[Enregistrement électronique]
Le mardi 3 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Je déclare la séance ouverte. Le Comité des finances examine le projet de loi S-9, Loi modifiant la Loi de 1984 sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts.
Nous accueillons aujourd'hui MM. Jean-Marc Déry, David Walker et Brian Ernewein.
Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Il nous tarde de connaître votre point de vue sur cette question avant d'entreprendre nos discussions.
M. David Walker (secrétaire parlementaire du ministre des Finances): Merci, monsieur le président. Avant de commencer, j'aimerais aborder une question avec le Comité.
[Français]
Nous avons trois projets de loi qui seront prêts pour le Comité après la semaine de relâche, soit les projets de loi C-90, C-102 et C-103.
[Traduction]
Monsieur le président, je tiens à dire aux porte-parole de l'opposition que le projet de loi C-103, même s'il traite du ministère du Patrimoine, propose des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu. Vous pourriez peut-être consulter les fonctionnaires du ministère du Patrimoine pour obtenir des informations sur cette question, voire s'ils sont à jour ou encore s'ils ont l'intention de comparaître devant le comité. Nous vous ferons parvenir un avis si c'est le cas.
Le président: Qui va prendre la parole en premier, monsieur Walker?
Mr. Walker: C'est moi.
[Français]
Le président: Monsieur Loubier.
M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Si j'ai bien compris, monsieur Walker, aujourd'hui, on discutera uniquement du projet de loi S-9.
M. Walker: C'est cela.
M. Loubier: Et dans deux semaines, nous étudierons les projets de loi C-90, C-102 et C-103.
M. Walker: Oui, si le président est d'accord avec moi.
Le président: Je suis à votre service, monsieur Walker.
M. Walker: Je remercie le comité de me donner cette occasion de parler du projet de loi S-9.
Comme vous le savez, cette mesure législative vient modifier le Protocole révisé et récemment signé modifiant la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis d'Amérique.
Il s'agit d'un projet de loi qui aura un double objectif, soit l'égalité fiscale et l'établissement de bonnes relations internationales.
Les conventions de double imposition, dont 55 sont en vigueur au Canada, font partie intégrante de l'infrastructure juridique sous-jacente aux relations commerciales qu'entretiennent différents pays.
Il n'est pas difficile d'imaginer les effets dévastateurs qu'aurait sur les entreprises et la libre circulation des personnes le risque d'être imposé au plein taux sur le même revenu par deux pays différents.
Ces conventions sont couramment modifiées. Le Protocole reflète la troisième modification officielle apportée depuis que la Convention a été signée par le Canada et les États-Unis, en 1980.
Bon nombre de ces protocoles portent sur des questions techniques comme la définition et la clarification des règles ambiguës. Quelques changements importants sont aussi prévus, des changements qui avantageront les Canadiens et rendront plus équitables les deux régimes fiscaux s'appliquant aux non-résidents.
[Traduction]
Le projet de loi vise notamment à réduire ou à éliminer le taux d'imposition que chacun des deux pays applique à certains types de revenus. Ainsi, le taux d'impôt sur les intérêts passera de 15 à 10 p. 100, et celui sur les dividendes directs, de 10 à 5 p. 100. L'impôt sur les redevances concernant les logiciels, les brevets et informations technologiques sera entièrement éliminé. Ces changements ont pour effet de rapprocher les taux prévus par la Convention Canada-États-Unis de ceux suggérés dans le modèle de convention fiscale de l'OCDE, qui sont acceptés par la majorité des 25 pays membres de cette organisation. De manière plus précise, ces taux réduits vont faciliter les échanges et les investissements entre le Canada et les États-Unis.
Par exemple, grâce à l'élimination de l'impôt sur certains types d'informations technologiques, les sociétés canadiennes pourront acheter les technologies américaines à moindre coût et vendre plus facilement leurs produits aux États-Unis.
J'aimerais maintenant vous parler d'un autre avantage que procurera le protocole: soit l'application équitable de l'impôt américain sur les successions à l'égard des Canadiens qui possèdent des biens aux États-Unis.
Certains ont laissé entendre que ces changements favorisent les riches. Pareille affirmation témoigne d'une mauvaise compréhension des conventions fiscales en général, et de ce protocole en particulier.
Notre objectif concernant l'impôt sur les successions est double. D'abord, nous voulons faire en sorte que les Canadiens qui possèdent des biens aux États-Unis bénéficient d'un traitement comparable à celui accordé aux citoyens américains. Deuxièmement, nous ne faisons qu'appliquer les conventions fiscales dont le but est d'éliminer la double imposition.
En ce qui concerne le premier point, les Américains ne sont assujettis à l'impôt sur les successions que si la valeur de leurs biens excède 600 000$. Toutefois, en vertu d'une loi adoptée en 1988, le plafond imposé aux Canadiens possédant des biens aux États-Unis n'est que de 60 000$. À notre avis, cette loi est injuste. Ce protocole corrige la situation et accorde aux Canadiens le même traitement que celui dont bénéficient les citoyens américains.
Deuxièmement, il y a la question de la double imposition. Nous tentons depuis 50 ans de mettre un terme, grâce aux conventions fiscales, aux injustices et aux obstacles financiers que crée la double imposition. La règle veut que chaque pays visé par une convention accorde un crédit pour les impôts payés à l'étranger.
Le problème dans ce cas-ci, c'est que le Canada et les États-Unis perçoivent tous les deux des impôts en cas de décès, impôts qui prennent deux formes différentes. Les États-Unis perçoivent un impôt sur les successions, tandis que le Canada perçoit un impôt qui tient compte de l'augmentation de la valeur du bien depuis l'acquisition de celui-ci. Le projet de loi S-9 reconnaît tout simplement ce fait et corrige l'anomalie qui existerait autrement.
Sans ce changement, l'impôt canadien et américain sur les successions auquel serait assujetti un résident canadien possédant des biens aux États-Unis excéderait en fait la valeur de ces biens. Cet impôt serait tout simplement confiscatoire et injuste. On ne peut absolument pas qualifier cela de cadeau que l'on fait aux riches. Ces résidents continueront de verser des impôts considérables sur les biens détenus au moment du décès.
Avant de terminer, j'aimerais vous parler d'autres changements intéressants que prévoit le protocole.
Il y a d'abord la façon dont seront imposées les prestations de sécurité sociale comme les pensions de vieillesse et les versements au titre du Régime de pensions du Canada. En vertu de la convention actuelle, ces paiements ne sont pas assujettis à l'impôt dans le pays d'origine et seule la moitié des prestations sont imposables dans l'autre pays. Une fois le protocole ratifié, les paiements en provenance d'un pays seront imposables exclusivement dans ce pays.
D'autres modifications de forme, mais malgré tout intéressantes, méritent d'être soulignées: mentionnons l'amélioration des règles s'appliquant aux dons de charité versés aux organisations exonérées dans l'autre pays; l'établissement d'un mécanisme d'arbitrage pour régler les différends sur l'interprétation ou l'application de la convention; et enfin des dispositions qui prévoient une assistance en matière de perception et qui favorisent l'échange de renseignements fiscaux.
