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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances de la Chambre des communes est heureux d'être aujourd'hui à Calgary, et nous remercions tous les distingués membres de notre groupe d'intervenants.

Nous accueillons aujourd'hui: Roberta Bedard, de la Alberta Association of Retirement Planners; Jake Kuiken, de la Alberta Association of Social Workers; Lorne Pendleton, de la Avenue of Nations Business Association; Robert Blair, comparaissant en tant que particulier et représentant d'une institution; Doug Mitchell et Ray Huddlestone, de la Chambre de commerce de Calgary; Jason Kenney, de la Canadian Taxpayers Federation; Bev Longstaff, de la ville de Calgary; Samuel Blakely, du Congrès des associations de la défense; Greg Flanagan, du Mount Royal College, Département d'économie et de sciences politiques; Mark Genuis, de la National Foundation for Family Research and Education; Phylis Matousek et Walter Derksen, du Seniors Action and Liaison Team; et Eric Newell, de Syncrude Canada Ltd.

J'ai sans doute mal prononcé le nom de beaucoup d'entre vous. Faut-il apporter des corrections?

Merci beaucoup d'être là. Voici comment nous procédons: vous faites un exposé d'environ trois minutes chacun. Pendant la période de questions, vous aurez l'occasion de présenter plus longuement vos suggestions, puis nous terminerons par un bref résumé de chacun d'entre vous, si vous le désirez.

Commençons par vous, monsieur Blakely.

Col Samuel Blakely (colonel à la retraite; président, Congrès des associations de la défense): Je suis flatté.

Le président: Très bien. Nous avons hâte d'entendre vos suggestions.

M. Blakely: Merci, monsieur le président. J'aimerais vous présenter le colonel Sean Henry, analyste principal en matière de défense pour notre association. Paradoxalement, il est venu d'Ottawa pour comparaître avec moi devant le comité à Calgary.

Bonjour, monsieur le président et messieurs et mesdames les membres du comité. Pour nous, c'est vraiment un plaisir et un privilège de comparaître devant le comité pour parler de l'état des finances de la nation, et en particulier pour attirer votre attention sur des arguments visant à contrer d'autres compressions budgétaires au ministère de la Défense nationale.

Le Congrès des associations de la défense regroupe 12 organismes membres qui représentent 50 000 Canadiens de tout le pays, en plus de 13 organismes associés ainsi que leurs membres.

Mon exposé est en deux parties: d'abord, je vais vous présenter les points saillants du mémoire que je vous ai présenté au début d'octobre, intitulé «Défense et intérêt national»; deuxièmement, je vais répondre aux trois questions sur la politique budgétaire que vous nous avez posées.

Dans mon mémoire, j'ai présenté des arguments importants pour montrer que la défense est un élément essentiel de la nation. En outre, elle contribue à l'intérêt national, tant au Canada qu'à l'étranger. Finalement, j'ai utilisé des données pour montrer comment des compressions budgétaires à la défense, de l'ordre de 29 milliards de dollars depuis 1987, ont affaibli la défense nationale. Pour cette raison, nous croyons fermement que la défense nationale a contribué d'une manière disproportionnée à la réduction du déficit et qu'aucune compression supplémentaire ne doit être imposée au cours des 10 ou 15 prochaines années.

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Au sujet de l'intérêt national, le Canada est confronté à de sérieuses menaces tant du côté de l'économie mondiale que de la protection de sa souveraineté. Dans les deux cas, une défense saine et efficace, avec des forces armées modernes, est cruciale. En outre, il doit y avoir une volonté nationale forte de recourir aux forces armées pour défendre l'intérêt national.

On trouve dans le Livre blanc de 1994 des assises politiques solides pour atteindre ces objectifs. Malheureusement, à cause des compressions budgétaires et de l'opposition de groupes anti-défense, la politique du Livre blanc est sérieusement compromise. Bien que le document demande des forces armées aptes au combat, destinées à des activités diverses, allant du maintien de la paix à la guerre, on semble avoir adopté une orientation idéologique favorisant uniquement le maintien de la paix. Les conséquences sont claires lorsque l'on constate que les compressions budgétaires nous empêchent d'acquérir le matériel nécessaire au combat et à la victoire sur les champs de bataille de haute technologie du 21e siècle.

Si cette tendance se maintient, la réputation internationale du Canada va encore tomber en deçà de là où elle est déjà descendue, ce qui causera des dommages considérables à l'intérêt national, allant jusqu'à la marginalisation dans les affaires mondiales et des pertes de débouchés en commerce international. Comme je le dis dans mon mémoire, le maintien de la paix ne suffit pas à nous rendre attrayants pour nos amis et nos alliés. Lorsqu'il y a des menaces à la sécurité, on s'attend à ce que le Canada, l'un des plus importants membres du G-7, fasse sa part également dans les difficiles et dangereuses activités de combat.

Avant de passer à la deuxième partie de mon exposé, j'aimerais parler d'une chose sur laquelle je suis passé rapidement dans mon mémoire. On a beaucoup parlé de l'amélioration des capacités opérationnelles qui est censée découler des compressions importantes dans les frais généraux et de la simplification des procédures administratives au sein du ministère de la Défense nationale. Malheureusement, c'est surtout illusoire, simplement parce que les économies ainsi effectuées ne sont pas réinvesties dans le reste des opérations. En fait, l'argent ainsi économisé comprend les compressions au budget de la défense dont nous avons déjà parlé... Par conséquent, les forces armées se retrouvent avec les mêmes problèmes, dans un contexte plus faible. La situation en est à un point tel que toute nouvelle compression au budget du ministère plongerait les Forces canadiennes dans un état léthargique où elles seraient incapables d'entreprendre ou de soutenir d'importantes opérations militaires.

En résumé, les forces armées sont un outil vital dans la panoplie nationale et défendent directement l'intérêt national. C'est ainsi qu'elles contribuent directement au bien-être de la nation et de ses citoyens. En effet, elles contribuent à la souveraineté nationale et à la stabilité et à l'équité de l'environnement international dans lequel peut prospérer un libre commerce.

Dans ce contexte, on aurait tort d'assimiler les compressions au budget de la défense à un maintien ou à une augmentation des programmes sociaux. En fait, ce sont des parties d'un tout. Comme un haut fonctionnaire du gouvernement l'a déjà déclaré, sans la sécurité nationale et internationale, il ne saurait y avoir de sécurité sociale.

Avant de continuer, j'aimerais faire circuler des versions à jour de trois des tableaux que nous avons présentés dans notre mémoire. Vous remarquerez un ralentissement économique au Canada et une corrélation générale entre le déclin de la défense et l'affaiblissement de l'économie nationale.

Le président: Je ne voudrais pas vous interrompre, mais avez-vous presque terminé?

M. Blakely: J'en ai pour trois minutes encore.

Le président: Nous avions suggéré qu'on commence par des exposés de trois minutes chacun, juste pour présenter les points saillants. Vous aurez beaucoup plus de temps plus tard, si vous le voulez bien.

Bien, nous sommes là pour vous écouter. À vous de juger. Je veux toutefois être juste avec les témoins.

M. Blakely: Jusqu'à quelle heure durera cette séance, monsieur le président?

Le président: Aussi tard qu'il le faudra. C'est important. On ira jusqu'à midi. Nous avons constaté auparavant que la discussion est beaucoup plus fructueuse si chacun met les cartes sur table dès le départ, avant qu'on commence les débats. Mais je m'en remets à vous; faites comme vous voulez.

M. Blakely: Très bien, merci.

Je vais maintenant passer à la deuxième partie de mon exposé, qui se rapporte aux trois questions que vous nous avez envoyées. Ensuite, j'accélérerai.

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Dès le départ, je tiens à dire que moi-même ainsi que les membres du CAD ne peuvent vous présenter de solutions magiques pour résoudre rapidement et sans douleur le colossal problème budgétaire que vit aujourd'hui notre pays. Il a fallu environ 20 ans pour qu'on en arrive là, et il en faudra peut-être autant pour nous en sortir.

Je constate toutefois que les temps seront difficiles, politiquement, pour tous les paliers de gouvernement, comme on le voit déjà dans certaines provinces. Les gouvernements doivent accepter la nécessité des compressions et réduire de manière importante les dépenses, pour toutes sortes de services névralgiques. Ils ont commencé à le faire, mais il faudra aller encore plus loin. En termes simples, les Canadiens doivent apprendre à vivre avec moins et réduire leurs attentes par rapport aux gouvernements.

Votre première question porte sur les objectifs de réduction du déficit et sur la façon dont on peut les atteindre. En termes simples, les besoins d'emprunt et le déficit doivent être réduits et, ultimement, éliminés. Il faut le faire aussi rapidement que possible. Toutefois, qu'on arrive à zéro dans 10 ou 15 ans importe peu, à condition qu'il y ait un programme bien défini pour ce faire, fondé sur des principes généralement acceptés.

