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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 28 septembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes poursuit sa discussion prébudgétaire. Il accueille aujourd'hui un certain nombre d'experts reconnus en économie.

Je les présente: M. Filip Palda, du Fraser Institute; M. Tom Hayes, de l'Atlantic Provinces Economic Council; M. David Elton, de la Canada West Foundation; M. Leo de Bever, du Conseil du régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario; M. Geoff Bromfield, d'Informetrica; M. Jim Frank, du Conference Board du Canada; Mme Rose Potvin, des Organisations nationales volontaires; Mme Judith Maxwell, des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques; ainsi que Mme Lynne Toupin, de l'Organisation nationale anti-pauvreté.

Merci d'avoir accepté de participer à ces audiences très importantes.

Vous aurez chacun cinq minutes pour faire un exposé, après quoi vous aurez l'occasion de réagir à ce que vos collègues du panel auront dit.

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En soirée, les députés vous interrogeront.

Si vous voulez bien commencer, monsieur Palda.

M. Filip Palda (membre associé, professeur à l'École nationale d'administration publique, Fraser Institute): Je pense que ce que vous recherchez en tenant ces audiences ce sont des suggestions pratiques concernant le budget. J'ai des idées et des suggestions relativement à l'économie, mais je pense que vous pourrez entendre d'autres témoins.

J'ai une suggestion qui va dans le sens de l'excellente démarche du comité. J'accorde beaucoup de valeur à la consultation. Je pense que des consultations prébudgétaires sont une bonne idée. Elles permettent d'échanger des idées et d'entendre des experts.

J'estime cependant que vous avez peut-être été un peu trop modestes dans les ambitions du comité. Vous pourriez consulter 27 millions de personnes plutôt que de demander à seulement 10 ou 12 de s'exprimer. Je ne songe pas ici à une séance monstre sur Internet. J'envisage seulement une légère modification à la déclaration d'impôt, de façon à rendre le gouvernement plus efficient, plus sensible aux besoins des gens et plus intelligent. Dans le budget de l'année dernière, on a beaucoup insisté sur le fait que le gouvernement devait se montrer intelligent.

Remplir sa déclaration d'impôt est pénible pour tout le monde. Parce qu'on doit payer, mais également parce qu'on a l'impression de ne pas contrôler la façon dont l'argent est dépensé.

Comment pouvons-nous donner aux gens l'impression qu'ils ont leur mot à dire? En ajoutant une page à la déclaration d'impôt pour permettre aux gens d'indiquer leurs priorités. Ce ne serait pas compliqué. Nous pourrions, entre autres, demander aux gens d'indiquer quelle part des deniers publics, selon eux, devrait être réservée à la réduction du déficit ou au remboursement de la dette. Évidemment, réserver une part des fonds pour rembourser la dette obligerait le gouvernement à effectuer des réductions.

Comment y arriver? En demandant aux gens, dans une autre question, s'ils préconisent des réductions linéaires générales ou s'ils souhaitent que le gouvernement lui-même décide.

Nous pourrions compliquer les choses. Nous pourrions indiquer les divers postes de dépenses du gouvernement et demander aux gens s'ils sont d'accord pour que 10 p. 100 de leur impôt soit consacré aux Forces armées, etc.

Pourquoi cette suggestion rendrait-elle le gouvernement plus efficient? Parce qu'elle contribuerait à mieux informer les électeurs. Ils pourraient souhaiter, par exemple, dépenser moins d'argent pour les écoles secondaires ou les universités. Il faudrait alors que les groupes d'intérêt qui interviennent actuellement auprès du gouvernement s'adressent aux Canadiens et leur expliquent pourquoi ces programmes doivent être protégés.

Le thème principal du rapport Porter sur la compétitivité était que des consommateurs intelligents devenaient des producteurs intelligents.

Ma suggestion contribuerait à éduquer les Canadiens. Ils seraient mieux informés parce que les groupes d'intérêt s'adresseraient directement à eux plutôt qu'au gouvernement. L'idée n'est probablement pas nouvelle. En 1990, devant le Comité sénatorial permanent sur les finances nationales, le président de la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, de 1966, a fait valoir que le gouvernement ne rendait pas suffisamment compte de ses actions et que les ministères de leur côté ne l'informaient pas suffisamment.

Ce serait une façon de forcer les ministères ou les groupes d'intérêt à mieux éduquer les Canadiens. Je suis prêt à revenir sur l'aspect pratique de ma suggestion un peu plus tard.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Palda.

Monsieur Hayes.

M. Tom Hayes (président, Atlantic Provinces Economic Council): Merci, monsieur le président. On ne dit habituellement pas que je suis un expert dans cette matière. Je suis ici aujourd'hui en tant que président volontaire de l'APEC.

Habituellement, lorsque l'APEC comparaît devant un comité comme celui-ci, il est représenté, entre autres, par un certain nombre d'économistes travaillant pour lui qui peuvent citer des faits et des chiffres relatifs à la région atlantique du Canada. Nous devrons malheureusement nous en passer aujourd'hui. J'espère quand même pouvoir contribuer à vos travaux de façon positive.

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Le président: Vous vous débrouillez très bien.

M. Hayes: Merci.

J'ai pensé décrire brièvement la situation économique des quatre provinces de l'Atlantique avant de traiter de certains des changements dont nous sommes témoins actuellement dans notre région à la suite des compressions budgétaires déjà annoncées.

À Terre-Neuve, le taux de chômage continue de dépasser 20 p. 100 au moment où l'étape du développement d'Hibernia se termine. Des projets comme ceux qui ont été annoncés récemment pour Voisey Bay et l'exploration pétrolière sur la côte ouest ne permettront pas de compenser la fin de certains travaux à Hibernia.

Pour ce qui est des pêches, nous savons tous quelle est la situation relativement aux poissons de fond, mais de bonnes pêches pour le crabe et la crevette au cours de la dernière année ont permis de limiter les dégâts.

À l'Île-du-Prince-Édouard, la construction du raccordement permanent continue d'avoir un effet bénéfique sur l'économie, même si, pour ce qui est de la création d'emplois, le sommet a probablement été atteint cette année.

La pêche au homard a été extrêmement bonne en 1995, et le tourisme a suscité beaucoup d'activités. C'est la deuxième année d'affilée où nous avons eu une excellente saison touristique. Nous le devons au temps exceptionnel qu'il a fait cet été ainsi qu'à la valeur du dollar canadien.

Des investissements importants dans le domaine de la transformation des aliments à valeur ajoutée, surtout pour ce qui est de la pomme de terre, sont actuellement effectués à l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui stimule également l'industrie de la construction. Il semble cependant que les récoltes de pommes de terre chuteront cet automne à cause de la sécheresse plus tôt au cours de la saison.

En Nouvelle-Écosse, la croissance diminuera de 2 p. 100 cette année, car c'est la première année entière que nous subirons l'impact des mesures provinciales visant à réduire le déficit; ces mesures ont toujours pour effet de ralentir l'économie. Et tout porte à croire que le gouvernement provincial s'apprête à effectuer d'autres réductions.

La réduction des dépenses du gouvernement provincial se combine aux mesures semblables prises par le gouvernement fédéral en Nouvelle-Écosse, j'y reviendrai dans quelques minutes.

Le taux de chômage en Nouvelle-Écosse devrait se situer à un peu plus de 13 p. 100.

Au Nouveau-Brunswick, il est un peu trop tôt pour juger des effets des changements visant les subventions au transport. Il reste que les secteurs des ressources ont connu une bonne année et que cette tendance devrait se maintenir en 1996. Les ventes au détail de même que les mises en chantier sont lentes.

La province a réussi à attirer des entreprises de centres téléphoniques, mais certains se demandent si ces emplois sont comparables aux emplois bien rénumérés qui ont été éliminés dans les secteurs des ressources.

Le chômage au Nouveau-Brunswick devrait se situer une fois de plus à environ 13 p. 100.

Je voudrais maintenant parler brièvement de l'impact de certaines des mesures budgétaires fédérales.

L'APEC estime que le remplacement du système de financement des programmes établis par les transferts sociaux annoncés dans le budget fédéral de 1995 fera perdre 383 millions de dollars à l'économie de la région atlantique au cours des deux prochaines années. Cette mesure aura un impact sur l 'emploi et sur les dépenses dans les secteurs quasi gouvernementaux comme les soins de santé et l'éducation postsecondaire.

Le gros de l'impact se fera sentir le printemps prochain lorsque les provinces auront à boucler leur budget avec 233 millions de dollars en moins du gouvernement fédéral. Et l'année suivante, le manque à gagner sera d'environ 150 millions de dollars.

J'ai déjà mentionné les réductions des subventions au transport, qui soustrairont 100 millions de dollars à l'économie. Les entreprises de la région atlantique qui dépendent beaucoup du transport seront évidemment les plus touchées. Ce sont les secteurs des produits forestiers, des produits alimentaires, du charbon et d'autres minéraux. L'impact le plus considérable de ces réductions sera ressenti au Nouveau-Brunswick, qui touchait environ 36 p. 100 de toutes les subventions.

Pour ce qui est des modifications proposées au régime d'assurance-chômage pour les travailleurs saisonniers, nos analyses indiquent qu'environ 95 000 travailleurs saisonniers de la région atlantique utilisent le régime pour compléter leurs revenus. Ils touchent en moyenne environ 250$ par semaine et utilisent le régime pendant environ 27 semaines par année. C'est un montant total d'environ 650 millions de dollars en revenu personnel annuel qui disparaîtra si certaines des modifications proposées sont apportées.

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Ce sont surtout les facteurs ruraux de la région atlantique qui seront touchées par ce phénomène parce que c'est là que se trouvent le plus d'entreprises saisonnières. Je parle des secteurs du tourisme, de l'agriculture, de l'abattage, de la construction, des pêches évidemment et des mines. L'impact serait important pour le secteur de la consommation: entreprises de vente au détail, magasins d'alimentation et autres services personnels. Je souligne que 40 p. 100 de cette réduction se fera dans la province de Terre-Neuve.

De même, les réductions des emplois fédéraux seront durement ressenties dans la région atlantique. Nous estimons que plus de 9 000 emplois fédéraux disparaîtront au cours des deux ou trois prochaines années, ce qui signifie environ 330 millions de dollars de moins en revenu d'emploi essentiellement dans des centres urbains comme Halifax, Moncton, Fredericton, St. John's et St-Jean, Nouveau-Brunswick.

Selon les prévisions, les dépenses militaires chuteront de 1,6 milliard de dollars au cours des trois prochaines années. La Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick seront durement touchés parce qu'ils dépendent énormément des dépenses militaires ainsi que de la présence des bureaux du gouvernement fédéral.

En résumé, les mesures de réduction du déficit annoncées dans le dernier budget auront un impact important sur tous les secteurs de l'économie de toute la région atlantique. Nous convenons que la réduction du déficit est essentielle à la stabilité du pays à long terme, mais nous nous inquiétons de la rapidité avec laquelle les mesures interviennent ainsi que de leur impact sur notre économie régionale.

Je voulais mentionner un certain nombre d'autres points, mais j'aurais peut-être l'occasion de le faire au cours de la discussion.

Le président: Merci, monsieur Hayes. Personne n'aime faire des réductions.

M. David Elton (président, Canada West Foundation): C'était justement mon sujet, monsieur le président. Merci de l'introduction.

Il y a quelques semaines, nous avons envoyé à tous les membres du comité un document intitulé Red Ink III: Understanding Government Finances. C'est une publication qui tente de résumer et d'évaluer les budgets des 13 principaux gouvernements du pays, provinciaux, territoriaux et fédéral, afin de permettre les comparaisons.

Le document contient environ 40 tableaux et graphiques. Je ne vais pas les examiner tous, mais seulement un. Vous ne pouvez pas voir d'où vous êtes, mais vous avez sans doute pris la peine de lire le document. C'est un graphique très simple qui indique quel gouvernement emprunte le plus au nom des Canadiens et quel gouvernement emprunte le moins. C'est une liste de déficits par famille.

Ainsi, en 1995-1996, le gouvernement fédéral a emprunté environ 4 500$ par famille de quatre personnes pour couvrir ses dépenses. La plus grande dépense, celle sur laquelle je veux insister, concerne les paiements d'intérêts. Elle doit occuper une place importante dans le budget de 1996-1997, comme elle en occupait une dans les budgets des dix dernières années et plus. Les décisions prises par ce comité et ce gouvernement en vue du budget 1996-1997 détermineront le montant d'intérêt que les Canadiens auront le privilège et l'obligation de payer au cours des années à venir.

Dans le cadre de notre analyse de tous les budgets des gouvernements au cours de l'année écoulée et de leurs plans en vue des cinq prochaines années, nous constatons que seulement deux gouvernements importants de ce pays n'ont pas réussi à équilibrer leur budget au cours des années 1990 ou n'ont pas prévu de le faire. Ce sont évidemment les gouvernements d'Ottawa et de Québec. Ils n'ont même pas encore de projets en vue d'un budget équilibré.

Les provinces de la Saskatchewan, de l'Alberta et du Nouveau-Brunswick ont toutes trois adopté une loi en vue d'un budget équilibré. Le Manitoba examine actuellement une loi semblable; il s'apprête à l'adopter.

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Il convient de noter que ce n'est pas une question partisane. Ces provinces ont un gouvernement ou conservateur, libéral ou néo-démocrate. Les lois en cause doivent être au coeur d'une restructuration fondamentale de la façon de gouverner; c'est ce que nous appelons le gouvernement abordable.

Mon autre argument à ce sujet est que quelle que soit la façon de les envisager, les déficits sont des augmentations de taxe à retardement. Le gouvernement du Canada, pour sa part, a vu sa dette augmenter à un taux plus rapide que celui de la croissance de son économie au cours des 15 dernières années. Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que le problème se règle de lui-même d'ici un an ou deux. Quand la dette augmente à un rythme plus rapide que l'économie ne croît, un déficit ne peut représenter qu'une taxe à retardement, avec comme inconvénient supplémentaire des intérêts plus élevés et composés.

Mon dernier argument est que la décision de ne pas réduire les dépenses maintenant signifie que le gouvernement et les Canadiens auront moins d'argent à dépenser à l'avenir. Le choix se résume à ceci: il faut réduire un peu maintenant ou beaucoup plus tard.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Elton.

Monsieur Leo de Bever, s'il vous plaît.

M. Leo de Bever (vice-président, Recherche et économie, Conseil du régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario): Cette consultation devait porter sur notre situation passée, notre situation présente, notre situation au cours des trois ou quatre prochaines années, les perspectives concernant le déficit et les moyens de le réduire.

D'abord, où en sommes-nous? Ce cycle économique dure maintenant depuis cinq ans. Peu de cycles économiques durent plus de 10 ans, de sorte que nos prévisions portent sur 1997-1998 et la période qui suivra, et, en nous montrant passablement prudents, nous ne pouvons pas anticiper, pour cette période, un taux de croissance moyen de plus de 2,5 p. 100. Une bonne hypothèse de travail serait 2,5 p. 100 pour les deux premières années et probablement un peu moins après. Avec un peu de chance, nous pourrions atteindre un pourcentage un peu plus élevé, mais, compte tenu des risques sur le plan budgétaire, il vaut mieux de ne pas compter là-dessus.

L'inflation ne sera pas un problème. Elle sera probablement de l'ordre de 2,5 à 3 p. 100 pour la plus grande partie de la période, compte tenu de notre taux de croissance modeste et d'un taux de chômage assez élevé. En fait, la plupart des pays du G-7 ont ce profil - 2,5 à 3 p. 100 de croissance et 2,5 à 3 p. 100 d'inflation - sauf le Japon, qui est censé avoir un taux de croissance de seulement 1 ou 1,5 p. 100 pour l'année qui vient.

C'est là que se situe le risque. Si la croissance n'est pas celle que j'ai projetée, ce sera probablement dû à un échec financier quelque part, en toute vraisemblance sur les marchés japonais.

Dans ce contexte, quelles sont les perspectives pour ce qui est du déficit? Pour ce cycle, si nous continuons dans la même voie, nous ne pourrons pas dépasser les 15 milliards de dollars. En d'autres termes, ce sera inférieur à 15 milliards de dollars.

Quel serait l'objectif approprié? Je suis peut-être vieux jeu, mais j'estime qu'au cours d'un cycle économique, nous devrions être capables d'équilibrer le budget, en ayant des excédents les bonnes années et des déficits les mauvaises. Ce n'est évidemment pas un objectif facile à réaliser, mais nous ne devrions pas faire trop de compromis en cours de route.

L'objectif de 3 p. 100 était une bonne étape, mais il était assez faible compte tenu du fait qu'il suivait un modèle européen et qu'il fallait penser à l'ensemble du pays. Si nous prenons tous les gouvernements au Canada, nous avons commencé à un point qui se situait entre 6 et 7 p. 100 et nous en sommes seulement à environ 5 p. 100.

L'autre raison pour laquelle cet objectif était particulièrement faible est que la plupart de autres pays du G-7, à l'exclusion des États-Unis, ont des modes de financement et des épargnes qui couvrent leur déficit. Le Canada n'a pas ce luxe. Nous devons emprunter cet argent, et 4 p. 100 de notre production nationale sert maintenant à payer l'intérêt sur la dette que nous avons accumulée.

Comment pouvons-nous réduire notre déficit? Je sais qu'il y a un débat au sujet des promesses sur un an par rapport aux promesses sur plusieurs années. Je continue de penser que le gouvernement doit se montrer plus ferme pour ce qui est de la réduction du déficit sur plusieurs années. Un plan a été soumis, selon certains, mais il n'est toujours pas suffisamment ferme pour avoir un impact réel sur les marchés de capitaux, pour faire en sorte qu'ils réduisent les taux d'intérêt que nous devons payer. Notre déficit en serait diminué d'autant.

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Comme la question du Québec n'est pas encore réglée, les intérêts que nous devons payer actuellement ne sont pas uniquement dus à notre politique budgétaire. Les taux d'intérêt devraient baisser après le référendum, mais il serait peut-être bon de prévoir, surtout après ce qui s'est passé en Ontario récemment, une combinaison de nos politiques budgétaire et monétaire qui donne des taux d'intérêt quelque peu inférieurs à ceux que nous avons actuellement.

Pour ce qui est des postes dans lesquels nous devrions effectuer des réductions, je ferais remarquer qu'on réclame, non pas seulement au Québec, mais ailleurs au Canada, une plus grande délégation du pouvoir de dépenser. Il me semble donc que le gouvernement devrait déléguer le plus possible son pouvoir de dépenser aux provinces et réduire son financement, surtout dans les domaines de la santé et de l'éducation. Je ne dis pas que ces domaines ne méritent pas d'être financés - ils le méritent certainement, mais je pense qu'il est plus efficace du point de vue financier de faire en sorte que les décisions soient prises et le financement effectué au même endroit.

La plus grande différence entre le Canada et les Étas-Unis se situe au niveau des marchés de la main-d'oeuvre. Nous avons un taux de chômage supérieur de 4 p. 100 au taux américain. La plupart des économistes estiment que c'est dû à la façon dont nous structurons notre régime d'assurance-chômage et nos autres programmes sociaux. Je pense que c'est une autre question que vous devriez continuer de débattre en vue de vos réformes. J'appuie les modifications au régime d'assurance-chômage qui ont été annoncées, mais je proposerais également la réduction des charges sociales et même un impôt négatif sur le revenu de façon à ce que toutes les mesures incitatives aillent dans le bon sens.

Il est également beaucoup question des obstacles de toutes sortes au travail à temps partiel au sein de notre économie, lesquels sont dus essentiellement à la façon dont les avantages sociaux sont administrés. J'estime que de 50 000 à 100 000 emplois pourraient être obtenus simplement en supprimant le plus possible ces obstacles. Il y a des gens qui travaillent à temps plein et qui préféreraient travailler à temps partiel. Ce serait une forme de partage de l'emploi, non imposé par une loi quelconque.

Les pensions de retraite financées par les deniers publics constituent également un problème à long terme qui influe sur nos déficits. Je vous invite à hausser l'âge d'admissibilité de façon à réduire le coût à long terme de ces programmes.

En ce qui concerne la privatisation, elle est à la mode parce qu'elle permet des rentrées de fonds de même que la réduction de la dette. J'estime que le gouvernement peut examiner d'autres possibilités à cet égard, non pas seulement parce que c'est avantageux pour lui, mais également parce que certaines activités peuvent être menées par le secteur privé. Il est possible d'obtenir des gains d'efficacité de cette façon.

Merci.

Le président: Merci, monsieur de Bever.

Monsieur Geoff Bromfield, s'il vous plaît.

M. Geoff Bromfield (directeur, Section de la modélisation et des banques de données, Informetrica): Merci, monsieur le président.

J'ai préparé un bref exposé. Je vous ai également remis un document. J'espère que vous l'avez sous les yeux.

Je vais m'en tenir à certains points bien précis. Mes collègues du panel en aborderont d'autres, j'en suis sûr.

Je voudrais d'abord faire le point sur la conjoncture et indiquer de quelle façon elle a changé depuis le dernier budget. Elle n'est plus du tout la même. Elle est loin d'être aussi réjouissante qu'il y a huit ou 12 mois. La plupart des communications les plus récentes sur les comptes nationaux indiquent que l'activité économique du pays a décliné de 1 p. 100 au cours du deuxième trimestre; le trimestre précédent, elle n'avait cru que de 0,9 p. 100. Cette diminution trimestrielle de l'activité économique était la première depuis l'introduction de la TPS en 1991.

À la lumière de ce faible résultat de premier semestre, les prévisions générales en vue de la croissance économique ont été ramenées à 2,2 p. 100 cette année et à 2,4 p. 100 pour 1996, ce qui est bien en deçà des projections de 3,8 p. 100 cette année et de 2,5 p. 100 l'an prochain que l'on trouve dans le budget. Les plus récentes prédictions d'Informetrica concernant la croissance sont de 2,4 p. 100 environ cette année et de seulement 1,6 p. 100 en 1996. Ces prévisions ont cependant été produites avant la publication des chiffres pour le deuxième trimestre; nous pensons les réviser à la baisse au cours des prochaines semaines.