En résumé, le protocole qui sera ratifié par ce projet de loi est le fruit de négociations prudentes et sérieuses entre le Canada et les États-Unis. Il vise à harmoniser nos régimes fiscaux et à favoriser aussi les échanges et les investissements entre nos deux pays.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Walker. Je suppose que vous êtes en faveur de ce projet de loi.
M. Walker: Oui.
Le président: Puis-je vous poser une question? Je ne veux pas être présomptueux, mais comme la convention fiscale de l'OCDE, qui a pour but d'éliminer la double imposition et de prévenir l'évasion fiscale, sert de modèle à la plupart des pays du monde depuis vingt ou trente ans, pouvez-vous nous dire si la convention fiscale canado-américaine qui découlera de ce projet de loi s'écartera du modèle de convention de l'OCDE? Y a-t-il des différences importantes entre les deux?
M. Jean-Marc Déry (chef, Conventions fiscales, ministère des Finances): Oui, monsieur le président, il y en a. Par exemple, sur la question de l'imposition des redevances, le modèle de l'OCDE propose une exonération complète dans le pays d'origine. Le protocole conclut avec les États-Unis prévoit, lui, l'imposition d'un taux de 10 p. 100 sur les redevances, mais l'élimination de l'impôt sur les redevances qui concernent les logiciels, les brevets et les informations technologiques. Cet exemple montre qu'on se rapproche de plus en plus du modèle de l'OCDE.
Il y a une autre différence à signaler. Il s'agit de l'article qui traite des «autres revenus», c'est-à-dire les revenus qui ne sont pas visés par la convention ou le traité. En vertu des règles de l'OCDE, ces revenus sont uniquement imposables dans le pays de résidence de la personne qui les reçoit. Tous les traités canadiens s'écartent de cette norme. Le Canada protège toujours son droit d'imposer les autres revenus à la source.
On remarque aussi des différences au chapitre des pensions. En vertu des règles de l'OCDE, les prestations pour services antérieurs accordées dans le cadre de régimes privés ne sont imposables que dans le pays de résidence du bénéficiaire. Les pensions du gouvernement pour services antérieurs ne sont imposables que dans le pays d'origine, sauf si le bénéficiaire est un ressortissant et un résident de l'autre pays.
Pour ce qui est des taux, l'impôt de 5 p. 100 sur les dividendes directs est conforme à la recommandation de l'OCDE, tout comme celui de 15 p. 100 sur les autres dividendes. Nous nous sommes également conformés à la recommandation de l'OCDE pour ce qui est du taux d'imposition de 10 p. 100 sur les intérêts.
Je crois, monsieur le président, que ...
Le président: Autrement dit, à part quelques exceptions, vous avez pratiquement suivi le modèle de l'OCDE au moment de modifier la convention fiscale entre le Canada et les États-Unis par le biais du S-9.
M. Déry: C'est exact.
Le président: Merci.
M. Déry: Elle a été adaptée parce qu'il s'agit d'une entente négociée. Nous avons dû réagir à la position américaine vis-à-vis de l'OCDE.
Le président: La principale différence se situe au niveau de l'imposition des pensions et de l'élimination de l'impôt sur les redevances versées aux résidents américains. Les paiements de redevances ne sont pas assujettis à l'impôt en vertu du modèle de l'OCDE.
[Français]
Monsieur Loubier.
M. Loubier: Monsieur le président, j'ai le plaisir de vous annoncer, et je pense que cela va vous faire chaud aux coeur, que l'Opposition officielle est d'accord sur ce projet de loi. Nous sommes d'accord sur les dispositions modifiant la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis d'Amérique.
Toutefois, comme le demande l'Opposition officielle au gouvernement depuis deux ans, nous aurions aimé que les 16 conventions fiscales signées entre le Canada et des pays comme la Barbade, les Bermudes, la Suisse à certains égards et d'autres pays des Antilles soient redéposées ici afin qu'on les examine. Nous considérons que ces pays-là, pour n'en nommer que quelques-uns, sont des paradis fiscaux où transitent des centaines de millions de dollars de pertes fiscales pour le gouvernement fédéral.
Donc, nous aurions aimé que le scandale des conventions fiscales signées avec des pays considérés comme des paradis fiscaux soit révolu aujourd'hui, après deux ans de votre gouvernement.
Comme vous n'avez rien fait à cet égard, il est certain que nous reviendrons à la charge continuellement, puisque que nous considérons que le maintien des conventions avec ces pays, qui font en sorte que des entreprises canadiennes peuvent déclarer des pertes ou des bénéfices exemptés totalement d'impôt, rapatrier ceux-ci au Canada et éviter le fisc de façon éhontée alors qu'on demande aux Québécois et aux Canadiens de se serrer la ceinture, est l'un des plus grands scandales fiscaux.
Je reviens au projet de loi S-9. Comme je vous le disais, les modifications apportées à la Convention fiscale entre le Canada et le États-Unis ont l'appui de l'Opposition officielle.
Cependant, j'aimerais poser une question au secrétaire d'État. On dit, dans l'une des dispositions du projet de loi, que le Canada a accepté d'imputer sur ses impôts, au cours de l'année du décès, l'impôt sur les successions dû aux États-Unis sur des revenus provenant de sources américaines.
On dit plus loin que ces dispositions seront applicables rétroactivement pour les décès survenus après le 10 novembre 1988, date à laquelle les importantes modifications à l'impôt sur les successions aux États-Unis visant les résidents canadiens ont été instaurées. Pourquoi revenir en arrière? Pourquoi le projet de loi modifiant la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis est-il applicable rétroactivement? Je soupçonne que ce ne sont pas nécessairement les Canadiens les plus démunis qui vont bénéficier des dizaines de millions dollars que cette mesure implique.
[Traduction]
M. Walker: Monsieur le président, avant de céder la parole aux autres témoins, je tiens à préciser, aux fins du compte rendu, que nous concluons non pas des ententes qui visent à créer des refuges fiscaux, mais des conventions fiscales. Nous cherchons à améliorer, de manière méthodique, les rapports fiscaux entre le Canada et plusieurs autres pays, et nous continuerons de le faire. Vous aurez l'occasion d'examiner certaines des nouvelles ententes plus tard cet automne.
M. Brian Ernewein (Chef, Impôt international et sur les sociétés, ministère des Finances): Monsieur le président, la question est très claire. Il est en effet très rare qu'on s'entende sur une disposition qui comporte un effet rétroactif.
Dans ce cas-ci, l'application rétroactive de la disposition pour les décès survenus après novembre 1988 a été ajoutée à la demande du Canada. En effet, c'est à cette date que sont entrées en vigueur les modifications à la législation américaine sur l'impôt sur les successions, modifications qui ont eu pour effet de ramener de 600 000 à 60 000$ US l'exemption accordée au titre de l'impôt sur les successions aux Canadiens et autres citoyens non américains. À notre avis, ce changement touchait un grand nombre de Canadiens qui n'étaient pas nécessairement riches, mais qui possédaient peut-être une petite maison de retraite ou encore des biens immeubles modestes aux États-Unis.
