue de la société mère aura préséance.
La régie des institutions est toujours une question difficile. Cette restriction ne garantit pas qu'elles seront essentiellement indépendantes, mais elle donne une impulsion en ce sens.
Je sais bien qu'il est de plus en plus difficile de recruter de bons administrateurs - en grande partie parce qu'on est de plus en plus conscient des responsabilités de la charge, ce qui n'est pas mauvais en soi.
M. Campbell: Pour ce qui est des pouvoirs d'intervention précoce qui seront conférés au surintendant, pourquoi n'a-t-on pas prévu le droit d'en appeler de cette décision du surintendant? Je ne crois pas me tromper en disant que le ministre peut intervenir à la demande de l'institution visée, mais qu'il n'existe pas vraiment de droit d'appel comme celui qui est prévu dans la loi actuelle.
M. Peters: Aux termes de la loi actuelle, je suis appelé, en tant que ministre, à formuler une conclusion indépendante quant à la solvabilité de l'institution. Vous comprendrez qu'il m'est assez difficile de me prononcer là-dessus et que c'est essentiellement une décision qui ne devrait pas m'appartenir. Le surintendant, qui s'occupe de réglementer l'institution dans ses activités quotidiennes, est manifestement le seul à pouvoir prendre cette décision.
Le rôle du ministre consiste uniquement à tenir compte de l'intérêt public et à modifier la décision du surintendant quand il y va manifestement de l'intérêt public.
Par ailleurs, l'institution peut toujours demander à soumettre le cas à l'examen judiciaire de la Cour fédérale.
M. Campbell: J'ai encore deux courtes questions, qui concernent en fait le même point, à savoir si les modifications de 1992, celles qui se trouvent dans ce projet de loi omnibus et celles auxquelles nous pouvons nous attendre en 1997 contribueront toutes à accroître la concurrence dans le secteur des services financiers, ou si, par inadvertance, ou peut-être intentionnellement dans certains cas, elles n'auront pas plutôt l'effet contraire.
La première question concerne l'accès au capital, en ce qui concerne notamment les sociétés d'assurance mutuelles. Certaines des modifications apportées en 1992 ont permis à ces sociétés d'opter pour la démutualisation ou l'émission d'actions ordinaires ou assorties de certaines conditions comme moyen de mobiliser des fonds. Je me demande si vous avez discuté avec les représentants du secteur de ces modifications et de l'opportunité de prévoir dans le projet de loi de nouvelles modifications pour accroître l'accès au capital dans le secteur.
M. Peters: Oui. La démutualisation et l'accès au capital pour les sociétés mutuelles seront manifestement à l'étude dans l'examen qui sera fait en vue des modifications de 1997. Nous nous penchons sur ces questions et nous nous en discutons avec les représentants du secteur.
M. Campbell: Pour conclure, j'ai une autre question à vous poser au sujet de la concurrence. C'est une question qui me préoccupe énormément et qui concerne l'accès au système de paiements, notamment celui de l'Association canadienne des paiements. Certaines institutions du secteur des services financiers qui ne sont pas des banques à charte m'ont dit qu'elles ne peuvent pas adhérer à l'ACP. Par conséquent, elles ne peuvent pas faire partie du réseau Interac, et cette exclusion se réprecute sur leur capacité à commercialiser leurs produits et sur l'accès à leurs services pour leurs souscripteurs, leurs clients.
Qu'avez-vous à nous dire sur l'état de cette restriction qui s'applique aux autres institutions du secteur?
M. Peters: C'est une préoccupation qui ressort clairement des mémoires que nous avons reçus en vue de l'examen de 1997. Nous prendrons soin d'examiner tous les points de vue à ce sujet.
Bien entendu, ces autres institutions ont accès au système de paiement par l'entremise des sociétés de fiducie qui leur sont affiliées. Elles peuvent donc y avoir accès indirectement par les sociétés de fiducie qu'elles contrôlent, mais pas directement, pas plus que les banques ne peuvent vendre directement des polices d'assurance. Elles peuvent toutefois avoir leur propre société d'assurance qu'elles contrôlent. C'est le régime prévu par la Loi de 1992.
Mme Stewart (Brant): Je voudrais vous interroger plus à fond sur les différences dont nous parlions tout à l'heure entre la SADC et la SIAP comme mécanisme de protection. Vous avez fait une réponse tout à fait logique et pratique aux préoccupations de M. Williams quand vous nous avez expliqué pourquoi la Banque de commerce devrait avoir accès aux fonds du Trésor public.
Je trouve cette question problématique du fait que, malgré les arguments logiques et théoriques, le public a néanmoins l'impression que les institutions bancaires ou de dépôt ont accès à une aide financière accordée par l'État, mais pas les sociétés d'assurance. C'est essentiellement en raison de cette perception qu'en a le public que le régime pourrait être considéré comme injuste, faute d'un terme plus juste.
Que pouvons-nous faire pour expliquer les raisons qui expliquent cette différence et pour faire en sorte que les sociétés d'assurance considèrent que le régime est équitable?
M. Peters: Les sociétés d'assurance existent depuis très longtemps. Il n'y a qu'à voir la cote très favorable qu'elles obtiennent sur le plan de la sécurité et de la solidité qu'elles offrent.
Or, depuis quelques années, surtout depuis la faillite de la société d'assurance-vie La Confédération, on s'interroge sur la solidité financière des sociétés d'assurance. C'est comme ce qui s'est passé au milieu des années 1980, lors des premières faillites bancaires. À cette époque, on s'interrogeait sérieusement sur la solidité financière des institutions bancaires et de dépôt. C'est la même chose qui se produit maintenant.
Les sociétés d'assurance ont des éléments de passif très différents de ceux des institutions bancaires. Elles ne font pas partie du système de paiement. La nature des risques est donc différente.
Il faut, bien sûr, protéger les consommateurs, comme le fait très convenablement la SIAP, mais il n'est pas nécessaire de les compenser aussi rapidement que dans le cas des institutions de dépôt.
Les institutions de dépôt sont par ailleurs soumises à un risque systémique auquel échappent les sociétés d'assurance.
Je sais que le secteur des assurances met sérieusement en doute l'équité du régime. Nous avons reçu des mémoires à ce sujet. Nous les examinerons très attentivement dans le cadre de l'examen de 1997.
Mme Stewart: À ce propos, il a notamment été question du cumul lors des séances d'information qu'on nous a données. Je constate qu'on n'a pas cherché dans le projet de loi à empêcher les gens d'accroître leur protection en déposant des fonds dans des sociétés affiliées.
Pourquoi n'est-on pas intervenu en ce sens? Est-ce que parce qu'on estime que cette situation ne résulte pas de la politique gouvernementale et qu'on peut s'en remettre simplement à la SADC? Est-ce parce qu'on considère qu'il n'y a pas vraiment de répercussion?
M. Le Pan nous a dit que le montant moyen des dépôts était d'environ 20 000$, loin des 60 000$ qui sont assurés. Si cette affirmation est juste, a-t-on envisagé de réduire le niveau de protection dans le projet de loi?
M. Peters: Voici ma première question.
Si nous avons supprimé les dispositions sur le cumul que nous avions prévu d'inclure dans le projet de loi, c'est que les consultations que nous avons eues avec la SADC et avec les représentants du secteur nous ont persuadés qu'il en résulterait des problèmes sur le plan de l'application et que le consommateur ne saurait pas quels dépôts seraient assurés et lesquels ne le seraient pas. Il est déjà assez mêlé comme ça, sans qu'on le mêle encore plus. Il lui aurait fallu connaître toutes les filiales de la société mère pour savoir s'il avait des dépôts dans telle ou telle filiale. On a donc mis en doute l'opportunité de légiférer en ce sens.
Il y a une autre raison pour laquelle nous avons décidé de maintenir la limite de 60 000$. Certains voulaient qu'elle soit bien plus élevée. Il suffit d'y réfléchir un peu pour se rendre compte qu'il serait très difficile de prévoir des dispositions transitoires convenables. Si la limite de 60 000$ était ramenée à 30 000$, comment se ferait la transition? Ce serait très compliqué.
Je ne crois pas que la limite de 60 000$ fasse vraiment problème. Après tout, aux États-Unis, la limite est de 100 000$ U.S., soit l'équivalent de 130 000$ canadien environ, ce qui est à peu près le double de la limite qui s'applique chez nous.
Mme Stewart: Je suis vraiment obsédée par le processus d'intervention. Nous aurons sans doute une discussion plus poussée avec les témoins du BSIF.
Nous avons actuellement des garde-fous, et vous dites que nous continuerons à en avoir, mais alors dans quelle mesure est-il utile de procéder à une autopsie ou à une évaluation de ces garde-fous? Comment pourrait-on faire en sorte que les garde-fous soient examinés de façon plus constante et plus efficace? Nous discutons ici du processus de surveillance et du rôle du surintendant, et je me demande si vous avez réfléchi à cette question.
M. Peters: À mon avis, les enquêtes des comités parlementaires sont parmi les analyses les plus utiles qui ont été faites de la question. Votre comité et le comité sénatorial qui est le pendant du vôtre ont posé des questions très efficaces à ce sujet et ont beaucoup fait pour sensibiliser le public à la question. C'est la forme d'examen la plus efficace à mon avis.
Mme Stewart: Ainsi, vous croyez que notre comité continuerait à jouer ce rôle?
M. Peters: J'en suis persuadé. Le président peut convoquer tous les témoins qu'il veut.
Bien entendu, la faillite d'une petite société de fiducie ne suscite guère l'intérêt du public, mais quand il s'agit de grandes sociétés, l'intérêt est considérable.
[Français]
M. Loubier: Monsieur le secrétaire d'État, j'aimerais revenir à une question que je vous ai déjà posée. Pourquoi ajouter des intervenants, des duplications, des chevauchements, des acteurs supplémentaires dans le contrôle des chambres de compensation, par exemple, alors que la Commission des valeurs mobilières du Québec, comme la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, l'inspecteur général des institutions financières québécoises aussi, et d'autres organismes, de même que l'Association canadienne des paiements, tous ces acteurs-là sont déjà là? Tout ce que vous ajoutez, vous, c'est un coût supplémentaire pour des tâches qui sont déjà faites et bien faites par des commissions ontariennes et québécoises, alors que vous n'avez pas d'expertise là-dedans. Ce n'est pas votre champ de juridiction. Et pour répondre à M. Williams, tout à l'heure, il faut respecter les champs de juridiction des provinces; il ne faut pas favoriser le gaspillage.
Ne me dites pas que le Parti réformiste est en train de favoriser le gaspillage à l'heure actuelle. C'est ça que j'ai demandé au ministre. Il y a déjà des acteurs très efficaces, alors pourquoi ajoutez-vous des coûts inutiles, monsieur le ministre? C'était ma question.
[Traduction]
M. Peters: Pas du tout. Nous n'ajoutons rien du tout. En tant que prêteur de dernier ressort, la Banque du Canada assume la responsabilité du risque systémique pour l'ensemble du système. Il ne s'agit pas d'ajouter des acteurs; il s'agit de rendre le système de compensation plus viable et plus efficace et de nous aligner sur les normes internationales dans le cadre du vaste système de transfert de valeurs qui est en cours d'élaboration.
M. St. Denis (Algoma): Je suis désolé de ne pas avoir pu obtenir un vol qui m'aurait permis d'être ici plus tôt. Si vous avez déjà traité de cette question, je serai heureux de céder la parole à quelqu'un d'autre.
En ce qui concerne le pouvoir du surintendant de mettre fin aux activités d'une institution avant que son capital ne soit épuisé, à la page 5 de vos notes, le surintendant aura-t-il ou a-t-il déjà...? Je sais bien que la décision d'intervenir et le choix des mesures à prendre est une question de jugement. Existe-t-il des critères cependant? Existe-t-il des règles ou des formules pour aider le surintendant à décider s'il doit intervenir dans le cas d'une institution en particulier ou de mettre fin à ses activités?
M. Peters: Oui, il en existe. Je crois que vous avez vu notre livre blanc. Nous y décrivons la marche à suivre à cet égard. On sait exactement - de façon bien plus précise qu'auparavant - ce qu'entraînera la violation de telle ou telle règle. Le système est donc bien plus transparent qu'il ne l'était.
Mais tout compte fait, quand approche le jour J, il faut pouvoir compter sur un surintendant expérimenté, qui est compétent et qui est appelé à porter un jugement. Il faut s'en remettre aux résultats de son examen. On ne peut pas faire plus. Il faut pouvoir compter sur la personne la plus compétente qui soit. C'est là l'essentiel.
Qu'on décide de mettre fin aux activités d'une institution avant, après, ou quand le capital n'est pas encore épuisé, c'est toujours une question de jugement.
M. St. Denis: Je suis heureux de savoir que le projet de loi C-100 établit bien plus clairement la marche à suivre en cas d'intervention du surintendant.
L'autre question que j'ai à poser concerne le projet d'imposer des primes d'assurance calculées en fonction du risque. D'après ce qu'on m'a dit, ce nouveau régime aurait notamment pour effet de défavoriser les petites sociétés, puisque les calculs actuariels les placeraient dans une catégorie de risque plus élevé. Pensez-vous qu'il y ait lieu de s'en préoccuper?