Ni nos prévisions ni le consensus ne font état d'une récession en 1996-1997. Nous n'en n'écartons cependant pas la possibilité; en fait, nous pourrions être déjà dans une période de récession. C'est cette incertitude au sujet du cours des événements qui nous amène à produire une série de scénarios.

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Dans le document que je vous ai remis, vous trouverez un graphique comparant la croissance du PIB qui serait enregistrée dans notre cas de référence et dans un scénario de récession. Dans chaque cas, nous parvenons à éviter une récession en 1995, mais le scénario de la récession prévoit une croissance presque nulle en 1996, suivie d'une croissance négative en 1997.

Depuis juin, c'est-à-dire que depuis que nous avons conçu ce scénario, nous pensons nous être légèrement trompés pour ce qui est du moment où débutera la récession. Quoi qu'il en soit, ce qu'il importe de constater, c'est que nous sommes et continuerons d'être très vulnérables aux soubresauts de l'économie américaine étant donné le maintien anticipé du faible niveau actuel de la demande intérieure.

Compte tenu de la situation actuelle caractérisée par un fort niveau d'endettement public, par des taux d'intérêt réels élevés, un grand écart de production, des perspectives de croissance incertaines et le sentiment que c'est en 1996 qu'auront lieu les plus importantes réductions de dépenses sur 12 mois, l'adoption d'une politique de détente monétaire semblerait justifiée.

Nos simulations indiquent que sur une période de deux ans, une baisse de 100 points de base dans les taux d'intérêt à court terme se traduirait par une augmentation de la production réelle d'environ 0,5 p. 100, par la création de 40 000 emplois et par une diminution de cinq milliards de dollars du déficit fédéral.

Nul n'est besoin de rappeler ici les retombées positives d'une diminution des taux d'intérêt pour l'économie dans son ensemble ainsi que pour le déficit fédéral en particulier. Ce sur quoi porte plutôt le débat est ceci: une baisse des taux d'intérêt réels peut-elle découler directement d'un changement dans la politique monétaire ou doit-elle nécessairement passer par une politique budgétaire restrictive destinée à rétablir la confiance des investisseurs?

Si l'on répond par l'affirmative à la première proposition de cette alternative, il me semblerait logique qu'on adopte cette solution. Si l'on opte plutôt pour la seconde, qu'on le fasse de façon à nuire le moins possible à l'économie.

À la page suivante, j'ai chiffré les pertes d'emploi susceptibles de découler de la réduction du déficit. Vous constaterez qu'elles varient grandement selon qu'on privilégie les augmentations fiscales ou les réductions des dépenses budgétaires.

Je me contenterai de dire au sujet du tableau que les conséquences négatives de la réduction du déficit sont réduites au minimum si les réductions des dépenses budgétaires se concentrent dans des domaines à fort contenu importé. À titre d'exemple, mentionnons les aéronefs de fabrication étrangère puisque des réductions dans ce domaine n'entraîneraient aucune retombée négative au pays.

De la même façon, l'effet de contraction produit par des augmentations fiscales est aussi réduit au minimum lorsque ces augmentations frappent ceux qui ont tendance à économiser plutôt qu'à dépenser. À cet égard, il vaudrait peut-être la peine d'envisager la possibilité d'augmenter l'impôt sur le revenu de ceux à qui profitent actuellement les taux d'intérêt réels élevés.

Le budget de 1995 prévoyait des réductions de dépenses dans deux principaux domaines, soit les budgets des différents ministères et les transferts aux provinces.

L'effet des réductions budgétaires visant les ministères varie évidemment selon qu'elles prennent la forme d'une réduction des effectifs, d'une baisse des salaires, d'une diminution dans les achats de biens et de services ou d'une baisse dans les subventions aux entreprises.

De la même façon, l'impact sur l'économie de la réduction des transferts aux provinces est fonction de la façon dont elles réagissent à cette réduction. Si les provinces ne font qu'absorber cette baisse de leurs recettes, il n'y aura aucun impact direct sur l'économie. Par contre, si les provinces décident de réduire leurs dépenses ou d'augmenter leurs impôts pour combler ce manque à gagner, il y aura un impact négatif sur l'économie et indirectement sur le déficit fédéral.

Je vous ai aussi fourni un tableau montrant l'impact sur les déficits gouvernementaux d'une réduction des achats de biens et de services par divers niveaux de gouvernement. Vous constaterez qu'une réduction d'un milliard de dollars dans les achats provinciaux de biens et de services se traduirait par une augmentation du déficit fédéral de l'ordre de 421 millions de dollars sur une période de cinq ans. Nous avons choisi d'effectuer le calcul sur cinq ans pour pouvoir tenir compte de l'échelonnement des effets de cette réduction notamment sur les impôts et les cotisations à l'assurance-chômage.

Ce qu'il faille retenir de ce tableau, c'est que la réduction du déficit fédéral par la diminution des transferts versés à d'autres niveaux de gouvernement entraîne certains coûts et pourrait même avoir un impact moins important à long terme qu'une réduction des programmes fédéraux ou qu'une augmentation des impôts.

En terminant, il conviendrait de se demander si des réductions supplémentaires sont nécessaires. Comme le précisait le dernier budget, les mesures découlant du budget de 1995 et des budgets précédents se traduiront par une baisse du déficit et du ratio dette-PIB à compter de 1997-1998, même si l'on formule des hypothèses prudentes pour ce qui est des taux d'intérêt et des taux de croissance. Nos simulations le confirment.

Avant de songer à de nouvelles réductions budgétaires, il conviendrait d'évaluer quel serait l'impact sur le déficit à compter de cette date du maintien du niveau de réduction prévu à l'heure actuelle.

Je vous remercie.

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M. James G. Frank (vice-président, Conference Board du Canada): J'ai remis à la greffière deux documents, l'un étant un résumé de nos dernières prévisions qui viennent tout juste de paraître, et l'autre, une série de graphiques. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients, j'aimerais vous en parler pendant cinq minutes.

Commençons par nos prévisions à court terme. On constate que les consommateurs canadiens sont lourdement endettés comme le sont leurs gouvernements. Durant la dernière décennie, les consommateurs se sont laissés aller à la dépense et ils sont maintenant extrêmement vulnérables à toute fluctuation dans les taux d'intérêt.

Il ne fait aucun doute qu'on connaîtra un troisième trimestre très faible cette année. Peut-on parler de récession? À mon avis, c'est un débat stérile. Le ralentissement de l'économie ne nous semble pas se comparer à celui que nous avons déjà connu, mais cela étant dit, il sera très difficile aux gouvernements d'atteindre les objectifs qu'ils se sont fixés en raison même de ce phénomène.

Le niveau actuel des taux d'intérêt nous inquiète vraiment. Nous nous sommes continuellement fondés sur l'hypothèse selon laquelle l'issue du référendum serait un «non». Si nous nous étions trompés à ce sujet, je n'aurais absolument rien à vous dire au sujet de nos prévisions pour l'année à venir. Tout serait possible.

Les prévisions que je vous présentent se fondent cependant sur un taux d'intérêt préférentiel d'environ 9 p. 100 pour la semaine précédent le référendum. Nous prévoyons donc une hausse marquée du taux d'intérêt préférentiel, en estimant que le référendum aura nécessairement un impact au moins au cours du prochain mois.

Le graphique à la page 2 montre le profil des taux d'intérêt ainsi que l'écart entre les taux canadiens et américains. Une fois le 30 octobre passé, nous prévoyons qu'en raison des plans de réduction du déficit établis par les gouvernements, les marchés financiers accepteront un peu mieux un écart plus petit que par le passé et que le climat financier sera plus serein une fois le débat politique plus ou moins clos.

L'écart entre les taux d'intérêt s'amenuisera ainsi, étant donné qu'ils augmenteront graduellement aux États-Unis en 1996 et 1997. Le Canada connaîtra aussi une croissance relativement lente en 1997.

Quand il s'agit d'évaluer la confiance des Canadiens dans leur économie, on constate, d'après l'indice de l'attitude des consommateurs, que la consommation a fléchi au cours du premier trimestre et qu'elle ne s'est pas améliorée au cours du second. D'ici la semaine prochaine ou 10 jours, nous devrions être fixés quant au troisième.

J'attire par ailleurs votre attention sur le fait qu'en Ontario, l'indice de confiance est passé de 98 à 104 entre le premier et le second trimestre. Il s'agit là d'une forte augmentation. Au Québec, par contre, l'indice de confiance est passé de 96 à 90, une chute importante. On voit donc que les Canadiens ne sont pas très rassurés au sujet de leur avenir immédiat, ce qui est en grande partie attribuable à une situation très mauvaise au plan de l'emploi et évidemment à l'augmentation des taux d'intérêt.

Pour ce qui est des dépenses réelles relatives à la consommation, vous constaterez que nous prévoyons une augmentation de 1,5 à 2 p. 100 seulement au cours des deux prochaines années. Les commerçants n'ont vraiment pas de quoi se réjouir. La situation est essentiellement attribuable au fait que les consommateurs ont très peu de revenus disponibles comme le montre le graphique au haut de la page 3.

Le graphique que vous voyez maintenant est celui qui nous renseigne le plus sur l'économie intérieure. Il fait état de toutes les augmentations de salaire que nous pouvons anticiper d'après les questionnaires qu'ont remplis les membres du Conference Board, ainsi que d'après ce que nous savons des relations de travail. Le graphique prend en compte les gains au plan de l'emploi ainsi que l'inflation. Vous remarquerez que la croissance prévue en 1995 et 1996 se situe à un peu moins de 2 p. 100. Il s'agit là d'une augmentation très faible du pouvoir d'achat si on la compare à l'augmentation qu'on a connue en 1988 et 1989, deux années qu'on considère comme de bonnes années à cet égard.

La seconde diapositive de cette page montre que le taux d'épargne personnelle au Canada est à peu près aussi faible qu'il peut l'être, le taux minimal étant fixé à entre 7 et 7,5 p. 100. Pourquoi ce renseignement est-il si important? Comme vous le constatez, le taux d'épargne a chuté de façon importante en 1994 au Canada. Les Canadiens ont puisé dans leurs économies pour consommer. Ils ne peuvent pas le refaire.

Le taux d'épargne au Canada est donc très faible si on le compare au taux qu'on a connu par le passé, et il ne peut pas vraiment diminuer davantage. À notre avis, à moins que les consommateurs n'aient une grande confiance dans l'avenir, ils hésiteront à consommer.

J'attire votre attention sur la diapositive du bas qui établit le crédit à la consommation et le crédit hypothécaire à 88 p. 100 du revenu disponible des Canadiens. Si le ratio d'endettement des gouvernements est maintenant de 100 p. 100, celui des Canadiens est de 88 p. 100. Vous pouvez constater la forte croissance pour les années 1980 et, bien entendu, nous en payons le prix aujourd'hui.

.1610

Pour illustrer à quel point les gens sont sensibles à l'évolution des taux d'intérêt, il suffit de constater l'augmentation du crédit entre les premier et deuxième trimestres de 1994 et de la comparer à celle qui a eu lieu entre les premier et deuxième trimestres de 1995. Vous verrez que, en 1994, nous avons ajouté 8,3 milliards de dollars à notre niveau total d'endettement, mais seulement 1,7 milliard de dollars cette année. Ainsi, lorsque les taux d'intérêt sont à la hausse, une baisse automatique de la demande de crédit intervient rapidement.

Il y a eu un assez fort recul du niveau de confiance des milieux d'affaires au deuxième trimestre. On peut l'attribuer essentiellement au fait que les gens d'affaires estiment que les six prochains mois vont être moins rentables pour eux et que le climat d'affaires va se détériorer. Nous n'en faisons pas trop de cas à l'heure actuelle, étant donné que l'indice demeure à un niveau assez élevé, mais il s'agit du signal avancé d'une évolution défavorable.

Pour ce qui est de la croissance de l'investissement des milieux d'affaires au Canada, il n'y a pas de quoi se péter les bretelles - rien dans le secteur du logement, rien dans le secteur de la construction non résidentielle. Il y avait bien une grue à Ottawa, à Postes Canada. Elle n'y est plus. Rien ne se passe.

Nous avons bien entendu parler d'Hibernia, du pont de l'Île-du-Prince-Édouard, etc. Voilà des grands projets pour les régions mais, à l'échelle du Canada, ils sont de petite taille.

Comment donc expliquer la croissance que vous constatez dans ce graphique? Elle provient des dépenses en machines et en matériel. Les entreprises canadiennes continuent en effet d'investir lourdement dans les machines et le matériel. Ces investissements visent surtout les économies de main-d'oeuvre et aussi une plus grande compétitivité.

Voilà qui ne va pas changer, compte tenu notamment du degré de concurrence qui existe sur le marché nord-américain et dans les économies de la planète.

Pour ce qui est maintenant du taux de change, le Conference Board estime que le dollar canadien vaut entre 80 et 83c. Nous n'allons cependant pas y arriver à court terme.

D'après nous, la Banque du Canada et le gouvernement du Canada vont profiter de tout mouvement à la hausse du dollar canadien pour réduire les écarts de taux d'intérêt. L'idée d'un dollar canadien plus fort comme moyen de contrôle n'intéresse tout simplement personne.

Comme vous pouvez le constater, les exportations de biens sont tout à fait exceptionnelles. Le phénomène se poursuit. L'industrie canadienne est extrêmement concurrentielle avec un dollar à 73 ou 74c., et personne ne peut en douter. Nous avons fait d'énormes progrès sur le plan concurrentiel - réduction et contrôle des coûts - et nous en récoltons maintenant les fruits.

Voyons maintenant les résultats budgétaires des gouvernements au cours des dernières années. Ce sont les chiffres officiels. Les déficits provinciaux et le déficit fédéral sont totalisés à la ligne du bas. Selon le Conference Board, il ne sert pas à grand-chose de chercher des coupables. Tous les paliers de gouvernement doivent composer avec la situation et collaborer de façon plus efficace pour résoudre le problème.

Comme vous pouvez le constater, le déficit se chiffrait à 54 milliards de dollars pour 1994-1995. Il a atteint un sommet de 66 milliards de dollars en 1992-1993. C'est tout simplement insoutenable. Le sommet a correspondu en 1992-1993 à 9,6 p. 100 du PIB. Si les estimations se confirment, la somme des déficits fédéral et provinciaux va atteindre 5,7 p. 100 du PIB. Il reste donc encore beaucoup à faire avant de régler cette question.

La dernière page montre les résultats des mesures de compression qui ont été prises. Les dépenses gouvernementales en termes réels baissent depuis trois ans. Il y a également une baisse pour 1997. Cela implique une réduction de la taille des gouvernements, moins d'hôpitaux, moins d'écoles, moins de services gouvernementaux. Autrement dit, une réduction de la taille physique des gouvernements. Voilà qui est très particulier.

Dans notre perspective, nous avons intégré l'ensemble des changements proposés récemment dans le budget fédéral. Nous avons également prévu pratiquement tous les changements proposés par le gouvernement de l'Ontario. Dans le cas du Québec, nous n'avons rien prévu. Nous estimons que, après le référendum, des mesures de compression seront prises au Québec. Lorsque nous en aurons tenu compte, elles se refléteront évidemment dans les résultats.

Il est extrêmement important que les politiques comprennent le diagramme du milieu de la page. Il en ressort que, en dépit de l'ensemble des changements que nous avons intégrés à cette perspective, la situation budgétaire fondamentale des gouvernements du Canada n'a pas changé. Le rapport dette-PIB, pour l'ensemble des gouvernements fédéral et provinciaux, se situe toujours aux environs de 100 p. 100. Il y a bien de petites oscillations, mais je pense bien que toute personne sensée n'en tiendrait pas vraiment compte.

Par le passé, il a été extrêmement difficile de faire baisser ce rapport. Il n'a pas varié, par exemple, durant la période de relance de la fin des années 1980. Nous n'avons pas réduit à ce moment-là le rapport dette-PIB.

.1615

Le dernier graphique donne nos taux de croissance, soit 2,2 p. 100 cette année et 2,7 p. 100 l'an prochain. Je reviens encore sur 1994 pour vous dire que le fort taux de croissance de cette année-là s'explique en partie du fait de la réduction du taux d'épargne, ce qui n'est plus possible à l'heure actuelle.

De sorte que, pour les prochaines années, on peut dire que l'année 1997, qui ne figure pas sur le graphique, est une année à risque. Le taux de croissance prévu est de 2,3 p. 100. Il s'agit d'une année qui, d'après nous, risque d'être pire que les précédentes. Tout dépendra largement de l'évolution aux États-Unis après les élections présidentielles.

Voilà donc l'essentiel de mes commentaires. Nous aurons l'occasion d'en discuter plus tard.

Le président: Merci, monsieur Frank.

Rose Potvin, s'il vous plaît.

Mme Rose Potvin (directrice exécutive, Organisations nationales volontaires): Merci beaucoup, monsieur le président.

Avant de vous livrer mes observations, j'en aurais une à faire directement à Tom Hayes. J'aimerais qu'il sache que je viens d'investir tout l'argent que j'ai pu gagner en Ontario au cours des 20 dernières années et que je vais gagner au cours des prochains mois dans une maison en Nouvelle-Écosse que je vais rénover. Voilà ce qu'on appelle, je crois, un paiement de transfert, et je tiens à ce qu'il sache que je fais ma part pour acheminer de l'argent vers sa région.

Le président: Quelle est votre adresse et votre numéro de téléphone?

Mme Potvin: Je vais vous fournir ces renseignements plus tard, monsieur Peterson, lorsque nous serons branchés.

Pour ce qui est de mes commentaires relativement aux questions que vous avez soulevées, je ne vais pas aborder la toute première. Mes connaissances en matière de taux d'intérêt et de réduction du déficit sont plutôt restreintes. J'accorde beaucoup plus d'importance à la promesse électorale qui a valu le pouvoir à votre gouvernement, à savoir celle de mettre l'accent sur la création d'emploi.

Après pratiquement deux ans, soit presque la moitié de votre mandat, il ne me semble pas que de nouveaux emplois aient été créés. Il est encore plus inquiétant de constater que personne, semble-t-il, n'est en train de faire les recherches nécessaires pour déterminer où et dans quel secteur ces emplois doivent être créés, à quel niveau de compétence ils correspondent, etc. Le gouvernement n'a pas publié de rapport à ce sujet, à ma connaissance. Or, sans cela, il n'est même pas question d'envisager quel genre de formation est nécessaire.

Voilà donc un aspect qui m'inquiète beaucoup. Je ne m'attendais pas à la création d'un très grand nombre de nouveaux emplois après deux ans. Cependant, si nous ne commençons pas à planifier et à établir des structures, il n'y en aura pas non plus après quatre ans.

Vous me direz peut-être que c'est davantage la responsabilité du ministère du Développement des ressources humaines que celle du ministère des Finances. En réalité, nous savons tous que c'est au ministère des Finances que se prennent les décisions pénibles en matière de dépenses. À moins que M. Axworthy ne puisse convaincre M. Martin qu'il faut dépenser dans ce domaine et que cela va entraîner la création d'un plus grand nombre d'emplois, rien ne va se passer. Je vous soumets donc la question aujourd'hui.

Par ailleurs, vous demandez quels sont les secteurs de l'activité fédérale qui pourraient faire l'objet de compressions supplémentaires: voilà qui m'inquiète beaucoup également. Il est question de commercialisation, de privatisation ou de transferts de responsabilités à d'autres paliers de gouvernement. Vous transférez déjà des responsabilités en ce qui concerne certains services gouvernementaux. Le fait de les faire assumer par un autre palier de gouvernement ne donnera rien de bon puisque, tout comme le palier fédéral, les autres paliers effectuent des compressions. Ils ne sont pas en mesure de prendre la relève.

Le secteur privé, lui, voudra-t-il prendre la relève? Permettez-moi d'en douter. Il existe des besoins considérables en matière de services sociaux. Il nous faut une stratégie pour les enfants et pour la jeunesse. Il nous faut des programmes de formation.

Ce ne sont pas les Frank Stronach de ce monde qui vont se bousculer aux portes des écoles pour offrir des repas aux enfants qui ont faim ou qui vont s'enthousiasmer pour un projet de formation. Pour ce genre de chose, il n'y a pas beaucoup d'argent. Pourtant, il s'agit de besoins qui doivent certainement être comblés. Ils ne le seront que dans la mesure où le secteur du bénévolat s'en chargera.

Nous entendons souvent dire que le gouvernement compte sur la contribution du secteur du bénévolat, mais on ne semble pas se rendre compte que le bénévolat doit être soutenu. Les bénévoles doivent être formés, encadrés et administrés. Ils doivent être soumis à des processus de sélection et d'évaluation, notamment lorsqu'ils travaillent auprès des enfants. Il y a donc beaucoup à faire avant que les bénévoles ne puissent prendre la relève dans toute une foule de domaines.

À cause de la pénurie, des gens qui devraient normalement être à l'hôpital n'y ont pas accès ou sont renvoyés chez eux avant d'être en mesure de se soigner eux-mêmes. Il faut bien que quelqu'un réponde aux besoins, et je suis convaincu que les bénévoles vont être en mesure de le faire.

Nous sommes prêts à aider et nous souhaitons le faire. Nous avons déjà amorcé le dialogue avec certains de vos ministères, mais il nous semble important qu'on se mette à réfléchir au sujet de la nature des besoins à combler et des infrastructures à établir, de manière à ce que nous puissions aider et faire notre part pour que les Canadiens vivent davantage dans la dignité. Je crois qu'ils sont nombreux à désespérer par les temps qui courent.

Je vous remercie.

.1620

Le président: Merci. Nous allons pouvoir, je l'espère, relever le défi que vous nous proposez.

Judith Maxwell.