Par-dessus tout, la stabilité des niveaux de planification budgétaire au sein des ministères est essentielle. À plus forte raison au ministère de la Défense nationale, où les compressions budgétaires continuelles ont déstabilisé le processus de planification.

Votre deuxième question porte sur les mesures budgétaires destinées à créer un environnement propice à l'emploi. Encore une fois, la stabilité politique et budgétaire créerait un contexte favorable à la création d'emplois et à la croissance. Les entreprises doivent profiter de mesures incitatives pour croître et s'accaparer davantage de marchés au Canada et à l'étranger. Il est tout à fait indiqué de recourir davantage à la technique dite «Équipe Canada».

Outre les mesures incitatives fiscales et autres, les entreprises doivent être encouragées à conserver et utiliser un nombre raisonnable d'emplois, afin de permettre à ceux qui ne peuvent en faire plus de conserver un emploi productif. Le gouvernement doit également abandonner la politique qui encourage les gens à rester là où ils sont plutôt qu'à déménager là où sont les emplois. Finalement, un réexamen du processus fiscal doit être entrepris pour que l'équité et la justice soient respectées pour les personnes et les entreprises.

La troisième question porte sur d'autres compressions budgétaires et dévolutions. Pour commencer, il n'est pas nécessairement souhaitable de remplacer une activité publique par des monopoles privés ou réglementés. La concurrence a un rôle à jouer. Il serait également déconseillé de mettre fin arbitrairement à toute une gamme de prestations sociales. Il serait préférable de revoir les programmes existants pour éliminer les chevauchements et les doubles emplois, le cas échéant.

On pourrait opter pour la privatisation et la dévolution, dans les cas où il est sensé de le faire. Dans le cas du ministère de la Défense nationale et des forces armées, il faut toutefois respecter la nécessité d'une efficacité opérationnelle de nos forces armées. Malheureusement, la locomotive bureaucratique qui pousse l'offre de services de rechange semble éclipser ce besoin dans certains domaines.

En résumé, les Canadiens doivent réfléchir sérieusement à la façon dont on servira au mieux les intérêts nationaux au cours du prochain millénaire. Clairement, il faudra faire preuve de courage pour mettre de l'ordre dans nos affaires nationales. Mais il est certain qu'affaiblir et, ultimement, détruire la défense ne nous permettra pas d'atteindre ces objectifs. Au contraire, une défense nationale saine doit être considérée comme l'un des fondements naturels ou utiles de l'intérêt national.

Merci beaucoup. Je serai enchanté de répondre à vos questions et de participer à la table ronde.

Le président: Merci, monsieur Blakely.

Passons maintenant aux représentants de la Chambre de commerce de Calgary, M. Tibbles et M. Huddlestone.

M. Ray Huddlestone (président, Chambre de commerce de Calgary): Joyeux Noël, et bienvenue à Calgary.

Le président: Merci beaucoup. Nous espérions un chinook. Nous pensions l'avoir apporté avec nous hier soir, et nous comptions bien nous en attribuer le mérite, mais il a dû se passer quelque chose pendant la nuit.

M. Huddlestone: Je l'espérais ce matin, mais je n'en ai pas vu de traces.

Monsieur le président et membres du comité, nous sommes ravis de comparaître devant vous aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, Glenn Tibbles, directeur général de la Chambre de commerce, m'accompagne. Je suis bénévole et je préside le Comité de la fiscalité et des affaires économiques.

D'abord quelques mots au sujet de notre organisme. C'est le deuxième au Canada; il compte plus de 4 000 entreprises membres, de toutes tailles. Nous avons des bénévoles très actifs, et environ 21 comités. Le comité que je préside, celui de la fiscalité et des affaires économiques, est l'un d'entre eux. C'est ce comité qui a préparé le mémoire prébudgétaire que nous avons remis au greffier et qui a été envoyé au ministre des Finances le 24 novembre dernier.

Nous sommes enchantés que Paul Martin ait reconnu dans le budget de 1995-1996 qu'il faut réduire le déficit, voire l'éliminer. Nous constatons également que le gouvernement est soumis à des pressions de toutes parts au sujet de la réduction du déficit, et plus particulièrement en cette période d'incertitude politique. Il ne faut toutefois pas que le pays se laisse distraire des mesures qu'il doit prendre dans l'intérêt des Canadiens de toutes les provinces. Nous devons continuer de reprendre en main notre destin budgétaire.

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Le fait de ne pas respecter les engagements du budget fédéral crée de nouvelles pressions sur les marchés financiers, ce qui bien évidemment se traduira par une hausse des taux d'intérêt et des taux de change. Étant donné que nous sommes un pays commerçant, cela aura des conséquences catastrophiques. Il ne faut pas en arriver à admettre que les autorités fédérales sont incapables de résoudre notre problème d'endettement. Je suis sûr que le gouvernement fédéral peut le faire.

Je serai très bref. La première observation que veut faire la Chambre de commerce de Calgary, c'est que le gouvernement fédéral doit suivre le cap qu'il s'est donné, à savoir la réduction du déficit, sans tenir compte des pressions sur le plan politique, constitutionnel ou provincial.

Le président: C'est un gros obstacle à surmonter!

M. Huddlestone: C'est exact. Nous savons que vous pouvez le faire. Engageons-nous à réduire le déficit à 2 p. 100 du PIB en 1996, à 1 p. 100 en 1997, et à en arriver ensuite à un budget équilibré. Le budget de 1995 prévoyait des réductions visant à ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici à 1997. Toutefois, la dette totale et les versements annuels en intérêt continuent de s'accroître.

La dette publique totale atteindra 580 milliards de dollars cette année, soit 74 p. 100 du PIB. Tant que le rapport entre la dette et le PIB n'aura pas diminué, l'économie canadienne continuera d'être à la merci de fluctuations négatives des taux d'intérêt et de change.

Les deux dernières années ont été difficiles pour les Canadiens, et la plupart des données économiques en témoignent. Le prix à payer par les Canadiens ordinaires pour des années de vie au-dessus de nos moyens se traduit par un taux de chômage élevé et un revenu familial réel à la baisse depuis le début de la décennie.

Le secteur des entreprises a mis de l'ordre dans ses affaires. Grâce à des compressions et à des investissements importants, l'industrie canadienne se positionne pour relever le défi de la concurrence mondiale. Si vous poursuivez dans la voie que vous vous êtes donnée, il s'ensuivra des conséquences avantageuses, comme la baisse des taux d'intérêt, l'augmentation de la croissance économique, la création d'emplois et une plus grande souplesse des programmes sociaux et des programmes de santé et d'éducation. Nous exhortons le gouvernement fédéral à tenir bon dans son engagement de supprimer le déficit d'ici à la fin de la présente législature.

Nous recommandons donc de poursuivre dans cette voie, sans nous en écarter. Nous y sommes presque. Ne renonçons pas aux progrès que nous avons faits jusqu'ici. Je tiens à dire notamment au nom des habitants de l'Alberta que bon nombre d'entre nous, sinon tous, ont subi d'une certaine façon le contrecoup des coupures, mais nous sommes conscients des résultats. Nous disons que nous sommes prêts à accepter cette situation et à contribuer dans la mesure du possible à la réduction du déficit fédéral et de la dette nationale.

En second lieu, j'aimerais essayer de répondre à une question que vous avez soulevée: combien de mesures budgétaires faut-il appliquer pour créer un milieu propice à la création d'emplois et à la croissance? Le Canada est au bord de la relance. L'industrie est concurrentielle grâce aux compressions et aux nouveaux investissements. L'inflation est contrôlée. Nous pensons qu'il y a des mesures à prendre pour garantir notre viabilité future.

Le gouvernement fédéral doit donc favoriser notre autonomie en s'assurant que les taux de cotisation et d'abris fiscaux sont suffisants pour inciter les Canadiens à être financièrement indépendants une fois à la retraite, ce qui revêt une importance toute particulière, comme vous le savez tous, du fait que la population canadienne vieillit de plus en plus. Nous vivons plus vieux, et un plus grand nombre de gens sont à la retraite; nous devons les préparer en vue de cette période de leur vie.

Les modifications apportées à la politique relative à la santé, à l'éducation et aux programmes sociaux se traduisent par une diminution des coûts et une amélioration des services, grâce à la suppression des chevauchements entre le gouvernement fédéral et les provinces et à la participation accrue de la collectivité à la prestation des services. Autrement dit, ces services doivent être confiés aux organismes les mieux placés pour les offrir de manière efficace.

Nous croyons au remaniement fondamental de la Commission d'assurance-chômage pour qu'elle offre des programmes visant à fournir des prestations d'assurance-chômage au lieu d'une forme d'aide sociale. Je sais évidemment que vendredi prochain, Lloyd Axworthy nous présentera en détail son plan. Nous recommandons également que les programmes de formation et de recyclage soient plus en rapport avec la réalité du marché au lieu de prendre la forme de projets ponctuels de création d'emplois, et, enfin, de supprimer les subventions aux entreprises. Ces dernières peuvent très bien se débrouiller toutes seules.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Huddlestone.