M. Peters: Le plus souvent, les primes d'assurance-dépôt ne représente qu'un faible pourcentage des dépenses totales des sociétés.
Le nouveau régime défavoriserait effectivement les sociétés à risque plus élevé. Qu'il s'agisse de petites ou de grandes sociétés, dès que le risque dépassera les niveaux acceptables, les primes seront plus élevées. Il ne devrait pas en être autrement. Nous enverrons ainsi un message très clair à la direction et au conseil d'administration de ces sociétés: Mettez de l'ordre dans vos finances; vous devez revenir à un niveau de risque plus acceptable.
M. St. Denis: Ainsi, les petites sociétés ne devraient pas craindre de se voir imposer des primes plus élevées du simple fait qu'elles sont plus petites.
M. Peters: Pas nécessairement: Ce sont les sociétés à risque plus élevé qui paieront des primes plus élevées.
L'an dernier, nous avons connu la faillite de la Société d'assurance-vie La Confédération, qui n'était certainement pas une petite société.
Le président: Puisque nous examinons les modifications à apporter à la législation sur les institutions financières, ne serait-il pas sage d'envisager d'y prévoir un recours contre l'oppression des actionnaires? C'est un recours que l'on trouve dans la plupart des lois canadiennes sur les sociétés.
Quand un actionnaire minoritaire est soumis à l'oppression de la majorité, cela ne se répercute-t-il pas dans une certaine mesure sur la stabilité financière de l'institution?
M. Peters: C'est un autre domaine qu'il serait utile d'examiner dans le cadre de l'examen de 1997. Nous ne nous y sommes pas arrêtés cette fois-ci, mais c'est uniquement parce que nous voulions faire adopter rapidement les modifications relatives à la surveillance.
Le président: Pourrait-on inclure assez rapidement dans le projet de loi une disposition en ce sens, ou cette question dépasse-t-elle la portée du projet de loi? Si l'on s'entend généralement pour dire qu'il s'agit d'une modification utile, pourrait-on tenter de remédier au problème dès maintenant?
M. Peters: Je voudrais d'abord m'entretenir avec divers représentants du secteur et avoir une idée très claire du point de vue des intervenants et des autres parties. C'est une question sur laquelle nous pourrions nous pencher dans le cadre de l'examen de 1997. Il serait assez difficile d'inclure une disposition en ce sens dans le projet de loi à l'étude sans avoir d'abord consulté les intervenants.
Le président: Peut-être que l'enquête que nous faisons pourra nous éclairer à ce sujet et peut-être que les intervenants pourraient vous contacter très rapidement pour vous dire s'ils s'opposeraient à ce qu'on recommande d'inclure dès maintenant une disposition en ce sens.
M. Peters: Nous serons heureux d'entendre les conclusions de votre comité.
Le président: Monsieur le ministre, merci d'être venu nous rencontrer. Merci d'être resté avec nous deux fois plus longtemps qu'il n'était prévu.
En tant que parlementaires, nous nous sommes retrouvés dans une situation très difficile quand la société d'assurance-vie La Confédération a fait faillite. Les faillites d'institutions financières touchent beaucoup de Canadiens.
Vous avez répondu aux préoccupations soulevées à cet égard. Vous avez su dégager un consensus à partir d'un processus de consultations très valable à mon avis auprès des principaux intervenants canadiens et vous avez cherché ensuite à accroître la protection accordée aux souscripteurs dans bien des domaines. Comme vous pouvez le constater d'après les témoignages que nous entendons, ce sont autant de zones grises où il est sans doute impossible de régler tous les problèmes qui se posent. Vous avez beaucoup fait, cependant, pour faire avancer la législation à cet égard, en consultation avec la majeure partie des intervenants et avec leur approbation. Il ne faut pas conclure que le projet de loi est parfait. Il ne faut pas conclure non plus que notre enquête parlementaire permettra d'atteindre à la perfection, mais ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant nous amène à conclure qu'il s'agit d'un progrès important. Nous vous en félicitons et nous vous remercions d'être venu témoigner devant nous ajourd'hui.
M. Peters: Merci beaucoup de m'avoir écouté.
Le président: Nous prenons une pause de deux minutes.
PAUSE
Le président: La séance est ouverte.
Mesdames et messieurs les membres du comité, nous avons une heure de retard sur notre programme, mais nous discutons de questions importantes. Je suis désolé que nous ayons pris du retard, mais je sais qu'avec votre collaboration nous pourrons entendre tous les témoins et leur accorder toute l'attention voulue.
Les témoins suivants sont du Bureau du surintendant des institutions financières du Canada: Le nouveau surintendant, M. John Palmer, et André Brossard, directeur de la législation et des précédents.
Monsieur Palmer, c'est la première fois que vous témoignez devant notre comité. Nous vous souhaitons la bienvenue et nous tenons à vous dire que nous sommes heureux de travailler avec vous.
M. John Palmer (surintendant des institutions financières du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai un petit texte que je voudrais vous présenter en guise d'exposé préliminaire, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, puis je pourrai répondre à vos questions.
Je suis heureux de vous rencontrer, vous et les membres de votre comité, pour discuter du projet de loi C-100. Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de mon collègue, M. Brossard, qui a joué un rôle très important dans l'élaboration des modifications proposées dans le projet de loi C-100.
Étant donné vos contraintes de temps, j'ai pensé vous décrire brièvement ce matin les principaux avantages que présente le projet de loi C-100 du point de vue du BSIF.
Beaucoup des modifications législatives proposées dans ce projet de loi ont été élaborées à la suite de recommandations faites par diverses parties, notamment par des comités parlementaires. Ces recommandations visaient à remédier aux lacunes constatées dans la législation existante sur les institutions financières et à apporter des modifications dans un certain nombre de domaines qui appelaient des changements.
Les modifications législatives dont vous êtes saisis concernent notamment le rôle du BSIF dans la protection des intérêts des déposants, souscripteurs et créanciers. Le projet de loi C-100 prévoit l'inclusion dans la Loi sur le BSIF d'une nouvelle disposition sur le rôle du surintendant, où il est précisé que le contrôle réglementaire des institutions financières exercé par le BSIF vise à accroître la confiance envers le système financier canadien.
La disposition exposant l'objet de la mesure est suivi du mandat proposé ou d'une série d'objectifs que la loi impose au BSIF. On distingue quatre grandes parties.
La première dit que le BSIF surveille les institutions financières afin d'établir si leur situation financière est saine, si elles respectent la loi et satisfont aux autres exigences auxquelles elles sont astreintes.
La deuxième parle de la promptitude de l'intervention. Lorsque des lacunes sont décelées, le BSIF doit aussitôt prévenir les gestionnaires et le conseil d'administration de l'institution. Selon les circonstances, le Bureau demandera aux gestionnaires et aux administrateurs de prendre des mesures pour redresser la situation rapidement.
Troisièmement, le mandat décrit le rôle du BSIF pour inciter les gestionnaires et les administrateurs à adopter des politiques visant à contrôler et à gérer le risque.
La dernière partie du mandat concerne le rôle du BSIF dans l'examen des problèmes ou des faits qui peuvent influer sur la situation financière des institutions.
Il y a également d'autres propositions qui aident à interpréter le mandat du BSIF. Elles traduisent deux principes fondamentaux.
Tout d'abord, le BSIF doit chercher à protéger les intérêts des déposants, des porteurs de police et des créanciers des institutions financières tout en tenant compte du fait que celles-ci doivent avoir assez de latitude pour livrer concurrence et prendre des risques raisonnables.
Le deuxième principe est que ce sont les gestionnaires et les administrateurs, non l'organisme de réglementation, qui sont les premiers responsables du bien-être des institutions, et que, dans certaines circonstances, des institutions financières peuvent faire faillite.
Le mandat proposé établit un critère pour exiger des comptes du BSIF. Celui-ci peut contribuer à faire en sorte que les institutions puissent absorber des chocs en exigeant par exemple le maintien de capitaux suffisants.
Le BSIF peut également être utile en collaborant avec les gestionnaires et les administrateurs pour faire en sorte que les institutions financières appliquent de saines méthodes de gestion et adoptent les meilleures pratiques. Il importe de signaler cependant que ces mesures ne garantiront pas toujours que les institutions ne subiront pas de pertes ou n'éprouveront pas certaines difficultés financières qui les empêcheront de poursuivre leurs activités. En pareil cas, nous fermerons l'institution de manière à réduire le plus possible les pertes subies par les déposants, les porteurs de police et les créanciers.
Je voudrais également dire un mot du nouveau régime de fermeture, car il n'est pas étranger aux moyens donnés au BSIF pour s'acquitter efficacement de son mandat. Ce nouveau régime confère au Bureau une plus grande marge de manoeuvre pour fermer les institutions sans avoir à prouver qu'elles sont insolvables. À l'heure actuelle, le BSIF a plus de latitude pour fermer une compagnie d'assurance avant qu'elle ne soit insolvable qu'il n'en a dans le cas des institutions de dépôt. Le nouveau régime donne plus de souplesse pour prendre le contrôle de tous les types d'institutions réglementées au niveau fédéral et il s'applique à la fermeture de toutes les institutions.
Cela ne veut pas dire que la fermeture soit nécessairement la bonne solution aux problèmes de toutes les institutions ni que les interventions dans des problèmes déjà survenus auraient été très différentes si ces pouvoirs avaient alors existé. Toutefois, le Bureau aura plus de latitude pour agir, au besoin, de manière rapide et décisive pour protéger les porteurs de police, les déposants et les créanciers.
D'autres dispositions du projet de loi C-100 sont également importantes. Le pouvoir conféré par la loi de nommer un actuaire indépendant pour une compagnie d'assurance aux frais de celle-ci est un outil de surveillance utile, car il donne au BSIF une plus grande possibilité d'obtenir davantage de renseignements sur la situation d'une compagnie d'assurance.
Dans le cas des institutions de dépôt, le Bureau collabore déjà étroitement avec la SADC pour obtenir une information suffisante sur les institutions membres de cette société.
À propos de la coordination avec la SADC, je signale que M. Grant Reuber, président de la SADC, et moi-même, avec nos collègues des deux organismes, insistons tous deux sur l'amélioration des relations de travail entre le BSIF et la SADC. Nous avons accompli de réels progrès ces derniers mois, et ces progrès se poursuivront.
À titre d'exemple, je signale le guide d'intervention que les deux organismes ont préparé conjointement pour le secteur des institutions de dépôt. Un guide distinct pour les compagnies d'assurance a également été publié par le BSIF. Ces guides aideront les institutions financières à comprendre les mesures de surveillance et à en saisir l'étendue, si jamais leur situation financière se détériorait.
En outre, le BSIF est en train d'élaborer, en consultation avec l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, des normes en matière de finances et de gestion à l'intention des compagnies d'assurance-vie. Ces normes sont à l'image de celles qui existent pour les institutions de dépôt, avec quelques modulations nécessaires pour tenir compte des particularités de l'assurance-vie.
Par la suite, nous formulerons des normes pour le secteur de l'assurance IARD.
Le projet de loi C-100 comporte en outre des dispositions qui permettent au surintendant de désigner certains administrateurs comme appartenant au même groupe et de s'opposer à la nomination ou à l'élection d'administrateurs ou de hauts dirigeants dans des institutions en difficulté. Je puis vous assurer que ces pouvoirs seront utilisés avec prudence et parcimonie. Toutefois, une bonne régie est trop importante, comme solution susceptible de remplacer une surveillance étroite, pour que nous n'envisagions pas des pouvoirs accrus à cet égard.
Je vais conclure en signalant qu'il y a d'autres aspects du projet de loi C-100 qui me semblent bénéfiques, comme l'établissement d'un cadre permettant une plus grande divulgation de l'information sur les institutions financières. Une démarche a déjà été entamée, provoquée par les dispositions du projet de loi C-100, pour faire en sorte que davantage de renseignements sur la situation financière des sociétés soient du domaine public.
Ainsi, j'ai remarqué en d'autres circonstances à quel point il était important d'en savoir plus long sur les hypothèses actuarielles utilisées pour établir le passif dans le bilan d'une compagnie d'assurance-vie. Le public connaît fort peu de choses là-dessus, mais ce facteur est déterminant pour le bilan d'une compagnie d'assurance-vie.
Je dois souligner que le nouveau cadre de divulgation permet la communication de plus de renseignements provenant des institutions financières. La divulgation peut se faire au moyen de communiqués émis par les institutions ou par le BSIF, qui utilise alors les données fournies par les institutions. Ces données émanent des institutions.
Nous ne prévoyons pas divulguer publiquement les évaluations que le BSIF peut faire des institutions financières ni les mesures envisagées ou déjà prises en vertu de la réglementation. Ce choix est justifié par des raisons politiques valides.
D'abord et avant tout, l'organisme de réglementation est en mesure d'en savoir davantage sur les institutions qu'il régit que n'importe qui d'autre, en dehors des dirigeants eux-mêmes. Par conséquent, il le pouvoir unique et considérable de provoquer la perte d'une institution simplement en agitant la sonnette d'alarme. Il ne faut pas abuser de ce pouvoir.