[Français]

Mme Judith Maxwell (présidente, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques inc.): Merci, monsieur le président. Merci pour votre invitation d'aujourd'hui. Je voudrais tout d'abord aborder vos deux premières questions, mais dans une perspective différente.

[Traduction]

Vous nous demandez tout d'abord quel doit être l'objectif en matière de réduction du déficit. Selon moi, il faut reformuler la question. Le vrai problème, c'est celui de la dette, de sorte que l'objectif doit consister à réduire la dette. Les gouvernements devront continuer à agir de façon extrêmement dynamique à cet égard, jusqu'à ce que le rapport de la dette au PIB se mette à baisser. On nous promet depuis une dizaine d'années que ce sera dans deux ans, mais nous n'y arrivons jamais tout à fait. Il va bien falloir nous habituer, à un moment donné, à l'idée que nous devons continuer à rembourser une partie de la dette.

Par conséquent, les objectifs à fixer doivent être beaucoup plus ambitieux que ceux que nous avons vus jusqu'à maintenant.

Il est probablement réaliste de fixer des objectifs à moyen terme, étant donné que nous ne pouvons pas passer directement de la situation actuelle à une baisse du rapport dette-PIB. Cependant, il ne faut absolument pas perdre de vue le fardeau de la dette.

Dans votre deuxième question, vous nous demandiez comment les mesures budgétaires peuvent servir à stimuler l'emploi et la croissance. J'y vois un effort de la part du comité d'assurer l'équilibre, dans la discussion, entre les impératifs budgétaires et ceux de ce que j'appellerais une dynamique sociale. Compte tenu de l'ampleur de l'adaptation qui s'impose, nous devons nous demander comment nous pouvons assurer la cohésion sociale dans la foulée d'une restructuration traumatisante des finances fédérales et provinciales.

Il ne faut pas perdre de vue que les Canadiens doivent composer avec diverses autres tensions qui ne sont pas d'ordre budgétaire. Je pense par exemple à l'évolution de la structure familiale et à la polarisation du marché du travail.

Les budgets du milieu des années quatre-vingt-dix, en commençant par celui de février dernier, ne concernent pas seulement les déficits et le PIB. Ils transforment les rapports entre les citoyens et l'État. À mon avis, ils transforment également les rapports fédéraux-provinciaux.

Il ne sera pas facile de maintenir la cohésion sociale. Il me semble que les Canadiens souhaitent que les pouvoirs publics agissent de façon responsable et efficace. Là-dessus, je crois que l'assisté social est sur la même longueur d'ondes que l'homme d'affaires de la rue St-Jacques. Mais je crois également que la très vaste majorité des Canadiens souhaitent également que les pouvoirs publics fassent preuve de sollicitude. Il faut donc trouver le juste milieu. Le redressement budgétaire qui s'impose et les décisions que sont à prendre les 11 gouvernements du pays devront déboucher sur un filet de sécurité encore fiable pour l'essentiel et sur un ensemble de programmes et de politiques qui, en premier lieu, inciteront à la création d'emplois mais qui, également, devront motiver le gens à travailler, à apprendre et à devenir plus autonomes.

Pour une fédération, la nécessité d'une plus grande responsabilité et d'une plus grande efficacité des pouvoirs publics oblige les gouvernements, au palier tant fédéral que provincial, à revoir en profondeur les mécanismes de coordination des décisions budgétaires et aussi de la politique sociale.

À l'heure actuelle toutefois, il n'existe dans aucune assemblée législative de comité qui ait la responsabilité d'envisager les répercussions à l'échelle nationale des interventions que 11 gouvernements s'apprêtent à faire. Il me semble que nous n'avons pas établi non plus d'institution qui permettrait aux provinces d'envisager leur rôle à l'échelle nationale et qui les inciterait même à planifier dans une perspective nationale les conséquences des décisions qu'elles prennent au sujet de programmes importants dans des secteurs comme ceux de la santé, de l'éducation et de la politique sociale.

.1625

Un gouvernement responsable et efficace - tant fédéral que provincial - devra cesser de tirer la couverture de son côté - ceci est à moi et cela est à toi. Il devra chercher à partager les programmes. Ainsi, la transition entre programmes, de l'assurance-chômage au bien-être social, par exemple, aura été bien pensée et humanisée davantage. De plus, on devrait offrir aux citoyens plusieurs possibilités afin qu'ils puissent s'adapter aux nouvelles circonstances et trouver des moyens pour se sortir d'une situation de dépendance afin de devenir autonome.

Enfin, je propose que tous les comités législatifs de tout le pays - qu'il serait beau d'en avoir un aperçu global! - se demandent qui subit le fardeau des changements budgétaires et sociaux. À ce stade-ci, personne ne le sait. J'ai peur que les jeunes essuient les plus durs coups, étant donné la baisse du nombre d'emplois, la baisse des salaires, la hausse des frais de scolarité pour l'éducation postsecondaire et la hausse du coût des soins de santé, sans oublier les changements qui s'opèrent au niveau des programmes sociaux.

En fait, nous sommes en train d'assister à la création d'un système décousu, car chaque gouvernement tente d'adapter ses programmes en fonction de ses propres problèmes budgétaires. Nous ne savons pas encore s'il sera possible de joindre toutes ces pièces afin de former un tout cohérent.

Il n'y a pas d'indications claires de ce à quoi on veut en venir. Peut-être veut-on faire comprendre qu'il n'y a plus d'espoir, que si quelqu'un perd son emploi, cette personne est devenue une victime et elle sera punie, que les gens autonomes paieront davantage de taxes, que les gens qui dépendent de l'État ne pourront plus s'en sortir. Mais peut-être veut-on aussi faire comprendre quelque chose de bien plus positif pour la croissance et le développement de la société et aussi pour la cohésion sociale, en disant qu'il vaut la peine d'aller à l'école, de chercher du travail, de partir sa propre entreprise, d'investir dans soi-même et dans sa propre communauté. J'espère que cette dernière vision se concrétisera au Canada.

[Français]

Le président: Madame Judith Maxwell, merci. Madame Lynne Toupin, s'il vous plaît.

Mme Lynne Toupin (directrice exécutive, Organisation nationale anti-pauvreté): Merci, monsieur le président. Je sais qu'on est ici aujourd'hui pour discuter du contenu du prochain Budget, celui de 1996, mais je ne remplirais pas mes fonctions de directrice générale de l'Organisation nationale anti-pauvreté si je ne vous faisais pas une esquisse très rapide des conséquences du dernier Budget. Je vais essayer d'être très brève là-dessus, parce que je veux avoir le temps de passer à des choses qui, je l'espère, seront plus positives.

À la suite de l'adoption du projet de loi C-76, on a vu la fin du Régime d'assistance publique et des normes nationales, et il reste à voir les vrais impacts des coupures de ce Budget. M. Kroeger a bien expliqué ce Budget en disant que c'était un Budget «Contact C». On a encore à voir ses effets et on a de très grandes craintes quant à ses conséquences au niveau des communautés et des individus.

Je sais que les ministres responsables de ces dossiers vont parler de principes et d'objectifs, mais nous réitérons notre préoccupation, compte tenu qu'il n'existe pas de normes nationales.

[Traduction]

En fait, vous n'avez qu'à vous rappeler du discours du Trône lu hier, et qui marque le début du gouvernement Harris, pour vous apercevoir des répercussions réelles et immédiates du manque de normes nationales. En Ontario, il existe maintenant des programmes de travail et d'apprentissage obligatoires. J'espère contribuer à cette discussion en vous parlant des gens qui seront directement touchés par de telles politiques.

La semaine dernière, une personne s'est présentée à notre bureau. Elle cherchait un emploi. Ce monsieur nous a présenté les grandes pages laminées d'un journal important à Ottawa. Je ne comprenais pas pourquoi il se donnait tant de peine. En fin de compte, l'homme était un journaliste qui a travaillé pour ce journal pendant plusieurs années. Il a un doctorat. Il est chômeur.

Nous avons entamé une conversation. J'ai dit qu'il était malheureux qu'il ne travaillait pas pour nous. Il était prêt à faire du bénévolat, parce que nous étions en train de rédiger un document sur les programmes de travail obligatoire. C'est à ce moment là qu'il m'a révélé qu'il était sur le bien-être social.

.1630

J'ignore si l'assurance-emploi obligatoire va aider ce monsieur. J'ignore quel genre de programme M. Harris a en tête. Le fait reste que la dignité de cet homme a été ébranlée et j'ai peur pour son avenir.

Nous assistons déjà à des coupures dans les prestations d'aide sociale. Parce que le gouvernement fédéral n'établit plus de normes nationales, dont nous avons désespérément besoin, nous assistons, en Ontario, à des coupures de 20 p. 100 dans les prestations. À l'instant même, il y a des gens vivant dans la région d'Ottawa - Carleton qui se cherchent des domiciles moins cher. Ils ne peuvent désormais plus payer leur loyer.

J'aimerais souligner que Janice MacKinnon, ministre des Finances en Saskatchewan, a dit à notre organisation en mai que la province ne pourra plus payer les mêmes taux pour l'aide sociale à cause des coupures qui seront effectuées prochainement par le gouvernement fédéral.

Les contrecoups des coupures se feront également sentir auprès des garderies et des enfants. Voici un exemple concret: ce matin, ma gardienne accréditée m'a suppliée de lui trouver un autre enfant. Elle était censée en recevoir un à la fin du mois, mais les parents de cet enfant ont dû renoncer à ses services car ils ne pouvaient plus se les payer. Ils auraient besoin d'une garderie subventionnée.

Il s'agit d'un exemple d'une famille canadienne qui travaille fort. Sans revenu supplémentaire, la mère éprouvera plus de problèmes. De plus, son mari a vu son salaire passer unilatéralement de 8$ à 6$ l'heure.

C'est donc ce genre de bonne famille canadienne qui va souffrir. Sachez que les politiques et programmes que vous mettez en oeuvre auront des répercussions. Il y aura non seulement des effets directs, mais aussi des effets indirects.

Les banques alimentaires ont vu la demande augmenter. J'ai parlé à Gerard Kennedy, un représentant de la banque alimentaire Daily Bread Food Bank de Toronto, et j'ai visité son entrepôt. Il ne restait qu'un stock d'environ trois jours. Ayant étudié l'effet qu'auraient les coupures, il affirme que la demande pour les paniers alimentaires va doubler. Gerard ignore comment il pourra répondre à cette demande.

Un rapport publié hier annonçait que les maisons pour les sans-abri, et d'autres sortes de refuges, s'apprêtaient à accueillir plus de gens.

Je sais qu'il fallait faire des choix, parfois difficiles, dans le dernier budget, mais j'aimerais vous informer, à moins que vous ne le sachiez déjà, qu'un certain nombre de groupes s'intéressent aux budgets et tentent de trouver des solutions de rechange. Il y a une quarantaine de groupes des quatre coins du pays, notamment les églises, les syndicats et les organisations militant pour la justice sociale, qui entament la deuxième année de ce qu'ils appellent l'autre budget fédéral.

La prémisse qui sous-tend le budget est que celui-ci implique des choix, et que ces choix reflètent les valeurs politiques et les priorités du gouvernement. Autrement dit, un budget est l'expression tangible d'une vision politique.

J'espère que nous procéderons ainsi au fil des ans. Nous reconnaissons que la dette et le déficit sont des questions importantes, et que le budget doit les régler. Mais, à notre avis, il existe d'autres façons de procéder, tout aussi crédibles et tangibles, plutôt que le budget qu'on nous a malheureusement présenté l'an passé. J'invite tous ceux qui désirent se renseigner davantage ou qui veulent participer à nos réunions de le faire. Nous serions heureux de vous accueillir.

J'espère que les discussions que nous aurons cet après-midi et ce soir nous fournirons l'occasion d'étudier non seulement la question des coûts, mais également celle des revenus. L'an passé, c'était un ratio de 7:1. De nombreux groupes, y compris le nôtre, demanderont à ce qu'on examine des façons de générer des revenus. Si le déficit et la dette sont tellement importants qu'il faut en traiter immédiatement, il faudra aussi étudier toutes les possibilités pour augmenter les revenus.

Vous pourriez peut-être demander à Jocelyne Bourgon, la greffière du Conseil privé, de témoigner devant le Comité des finances. Elle a prononcé un discours à la Conférence d'étude du gouverneur général à Saskatoon en mai. Elle a demandé, de façon éloquente, à ce qu'on examine d'autres façons de générer des revenus, notamment par l'imposition d'une taxe à la technologie.

Puisque notre base manufacturière est en train de disparaître et que nous nous orientons vers d'autres genres d'activités économiques, elle a proposé des idées intéressantes visant l'impositon de ces nouvelles formes d'activité économique. Je ne peux pas vous en parler davantage, mais je vous inviterais à lui parler en personne.

J'espère que nous discuterons également du rôle du gouvernement qui consiste à redistribuer la richesse. L'année passée a été marquée par une croissance économique sans précédent, mais le taux de chômage n'est pas tombé. De plus, les programmes sociaux ont été coupés.

.1635

Certains des gens ici présents ont parlé de la possibilité d'une récession. Cela crée bien sûr encore plus d'anxiété chez les organisations et les gens que nous représentons. Le taux de chômage augmente pendant une récession, et puisque les programmes de supplément de revenu seront réduits, nous craignons que les travailleurs canadiens, de peur de perdre leurs emplois et de peur pour leur avenir, accepteront de travailler pour moins et dans des conditions de travail encore moins stables.

Enfin, j'aimerais simplement souligner que

[Français]

l'année 1996 a été décrétée par les Nations unies l'Année internationale pour l'élimination de la pauvreté.

Au Sommet sur le développement social, qui a eu lieu au mois de mars à Copenhague, le Canada et beaucoup d'autres pays se sont engagés à mettre en branle des plans d'action concrets et précis pour contrer la pauvreté dans chacun des pays participants.

Je vais aussi vous rappeler qu'en 1993, le gouvernement précédent a été très critiqué par les mêmes Nations unies pour ne pas avoir fait assez, avec les ressources dont ce pays dispose, pour régler le problème de la pauvreté.

On a toujours espoir que le Budget qui sera présenté en 1996 dissipera cette inquiétude parmi les Canadiens et les Canadiennes et proposera des politiques précises sur l'emploi et des politiques précises pour réduire la pauvreté dans ce pays. Je vous rappelle qu'en ce moment, il y a 4,8 millions de Canadiens qui vivent sous le seuil de la pauvreté, dont 1,5 million sont des enfants.

Le président: Merci, madame Toupin. Nous cherchons tous des mesures concrètes en vue d'aider le secteur privé à créer des emplois.

[Traduction]

Qui aimerait commencer? Il est évident que les points de vue qui ont été exprimés ne font pas l'unanimité. Certains d'entre vous ont insisté sur le fait qu'il faut réduire le déficit encore plus rapidement que nous le faisons déjà, et d'autres ont parlé de façon très éloquente des répercussions qu'auront les coupures sur les gens.

Aimeriez-vous commencer, monsieur de Bever? Je suis certain que vous ne vous ralliez pas à certaines choses qu'a dites M. Bromfield au sujet de la politique monétaire.

M. de Bever: Ce n'est pas ce qui me fait sursauter.

Ce qui me frappe concernant la dichotomie de cette discussion est que lorsque quelqu'un parle de réduire le déficit, il est toujours accusé comme étant un sans coeur qui n'a aucune compassion.

Ma discipline s'appelait autrefois l'économie politique. C'est également l'étude de la distribution des revenus. Je crois que cette définition est plus juste.

Même si un gouvernement a de la compassion, le fait demeure que s'il ne change pas d'orientation, il sera de moins en moins apte à fournir les services que les gens compatissants demandent. C'est la raison pour laquelle je préfère accélérer le processus. Si, à l'aube de la prochaine récession, le gouvernement est encore moins en mesure de s'occuper des dossiers qui nous importent, aura-t-il vraiment rendu un service aux Canadiens en ne pas effectuant les coupures qu'il aurait dû faire?

C'est un fait qu'en tout et partout le Canada dépense 4 p. 100 de plus que ses revenus. Notre niveau de vie élevé est faux; par conséquent, il faut faire des coupures. On peut se demander qui sera frappé par la coupure du 4 p. 100, ou dans quelles dépenses cette coupure se fera, mais nous n'avons pas de choix. Cette coupure doit se faire immédidatement, parce que, comme certains ici présents l'ont souligné, le Canada promet depuis 10 ans de stabiliser puis de réduire le rapport de sa dette au PIB, mais il n'a pas tenu parole. Par conséquent, le taux d'intérêt réel a augmenté sur notre dette, et étant donné que la dette continue à rester élevée, les gens ont de moins en moins confiance que le Canada pourra l'éliminer.

.1640

Ainsi, c'est justement par souci du sort de nos concitoyens que nous devons appuyer certaines mesures de réduction du déficit et de la dette. En effet, il faut faire en sorte que le gouvernement soit à nouveau en mesure, au moment du prochain ralentissement ou dans dix ans, d'agir comme doit le faire tout gouvernement au lieu de se limiter à la simple gestion de la dette.

Le président: Quelqu'un a-t-il un commentaire à ce sujet?

M. Frank: Je partage les mêmes vues et je souscris notamment aux commentaires de Mme Toupin. Cependant, je m'inquiète grandement de ce que j'entends dire au sujet du rôle du gouvernement en matière de redistribution. Je suis de la génération des années soixante. À l'époque, j'avais beaucoup plus tendance à croire que le système politique pouvait s'adapter aux cycles économiques et ce, à l'avantage de tous. Or, ma confiance a été passablement ébranlée par ce qui se passe depuis 15 ans.

Je suis la question de près depuis une bonne dizaine d'années. J'ai étudié attentivement tous les budgets fédéraux et provinciaux. Or, au cours des dix dernières années, les gouvernements ont adopté au bas mot des centaines de mesures d'augmentation des impôts et des centaines de mesures de compression, supposément destinées à réduire les coûts.

Et ça n'a pas fonctionné.

Le public en général a certainement appris quelque chose. Voici certaines des leçons que j'en tire pour ma part.

Tout d'abord, la croissance à elle seule ne nous permettra pas de surmonter le problème. Je le croyais auparavant, mais j'ai changé mon fusil d'épaule. Il existe un problème structurel très profond auquel se greffe maintenant celui d'un endettement qui équivaut à 100 p. 100 de notre revenu et que nous ne sommes pas en mesure de réduire de façon significative, il faut en convenir.

Judy, vous proposez qu'on mette davantage l'accent sur la dette. J'en conviens, mais commençons par le commencement. Ce serait déjà bien de faire passer le déficit à zéro avant de s'attaquer à la dette.

En deuxième lieu, il y a ce phénomène de l'intérêt composé. Une trop forte proportion de la dette est détenue à l'étranger et j'ajouterai que nous sommes également trop endettés auprès des Canadiens. Or, nous n'avons certainement pas le choix de ne pas verser de l'intérêt. Les conséquences seraient trop horribles. Les frais d'intérêt vont donc être réglés et ils vont l'être en tout premier lieu. Évidemment, les gouvernements, à cause de leur importance, sont en mesure de drainer les ressources financières qui leur sont nécesaires et de se servir les premiers sur les marchés de capitaux. Mais les coûts vont grimper - c'est déjà le cas.

Je tire une troisième leçon des années quatre-vingt: L'approche marginaliste ne fonctionnera pas. Le problème ne sera pas résolu par rafistolage. Comme je vous l'ai dit, après des centaines de mesures d'augmentation d'impôts et de compression, nous en sommes toujours à un déficit qui oscille pour cette année autour de 45 ou 46 milliards de dollars.

Au tournant du siècle, le Canada et les provinces auront connu 30 années de déficits ininterrompus. Le défi de l'heure n'est donc pas celui du rafistolage mais bien celui d'une réforme structurelle complète. Voilà pourquoi personne au Canada ne sera à l'abri des répercussions.

Or, la redistribution est au centre même d'une solution aux problèmes, puisque le seul autre choix consiste à faire payer plus d'impôts à ceux qui travaillent. Pour verser davantage à ceux qui ne sont pas en mesure de subvenir à leurs besoins, il faut nécessairement augmenter les impôts de ceux qui travaillent.

Si les gouvernements décident d'augmenter les impôts, bien peu d'entre eux survivront à d'autres élections. Voilà où en sont les choses.

Cela dit, je pense que nous avons tout un problème.

M. Elton: On pourrait facilement verser dans le pessimisme si on acceptait tout ce que Jim vient de nous dire. Cependant, je ne crois pas que ce soit nécessaire étant donné que, au cours des sept à dix dernières années, et depuis la fin des années soixante-dix, on a vu au Nouveau-Brunswick et au Manitoba et, plus récemment, en Saskatchewan et en Alberta... Il y a d'autres gouvernements, Jim, qui ont entrepris la restructuration fondamentale nécessaire. Quand on songe au fait que certains gouvernements se débarrassent maintenant de centaines de conseils scolaires, comme le gouvernement de chacune de ces provinces l'a fait, je parle bien de passer de 150 conseils scolaires à 45, je signale que cela ne se fait pas seulement en Alberta. En réalité, l'Alberta est seulement la dernière province à le faire.

.1645

Vous n'avez qu'à songer à ce que McKenna faisait au Nouveau-Brunswick à la fin des années quatre-vingt et à ce que Filmon faisait au Manitoba au début des années quatre-vingt-dix. Les exemples quant à la façon de procéder existent. Ils sont là. Le problème c'est que le gouvernement national n'a pas encore tiré de leçon de ce qu'ont fait ces provinces. Elles ont toutes fait essentiellement la même chose.

Ce n'est pas tellement compliqué. Il s'agit simplement de réduire les dépenses de façon très pratique grâce à la restructuration, à de meilleures communications, à une meilleure utilisation de la fonction publique et grâce aux médias. Chaque fois que ces gouvernements ont apporté des changements fondamentaux, la décision est venue d'en haut. C'est le chef du gouvernement qui s'est engagé à le faire et qui a ensuite joué un rôle personnel en se préoccupant de choses aussi simples que les états de frais de ces ministres et la possibilité d'obtenir des boissons gazeuses gratuites dans les cabinets des ministres. C'est une question de détail.