Nos témoins suivants sont Phylis Matousek et Walter Derksen, du Seniors Action and Liaison Team. Soyez les bienvenus.

Mme Phylis Matousek (présidente, Seniors Action and Liaison Team): Bonjour et merci de nous avoir invités à comparaître devant vous pour vous présenter nos idées. Je vais faire ressortir les points essentiels, et je serai très brève.

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Les personnes âgées comptent pour environ 10 p. 100 de la population totale du pays, ce qui représente environ 2 millions de personnes de plus de 65 ans. On entend sans cesse parler de déficit, de dette publique, et on nous cite des chiffres tout à fait incompréhensibles, dans les milliards, et même les billions. La panique créée par les sociétés genre Moody's dans le monde a débouché sur des changements. Nous sommes pour le changement. Si l'on considère les changements apportés dans notre société et le monde entier au cours d'une période d'environ 70 ans, on voit que nous pouvons nous adapter aux changements. Toutefois, tout dépend de la façon dont ces changements sont apportés et qui ils touchent. Est-ce qu'ils touchent les personnes les plus vulnérables de notre société? Nous pensons que oui.

D'après les scientifiques, un seul facteur différencie les êtres humains des animaux, c'est la faculté de ressentir la honte. Je me demande combien de fonctionnaires se sentent honteux lorsqu'ils ciblent les secteurs les plus vulnérables de notre société: les pauvres, les malades, les personnes âgées et les enfants. Lorsque les Nations Unies interviennent en critiquant le Canada pour la façon dont il traite ses enfants, je me demande si les Canadiens ont honte. Moi, j'ai honte.

On a beaucoup parlé et on parlera beaucoup des impôts. C'est à mon avis le problème essentiel: l'injustice de notre fiscalité. Il existe trop de possibilités de report d'impôt pour les riches et les grandes sociétés. La valeur de l'impôt reporté par toutes les sociétés dépasse actuellement les36 milliards de dollars. Malheureusement, ces grandes sociétés ne paient même pas d'intérêt. Moi, j'en paie. Si je ne suis pas en mesure de payer d'un seul coup mon impôt sur le revenu, je dois verser de l'intérêt sur le solde dû. Nous avons un problème de dépenses; cela ne fait aucun doute.

Nous avons également un problème de recettes. Même la Chambre de commerce du Canada a reconnu l'an dernier avoir reçu 4,8 millions de dollars en subventions du gouvernement fédéral. Nous discuterons un peu plus tard des impôts lorsque M. Derksen aura la parole.

C'est le gouvernement lui-même qui est responsable du déficit et de la dette publique, et non pas les pauvres, ni les personnes âgées, ni les malades, ni les vieillards ou les personnes handicapées. Par ailleurs, à mesure que des compressions s'effectuent au gouvernement et dans l'industrie, quelles répercussions cela aura-t-il sur notre économie quand toutes ces personnes n'auront plus de travail et ne toucheront plus de traitement ou salaire? La théorie du percolateur n'a pas fonctionné à l'époque de Ronald Reagan aux États-Unis et ne fonctionnera pas non plus chez nous. Une économie fondée sur cette théorie est tout simplement une utopie.

La privatisation, par exemple, des services nécessaires ne profite qu'à une poignée de gens, et ce, au détriment d'un grand nombre; je citerai l'exemple des services de santé. Si l'on privatise, des services de santé privés exigent une assurance-maladie également privée. Non seulement cela coûte cher, mais en outre cela exclut un tas de gens qui ne peuvent pas obtenir une assurance-maladie privée en raison de leur âge, de leur état de santé antérieure ou tout simplement parce qu'ils n'en ont pas les moyens. Que deviendront ces personnes? Ou elles s'en passeront ou elles mourront; c'est aussi simple que cela.

Il en va de même pour l'éducation. Si nous n'y prenons garde, on en arrivera à un système d'éducation à deux niveaux. À mesure que le financement public diminuera, les frais de scolarité augmenteront; de ce fait, seuls les plus riches pourront faire éduquer leurs enfants pour qu'ils se fassent une place dans un monde de plus en plus concurrentiel. Avant longtemps, pour soutenir cette concurrence, le Canada ne pourra compter que sur une poignée de personnes compétentes et ayant reçu la formation voulue. Les écoles privées ne sont pas la solution.

Délégation de pouvoirs: cette simple idée crée la panique chez bon nombre d'Albertains. Si l'on considère le bilan du gouvernement Klein - et je fais tout mon possible pour rester objective sur le plan politique - la délégation de pouvoirs dans notre province sera catastrophique pour les groupes les plus vulnérables de notre société. J'en suis intimement convaincue.

Si l'on parle de questions comme la formation de la main-d'oeuvre, cela pourrait très facilement être confié aux provinces. Il serait logique et normal que chaque province et territoire ait des possibilités d'emploi qui lui soient propres. Il semble normal également que l'industrie prenne à sa charge la formation spécialisée.

Des secteurs comme celui de l'environnement, des pêches et de la faune devraient être confiés aux provinces. D'autres secteurs, comme celui des pensions, par exemple, et des services sociaux, ne devraient jamais être confiés aux provinces, particulièrement en Alberta et en Ontario.

L'assurance-maladie demeure la responsabilité principale d'un gouvernement central qui surveille et fait respecter des normes nationales bien établies. Une solution, peut-être, ce serait - et je n'aime pas beaucoup utiliser ce mot ici, devant ce groupe de personnes - d'imposer une surtaxe temporaire, je dis bien temporaire, de 10 p. 100 qui serait appliquée uniquement à la dette.

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Je sais que la TPS devait être utilisée à cette fin; apparemment, elle a été utilisée ailleurs. On pourrait peut-être avoir une taxe générale de 10 p. 100 sur tout, y compris les pensions, sauf pour les gens qui reçoivent un supplément de revenu garanti, une pension d'ancien combattant, et ceux qui sont handicapés physiquement et mentalement. On pourrait peut-être ainsi s'attaquer au déficit et à la dette.

En Alberta, les personnes âgées ont perdu jusqu'à 17 p. 100 de leur revenu disponible. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que, par exemple, si seulement la moitié des 260 000 personnes âgées en Alberta ont perdu 1 000$ de leur revenu disponible - et c'est ce que j'ai perdu l'an dernier - cela représente une perte de 130 millions de dollars pour l'économie locale. Si la moitié de ces personnes âgées ont perdu 2 000$ de revenu disponible - et c'est ce que j'ai perdu cette année - cela représente une perte de 260 millions de dollars pour l'économie locale. On ne peut pas dépenser de l'argent qu'on a pas.

Je crois que je vais m'arrêter ici pour le moment. M. Derksen a peut-être un ou deux commentaires à faire au sujet des impôts.

M. Walter Derksen (Seniors Action and Liaison Team): Bonjour, mesdames et messieurs.

Je pense que Phylis a à peu près tout dit. La seule chose dont je voulais vous parler plus longuement, c'est la situation fiscale.

Malgré le fait qu'un certain nombre de gens dans cette salle ne seront pas d'accord avec cela, pendant plusieurs décennies les gens les mieux nantis ont pu profiter de reports d'impôt à divers degrés, soit sous forme de services bancaires extraterritoriaux, d'impôts différés dans des REER et de dépassements des cotisations dans un REER. Tous ces reports d'impôt signifient que ceux qui sont au bas de l'échelle dans notre société, qui sont incapables de profiter de tels reports d'impôt, doivent ultimement payer le prix.

J'espère que le gouvernement fédéral ne fera pas comme les gouvernements Klein et Harris, qui ont pris des dispositions de récupération fiscale qui visent les petits salariés.

Cela comprend les personnes âgées. Selon les rumeurs, le gouvernement fédéral a l'intention de récupérer tout montant de plus de 25 000$ pour les personnes âgées seules et de 50 000$ pour une famille. Il devrait peut-être envisager de récupérer les pensions des hommes et des femmes politiques et des fonctionnaires à la retraite qui n'ont pas fait un très bon travail lorsqu'ils étaient en poste. Si cette approche n'est pas choisie, les seuls qui seront touchés dans notre société seront les plus démunis qui ont déjà été les plus touchés par les mesures provinciales.

Merci.

Le président: Merci beaucoup. Vous proposez l'élimination des reports d'impôt pour les régimes de rentes et les régimes enregistrés d'épargne-retraite?

M. Derksen: C'est cela.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Blair, vous avez la parole.

M. S. Robert Blair (témoignage à titre personnel): Merci, monsieur le président.

Je vais m'inspirer d'un document de dix pages sur les moyens efficaces de s'attaquer à la dette publique, document qui a été distribué aux membres du comité et auquel je ferai souvent allusion. S'il y a des gens ici à la table qui aimeraient voir ce dont je parle ils peuvent en obtenir eux aussi un exemplaire.

Le président: Voulez-vous dire que tout le monde n'en a pas déjà un exemplaire?

M. Blair: Pas encore. Avez-vous ce document devant vous, monsieur le président, car j'aimerais y faire allusion?

Pour commencer, il y a trois pages seulement auxquelles j'aimerais que vous vous reportiez.