Nous avons décidé d'appliquer cette disposition de manière rétroactive pour les décès survenus entre novembre 1988 et la date d'entrée en vigueur du protocole.
[Français]
M. Loubier: J'accepte votre explication. J'aimerais savoir combien cette disposition de rétroaction va coûter au fisc canadien. Avez-vous estimé le coût de la rétroaction? Avant que vous ne répondiez à ma question, j'aimerais répondre au secrétaire d'État, qui vient de dire qu'on ne signe pas de convention avec des paradis fiscaux et qu'il n'y a que des traités fiscaux avec des pays qui veulent bien en signer avec le Canada.
En 1992, 1993 et 1994, le vérificateur général lui-même remettait en question la validité de 16 conventions fiscales signées entre le Canada et des pays considérés comme de véritables passoires sur le plan fiscal. Si le vérificateur général remettait en question ces conventions fiscales, ouvrant ainsi la porte à une révision, vous ne pouvez pas blâmer le Bloc québécois et dire que c'est une question partisane. C'est une question d'équité fiscale pour les milliers de contribuables québécois et canadiens auxquels vous demandez des sacrifices inouïs depuis dix ans. On doit donc réexaminer ces conventions. C'est aussi l'avis des comptables agréés du Canada.
Dans le dernier magazine qu'ils ont publié, ils incitaient les entreprises à se prévaloir des conventions fiscales signées avec la Barbade, les Antilles, etc., pour éviter de payer de l'impôt au gouvernement fédéral. On disait même qu'il fallait investir dans certains pays des Antilles, le taux d'impôt sur les profits y étant d'environ 2 ou 3 p. 100. On donnait même des exemples.
Par ailleurs, dans une autre étude, on disait que les cinq grandes banques canadiennes avaient à peu près 50 filiales dans les Antilles, alors qu'ils n'en ont que 80 ailleurs sur la planète. Si ce n'est pas pour éviter de l'impôt, pourquoi font-elles cela?
Y a-t-il tellement d'épargnants dans les Antilles que la Banque Royale, la Banque de Montréal et les autres banques éprouvent le besoin d'y ouvrir 50 succursales? Elles le font parce qu'il y a un traitement préférentiel quelque part.
J'aimerais soulever une autre question, monsieur le secrétaire d'État, qui me fait éprouver le besoin de rouvrir ces conventions fiscales. Jusqu'en 1988, le ministère des Finances publiait des données sur les sociétés qui avaient été rentables, mais n'avaient pas payé d'impôt au cours des années. Il a mis fin à cette publication en 1988 parce que c'était trop révoltant.
En 1988, la dernière année pour laquelle ces chiffres sont disponibles, 27 milliards de dollars de profits d'entreprises canadiennes n'avaient pas été imposés; 12 ans auparavant, on parlait de 3 à 4 milliards de dollars.
Donc, je suis un peu déçu. Je suis satisfait du projet de loi S-9, de la Convention fiscale avec un pays comme les États-Unis où les taux d'imposition sont relativement similaires, mais je suis vraiment déçu de votre bilan comme secrétaire d'État. Alors que vous auriez dû, de l'avis même du vérificateur général, redéposer les conventions fiscales signées avec les 16 pays considérés comme des paradis fiscaux, vous ne l'avez pas fait en deux ans.
Par contre, vous avez demandé aux contribuables de sabrer dans leurs dépenses. Vous leur avez demandé de se serrer la ceinture. Vous avez soutiré de façon éhontée du fonds d'assurance-chômage plusieurs milliards de fonds qui provenaient de contributions de travailleurs et d'employeurs, au Québec comme au Canada, mais vous n'avez jamais daigné vous pencher sur les conventions fiscales signées avec des paradis fiscaux où transitent des centaines de millions de dollars sinon des milliards de dollars d'impôt impayé au fisc canadien.
Je sais que vous avez des amis dans la grande entreprise canadienne mais, à un moment donné, les Canadiens et les Canadiennes, comme les Québécois et les Québécoises, verront qu'il n'est pas dans leur intérêt de continuer dans un tel régime.
[Traduction]
M. Ernewein: Monsieur le président, je pourrais peut-être répondre à la question de l'impôt sur les successions. À notre avis, le gros des coûts entraînés par les modifications à l'impôt sur les successions sera assumé par les États-Unis pour la simple raison que ce sont eux qui acceptent de réduire leur impôt sur les successions en haussant le plafond de l'exemption aux États-Unis.
La disposition relative à l'impôt sur les successions impose une obligation au Canada. Celle de fournir un crédit pour impôts étrangers suite au décès de la personne, pour les impôts payés aux États-Unis en vertu de la législation américaine.
Nous n'avons pas de chiffres concrets à vous fournir. Je ne sais pas si nous sommes en mesure d'en obtenir. Je peux toutefois vous dire que, d'après certaines de nos données, en 1992, le montant total de revenus de sources étrangères gagnés par des particuliers au cours de l'année du décès n'était que de 10 millions de dollars.
Si vous prenez ce chiffre et l'appliquez au taux d'imposition maximal exigé au niveau fédéral, on arrive à trois millions de dollars en chiffres ronds. Si l'on déduit la somme de un million de dollars qui a déjà été réclamée au titre du crédit pour impôt étranger, on se retrouve avec un maximum de deux millions de dollars qui pourraient être déduits aux fins du crédit pour impôt sur les successions.
On part toutefois du principe que tous les revenus gagnés par les particuliers au cours de l'année du décès proviennent de sources américaines et sont absorbés par l'impôt américain sur la succession, ce qui est assez vaste comme supposition. Par conséquent, le chiffre de deux millions pourrait facilement être divisé en dixièmes, de sorte que ces coûts ne représenteraient qu'un dixième de ce montant.
Autrement dit, et on ne peut l'affirmer avec certitude, mais je crois que les crédits accordés par la disposition sur les impôts perçus en cas de décès dans le protocole ne représenteront vraisemblablement que des sommes très modestes.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): J'aimerais obtenir des précisions sur l'imposition du revenu des retraités canadiens aux États-Unis. Si j'ai bien compris les propos de M. Walker, aucun impôt n'est perçu au Canada en vertu de cette loi, et 50 p. 100 du revenu des retraités est assujetti à l'impôt aux États-Unis. Est-ce exact? Est-ce que cela s'applique uniquement aux gens qui résident en permanence aux États-Unis ou également aux hivernants qui vont y passer quelques mois tous les ans?
M. Ernewein: Cela ne s'applique qu'aux résidents des États-Unis; ceux qui maintiennent leur résidence au Canada ne seraient pas touchés dans ce contexte par le traité ou le protocole de la convention Canada-États-Unis.
M. Grubel: Pour ceux qui sont des résidents permanents, la nouvelle loi dit que le Canada impose tous les revenus, mais que les États-Unis ne percevront plus d'impôt.