Cela peut sembler tout à fait ridicule et ce l'est probablement si les mesures de cette nature sont considérées isolément, mais ces dernières font comprendre à tout le monde que les choses ne peuvent pas continuer comme auparavant. C'est l'un des éléments essentiels de la restructuration pour chacun de ces gouvernements provinciaux.

Le président: Vous avez sans doute constaté, David, que nous n'avons pas de café gratuit au Comité des finances.

Des voix: Oh, oh!

M. Elton: De toute façon, je préfère de l'eau.

Mme Maxwell: D'abord, il importe de reconnaître ce que certains gouvernements provinciaux ont fait et je pense que David a tout à fait raison de souligner que l'idée qu'on se fait du rôle des gouvernements a changé du tout au tout dans certaines provinces.

Il n'y a pas vraiment de projets de recherche concrets pour comparer ce que font ces provinces, mais vous constaterez qu'il existe des différences marquées dans la façon dont chaque province a instauré son nouveau régime. Même s'il y a eu une réorganisation essentiellement semblable de l'application du régime de soins de santé et du système scolaire, et ainsi de suite, dans certaines provinces, c'est un gouvernement néo-démocrate ou un gouvernement libéral qui l'a fait en s'efforçant de respecter les impératifs de cohésion sociale dont j'ai parlé tantôt, mais dans d'autres cas, le gouvernement a procédé d'une façon que nous considérons beaucoup plus radicale dans l'Est du pays.

On ne sait pas encore vraiment si le changement radical est préférable ou non parce qu'il est plus rapide, mais il y a vraiment eu un changement universel du côté de la structure gouvernementale.

Le gouvernement fédéral a certainement emboîté le pas au moment du dernier budget et personne ne doit selon moi sous-estimer l'importance de ces changements. J'imagine que l'on essaie maintenant au niveau fédéral de poursuivre ce processus.

Il y a certaines observations que je voudrais faire au sujet de quelques aspects qui n'ont pas été mentionnés jusqu'ici.

Il ne faudrait pas que vous soyez trop pessimiste quand vous parlez du taux de création d'emplois. Si l'on fait une ventilation des chiffres sur l'emploi, on constate que même s'il y a eu une certaine hésitation récemment, le taux de création d'emplois dans le secteur privé a augmenté, tandis que la restructuration dans le secteur public a entraîné une perte d'emplois à court terme. Il existe cependant des contrepoids dans l'économie canadienne qui aident les Canadiens à absorber le choc de la perte d'emplois dans le secteur public.

.1650

Le secteur privé a connu une restructuration très difficile et douloureuse au début de la décennie. C'est probablement une bonne chose que les deux restructurations n'aient pas eu lieu tout à fait en même temps, mais ce qu'il faut retenir, c'est qu'il existe d'autres forces économiques qui jouent un rôle utile à l'heure actuelle.

L'autre question qui n'a pas été mentionnée et sur laquelle j'ai des idées bien arrêtées, est celle du blocage des salaires dans la fonction publique fédérale. À mon avis, les Canadiens veulent un gouvernement responsable et efficace. Selon moi, on ne peut pas avoir un gouvernement responsable et efficace lorsqu'on impose un blocage général des salaires pour plus d'un an ou deux. C'est tout à fait contraire à l'objectif que nous devrions viser, soit de repenser la façon dont nous fournissons certains services, qui doit les fournir et comment on doit travailler dans la fonction publique.

Même si l'on abandonnait le blocage des salaires, on pourrait encore exercer un contrôle rigoureux sur le coût total de la rémunération dans le secteur public. Il me semble qu'on devrait déléguer la responsabilité aux hauts fonctionnaires des divers organismes et ministères fédéraux. Par ailleurs, en maintenant le blocage des salaires, qui entre maintenant dans sa cinquième année, je pense, on décourage l'efficacité et la productivité et on pousse les plus compétents parmi les fonctionnaires à chercher de l'emploi ailleurs où ils pourront être mieux rémunérés pour leur travail.

Le blocage de la rémunération a l'effet contraire de ce que l'on voulait obtenir, il favorise l'inefficacité.

Le président: Merci.

Vous serez applaudie par les fonctionnaires qui sont parmi nous aujourd'hui.

Tom Hayes.

M. Hayes: Je tiens tout d'abord à remercier Rose d'avoir rénové sa maison en Nouvelle-Écosse. Nous sommes heureux non seulement de l'effet que cela a eu sur l'industrie du bâtiment dans la région, mais aussi de son travail comme bénévole et nous avons besoin de plus de gens comme elle à tous les échelons.

Je suis d'accord avec David. Cela m'inquiète qu'on ne soit pas capables de réduire le déficit d'exploitation, sans parler de la dette. Il me semble cependant que les provinces, surtout dans la région de l'Atlantique, ont accompli certains progrès et donné de bons exemples aux autres gouvernements. Je sais que le Nouveau-Brunswick a été le premier à le faire, mais je pense que les autres provinces font maintenant la même chose.

Cela ne s'est pas fait sans heurts, mais cela redonne confiance au secteur privé de voir que les dirigeants politiques sont prêts à prendre des décisions difficiles et controversées pour s'attaquer à de tels problèmes. Je trouve cela assez encourageant.

Au cours des années, chaque fois que le gouvernement parlait de modifier la subvention au camionnage - et je pense que cela relève de la Loi sur les taux de transport des marchandises dans les provinces Maritimes - l'industrie manufacturière et d'autres protestaient tout de suite. Je fais moi-même partie de l'industrie manufacturière dans la région de l'Atlantique. La loi et la subvention ont été supprimées en même temps cette année et il n'y a pourtant pas eu d'émeute. Les habitants de la région ont simplement accepté que nous devions nous passer de certaines de ces choses. La disparition de la subvention a touché directement ma propre entreprise, mais c'est quelque chose que je dois accepter. Nous allons trouver des moyens de nous accommoder de la situation.

Je partage les préoccupations de Judith au sujet de l'approche radicale, même si elle est plus rapide, parce que je ne sais pas vraiment si l'on peut avoir des données fiables sur les résultats de cette approche. Cela nous a pris trente ans à nous mettre dans un tel pétrin et je ne pense pas qu'on va supprimer le problème du jour au lendemain.

Le président: Merci.

David et Leo, vous avez tous deux dit que nous n'avions pas prévu d'échéance bien stricte pour éliminer le déficit. Avez-vous quelque chose de précis à nous recommander?

M. Elton: Oui, certainement. Permettez-moi de vous donner des exemples.

Si l'on prend le cas du Nouveau-Brunswick, quand le gouvernement McKenna est arrivé au pouvoir, il avait parlé de la nécessité de restructurer le gouvernement, mais il n'avait pas fixé... Je me suis entretenu ces jours derniers avec des gens au Nouveau-Brunswick qui avaient participé au processus et ils m'ont dit que le gouvernement ne pouvait pas prévoir assez longtemps d'avance pour leur permettre de dire quand on pourrait établir... Il a fallu deux ou trois ans avant que le gouvernement provincial parle d'avoir un budget équilibré. Mais il s'est effectivement fixé un objectif à ce moment-là.

.1655

Si on regarde la Saskatchewan, si on regarde ce que M. Harris a fait hier, si on regarde ce que M. Klein a fait en quatre ans, on constate une tendance générale. J'ai participé à de nombreux entretiens au cours desquels nous avons exhorté le premier ministre de l'Alberta de se donner un objectif de trois ans. Il ne l'a pas fait. Il a dit non, nous n'allons pas nous donner un objectif de trois ans, mais plutôt un objectif de quatre ans. Si on regarde toutes les provinces qui ont participé à cet exercice, elles se sont toutes essentiellement donné un objectif de quatre ans en disant que d'ici les quatre prochaines années, elles auraient un budget équilibré.

Dans le cas de l'Alberta, en raison des recettes extraordinaires provenant du pétrole et du gaz, l'objectif a été atteint en dedans de trois ans. C'est le seul gouvernement au pays qui projette un déficit mais qui fonctionne avec un surplus. Mais ce sont des circonstances inhabituelles.

Ma réponse est donc, oui, quatre ans. Cela semble avoir fonctioné pour ceux qui l'on fait.

Le président: Quatre ans à partir d'aujourd'hui?

M. Elton: J'aurais préféré quatre ans à partir de 1995-1996. Mais nous parlons du budget de 1996-1997. Je dirais qu'un objectif réaliste est de dire que l'on peut équilibrer le budget en quatre ans. L'expérience nous l'a démontré.

Le président: Leo.

M. de Bever: On le réduit à peu près de 5 milliards de dollars par an. Je dirais que lorsqu'on atteindra 25 milliards de dollars, c'est-à-dire 3 p. 100... en gardant ce pourcentage... et peut-être qu'on pourrait en 1997 renégocier certains de ces accords avec les provinces pour accélérer les choses.

Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que le simple transfert du problème aux provinces ne résoudra pas le problème. À première vue, c'est vrai, mais prenons par exemple les soins de santé. Je sais que le gouvernement fédéral s'oppose à ce que l'on se retire du programme en raison des questions de normes nationales. Mais il est clair que ce secteur ne pourra pas survivre sans une nouvelle infusion d'argent, et il est très clair que le secteur public ne va pas fournir ces fonds. Donc, il va falloir trouver des solutions de rechange. Je pense qu'il serait beaucoup plus facile de trouver des solutions de rechange si les provinces pouvaient plus ou moins contrôler le programme pour essayer diverses façons de s'attaquer aux problèmes très complexes qui existent à l'heure actuelle dans ce domaine.

La réponse courte à votre question est que je le réduirais de 5 milliards de dollars par an, malgré le fait que, comme je l'ai dit, il est probable que pendant ce temps on s'approchera d'une récession ou on y baignera.

Le président: Ça voudrait dire un budget équilibré d'ici l'exercice financier 2001-2002.

M. de Bever: C'est exact.

Le président: Monsieur Bromfield, vous avez dit que nous devrions longuement réfléchir avant de faire des coupures pour l'exercice 1997-1998. Pourquoi?

M. Bromfield: Il y a quelques questions qui me préoccupent. Tout d'abord, lorsque nous parlons de certaines réalisations des provinces, peut-être avons-nous déjà raté le coche. Je reviens à certaines remarques qui ont été faites devant votre comité en décembre dernier lorsque le taux de croissance économique s'élevait à environ 5 p. 100 par année. Certaines personnes ont dit que le moment était maintenant venu de faire des coupures encore plus profondes, car l'économie connaissait une croissance assez robuste. Malheureusement, nous avons pu constater qu'il peut suffire de six à huit mois pour que la conjoncture devienne défavorable comme cela a été le cas au cours du deuxième trimestre de cette année.

Il y a cependant une raison à cela. C'est parce que nous constatons que les politiques de la Banque du Canada et les mesures budgétaires du gouvernement du Canada et des provinces ne sont pas sans conséquences. Pendant des années, tous les efforts de la Banque du Canada ont porté sur la réduction de l'inflation et tous ceux des autorités budgétaires ont porté sur la réduction du déficit. Ces mesures ont eu l'effet qu'elles devaient avoir sur la consommation personnelle et la demande intérieure au Canada. Il n'est pas surprenant que l'économie à l'heure actuelle soit aussi faible. Je crois que ce serait une erreur de ne pas tenir compte du lien qui existe encore entre d'autres mesures de réduction du déficit et l'effet qu'elles pourraient avoir sur l'économie, vu surtout que notre point de départ à l'heure actuelle est moins favorable qu'il ne l'était en décembre dernier.

Une autre chose que j'aimerais dire, c'est que si on regarde les documents budgétaires, on constate qu'il y est question du déficit sous-jacent et du déficit réel qui se situe à 3 p. 100 du PIB et qui incorpore le fonds de réserve ou le fonds pour éventualités. Donc, si on atteint ces objectifs en 1996-1997, le ratio déficit-PIB sera de 2,7 p. 100. On s'attend à ce qu'il diminue à environ 2,2 p. 100 en 1997-1998 si aucune autre mesure n'est prise, étant donné les restrictions imposées sur les transferts aux provinces qui ont déjà été mentionnées dans des budgets antérieurs.

.1700

Je pense donc que nous pourrions fort bien atteindre l'objectif de l'élimination du déficit en quatre ans, même sans que d'autres mesures soient prises pour l'exercice 1997-1998.

Le président: Nous avons gagné la bataille.

Judith Maxwell.

Mme Maxwell: J'ai l'impression qu'on est en train de tergiverser autour de certaines de ces questions. Je pense que Leo a raison lorsqu'il dit que nous devons expérimenter davantage quant à la façon de faire les choses. Nous devons reconnaître que pour atteindre ce genre d'objectifs, peu importe l'objectif qui est fixé, que ce soit sur une période de quatre ans ou davantage, nous devons briser l'ancien moule. Nous ne pouvons plus continuer à faire les choses comme nous les avons faites au cours des vingt dernières années.

Nous devons regarder chaque bloc de programmes ou chaque enveloppe d'activités du secteur public et trouver une meilleure façon de faire les choses. Souvent, cela peut vouloir dire que les deux paliers de gouvernement doivent décider ensemble qui fera quoi, et conclure des accords administratifs. Cela peut vouloir dire que les deux paliers de gouvernement exécuteront leurs services et auront une clientèle spécifique à partir du même bureau, ou qu'un palier de gouvernement se retirera et déléguera essentiellement la responsabilité à l'autre.

L'équivalent dans le contexte fédéral de se débarrasser de tous ces conseils scolaires de trop est peut-être difficile à interpréter et à mettre en évidence ici, mais le fait est qu'il faut aller au coeur même de la façon dont le gouvernement fonctionne et décider quels programmes devraient être exécutés et quelle est la meilleure façon de le faire. Cette façon sera sans doute très différente de celle que nous connaissons aujourd'hui.

Le président: Rose.

Mme Potvin: Je pense que le premier commentaire a été fait par Filip Palda lorsqu'il a parlé de demander peut-être aux Canadiens d'indiquer sur leurs formulaires de déclaration d'impôts sur le revenu comment ils aimeraient voir leur argent dépensé.

Cela me poserait des problèmes, peu importe leurs réponses. Là n'est pas la question; c'est du processus dont je parle et si je le fais, c'est parce que Judith vient tout juste de nous dire que d'après les études qu'ils ont effectuées, il semble que les Canadiens veuillent un gouvernement efficient et efficace, mais qui soit également compatissant et qui se soucie des Canadiens, un gouvernement qui se préoccupe de la vie des Canadiens.

Nous savons donc déjà tout cela. Dès que l'on entend deux déclarations comme celles-là, alors qu'est-ce qu'on en fait? Il faut quand même prendre plusieurs orientations différentes.

Je pense que lors de n'importe quelle élection, on demande à un gouvernement particulier de prendre les rênes. Le gouvernement dispose de quatre ou cinq ans qu'il doit utiliser à bon escient, pour s'occuper de tous les problèmes qu'il a promis de régler.

Prenons par exemple Frank McKenna. Le plus important, c'est qu'il a fait preuve de leadership. Il est parti avec sa mallette sous le bras parler à différentes personnes et encourager l'entreprise. Il s'est engagé à faire tout cela personnellement. À ceux qui le critiquaient, il a répondu que c'était son travail, son mandat, qu'il devait le faire et qu'il allait le faire.

Voilà le genre de leadership dont il faut faire preuve encore plus aujourd'hui qu'auparavant. Les gens suivent ce genre de chef beaucoup plus rapidement que ceux qui semblent être ambivalents.

Dans le dernier budget, certainement dans notre secteur, nous avons pu constater où il y avait une crainte du leadership. Nous sommes venus devant le Comité des finances et nous avons dit: Écoutez, vous avez proposé un plan et une politique pour le financement du secteur bénévole. On ne peut pas tout simplement diminuer le financement de tous les organismes de 10 ou 15 p. 100 et demander aux gens de faire ce qu'ils peuvent. En réalité, c'est ce que vous avez fait. Il n'y avait pas de plan, pas de document, pas de politique, pas de discussion. Il y a eu des coupures générales de 15 p. 100.

Si c'est ce qui se passe dans les autres domaines. alors c'est un manque de leadership. Il faut prendre des décisions difficiles. Ces décisions doivent être prises en tenant compte des points de vue des Canadiens, et voilà comment on peut être compatissant et efficace. Si vous ne pouvez pas le faire, laissez la place aux autres. Nous vous dirons dans deux ans comment vous vous êtes tirés d'affaire.

Le président: Merci, Rose.

Monsieur Palda.

M. Palda: J'aurais un bref commentaire à faire à ce sujet. Je ne vois pas de contradiction entre ce que je propose et le devoir de sollicitude du gouvernement. Être compatissant, c'est être conscient des conséquences de ses gestes pour les autres. Il me semble que toute réforme fiscale qui permettrait d'exercer un meilleur contrôle sur les dépenses aura pour effet de rapprocher les Canadiens.

.1705

Les sociologues et les psychologues essaient de comprendre pourquoi les gens ont de moins en moins tendance à donner de l'argent et à encourager les organismes de charité. C'est peut-être que les gens ont l'impression de ne plus savoir où va leur argent, de ne plus constater de liens entre ce qu'ils font et le bien-être de quelqu'un d'autre.

Je vais maintenant changer tout à fait de propos et vous parlez de prévisions, et notamment de prévisions relatives aux déficits. Lorsque des experts vous disent qu'ils prévoient un taux d'intérêt de 6 p. 100 ou de 7 p. 100 pour l'année prochaine ou que le taux de croissance sera de 2 p. 100 ou 3 p. 100 l'année prochaine, je vous invite à tempérer toutes ces prévisions dans le sens de la prudence. Si on vous prédit un taux de croissance de 2,5 p. 100, retenez donc 1 p. 100 aux fins de votre planification. Si on vous dit que le taux d'intérêt sera de 6 p. 100, planifiez donc en fonction d'un taux de 8 p. 100.

Lorsque vous fondez vos décisions sur des données quantitatives de ce genre, ce sont les ressources financières des Canadiens que vous mettez en jeu. Or, lorsqu'on prend des risques, il y a lieu de limiter au minimum la possibilité des pires résultats. Les gens n'aiment pas prendre des risques et ils n'aiment pas les mauvais résultats. Les mauvais résultats font plus de tort que les bons résultats ne font de bien. J'ajouterai, par mesure de prudence, que les estimations sur lesquelles sont fondés les budgets devraient tenir compte des pires résultats possible.

Le président: Vous ne faites pas confiance aux économistes.

M. Palda: Certainement pas. J'en suis un moi-même. Pensez-vous que je vais leur faire confiance.

Je vous répète ce que disent les économistes d'une façon générale. Les mauvais résultats font plus de tort que les bons résultats ne font de bien. Si les mauvais résultats ont un tel effet, alors il faut faire preuve d'une grande prudence en matière d'estimations. Je ne veux pas dire par là qu'il faut écarter les estimations. Il faut simplement les pondérer.

Le président: Tout en étant prudent dans votre réponse, Jim Frank, pouvez-vous nous dire si vous approuvez son évaluation des économistes?

M. Frank: Lorsque les gens demandent ce que disent les économistes, je suis toujours tenté de leur demander ce qu'ils veulent entendre.

Pour pouvoir faire des prévisions, il faut bien un cadre de référence quelconque. Au Conference Board - comme ailleurs, j'en suis certain - , nous avons fait des efforts très considérables pour arriver aux meilleurs résultats possible.

Même si nous avons assez régulièrement tort au sujet des détails, cela ne veut pas dire que notre travail n'est pas nécessaire. Toutes les organisations préparent des budgets et tous les êtres humains font des plans d'avenir. Parfois, ces plans se réalisent et parfois ils sont modifiés en cours de route. Je serais extrêmement inquiet de voir un gouvernement déclarer qu'il ne fera rien d'autre que de s'en tenir au pire scénario pour préparer son budget. Un tel gouvernement perdrait rapidement toute crédibilité.

Voici comment je vois les choses. Nous étudions les finances publiques depuis de nombreuses années. Le gouvernement a beaucoup amélioré la rigueur de ses prévisions depuis quelques années. Selon nous, les prévisions sont beaucoup plus raisonnables et beaucoup plus exactes.

Le président: Souscrivez-vous à l'idée proposée plus tôt selon laquelle nous devrions envisager de réduire notre déficit d'environ 5 milliards de dollars par année, ce qui nous donnerait un budget équilibré au début du XXIe siècle?

M. Frank: Je ne suis pas certain que 5 milliards soit le chiffre à retenir. Il doit s'agir d'un montant assez important. Le déficit étant de 32 milliards de dollars pour la présente année financière, il faudrait six ans pour l'éliminer à la cadence de 5 milliards de dollars par année.

Le président: Nous avons promis 32 milliards pour la présente année et 25 milliards pour l'année suivante, soit une réduction de 7 milliards de dollars. Nous voulons savoir quelle doit être la marche à suivre à partir de là.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Monsieur le président, il s'agit d'une question de détail. N'y a-t-il donc aucune croissance des recettes au cours des prochaines années lorsqu'on réduit de 5 milliards de dollars chaque année? Est-ce de cela que vous voulez parler?

M. Frank: Oui. Il s'agit du montant net après les recettes et les dépenses, Herb.

M. Grubel: Est-ce de cela que voulait parler Leo?

M. de Bever: Le fait de réduire le déficit de 5 milliards de dollars donnera lieu à une croissance des recettes, mais les programmes existants connaîtront également une croissance. Il faut faire quelque chose au sujet du taux de croissance de ces programmes qui sont surtout des programmes de transfert. Mais je parle d'une réduction de 5 milliards de dollars de la somme de 25 milliards de dollars qu'on comptait réaliser... Quand? L'an prochain?

.1710

Le président: En 1966-1967.