À la page 3, je donne des réponses écrites aux trois questions que j'ai reçues à l'avance. Étant donné le manque de temps, je ne m'étendrai pas trop longtemps sur ces réponses. J'y reviendrai si vous le voulez.

À la page 7, le comité retrouvera une liste de la correspondance que j'ai reçue, parfois accompagnée de rapports et d'analyses substantiels, depuis que j'ai témoigné devant le comité sur cette question il y a un an.

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À la page 6, je fais allusion en particulier aux activités dont je parle dans mon témoignage, c'est-à-dire concernant les citoyens qui veulent réduire le fardeau de la dette au Canada.

Puis à la page 8... j'aimerais attirer votre attention sur le fait que j'ai déposé auprès du comité des renseignements de base sur le rapport entre la valeur nette et la dette en Amérique du Nord, dont les quatre derniers groupes, qui sont intitulés TWR Data, not published before, seront publiés pour la première fois ce matin. J'ai obtenu la permission de la firme Ernst & Young, qui a produit l'étude la plus complète qui existe au Canada sur la valeur nette qui existe dans les ménages privés au Canada, afin de déposer auprès de votre comité certaines données qui se rapportent directement aux questions que nous devrions examiner.

Au fait, j'aimerais savoir si mon mémoire écrit peut être versé au compte rendu du comité, même si je n'y fais qu'allusion de temps à autre?

Le président: Absolument; et je pense qu'il serait très utile que vous nous en résumiez les principaux points.

M. Blair: Alors je vais vous en faire un bref résumé.

Monsieur le président, sur toute la question de la réduction du déficit, de la réduction des coûts, j'aimerais vous donner un autre point de vue - le point de vue du milieu des affaires. À cet égard, je ne voudrais pas être mal compris, car je suis partisan de la frugalité et de l'économie. On a même dit par le passé que j'étais avare. Il y a une dizaine de livres qui ont été écrits sur l'histoire de l'entreprise en Alberta, et la plupart de ces livres contiennent un chapitre ou deux sur la société que j'ai dirigée pendant 20 ans ici, et lorsqu'on a décrit mon caractère, lorsque les auteurs ont essayé de déterminer quelle était ma personnalité, une anecdote que l'on aimait bien raconter, c'était que j'aimais bien aller manger le midi dans un restaurant bon marché. On dit également que j'ai tendance à marmonner en public et que j'ai trop souvent besoin d'une coupe de cheveux. Je suis un fervent partisan de la frugalité.

Au Canada, si nous devons sabrer profondément dans les dépenses, c'est en raison des problèmes financiers dans le secteur public. On dit parfois que le Canada n'a plus d'argent, et que nous avons l'une des dettes les plus élevées du monde. C'est ce qui motive les coupures que l'on est en train de faire à l'heure actuelle.

Je pense que la chose la plus importante que j'ai à dire aujourd'hui, c'est que ce n'est pas uniquement en réduisant les coûts que nous pourrons régler entièrement notre problème financier au Canada. Même Preston Manning ne songe pas à parler de réduire la dette publique au Canada. Il parle tout simplement de la façon dont nous pouvons réduire le déficit pour ralentir la croissance de la dette.

Que ce soit dans le secteur public ou dans le secteur privé, la réduction des coûts à elle seule ne peut régler tous nos problèmes financiers. La réduction des coûts à elle seule n'est pas - et je souligne «n'est pas» - l'approche que prendrait une entreprise face à un problème de dette excessive. C'est donc mon premier message. Il existe d'autres solutions, et c'est de ces solutions que j'aimerais parler avec le comité. Il y a l'approche du bilan.

Le deuxième message, c'est que la réduction des coûts a déjà des effets négatifs. Ces effets, entre autres en Alberta, où j'ai le plus d'expérience directe, sont gravement régressifs. Les effets se font surtout sentir chez les plus démunis.

M. Huddlestone vient tout juste de dire que nous avons tous souffert pendant les coupures. Cela est vrai. Cependant, de façon générale, ici, les coupures ont été ressenties surtout par les personnes âgées, les gens qui ont un revenu inférieur. Typiquement, 30, 40, 50 p. 100 du revenu, ou du revenu disponible, a disparu. Au Canada, une grave iniquité est en train de s'installer.

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Pire encore, à quelques pâtés de maisons d'ici, à l'hôpital Colonel Belcher pour anciens combattants, on me dit qu'en raison des coupures et de la décentralisation les services infirmiers ont été réduits de moitié environ. Les anciens combattants aux soins intensifs sont maintenant au deuxième palier. Il n'y a qu'une infirmière pendant la nuit pour s'occuper de 135 personnes. Cela vient s'ajouter à deux autres choses également: après une augmentation de 28 p. 100 des sommes que les familles doivent verser à l'hôpital, et malgré le fait qu'au départ l'hôpital a été donné aux anciens combattants par une succession d'un particulier. Pour moi, cela illustre non seulement l'iniquité de la réduction des coûts - je le dis avec beaucoup de sérieux; car je le dis parce que je sais très bien jusqu'à quel point la situation est grave - mais je pense que nous nous retrouvons aussi dans une situation où nous manquons à nos obligations fiduciaires à l'égard de certains de nos anciens combattants, certaines de nos personnes âgées, certaines de nos personnes handicapées au Canada.

Il est impossible de résumer en trois minutes ce que j'ai mis des jours et des semaines à préparer. Je vous remercie pour ce début. Plus tard au cours du débat je vous parlerai du problème, qui en est un de bilan, dont la solution est un bilan. Au Canada, nous devons examiner tant l'actif que le passif. Jusqu'à présent, nous ne faisons que parler du passif et de la nécessité de réduire les coûts.

Le président: Merci, monsieur Blair.

Nous allons maintenant entendre trois représentants de l'Alberta Association of Social Workers: Rod Adachi, Gayle James et Jake Kuiken.

Monsieur Kuiken, auriez-vous l'obligeance de nous faire votre exposé?

M. Jake Kuiken (président, Alberta Association of Social Workers): Merci, monsieur le président. Je représente l'Alberta Association of Social Workers. Nous sommes une association professionnelle qui compte 1 600 membres en Alberta. Au Canada, nous faisons partie de l'Association canadienne des travailleurs sociaux, qui compte 15 000 membres. À l'échelle internationale, nous sommes membres de l'Association internationale des travailleurs sociaux, un organisme qui réunit 58 pays.

Nous avons de nombreuses préoccupations, monsieur le président. Nous voulons commencer tout d'abord par souligner brièvement que l'une de nos principales préoccupations concerne le rôle du Canada dans les programmes sociaux nationaux. Au cours des dernières années en particulier, mais déjà à la fin des années 80, le gouvernement fédéral a réduit considérablement le rôle qu'il joue dans les programmes sociaux nationaux, tout d'abord en fixant un plafond pour le Régime d'assistance publique du Canada, et l'an dernier dans le budget fédéral avec l'introduction du projet de loi sur le transfert social canadien. Cette mesure sera mise en oeuvre l'an prochain pour la première fois, et nous pouvons vous dire qu'elle aura des effets dévastateurs en Alberta, en plus des effets déjà très dévastateurs des coupures budgétaires du gouvernement provincial. Le transfert social canadien réduira le transfert du gouvernement fédéral à l'Alberta de 212 millions de dollars. Ces coupures se feront sentir dans les programmes d'enseignement postsecondaire, dans les services de santé et dans les services sociaux.

J'ai lu dans le journal ce matin que M. Axworthy introduira sa réforme de l'assurance-chômage. Je dois vous dire que j'ai été particulièrement déçu de lire qu'un programme qui a été mis en place au Canada dans les années 30 et 40, conçu pour aider les gens qui se trouvaient sans revenu en raison du chômage, ne profite plus qu'à 37 p. 100 des chômeurs canadiens. D'après ce que j'ai lu dans le journal ce matin, seulement 37 p. 100 des chômeurs canadiens retirent en fait des prestations d'assurance-chômage à l'heure actuelle.

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Je tiens également à dire que nous partageons la préoccupation de M. Blair lorsqu'il parle d'une approche équilibrée. Permettez-moi de vous donner un exemple. Il y a une dépense fiscale qui, si j'ai bonne mémoire, s'élève à environ un demi-milliard de dollars par an. Il s'agit de la déduction fiscale pour repas et frais de représentation.

L'introduction de ce genre de dépenses fiscales est peut-être justifiée pour des raisons d'affaires, mais il ne faut pas oublier cependant qu'à Calgary, en 1995, 2,3 millions de repas seront servis par la Calgary Inter-Faith Food Bank. Si on regarde le contraste entre les repas déductibles, même à 50 p. 100, et les repas de charité, il y a une crise des valeurs au Canada. Le fait qu'à Calgary seulement il y a 45 000 enfants pauvres aggrave le problème.