M. Ernewein: C'est exact. Selon la convention actuelle, les paiements de sécurité sociale ne sont imposés que dans le pays de résidence du bénéficiaire. Le nouveau protocole aura pour effet de renverser cette situation, de sorte que le pays qui est chargé de verser les prestations de pension décidera maintenant s'il veut ou non imposer ces avantages.
M. Grubel: Si une personne ne reçoit que des prestations de pension du Canada et qu'elle ne touche aucun autre revenu, ou si les sommes en question sont insignifiantes ou même nulles, dans quelle mesure les autres revenus des Canadiens vivant aux États-Unis peuvent-ils influer sur l'imposition de leur revenu de pension ici? Est-ce qu'on qualifiera cela de revenu marginal?
M. Ernewein: Le processus d'imposition de ce revenu a été annoncé par le ministre au moment où le protocole a été signé la première fois. Je dis «la première fois» parce qu'il a été signé en août et qu'il a subi de légères modifications avant d'être appliqué de nouveau en avril de cette année.
Le projet de loi qui vise à mettre en vigueur ce protocole fait partie de la législation budgétaire de 1995 dont est saisi le Parlement. Le taux d'impôt serait fixé à 25 p. 100, à la condition que la personne remplisse une demande et soumette une déclaration d'impôt de base. Si je ne m'abuse, on ne tient compte que des sources de revenu canadiennes pour déterminer le taux marginal. Il faudrait également tenir compte des revenus provenant de sources étrangères pour déterminer si une personne a droit à certains crédits d'impôt.
Il y a une autre disposition dans le budget de 1995 qui prévoit la récupération de la pension de sécurité de la vieillesse versée aux contribuables à revenu élevé. Si la loi est adoptée, elle s'appliquera dès juillet 1996 aux non-résidents, du moins dans les cas où nos traités nous l'autorisent à le faire, ce que nous permettra ce protocole. Ainsi, le contribuable sera tenu de rembourser la totalité de la pension de sécurité de la vieillesse, sauf s'il soumet une déclaration qui montre que le revenu de toutes provenances est en-deçà du plafond et ne peut donc être imposé.
M. Grubel: J'aimerais vous féliciter, ainsi que le ministre ou quiconque a négocié ce protocole. À mon avis, il s'agit d'un geste fort généreux de la part du gouvernement américain qui a tendance à imposer les revenus de toutes provenances, que vous soyez un résident ou un citoyen vivant aux États-Unis. De plus, par souci d'équité, et je n'aime pas employer ce mot, mais sûrement par souci d'efficience, les résidents permanents aux États-Unis utilisent les services offerts par l'État- protection de la police, FBI, armée, autoroutes et toutes les choses de ce genre - et une partie de leur revenu, qu'ils dépensent ici et dont ils tirent profit, est maintenant d'abord imposée par le Canada. Je suis très étonné et je vous félicite d'avoir amené les Américains à accepter une telle chose.
Le président: J'accepte vos félicitations. Merci beaucoup.
M. Grubel: Mon ami et collègue vient de dire que cela vaut aussi pour les autres, mais je crois qu'il existe un déséquilibre important au niveau de la résidence. Je m'en tiens à ce que j'ai dit. J'ai déjà travaillé pour le Trésor américain et je suis très étonné.
Le président: Nous vous remercions de vos bonnes paroles, monsieur Grubel. Le seul inconvénient, c'est qu'elles vont inciter M. Baker à attaquer ce projet de loi.
M. Baker (Gander - Grand Falls): Monsieur le président, j'aimerais demander aux témoins qui étaient les négociateurs pour le Canada? Qui gagne dans ce protocole? Qui en sort gagnant? Le Canada ou les États-Unis? Vous devez sûrement savoir qui est avantagé par ce protocole.
M. Ernewein: Merci pour la question.
Non, nous ne cherchons pas à savoir qui a obtenu les meilleurs résultats dans les négociations sur les conventions fiscales. Les deux objectifs fondamentaux précisés dans le préambule de la plupart des conventions sont l'élimination de la double imposition et la prévention de l'évasion fiscale. Nous espérons que ce protocole favorise la réalisation de ces objectifs. On peut par exemple réduire la double imposition en harmonisant, si vous le voulez, par le biais des dispositions sur le crédit pour impôt étranger, l'impôt américain sur les successions et l'impôt canadien sur les gains en capital en cas de décès.
De plus, on peut prévenir l'évasion fiscale en établissant une procédure d'assistance en matière de perception, procédure qui nous permet de demander aux autorités fiscales américaines de nous aider à percevoir les impôts impayés par, comme je me plais à les appeler, les débiteurs en fuite - les citoyens canadiens qui déménagent aux États-Unis. Les autorités américaines peuvent elles aussi demander à Revenu Canada de les aider à percevoir les impôts de citoyens américains qui se sont installés au Canada.
M. Baker: Soyons un peu plus précis. Qui serait le gagnant et qui serait le perdant au chapitre de la réduction de l'impôt retenu - réduction de 50 p. 100 - sur les dividendes directs? Est-ce que ce serait les multinationales américaines et le gouvernement américain ou les multinationales canadiennes et le gouvernement canadien, et dans quelle proportion?
M. Ernewein: La convention actuelle stipule que la réduction du taux de l'impôt retenu à la source sur les dividendes versés aux actionnaires importants, c'est-à-dire à ceux qui détiennent plus de 10 p. 100 des voix et des actions de la société résidente dans d'autres pays, s'élève à 10 p. 100. Il est proposé de la ramener à 5 p. 100 d'ici 1997, à 6 p. 100 pour 1996 comme mesure de transition. C'est le gouvernement précédent qui a annoncé cette politique dans les documents budgétaires de 1992, tout en fournissant des estimations de coûts à ce moment-là. J'ai ces documents avec moi.
M. Baker: Je vous demande qui y a gagné et qui y a perdu et non pas combien d'argent le gouvernement canadien devra rembourser. Ce n'est pas du tout la même question.
M. Ernewein: Je ne sais pas vraiment sous quel autre angle aborder la question.
M. Baker: D'accord, continuez.
M. Ernewein: La réduction du taux de l'impôt retenu à la source est à l'avantage immédiat du contribuable. On espère qu'une telle mesure suscitera l'intérêt dans l'investissement au Canada, ou le maintiendra, et qu'elle finira donc par être à notre avantage. Rien ne le garantit. Il est important que nos taux restent concurrentiels par rapport à ceux d'autres pays; tel est l'objet de ce changement.
Le contribuable bénéficiera-t-il de cet avantage et, par conséquent, modifiera-t-il ou conservera-t-il ses habitudes en matière d'investissement? Cela dépend de l'autre compétence et si elle le frappera de l'impôt ou non.