M. de Bever: C'est exact.

Le président: Plutôt, 1996-1997. Excusez-moi, mais je suis un enfant des années soixante.

M. Grubel: C'est à soustraire des gains en recettes, n'est-ce pas?

M. de Bever: Oui.

Notre réunion a été plutôt déprimante jusqu'à présent, en ce sens que nous semblons tous penser que ce problème est insurmontable. Je suis d'accord pour dire que les prévisions économiques doivent être plutôt modérées, particulièrement aux fins d'établissement des budgets, en raison des risques financiers asymétriques dont j'ai parlé plus tôt. Toutefois, on risque ainsi d'adopter un point de vue beaucoup trop pessimiste.

Au bout du compte, ce qui s'est passé dans le secteur privé au cours des cinq dernières années a eu du bon puisque la capacité de croissance de l'économie s'en est trouvée accrue. C'est déjà apparent dans bien des secteurs. C'est ce changement de vitesse qui entraîne la faible croissance que nous constatons maintenant.

Nous devrions probablement être un peu plus optimistes que nous le sommes aujourd'hui, et nous attendre à une augmentation, par rapport à ce qui s'est produit au cours des dix dernières années, de la croissance découlant de la productivité. Je suis d'accord pour dire qu'on ne peut vraiment prévoir une croissance économique de plus de 2,5 p. 100 environ, mais j'estime aussi qu'on a raison de croire que les taux de croissance, pour les dix prochaines années, seront légèrement supérieurs à ceux des dix dernières années.

M. Frank: J'aimerais revenir à ce qui s'est passé dans la région de l'Atlantique. Je ne veux pas laisser entendre qu'on n'a réalisé aucun progrès au chapitre de la modification des dépenses des provinces. Manifestement, certains efforts de réduction du déficit commencent à porter fruit. J'attire notamment votre attention sur le fait que, depuis cinq ou six ans, la cote de crédit de toutes les provinces a été abaissée; or, il n'y a rien comme une diminution de la cote de crédit pour vous forcer à examiner attentivement les véritables enjeux financiers.

De toutes les provinces canadiennes, c'est à Terre-Neuve, avec un ratio de 45 p. 100, que la dette est la plus élevée par rapport au PIB. Il n'est pas étonnant que M. Wells ait imposé une politique financière très restrictive au cours des deux ou trois dernières années.

La Nouvelle-Écosse vient au deuxième rang avec un ratio de 40 p. 100. Ces données sont les données actuelles, non pas des prévisions. C'est la réalité telle qu'elle existe actuellement.

Le Nouveau-Brunswick est à 36,6 p. 100. Le Québec est à 34,5 p. 100.

Ces ratios représentent d'énormes problèmes d'endettement. Les agences de cotation se sont exprimées à ce sujet. Tous les dirigeants ont dû reconnaître qu'il fallait agir sans délai, ce qu'ils ont fait, bien sûr. Cela n'a pas été aussi évident au niveau national dont la cote n'a pas été et ne sera vraisemblablement pas abaissée dans un avenir rapproché. C'est la seule cote qui n'a pas été abaissée.

M. Elton: Un moment. Est-ce que Moody's n'a pas fait une déclaration à ce sujet il y a quelques mois, Jim?

M. Frank: Oui, Moody's a abaissé de 2 ou 3 p. 100 notre dette nationale en dollars américains. J'ignore pourquoi. À mon avis, ce n'est qu'un exercice comptable. Le gouvernement canadien détient ces soldes. Ils pourraient aussi bien les détenir en argent canadien. Or, il n'y a pas eu de décote de la dette nationale en argent canadien.

Le président: Vous avez raison. Moody's a fait toute une erreur.

M. Elton: J'ai l'impression qu'on a abordé cette discussion en présumant que les réductions radicales de dépenses gouvernementales ont des effets négatifs sur l'emploi et que la réduction des dépenses du gouvernement ne peut s'accompagner, dans une province, d'une augmentation du nombre d'emplois. Ce n'est pas ce que disent les faits.

En Alberta, où, de 1993 à 1995, toutes proportions gardées, les compressions ont été les plus considérables jamais faites par un gouvernement au pays, le nombre d'emplois a augmenté de 62 000. En Saskatchewan, au départ, il y a eu une baisse du nombre d'emplois, mais, après deux ans, on constate une augmentation de plus de 3 000 emplois. Au Manitoba, pendant la même période, on constate qu'il y a au total 10 000 emplois de plus.

.1715

Donc ce n'est pas nécessairement le cas. D'après les données, il est possible d'entreprendre une profonde restructuration afin de réduire les coûts du gouvernement tout en créant des emplois.

Le président: Lynne Toupin.

Mme Toupin: Je trouve effrayant toute cette discussion sur la façon d'atteindre aussi rapidement que possible un déficit de 0 p. 100. J'estime que le comité des finances devrait au moins trouver un mécanisme indépendant afin d'examiner l'incidence de ces réductions qui se suivent une année après l'autre. On pourrait l'appeler vérification sociale, par exemple. Dans certains cas, les gouvernements provinciaux font preuve de beaucoup de négligence en ce gardant de nous dire quelles sont les véritables conséquences de leurs réductions budgétaires pour la collectivité.

Je soutiens que la dernière série de réductions a frappé surtout une certaine couche de la population sans vraiment affecter de façon perceptible les groupes à revenus élevés. Si on doit subir des compressions encore une fois, il faudrait au moins que ce soit équitable. De plus en plus de gens estiment qu'il y a un manque de justice dans la façon de régler le problème du déficit et qu'on demande à certains secteurs de la société de supporter la plus grande part du fardeau.

Quand on parle d'emplois et de la création d'emplois dans le contexte des stratégies adoptées par les provinces en matière des réductions du déficit, il faut se rappeler deux choses. D'abord, on sait qu'elles n'ont pas de statistiques fiables sur les gens qui partent, les gens qui cessent de recourir à l'aide sociale. On peut penser à l'exemple de l'Alberta.

Il faut aussi faire très attention quand on parle des emplois qui sont créés. Si on entend parler de 60 000 emplois, ça peut paraître impressionnant. Mais un emploi à temps partiel ou en emploi précaire à seulement 6$ l'heure n'est pas d'une grande utilité pour un parent de deux enfants. Alors il faut aussi considérer le genre d'emplois qu'on crée. Même si le chiffre de 60 000 peut impressionner, je soupçonne que certains de ces emplois ne permettent pas aux familles de se procurer les nécessités de la vie.

Le président: Tom.

M. Hayes: Je voudrais revenir au commentaire de David parce que je ne suis pas sûr d'avoir bien compris quel est le rapport entre les réductions substantielles des dépenses gouvernementales et la création d'emplois. Dans les provinces de l'Atlantique, au cours des années, malheureusement, surtout dans certaines provinces, nous sommes devenus très dépendants du budget de l'État... Il faudrait donc s'attendre à ce que la réduction des dépenses entraîne un ralentissement de l'économie.

On n'a pas beaucoup parlé de l'inflation aujourd'hui... Je ne suis pas économiste, mais je ne m'inquiète pas beaucoup de l'inflation pour les prochaines années car j'estime que nous commençons seulement maintenant à sentir les effets de toutes les réductions qui ont été annoncées. En réalité, nous en sommes qu'au début.

Mais je ne suis pas sûr d'avoir bien compris le rapport, David.

M. Elton: Je ne prétendais pas qu'il y avait un rapport nécessaire et évident entre... qu'il y avait un lien de cause à effet. Je disais simplement que l'affirmation selon laquelle les réductions des dépenses publiques réduisent la capacité de la collectivité de créer des emplois n'est pas confirmée par certaines de nos données.

Certes, comme me le ferait remarquer Geoff, on parle de l'époque pendant laquelle l'économie connaissait une croissance phénoménale et c'est peut-être là où se trouve l'explication de la croissance des emplois, plutôt que dans les mesures d'austérité. Mais je crois que cela ne fait que souligner la nécessité pour les gouvernements de réduire leurs dépenses pendant les années de vaches grasses, ce qui n'a pas été leur tendance jusqu'à maintenant. C'est un des grands problèmes qui nous confrontent maintenant que nous amorçons la période 1996-1997 et le cycle commercial mentionné par Leo. Ce sera beaucoup plus difficile.

Le président: Rose.

Mme Potvin: Deux questions rapides. D'abord, j'ai lu récemment dans les journaux que le gouvernement a gagné quelque chose de l'ordre de 1,9 milliard de dollars grâce à la vente des actions de Petro-Canada. Est-ce bien cela? Cet argent a-t-il servi à éponger directement le déficit?

Le président: Je vais répondre à la question tout à l'heure, mais je dirai pour le moment que non, l'argent qui est versé dans nos coffres n'est pas ciblé à un usage précis. Tout cet argent nous sert.

Mme Potvin: Mais comptiez-vous sur cet apport de 1,9 milliard de dollars cette année dans votre...?

Très bien, donc ce n'est pas quelque chose d'inattendu.

Si j'ai bien compris les commentaires de Jim Frank au début, il semble dire que la création d'emplois, ou peut-être les dépenses à ce titre, ne vont pas nous aider à régler ce problème de déficit. Vous semblez dire que les emplois, ce n'est pas la solution au problème actuel du déficit. Personne ne semble miser beaucoup sur la création d'emplois pour résoudre ce problème, et je me demande bien pourquoi. Vous semblez l'avoir écarté.

.1720

Le président: Qui veut bien nous dire comment nous pourrons créer des emplois? Nous savons tous que le niveau de chômage actuel au Canada est inacceptable.

M. de Bever: Il faut que l'embauche présente un certain intérêt. Apparemment, une des particularités du cycle actuel par rapport au cycle précédent, c'est que la dernière fois on commençait avec des salaires relativement bas et des taux d'intérêt relativement élevés, et cette fois-ci c'est le contraire, ce qui explique que de nombreux employeurs préfèrent avoir recours à la technologie afin de réduire leurs coûts unitaires de main-d'oeuvre. Si vous voulez accroître l'embauche, il faut faire baisser son coût relatif.

Cela risque de donner l'impression qu'on cherche à résoudre le problème aux dépens des chômeurs, mais à mon avis l'impôt négatif sur le revenu dont il a été question récemment permettrait d'y remédier en partie. Toujours est-il qu'aucun employeur ne sera prêt à embaucher si le salaire d'un employé lui coûte davantage que ce qu'il gagne en revenu. Je pense que c'est l'une des raisons de la faiblesse de la croissance de l'emploi.

Le président: Lynne.

Mme Toupin: Je pense qu'il faut faire très attention si l'on décide d'adopter une stratégie de main-d'oeuvre à bon marché. Pendant l'époque Thatcher l'Angleterre a connu beaucoup d'expérience dans ce domaine.

Une étude intéressante vient le démontrer qu'avec cette idée d'une main-d'oeuvre adaptée à la méthode juste-à-temps, le faible taux de salaire a effectivement entraîné une baisse de productivité. Ils ont supprimé le salaire minimum, ils ont fait des compressions, et nous en voyons maintenant les résultats.

Alors, je vous mets en garde encore une fois: il y a d'autres pays qui ont déjà pris cette voie sur laquelle nous nous engageons. Nous aurons des coûts à payer en termes de productivité. On nous prévient qu'il y a un danger s'il n'y a pas d'engagements sérieux ni de budgets de formation.

Le président: Je vous remercie.

David.

M. Elton: Je vous suggère, monsieur le président, d'examiner l'expérience du Manitoba du début des années quatre-vingt-dix.

Ils se sont attaqués directement à cette question, et ce n'était pas nécessairement une stratégie de main-d'oeuvre bon marché, Lynne. Il s'agissait de réduire la charge de la main-d'oeuvre imposée par le gouvernement aux employeurs. Ils ont réduit les charges sociales. Ils ont fait baisser le prix du diesel, par exemple. Le Manitoba est maintenant le centre du secteur du camionnage au Canada. Ce n'est pas une coïncidence. On a créé des encouragements en réduisant le fardeau imposé par le gouvernement aux employeurs, en supposant qu'il y aurait création d'emplois. Les résultats semblent confirmer ce point de vue.

Le président: Merci, David.

Judith Maxwell.

Mme Maxwell: Je crois que nous sommes tous en train de chercher à tâtons une nouvelle philosophie de la création d'emplois. Beaucoup d'entre nous ont été marqués par les années soixante, l'époque de notre jeunesse, et c'est une question avec laquelle nous continuons de nous débattre. Alors, tout ce que je peux faire, c'est vous raconter certaines expériences qui nous rendent plus optimistes concernant la capacité des gens de créer des emplois ou d'en trouver pour eux-mêmes. Essentiellement, il s'agit de bien comprendre les signaux et d'offrir les encouragements qui conviennent dans nos programmes.

Dans le cadre du projet destiné à encourager l'autosuffisance financée par le gouvernement fédéral en Colombie-Britannique et au Nouveau-Brunswick, on offre aux parents seul soutien de famille qui touchent l'assistance sociale depuis un an la possibilité d'avoir un supplément de revenu s'ils peuvent trouver un travail d'au moins 30 heures par semaine. C'est un supplément considérable, qui a un effet réel sur le niveau de vie de la famille.

Il est intéressant de constater le pourcentage élevé de personnes choisies pour ce programme qui ont réussi à trouver un emploi, et ce sont des emplois bien au-dessus du salaire minimum. Comme je l'ai dit, ils se trouvent dans le sud du Nouveau-Brunswick et le sud-ouest de la Colombie-Britannique, deux régions économiques assez distinctes. Étant donné donc l'incitation que représentaient non seulement l'emploi, mais le supplément, il y a un effet important sur le comportement de ces parents, dont la plupart sont des femmes. Je suis sûre que cela aura des conséquences pour le reste de leur vie. C'est ce que cherche à déterminer le projet de recherche.

.1725

J'ai un autre exemple à vous donner. Aujourd'hui j'ai reçu la visite d'un consultant spécialisé en politique de rémunération et en changements organisationnels. Son entreprise prend une expansion considérable, et il me disait qu'il engagerait cinq personnes aujourd'hui s'il pouvait les trouver. Cela fait deux ans qu'il cherche, mais il n'a pas encore réussi à trouver les gens qu'il lui faut.

Alors la question de la mise en correspondance de l'offre et de la demande demeure très importante.

Enfin, je suis originaire de la région atlantique, et, lorsque j'étais là en visite l'été dernier, j'ai entendu parler de deux petites entreprises du genre franchises qui voulaient s'implanter dans la région atlantique, mais qui ne pouvaient pas trouver une main-d'oeuvre dévouée prête à y travailler toute l'année. Nous soupçonnons tous que cela a quelque chose à voir avec la structure actuelle du système d'assurance-chômage, parce qu'il y a certainement un très grand nombre de chômeurs dans la région atlantique du Canada.

Il faut donc conclure qu'il y a quelque chose qui cloche dans les programmes actuels.

Il faut donc que des signaux encouragent les gens à consacrer leur vie aux emplois à plein temps qui pourraient s'offrir s'il y avait la bonne combinaison possibilités commerciales et disponibilité d'une main-d'oeuvre.

M. Palda: Permettez-moi d'introduire une note positive pour les gens qui n'aiment pas les réduction de dépenses: le gouvernement exerce davantage de contrôle sur les ressources que sur l'argent, et il contrôle ces ressources par les règlements.

L'année dernière, cela faisait partie des promesses budgétaires. On a beaucoup parlé d'une rationalisation des règlements.

Si on s'intéresse à la création d'emplois, on pourrait examiner les différents genres de règlements qui rendent difficiles l'embauche et le renvoi des travailleurs, qui précisent quelles sont les normes de sécurité...

Alice Nakamura, économiste à l'Université de l'Alberta, a constaté que l'une des raisons pour lesquelles les entreprises canadiennes montrent une préférence de plus en plus prononcée pour les machines, c'est que le coût de la main-d'oeuvre est gonflé artificiellement par ces règlements. C'est un domaine où le gouvernement peut agir.

Une autre source de motivation importante, ce serait le remplacement du système d'impôt actuel par un impôt uniforme. Ils en parlent aux États-Unis. S'ils décident de l'appliquer dans ce pays, cela va stimuler le désir de travailler, d'investir, et le Canada restera à la traîne si on ne fait pas quelque chose vite.

M. Hayes: Notre expérience dans la région atlantique indique très certainement qu'on ne peut pas compter sur l'État seul pour la création de richesse et d'emplois.

On connaît de nombreuses histoires de tentatives visant à attirer de grosses sociétés multinationales dans la région qui ont donné des résultats désastreux. Nous avons dû compter davantage sur nos propres gens, avec leurs propres capacités, des entrepreneurs pour qui la réussite dans la région représente un intérêt évident.

Une initiative particulière actuellement à l'étude dans la région atlantique constitue une démarche unique. Il s'agit de l'établissement d'un fonds de capital-risque privé appelé le Fonds d'investissement Atlantique. Les deux paliers de gouvernement, de concert avec les banques - le gouvernement fédéral, les quatre provinces et les sept banques - créeraient un fonds pour offrir du capital-risque à des entreprises atlantiques ayant besoin de ce genre d'investissement pour prendre de l'expansion. Même si l'affaire n'est pas conclue, l'idée suscite beaucoup d'intérêt, et elle me paraît assez originale parce qu'elle n'est pas limitée au gouvernement, mais implique aussi le secteur privé, notamment les banques.

Cela me semble un exemple d'une approche très positive.

M. Frank: Au sujet des emplois, j'ai seulement deux commentaires à faire. Quelque chose qui m'a toujours frappé dans mon cas et le cas de n'importe qui, c'est que tout ce que j'ai à vendre, c'est mon temps et un service que quelqu'un d'autre est prêt à payer. Cela dépend de mon...

Le président: Je pense qu'il faudrait dire tout de suite que nous ne payons pas votre temps aujourd'hui.

M. Frank: Non, bien entendu. En fait, j'ai parfois l'impression que c'est moi qui vous paie quand je fais mon versement d'impôt tous les quinze jours.

.1730

Le président: C'est bien le cas, et je vous en remercie.

Une voix: Nous voulons une augmentation de salaire.

M. Frank: Touché.

C'est une question d'aptitudes et de compétences. Je travaille beaucoup dans le domaine pédagogique et je m'inquiète beaucoup du nombre élevé de décrocheurs. C'est une tragédie de voir un si grand nombre d'étudiants abandonner leurs études secondaires. Il y a toujours des exceptions à la règle, bien sûr, mais rares sont ceux qui retournent à l'école de façon sérieuse pour y apprendre les compétences qu'ils sont en mesure d'y acquérir.

Qu'est-ce qui pousse nos jeunes à quitter l'école? Tout gouvernement qui désire trouver une solution à ce problème doit d'abord en trouver la cause.

Permettez-moi de vous raconter une anecdote. Un étudiant inscrit à une école publique peut maintenant décider d'abandonner un cours, de le prendre pendant l'été ou le soir. Si nous cherchons à faire des changements structurels, pourquoi les contribuables doivent-ils payer le double pour une chose déjà payée disponible le jour? À l'origine, cette mesure devait permettre aux adultes qui voulaient retourner à l'école de le faire le soir ou l'été lorsque cela leur convenait mieux. On se retrouve maintenant avec un régime qui permet aux élèves de jour d'abandonner leurs cours à loisir, puisqu'ils savent qu'ils peuvent les reprendre à tout moment pendant l'été ou le soir. Le contribuable paie donc le double pour envoyer ces gens à l'école.

L'important, c'est donc d'acquérir des compétences. Je crois qu'il n'existe aucune exception à cette règle.

Enfin, parlons des investissements au Canada. Nous sommes un pays très concurrentiel. Comme je l'ai déjà dit, nous faisons un commerce extraordinaire, et personne ne peut nous enlever ce succès. Pourquoi avons-nous si bien réussi? C'est grâce à notre capital et à notre main-d'oeuvre exceptionnels, et à nos produits très concurrentiels.

Le Canada est choyé sur deux plans. Nous avons un système judiciaire qui permet de régler raisonnablement les litiges, ou pour utiliser des termes plus simples, nous ne sommes pas aussi litigieux que nos voisins du Sud, et les investisseurs sont donc plus attirés par le Canada. Les petites compagnies aéronautiques en sont un bon exemple.

Le deuxième avantage que nous avons, c'est notre régime de soins de santé. C'est un énorme atout concurrentiel, car il nous en coûte moins d'offrir des services de soins de classe internationale que cela ne coûte au sud de la frontière. Ce ne sont que deux des choses importantes. Il y a d'abord les compétences de notre main-d'oeuvre et la façon de les acquérir, et ensuite l'attrait financier, ou, comme le dirait Leo, nous devons nous assurer que les investisseurs et les employeurs soient attirés par le Canada.

Le président: Merci, monsieur Frank.

Je suis à votre disposition. Voulez-vous continuer, ou devrions-nous faire une pause maintenant et avoir des discussions privées, officieuses, avant de revenir ici à 19 heures? J'ai l'impression que vous voulez faire une pause maintenant.

Avant de suspendre la séance, je tiens à signaler que plusieurs questions cruciales ont été soulevées. Il faudra revenir pour en discuter, car ce sont des questions très importantes pour notre avenir.

Merci beaucoup. Nous vous reverrons à 19 heures.

.1735

PAUSE

.1911

[Traduction]

Le président: Nous reprenons notre consultation pré-budgétaire avec notre groupe de spécialistes. Nous allons maintenant entendre les questions des députés.

[Français]

M. Loubier a quelques questions à vous poser.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): J'ai écouté avec attention la première partie des exposés des experts et j'ai trouvé qu'il manquait une donne à la discussion: c'est l'impôt des sociétés au Canada. Je n'ai entendu aucun des experts parler d'envisager, pour améliorer l'état des finances publiques canadiennes, de scruter à la loupe l'impôt des sociétés. Et pourtant, de 1980 à 1987, par exemple, un certain nombre de sociétés canadiennes ont fait des bénéfices mirobolants et n'ont pas payé d'impôt. Après 1987, on ne le sait plus parce que le ministère des Finances a cessé de publier ces données.