Nous sommes d'avis que le gouvernement fédéral devrait examiner sérieusement le genre de recommandations qui ont été proposées par M. Blair. Nous avons besoin d'une approche équilibrée, et le budget doit être équilibré, mais cela ne doit pas se faire aux dépens des pauvres, des handicapés, des programmes d'assurance-maladie ou d'enseignement postsecondaire.

Ce dont les Canadiens ont le plus besoin, c'est d'avoir une certaine stabilité et un but. En conclusion, j'aimerais citer quelques phrases d'un document qui a été rédigé par Michael Mendelson, qui est un spécialiste du Caledon Institute of Social Policy. Voici ce qu'il dit au sujet des prochaines négociations qui auront lieu entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux:

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Kuiken. Nous allons maintenant entendre M. Len Landry, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers.

M. Len Landry (vice-président, Politique fiscale et services généraux, Association canadienne des producteurs pétroliers): Bonjour et merci à vous, monsieur le président, ainsi qu'aux membres du comité. Je m'appelle Len Landry, et je suis vice-président, Politique fiscale et services généraux, de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Je suis accompagné aujourd'hui de Pat Greenaway, qui est notre gestionnaire de la politique fiscale.

L'association représente 190 sociétés qui produisent environ 95 p. 100 du pétrole et du gaz au Canada. J'ai fait distribuer une liste et certains graphiques. Si vous les avez, je vais rapidement les passer en revue. La contribution de notre secteur à la vie des Canadiens et au mode de vie canadien est très importante, et nous tenons à le souligner.

Notre secteur fournit 70 000 emplois directs et 117 000 emplois indirects. Nous fournissons aux gouvernements du Canada entre 3,5 et 5,5 milliards de dollars par an. Cet argent va surtout aux provinces, car elles sont les propriétaires de la ressource.

Nous injectons environ 22,5 milliards de dollars dans l'économie canadienne. Cette somme va en grande partie à l'achat de produits et services d'autres producteurs canadiens, à l'emploi, au forage, à l'exploration et à la mise en valeur de puits.

En outre, notre contribution à la balance commerciale canadienne est considérable. Nous exportons pour une valeur d'environ 15 milliards de dollars de pétrole. Si on tient compte des importations de l'Est du Canada, notre contribution nette positive à la balance commerciale s'élève à environ 10 milliards de dollars. Sans notre contribution, le Canada aurait un déficit commercial d'environ 5 milliards de dollars.

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L'industrie réinvestit habituellement 100 p. 100 de ses liquidités. En 1994, en fait, elle a réinvesti 122 p. 100 de ses liquidités, c'est-à-dire 13,2 milliards de dollars, soit 17 p. 100 de tous les investissements canadiens non résidentiels en 1994.

Nous ne devons pas oublier non plus que le secteur pétrolier fournit les deux tiers de l'énergie utilisée par les Canadiens. Dans un pays aussi grand et froid que le nôtre, ce produit ne peut pas être facilement remplacé. Il s'agit d'un produit essentiel.

Quelle est la situation financière de l'industrie? Nos rapports réserves-production, c'est-à-dire le nombre d'années pendant lesquelles nous pouvons produire au rythme actuel de consommation, ont diminué considérablement au cours des dernières années. Pour le pétrole, nous avons une réserve de dix ans, tandis que pour le gaz naturel nous avons une réserve de treize ans.

Ces chiffres ne sont pas alarmants. Ils sont le reflet d'une très bonne politique qui a été adoptée par le gouvernement. En augmentant les exportations et les niveaux de production, nous pouvons avoir une industrie plus saine et plus stable, ce qui est à l'avantage de tous les Canadiens. Il faut cependant que l'industrie réinvestisse un pourcentage élevé de ses liquidités, ce qu'elle a toujours fait par le passé pour exploiter de nouvelles réserves.

L'industrie n'est pas énormément rentable. Parmi les graphiques que je vous ai distribués, il y en a un qui montre que notre taux de rendement sur le capital n'est que de 2 à 4 p. 100, ce qui est bien en deçà du taux de rendement dans le secteur non financier.

Je voudrais également souligner que les prix du pétrole aujourd'hui en dollars constants, si on ne tient pas compte de l'inflation et qu'on revient à la valeur réelle, sont ce qu'ils étaient en 1974. Ils ont augmenté pendant la crise de l'OPEP dans les années 80, mais ils sont revenus au même niveau qu'en 1974.

Les prix du gaz ont presque doublé par rapport à ce qu'ils étaient en 1974, mais sous bien des aspects l'augmentation n'a pas été considérable.

Le président: Monsieur Landry, avez-vous des suggestions à nous faire pour notre budget dans vos remarques liminaires?

M. Landry: Oui.

Le président: Merci.

M. Landry: L'industrie contribue de façon très importante au mode de vie canadien et à la capacité du gouvernement canadien de fournir des services sociaux aux Canadiens. Notre industrie ne se porte pas suffisamment bien pour pouvoir supporter de nouvelles taxes importantes. En fait, nous avons fourni des recettes supplémentaires aux gouvernements l'an dernier par l'intermédiaire de la Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité publique, qui a fait augmenter les tarifs des services publics.

Pour revenir à votre premier point, c'est-à-dire l'objectif de réduction du déficit, tout récemment le 1er novembre dernier, M. Martin...

Le président: Êtes-vous en train de dire que l'abolition de la Loi sur le transfert de l'impôt sur le revenu des entreprises d'utilité publique était une taxe sur les sociétés pétrolières?

M. Landry: L'abolition de cette loi... le remboursement de l'impôt sur le revenu, qui est passé par la province, puis par les entreprises d'utilité publique, pour arriver au consommateur, s'est traduit par une augmentation des tarifs des services publics.

Le président: Mais ce n'était pas une taxe sur le pétrole.

M. Landry: Le plus grand utilisateur d'électricité en Alberta est le secteur pétrolier, ce qui représentait donc un coût accru de 70 millions de dollars pour l'industrie, montant qui est resté au fisc fédéral.

Le président: Très bien, merci.

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M. Landry: Le ministre Martin a dit qu'il allait maintenir l'objectif de 3 p. 100 du PIB dans le budget de 1996-1997, et nous l'appuyons à cet égard. Nous ne voyons aucune raison de modifier cet objectif. À notre avis, la meilleure tactique pour réduire le déficit et remettre de l'ordre dans les finances du gouvernement fédéral doit continuer de s'appuyer sur la réduction des dépenses plutôt que sur des augmentations d'impôt. Il y a eu une augmentation considérable d'impôt au cours des dix dernières années, et cela n'a pas réglé le problème.

En ce qui concerne la réduction des dépenses, nous nous demandons pourquoi il y a d'importants ministères et programmes, tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, qui s'occupent d'activités économiques telles que l'agriculture, les forêts, le pétrole, les pêches et Industrie Canada. Les deux paliers de gouvernement s'occupent du même type d'activités et font la promotion de ces secteurs, et je ne suis pas certain que l'industrie en profite réellement ou en ait vraiment besoin. Je ne dis pas qu'un ordre de gouvernement est plus en mesure de le faire qu'un autre, mais je sais que les deux paliers de gouvernement le font à l'heure actuelle et que ce double emploi est peut-être inutile.

Un autre exemple est la méthode de perception de l'impôt au pays. L'Alberta, l'Ontario et le Québec perçoivent leur propre impôt sur le revenu des sociétés, tandis que Revenu Canada le fait également. Encore une fois, nous avons un double emploi qui coûte beaucoup d'argent à ces provinces et qui coûte beaucoup d'argent aux entreprises qui doivent remplir une déclaration pour les deux ordres de gouvernement. Si un seul organisme percevait l'impôt pour tous les paliers de gouvernement, le résultat final ne serait pas vraiment différent.

C'est la même chose en ce qui concerne les taxes à la consommation. Le gouvernement fédéral et toutes les provinces, sauf l'Alberta, perçoivent une taxe à la consommation, doublant ainsi les coûts avec une bureaucratie qui n'est peut-être pas nécessaire, et nous vous encourageons dans vos efforts d'harmonisation de la TPS.

Comment les mesures budgétaires pourraient-elles être utilisées pour créer un environnement propice aux emplois et à la croissance? À notre avis, le principal problème, c'est que les fonds d'investissement n'aiment pas beaucoup le risque et cherchent à investir dans des régions où il y a le plus de stabilité et de certitude possible. Par conséquent, ce dont nous avons besoin, outre ce qui peut se faire dans le budget, c'est un climat de certitude dans notre pays, afin que l'on sache qui est responsable de quoi à chaque niveau d'activité. Tant que nous n'aurons pas résolu ce problème, les entreprises hésiteront à investir.

En ce qui concerne plus spécifiquement le budget, si nous constatons qu'à long terme les impôts diminuent parce que le gouvernement est en mesure de se tourner vers les vraies priorités et les vrais problèmes auxquels il devrait s'attaquer, alors l'industrie sera davantage prête à investir.