Dans la majorité des cas, les institutions aux prises avec des difficultés financières ont pu redresser la situation. Une fonction importante de l'organisme de réglementation consiste à encourager ce redressement et il ne doit pas déclencher, par des augures défavorables, un mouvement qui mène à la disparition de l'institution.
Un point crucial à cet égard est la différence qui existe entre les institutions financières et les autres entreprises commerciales ou industrielles. Les premières ont une forte proportion de capitaux d'emprunt. Par forte proportion, je veux parler d'un ratio de 20 à 1, par exemple, au lieu de 1 à 1. La différence est frappante, de sorte que la situation est extrêmement différente, tout comme le sont les comportements à l'intérieur des institutions.
Les institutions financières sont par conséquent très vulnérables aux retraits rapides de fonds. Inévitablement, les premiers à retirer leur argent à cause de nouvelles inquiétantes sont les plus avertis ou ceux dont l'argent n'est pas bloqué pour une période prolongée. Les moins avertis ou ceux dont les capitaux sont immobilisés dans des titres à plus long terme sont ceux qui écopent et dont les pertes sont les plus lourdes.
La question se pose aussi de savoir dans quelle mesure la capacité du réglementateur d'obtenir des renseignements complets, en temps utile, serait affectée si les institutions financières pensaient que des renseignements confidentiels les concernant se retrouvaient immédiatement dans le domaine public. J'aurais beaucoup de réserve à l'égard d'un régime qui entraverait notre capacité de collecte d'information.
Cela dit, je crois qu'il y a d'autres façons de s'assurer que le système fonctionne au profit des détenteurs de police, des déposants et des créditeurs, et le projet de loi C-100 a réalisé des progrès dans ce domaine.
Il est très important que plus d'information sur la situation financière des institutions entre dans le domaine public. Le projet de loi C-100 et les activités connexes qu'il prévoit nous permettrons de progresser sur ce plan.
Deuxièmement le nouveau mandat du BSIF et le nouveau régime de fermeture nous obligera à régler plus rapidement et de façon plus décisive le cas des institutions financières en difficulté lorsque les circonstances le justifient.
Comme j'ai promis d'être bref, je ne m'étendrai pas plus longtemps là-dessus.
En conclusion, j'estime que les dispositions de projet de loi C-100 et les mesures connexes en préparation contribueront à accroître la sécurité et la solidité du système financier du Canada.
Je sais qu'un certain nombre de mémoires soumis à votre comité contiennent des suggestions qui ne manquent pas d'intérêt. Certaines d'entre elles pourraient éventuellement être concrétisées grâce à des amendements au projet de loi C-100, alors que l'examen des autres demandera peut-être plus de temps et pourrait se faire dans le cadre du réexamen de la Loi sur les institutions financières en 1997.
Mes collègues du BSFI et moi-même sommes à votre disposition pour vous aider à évaluer les diverses suggestions qui vous ont été faites et a décider s'il convient d'y donner suite rapidement.
Je vous remercie de m'avoir permis de comparaître devant vous ce matin. J'attends vos questions avec intérêt.
Le président: Merci, monsieur Palmer.
[Français]
Monsieur Loubier, s'il vous plaît.
M. Loubier: Merci, monsieur le président. Bienvenue, monsieur Palmer et monsieur Brossard. J'aurais deux courtes questions à vous poser. Et là, c'est vrai qu'elles sont courtes.
La première: J'aimerais connaître votre avis. Le projet de loi C-100 augmente le pouvoir du surintendant général des institutions financières du Canada par un élargissement de la notion d'insolvabilité, laquelle est de compétence fédérale exclusive.
Ce faisant, lorsqu'on regarde la liste des pouvoirs additionnels donnés au surintendant, on s'aperçoit qu'il y a là un potentiel de chevauchement des tâches dévolues à l'inspecteur général des institutions financières au Québec de même qu'à son homologue en Ontario, en particulier.
Or, quand il y a chevauchement, il y a un deuxième acteur qui intervient. Et cet acteur représente un deuxième recours pour une institution qui serait identifiée par l'inspecteur général des institutions financières du Québec pour restructuration, liquidation ou arrêt de permis. Certains prétendent - et je pense que le danger est réel - que l'institution intimée soit portée à contester le rôle de l'inspecteur général des institutions financières du Québec parce que vous, comme surintendant général du Canada, vous êtes devenu un acteur plus présent encore et dont le rôle empiète sur celui de l'inspecteur québécois.
Alors, j'aimerais que vous m'informiez là-dessus, que vous me rassuriez, parce que jusqu'à présent, je n'ai pas été rassuré. À mon avis, au lieu d'atténuer l'incertitude et les risques d'instabilité dans le secteur, vous en créez. Et cela ne peut qu'avoir des conséquences néfastes à moyen terme sur le secteur financier québécois et canadien.
C'est ma première question.
[Traduction]
M. Palmer: Je vous remercie de votre question. Je ne pense pas qu'il y ait vraiment beaucoup de chevauchement entre les attributions des réglementateurs fédéral et provinciaux des institutions financières sauf, peut-être, dans le domaine des valeurs mobilières.
Même là, ce chevauchement est peu important et n'intervient qu'à cause de la croissance des conglomérats financiers dont certaines activités relèvent du domaine du réglementateur fédéral des institutions financières et d'autres, de celui des administrateurs provinciaux.
Dans la plupart des cas nos institutions financières sont constituées en société en vertu de lois fédérales ou provinciales. Dans ce cas, il n'y a pratiquement aucun chevauchement. Les institutions fédérales sont supervisées par le réglementateur fédéral, par mon bureau. Dans le cas, par exemple, d'une institution incorporée en Ontario ou au Québec, c'est le réglementateur provincial qui les supervise. Dans la loi actuelle, il n'y a pas de chevauchement important.
La nouvelle loi qui, comme vous le dites justement, permet au surintendant, lorsque l'institution financière est en difficulté, d'intervenir plus tôt que ce n'est le cas actuellement, n'ajoute rien au risque relativement limité de chevauchement en vertu de la loi actuelle.
[Français]
M. Loubier: Monsieur Palmer, vous avez admis dans les deux réponses que vous m'avez données que, premièrement, il y avait un chevauchement même s'il n'était pas important. Il y avait un acteur qui s'ajoutait dans des domaines de compétence exclusive des provinces, et que, ce faisant, cet acteur pouvait occasionner des recours supplémentaires à une institution qui serait visée par l'inspecteur général des institutions financières du Québec.
Deuxièmement, vous avez admis - et cela contraste avec le secrétaire d'État responsable du projet de loi dans ses réponses de ce matin - qu'il pouvait y avoir chevauchement dans le secteur des valeurs mobilières. Or, ce secteur est de compétence exclusive au Québec, et c'est l'inspecteur général des institutions financières du Québec qui doit intervenir dans ce secteur-là pour faire ce que le projet de loi vous donne comme pouvoirs supplémentaires ou tente de vous donner comme pouvoirs supplémentaires. Alors, loin de me satisfaire, vos réponses m'inquiètent davantage, monsieur Palmer.
Ma deuxième question est la même que celle que j'ai posée au secrétaire d'État ce matin. Pour réduire ou supprimer les risques systémiques, plus communément appelés les effets dominos dans le secteur financier - c'est-à-dire les risques qu'un intervenant ne puisse honorer ses obligations et que l'intervenant qui lui est interdépendant se trouve dans la même situation, provoquant un effet domino qui menace un écrasement au niveau du secteur financier - y a-t-il d'autres moyens que celui de vous donner plus de pouvoirs dans des champs de juridiction du Québec et de l'Ontario, et de donner plus de pouvoirs au gouverneur de la Banque du Canada? Le gouverneur de la Banque du Canada est doté de pouvoirs considérables. Il a entre autres le pouvoir d'émettre des directives pour la réduction des risques systémiques au niveau des chambres de compensation déjà réglementées par les commissions de valeurs mobilières du Québec et de l'Ontario, et au niveau des institutions participantes à ces chambres de compensation. Alors, y a-t-il d'autres moyens pour supprimer les risques systémiques que ceux présentés dans le projet de loi C-100?
[Traduction]
M. Palmer: Pour commencer par vos remarques au sujet de ma réponse précédente, je dois vous dire que vous n'avez pas du tout compris celle-ci. Cette loi ne crée pas de nouvel intervenant.
Le BSIF existait déjà auparavant. Il n'interviendra pas plus dans le domaine provincial qu'il ne le faisait auparavant.
Je vous ai effectivement dit qu'un phénomène intéressant était en train de se manifester dans le domaine de la législation des valeurs mobilières, mais cela n'est pas dû aux lois elles-mêmes. Il existe à cause des tendances du marché qui sont dues à la formation de conglomérats financiers.
Nous nous trouvons face à face avec d'énormes organisations très diversifiées qui ont des activités bancaires, des activités dans le domaine des valeurs mobilières. Mon bureau a pour responsabilité de réglementer les opérations bancaires. Les administrateurs des valeurs mobilières provinciaux ont pour tâche de superviser les opérations dans ce domaine. Les deux niveaux doivent collaborer pour s'assurer que rien n'échappe à leur contrôle. En réalité, ce n'est pas une question de chevauchement que de s'assurer qu'on ne laisse rien passer à cause d'un partage des compétences.
Mon bureau travaille extrêmement bien avec les commissions des valeurs mobilières. Nous avons signé un protocole d'entente avec elles et nous avons une collaboration très étroite. Je ne pense donc pas qu'il y ait lieu de s'inquiéter du chevauchement ou d'autres problèmes de fonctionnement.
On craint parfois que le partage des compétences entraîne des omissions, mais les commissions des valeurs mobilières et mon bureau veillent à ce que cela ne se produise pas.
Je tenais à le préciser à cause de la question que vous avez posée.
[Français]
M. Loubier: Je ne faisais que reprendre vos propos, monsieur Palmer. Je ne faisais que reprendre ce que vous aviez dit. Vous avez dit tout à l'heure que s'il y a des chevauchements, ils sont minimes et ils sont dans le secteur des valeurs mobilières. Je reprenais uniquement ce que vous m'aviez dit. J'aimerais avoir une réponse à ma deuxième question sur le risque systémique. Est-ce qu'il existe une autre façon que celle contenue dans le projet de loi C-100 de réduire ou de supprimer le risque systémique du secteur financier canadien?
[Traduction]
M. Palmer: C'est une question qu'il faudrait poser au gouverneur de la Banque du Canada. Puisque c'est elle qui devrait intervenir dans le cas des risques systématiques découlant de ces gros paiements.
Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question.
[Français]
M. Loubier: Mais à votre connaissance, il n'y a pas d'autres moyens utilisés ailleurs? Vous n'avez pas entendu en quelque part qu'il y aurait moyen par d'autres concertations, des vraies concertations interprovinciales, ou par l'amélioration des systèmes actuels de réduire ou de supprimer le risque systémique?
[Traduction]
M. Palmer: Dans d'autres pays, c'est aux banques centrales que cette responsabilité revient de sorte que les seuls précédents que je connaisse sont ceux qui ont été établis dans les pays où les banques centrales jouent un tel rôle. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas d'autres exemples, mais je ne les connais pas.
M. Williams: Je vois que le BSIF aura le pouvoir d'opposer son droit de veto à la nomination des administrateurs. Aurez-vous aussi le pouvoir de les limoger?
M. Palmer: Non.
M. Williams: Pourqoui?
M. Palmer: D'abord, il y a une chose qu'il faut que je précise. Nous aurons le pouvoir d'opposer notre veto à la nomination d'administrateurs d'institutions financières qui éprouvent des difficultés de sorte que ce pouvoir ne pourra être exercé que dans des circonstances très précises.
Vous m'avez aussi demandé pourquoi nous n'aurons pas le pouvoir de limoger des administrateurs. Pour répondre brièvement à votre question, je dirais que nous n'avons pas demandé ce pouvoir.
Nous ne l'avons pas demandé parce que nous doutions de notre capacité de l'exercer dans toutes les circonstances. Il peut y avoir des bien des cas où, sans que nous le sachions, des administrateurs n'aient pas tout à fait les compétences voulues pour s'acquitter de leurs responsabilités. Sans que nous le sachions, il pourrait exister des liens répréhensibles entre un administrateur et le premier dirigeant d'une institution.
Je pense que nous n'aurons jamais, en pratique, les ressources qu'il faut pour exercer ce pouvoir efficacement. Si ce pouvoir nous était accordé, on s'attendrait à ce que nous l'exercions. Nous pensons que le pouvoir de faire obstacle par veto à la nomination d'administrateurs dans le cas des institutions financières en difficulté suffit pour réduire les risques systémiques qui ont été identifiés.
M. Williams: Je trouve plutôt étrange que vous ne souhaitiez pas, dans le cas d'une institution qui éprouve des difficultés à cause de sa gestion et de son conseil d'administration, avoir le pouvoir de congédier ceux qui sont accusés de mauvaise gestion.