En général, nous n'imposons pas les dividendes provenant des subsides versés par les États-Unis aux sociétés canadiennes. Par contre, les État-Unis prélèvent un impôt sur les versements effectués par des sociétés canadiennes aux actionnaires américains. Toutefois, on nous dit souvent que la charge fiscale au Canada est suffisamment lourde et qu'il y a donc assez de crédits pour impôts étrangers imposés au Canada, compensant ainsi tout impôt américain, de manière que cette réduction reviendra aux contribuables.
M. Baker: En d'autres termes, vous ne le savez pas.
M. Ernewein: En d'autres termes, je ne le sais pas exactement.
M. Baker: Permettez-moi de vous poser cette question. Je m'intéresse à cette partie des négociations de la convention. Chaque pays qui négocie des conventions fiscales le fait habituellement lorsque c'est à son avantage. Je ne pense pas me tromper, n'est-ce pas?
Dans le cas qui nous occupe en ce moment, j'aimerais vous demander ce que vous pensez des témoignages recueillis aux États-Unis, lors d'une audience du comité des relations étrangères - je peux vous en remettre un exemplaire, si vous le désirez - cette audience a eu lieu il y a quelques mois au Sénat américain. Quelqu'un du nom de - je crois que vous le connaissez, personnellement peut-être - l'honorable Leslie Samuels, sous-secrétaire du Trésor au gouvernement américain, déclare ce qui suit à la page 42, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez :
- À mon avis, si vous examinez les conventions dont est saisi le Comité
- - il y en avait sept -
- nous pensons, qu'à l'exception du Canada ... c'est probablement zéro. - la question était de
savoir, ainsi que je vous l'ai posée, qui en a profité? -
- C'est probablement zéro.
- En ce qui concerne le Canada ... lorsque l'on examine les mouvements relatifs de revenus, nous
pensons que les États-Unis retirent des revenus plus importants
- - de leur investissement - au Canada
- que le Canada n'en retire
- - de son investissement - aux États-Unis.
Plus tard au cours de l'audience, c'est M. Robert Green qui prend la parole. Il est vice-président en matière de politiques fiscales pour le National Foreign Trade Council des États-Unis, lequel regroupe 500 sociétés américaines et, d'après ce que je peux comprendre, certaines sociétés canadiennes. À la page 81, M. Green s'exprime en ces termes:
- Le mouvement des investissements entre les deux pays est important et favorise les États-Unis.
Nous avons beaucoup plus d'investissements au Canada que le Canada n'en a aux États-Unis.
- Nos experts en matière de revenus...ont fait quelques analyses préliminaires ... le protocole
canadien augmenterait les recettes du budget fédéral américain ... grâce essentiellement à la
réduction de l'impôt étranger.
- - etc.
Mr. Ernewein: Je ne conteste pas l'importance de l'investissement au Canada par des sociétés américaines par rapport à celle de l'investissement aux États-Unis par des sociétés canadiennes. Je n'ai pas de chiffres là-dessus. Il me semble que ce que vous dites révèle que tel est le cas. Cela sous-entend également que les mouvements de dividendes, qui sont des mouvements d'investissement arrivant au Canada, vont produire des dividendes plus élevés pour le bénéfice des actionnaires américains de sociétés canadiennes que l'inverse.
Mr. Baker: Permettez-moi d'aller plus loin et de vous demander des précisions au sujet de la deuxième réduction, qui passe de 10 à 5 p. 100. Il s'agit de la réduction d'impôt de 50 p. 100 accordée aux multinationales américaines grâce aux mouvements des dividendes des investissements directs qui reviennent aux États-Unis.
Laissons cela pour l'instant. Si j'ai bien compris, vous avez des chiffres qui indiquent que cette réduction va coûter de 125 à 135 millions de dollars cette année au gouvernement. Vous avez de tels chiffres, n'est-ce pas?
M. Ernewein: Les prévisions budgétaires faites en 1992 pour la période 1995-1996 indiquaient 125 millions de dollars.
M. Baker: C'est bon.
La deuxième réduction est celle de l'intérêt qui passe de 15 à 10 p. 100. Je vais vous demander ce que vous pensez des propos des représentants du Trésor américain qui figurent à la page 24 des audiences au Congrès américain:
- ... cette réduction avantagera considérablement les bénéficiaires de versements d'intérêt de
source canadienne. Elle aura un effet moindre sur les sorties d'intérêts américains au Canada,
car la plupart de ces mouvements sont déjà exonérés de l'impôt américain en vertu des
dispositions du code visant les intérêts de portefeuille.
C'est une voie à sens unique qui donne un avantage fiscal important aux États-Unis, tandis que nous n'en retirons rien, d'après M. Samuels. Qu'en pensez-vous? A-t-il tort ou avons-nous commis une erreur?
M. Ernewein: J'ai deux remarques à faire. Premièrement, à toutes fins pratiques, une grande part des paiements d'intérêt de source canadienne sont, à l'instar des paiements d'intérêt de source américaine, déjà exonérés de l'impôt retenu à la source. La plus grande partie probablement, assujettie à l'impôt retenu à la source, vise les personnes liées, pour lesquelles nous ne prévoyons aucun allégement, contrairement aux États-Unis.
Deuxièmement, il me semblerait raisonnable de reconnaître que les sociétés américaines font de plus gros investissements au Canada par le truchement de placements par emprunt que le Canada ne fait d'investissements sous forme de titres d'emprunt américains. Là encore, cela semblerait indiquer qu'une réduction de l'impôt retenu à la source aurait un effet plus important pour le Canada que pour les États-Unis.
M. Baker: Nous perdons donc 125 millions de dollars à cause de la première réduction. Nous accusons une perte considérable, parce que vous n'avez pas quantifié le montant de la deuxième réduction, celle de l'intérêt. Il y a ensuite une troisième réduction, celle des redevances.
Je pourrais vous citer de nombreux témoignages à propos des réductions des redevances qui sont à l'avantage des États-Unis. Il s'agit d'argent dont disposent les sociétés américaines.
À combien s'élèvent, d'après vous, nos pertes dont ont bénéficié les multinationales américaines, par rapport aux pertes qu'ont subies les États-Unis, suite à ces trois réductions d'impôt? Combien d'argent? S'agit-il du montant net? L'une de ces réductions équivaut à 125 millions de dollars. À combien s'élèvent les deux autres?
M. Ernewein: Nos économistes nous exposent clairement la situation. D'après les estimations de coûts des changements apportés à la convention en matière de redevances, et déjà intégrées au régime fiscal, il s'agit d'une somme de 30 millions de dollars par an.
Nous n'avons pas de chiffres, autant que je sache, en ce qui concerne les intérêts. Je crois comprendre qu'il devrait être moins élevé que l'un ou l'autre de ces deux chiffres, mais si j'ajoute 125 à 30 millions de dollars, j'obtiens 155 millions de dollars pour cette année.
Je soulignerai de nouveau que la réduction de l'impôt retenu à la source a eu un effet direct. On ne prend pas en compte les décisions d'investissement qui peuvent changer, etc.