La dernière question consiste à déterminer dans quels domaines d'activité on devrait envisager d'autres réductions des coûts. Je vais tout simplement vous donner certains exemples qui vont compléter ce que j'ai dit tout à l'heure au sujet du double emploi aux niveaux fédéral et provincial. Ce sont de tout petits exemples, comme le fait que sur la côte est du Canada, le gouvernement fédéral s'occupe de la réglementation du secteur pétrolier et que chaque province fait la même chose dans le secteur extracôtier. Il pourrait se faire beaucoup de rationalisation chez les offices du pétrole extracôtier et l'Office national de l'énergie.

Nous avons la Commission géologique du Canada, qui fait des levés et qui recueille des données sur nos ressources. Il faudrait peut-être examiner le modèle de l'Alberta Energy and Utilities Board, selon lequel la Commission géologique du Canada, qui devriendrait tout simplement un endroit où on retrouverait de l'information, ne ferait plus de levés, mais où le secteur privé, après avoir fait des levés, devrait déposer son information.

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Ce sont des propositions mineures, mais ce sont des choses qui peuvent être faites dans notre domaine, et nous vous recommandons de les examiner.

Le président: Merci beaucoup.

J'ai été un très mauvais président. Nous avons entendu six témoins qui ont pris en moyenne dix minutes pour faire leur exposé. Mais je suis certainement entre vos mains pour ce qui est de notre façon de procéder.

Notre témoin suivant est M. Flanagan, du Mount Royal College.

Le professeur Greg Flanagan (Département d'économie et de sciences politiques, Mount Royal College): Merci, monsieur le président; et je remercie le comité de me donner l'occasion de venir témoigner ici aujourd'hui.

J'ai consulté les membres du département lorsque j'ai préparé mon exposé, de sorte qu'il s'agit réellement d'un travail fait en collaboration. J'ai l'avantage d'appartenir à un département qui réunit à la fois des économistes et des politicologues, ce qui est de plus en plus rare et peut-être même unique, au Canada. Le département publie beaucoup d'articles et de livres. Notre principale préoccupation est la politique, car c'est dans ce domaine que nous pouvons réunir l'économie et les sciences politiques.

J'ai déposé un mémoire qui est assez volumineux. Il comporte de nombreuses recommandations précises. Pour l'instant, je me contenterai de faire de brefs commentaires en ce qui concerne les trois questions. Nous pourrons peut-être en parler plus en détail lors du débat.

En ce qui a trait à l'objectif de réduction du déficit, à notre avis, l'objectif devrait être plus près de zéro, ou on devait peut-être même viser un excédent. À cette étape du cycle des affaires, nous nous dirigeons vers de graves problèmes pour l'avenir si nous ne réussissons pas à contrôler maintenant le budget, car il y aura inévitablement une baisse, et les coûts du gouvernement augmenteront. Les objectifs de réduction du déficit ne sont donc pas suffisamment élevés pour le moment.

Cependant, cela étant dit, nous ne préconisons pas de coupures, ou d'autres coupures, aux programmes au Canada. Nous aimerions que l'on fasse davantage d'efforts pour s'attaquer aux deux principaux problèmes: la dette... M. Blair et d'autres ont mentionné la dette comme étant le problème. Nos recettes actuelles sont plus que suffisantes pour couvrir nos dépenses actuelles, si on ne tient pas compte de l'intérêt que nous versons pour le service de cette dette. La dette est donc devenue le problème.

L'autre problème est le chômage. Nous avons un taux élevé de chômage au Canada, et il faut faire quelque chose à cet égard.

En ce qui concerne la dette, nous avons un pays très riche. J'ai cité ici un certain nombre de rapports externes sur la richesse au pays. Nous sommes d'avis que cette richesse au Canada a été créée partiellement grâce aux politiques qui ont profité au peuple canadien: au Canada, nous avons profité des soins de santé, de l'éducation et des services sociaux. Nous sommes considérablement riches comme pays, même si nos comptes publics ne le reconnaissent pas, étant donné que la richesse ne se trouve pas là, dans les comptes publics.

Nous suggérons des réformes importantes au régime fiscal, nous proposons un certain nombre de recommandations spécifiques qui ne portent pas précisément sur des augmentations d'impôt ou une augmentation des taux d'impôt, mais nous recommandons certainement qu'on envisage actuellement la possibilité de prélever un impôt sur la fortune. Cette fortune existe, elle est concentrée, dans notre pays, et il serait peut-être temps que la génération passée qui a accumulé cette richesse contribue à résoudre le problème fédéral... plutôt que d'obliger les générations futures à subir des réductions de dépenses.

Le chômage ne semble pas être cyclique. Nous avons essayé par certaines de nos politiques passées de résoudre le problème du chômage cyclique grâce à l'expansion de la demande globale. Nous estimons que le problème actuel du chômage est principalement structurel et qu'il nécessite une approche totalement différente. Nos recommandations portant sur le chômage structurel visent la création d'un contexte propice à l'initiative individuelle, notamment au travail indépendant. Il faut, nous le répétons, maintenir, et peut-être même améliorer, notre système de soins de santé, étant donné que les personnes en santé sont productives; il faut améliorer nos systèmes d'éducation postsecondaire, étant donné que les personnes instruites sont productives; il faut améliorer également nos programmes de formation, afin de préparer les travailleurs à occuper les postes qui existeront dans la nouvelle économie, mais il ne faut pas chercher à accroître la demande globale. Il s'agit là vraiment de politiques relatives à l'offre globale. Il s'agit d'augmenter la capacité de production au niveau individuel.

En ce qui concerne les activités fédérales et les compressions budgétaires, la commercialisation, la privatisation et la dévolution, nous ne nous opposons pas à ce qu'on privatise des secteurs qui ne font plus partie du mandat de l'État - et dans bien des cas le monde a changé - mais nous voudrions que le comité examine sérieusement l'histoire du Canada afin de pouvoir tenir compte du rôle de ces fonctions dans l'édification du pays. Notre pays est mal en point à l'heure actuelle. La désaffection dans les régions est grande. Il incombe au gouvernement fédéral de revoir son rôle dans l'édification du pays.

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De plus, si nous voulons, en tant que pays, nous fier davantage aux forces du marché et aux solutions qu'offre le marché, nous devons nous attaquer aux questions liées à la répartition des revenus. Les marchés peuvent être généralement efficaces, mais ils ne sont pas nécessairement équitables. Étant donné la dévolution des services sociaux en ce moment, nous voyons ces services gravement réduits dans l'ensemble du pays dans le cadre d'un processus arbitraire et ponctuel. Nous aimerions que le gouvernement fédéral renforce plutôt les normes nationales.

L'une de nos suggestions que nous exposons en détail, c'est l'introduction d'un impôt négatif sur le revenu au niveau national, par Revenu Canada. Un tel régime d'impôt négatif sur le revenu garantirait les revenus dans l'ensemble du pays.

Les détails figurent dans notre document. Ainsi, la partie des services sociaux qui concerne le maintien du revenu et les normes minimales en matière de revenu seraient assurées à l'échelle nationale.

En général, la dévolution n'est pas une bonne idée dans l'état actuel du pays. Songez plutôt à relever les normes, à augmenter la souplesse et la portabilité des avantages sociaux dans tout le Canada, afin de donner à la population active cette souplesse et de régler ainsi le problème actuel du chômage en soutenant une politique concernant l'offre globale.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Flanagan.

Monsieur Pendleton.

M. Lorne Pendleton (directeur administratif, Avenue of Nations Business Association): Merci, monsieur le président, et je souhaite à tous les membres du comité la bienvenue en Alberta.

Je viens d'Edmonton. Je voudrais vous donner quelques renseignements afin de vous aider à comprendre mon point de vue. Je suis directeur administratif d'une association de petites entreprises d'un quartier du centre-ville d'Edmonton, qu'on appelle l'avenue des Nations.

On l'appelle l'avenue des Nations parce que nous formons pour la plupart une collectivité très multiculturelle. Il s'agit principalement d'Asiatiques du Sud-Est, mais là n'est pas vraiment la question.

Je tiens surtout à vous parler aujourd'hui de ce microcosme de la société canadienne composé de gens d'origines diverses, du Québec et d'ailleurs, qui se fusionnent ensemble.

Je parle au nom de chefs de petites entreprises. Ce que je trouve remarquable, c'est que ces chefs de petites entreprises des quartiers déshérités d'Edmonton plaident au nom des résidents de leur collectivité. Ces résidents sont des déshérités. Ce sont surtout des gens à qui s'adressent en général nos programmes sociaux. Notre taux de chômage, par exemple, est beaucoup plus élevé qu'ailleurs. Le niveau d'instruction y est bien inférieur, ce qui est typique des quartiers déshérités.

Je ne veux pas critiquer, mais lorsque les gens arrivent au Canada, à Edmonton du moins, lorsqu'ils arrivent dans de tels quartiers, c'est le genre de milieu que la plupart d'entre eux veulent généralement quitter.

J'en viens maintenant à l'argument que je tiens à faire valoir. Je vais parler de votre deuxième question, celle des mesures budgétaires, de la création d'emplois et de la croissance économique.