M. Palmer: Les institutions peuvent être en difficulté pour diverses raisons, et pas seulement à cause d'une mauvaise administration. Il peut se produire sur le marché des choses qui n'avaient pas été prévues. Nous parlons ici d'une question plutôt complexe. Il ne s'ensuit pas nécessairement que nous voudrions ou devrions avoir le pouvoir de congédier les administrateurs dans tous les cas.
Il y a une autre question qui est sous-jacente à tout cela. C'est celle de savoir qui est responsable de la gestion des affaires des institutions financières.
Selon le principe qui sous-tend les lois applicables aux sociétés canadiennes, les lois applicables aux institutions financières canadiennes, sous leur forme actuelle et telles qu'elles existeraient en vertu de ce projet de loi, ce sont les administrateurs qui sont, en fin de compte, responsables de la gestion des institutions financières.
Si le BSIF avait le pouvoir de les congédier, alors la gestion de l'institution financière lui incomberait. Mais le BSIF n'est pas capable de s'acquitter d'une telle tâche et je ne pense pas que ce soit la bonne chose à faire.
M. Williams: Cette réponse semble contredire directement ce que le ministre nous a dit, à savoir que lorsque le BSIF s'aperçoit qu'une institution est menacée d'insolvabilité, il peut intervenir, en prendre le contrôle et l'administrer, et cela même si elle est encore solvable. C'est l'impression que le ministre m'a donnée: Que vous diriez aux administrateurs et à la direction de vous céder la place pour que vous fassiez les choses à votre façon.
Ma question est la suivante: En quoi votre façon de faire serait-elle meilleure que la leur? Je ne vois pas pourquoi elle le serait.
Il y a aussi un autre aspect à la question. Ne seriez-vous pas en conflit d'intérêt si vous commenciez à dire aux administrateurs comment gérer leurs institutions? Pourtant, vous ne pensez pas que vous devriez avoir le pouvoir de les congédier.
On ne semble pas avoir suffisamment réfléchi, avant de rédiger les lois, à ce que doit faire le BSIF si une institution au bord de la faillite, mais encore solvable propose un plan de redressement qui ne paraît pas plausible. Vous voudrez alors faire les choses à votre façon. Vous allez dire à ces administrateurs comment ils devront gérer leurs institutions.
Il me semble que vous avez adopté un rôle clair et très direct en ce qui concerne la gestion; pourtant, vous maintenez que ce n'est pas là votre rôle.
M. Palmer: Sans vouloir vous offenser, vous vous trompez. Vous présumez que la nouvelle loi conférera au BSIF le pouvoir d'intervenir et de gérer l'institution. Le BSIF ne le fera pas, pas plus qu'il ne le fait maintenant. S'il prend le contrôle, ce sera dans le dessein de fermer l'institution.
M. Williams: Seulement?
M. Palmer: Presque toujours. Il pourrait y avoir quelques rares cas où il pourrait essayer de hâter une restructuration et la vente de filiales, mais cette mesure législative a essentiellement pour objet de permettre au BSIF d'intervenir et de prendre le contrôle s'il a l'impression que les administrateurs ne pourront pas sauver l'institution en difficulté de la faillite.
M. Williams: Même si elle est toujours solvable?
M. Palmer: La solvabilité est une question plutôt complexe. Même si une institution peut satisfaire aux critères de solvabilité prévus par la loi lorsque le BSIF en prend le contrôle, il est fort probable, lorsque tout aura été calculé, qu'elle ne sera plus solvable. Il y a toute la question de l'évaluation, de ce que peut rapporter la vente de l'actif. La «solvabilité» est un terme plutôt difficile à interpréter dans ce contexte.
Il y a une chose que je tiens à préciser. Nous n'interviendrions pas en vertu de cette loi pour gérer des institutions. Nous ne prendrions le contrôle que lorsqu'il serait clair qu'une institution n'a plus aucun avenir, qu'il est nécessaire de la fermer en prenant les moyens voulus pour rentabiliser l'actif et pour éteindre les créances des déposants, des souscripteurs et des créanciers.
M. Williams: Pour laisser les autres poser des questions, je vais m'arrêter ici. S'il reste du temps ensuite, j'en aurai d'autres à poser.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Williams. J'apprécie votre geste.
Monsieur Walker.
M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): En ce qui concerne la question de la prime de risque et de sa confidentialité, comment une société peut-elle être assurée qu'il n'y aura pas de divulgation, par exemple, à une réunion des actionnaires de sorte que les gens sauront qu'il se passe quelque chose? Est-ce qu'on signe une entente confidentielle pour que les gens ne sachent pas au juste à quoi s'en tenir dans le cas d'une société dont ils sont actionnaires?
M. Palmer: Il n'existe aucune garantie. Le BSIF n'ira certainement pas révéler que la société doit verser une prime de risque. Et la SADC non plus, du moins à ma connaissance. C'est donc une question dont doivent décider la direction et les administrateurs de la société.
Les vérificateurs examineront toute la gamme des questions qui pourraient faire l'objet d'une divulgation et se demanderont si l'organisation ou l'institution pourra poursuivre ses activités pendant une année de plus et si la continuité de l'exploitation est justifiée dans son cas. La direction va se demander si elle a la responsabilité de divulguer des informations de ce genre dans la section des états financiers qui lui est réservée, mais je dirais que rien ne l'oblige en soi à divulguer l'existence d'une prime de risque. C'est une décision que la direction, les administrateurs et le vérificateur devront prendre en tenant compte d'une série d'autres questions qui peuvent influer sur la santé de l'institution financière. Ce n'est qu'une donnée de plus.
M. Walker: Je m'interrogeais sur l'obligation dans laquelle ces gens-là pourraient se trouver. Pensez-vous que si un actionnaire posait la question au cours d'une réunion, ils seraient tenus d'y répondre?
Lorsqu'on écrit une lettre dans laquelle on indique le montant des primes, s'agit-il d'un risque supposé ou est-ce clair?
M. Palmer: Si un actionnaire écrivait au président du conseil d'administration pour lui demander dans quelle catégorie entre la prime payée à la SADC, je suppose que ce dernier a le pouvoir de répondre à sa lettre. C'est un aspect de la question.
Mais le BSIF et la SADC n'iront pas d'eux-mêmes divulguer si des primes sont versées.
M. Walker: Il faudrait bien indiquer la catégorie dans la lettre. C'est une partie de ma question.
M. Palmer: Essayez de comprendre qu'il s'agit d'une prime de la SADC, pas du BSIF.
M. Walker: La SADC indique-t-elle la catégorie?
M. Palmer: Je suppose que oui.
Mme Stewart: Nous serions probablement tous d'accord pour dire que la liquidation de la Confédération, Compagnie d'assurance-vie et de la Central Guaranty n'aura rien donné de bon. Toutefois, étant donné que l'expérience n'est pas tellement lointaine, je suppose que vous avez profité de l'occasion pour examiner la procédure par étape et vos stratégies d'intervention à la lumière de ce que vous auriez pu faire dans le cas de la Confédération et peut-être même de la Central Guaranty.
Si vous l'avez fait, j'aimerais bien que vous me disiez ce qui se serait passé, selon vous, si vous aviez joui à ce moment-là des pouvoirs qui vous seraient conférés par le projet de loi C-100. Pourriez-vous nous dire ce qui s'est passé à l'étape deux, ce qui s'est passé à l'étape trois, nous dire si vous auriez pu intervenir de manière à ce que les résultats soient différents de ce qu'ils ont été? C'est un exemple vivant qui nous offre l'occasion de tester le procesus d'intervention, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Palmer: C'est une bonne question. Je ne pense pas vraiment pouvoir vous dire ce qui aurait pu se passer dans le cas de faillites antérieures d'institutions financières, mais je vais vous signaler une ou deux choses.
La première, c'est que nous avons effectivement examiné des événements passés lorsque nous avons dressé la liste des modifications que nous souhaitions aux lois sur les institutions financières, et dont une bonne partie se retrouvent dans le projet de loi que vous avez devant vous. Ce qui s'était déjà passé nous a beaucoup influencés lorsque nous avons fait ces recommandations.
L'autre point - ce n'est peut-être pas ce que vous vouliez savoir, mais je trouve important de le signaler - c'est qu'une partie des changements n'auront rien à voir avec la question de savoir si une institution financière va faire faillite ou non. Ils portent plutôt sur la façon de maximiser le rendement de l'avoir des déposants, des souscripteurs et des créanciers, sur les moyens que nous pouvons prendre pour nous assurer, si la faillite est inévitable, que les pertes seront maintenues au minimum.
Autrement dit, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit dans ce projet de loi qui aurait grandement aidé les sociétés que vous avez nommées à survivre. Les changements apportés ont pour objet de faire en sorte qu'il restera plus d'argent en fin de compte pour les déposants et les souscripteurs.
Mme Stewart: Cela veut-il dire que lorsqu'une entreprise arrive à l'étape deux peut-être, ou à l'étape trois, elle a très peu de chances de se rétablir?
M. Palmer: Je ferais une distinction entre l'étape deux et l'étape trois à cet égard. Je pourrais vous donner plusieurs exemples de sociétés qui en étaient arrivées à l'étape deux, mais qui ont recouvré la santé au cours de la dernière récession. À l'étape trois, c'est un peu plus difficile. Je pourrais peut-être vous donner certains exemples d'entreprises qui se sont rétablies même à l'étape trois, mais les risques sont plus lourds à ce moment-là.
C'est vraiment là le noeud du problème auquel ce projet de loi devrait permettre de s'attaquer: la nécessité pour le BSIF de prendre de très difficiles décisions à propos de la capacité de l'institution de s'en sortir, de la capacité de ses administrateurs et de la direction de régler, grâce à leur travail acharné, les problèmes avec lesquels l'institution est aux prises. Y arriveront-ils? Quelles sont les chances? En vertu de ce projet de loi, le BSIF ne pourra peut-être pas autant qu'avant laisser le bénéfice du doute à l'institution qu'il lui faudra tenir compte des intérêts des actionnaires, d'une part, des déposants, des souscripteurs et des créanciers, d'autre part.
Mme Stewart: J'ai été frappée par certains des mots que vous avez utilisés en terminant, lorsque vous avez dit que ce projet de loi allait nous permettre de progresser, de mieux défendre les intérêts des déposants et des souscripteurs. J'ai eu l'impression, d'après ce que vous avez dit, qu'il y a certaines autres choses que vous auriez aimé voir dans le projet de loi C-100. Si c'est le cas, j'aimerais que vous nous disiez de quoi il s'agit, parce que cela pourrait nous être utile lorsque nous procéderons au réexamen des lois prévu pour 1997.
M. Palmer: Vous avez relevé une nuance importante. Lorsque j'ai utilisé ces mots, je ne voulais pas donner l'impression que je suis satisfait du régime de divulgation qui est proposé. J'ai utilisé des termes un peu moins forts pour tenir compte du fait que bien des gens ont des idées différentes à propos de ce qu'il faudrait divulguer. Certaines personnes aimeraient qu'à peu près tous les aspects des activités d'une institution fassent l'objet d'une divulgation: son plan stratégique et des renseignements confidentiels qu'elle veut tenir à l'abri de ses concurrents. Il faut trouver le juste équilibre entre l'information dont le public et ceux qui le servent, comme les analystes financiers et les agences d'évaluation du crédit, ont besoin et la nécessité pour l'institution de garder confidentiels des renseignements concurrentiels importants, sans oublier toute la question des coûts.
La divulgation de l'information coûte cher et nécessite souvent la modification des systèmes d'information de sorte qu'il faut arriver à trouver une solution qui soit rentable.
Par conséquent, ce qui a été proposé ici, le régime de divulgation qui sera mis en place par ce projet de loi, consiste en un compromis puisqu'il fallait tenir, compte d'une part, de l'information dont le public a besoin, selon nous - en fait, le public et ses représentants nous ont dit ce qu'ils voulaient - pour se faire une idée de la santé des institutions financières dans lesquelles ils investissent et, d'autre part, la question des coûts et de l'information concurrentielle.
M. St. Denis: Il y a une minute, vous avez parlé de l'importance de faire valoir les intérêts des déposants, des créanciers et des actionnaires. Aurait-on raison de supposer, cependant, que les intérêts des déposants devraient passer en premier à cause de la nature des liens qui existent entre l'institution et le marché?
Étant donné que vous devez tenir compte également des intérêts des actionnaires lorsque vous avez une décision à prendre au sujet de la fermeture d'une institution pouvez-vous empêcher la négociation d'actions émises dans le public?
M. Palmer: Je comprends votre question. En un mot, oui. Notre rôle véritable consiste à protéger les dépôts et les polices d'assurance plutôt qu'à protéger les actionnaires. Ces derniers sont protégés par les lois concernant les valeurs mobilières dans le cas des sociétés ouvertes et par les lois concernant les sociétés dans le cas des sociétés fermées.
En fait, le capital-actions d'une institution financière représente pour nous un coussin qui nous permet de protéger les déposants et les souscripteurs. Nous nous efforçons surtout de veiller à ce que l'organisation ait le capital qu'il lui faut, qu'elle ait suffisamment d'actionnaires et assez de capital-actions provenant de chacun.