M. Baker: Pourquoi négocieriez-vous une convention alors que toutes ses dispositions, d'après les témoignages ...? Laissez-moi reformuler ma question. Vous dites que ces 5 p. 100 correspondent à l'objectif de l'OCDE. Tel n'est pas le cas de la convention qu'ont signée les États-Unis avec le Japon, l'Australie, l'Allemagne ou la Chine, ou n'importe quel autre pays de l'ancienne URSS. Ils ont 43 conventions fiscales dans le monde entier et la moitié d'entre elles, soit 20, ne correspondent pas à ce taux de 5 p. 100.
La convention espagnole a été négociée en même temps que la convention canadienne. Le gouvernement américain explique la raison pour laquelle il ne pouvait faire en sorte que l'Espagne adopte directement le taux de 5 p. 100 et qu'il fallait attendre l'accord de la CEE. Le cas de l'Espagne est exposé à la page 96:
- ... il aurait fallu négocier un protocole pour obtenir un tel taux, ce qui aurait été fort
probablement possible, seulement après d'importantes concessions de la part des États-Unis.
- Il serait inopportun de réduire l'impôt américain sur le rendement des investissements à leur
arrivée, si l'autre pays ne peut pas offrir un avantage correspondant en échange d'un traitement
favorable aux États-Unis.
Je comprends bien que ces négociations ont été entamées il y a longtemps, mais qu'avons-nous obtenu en retour? Êtes-vous en train de dire au comité que vous avez obtenu une convention des États-Unis qui vous permet de donner un crédit d'impôt à tous ceux qui ont des biens aux États-Unis dont la valeur est supérieure à 600 000$, en vertu de la disposition relative à l'impôt perçu en cas de décès? Est-ce pour empêcher que ceux qui ont plus de 600 000$ de biens aux États-Unis ne soient pas frappés d'une double imposition?
C'est la raison pour laquelle le gouvernement canadien, sous l'administration Mulroney, a recherché cette convention fiscale; c'était pour modifier l'impôt perçu en cas de décès. Il s'agit des changements qui sont survenus en 1988.
Est-ce bien cela que nous avons obtenu? Quel avantage avons-nous tiré de tout ceci? Je suis perplexe. Pourquoi négocierions-nous une convention qui, selon les Américains, ne rien?
M. Ernewein: Le problème qui se pose ici, monsieur le président, c'est que je n'accepte pas que l'on caractérise les témoignages devant le Sénat américain. Je pense qu'il est normal qu'il dise que la réduction de l'impôt retenu à la source permettra, dans certains cas, l'imposition d'autres revenus, ce qui pourrait avoir des effets positifs pour les États-Unis en matière de recettes.
En raison de nos taux d'imposition et compte tenu de la charge fiscale globale, je pense qu'il est raisonnable de supposer que la plupart des avantages vont revenir aux contribuables plutôt qu'à l'administration fiscale et que les avantages qu'ils pourront réaliser sont probablement tout à fait modestes. Pour en revenir à ce que le Canada a obtenu en contrepartie, je peux dire que nous avons obtenu ce que nous recherchions au chapitre de l'allégement de l'impôt sur les successions, non pour ceux dont la valeur de la succession dépassait 600 000$, mais pour ceux dont la valeur de la succession était inférieure à 600 000$.
Enfin, nous avons trouvé, ou retrouvé, une meilleure compétitivité vis-à-vis nos taux d'impôt. À cet égard, les États-Unis ont signé plusieurs conventions où le taux prévu est supérieur à 5 p. 100. C'est entendu. Mais ce n'est pas le cas de la plupart des conventions récentes. Je ne crois pas que ce soit le cas de la convention signée avec le Mexique. Je pense que les taux prévus dans les conventions que les États-Unis ont signées avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France sont de 5 p. 100. Compte tenu de l'importance de ces pays, on peut envisager les choses sous un autre angle.
M. Baker: Nous n'accorderons pas maintenant de crédit d'impôt à une personne assujettie à l'impôt des États-Unis sur les successions si elle possède des biens de plus de 600 000$ en rendement étranger? Nous ne lui accorderons pas de crédit d'impôt?
M. Ernewein: Non, pas du tout. Tout d'abord, dans de nombreux cas, il ne sera pas nécessaire de donner un crédit d'impôt, parce que les États-Unis auront allégé l'impôt pour commencer. En d'autres termes, il n'y aura rien à créditer.
Deuxièmement, nous avons entrepris d'intégrer l'impôt des États-Unis sur les successions à l'impôt canadien sur le revenu, ce qui veut dire que nous donnerons un crédit dans la mesure où nous imposons un impôt américain, ou où nous imposerions un impôt américain, sur le même montant déjà imposé par les États-Unis. Ainsi que le prévoient toutes nos conventions ou notre régime fiscal interne, c'est au pays dans lequel se trouvent le revenu ou les biens, que nous accordons le premier droit d'imposition. Il n'y a rien de changé à cet égard.
M. Baker: Il reste toutefois que l'impôt des États-Unis sur les successions est habituellement de 55 p. 100 pour les biens dont la valeur excède 600 000$. Il leur suffit de venir examiner vos meubles, vos tableaux, votre argenterie, etc., pour vous imposer. Vous devez payer un montant correspondant à environ la moitié de tout ce que vous possédez pour les biens dont la valeur dépasse 600 000$. Si vous avez investi dans des actions et des obligations américaines que vous vous êtes procurées auprès d'un courtier canadien, et que vous en obtenez des revenus lorsque vous décédez, vous pouvez, en vertu de ce projet de loi, obtenir un crédit d'impôt pour les capitaux que vous avez réalisés grâce à des investissements américains.
Mr. Ernewein: Pas tout à fait. Nous accordons un crédit d'impôt dans la mesure où le contribuable doit payer un impôt sur le revenu au Canada pour les mêmes biens. Les États-Unis peuvent imposer ces biens à un taux maximal de 55 p. 100. Nous n'avons pas modifié ce taux dans le protocole. On ne peut pas s'attendre à ce que nous leur demandions de réduire leur taux d'impôt; ils ne nous ont pas demandé de réduire le nôtre. Dans la mesure où nous imposons le même montant, nous donnons un crédit. Si aucun bénéfice n'est réalisé sur ces biens et que par conséquent aucun impôt n'est payable au Canada, il n'y a pas de crédit à demander.
M. Baker: Bien entendu, mais ce qui change ici, c'est l'introduction du crédit pour impôts étrangers. Habituellement, un crédit pour impôts étrangers s'applique uniquement à l'impôt sur le revenu, n'est-ce pas? Il s'agit du nouveau changement dont nous parlons.
À propos de la disposition relative à des dons de charité versés à n'importe quel collège aux États-Unis, le contribuable canadien.... J'imagine que le gouvernement pourrait prétendre que cette disposition existe depuis 1987 ou 1988. Vous obtenez un crédit d'impôt pour vos dons de charité là où votre fils ou votre fille a étudié - était-ce en 1987, 1988 ou en 1984?
M. Ernewein: C'est devenu un crédit d'impôt à partir du moment où les déductions sont devenues des crédits, en 1988. C'est depuis 1967 ou 1968 qu'un allégement est prévu en pareils cas.