J'ai entendu d'autres participants le dire, et je pense moi aussi qu'il est temps d'essayer davantage de travailler ensemble. Nous devrions fusionner, si vous voulez, les deux groupes que sont les entreprises et les résidents.

Je sais que cela semble très simpliste, mais je suis étonné, en tant qu'entrepreneur moi-même, de voir les chefs de petites entreprises - ils sont ravis d'être au Canada, pour la plupart, à cause du contexte propice à la hausse de la qualité de la vie - se préoccuper de la personne qui fouille dans les bennes à ordures à l'aide d'un cintre.

Il est vrai également que certains de mes amis ferment les yeux pour ne pas voir le malheureux ivrogne qui trébuche.

Ces deux types de personnes posent des problèmes aux entreprises. La solution traditionnelle est de dire qu'il faut simplement s'en débarrasser.

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Mais avenue des Nations, monsieur, nous disons que nous devons travailler ensemble. Nous devons trouver ensemble une solution à ce problème. Nous ne pouvons pas fermer les yeux. Nous devons faire preuve de compassion.

Je vais conclure en disant qu'il est très important pour les résidents de notre secteur qui possèdent quelques biens qu'on offre une formation aux gens qui sont dans la déveine et qu'on améliore leur situation. Nous avons besoin de formation.

Deuxièmement, nous avons besoin d'une approche beaucoup plus équilibrée et juste en ce qui concerne les compressions. Je crois, monsieur, que nous pouvons parfois trouver les solutions en nous adressant à la base. Je peux voir l'amorce d'une solution dans cette partie d'Edmonton, aussi surprenant que cela semble aux Albertains. Les gens d'affaires que je représente - et je crois que c'est la majorité d'entre eux, sinon je ne le dirais pas - ne pensent pas que les grandes entreprises canadiennes seront les seules à pouvoir résoudre nos problèmes sociaux.

Troisièmement, nous avons besoin d'un gouvernement central fort. Nous avons besoin de faire preuve de compassion dans nos programmes sociaux. J'ai quelques idées dont je vous ferai part lorsque nous donnerons de plus amples explications.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Pendleton.

Madame Roberta Bedard.

Mme Roberta Bedard (vice-présidente, Alberta Association of Retirement Planners): Merci, monsieur le président.

Je dois mentionner que les représentants de l'Alberta Association of Social Workers présents ici étaient probablement très surpris d'entendre dire que je suis leur présidente.

Je suis présidente de l'Alberta Association of Retirement Planners; alors je vous prie de m'excuser, monsieur.

Cela dit, je vous remercie sincèrement de donner l'occasion à l'AARP, comme je désignerai l'association à partir de maintenant, de participer à ces discussions. J'ai eu le privilège de participer à d'autres discussions l'an dernier, ainsi qu'aux réunions du comité de M. Axworthy.

Cela nous a fait comprendre qu'il pouvait y avoir là un moyen d'apporter des changements. Nous avons vraiment eu alors l'impression qu'on nous avait entendus, et je vous en remercie encore une fois. Je vais résumer notre mémoire, afin d'être aussi brève que possible.

L'objectif principal de la planification budgétaire doit continuer d'être la réduction du déficit. Je ne pense pas que nos membres divergent d'opinion à ce sujet. Toutefois, rien ne se fait en vase clos. Les réductions doivent être apportées de manière à ne pas entraîner de répercussions négatives plus tard.

Je pense que lorsqu'on planifie il est facile de ne pas tenir compte de tous les paramètres, et l'on risque alors plus tard de voir des résultats inattendus, à moins d'être vraiment très prudent. Nous suggérons qu'en planifiant le budget on tienne compte du fait qu'une économie en expansion qui n'apporte pas de recettes fiscales ne contribue pas à réduire le déficit.

Il serait préférable de planifier en vue de stabiliser l'économie, en mettant moins l'accent, peut-être, sur les profits élevés et la croissance, pour se concentrer sur les emplois, qui augmenteront le pouvoir d'achat des Canadiens ainsi que l'impôt sur le revenu qu'ils paieront. La croissance suivra. Nous estimons qu'un climat favorable à la création d'emplois et à la croissance peut être créé par des mesures budgétaires. Nous croyons également qu'il sera plus facile de stimuler la création d'emplois dans le secteur des petites entreprises. Tout ce qu'on pourra faire pour renforcer la position des petites entreprises contribuera à augmenter les recettes fiscales.

Voici ce qui nous intéresse particulièrement. Les petites entreprises ont besoin d'employés ayant une formation en applications informatiques, en particulier des compétences en recherche. Nous estimons qu'une coopération entre les ministères sera essentielle pour qu'on puisse offrir une formation utile, et il est vrai que des crédits doivent être prévus à cette fin dans le budget, mais il faut aussi qu'il y ait coopération entre les ministères, ainsi qu'entre ministères fédéraux et provinciaux. Si nous pouvons offrir une formation utile et améliorer le rendement des petites entreprises, nous réduirons alors le nombre de prestataires d'assurance-chômage et d'assistance sociale, tout en augmentant les recettes fiscales.

L'infrastructure indispensable pour offrir ce genre de formation dans les établissements d'enseignement publics existe déjà. Nous pensons que la privatisation du système d'éducation pourrait diluer la qualité de la formation, à moins qu'on n'impose des normes fédérales vraiment strictes. Alors pourquoi ne pas utiliser les établissements où l'on a déjà des normes? Or, à l'heure actuelle, il y a des installations qui sont sous-utilisées.

Notre association a même créé un programme de formation de ce genre en établissant le Northern Alberta Institute of Technology. Nous avons appelé ce programme SWAT, l'alliance pour la formation des travailleurs âgés, et cette initiative a résulté, monsieur, d'un exposé que nous avons eu le privilège de faire à l'une de ces tables rondes, de sorte qu'on peut dire qu'un très bon résultat a résulté de ces tables rondes.

Le SWAT est un programme de formation conçu spécifiquement pour les travailleurs âgés. Il tient compte du mode d'apprentissage du cerveau âgé, de la nécessité d'un meilleur éclairage et d'un appui lombaire, en plus de prendre en considération leur temps de réaction un peu plus lent.

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Les cours ont été spécialement conçus. On peut simplement montrer où sont les interrupteurs, mais on peut aussi montrer comment lancer sa propre petite entreprise ou comment devenir un chercheur naviguant sur le réseau Internet. Nous pensons que ce programme offre de véritables possibilités aux personnes à la retraite qui voudront ou devront entreprendre une seconde carrière sans avoir l'impression de régresser.

Si nous regardons les changements qui sont proposés ou qui pourraient être proposés au Régime de pensions du Canada, cela devient de plus en plus important si les gens doivent prendre leur retraite ou du moins quitter la population active plus tard. Mais, en même temps, les réductions d'effectifs les amènent à quitter leur emploi plus jeunes. Il leur faudra quelque chose pour combler cet écart.

Pour que ces gens puissent faire face à la concurrence sur le marché du travail d'aujourd'hui et de demain, il faut offrir une formation utile aux travailleurs âgés. Abattre le travailleur âgé comme s'il était un animal devenu inutile n'est pas une option. Si vous dites que les travailleurs âgés doivent quitter leur travail et ne peuvent pas profiter d'une formation adéquate afin de pouvoir faire face à la concurrence sur le marché du travail d'aujourd'hui, quelle solution de rechange laissez-vous aux personnes âgées si nous ne sommes pas disposés à leur offrir la possibilité de travailler ni à leur offrir une forme d'assistance sociale?

Nous sommes d'avis qu'un mécanisme de liaison sur le plan de l'administration et de la politique, entre les divers ministères fédéraux, contribuerait à éliminer le chevauchement de services, mais il ne serait pas avantageux à long terme d'avoir recours à la dévolution de services vers les provinces comme simple mécanisme de réduction du budget ou du déficit. Il n'est pas logique pour les contribuables de réduire le déficit fédéral en augmentant le fardeau des provinces. Nous devons parvenir à une plus grande efficience sans créer de difficultés excessives. On a déjà parlé des gens qui souffrent déjà.

Nous estimons qu'il faut des normes fédérales. L'absence de normes fédérales compromettrait la mobilité de la population des différentes régions du Canada et pourrait également nuire aux provinces qui offrent des normes de service plus élevées. Nous avons déjà vu ce qui s'est passé à cet égard en Colombie-Britannique et les mesures que le gouvernement de cette province a estimé devoir prendre. En l'absence de normes fédérales, d'autres provinces pourraient fort bien suivre l'exemple de la Colombie-Britannique.

Nous voudrions peut-être aussi réexaminer le traitement fiscal préférentiel donné à des groupes d'intérêts spécifiques. Quant aux grandes organisations qui font déjà des profits importants - milieu artistique, organismes religieux et quasi-religieux - il y aurait peut-être lieu de réévaluer leur traitement fiscal. Les contribuables n'ont pas pour mission de subventionner les sociétés à but lucratif. Il faut trouver un moyen d'augmenter les recettes fiscales provenant de ces sociétés sans pour autant déclencher un exode massif.