L'interdiction d'opérations et autres mesures de ce genre relèvent de la compétence des autorités en matière de valeurs mobilières sur le marché boursier et n'ont rien à voir avec ce que nous faisons, sauf que si nous intervenons et que nous demandons une liquidation, par exemple, les opérations cessent automatiquement.
M. St. Denis: Cela se fait simultanément?
M. Palmer: Oui, quoique nous n'ayons rien à y voir.
M. St. Denis: Y a-t-il consultation? Autrement dit, est-ce que quelqu'un téléphone à la bourse pour lui dire de se tenir prête puisque la boutique va fermer à midi aujourd'hui, par exemple? Même si des règles différentes régissent la négociation des actions, y a-t-il une certaine collaboration? Je suppose que même si les choses tardaient de quelques heures seulement, il pourrait s'ensuivre énormément de confusion en ce qui concerne le capital-actions.
M. Palmer: Mon collègue me dit que la réponse est oui.
M. Fewchuk (Selkirk - Red River): Jouissez-vous d'un droit de veto; avez-vous le pouvoir de limoger le premier dirigeant?
M. Palmer: D'une société?
M. Fewchuk: Oui.
M. Palmer: Non.
M. Fewchuk: Seulement les administrateurs?
M. Palmer: En vertu de ce projet de loi, nous aurions le pouvoir d'opposer notre veto à la nomination d'un nouvel administrateur à une institution financière en difficulté. Nous n'aurions pas le pouvoir de renvoyer un administrateur, ni le premier dirigeant.
M. Fewchuk: Donc, dans certains cas, c'est là que se situe le problème, mais vous n'avez pas ce pouvoir.
M. Palmer: Nous jouissons d'autres pouvoirs. Notre pouvoir le plus important - et il faut le reconnaître - est la persuasion, la capacité de nous asseoir avec les administrateurs, qui sont très conscients des responsabilités que leur confère la loi en ce qui concerne la gestion des affaires d'une société, pour leur expliquer que nous sommes très préoccupés par l'institution financière au service de laquelle ils travaillent et pour leur dire, dans certains cas, que nous sommes très préoccupés par le comportement de la direction. Nous avons déjà fait part de telles préoccupations à des administrateurs, et des mesures ont été prises dans bien des cas.
Peu importe toutes les modifications qui seront apportées à la législation, je pense que le pouvoir le plus important que nous avons, comme le disait Teddy Roosevelt, est celui de faire connaître nos vues en des termes très clairs et très directs. C'est ainsi que nous obtenons les meilleurs résultats.
Le président: Un peu comme notre Comité des finances.
Monsieur Williams.
M. Williams: J'ai encore de sérieuses réserves, monsieur Palmer, au sujet du rôle du BSIF. Lorsque je vous ai posé la question, vous avez dit qu'il consiste essentiellement à intervenir et à liquider une institution s'il juge que la situation est suffisamment mauvaise, même si l'institution est quand même solvable.
Vous venez de dire que la persuasion peut donner de très bons résultats, ce qui veut dire que lorsque vous dites à la direction d'une institution financière que vous doutez sérieusement de sa capacité de gestion et qu'elle devrait peut-être essayer de s'y prendre de la manière que vous proposez, vous intervenez et vous donnez des conseils à la direction d'une société, tout cela dans le plus grand secret.
Pour résumer mes deux questions, votre rôle au niveau de la gestion, tel que vous le définissez, consiste, si vous avez l'impression qu'une société est en difficulté, à user de persuasion, à discuter et à donner des conseils, pour l'obliger à fermer ses portes si vous jugez que la situation est grave. Mais tout cela se fait sous le sceau du secret.
C'est la SADC qui fixe le taux des primes d'assurance, mais si le public en était informé lorsque la SADC s'aperçoit que les risques augmentent et qu'elle majore la prime en conséquence, il ne serait pas pris complètement au dépourvu si vous-même annonciez ou si la SADC annonçait qu'une société va être liquidée?
La question du secret me préoccupe, et je veux savoir pourquoi vous jugez qu'il est nécessaire, pourquoi vous n'avez pas demandé le pouvoir de congédier un administrateur ou un premier dirigeant et pourquoi vous ne jugez pas que vous êtes en conflit d'intérêts lorsque vous dites à la direction que les choses doivent être faites à votre façon.
Le président: Vous avez 30 secondes pour répondre à ces trois questions.
M. Palmer: Rapidement, et dans l'ordre inverse, nous ne disons pas à la direction que les choses doivent être faites à notre manière. Jamais nous n'intervenons pour gérer une institution. Nous donnons des conseils, nous faisons des suggestions, mais il arrive rarement que nous intervenions et que nous exercions les pouvoirs conférés à la direction, à moins que ce soit pour liquider la société.
J'ai oublié le reste de la question.
M. Williams: Les secrets et le renvoi des dirigeants.
M. Palmer: J'ai déjà parlé du renvoi des dirigeants. Mais, en résumé, nous ne voulons pas avoir ce pouvoir parce que, premièrement, je ne pense pas que nous soyons capables de l'exercer efficacement et, deuxièmement, cela irait à l'encontre du principe fondamental de la régie des sociétés qui existe dans notre pays.
Quant à la divulgation, je vais vous expliquer la situation très simplement. Si nous levions le secret et si nous annoncions publiquement, par exemple, que l'institution X est devenue une institution de la deuxième catégorie, et que nous avons quatre catégories d'institution en difficulté... Il s'agit-là d'une catégorie dans laquelle sont classées les institutions qui éprouvent de graves difficultés, mais elles ont de bonnes chances de s'en sortir par elles-mêmes. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous savons par expérience que dans la plupart des cas, ces institutions recouvrent la santé. Si nous annoncions publiquement qu'elles éprouvent des difficultés, qu'est-ce qui se passerait? Le public saurait que la question préoccupe le BSIF. Les déposants les plus avertis chercheraient une porte de sortie, ou du moins ceux qui auraient le bonheur d'avoir des dépôts à court terme ou dont l'argent pourrait être remboursé dans les 30 jours ou sur demande. Les déposants qui auraient investi leur argent à plus long terme ne pourraient pas le sortir aussi rapidement. Les déposants moins avertis ne comprendraient pas la gravité de la situation.
Quoi qu'il en soit, l'argent qui sortirait d'une institution suffirait à la couler étant donné le peu de capital dont elle disposerait.
Qui y laisserait ses plumes? Les déposants les moins avertis et ceux qui auraient investi leur argent à plus long terme, et leurs pertes pourraient être plus lourdes encore que si nous travaillions dans l'ombre avec l'institution et si nous l'encouragions de même que ses cadres à remonter la pente.
C'est une question difficile. Je comprends vos réserves, mais je suis persuadé que nous devons continuer à traviller sur une base confidentielle avec les institutions financières.
M. Williams: L'industrie des obligations spéculatives était entièrement financée par des investisseurs avertis qui étaient prêts à payer une prime plus élevée étant donné qu'ils prenaient des risques plus grands. Par conséquent, je ne suis pas certain d'être d'accord avec ce que M. Palmer dit.
Le président: C'est une question à propos de laquelle les avis sont partagés quant à savoir comment le mieux servir les intérêts de tous les Canadiens, notamment des déposants et des titulaires de police. C'est une question qui va nous préoccuper au moment de la rédaction de notre rapport.
Monsieur Palmer, le ministre a dit qu'une plus grande intervention et une meilleure surveillance de même que la collaboration avec l'industrie pour empêcher les faillites ne seront possibles que grâce au surintendant des institutions financières, et nous sommes très heureux de vous avoir rencontré. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans votre entreprise et nous sommes enchantés à la perspective de travailler avec vous.
Merci beaucoup.
M. Palmer: C'est moi qui vous remercie, monsieur le président. Nous nous réjouissons également à l'idée de travailler avec vous.
Le président: Nos prochains témoins représentent l'Institut canadien des actuaires. Je vous les présente. Marc Fernet, président; et Luc Farmer, vice-président.
Bienvenue. Monsieur Fernet, seriez-vous assez gentil pour nous présenter les gens qui vous accompagnent? Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
[Français]
M. Marc Fernet (président, Institut canadien des actuaires): Je m'appelle Marc Fernet et je suis le président actuel de l'Institut. Je suis accompagné, à ma droite, de Claudette Cantin, qui est un membre élu du conseil de régie de l'Institut et expert-conseil en assurance-incendie, accidents et risques divers. Claudette siège également au groupe de travail qui a eu pour mandat de préparer le mémoire qui vous est présenté aujourd'hui. Moe Chambers, le président de ce groupe de travail et ancien président de l'Institut, m'accompagne également.
Le mémoire qui vous est présenté aujourd'hui aborde cinq éléments du projet de loi C-100 qui nous semblent notamment susceptibles d'amélioration: l'élimination du processus d'appel de certains articles de la Loi sur les sociétés d'assurance, la séparation de la fonction d'actuaire d'une société, la divulgation, les articles 72 et 74 du projet de loi C-100 et les renvois à la réassurance dans les modifications de la Loi sur les liquidations.
Nous espérions que notre mémoire aurait été prêt en temps utile pour vous être distribué avant aujourd'hui. Cela n'a malheureusement pas été le cas. Aussi, je vais demander à M. Chambers de vous faire un bref résumé de notre mémoire. Monsieur Chambers.
[Traduction]
M. Morris W. Chambers (président, Groupe de travail sur les lois en matière d'assurance, Institut canadien des actuaires): Comme M. Fernet vous l'a indiqué, nous nous sommes concentrés sur cinq éléments essentiels du projet de loi C-100.
Le premier est l'élimination du processus d'appel en ce qui concerne les mesures prises par le surintendant.
À cet égard, même si nous souscrivons pleinement à l'accroissement des pouvoirs du surintendant, nous ne pensons pas que ces pouvoirs devraient être assujettis dans certains cas à la procédure d'appel. Par conséquent, nous pensons que certaines dispositions du projet de loi C-100, notamment les articles 71, 75, 85 et 94, devraient être supprimées.
Le président: Si chacune de ses décisions peut faire l'objet d'un appel et d'un pourvoit incident, et ce jusqu'à la Cour suprême, comment le surintendant pourrait-il intervenir?
M. Chambers: Le surintendant peut faire bien des choses qui ne sont pas soumises à la procédure d'appel. Ce qui nous préoccupe, ce sont les questions énumérées dans ces articles du projet de loi où il est dit qu'il ne peut y avoir appel. En d'autres mots, au moins dans un cas - mais je ne connais pas la loi par coeur - on ne peut pas interjeté appel de la décision de liquider une société.
Ce n'est pas que nous croyons que...
Le président: Si une telle décision pouvait faire l'objet d'un appel, d'après vous, combien de temps s'écoulerait entre le moment où il y a demande d'injonction et celui où une décision serait en fait rendue par la Cour suprême du Canada?
M. Chambers: Je n'ai pas une longue expérience de ces choses. Dieu merci, cela ne s'est pas souvent produit.
Le président: Non, mais combien de temps pensez-vous qu'il faudrait aux tribunaux pour se prononcer?
M. Chambers: Je sais qu'il faudrait beaucoup de temps, mais il y a actuellement devant les tribunaux des appels qui ont été interjetés contre des décisions prises par le surintendant. Si je comprends bien, la suppression de ces articles de la loi pourrait soustraire ces décisions à l'interprétation des tribunaux; autrement dit les tribunaux n'auraient pas à se prononcer sur certaines questions qui leur ont déjà été soumises.
En fait, nous jugeons contraire à aux principes de justice naturelle d'exclure la possibilité de contester les mesures prises par le surintendant. Nous considérons qu'il est dans l'intérêt public de ne pas exclure la possibilité de révision et d'appel des ordonnances et des directives émises par le surintendant. D'une façon générale, nous ne prévoyons pas que l'on en appelle des mesures prises par le surintendant, mais le simple fait, à notre avis, que ce droit d'appel existe soumet les décisions du surintendant à un certain contrôle.
Le président: Il s'agit de déterminer si vous voulez que ce soit le surintendant ou les tribunaux qui président à une liquidation.
M. Chambers: Le surintendant.
Le président: Très bien. Merci.
M. Chambers: La loi actuelle prévoit la possibilité d'en appeler au ministre des Finances et c'est ce mécanisme qui a disparu, non pas le recours aux tribunaux. Je ne suis pas avocat, mais si je comprends bien, même si l'on maintient ces dispositions dans la loi, il demeure possible d'en appeler aux tribunaux. Je suis persuadé que les avocats me le diront si je fais erreur.
Pour continuer, le deuxième élément dont nous traitons est celui de la séparation de la fonction d'actuaire. Plus particulièrement, le projet de loi vise à empêcher la même personne d'occuper au même moment le poste d'actuaire de la société et un des postes suivants, directeur général, directeur de l'exploitation ou directeur financier.