M. Baker: Pourquoi l'intégrez-vous de nouveau dans cette convention? Pourquoi avez-vous supprimé le paragraphe actuel XXI.6 pour le remplacer par ce nouveau paragraphe XXI.6 formulé exactement de la même manière et prévoyant exactement la même exception? Avez-vous envisagé de supprimer cette exonération de manière à ne pas accorder de crédits à des gens fortunés pour qu'ils puissent envoyer leurs enfants dans une université à la mode aux États-Unis alors qu'ils n'y arrivaient pas au Canada?
M. Ernewein: Monsieur le président, pour la gouverne des autres membres du Comité, je dois dire que le Canada permet le versement de dons de charité à des universités et collèges canadiens. Depuis 30 ans ou presque, cela a permis à des universités et collèges étrangers inscrits de bénéficier d'un allégement. Dans la convention fiscale canado-américaine de 1980, cet allégement est devenu bilatéral et les États-Unis ont accepté d'accorder un allégement dans le cas de contributions effectuées par des contribuables américains à des universités et collèges canadiens. Dans le cas de l'allégement que nous avons accordé au Canada, au lieu de rallonger la liste des quelques centaines d'universités et collèges, nous avons simplement exigé que le donneur ou un membre de sa famille fréquente cet établissement.
À ma connaissance, il n'est pas du ressort des fortunés d'obtenir un allégement en vertu de ce paragraphe. Dans tous les cas, le protocole ne l'a en rien modifié, ainsi que l'indique la question de M. Baker.
M. Baker: Pourquoi l'avez-vous remplacé?
M. Ernewein: C'était pour tenir compte du fait que l'allégement fiscal prévu par le Canada pour les dons de charité de particuliers est passé de la catégorie des déductions au milieu des années quatre-vingt à celle des crédits d'impôt en 1988. Cette disposition n'a pas été modifiée dans ce protocole si ce n'est que pour faire mention de l'allégement fiscal par opposition à la déduction, tenant ainsi compte des pratiques administratives de Revenu Canada depuis 1988.
Le président: Merci, monsieur Baker.
Au chapitre des mouvements internationaux d'investissement, les États-Unis perçoivent auprès de leurs contribuables des impôts sur tout revenu de source canadienne, de telle façon que le contribuable américain paie le taux canadien ou américain le plus élevé. Bien entendu, il reçoit un crédit pour les impôts canadiens qu'il a versés. Lorsque vous avez des mouvements de revenus, le fait est que vous payez souvent plus de 50 p. 100 aux États-Unis, en supposant que le taux américain est de 50 p. 100, parce que vous avez l'impôt canadien retenu à la source. Est-ce exact?
M. Ernewein: Si je comprends bien votre question, la réponse est certainement oui; vous allez payer l'impôt le plus élevé des deux.
Le président: Il sera souvent supérieur à 50 p. 100 aux États-Unis, ce qui est un taux plus élevé que leur impôt régulier. Permettez-moi maintenant de reformuler tout ceci. C'est souvent le taux américain qui sera payé, car il est plus élevé que le taux canadien. Le taux total que vous paierez sera augmenté du montant de l'impôt canadien retenu à la source, ce qui vous amène souvent à un taux plus élevé que vous devriez normalement payer aux États-Unis, lorsque vous prenez en compte le crédit d'impôt aux États-Unis qui est offert dans le monde entier.
M. Ernewein: En réalité, je ne comprends pas les choses exactement de la même façon; en effet, il me semble que les taux d'impôt canadien ou les impôts payables au Canada, par les sociétés en particulier, sont souvent plus élevés qu'aux États-Unis, ce qui signifie que l'impôt que vous payez au Canada sera plus élevé que celui qui est exigé aux États-Unis.
Le président: C'est ce que je voulais dire, monsieur. Les Américains ont un excédent de crédit pour impôt étranger qu'ils ne peuvent pas utiliser.
M. Ernewein: C'est exactement ce qui est dit.
Le président: En d'autres termes, si les taux canadiens d'impôt des sociétés et d'impôt retenu à la source combinés dépassent les taux américains, l'investisseur américain est frappé d'une pénalité fiscale qui est un obstacle à l'investissement au Canada.
M. Ernewein: C'est certainement ce que l'on pose en principe et cela nous ramène à une question posée plus tôt: l'avantage que représente la réduction de l'impôt retenu à la source reviendra-t-il au contribuable ou cela équivaut-il simplement à transférer des fonds de notre trésor à celui d'une compétence étrangère.
Le président: Je suis d'accord avec vous. Puis-je également vous poser une autre question. Lorsque nous avons entrepris d'éviter la double imposition au plan international, nous avons au fil des ans établi plusieurs règles acceptables sur la scène internationale. Lorsque vous imposez les gains provenant des biens immobiliers par exemple, le pays qui détient la première compétence d'imposition est le pays où se trouve le titre de propriété de tels biens immobiliers. Est-ce exact? Dans tous les pays civilisés, la première compétence d'imposition appartient au pays où se trouvent les biens immobiliers.
M. Ernewein: À première vue, je ne connais pas d'exception à cette règle.
Le président: La même chose s'appliquerait aux mines. Si une société qui appartient à un étranger se trouve au Canada, c'est le Canada qui est la première compétence d'imposition des gains. Est-ce exact?
M. Ernewein: Oui.
Le président: Par conséquent, en ce qui concerne l'imposition de l'investissement étranger au Canada, c'est le Canada qui serait la première compétence d'imposition. Si les Américains vendent une filiale canadienne, nous faisons la première ponction fiscale et la société en question obtient un allégement fiscal aux États-Unis correspondant à l'impôt imposé au Canada. Est-ce exact?
M. Ernewein: Lorsque vous commencez à parler de ventes de filiales, c'est-à-dire de la société elle-même, il ne faut pas oublier que certaines dispositions de nos conventions fiscales prévoient une exemption. Dans l'exemple que vous donnez, lorsque la valeur de la société est attribuable essentiellement à des biens immobiliers ou à des mines au Canada, par exemple, c'est le Canada qui conservera la première compétence d'imposition.
Le président: Ce qui est tout à fait logique.
M. Grubel: J'aimerais ajouter quelques observations. Ce n'est pas aussi simple que vous le présentez, étant donné qu'il y a une différence entre le taux d'imposition nominal et le taux d'imposition effectif. En effet, ce que paient les sociétés ne correspond pas uniquement au taux d'imposition du bénéfice déclaré, mais les bénéfices sont calculés en fonction des règles de dépréciation, de diverses charges sociales et autres choses du genre.
Selon certaines études, comme nous voulons faire preuve de neutralité envers les États-Unis, le taux d'imposition effectif entre le Canada et les États-Unis est en fait identique, lorsque l'on tient compte de tous les éléments.