Par exemple, en 1980, on comptait 62 000 compagnies canadiennes qui avaient fait des bénéfices d'à peu près 10 milliards de dollars et qui n'avaient pas payé d'impôt sur ces bénéfices.

En 1987 - j'imagine que les choses ont dû évoluer de la même façon au cours des dernières années, mais on ne le saura jamais parce que le ministère des Finances ne publie plus ces données - , 93 000 sociétés canadiennes, qui avaient réalisé des bénéfices de 27 milliards de dollars, échappaient à l'impôt.

Il y a deux raisons importantes qui expliquent cela. Premièrement, ces sociétés ont la possibilité de reporter leur impôt. Un dollar d'impôt payé dans cinq ans par ces sociétés ne vaudra plus alors qu'environ 0,68$ à un taux de rendement de 8 p. 100. Alors, si une compagnie doit 10 millions de dollars au gouvernement canadien en impôt et qu'elle reporte ça sur cinq ans, elle ne paiera en réalité, en dollars d'aujourd'hui, que 6,8 millions de dollars au gouvernement canadien.

Il y a aussi une deuxième raison, qui fait presque l'unanimité chez les chercheurs maintenant. C'est l'existence de conventions fiscales avec des pays qui sont considérés comme des paradis fiscaux. Récemment, le magazine des comptables agréés canadiens allait jusqu'à donner aux sociétés canadiennes des indications sur la façon d'économiser de l'impôt et donnait des exemples: la Barbade, les Bermudes, bref, tous les pays des Antilles.

Je me demande si MM. Frank, de Bever, Elton et Palda ne seraient pas bien placés pour répondre à ces questions. Cela n'exclut pas les autres, mais étant donné la tangente qu'ils ont suivie tout à l'heure, en excluant cette incursion au monde merveilleux des impôts des entreprises, il vaudrait peut-être la peine qu'ils répondent à ces questions.

Le président: Monsieur Palda.

[Traduction]

M. Palda: Tout d'abord, je voudrais vous détromper de cette idée que les sociétés ne payent aucun impôt ou en ont payé moins. En termes de pourcentage des bénéfices, les impôts sur les sociétés ont presque doublé au cours des 10 ou 15 dernières années.

La Commission de l'équité fiscale de l'Ontario a fait une étude pour le compte du gouvernement néo-démocrate sur ces soi-disant exonérations dont jouissent les sociétés. Selon l'étude, beaucoup de ces sociétés ont obtenu des allégements fiscaux ou n'ont pas payé d'impôt parce qu'elles ont reporté jusqu'à présent les pertes antérieures.

.1915

C'est la première explication. Il y a aussi les transferts inter-sociétés, lorsqu'une société transfère de l'argent d'une succursale à une autre. Autrement dit, on prend l'argent dans une poche et on le met dans l'autre. Selon la Commission de l'équité fiscale de l'Ontario, les sociétés n'ont pas du tout été sous-imposées. La dernière chose que l'on veut faire en ce moment, c'est augmenter les impôts ou alourdir le fardeau fiscal des entreprises.

Je voudrais juste ajouter que les sociétés ne paient pas d'impôt. Ce sont en fin de compte les particuliers qui paient l'impôt. Je suis d'accord avec la Commission Carter de 1966 pour dire que l'impôt sur les sociétés devait être supprimé et qu'on devrait l'intégrer à l'impôt sur le revenu pour que les contribuables voient exactement quel montant d'impôt ils paient.

Il est très facile de nos jours de cibler les impôts sur les sociétés, mais les gens comprennent mal ce qui se passe. Ils disent qu'on devrait imposer les sociétés, prélever de l'argent chez ces dernières. La population ne voit pas que les sociétés paient des dividendes et que des retraités dépendent de cet argent pour vivre. Il est très difficile de comprendre le cheminement de cet impôt.

Je crois que pour des raisons de visibilité la Commission Carter - je crois bien que c'était elle - a recommandé la suppression de l'impôt sur les sociétés pour que les gens voient la source de leurs impôts. D'après les faits, le fardeau fiscal des sociétés s'est alourdi au cours des 10 ou 15 dernières années.

[Français]

M. Loubier: Il y a deux choses sur lesquelles je suis un peu en désaccord avec vous. Premièrement, il est vrai que les taux d'imposition des sociétés ont augmenté, mais l'impôt réel payé n'a pas augmenté au cours des dix dernières années. C'est ma première remarque.

Deuxièmement, une étude a récemment été réalisée par quatre chercheurs québécois qui disaient que, sur un échantillonnage de 767 entreprises canadiennes, plus de 45 p. 100, au cours des dernières années, n'avaient pas payé un impôt réel de plus de 20 p. 100, alors que le taux officiel était de 45 p. 100, et que si on avait imposé un taux minimum d'impôt de 20 p. 100 - il y a des discussions aux États-Unis à l'heure actuelle sur la possibilité d'une réforme fiscale visant à imposer un taux uniforme aux entreprises - à 200 entreprises sur les 767, on aurait récupéré, seulement pour l'année 1992, plus de 700 millions de dollars. On ne parle là que de 200 entreprises.

M. Palda: Monsieur Loubier, je vais répondre à votre premier point. La valeur absolue des revenus provenant des des impositions sur les profits a peut-être tombé. C'est parce que depuis 1960, les profits des entreprises diminuent. On est maintenant dans une conjoncture spéciale où ils augmentent. Pendant longtemps, la proportion des profits payée en impôt a augmenté. Si les revenus provenant de ces impôts ont tombé, c'est parce que les profits eux-mêmes ont diminué.

Deuxièmement, je ne connais pas l'étude dont vous parlez, mais l'étude faite par la Commission de l'équité fiscale de l'Ontario était basée sur un sondage de 175 000 entreprises. On voulait savoir pourquoi les entreprises qui ne payaient pas d'impôts sur leurs profits n'en payaient pas.

On a trouvé que pour environ 11 p. 100 des profits sur lesquels on ne payait pas d'impôts, les entreprises avaient fait des pertes dans les années précédentes et pouvaient reporter ces pertes à l'année en cours. C'est une des raisons.

Il existe une autre raison: de 45 à 60 p. 100 de ces profits étaient non imposables parce que les entreprises transféraient leurs profits d'une succursale à l'autre. C'est comme si on transférait l'argent d'une poche à l'autre. Alors, quand on parle d'un problème de manque d'imposition des sociétés, il faudrait vraiment examiner cela en grand détail.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Palda.

Monsieur Frank.

M. Frank: J'ai juste quelques petites remarques à faire à ce sujet.

Au sujet des paradis fiscaux, j'ignore dans quelle mesure on les utilise vraiment. Je sais qu'il y a toutes sortes de rumeurs, mais je n'ai pas de renseignement précis là-dessus.

Je voudrais juste vous rappeler que le gouvernement Mulroney a apporté des changements majeurs au régime d'imposition des sociétés au Canada. On voulait s'assurer que les taux d'imposition des sociétés au Canada étaient les mêmes qu'ailleurs, surtout aux États-Unis. C'est important, bien sûr, parce que tout pays qui a des taux d'imposition des sociétés qui ne sont pas alignés sur les taux des pays avoisinants, ou qui ne peuvent pas au moins leur faire concurrence pour ce qui est des placements, va perdre des placements. Au Canada, il semble important que le régime d'impôt soit à peu près pareil à celui des États-Unis. Sinon, on perdrait des investissements des entreprises.

.1920

Pour ce qui est des chiffres concernant les sociétés qui font des bénéfices telle ou telle année sans payer d'impôts sur ces bénéfices, il est question de report de perte, etc.

En 1989, par exemple, les bénéfices des sociétés ont atteint leur niveau maximum au Canada, 68 milliards de dollars. Il y a eu une chute marquée d'environ 32 milliards de dollars au début de 1991. C'était une dégringolade d'environ 40 milliards de dollars en deux ans. Un grand nombre d'entreprises ont perdu beaucoup d'argent. Au cours des années suivantes - et c'est ce qu'on voit en ce moment, évidemment - elles ont reporté ces pertes subies au cours des premières années de la récession sur leurs revenus actuels et ont radié ces pertes. Ce qui explique ces chiffres.

Pour ce qui est de resserrer les pertes d'impôts, c'est une question de politique publique, et je ne voudrais pas en débattre avec quiconque ici.

Il y a aussi le fait qu'en 1995 les sociétés canadiennes ont versé au gouvernement du Canada 12,8 milliards de dollars en impôts sur des bénéfices de 63,7 milliards de dollars au total, ce qui fait un taux moyen d'imposition de 20 p. 100. C'est l'état actuel des choses.

[Français]

M. Loubier: Voici la question que je posais, monsieur Frank. Monsieur Palda, vous ne m'avez pas répondu. Selon la loi fiscale actuelle, lorsqu'il est question d'un report de pertes, s'agit-il de pertes véritables? Est-ce que ce sont des pertes réelles liées aux activités de production ou si ce sont des pertes fiscales? On voit dans les journaux - vous les avez sans doute lus, vous aussi - qu'il y a des entreprises qui n'utilisent pas leurs pertes fiscales et qui peuvent les vendre à d'autres entreprises. Quand on a un marché pour de tels transferts de bénéfices fiscaux entre entreprises, on se pose des questions. Quand on demande aux individus qui n'ont pas la possibilité de vendre de telles pertes fiscales à d'autres, au Québec comme dans le reste du Canada, de se serrer la ceinture, est-ce équitable?

Selon les derniers chiffres du ministère des Finances, 27 milliards de dollars de bénéfices échappaient à l'impôt en 1987. On ne sait pas ce qui se passe aujourd'hui parce que ces données ne sont plus publiées. On voit aussi que le magazine des comptables agréés canadiens suggère d'aller investir à la Barbade parce que le taux d'imposition réel y est de 2,5 p. 100. Il y a là de quoi s'interroger sur le réel versus le fictif au niveau des pertes et sur la possibilité que les entreprises canadiennes puissent détourner l'impôt de façon éhontée.

Je pense qu'on a la responsabilité, messieurs Frank, Palda et les autres, comme spécialistes, d'ouvrir une porte pour qu'on puisse analyser en profondeur cette fiscalité. Ça n'a jamais été fait depuis 30 ans. On a regardé à la loupe certains aspects, mais on n'a pas traité des véritables choses qui sont, d'une part, la complexité de la fiscalité des entreprises, deuxièmement, le fait que de grandes entreprises peuvent se payer des fiscalistes pour contourner ces règles de façon assez honteuse et, troisièmement, le fait que ça échappe au contrôle de tous ici, réunis autour de la table, et même souvent des spécialistes.

M. Palda: Je suis d'accord avec M. Loubier sur le fait que la complexité de la loi fait que certains peuvent échapper à l'impôt. C'est pour ça que je suggère l'élimination de l'impôt sur les profits des sociétés. Ce n'est pas quelque chose que j'invente; c'est quelque chose dont on parle depuis déjà 30 ans. On dit qu'il faudrait intégrer l'impôt, le simplifier, parce qu'en fin de compte, les revenus et les profits reviennent à des individus. Il faudrait chercher à qui ces profits reviennent et les imposer lorsqu'ils apparaissent, comme revenus, dans les goussets de l'individu. Ainsi, on pourrait éviter la complexité et toute cette irritation des impôts qui est possible aujourd'hui.

Le président: Merci, monsieur Palda. Merci, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monsieur Grubel.

M. Grubel: Merci, monsieur le président.

.1925

J'aimerais faire un commentaire et ensuite poser deux questions. La première a trait à ce que disait David Elton à propos des expériences faites en Alberta et en Saskatchewan, où les réductions d'impôt n'ont pas nécessairement mené à des réductions d'emplois.

J'étais en Europe au moins de juin et j'ai parlé à un économiste italien. De façon typiquement italienne, il ne m'a pas encore envoyé le document, mais les résultats de sa recherche étaient que lorsqu'il revoyait l'expérience historique des pays européens... lorsqu'un pays avait de graves ennuis quant aux finances gouvernementales et qu'il effectuait des compressions importantes des dépenses pour rétablir l'équilibre, l'effet était exactement l'inverse de ce qu'on apprend grâce aux modèles Keynésiens: il y a eu un rétablissement de la confiance parmi les consommateurs et les investisseurs du pays. Il en résulté, plutôt qu'une chute, une forte progression de l'économie.

D'autre part, dans les économies où il y avait les problèmes et déficits habituels liés au budget, lorsqu'ils ont réduit les dépenses, il y a eu la réduction attendue de la demande des consommateurs et de l'emploi. Je crois que c'est le cas du Canada, où l'une des raisons pour lesquelles les dépenses des consommateurs et des investisseurs n'ont pas repris serait un manque de confiance. Il y a déjà suffisamment de cas de gens que nous connaissons qui ont déplacé leurs fonds à l'étranger ou qui, avec leurs fonds liquides, demandent chaque jour à leur courtier s'il est temps de partir. Je crois que si nous pouvions rétablir la confiance, il y aurait une vague de prospérité.

Je cherche toujours le document où cette thèse a été élaborée, et la façon dont il a noté ses résultats...

Deuxièmement, pour ce qui est des ajustements du marché du travail, je crois que nous pouvons oeuvrer sur deux fronts. Il faut réussir à obtenir, en moyenne, des coûts salariaux et des coûts de main-d'oeuvre égaux à la productivité. Il y a des études qui montrent qu'historiquement le taux de chômage était élevé lorsque la productivité était inférieure aux salaires et vice versa. Je crois que c'est un des problèmes.

Ce n'est pas pour dire qu'il faut nécessairement réduire les salaires. Une partie de l'ajustement sera peut-être des salaires moins élevés. Une autre partie sera peut-être une plus grande mobilité de la main-d'oeuvre, la suppression des obstacles mis en place par le gouvernement de toutes sortes de façons pour empêcher l'ajustement ainsi que Filip l'a indiqué. Mais ce sera peut-être aussi des mesures visant à accroître la productivité au travail.

Troisièmement... et ensuite je m'arrêterai.

Puis-je continuer?

Le président: J'aimerais tout simplement donner à nos spécialistes le temps de...

M. Grubel: Ils peuvent prendre des notes. J'ai pris des notes aussi. Sinon je n'arriverai jamais au bout.

J'aimerais dire une chose. Lorsque vous avez parlé de réduire les dépenses, vous n'avez jamais précisé dans quels domaines. Même au sein des domaines, je crois qu'il faut se rappeler deux ou trois choses.

Je crois que nous avons déjà réduit les services gouvernementaux de la façon traditionnelle, et de façon importante. Tous ceux qui ont vérifié les comptes de la manière dont nous l'avons fait pour en arriver à un contre-budget réformiste ont perçu clairement que la seule façon de vraiment progresser, c'est de réduire les paiements de transfert. Si vous les regardez en détail - et je le dis très sincèrement à Mme Toupin - il ne faut pas nécessairement réduire par le bas. Le Parti réformiste défendra coûte que coûte les programmes qui visent présentement les pauvres.

L'une des choses les plus ridicules que nous ayons vues au cours des trente dernières années, c'est que 40 à 50 p. 100 de nos paiements pour les programmes sociaux vont à des gens dans les paliers supérieurs et moyens supérieurs de revenu. Il est insensé d'accumuler un déficit en allant hypothéquant en un sens l'avenir des générations futures et en redonnant l'argent à des gens qui auront moins à léguer à leurs enfants, qui devront assumer ces dettes. Nous avons un système qui prend l'argent dans une poche, celle de la classe moyenne et de la classe supérieure, et qui le remet dans l'autre poche.

.1930

Je crois que ce serait la solution... que nous pouvons faire les deux.

Le président: Lynne, je crois que sur ce dernier point vous avez peut-être trouvé un allié inattendu.

Des voix: Ah, ah!

M. Grubel: On nous a beaucoup diabolisés, car personne ne veut en entendre parler.

Le président: Lynne, voulez-vous répondre à ce dernier point de M. Grubel?

Mme Toupin: Encore une fois, je n'ai pas ces chiffres, monsieur Grubel, à savoir que 40 à 50 p. 100 de tous les programmes visent des paliers moyens et supérieurs de revenu.

M. Grubel: Je suis déçu; vous devriez y jeter un coup d'oeil.

Mme Toupin: Eh bien, vous devriez me les donner.

Beaucoup de programmes sont déjà ciblés.

J'aimerais revenir encore une fois au point très clairement soulevé par Janice McKinnon, ministre des Finances de la Saskatchewan, à savoir qu'ils n'ont pas beaucoup de marge de manoeuvre en ce qui a trait aux réductions des paiements de transfert qu'on leur a imposées. Une économie telle que celle de la Saskatchewan n'a qu'un nombre limité de leviers à faire jouer, et elle a déclaré très clairement qu'ils auront à imposer ces réductions. J'estime que la Saskatchewan est une province plutôt progressiste, et lorsqu'elle nous a répondu ainsi...

Je ne suis pas d'accord avec vous pour dire que le fait de faire passer les réductions au niveau provincial n'entraînera pas de souffrances pour les gens que nous représentons. Même dans le meilleur des cas, je crois que c'est très difficile.

M. Grubel: Les dépenses pour la sécurité de la vieillesse sont de plus de 20 milliards de dollars, l'assurance-chômage coûte plus de 20 milliards de dollars, et, d'après les chiffres du ministre des Finances, les gens qui gagnent plus de 50 000$ par année reçoivent 40 p. 100 des prestations de sécurité de la vieillesse, et on n'en récupère que 0,5 milliard de dollars.

C'est la même chose pour ce qui est des prestations d'assurance-chômage. Des personnes qui gagnent plusieurs centaines de milliers de dollars en pratiquant la pêche pendant quatre semaines reçoivent des tas de prestations d'assurance-chômage le restant de l'année. Et ce ne sont pas des cas isolés.

Mme Toupin: Puis-je parler de la question de l'assurance-chômage? Mon mari vient du secteur des pêches, et lorsque je vais au Nouveau-Brunswick j'entends maintes fois qu'il y a de l'abus dans le secteur des pêches en ce qui a trait à l'assurance-chômage. C'est peut-être un problème. C'est peut-être vrai qu'il y a des gens qui gagnent un revenu important, mais on ne peut pas composer avec ce problème en jetant le bébé avec l'eau du bain et en réduisant de façon importante les prestations d'assurance-chômage des gens qui en ont grandement besoin lorsqu'il y a une perte d'emploi.

Il faudrait peut-être refaire la fiscalité pour qu'on puisse récupérer ces fonds autrement. Mais je vous en supplie, vous tous qui faites partie de ce comité: ne faites pas de réforme fiscale simplement parce qu'il y a un problème particulier dans un domaine particulier. Faites face à ce problème et tentez de le résoudre, peut-être grâce à une réforme de la fiscalité.

M. Bromfield: Je crois qu'on en vient à la différence entre les dépenses fédérales en matière de transferts aux individus et les transferts aux provinces.

Il est aussi question d'un des points que j'ai soulevés lors de mon discours liminaire, à savoir que si vous examinez la composition des dépenses provinciales, un très fort pourcentage des dépenses se font en matière de santé, d'éducation et de bien-être social, et une grande partie des dépenses provinciales faites pour les transferts aux individus sont destinées aux programmes de secours direct qui visent les paliers inférieurs de revenu... le genre de programmes mêmes qui seront réduits selon le discours du Trône lu hier en Ontario. Mais le gouvernement fédéral est le principal responsable des transferts aux individus pour la sécurité de la vieillesse et l'assurance-chômage, qui ne sont pas généralement destinés aux gens qui ont un revenu aussi faible que celui des personnes qui reçoivent les transferts des provinces.

En réduisant les transferts aux provinces, le gouvernement fédéral se défait de la responsabilité d'allouer les réductions aux gens eux-mêmes, et il en résulte inévitablement que la souffrance est ressentie par ceux qui sont les plus pauvres, parce qu'ils sont plus liés aux programmes provinciaux.

Pour répondre donc à vos préoccupations, il faudrait peut-être que le gouvernement fédéral s'occupe de ces transferts aux individus directement plutôt que de renvoyer le problème aux provinces.

Quant à un autre point qui a été soulevé, l'idée d'augmenter la productivité pour qu'elle soit au même niveau que les salaires est très importante, et l'investissement a un rôle clé à jouer en ce domaine. On pourrait peut-être étudier le rôle des taux d'intérêt dans la stimulation de l'investissement en vue d'augmenter la productivité, pour pouvoir aligner ces facteurs.

M. Campbell (St. Paul's): Le dernier commentaire de M. Bromfield est très intéressant, et on devrait peut-être y donner suite.

.1935

Je voudrais simplement faire quelques observations sur les exposés que nous avons entendus cet après-midi. Ceux d'entre nous qui ont écouté et pris des notes - et j'étais un de ceux-là - auront observé de nombreuses et troublantes dichotomies. J'aimerais profiter de votre présence ici pour voir si vous ne pourriez pas nous aider à trouver un moyen de concilier ces points de vue divergents et donner quelques conseils au comité au moment où il amorce ses consultations pré-budgétaires.

Certains d'entre vous ont dit que c'était une simple affaire de mathématiques. C'est aux données concrètes, objectives, qu'il faut prêter une attention toute particulière. D'autres ont dit au contraire qu'il fallait prendre en considération les répercussions que cela aurait sur les gens, qu'il ne fallait pas perdre les gens de vue. Quelques-uns d'entre vous estiment que nous avons tout notre temps; plus nombreux sont ceux qui estiment qu'il n'y a pas de temps à perdre. Certains d'entre vous disent qu'il nous faut planifier tout cela, analyser les incidences, nous demander qui portera le fardeau des compressions - la dernière remarque de M. Bromfield y faisait allusion - et quel est le rôle du gouvernement. D'autres croient plutôt qu'il faut laisser les choses suivre leur cours.