En ce qui concerne le poste de directeur de l'exploitation et de directeur général, nous convenons que l'interdiction est tout à fait justifiée tout particulièrement à cause de l'article 369 de la loi actuelle. En effet, aux termes de celle-ci, l'actuaire de la société doit identifier toute situation qui pourrait avoir des effets négatifs sur la société qui nécessite redressement, en informer le premier dirigeant et proposer les redressements qui s'imposent. À notre avis, lorsque c'est le directeur général, comme dirigeant de l'entreprise qui est responsable des effets négatifs, il est fort peu probable que cette même personne, dans ses fonctions d'actuaire, se rende tout à coup compte de ses erreurs. Ainsi, soyons réalistes, dans de telles circonstances où l'article 369 s'appliquerait, rien ne serait fait.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le directeur financier ne doit pas non plus occuper le poste d'actuaire de la société. À notre avis, dans certaines circonstances, ce genre d'organisation de l'entreprise se justifie et nous en donnons quelques exemples dans notre mémoire.
Nous avons également proposé une modification du libellé. Pendant que nous en sommes à l'article 369, nous proposons une légère modification à l'alinéa 3 de l'article 369 de la Loi sur les compagnies d'assurances. À l'heure actuelle, cette disposition prévoit que lorsque l'actuaire a proposé des changements auxquels ont n'a pas donné suite, il doit en informer le surintendant et prévenir les membres du conseil d'administration qu'il a entrepris cette démarche. Nous proposons que le vérificateur de la société doit également être informé. En effet, il ne semble pas approprié de ne pas en informer le vérificateur.
Nous offrons une proposition de libellé qui maintiendrait le pouvoir du surintendant, d'exiger que dans certaines circonstances, la même personne n'exerce pas les fonctions de directeur financier et d'actuaire de la société.
En outre, nous proposons qu'à l'article 624 de la loi, l'agent principal d'une société étrangère qui actuellement peut également être l'actuaire de la société ne puisse plus l'être car à notre avis, cela n'est pas plus approprié que dans le cas du directeur général. Si la société est organisée de façon à ce qu'une seule et même personne occupe les deux fonctions, cette situation devrait être assujettie à l'autorisation du surintendant.
En ce qui concerne la divulgation, nous ne faisons que rappeler quelques idées que nous avions proposées dans des mémoires antérieurs au Comité permanent du sénat sur les banques et le commerce et au ministère des Finances. Nous reconnaissons l'importance de cette question. Nous appuyons la disposition qui prévoit une plus grande divulgation, car c'est dans l'intérêt du public.
Toutefois, nous craignons que, sans un examen judicieux de ces questions, la publication d'un grand nombre de chiffres ou de données qui ne signifieront pas grand chose pour le profane risque de l'induire en erreur plutôt que de le renseigner. Nous avons donc offert au Bureau du surintendant et au ministère des Finances de collaborer à la recherche de façons qui permettrait de divulguer tout particulièrement des données pertinentes en ce qui concerne le passif actuariel des sociétés. En fait, nous avons créé un groupe de travail spécial qui va présenter une première ébauche de rapport sans doute à la fin du mois.
Je ne fais pas partie de ce groupe, et je ne pourrais donc pas vous parler des tractations qui ont eu lieu entre le BSIF et notre organisme depuis que nous avons fait cette proposition. Je sais qu'il y a eu quelques contacts, mais je ne sais pas où cela en est.
Les articles 72 et 74 du projet de loi mentionnent les «actionnaires d'une société mutuelle» ce qui nous a fait dresser l'oreille, car par définition, une société mutuelle n'a pas d'actionnaires, du moins pas de détenteurs d'actions ordinaires. Nous proposons simplement que l'on définisse ce que l'on entend par ces expressions dans le projet de loi. S'il s'agit plutôt de détenteurs d'actions privilégiées, qu'on le dise.
En ce qui concerne la Loi sur les liquidations et les restructurations, nous nous inquiétons de la confusion et des problèmes juridiques qui pourraient découler de l'utilisation dans le même contexte des expressions «transfert» et «réassurance», des expressions très techniques qui ne semblent pas utilisées dans cette acception dans le projet de loi ou dans la loi actuelle.
Le président: En ce qui concerne ces deux aspects, le libellé et les dispositions techniques, avez-vous eu des entretiens à ce sujet avec le BSIF ou le bureau du ministre?
M. Chambers: Non pas en ce qui concerne les transferts et la réassurance.
Le président: Mais en ce qui concerne les articles 72 et 74?
M. Chambers: Non.
Le président: Donc c'est la première fois que vous en parlez.
M. Chambers: En effet.
Le président: Je suis persuadé qu'ils accepteront.
M. Chambers: C'est seulement au début de la semaine dernière que nous avons eu le feu vert à ce sujet.
Le président: Nous allons leur en parler, mais de votre côté, allez-vous leur signaler ces ammendements de nature technique?
M. Chambers: Je pense qu'un exemplaire de notre mémoire est déjà entre les mains du personnel du bureau.
Le président: Merci beaucoup.
M. Chambers: Voilà donc un résumé rapide, moins rapide peut-être que vous l'auriez souhaité, de ce que nous avons présenté. Nous avons inclus plusieurs mémoires que nous avons soumis au cours de la dernière année aux Finances, au BSIF et au comité du Sénat.
Je me rends compte que c'est épais, mais nous sommes à votre disposition pour toute question que vous pourriez avoir.
Le président: Merci, monsieur le président.
[Français]
Merci, monsieur Fernet.
Monsieur Loubier, vous avez des questions?
M. Loubier: Cela va aller pour l'instant.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
M. Loubier: On va lire attentivement le mémoire.
[Traduction]
Le président: Une des grandes questions que nous serons appelés à trancher est celle de la divulgation. M. Palmer a souligné que l'avenir d'une institution financière peut-être gravement compromis par la divulgation de nouvelles inquiétantes. Cela peut provoquer une ruée sur la banque.
Vous avez remarqué qu'on ne peut pas vraiment faire confiance au public - et ce n'est peut-être pas tout à fait ainsi que vous l'avez...
M. Chambers: J'espère bien que non.
Le président: ...pour comprendre les données actuarielles. C'est la raison pour laquelle vous proposez une façon de décrire la situation sur le plan actuariel qui signifie quelque chose pour le public.
M. Chambers: C'est ce que nous espérons.
Le président: Nous vous remercions de cet effort.
M. Williams qui était ici plus tôt disait qu'il faudrait divulguer la plupart des choses, y compris le taux des primes liées au risque à verser à la SADC par les institutions financières les plus faibles. Je ne sais pas au juste ce qu'il faut inclure et ce qu'il faut exclure. C'est très difficile à déterminer.
M. Chambers: Je partage tout à fait votre avis. Par ailleurs, en mon nom personnel et au nom de mon organisme, je peux dire que M. Palmer a parfaitement raison, que l'on ne veut certes pas divulguer certaines informations. L'organisme de réglementation et les actuaires ne veulent pas qu'une mise en garde devienne publique, car elle peut provoquer le désastre que l'on tentait d'éviter.
Le président: Qu'est-ce qui pourrait constituer une plus grande mise en garde que le fait de verser des primes supérieures à la Société d'assurance-dépôts du Canada?
M. Chambers: Si les gens comprennent comment l'on détermine la prime... Il ne s'agit pas d'une prime supérieure, mais plutôt d'une prime à un taux différent.
Voici ce à quoi je m'attends. Je suis dans l'assurance-vie et non pas dans le secteur des fiducies et des prêts ni dans l'industrie bancaire, mais vous avez savez sans doute que la SIAP songe également à mettre en place des primes liées au risque.
Le président: Dans de nombreux cas, ces taux seront divulgués ce qui indiquera au public qu'un organisme important et puissant estime que telle ou telle institution comporte de plus grands risques que d'autres.
M. Chambers: Les compagnies font face à de nombreux risques d'ordre différent.
Si je suis dans l'assurance-vie par exemple, parce que c'est un secteur que je connais, je penserais qu'une société prend des risques dans tel secteur et des risques moindres dans un autre, des risques normaux dans un autre encore pour une prime fondée sur tous ces risques. Le montant publié serait celui de la prime globale. Le fait qu'un produit particulier entraîne une prime supérieure alors qu'un autre entraîne une prime inférieure par rapport aux concurrents ne sera pas divulgué comme tel.
Le président: Après au moins deux ans en politique je dois présumer que tout ce que l'on fait devient public.
Tout d'abord, on pourrait préciser que cela soit divulgué par les comptables, dans le cas d'une société privée. Ce n'est pas le gouvernement ni le BSIF qui aurait la responsabilité de faire la divulgation, mais les employés.
Devrions-nous faire prêter serment à ce sujet, pour garantir le secret?
M. Chambers: Je ne pense pas que tel soit le problème. Il s'agit plutôt du fait que la prime de risque est destinée être un mécanisme de contrôle des décisions de gestion.
En fin de compte, le niveau des primes est le critère ultime du marché et, si une entreprise doit payer des primes de risque plus élevées, elle devra en tenir compte dans ses prix.
Le président: Donc, divulguer ce genre de faiblesse ne serait pas nécessairement fatal aux institutions financières concernées?
M. Chambers: Je n'appelerais pas cela une faiblesse. Je ne pense pas que devoir payer une prime de risque plus élevée soit nécessairement un signe de faiblesse. Si l'entreprise a trois fois plus de capital qu'elle en a besoin, elle peut accepter quelques risques supplémentaires.
Le président: La question est de savoir s'il faut exiger la divulgation dans l'intérêt...
M. Chambers: Divulgation de quoi?
Le président: Du fait qu'elle paie une prime plus élevée.
M. Chambers: Je préférerais réserver mon commentaire jusqu'à ce qu'on ait une meilleure idée du type de prime dont il pourrait s'agir.
À l'heure actuelle, la prime la plus élevée que peut toucher la SIAP est 0,5 p. 100 des primes perçues sur les entreprises couvertes, c'est-à-dire celles qui sont sujettes aux garanties fournies. Si l'on intègre une formule de risque, le système sera beaucoup plus compliqué. Il s'agira passablement de payer 0,75 p. 100 au lieu de 0,5 p. 100. Je suppose que le niveau dépendra des divers produits offerts.
Le président: Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier de votre exposé extrêmement utile, des recommandations que vous avez faites pour améliorer la législation et de votre proposition de trouver des normes afin que nous puissions faire rapport des questions actuarielle de manière à ce que le public les comprenne. Nous attendrons avec beaucoup d'intérêt votre contribution ultérieure.
M. Chambers: Merci.
Comme je l'ai dit, il y a déjà ici beaucoup de choses à lire, ce qui peut vous amener à poser d'autres questions. Nous sommes tout à fait prêts à essayer d'y répondre, par courrier, par téléphone ou autrement.
Le président: Nous allons maintenant faire une pause d'une minute.
PAUSE
Le président: Nous reprenons nos travaux.
Avant de donner la parole aux témoins suivants, je dois signaler que nous avons parmi nous un invité de marque,
[Français]
Son Excellence Tep Darong, du Royaume du Cambodge. M. Tep est un conseiller au conseil des ministres et secrétaire d'État. Monsieur Tep, vous êtes le bienvenu, et j'espère que notre séance vous éclairera.
[Traduction]
Le prochain témoin n'est un étranger pour personne puisqu'il s'agit du gouverneur de la Banque du Canada, Gordon Thiessen. Il est accompagné de Robert Turnbull et Clyde Goodlet.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Vous avez la parole.
M. Gordon G. Thiessen (gouverneur de la Banque du Canada): Merci, monsieur le président.
Comme vous l'avez dit, je suis accompagné de Clyde Goodlet, conseiller de nos services de l'analyse monétaire et financière, et de Robert Turnbull, du groupe des affaires juridiques.
[Français]
Je suis très heureux de témoigner devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre examen du projet de loi C-100.
Dans ma déclaration préliminaire, je compte aborder surtout la partie de ce projet de loi qui concerne de près la Banque, à savoir la Loi sur la compensation et le règlement des paiements.
[Traduction]
Les dispositions de la législation proposée visent à favoriser la mise en place au Canada de systèmes de compensation et de règlements solides. Les systèmes de compensation et de règlement sont le pivot de notre système financier. C'est par leur entremise que sont finalisées les transactions de tout genre conclues au pays, aussi bien les paiements ordinaires par carte de crédit ou chèque que les grosses opérations sur titres et sur devises.
La Banque du Canada joue un rôle central en ce qui concerne ces systèmes, car le règlement final de toutes les transactions financières entre les institutions financières s'effectue par transfert de fonds entre les comptes que ces dernières tiennent chez elle. À cause de sa fonction de prêteur de dernier ressort du système financier canadien, la banque accorde une attention toute particulière à la sécurité et à la solidité des mécanismes de compensation et de règlement. Des failles dans ces mécanismes peuvent perturber le fonctionnement des marchés financiers et causer aux participants de graves problèmes susceptibles d'avoir des répercussions sur les utilisateurs de services financiers et sur la conduite de la politique monétaire.
[Français]
Comme d'autres banques centrales de par le monde, la Banque du Canada a assisté, non sans une certaine inquiétude, à l'augmentation considérable de la valeur des paiements qui transitent par le système financier et au resserrement des liens entre les systèmes financiers canadien et étrangers. La possibilité que des problèmes dans un secteur particulier du système financier - ici ou à l'étranger - se propagent dans d'autres secteurs s'est accentuée. C'est cela que nous appelons le risque systémique.