M. Baker: Monsieur le président, c'est un sujet intéressant, mais permettez-moi de poser une question au témoin à cet égard. On pourrait penser qu'une société multinationale souhaite s'installer dans le pays où l'impôt est le plus bas. Au Japon, l'impôt sur les sociétés est de 52 p. 100; au Canada, l'impôt fédéral sur les sociétés s'élève à 38 p. 100. On arrive à une moyenne de 43 p. 100, si l'on combine l'impôt fédéral et l'impôt provincial. Aux États-Unis, l'impôt national est de 35 p. 100. Si l'on y ajoute l'impôt de chaque État, on arrive à 40 p. 100.
Si le principe d'où l'on part est exact, une société s'installerait, ou essaierait d'implanter une filiale, dans un pays où l'impôt sur les sociétés est plus bas... Je pense que vous savez ce que je vais demander. Brian sourit, il sait exactement ce que je vais demander.
M. Ernewein: Je jure que non.
M. Baker: Bien sûr que oui, parce que nos témoins -
Le président: Posez votre question, monsieur Baker.
M. Baker: Dans ces négociations, le Canada a choisi de renoncer à la protection contre le chalandage fiscal. Il s'agit d'une disposition unilatérale de cette convention qui ne vise que les États-Unis. Pouvez-vous expliquer au comité pourquoi le Canada a adopté une telle position?
M. Grubel: Qu'entendez-vous par chalandage fiscal?
M. Baker: Disons par exemple que vous êtes une société japonaise et que vous vous installez aux États-Unis; à toutes fins pratiques, si vous n'êtes pas résident des États-Unis et si vous faites des affaires au Canada, les États-Unis pourraient dire désolé, mais nous allons uniquement remplir nos obligations à l'égard de véritables résidents canadiens, en vertu de la présente convention. Si vous êtes véritablement un résident canadien, vous pouvez profiter de notre taux d'impôt retenu à la source qui est peu élevé aux États-Unis si vous investissez aux États-Unis.
Le Canada a choisi de renoncer à cette protection. Je me demande pourquoi. À la lecture de la convention, il ressort clairement que vous avez choisi d'y renoncer. Le Canada est le seul pays du monde avec lequel les États-Unis ont signé une convention fiscale, qui ait choisi de renoncer à la disposition empêchant le chalandage fiscal.
Voulez-vous que tous les pays du monde aillent aux États-Unis pour profiter du chalandage fiscal, possible au Canada, grâce à ces nouvelles réductions de taux?
M. Ernewein: Monsieur le président, nous ne sommes pas très enthousiasmés par la manière dont les États-Unis combattent le chalandage fiscal. D'après notre expérience, et d'après ce que nous avons pu entendre, le Canada n'a pas la réputation de paradis fiscal.
Une voix: C'est bien le moins qu'on puisse dire.
M. Baker: Tout à fait.
M. Ernewein: Au cours des négociations, nous n'avons certainement pas été informés de nombreux cas, ou de cas tout simplement, où le Canada aurait servi de tête de pont ou de pays où quiconque aurait pu obtenir les avantages offerts par les États-Unis en vertu de leurs conventions. Dans le cadre de leur politique de négociation en matière de conventions, les États-Unis, depuis plusieurs années maintenant, et je crois pour toutes les conventions qu'ils ont signées ces dernières années, ont toujours demandé et obtenu la règle relative au chalandage fiscal. Si nous ne sommes pas très enthousiastes à cet égard, c'est parce que cette règle s'appuie sur une série de tests, suivis de quelques déterminations plus subjectives et suivis enfin par l'obligation de demander au IRS s'il est possible, dans la mesure où l'on n'a pas besoin des autres tests, d'obtenir les avantages de la convention d'une autre façon.
Nous nous préoccupons un peu du chalandage fiscal. Je ne pense pas que nous ayons d'inquiétude particulière à ce sujet dans le contexte des États-Unis, mais nous ne pensons pas qu'il suffise d'adopter une série de règles pour venir à bout de cette question, car souvent, les règles elles-mêmes expliquent comment on peut les contourner.
Par contre, nous avons explicitement indiqué dans ce protocole qu'il ne faut pas déduire que nous avons choisi de renoncer à l'application de principes généraux en matière d'interprétation de la convention, ainsi qu'aux limites généralement fixées en matière du droit de recours aux conventions pour profiter d'avantages qui devraient être réservés à des situations légitimes en matière de commerce ou d'investissement.
Le président: Merci, monsieur Baker, pour vos questions intéressantes.
Je tiens à remercier les membres du comité aujourd'hui ainsi que nos invités.
Avec votre permission, pouvons-nous passer au projet de loi S-9?
Des voix: D'accord.
Les articles 1 à 4 inclusivement sont adoptés
Le président: L'annexe IV est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi S-9 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Mesdames et messieurs, permettez-moi de vous remercier de votre coopération et de votre intérêt.
Oui, monsieur Silye.
M. Silye (Calgary-Centre): Je n'ai pas compris la définition de George à propos du chalandage fiscal. Il a oublié de faire le lien avec le Japon. Est-ce que Brian ou George peuvent encore l'expliquer?
M. Baker: Si vous êtes une société japonaise, vous n'aimeriez pas vous installer au Japon, en raison du taux d'impôt sur les sociétés qui est de 52 p. 100. Vous préféreriez vous installer ailleurs.
M. Silye: Vous vous installez donc aux États-Unis.
M. Baker: Oui. Vous voulez fonctionner au Canada, en fait, mais vous optez pour les États-Unis, parce que tous vos bénéfices qui proviennent du Canada, tous les dividendes et les bénéfices qui vous proviennent de votre filiale au Canada, que vous avez implantée dans ce pays, seront imposés à ce taux réduit de 5 p. 100.
M. Silye: George, vous dites que cette société va aux États-Unis. C'est là que je ne vous suis plus. Elle s'implante aux États-Unis.
M. Baker: Oui, c'est exact. Elle est implantée aux États-Unis, mais ne s'implanterait pas au Canada. Si elle s'implantait au Canada, elle ne serait pas résidente du Canada. Elle est toujours résidente du Japon. Donc, si elle s'implantait au Canada pour rayonner dans toute l'Amérique du Nord, ce ne serait pas à son avantage. Le gouvernement américain dirait, non, vous êtes du Japon, si bien que vous ne pouvez faire de transactions transfrontalières, car nous allons vous imposer 30 p. 100; vous n'êtes pas résident. L'impôt sur les dividendes non visés par cette convention s'élève à 30 p. 100.
Cette société s'installerait donc aux États-Unis et ouvrirait une filiale au Canada pour tirer avantage de cette convention. Ainsi que le disaient les témoins, il n'y a pas beaucoup de risque que beaucoup de sociétés fonctionnent de cette façon. Je me demandais simplement pourquoi on opterait de renoncer à un point auquel tous les autres pays souscrivent.
Le président: Puis-je proposer de lever la séance de manière que ceux qui veulent partir puissent le faire? Nous pourrions consacrer quelques moments à une discussion informelle avec les représentants officiels.
Des voix: D'accord.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: La séance est levée jusqu'à jeudi, 11 heures, où nous examinerons le projet de loi C-90.