Comment les Canadiens acceptent-ils les conclusions? J'ai noté cet après-midi, à ma grande surprise, que vous n'avez pas tenté de vous rapprocher les uns les autres de façon à trouver un terrain d'entente. Il y avait ceux d'entre vous qui évoquaient surtout les chiffres et ceux qui parlaient surtout des gens. J'aurais voulu résister à la tentation - mais c'est plus fort que moi - d'affirmer qu'il y avait un fossé qui séparait les personnes en complet et les personnes en jupe. Je pense que c'était une pure coïncidence, mais c'est ainsi que les choses ne sont apparues depuis mon fauteuil d'observateur.

Je me demande si nos experts, nos invités, ne pourraient pas nous donner quelques conseils sur la façon dont nous pourrions, au-delà des beaux discours, résoudre le problème tout en tenant compte de tous ces points de vue. Peut-on en arriver à un équilibre? Je ne sais pas s'il y en a qui aimeraient se prononcer là-dessus.

Mme Potvin: Je vais répondre à votre question dans un instant.

Le président: Qui porte un complet?

Mme Potvin: Nous portons tous des pantalons. À ma connaissance, personne dans la salle ne porte de juge, à l'exception de notre greffière.

M. Campbell: Je rétracte cette déclaration.

Des voix: Oh, oh.

Mme Potvin: Je vais vous raconter une petite anecdote qui m'est venue tout d'un coup à l'esprit. Au moment où nous finissions de manger en compagnie de M. St. Denis et d'autres, nous avons eu une intéressante conversation. Il ne m'était pas venu à l'esprit que j'avais une histoire à raconter, et je regrette maintenant de ne pas m'en être souvenue à notre assemblée générale annuelle d'hier où j'ai pris la parole devant nos membres.

Quelque chose de très intéressant s'est produit à mon bureau l'année dernière: je n'avais jamais tant reçu d'appels, de télécopies et de lettres émanant de divers ministères du gouvernement japonais ainsi que de l'ambassade du Canada au Japon. Ils avaient tous trait, en gros, au fait que les Japonais étaient humiliés par leur incapacité de faire face aux tremblements de terre ainsi qu'à la difficulté qu'ils éprouvaient à résoudre ce problème. Il semblait que c'était parce qu'ils ne disposaient pas d'organismes bénévoles, et c'est pourquoi ils faisaient appel à des gens comme moi au Canada afin qu'on leur explique comment nous avions mis en place cette infrastructure qui nous permettait de faire face à ce genre de catastrophes.

J'ai répondu à leurs questions de mon mieux. Je me rappelle avoir écrit une longue lettre à quelqu'un lui disant que c'était très difficile à expliquer parce que c'était tout simplement un fait au Canada. Il me faudrait probablement remonter à une centaine d'années pour en expliquer les origines.

C'est un simple fait, c'est comme ça. Si un gros incendie éclate au centre-ville, dans quelque ville que ce soit, en peu de temps le corps des sapeurs-pompiers volontaires est là, l'Ambulance Saint-Jean est là, les restaurants servent du café aux bénévoles et l'Armée du salut accourt avec des couvertures.

J'ai dit que c'était simplement un fait.

Je ne sais pas comment tout cela s'est fait, mais c'est ainsi. Ce n'est qu'en répondant à ces questions et en parlant ce soir que je me suis rendu compte de l'importance d'avoir une infrastructure comme la nôtre. Il ne m'était pas venu à l'esprit que d'autres pays n'en disposent pas.

Je ne fais que soulever la question parce que - et je n'essaie pas encore une fois de promouvoir notre cause; c'est mon rôle et c'est ce que je dois faire, je pense, chaque fois que j'en ai l'occasion - je pense qu'il est important pour nous de savoir que nous avons chez nous quelque chose de précieux, qui fonctionne très bien, et nous ne devrions pas le perdre de vue au cours de nos délibérations, et qui travaille dans notre intérêt. Je voulais simplement le signaler.

Quelque chose d'autre me tracasse. Vous parlez de nous en des termes qui ne sont pas les nôtres. Je suis déçue des entretiens d'aujourd'hui. J'étais également déçue de ceux de l'année dernière, mais je ne savais pas ce qui clochait. C'est parce que nous passons trop de temps à peaufiner. Nous perdons trop de temps à nous demander s'il s'agit de 2 p. 100 ou de 1,5 p. 100, si c'est du travail supplémentaire ou pas, s'il y a un peu plus de chômage ou pas. Pour nous sortir de ce dilemme, nous allons devoir commencer à penser autrement, à un niveau plus élevé.

.1940

Il ne me vient qu'un exemple à l'esprit... et je ne suis pas sûre que ce soit le meilleur, mais cela exprime bien ce que je veux dire. Il me semble qu'à l'époque où j'allais à l'université, dans les années 60, il y avait énormément de jeunes au pays qui avaient l'impression d'être carrément privés de leurs droits politiques, critiquaient le système, fumaient de la marijuana, erraient ça et là les pieds nus ou autrement, et le criaient haut et fort. On ne sait trop comment, en tant que pays - je crois que c'était le gouvernement au palier fédéral à l'époque - nous avons trouvé un moyen d'employer à bien toutes ces énergies.

Une voix: C'était les Libéraux qui étaient au pouvoir.

Mme Toupin: C'était les Libéraux qui étaient au pouvoir; vous avez absolument raison. C'était du temps de M. Pearson.

Je pense que nous avons emprunté des idées à d'autres. Je ne crois pas que nous ayons inventé tout cela. C'est alors que nous avons créé le programme Perspectives Jeunesse, la Compagnie des jeunes Canadiens, etc.. Nous avons transformé toute cette énergie en quelque chose de positif. Au lieu de les laisser se plaindre, vivant du bien-être social et traînant dans les rues, nous sommes intervenus massivement et les avons invités à aider à développer une communauté plus forte et à trouver un emploi dans divers domaines du travail social.

Je pense à votre région. C'était à Elliot Lake, je crois. Un ami à moi, Dal Brodhead, m'a raconté cette anecdote: «J'avais été affecté à Elliot Lake. Je me trouvais devant une classe vide. J'étais seul, et lundi matin je devais donner un cours sur quelque chose. J'ai appelé mes copains de Montréal et leur ai dit: je vais payer vos billets de train. J'ai besoin de 10 autres gars le plus rapidement possible. Nous avons un programme.»

C'est ce genre d'improvisation qui a présidé à la naissance de tout cela.

C'était vraiment remarquable la façon dont se sont produits ce changement de vision et cette transformation de l'énergie des jeunes en quelque chose de positif. Aujourd'hui, ces gens - et j'en rencontre tous les jours - font maintenant partie de cette infrastructure sociale qui travaille au développement économique des communautés et s'occupent des centres de jeunes et de formation. Il y a toute une génération de gens qui ont fait du très bon travail.

Il nous faut songer à faire autre chose que du rafistolage.

M. Campbell: Je ne sais pas, monsieur le président, si d'autres aimeraient répondre. J'espère que oui.

M. Frank: Je serai très bref, mais vous posez des questions terriblement compliquées, et je dois dire que, à titre de contribuable, je suis un peu mal à l'aise face à cette question.

M. Campbell: Qui mieux que les contribuables de notre pays sont à même de répondre, monsieur Frank?

M. Frank: C'est précisément ce que j'allais vous dire. C'est pourquoi les parlementaires touchent de gros salaires.

C'est très compliqué. Nous avons tous nos propres vues là-dessus. Le bilan des dernières années est très clair à ce sujet.

Lors des dernières élections fédérales, l'opinion publique a exprimé massivement et clairement ce qu'elle souhaitait. L'Ontario et l'Alberta, Terre-Neuve, la Saskatchewan, etc., ont adopté des programmes semblables...

M. Campbell: Je ne veux pas dire par là que nous le faisons - le message était très clair - sans songer aux conséquences que cela pourrait avoir pour les gens.

M. Frank: J'y viens, monsieur.

Si vous jetez un coup d'oeil sur le bilan des 10 dernières années et examinez tous les budgets, vous constaterez, selon moi, que l'on s'est grandement préoccupé des conséquences que les compressions des dépenses et les déficits pouvaient avoir pour la population. C'est un fait. Cette approche est le reflet fidèle de son époque. On faisait alors dans le marginalisme. On privilégiait le gradualisme. On agissait très lentement et avec précaution parce que cela faisait mal, et cela fait toujours mal. Mais il est tellement évident que cela n'a pas fonctionné que je dois vous dire que, à mon avis, le temps presse. Mais n'allez pas me demander s'il faudra une année ou deux pour en venir à bout.

Ma dernière observation a trait à la question de savoir qui doit porter le fardeau du système. Les résultats des élections qui ont eu lieu ces dernières années laissent clairement entendre que la classe moyenne a dit qu'elle ne voulait plus supporter le fardeau, qu'elle voulait des changements, et ces changements concernaient les dépenses. À mon avis, tel est le message des élections. Il appartient aux parlementaires de décider des secteurs où il faut opérer des compressions.

Le président: Madame Stewart, je vous prie.

Mme Stewart (Brant): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous ici présents. Cela a été fascinant.

Je voudrais simplement faire une observation. Vous nous laissez entendre - M. Frank, notamment, je crois - qu'il manquait au palier fédéral le leadership ou l'orientation nécessaire pour procéder à des changements importants dans ce domaine. J'ai entendu cette remarque avant le dîner. David l'a peut-être aussi mentionné.

.1945

Je voudrais signaler qu'à la lecture du budget de 1995 on observe des changements structurels importants. Il y a la privatisation, une réduction des subventions de l'ordre de 60 p. 100 et, fait sans précédent, les compressions de dépenses... pas minimes, pas des réductions de remboursements, mais de véritables compressions. Ce sont les faits.

On a abordé ici la question de savoir combien il faut de temps avant qu'un changement important produise les résultats escomptés. On a parlé de quatre à cinq ans. D'après mon expérience du secteur privé, où on a procédé à des restructurations et à des rotations, il faut, dans presque tous les cas, compter de quatre à cinq ans avant de commencer à percevoir les résultats des changements apportés.

Dans une certaine mesure, je suis d'accord avec M. Bromfield pour dire que les changements importants qui sont intervenus en 1995 vont se faire sentir, bien sûr, chez les particuliers, mais que les changements structurels influeront sur notre future situation financière dans quatre ou cinq ans, même si rien d'autre ne se produit alors. Je ne le préconise pas, croyez-le bien; je voulais simplement le signaler.

Je voudrais revenir sur certains aspects particuliers.

Monsieur de Bever, vous parlez d'un impôt sur le revenu négatif. Je porte moi-même un vif intérêt à la notion, surtout à celle, plus large, d'un revenu annuel garanti. Je pense que c'est peut-être là une stratégie qui concilie les deux parties, puisqu'elle consiste à gérer les finances tout en se préoccupant des conséquences que peuvent avoir les contraintes financières sur les particuliers. Je voudrais toucher un mot là-dessus.

Monsieur Bromfield, et vous me corrigerez si j'ai tort, je pense que vous avez dit qu'en matière de responsabilité il faudrait au palier fédéral assumer directement le contrôle de nos transferts aux individus - pas simplement le faire par l'intermédiaire des provinces, mais en assumer nous-mêmes la responsabilité. En ce qui concerne entre autres la question des pensions - et comme M. Grubel l'a fait remarquer, nous affectons 20 milliards de dollars à ce poste - et l'assurance-chômage, je ne sais si vous avez quelque chose à ajouter à ce sujet.

M. de Bever: En ce qui concerne l'impôt négatif sur le revenu, il s'agit essentiellement de voir à ce que les incitatifs soient là où ils sont susceptibles de donner des résultats.

Supposons par exemple que la capacité de gain d'un travailleur aux compétences limitées ne soit que de 6$ l'heure. Quelqu'un qui se demande comment une famille est censée survivre dans ces conditions dira: «Ce n'est pas un emploi digne de ce nom. Mieux vaut bénéficier du soutien du gouvernement.» En vertu d'un impôt négatif sur le revenu, vous pouvez gagner autant que vous voulez et, si vous dépassez le seuil, vous n'êtes imposé que pour une partie du gain différentiel, ce qui équivaut en réalité à un quasi-revenu annuel garanti.

Selon moi, une bonne partie des réformes de ce gouvernement, et même d'un autre gouvernement à la fin de son mandat, allaient dans cette direction. Le crédit d'impôt pour enfants en est une illustration. J'en suis un ardent partisan parce que, selon moi, il remédie à la situation où il n'y a pas assez de gens qui font partie de la population active parce qu'ils n'y voient pas d'avantages.

Nous en sommes au point où les mendiants peuvent être preneurs. S'il y a des emplois subalternes, et à faible rémunération, ce sont néanmoins des emplois, et si des gens peuvent apporter leur contribution, dans la mesure de leurs moyens, ils atténuent les pressions qui s'exercent sur la structure financière. Je crois qu'il faudrait prévoir une récompense à cette fin, qui s'introduise par une augmentation, même si elle est limitée.

L'idée d'un impôt négatif sur le revenu est dans l'air depuis des années. Je pense que c'est Milton Friedman qui la première fois l'a proposé, dans les années soixante - encore et toujours les années soixante - mais il n'a jamais été appliqué, concrètement, sur une grande échelle. Je pense qu'il est temps que nous y regardions de près.

M. Bromfield: Vous avez correctement interprété mes observations.

Le président: Comme toujours.

M. Bromfield: Je ne suis pas si impatient de prendre des décisions définitives sur ce qu'il faut faire et ne pas faire, mais dans la mesure où des montants importants de fonds fédéraux sont affectés à la sécurité de la vieillesse ou versés dans d'autres secteurs à des personnes qui sont relativement sans le sou, cela pourrait être l'occasion d'effectuer des compressions.

Mme Stewart: Vous ne considéreriez donc pas les pensions comme quelque chose de sacro-saint.

M. Bromfield: Ce n'est pas ce que je veux dire. Je me propose aujourd'hui de faire valoir la nécessité d'établir un cadre qui nous permettre de déterminer si un programme est légitime ou s'il y a lieu de procéder à une réduction des dépenses.

Plusieurs observations avaient trait au fait qu'étant donné que les taux d'intérêt élevés et les taux d'intérêt réels élevés sont en grande partie responsables de nos problèmes au chapitre tant de l'emploi que des finances, une solution équitable consisterait peut-être à imposer davantage les personnes qui ont profité de ces taux d'intérêt élevés.

.1950

L'autre observation que j'ai faite au tout début avait trait au fait que nous devrions orienter les réductions de dépenses et les augmentations de recettes vers les secteurs qui sont moins dommageables pour l'économie, en mettant l'accent sur ceux qui économisent et ne dépensent pas. Dans la mesure où les personnes âgées entrent dans cette catégorie, un examen s'impose peut-être.

Je n'avais pas l'intention d'aller plus loin.

Le président: Je pense que vous venez de le faire.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Je laisse le mot de la fin à M. Elton.

M. Elton: J'ignore pourquoi vous êtes si hésitant, Geoff.

Peu après son entrée en fonction à la tête du gouvernement de la Saskatchewan, M. Romanow a procédé à un examen du budget de sa province en 1991. Il n'a généralement pas la réputation de procéder à des compressions tous azimuts, mais on m'a dit qu'environ trois mois après son entrée en fonction il a prononcé un discours devant un groupe de fonctionnaires, discours dans lequel il disait qu'il n'y avait pas de vaches sacrées, que même l'assurance-maladie n'était pas un secteur sacré, que lorsqu'il s'agit de trouver un moyen de résoudre ce problème, qu'il s'agisse des pensions, de l'assurance-maladie, des universités ou de quoi que ce soit d'autre... tout sera examiné très attentivement de façon à trouver un moyen de réduire leur structure de dépenses.

Quant à l'Alberta, on entend souvent parler des «dizaines de milliers de personnes qui ont été privées d'aide sociale». On réagit immédiatement en trouvant cela vraiment cruel. Mais si vous regardez de près les dépenses effectuées en Alberta, vous constaterez qu'on a certes procédé à des compressions sensibles au chapitre de l'aide sociale, mais qu'on a aussi augmenté les dépenses à l'intention des enfants, des personnes handicapées, etc.

Ainsi, on peut dire - et je le dis sans hésiter - que oui, nous devons nous pencher sur les pensions. Mais ce faisant, il nous faut être conscients des conséquences que cela peut avoir pour les particuliers, parce que les pensions n'ont pas toute la même valeur selon le bénéficiaire, suivant que l'on a d'autres sources de revenu ou non.

M. St. Denis (Algoma): Je vous remercie tous de vous être déplacés pour venir ici.

J'aimerais poser une question sur un tout autre sujet et qui cadre, je l'espère, avec le tableau d'ensemble. Je vous ai posé quelques questions au dîner et celle-ci découle de certaines observations qui ont été faites avant que nous allions manger.

Dans la circonscription d'Algoma que je représente, dans le Nord de l'Ontario, le secteur des ressources naturelles est bien représenté, et notamment celui des mines et des forêts. Nous observons une tendance de plus en plus forte vers la mécanisation dans le secteur des mines, des forêts et autres. Qui dit mécanisation, dit bien sûr production accrue et main-d'oeuvre réduite. Les sociétés forestières et minières doivent agir de la sorte pour maintenir leur compétitivité dans le monde, parce que les coûts horaires de main-d'oeuvre sont plus élevés au Canada qu'ils ne le sont, par exemple, dans un pays du tiers-monde, comme le Chili.

Nous nous demandons dans quelle mesure notre économie a tiré parti du virage technologique. Nous constatons que nos sociétés minières et forestières s'en tirent assez bien dans l'économie mondiale parce qu'elles ont pris cette décision, mais avons-nous déplacé des travailleurs canadiens au profit, par exemple, de travailleurs européens parce que nous ne produisons pas la technologie - le matériel d'exploitation des mines, des forêts, tout le matériel dont a besoin l'industrie des pâtes et papiers - grâce à laquelle cette productivité accrue est possible?

Je pense que la question peut se résumer ainsi: avons-nous profité pleinement - et, sinon, dans quelle mesure pouvons-nous en profiter davantage - des améliorations technologiques en faisant en sorte que des sociétés canadiennes réalisent ce type de technologie tout en veillant à ne pas laisser pour compte nos concitoyens moins instruits, et peut-être même analphabètes? Il s'agit de savoir ce que nous pouvons faire, peut-être par le truchement du processus budgétaire, pour améliorer les perspectives d'emploi dans le secteur de la technologie de pointe.

.1955

M. de Bever: Il faut être prudent lorsqu'on préconise de toujours fabriquer chez nous du matériel susceptible d'accroître la productivité.

Dans une foule de ces secteurs, l'équipement est tellement spécialisé que seuls quelques fabricants d'une poignée de pays peuvent produire pareil matériel de manière efficace. En fait, dans certains de ces secteurs, nous produisons bien le matériel en question et nous sommes les fournisseurs du monde entier. D'un point de vue budgétaire, je n'offrirais pas d'encouragements à la fabrication d'équipements si le résultat souhaité en fin de compte est l'amélioration de la productivité.

C'est la même chose dans le cas des ordinateurs. Ce n'est pas la fabrication des ordinateurs qui est payante. Ce sont les applications que l'on en fait qui le sont. Le fait qu'il n'y ait pas tellement de fabricants d'ordinateurs au Canada ne nous cause pas nécessairement du tort. Ce qui nous en cause, c'est que nous n'ayons pas la bonne idée de nous lancer dans les applications.

Les gouvernements peuvent favoriser l'accroissement de la productivité en ne tentant pas de ralentir le processus. Trop souvent, au fil des ans, les gouvernements ont tenté - et cela est tout à fait voulu parce que nous nous préoccupons du bien-être des gens - de préserver certaines industries pendant plus longtemps que de raison. Le gouvernement a créé des emplois à 40 000$ par année à un coût de 100 000$ par emploi. Il n'est pas sage de dépenser ainsi des deniers publics.

S'il y a un problème structurel, la meilleure chose qu'un gouvernement puisse faire, c'est de s'occuper des victimes et de ne pas intervenir. Il est inutile de prolonger une situation sans issue.

C'est sans doute ce qui est arrivé avec Algoma Steel. Mais il y a d'autres cas semblables où, par compassion, le gouvernement a maintenu son aide même si l'entreprise en cause aurait dû, à un coût bien moindre pour elle-même et les pouvoirs publics, se restructurer bien avant. Si le gouvernement n'était pas intervenu, la restructuration aurait sans doute eu lieu plus rapidement.

Le président: La parole est à Tom Hayes.

M. Hayes: Je voudrais faire suite à votre observation sur la fabrication de matériel à l'étranger. Le secteur des fruits de mer est un bon exemple d'un degré appréciable de mécanisation depuis quelques années. J'imagine que plus de 90 p. 100 de ce genre de matériel vient de l'étranger. Il est très difficile pour les fabricants canadiens de soutenir la concurrence parce que certains de ces pays européens ont des entrepreises qui exercent leur activité dans ce seceur et approvisionnent le marché mondial. Peut-être qu'on pourrait intervenir sur le plan fiscal en ce qui concerne les travaux de R-D.

Mais il existe d'autres secteurs, le secteur aérospatial notamment, où le Canada est le chef de file. À mon avis, il y a une certaine réciprocité.

Le président: Lynne Toupin.

Mme Toupin: Je voudrais réagir aux propos selon lesquels il ne faut pas se préoccuper des gens dans la promotion de l'amélioration de la productivité. On ne peut pas avoir de règles strictes dans ce domaine non plus.

Par exemple, à Leaf Rapids, au Manitoba, une mine risquait d'être fermée en raison de la baisse du prix du minerai. Le gouvernement a décidé d'accorder une subvention à la mine pour un an environ. Puis, les prix ont de nouveau augmenté. Le licenciement d'un certain nombre de travailleurs a été évité. Il ne peut y avoir de règles strictes prévoyant un retrait très rapide. L'intervention du gouvernement dans des circonstances particulières est importante.