[Traduction]
Au Canada, certains secteurs ont suscité des préoccupations. Jusqu'à tout récemment, la plupart des paiements et des autres transactions financières s'effectuaient par transfert d'effets papier comme les chèques, les certificats de titre et ainsi de suite. Dans un tel cadre, il faut un certain temps pour finaliser le traitement et le règlement des transactions. Or, il peut arriver, entre le moment où une transaction est amorcée et le moment où elle est terminée, qu'une des parties ou une des institutions concernées fasse faillite.
Par exemple, dans notre système fondé sur les transferts d'effets papier, qui est d'ailleurs très efficient, il s'écoule au moins une journée avant que le bénéficiaire d'un paiement puisse être assuré du traitement de la transaction et de l'irrévocabilité des fonds versés. Lorsque le paiement est suffisamment élevé pour revêtir une importance capitale pour le bénéficiaire, le risque auquel celui-ci s'expose peut être grand.
Le Canada est le seul grand pays industriel qui ne soit pas doté d'un système garantissant la finalité des gros paiements le jour même.
À cause des risques qui découlent des délais de traitements inhérents aux systèmes fondés sur le transfert d'effets papier, la Banque du Canada a vigoureusement soutenu les initiatives portant sur l'établissement de systèmes automatisés, afin d'accélérer le traitement des opérations financières. Pour ce qui est des opérations sur titres, mentionnons le projet mis de l'avant par la Caisse canadienne de dépôt de valeurs pour le transfert immédiat, par voie électronique, des titres du gouvernement canadien et, plus tard, d'autres titres.
Dans le domaine des paiements, l'Association canadienne des paiements a entrepris de mettre au point et d'exploiter un système électronique de traitement des paiements de grande valeur avec règlement le jour même, le STPGV. Pour ce qui est des opérations sur devises, signalons que le secteur privé a lancé un certain nombre d'initiatives pour améliorer l'efficience du processus de compensation et de règlement des opérations et pour réduire leur risque.
Toutefois, les projets mentionnés, bien qu'ils accélèrent le règlement des transactions financières et atténuent du même coup les risques liés aux délais de règlement, ont pour effet de concentrer le traitement d'un nombre important de transactions par l'entremise d'un seul et même système automatisé. Il importe que les mécanismes d'exploitation des systèmes en question soient suffisamment robustes pour ne pas flancher au cas où la faillite d'une institution participante pourrait entraîner la défaillances d'autres participants et du système de règlement et de compensation lui-même.
De concert avec le ministère des Finances, le Bureau du surintendant des institutions financières et la Société d'assurance-dépôts du Canada, la Banque du Canada a oeuvré avec le secteur privé à la mise au point de mécanismes appropriés de gestion du risque pour chacune des initiatives entreprises. Compte tenu de la place centrale qu'elle occupe dans les mécanismes de paiement et de sa partiipation aux discussions qui se sont tenues entre banques centrales, sur le sujet, la Banque du Canada a joué un rôle de chef de file à cet égard.
En vertu de la Loi sur la compensation et le règlement des paiements proposé dans le projet de loi C-100, la Banque du Canada serait investie d'une responsabilité plus officielle et plus précise en matière de surveillance des systèmes de compensation et de règlement, dans le but de maîtriser le risque systémique. Cela signifie que les exploitants des systèmes de compensation et de règlement pouvant comporter des risques systémiques devront faire approuver par la Banque du Canada les dispositions mises en place dans leur système pour la surveillance et la maîtrise du risque.
Afin de permettre à la Banque de s'acquitter de cette responsabilité, la loi l'autoriserait qu'à recueillir l'information dont elle a besoin pour établir l'existence éventuelle d'un risque systémique. Et, lorsqu'un tel risque existe, la loi habiliterait la banque à faire en sorte que le système soit exploité de façon sûre et saine.
[Français]
Il est important de souligner ici que le projet de loi ne concerne que la supervision des systèmes susceptibles de présenter un risque systémique et ne cherche aucunement à réglementer les marchés financiers concernés, ni à servir les institutions financières. Ainsi, un système de compensation et de règlement des titres pourrait être visé par la nouvelle loi sans que cela n'assujettisse les marchés des titres à la réglementation fédérale.
En outre, la loi proposée autoriserait la Banque à participer directement à ces systèmes et à leur fournir certains services. Deux des pouvoirs dont la Banque serait investie et qui méritent mention sont la fourniture d'une garantie de règlement aux participants des systèmes désignés et le versement d'intérêts sur des dépôts spéciaux effectués par un organisme de compensation ou par un participant à un système de compensation et de règlement.
[Traduction]
La garantie de règlement ne serait offerte que dans le cas du système de transfert de paiements de grande valeur (STPGV) en cours d'élaboration. La conception de ce système répondra à la norme, acceptée à l'échelle internationale, voulant que celui-ci soit en mesure de faire face à la faillite du participant le plus important, en évitant aux autres institutions financières participantes les dangers qui résulteraient de cette faillite.
Il existe toutefois la possibilité, extrêmement faible, que plus d'une grande institution fasse faillite pendant les heures d'ouverture le même jour. Bien que cette situation soit très improbable, il importe de prévoir un moyen explicite d'y faire face afin que les institutions financières participant au STPGV puissent donner à leurs clients la garantie absolue qu'une transaction traitée par le STPGV est irréversible, quoiqu'il arrive.
À cette fin, le projet de loi propose que la Banque du Canada garantisse le règlement des opérations qui transitent par le STPGV même dans le cas très improbable de la faillite le même jour de plus d'un participant pendant les heures d'activité du système.
Cette garantie ne s'appliquerait que si les pertes associées au STPGV dépassaient le montant de l'engagement pris par les participants du secteur privé.
La garantie de la banque profiterait à l'ensemble du système de paiements et ne serait d'aucun soutien pour les institutions financières défaillantes.
Il est également important qu'une vaste gamme d'utilisateurs puisse avoir accès au nouveau système de transfert de paiement de grande valeur et ce, à un coût raisonnable. Pour réduire les coûts des garanties requises pour une gestion adéquate des risques au sein du STPGV, le projet de loi propose d'habiliter la Banque du Canada à créer une forme de garantie spéciale. Celle-ci consisterait en des dépôts à un jour que les participants tiendraient à la banque et qui seraient rémunérés en fonction du taux à un jour applicable. Ces dépôts serviraient à soutenir l'engagement des institutions financières participantes concernant la couverture des pertes liées au STPGV.
Pour conclure, permettez-moi de réaffirmer que la Banque appuie fermement les initiatives mises de l'avant par le gouvernement fédéral dans son projet de loi C-100 visant à favoriser l'implantation de bons mécanismes de compensation et de règlement au Canada. Ces mécanismes peuvent renforcer l'efficience, la solidité et la stabilité de notre système financier.
D'autres pays que le Canada ont pris conscience des problèmes que posent les systèmes en place chez eux et s'activent à mettre au point de meilleurs systèmes de paiement, de compensation et de règlement. Il importe que le Canada n'accuse pas de retard dans ce domaine, car cela nuirait à sa capacité de livrer concurrence sur un marché des services financiers qui s'internationalise de plus en plus.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Thiessen. Monsieur Loubier, avez-vous des questions à poser à M. Thiessen?
M. Loubier: Ah oui. J'en ai plusieurs, mais, comme d'habitude, je vais me limiter à quelques-unes.
Bienvenue, messieurs Thiessen, Turnbull et Goodlet. Je suis très heureux de vous revoir ici au Comité permanent des finances pour parler des modifications apportées à la Loi sur les institutions financières. J'aurais plusieurs questions, mais je vais me limiter à trois.
Vous dites que vous êtes heureux des nouveaux pouvoirs dont héritera la Banque du Canada, surtout en ce qui a trait à la réglementation des chambres de compensation et des règlements de paiements aussi. N'êtes-vous pas d'avis que, jusqu'à aujourd'hui, les commissions des valeurs mobilières ont très bien géré le risque systémique, en particulier au Québec et en Ontario, et que vous, comme intervenant supplémentaire, pour gérer ce risque systémique, empiétez sur une juridiction qui est provinciale et vous ne faites qu'ajouter un intervenant sans effet significatif au bout de la ligne, au niveau de la certitude et de la stabilité des marchés financiers?
M. Thiessen: Non, je ne crois pas, monsieur Loubier. Je crois qu'on parle d'une nouvelle responsabilité pour la Banque qui est très limitée.
Premièrement, il s'agit des paiements. La Banque est impliquée dans le système de paiements depuis très longtemps, et on parle seulement des systèmes de compensation et de règlement des paiements.
C'est une question du risque systémique. Il est ici vraiment question des paiements. Si on a un problème dans un système de compensation et de règlement qui empêche, par exemple, l'exécution des transactions financières dans un marché, cela peut causer une vraie crise de liquidité, et il serait vraiment la responsabilité de la Banque du Canada d'essayer de régler cette situation-là.
Ce serait vraiment la responsabilité de la Banque du Canada d'essayer de régler cette situation-là.
Si je comprends bien les commissions de valeurs mobilières, leurs responsabilités incluent le bon comportement des marchés, la protection des consommateurs et utilisateurs de ces marchés-là, et pas vraiment ces questions de paiements et de liquidités, si on a un problème dans le système de paiements pour les transactions financières.
M. Loubier: Permettez-moi, monsieur Thiessen, de diverger quelque peu d'opinion avec vous. Vous dites, par exemple, dans votre texte - et vous venez de le répéter - «que les nouveaux pouvoirs qui nous seront donnés ne seront pas considérables. C'est tout simplement d'officialiser ce qu'on faisait déjà.»
Je vous rappellerais que lorsque vous regardez à la page 118 du projet de loi, les pouvoirs qu'on vous donne sont considérables. On vous donne même le pouvoir de contrôler non seulement les chambres de compensation mais aussi les institutions participantes. Je sais que la Banque peut - à l'article 6, sous la rubrique Directives - au moyen d'une directive écrite, ordonner à la chambre ou à l'établissement... Ce n'est pas un petit pouvoir que vous avez. Ce n'est pas uniquement un pouvoir de recommandation. Vous avez un pouvoir d'ordonner. Donc, c'est un pouvoir qui est réel et qui est très coercitif:
- ...ordonner à la chambre ou à l'établissement de cesser de s'abstenir ou de prendre toute
autre mesure nécessaire pour corriger le fonctionnement du système de compensation et de
règlement qu'il opère ou auquel il participe. Alors, c'est fort. Ce n'est pas simplement comme
vous le dites dans votre mémoire, à la page 3: «Il est important de souligner ici que le projet de
loi ne concerne que la supervision, les systèmes susceptibles de présenter un risque systémique,
et ne cherche aucunement à réglementer les marchés financiers concernés.» Je m'excuse, mais
la formulation, ce n'est pas ce qu'elle dit.
C'est beaucoup, le pouvoir qu'on vous donne, dans un champ de juridiction du Québec et dans un champ qui est déjà occupé par les commissions des valeurs mobilières, non seulement au Québec, mais en Ontario aussi. Je trouve que c'est immense ce qu'on vous donne comme pouvoirs, et c'est trop simple de dire qu'il ne s'agit que de supervision. Ce n'est pas de la supervision. C'est un pouvoir de direction qu'on vous donne.
C'est ma deuxième remarque, monsieur Thiessen.
M. Thiessen: Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur Loubier, parce qu'il s'agit seulement d'un système, d'une chambre de compensation dans un système de compensation et de règlement des paiements, et aussi un système où il existe une possibilité d'un risque systémique. Je crois que c'est une définition assez étroite.
M. Loubier: Mais le risque systémique, monsieur le gouverneur, à moins que je ne me trompe, dépend de l'analyse que vous allez faire. Si vous jugez - et cela vous donne un pouvoir assez extraordinaire - qu'un risque systémique peut être exacerbé, qu'on peut en arriver par certaines actions d'institutions membres des chambres de compensation ou par le comportement des chambres de compensation elles-mêmes, à créer un effet domino, ce sera basé sur votre analyse à vous. Donc, si vous avez le pouvoir d'ordonner, d'émettre des directives - parce qu'on parle d'émettre des directives auprès des institutions membres, au Québec comme ailleurs - , cela vous donne un pouvoir extraordinaire, un pouvoir qui chevauche celui de la Commission des valeurs mobilières du Québec.
J'aurais une troisième question à vous poser, monsieur Thiessen, parce que là-dessus, tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas éclairci ces aspects-là du projet de loi, je pense qu'on peut en discuter très longtemps. On n'a pas besoin de faire une gymnastique intellectuelle trop forte pour en arriver aux conclusions que j'ai tirées.
J'aimerais passer à ma troisième question que j'ai posée ce matin au secrétaire d'État responsable du projet de loi C-100. Existe-t-il d'autres façons de réduire ou de supprimer le plus possible les risques systémiques que celles contenues dans ce projet de loi, c'est-à-dire des pouvoirs extraordinaires pour vous et un pouvoir élargi pour le surintendant des institutions financières?
Il m'a répondu, ce matin: «Non, il n'y a pas de façon différente d'en arriver à réduire ou à supprimer un tant soit peu le risque systémique dans le secteur financier.»
Moi, je me suis référé à un discours que vous aviez prononcé le 20 juin 1995 devant l'Association canadienne des paiements. D'ailleurs, vous en reprenez certains aspects dans votre mémoire de ce matin, sauf une partie que vous avez totalement mise de côté, et je vous la rappellerai dans quelques secondes.
Vous dites - en parlant de la limitation des risques dans les grands systèmes de compensation et de règlement - et je vous cite: «Nous avons besoin d'un système électronique de transferts de gros montants qui soit bien conçu. Le Canada accuse du retard dans ce domaine par rapport à bien d'autres pays industriels. Dans un tel système, les institutions financières canadiennes continueront de courir des risques et de voir leur position concurrentielle réduite. Je suis donc heureux du grand pas en avant qu'a fait l'Association canadienne des paiements» - et votre discours était fait devant eux - «en lançant un appel de proposition pour bâtir un système de transfert de paiements de grande valeur, le STPGV.» Vous l'avez mentionné tout à l'heure.
Ce que vous n'avez pas mentionné toutefois, c'est que, dans ce discours-là, vous avez suggéré qu'on supprimait le risque en améliorant le système, le STPGV. En effet, vous avez dit, le 20 juin dernier, qu'en améliorant le STPGV, selon les propositions faites par l'Association canadienne des paiements, on n'avait pas besoin d'autres interventions, puisqu'on supprimait le risque systémique. Et vous avez dit: «Ce système fournira aux institutions financières la certitude de règlement, c'est-à-dire qu'il supprimera le risque présent dans nos modalités actuelles.»
Vous avez supprimé justement ce passage-là dans le mémoire que vous avez présenté ce matin, mais vous avez ajouté par contre que: «Ce n'est pas parfait si on améliore le système de transfert des paiements de grande valeur; alors ça me prend des pouvoirs supplémentaires tels qu'ils sont présentés dans le projet de loi.»
Comment peut-on expliquer cette différence-là? Vous dites d'un côté, qu'en améliorant le système de transfert des paiements de grande valeur, on peut en arriver à supprimer le risque systémique et dans le discours d'aujourd'hui, vous dites que ce n'est pas suffisant, qu'il vous faut les pouvoirs dont le projet de loi vous investit à l'annexe sur l'article 162, à la page 115. Comment expliquez-vous cette différence entre le 20 juin et le 15 août?
M. Thiessen: C'est vrai qu'un nouveau système de paiements électronique va améliorer beaucoup le risque systémique dans notre système de paiements. Mais l'idée de ce projet de loi est de donner à la Banque du Canada le pouvoir d'excercer une surveillance continuelle sur ce système de paiements. Même si nous en sommes satisfaits, il faut pouvoir le surveiller, parce que de nouveaux risques peuvent survenir et en changer le fonctionnement. Il faut pouvoir s'assurer que le système reste très efficace et qu'il ne cause pas de risque systémique dans notre système financier.
On parle d'un pouvoir de surveillance continue du système pour s'assurer que le risque systémique est vraiment amélioré.
M. Loubier: Monsieur Thiessen, on ne parle pas de pouvoir de surveillance renforcé. On parle d'un vrai pouvoir: émettre des directives aux chambres de compensation et aux institutions participantes.
Vous disiez, le 20 juin dernier, qu'en améliorant uniquement le système de transfert des paiements de grande valeur, on pouvait réduire... Vous, vous employez un terme plus fort que le mien. Vous parliez de supprimer le risque présent dans les modalités actuelles, et aujourd'hui, vous nous dites, non, ce n'est plus suffisant. Ça prend les dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi pour augmenter les pouvoirs du gouverneur de la Banque du Canada et lui permettre d'émettre des ordonnances auprès des institutions participantes ou des chambres de compensation.
Ce matin, je vous le rappelle, j'ai demandé au secrétaire d'État s'il y avait d'autres moyens de réduire ou de supprimer - parce que je trouvais que c'était fort, mais vous l'avez affirmé le 20 juin - le risque systémique. Il m'a dit: «Non, c'est le seul».
On a les «bleus»; on peut...
Alors, il y a deux questions que je me pose. La première: pourquoi cette différence entre votre discours de juin...
Le président: Vous l'avez posée.
M. Loubier: Non, c'est la même.
Le président: Encore deux questions.
M. Loubier: Non. Juste une seconde, monsieur le président. J'ai deux petites questions par rapport à cela. Pourquoi cette différence depuis le 20 juin dans votre interprétation de l'amélioration du système de transfert de paiements de grande valeur? Deuxièmement, pourquoi le ministre nous a-t-il dit ce matin, en nous racontant un bobard, qu'il n'existait pas de façon de réduire le risque systémique, sauf de vous donner plus de pouvoirs et de donner plus de pouvoirs au surintendant général des institutions financières du Canada et de passer outre aux juridictions du Québec? Est-ce que cela vaut le coût de créer tout ce marasme-là entre des compétences qui sont exclusives aux provinces pour - si je me fie à ce que vous avez dit - , ne pas améliorer quoi que ce soit, puisque, comme vous disiez il y a deux mois, on supprimait le risque systémique? Est-ce que cela vaut le coût de donner ces pouvoirs-là à la Banque du Canada ou si l'amélioration dont vous faisiez mention il y a deux mois pourrait résoudre à peu près tout?
M. Thiessen: On cherche à s'assurer qu'on aura des systèmes de compensation et de règlement qui resteront très solides. On supprime vraiment le risque systémique en s'assurant qu'à l'avenir, les systèmes, tel que le système de paiements qu'on est en train d'élaborer, soient très bien gérés et que leur contrôle de risque soit acceptable. On doit penser à l'avenir. Même si on est satisfaits avec le système actuel, c'est à l'avenir qu'on pense avec ce projet de loi.
M. Loubier: Et l'avenir commande qu'on passe outre aux juridictions clairement définies des provinces dans le secteur financier, qu'on passe outre aussi à une expertise qui a été développée depuis 35 ans au Québec et en Ontario et qui est dévolue aux commissions des valeurs mobilières et aux inspecteurs généraux des institutions financières, et qu'on ne vous donne pas plus de pouvoirs? Vous m'avez dit qu'on ne vous donnait pas plus de pouvoirs, mais on crée un marasme considérable dans les relations entre le Québec et le gouvernement fédéral. Si cela vaut le coût, si vous pensez que cela vaut le coût, c'est une autre question.
M. Thiessen: Il faut souligner qu'on parle de paiements, et si je comprends bien, les commissions des valeurs mobilières ne s'occupent pas de paiements.
M. Loubier: On parle des institutions...
M. Thiessen: Ça c'est vraiment le champ de la Banque du Canada.
M. Loubier: Monsieur Thiessen, on parle des institutions participantes aussi, et d'un pouvoir d'ordonner, un pouvoir d'émettre des directives.
M. Thiessen: Mais, monsieur Loubier, c'est seulement s'il n'y a pas de chambre de compensation, je crois. Si je comprends bien le projet de loi, c'est seulement s'il n'y a pas de chambre de compensation qu'il faut intervenir auprès des participants.
M. Loubier: Ce n'est pas ce que le projet dit, monsieur Thiessen.
[Traduction]
M. Campbell: Je voudrais reprendre certains des éléments mentionnés par M. Loubier.
D'abord, les habitants de l'Ontario comme moi ne voient pas d'un mauvais oeil le désir de la Banque du Canada d'avoir une plus grande stabilité dans les systèmes de compensation et de règlement. C'est un objectif louable auquel souscrivent, je crois, tous les Canadiens. Je voudrais préciser officiellement - et je voudrais que M. Thiessen le confirme - qu'il est tout à fait normal qu'une banque centrale joue ce rôle, et que les rôles de ces banques centrales sont en pleine évolution de par le monde.
Deuxièmement, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. Pour pouvoir jouer un rôle au sein du système et y participer - même les séparatistes affirment vouloir continuer à avoir recours à la Banque du Canada - il faut bien que celle-ci ait un certain droit de regard sur la façon dont les règles du jeu s'appliquent. Il faut bien que quelqu'un tire les ficelles et décide qui joue ou ne joue pas et comment les règles s'appliquent, sans quoi aucune transaction ne sera possible.
Voudriez-vous confirmer que ce sont là des rôles tout à fait normaux pour les banques centrales du monde entier?
M. Thiessen: Oui, je suis heureux de le confirmer.
De fait, il est tout à fait remarquable qu'une partie importante des rencontres des banques centrales des pays industrialisés, qui se tiennent régulièrement à Bâle, en Suisse, à la Banque des règlements internationaux, soit consacrée aux systèmes de compensation et de règlements et aux questions de paiement. Je pense que les banques centrales sont toutes inquiètes à ce sujet. L'ampleur et le nombre des transactions ne cessent d'augmenter et l'on s'efforce constamment de mettre au point des systèmes rendant ces transactions plus efficientes. Cela tend à les concentrer toutes dans des systèmes électroniques extrêmement puissants. Il faut donc obtenir l'assurance absolue que ces systèmes sont toujours en bon état de marche car, s'ils tombaient en panne, cela pourrait geler complètement tel ou tel marché financier. Il s'ensuivrait des problèmes de liquidité et c'est la banque centrale des pays concernés qui serait chargée de trouver des solutions.
C'est donc quelque chose qui préoccupe très sérieusement les banques centrales.
M. Campbell: Diriez-vous donc qu'il nous faut assurer un minimum de stabilité dans nos systèmes de compensation et de règlements, si nous voulons que les Canadiens restent des membres actifs de l'économie internationale et continuent de bénéficier des relations établies avec les institutions financières étrangères? Est-ce l'objectif de cette loi?
M. Thiessen: Absolument. Je disais d'ailleurs dans ma déclaration liminaire qu'il est extrêmement important que le Canada se dote d'un ensemble de systèmes réels de compensation et de règlement de transactions financières, et que ces systèmes doivent être assez robustes pour faire face aux risques qui sont omniprésents. En effet si les gens commencent à avoir l'impression qu'il est risqué de faire des affaires au Canada, ils déplaceront leurs transactions dans d'autres pays. C'est incontestable.
Le président: Ce qui m'a le plus frappé dans votre déclaration, monsieur le gouverneur, c'est quand vous avez dit que:
- Le Canada est le seul grand pays industriel qui ne soit pas doté d'un système garantissant la
finalité des gros paiements le jour même.
- Il est sidérant de voir que nous ayons tellement de retard par rapport aux autres pays
industrialisés.
Si cela vaut pour le petit entrepreneur, c'est certainement encore plus important pour toute une nation, n'est-ce pas?
M. Thiessen: Absolument. Songez à la manière dont se font les transactions financières aujourd'hui. Un petit entrepreneur peut faire une vente répartie sur plusieurs mois, avec divers arrangements financiers. L'institution financière s'occupant de la transaction peut avoir le sentiment qu'elle assume un risque excessif, ce qui l'amène à transmettre le risque à quelqu'un d'autre. Ce quelqu'un d'autre peut à son tour reporter le risque sur quelqu'un d'autre. Donc, une seule transaction économique peut fort bien avoir une multitude de répercussions financières, toutes destinées à réduire le risque pour chacun des participants.
S'il se trouve que l'une des transactions n'est pas complétée, toutes les parties qui ont pris des engagements à cet égard risquent de se trouver dans une situation impossible.
Voilà pourquoi, considérant l'importance de toutes ces transactions financières, tout le monde évolue vers ces systèmes de très grande taille, qui permettent d'effecteur les règlements le même jour.
[Français]
Le président: Monsieur Loubier, deux secondes.
M. Loubier: Oui. Juste pour compléter votre remarque.
Pour assurer ce que vous avez demandé au gouverneur de la Banque du Canada, il n'est pas nécessaire qu'il ait les nouveaux pouvoirs que lui confèrent le projet de loi. Il faut tout simplement mettre en place un système électronique de paiements qui va permettre de savoir si l'argent est là au moment de l'exécution d'un paiement. Et la mise sur pied d'un tel système relève de la Banque du Canada, mais pas la gestion du risque systémique. C'était une mauvaise question que vous aviez pour justifier ce projet de loi.
M. Thiessen: Mais il faut que ce système de paiements reste robuste, pas seulement maintenant mais demain et l'année prochaine et l'année après cela, parce que la situation peut changer...
M. Loubier: Vous savez que M. Chrétien utilise le même argument pour dire qu'il faut s'assurer que le fédéralisme est assez fort et assez centralisateur pour l'avenir. Mais c'est ça qui arrive avec ce projet de loi.
[Traduction]
Le président: Puis-je poser une dernière question? Quel sera le taux de la banque à 14 heures? Rassurez-vous, je ne le dirai à personne.
M. Thiessen: Êtes-vous prêt à vider la salle, monsieur le président?
Le président: Il nous est arrivé de la vider pour des questions beaucoup moins importantes que celle-là.
Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie à nouveau pour votre exposé tout à fait lucide.
Au nom des membres d'au moins une partie de ce comité, je vous encourage à faire tout votre possible pour que ce système soit mis en place dans les plus brefs délais. Vous aurez notre soutien.
Merci beaucoup, et nous espérons vous revoir bientôt.
M. Thiessen: Merci.
Le président: Nous allons faire une pose de deux minutes en attendant le prochain témoin. La séance est suspendue.