En ce qui concerne toute la question de la technologie - peut-être que je m'avance sur un terrain dangereux ici - , mais n'y a-t-il pas moyen de stimuler, à l'aide du budget, l'investissement au Canada? Ce ne sera peut-être pas au moyen de mécanismes importants, mais il serait sûrement souhaitable de permettre aux gens d'investir dans des entreprises au Canada. Il me semble qu'il existe des leviers que nous pourrions utiliser dans ce domaine.

M. Grubel n'est certainement pas d'accord.

M. Grubel: Non.

Mais M. Loubier vous rétorquera qu'ils ne paient pas d'impôts.

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

La parole est à Dianne Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président. Je voudrais également remercier chacun des témoins de leur présence aujourd'hui. J'ai deux questions à poser, et je vais m'efforcer de les énoncer très clairement.

La première a trait à la discussion précédente quant à savoir qui a un emploi et qui n'en n'a pas. Nous divisons la société en deux catégories actuellement en raison de la répartition de la richesse.

Prenons l'exemple d'une grande usine de pâtes et papiers de la Nouvelle-Écosse qui utilise une moissonneuse d'arbres dans la forêt pour abattre les arbres plutôt que de confier ce travail à 50 ou 100 opérateurs de tronçonneuse.

Faut-il donner du travail à ces opérateurs et se contenter de cette productivité? Ou faut-il opter pour la productivité accrue que procure la machine et qui prive ces travailleurs de leur emploi? Faut-il accorder un stimulant fiscal pour cela? Nous avons besoin de détails. On peut généraliser indéfiniment, mais quand on élabore un budget, il faut donner des détails quant à la façon dont on s'y prendra pour créer des emplois et maintenir les gens au travail.

.2000

Voilà pour la première question. Ma deuxième s'adresse plus particulièrement à Geoff Bromfield, qui a dit qu'il faut faire très attention quand on divise l'économie et veiller à ce que la politique de réduction des taux d'intérêt soit le moins néfaste possible. Encore une fois, il faut donner des précisions. Pensez-vous que nous avons été plutôt prudents ou sages dans le dernier budget ou pensez-vous au contraire que nous avons raté la cible de beaucoup et avez-vous des recommandations particulières à faire?

Le président: Monsieur Bromfield, vous êtes sur la ligne de tir.

M. Bromfield: Je suppose que cette question constitue, en partie, une critique du budget de 1995. Je ne pense pas que je décernerais à ce dernier de bonnes notes sur le plan de l'équité puisque la plus grande partie des compressions ont visé les programmes, les gens, les biens et services au sein de la fonction publique fédérale ainsi que les transferts aux provinces.

J'ai fait valoir mes préoccupations au sujet de la réduction des transferts aux provinces. D'aucuns diront qu'elle était justifiée cette fois-ci, qu'elle a été trop généreuse, que ce sont des responsabilités que les provinces peuvent assumer, que celles-ci devraient avoir une plus grande responsabilité relativement au financement et, partant, une plus grande responsabilité dans la gestion des programmes. Ma principale préoccupation à cet égard, c'est qu'il ne faut pas considérer cela comme une solution de longue durée. Si nous pensons que c'était ce qu'il fallait faire dans le budget de 1995, il ne faut pas non plus revenir sans cesse en arrière, en se disant que c'était une solution de facilité.

De même, je suis convaincue que les possibilités de réduction de la taille de la fonction publique diminuent. Je ne m'attends pas à ce que ce soit une solution permanente aux 20 milliards de dollars de problèmes à régler dans la lutte contre la dette.

Les mesures du Budget de 1995 ne m'enchantent guère, mais je tiens davantage à exprimer l'idée que ce n'est pas nécessairement une solution à laquelle il faudra songer dans les budgets à venir. Il faudra regarder ailleurs.

Le président: Monsieur de Bever.

M. de Bever: En ce qui a trait aux subventions, c'est une question intéressante parce qu'elle soulève vraiment le problème d'une situation observée au Canada depuis 20 ans. Dans un certain nombre d'industries, le coût de production de biens vendus a diminué par rapport au coût des produits dans l'économie interne. Ainsi, tout d'un coup, l'employeur obtient moins qu'avant pour son produit. Parallèlement, la main-d'oeuvre, les employés syndiqués surtout, a revendiqué des droits et établi une structure grâce à laquelle elle a obtenu des avantages, des augmentations de salaire, qu'elle veut conserver. Cette structure même nuit au maintien des emplois.

La notion que, quoi qu'il arrive, les niveaux salariaux sont intouchables ne tient tout simplement pas. Dans le cas d'Algoma, par exemple, nous avons constaté que lorsque le syndicat a pris le contrôle de cette société, la première chose qu'il a dû faire, c'est de réduire les salaires parce qu'il s'est rendu compte que c'était la seule solution. C'est ce qui arrive dans un certain nombre de cas. Selon le type de restructuration choisi, les sociétés qui ne peuvent régler ce problème ferment leurs portes et sont remplacées par des sociétés qui ne sont pas aux prises avec les mêmes restrictions.

On retrouve un bon exemple dans le secteur du bâtiment de l'Alberta qui, en très peu de temps au milieu des années 1970, est devenu essentiellement non syndiqué. On a pu observer ce phénomène à ce moment-là.

Cela s'est traduit par le fait que pour garder leur emploi les travailleurs avaient intérêt à jeter du lest, tout simplement parce que le Canada n'obtenait plus pour ses ressources naturelles ce qu'il avait coutume d'obtenir sur les marchés mondiaux. En fait, depuis 20 ans, le prix relatif des ressources a diminué de la moitié environ. Dans ces conditions, il faut être très productif pour que cette activité soit rentable.

En ce qui concerne votre exemple des travailleurs forestiers contre les machines, il faut supprimer les subventions de l'État et non les augmenter. Ce qu'il faut plutôt chercher à faire, c'est peut-être faire en sorte que le régime fiscal encourage l'investissement dans la technologie, par opposition à l'investissement dans la formation et la productivité des travailleurs. Étant donné que nous avons un taux de chômage si élevé, ce que nous devrions sans doute faire initialement, c'est tendre vers une économie à un plus fort coefficient de main-d'oeuvre, ce qui implique en quelque sorte une productivité réduite.

.2005

M. Hayes: J'ai une observation à faire sur l'analogie que vous faites entre l'abatteuse-tronçonneuse et la subvention aux employés.

Si on examine cela dans le contexte du Canada atlantique, on constate que le marché interne est très limité. Par conséquent, les entreprises de la région de l'Atlantique, les industries manufacturières notamment, doivent être à vocation exportatrice. Une fois qu'ils sont sur le marché, les produits de toute société doivent soutenir la concurrence quant au prix et à la qualité. Le client ne se demande pas si vous avez employé 1 000 personnes ou utilisé une technologie donnée pour fabriquer ce produit.

Il faut donc inciter les entreprises à adopter les toutes dernières innovations technologiques pour rester concurrentielles à l'échelle internationale.

Si nous versions une sorte de subvention salariale, nous ne ferions que retarder l'inévitable. En fait, ce serait là une mesure régressive retardant l'établissement d'industries concurrentielles et de premier ordre capables de survivre et de croître.

Mme Brushett: Comment alors répartir la richesse et maintenir les gens au travail?

M. Hayes: La solution, c'est encourager un plus grand nombre de sociétés innovatrices à exporter et à utiliser les ressources et le capital humain de leur région. Et il ne s'ensuit pas nécessairement que d'autres emplois ne seront pas créés à mesure que l'entreprise prendra de l'expansion.

M. Grubel: Pour répondre rapidement à la question de Mme Brushett, je dirai que le gouvernement doit cesser d'intervenir. Jusqu'à ce qu'il le fasse autant, il n'y avait pas de problème de chômage. En 1930, c'était le même problème.

J'ai une observation à faire sur l'impôt négatif sur le revenu et le revenu annuel garanti. Des expériences très coûteuses ont été réalisées tant aux États-unis qu'au Canada. Après les avoir évaluées, les ardents partisans de ces expériences ont décidé qu'elles ne donnaient pas les résultats escomptés.

Il y a quelques années, j'ai demandé à Friedman quel était son point de vue là-dessus. Voici ce qu'il a répondu: «Eh bien, c'est avec regret que je dois conclure que, tout compte fait, nous devons de nouveau imposer des critères très rigides pour l'admissibilité.»

J'ai rencontré une fois un Français qui habitait une banlieue de Paris qui m'a dit: «Le gouvernement vient de créer un revenu annuel garanti. Nous avions une foule de menuisiers, d'électriciens et de plombiers. Ils ont tous fermé boutique. Ce qui est arrivé, c'est que le gouvernement a dit que quiconque pouvait obtenir d'office un revenu garanti de 15 000 ou de 20 000$ par an, et que tous se sont dit: «Eh bien voilà, nous n'avons plus d'emploi.» Ils ont obtenu leur revenu annuel garanti. Les Français peuvent toujours faire appel à un plombier, mais ce dernier ne travaillera pas officiellement. C'est ça le problème.

Geoff, je comprends fort bien la distinction que vous avez faite entre les paiements de transfert que le gouvernement fédéral verse au titre des programmes sociaux et ceux qui vont aux provinces. Dans mon intervention, je ferai abstraction de la péréquation interprovinciale.

Supposons encore une fois que nous avons un budget équilibré et que le gouvernement a cessé de verser des paiements de transfert. Qu'est-ce qui empêche alors les provinces d'augmenter les impôts pour fournir les services que veut le public en général, si l'on en croit les gens? Qu'y a-t-il de mal à cela? Après tout, l'argent qui était versé à Ottawa, et qui est remis aux provinces, n'a plus à être versé à Ottawa. Par conséquent, les provinces n'en sont que plus riches. Pourquoi alors ne pourraient-elles pas décider d'augmenter les impôts pour maintenir ces programmes?

M. Bromfield: J'ai une réponse fort simple à cette question. C'est que je comparais devant un comité fédéral qui, je présume, veut être responsable de ses mesures budgétaires et ne veut tout simplement pas assumer la responsabilité et exercer le pouvoir d'imposition qui sont accordés aux provinces. Ainsi, dans ce contexte, j'ai supposé que vous cherchiez des solutions en fonction de leur mérite, après quoi vous feriez les choix qui vous agréent le mieux, plutôt que de laisser ce soin aux autres.

.2010

Mme Stewart: Laissez-moi répondre à M. Grubel puisqu'il a répondu à ma question.

Je dirai simplement que les études faites au Manitoba en particulier ne confirment pas nécessairement vos observations. Il faudrait sûrement interroger M. de Bever à cet égard.

M. de Bever: Monsieur Grubel, je pense que tout dépend du niveau du revenu garanti. S'il est trop élevé, on obtiendra l'effet dont vous avez parlé. Si l'intention est de fournir un niveau de revenu de base, dont les gens essaieront de tirer parti, étant donné la façon dont ils entrevoient la solution qui est la plus avantageuse pour eux, on obtiendrait, à mon avis, un résultat bien différent. Tout dépend donc du niveau auquel il est fixé.

M. Grubel: Évidemment, et ils l'ont fixé à toutes sortes de niveaux dans ces expériences. Ceux qui ne veulent pas travailler sont beaucoup plus nombreux que ce que les gens pensent, si le prix tombe.

M. Frank: Je n'aime pas l'admettre, mais ma thèse de doctorat portait sur l'impôt négatif sur le revenu. Je connais assez bien - c'était le cas du moins il y a quelques années - ces expériences. Elles étaient relativement modestes en ce qui concerne les montants en cause à l'époque.

Elles étaient horriblement difficiles en tant qu'expériences sociales parce qu'elles ont eu lieu dans la ville de Brandon, si je ne m'abuse. On ne peut tout simplement pas isoler une ville et essayer de jongler avec les encouragements au travail ou au chômage.

Tout le travail qui a été fait à l'époque et que j'ai fait dans le contexte du Canada montre qu'au fond tout dépend du niveau auquel on veut fixer le soutien fédéral. Il est très clair que si l'on fixe le niveau à 50 000$, les gens ne travailleront pas. Faut-il s'en étonner?

Le deuxième élément concernait l'unité familiale. Il s'agissait là de la question la plus délicate parce que l'on pouvait dire qu'on soutenait une unité familiale à un certain nivau de revenu, ou alors qu'il s'agissait d'individus. C'était une question très complexe. Évidemment, tout a été abandonné parce que l'expérience a échoué.

M. Szabo (Mississauga-Sud): Personne n'a encore utilisé l'expression «pas de ça chez moi». J'ai bien envie de le faire.

Des voix: Oh, oh!

M. Szabo: C'est certainement une expression qui a été utilisée fort à propos au cours de la dernière ronde.

Je pense que nous y avons tous pensé. Cela me pousse à soulever un point intéressant, à savoir qu'il y a un groupe qui n'est pas présenté ici et qui ne l'a jamais été - il conviendrait peut-être, monsieur le président, que vous les invitiez la prochaine fois - , et ce sont les jeunes du pays.

Les jeunes du pays terminent leurs études, espérons-le, au plus haut niveau. Ils sont confrontés à un taux de chômage de 25 p. 100 et à des perspectives d'emploi fort peu nombreuses. Ils ne sont pas ici, mais nous leur demandons de prendre la relève dans l'avenir. Comme point de départ, et après que nous aurons équilibré le budget et selon les informations données par nos invités, ils assumeront une dette nationale de 700 milliards de dollars environ.

On se demande bien pourquoi ces jeunes n'ont pas été conviés à cette table pour nous dire comment ils voudraient...

Le président: Monsieur Szabo, sans vouloir vous contredire, les jeunes auront l'occasion de comparaître devant nous à maintes reprises durant nos consultations. Ils l'ont fait la dernière fois et nous avons hâte d'entendre leurs points de vue.

M. Szabo: D'accord. Mais c'est intéressant à cause de l'aspect «pas de ça chez nous». Ce sont des gens différents.

Au cours d'une des discussions que nous avons eues lors du dîner, il a été question d'un débat inter-générations au cours duquel les aînés donneraient leurs points de vue et diraient quels sont leurs besoins, après quoi les jeunes en feraient autant. Et tous ceux qui se situeraient entre ces deux groupes diraient qu'ils ne veulent pas payer pour cela.

Cet argument de pure forme que je formule a trait aux tendances et aux valeurs sociales ainsi qu'aux coûts qu'elles entraînent. Nul n'est besoin de vous parler des tendances liées au taux de divorce, aux familles monoparentales ou dirigées par une femme, ni du fait mentionné par M. Frank au sujet du taux de décrochage scolaire. Une fois mis ensemble, tous ces facteurs, qui caractérisent de plus en plus la société canadienne, ont un coût social. Ils représentent tous un coût très important pour tous les Canadiens.

J'espère que les membres du groupe ont des observations à faire sur les solutions possibles. Il n'y a pas de solutions miracles, c'est évident, et c'est le cas du budget de cette année. Mais on ne peut tout simplement pas tout couper pour équilibrer le budget parce que, si on le fait, que restera-t-il dans l'avenir? Il faut de toute évidence faire des investissements, que ce soit dans une nouvelle valeur canadienne ou dans la création d'entreprises qui prospéreront à l'avenir.

.2015

Personne n'a encore parlé de l'économie parallèle. Si vous en avez le temps et si vous avez des idées à ce sujet, j'aimerais les connaître.

M. Palda: Je ne pense pas qu'il faille vraiment réduire les dépenses pour accroître les recettes du gouvernement. L'OCDE a fait une étude intitulée «Gérer grâce au mécanisme de marché», où il est dit que la sous-traitance des services gouvernementaux permettrait d'économiser entre 10 et 30 p. 100 des frais de fonctionnement.

Vous avez demandé s'il existe des solutions à long terme. Elles ne sont pas entièrement du ressort du gouvernement fédéral. Bon nombre d'entre elles relèvent des provinces, mais le gouvernemnet fédéral pourrait influer sur les autorités provinciales à ce chapitre.

Privatiser les hôpitaux. Privatiser les universités. Il n'est dit nulle part que le gouvernement exploite les hôpitaux et les universités de façon plus efficace que le secteur privé. En fait, il existe bien des preuves du contraire: Lorsque le gouvernement assure ces services, bon nombre de postes sont souvent des sinécures et une bonne partie des dépenses sont liées au traitement des employés.

Il ne faut pas en déduire que le gouvernement ne devrait pas financer, disons, l'assurance pour les personnes qui utilisent les services hospitaliers, ni accorder des subventions aux étudiants universitaires. Le gouvernemnet a un rôle à jouer dans ce domaine. Il peut faciliter l'accès à ces services à ceux qui en ont besoin. Il n'y a toutefois aucune raison que ces services appartiennent au gouvernement et soient nécessairement assurés par lui. Si nous réussissions à réaliser de 10 à 30 p. 100 d'économies à ce titre, nous garantirions le même niveau de service mais à moindre frais.

Le président: Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier nos experts de leur témoignage. Il est toujours très présomptueux d'essayer de résumer les observations faites par des gens comme vous, et je le fais donc uniquement en mon nom personnel.

Tous les témoins ont parlé de notre énorme problème d'endettement. Vous n'avez pas tous abordé le problème sous le même angle. David Elton, Leo de Bever, Jim Frank et Judith Maxwell ont dit qu'il est urgent pour nous d'en arriver à un budget équilibré, voire excédentaire, pour commencer à rembourser notre dette et à nous dégager de l'énorme fardeau que représente pour nous le paiement des intérêts sur cette dette.

Geoff Bromfield a parlé du problème du déficit mais selon lui, les mesures que nous avons déjà prises suffiront peut-être à remédier au problème et il est inutile d'en faire plus.

Tom Hayes nous a parlé de l'incidence qu'ont eu les coupures dans les Maritimes et des problèmes, notamment d'adaptation, qu'ont eu les habitants de cette région. Même les gouvernements provinciaux ont pris des mesures plus énergiques, sur le plan financier, que le gouvernemnt fédéral et les gens tiennent le coup. Les entreprises ont certaines possibilités, comme les nouvelles dont il a parlé, grâce notamment aux capitaux patients qui servent au démarrage de petites entreprises.

M. Palda a abordé divers sujets ce soir, non seulement le déficit mais également la possibilité d'utiliser les déclarations d'impôt sur le revenu pour communiquer directement avec les contribuables afin de les consulter sur diverses questions.

Lynne Toupin, au nom de vos clients qui sont les plus pauvres de notre société, vous avez encaissé un certain nombre de coups durs. Les coupures budgétaires du gouvernement fédéral et tout récemment des gouvernemments proviciaux. Si je peux me permettre une remarque personnelle, vous êtes...

[Français]

un petit peu découragée, et peut-être avec raison.

[Traduction]

Vous nous avez toutefois présenté des arguments éloquents en nous demandant de trouver des moyens de faire en sorte que les cupures que nous imposons soient justes, de ne pas laisser pour compte les membres de notre société qui méritent le plus qu'on les aide, car aucun d'entre nous ne peut être certain de ne jamais se trouver à son tour dans cette situation.

.2020

Vous avez dit qu'il y a peut-être d'autres façons pour nous de trouver des sources de revenu ou de résoudre certains de nos problèmes. Nous cherchons à en trouver et nous vous incitons, ainsi que tous vos membres, à nous faire des suggestions.

Rose, vous nous avez promis de revenir nous voir pour nous présenter un programme précis, avant la fin de nos audiences, quant à la façon dont nous pouvons vous aider à mobiliser cette ressource merveilleuse que constituent les bénévoles au Canada, de façon qu'ensemble nous puissions surmonter nos problèmes.

Il a été question à plusieurs reprises ce soir de redonner du travail aux gens. J'espère que notre comité pourra focaliser son attention sur ce problème précis pendant le reste de ses délibérations. Si un plus grand nombre de Canadiens avaient un emploi, les dépenses au niveau fédéral ou provincial seraient nettement moins élevées, mais ce qui est plus important encore, les Canadiens seraient plus optimistes et plus sûrs d'eux mêmes.

Pouvons-nous compter sur votre collaboration pour nous proposer, du point de vue des secteurs, groupes et régions du Canada que vous représentez respectivement, des façons précises dont le gouvernement, pas nécessairement nous-mêmes mais en agissant comme catalyseur, comme aiguillon ou simplement comme moyen publicitaire, pourraient présenter aux Canadiens de nouvelles approches en vue de créer des emplois, pour le présent comme pour l'avenir?

Nous avons entendu de nombreux propos fort pessimistes ce soir, mais nous avons également entendu certaines personnes rappeler les formidables possibilités qui s'offrent à notre pays, l'un des pays qui compte le plus grand nombre de gens instruits parmi sa population, un pays qui est une véritable mosaïque culturelle et ethnique dont les différentes collectivités pourront nous aider à résoudre nos problèmes et à relever le défi de la mondialisation et de l'accès au marché international.

L'autre jour, une personne que je connais, arrivée au Canada en provenance de l'Extrême-Orient, a été nommée directeur général d'un énorme consortium et chargé d'aller représenter des intérêts nord-américains en République populaire de Chine. La diversité de la société canadienne, et le respect qu'elle commande, nous a donné l'un des plus grands avantages et des meilleurs outils que puisse posséder un pays pour faire face aux enjeux de la mondialisation de l'économie.

Nous devons être extrêmement reconnaissants des vastes ressources dont nous disposons. Nous sommes l'un des pays les plus riches du monde et certains ont parlé de la règle de droit qui est en vigueur dans notre pays et en vertu de laquelle nous nous efforçons toujours d'agir dans la légalité.

Nous avons donc de nombreuses raisons d'être reconnaissants, mais nous sommes loin d'exploiter tout notre potentiel. Nous savons que grâce à votre aide ce soir et grâce aux suggestions précises que vous nous ferez à l'avenir, lors de nos déplacements ou de nos rencontres futures à Ottawa, nous espérons pouvoir trouver des idées concrètes quant aux mesures à prendre pour atteindre cet objectif qui est à notre portée.

[Français]

J'aimerais vous remercier beaucoup au nom de tous les députés.

[Traduction]

La séance est levée.

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