Le président: Quelles sociétés?

Mme Bedard: Celles qui font actuellement de bons profits. Vous devez comprendre que je n'ai pas une liste de toutes les sociétés à but lucratif, mais si vous en voulez une, je peux aller à la bibliothèque publique de Calgary vérifier dans les ouvrages de référence. J'ai l'impression que quelqu'un quelque part sait de qui il s'agit.

Le président: Vous préconisez donc pour les sociétés un impôt plus élevé fondé sur les profits?

Mme Bedard: Il ne s'agit pas nécessairement d'un impôt plus élevé pour les sociétés, mais peut-être de revoir ce que pense le Canadien moyen des échappatoires fiscales, car il y a des organismes à but lucratif qui profitent actuellement de reports d'impôt et d'allégements fiscaux. On pourrait peut-être réévaluer cette situation. Vous verrez dans ma déclaration finale quelle est notre position à ce sujet.

Il faudrait examiner également le financement des arts. Il est certain que les arts sont importants pour la qualité de nos vies, mais un poète a dit que si nous avons deux pains, nous devrions en vendre un et utiliser l'argent pour acheter des jacinthes pour nourrir nos âmes. Eh bien, c'est vraiment beau, mais je pense que nous devrons peut-être finir par reconnaître que nous avons un seul pain et qu'il faudra peut-être attendre pour acheter des jacinthes, et je sais que c'est peut-être impopulaire de dire une telle chose.

Je vais résumer très rapidement.

Le président: Vous aurez l'occasion de résumer plus tard.

Mme Bedard: Dans ce cas, je m'arrête.

Le président: Vous aurez tous l'occasion de faire un résumé. Je veux seulement donner à tous la possibilité d'exprimer leurs opinions, parce que nous voyons ici des visions très divergentes de l'avenir du Canada.

Monsieur Jason Kenney.

M. Jason T. Kenney (directeur national, Canadian Taxpayers Federation): Merci, monsieur le président. J'essaierai aussi d'être bref, mais je vous saurais gré de faire respecter la discipline à cet égard. Je pense qu'on m'a coupé la parole l'an dernier, et j'étais cette fois-là aussi au bout de la table.

Le président: On vous a coupé la parole parce que vous avez parlé trop longtemps et parce que personne n'a aimé ce que vous avez dit.

M. Kenney: C'est probablement la deuxième raison.

Je fais partie de la Canadian Taxpayers Federation, et nous n'avons pas aimé ce que vous avez dit dans votre rapport l'an dernier, monsieur le président. Comme votre comité a recommandé dans son rapport au ministre en décembre dernier d'augmenter les impôts de quelque 2 milliards de dollars par année, notre organisation a lancé une grande campagne nationale qui a donné pour résultat plus de 20 rassemblements aux quatre coins du pays et la signature de pétitions et de coupons par 240 000 Canadiens. Je soupçonne que certains d'entre vous ont probablement alors reçu des appels téléphoniques et des messages par télécopieurs dans lesquels on vous disait qu'il serait inopportun d'augmenter les impôts.

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Nous voulons préciser tout de suite que nos 85 000 partisans dans toutes les provinces du Canada ne peuvent absolument pas accepter la perspective d'impôts plus élevés dans le prochain budget.

Cela dit, je tiens à aborder de façon constructive chacune des questions soumises par le comité.

Premièrement, quel devrait être l'objectif en matière de déficit? Nous sommes d'avis que l'objectif actuel pour le déficit est insuffisant et équivoque, à tout le moins, et que le plan actuel du ministre des Finances n'est vraiment pas une solution au problème. Pendant le mandat de son gouvernement, il se trouve essentiellement à ajouter 100 milliards de dollars à notre dette et à faire passer nos paiements au titre du service de la dette de moins de 40 milliards de dollars par année à plus de 50 milliards de dollars.

Toutes les réductions de dépenses de programmes effectuées au cours des deux dernières années ont simplement permis de payer des coûts d'intérêt plus élevés, ce que je n'ai entendu personne d'autre dire aujourd'hui. C'est malheureux, mais, en réalité, l'exercice de planification budgétaire actuellement en cours, c'est-à-dire toutes les compressions effectuées, dont certaines étaient très douloureuses, a seulement permis au gouvernement fédéral d'engloutir plus de ces précieux deniers publics dans le service de la dette. Cela ne peut tout simplement pas continuer.

C'est pourquoi nous suggérons au gouvernement d'accélérer sa réduction du déficit, et même de chercher fermement à équilibrer son budget à compter de l'exercice financier de l'an 2000. Des objectifs provisoires de 2 p. 100 du PIB dans l'exercice financier de 1997 et de 1 p. 100 dans l'exercice financier de 1998 seraient appropriés, réalisables et mesurables, et c'est justement le genre de critères que le ministre des Finances recherche.

Comment atteindre ces objectifs? Encore une fois, ils ne sauraient être atteints par le biais d'augmentations d'impôt. Le gouvernement fédéral et de nombreux gouvernements provinciaux ont atteint le seuil des rendements décroissants en matière d'imposition. À preuve, l'exercice financier 1993-1994, où les recettes fédérales ont en fait décliné parce que l'économie n'a pas été capable de générer les recettes escomptées par les gouvernements. Les anciens modèles ne fonctionnent plus parce que nous avons atteint le seuil des rendements décroissants.

J'entends des gens autour de cette table et d'autres aussi qui participent au débat public parler d'une approche équilibrée et laisser entendre, même si ce n'est jamais très clair ou direct, qu'il faut hausser les impôts. À mon avis, après trois décennies de hausses d'impôt et d'augmentations des dépenses globales du gouvernement, l'approche équilibrée consisterait à tout le moins à maintenir les impôts à leur niveau actuel et à réduire les dépenses. Après trois décennies d'une démarche qui a échoué, on devrait essayer quelque chose d'autre.

J'ai entendu dire que l'aliénation mentale, c'est refaire constamment la même chose, même si cela ne fonctionne pas. Or, c'est précisément ce qu'a fait le gouvernement fédéral en matière financière.

Depuis dix ans, les recettes fédérales ont doublé en termes nominaux. Il y a eu une augmentation de 760 p. 100 des recettes fédérales ces 25 dernières années. Les recettes gouvernementales totales sont passées de 35,7 p. 100 à plus de 44 p. 100 du PIB au cours de la même période. Le Canada est le pays du Groupe des sept où le fardeau des taxes directes sur les particuliers est le plus élevé et vient au deuxième rang parmi les pays de l'OCDE pour ce qui est de la croissance du fardeau fiscal des particuliers. La totalité du fardeau fiscal imposé aux particuliers par tous les paliers de gouvernement a augmenté de quelque 16 p. 100 en termes réels au cours des 30 dernières années, et le pire problème économique de notre pays est la diminution constante du revenu disponible, ce qui nuit à l'investissement et à la consommation.

Monsieur le président, avec votre permission j'aimerais montrer certains graphiques que j'ai apportés. Il est plus facile de faire comprendre cela avec des graphiques, car lorsqu'on parle de millions et de milliards de dollars, les chiffres perdent pratiquement toute signification.

Voici une illustration en couleur qui montre les lacunes de l'ancienne démarche. Il s'agit d'un instantané de l'histoire financière du gouvernement fédéral de 1962 à 1994-1995. On peut voir, en rouge, la croissance de la dette fédérale, en vert, l'augmentation des recettes fédérales et, en noir, l'augmentation des dépenses gouvernementales. Il ressort que malgré l'augmentation constante des recettes gouvernementales, les dépenses ont chaque année été supérieures aux recettes, et la dette s'est accrue proportionnellement. Autrement dit, la solution consistant à augmenter les recettes ne fonctionne pas.

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Il y a une autre façon d'illustrer cela. Sur ce graphique, la ligne rouge représente la dette fédérale. La ligne bleue, les recettes fédérales. On constate donc une augmentation constante des recettes fédérales. De 1962 à 1994 nous avons essayé la solution de l'augmentation des recettes, et que s'est-il passé? La ligne rouge s'est accentuée, et nous nous sommes endettés davantage.

La ligne noire représente le niveau de vie des familles canadiennes, l'augmentation en pourcentage du revenu familial. À mesure qu'augmentent les impôts du gouvernement fédéral et la dette, on note une réduction proportionnelle du revenu des familles canadiennes.

Si vous vous cherchez un bouc émissaire pour les problèmes économiques structurels d'aujourd'hui, j'invite à se regarder dans le miroir ceux d'entre vous qui participent à ce genre de décisions au sein du gouvernement fédéral.

Le comité voulait en outre savoir de quelle façon on peut recourir à des mesures budgétaires pour créer un environnement propice à l'emploi et à la croissance. À notre avis, le gouvernement actuel devrait envisager sérieusement une réduction d'impôt ciblée graduelle qui aurait pour effet d'augmenter le revenu disponible des consommateurs canadiens, ainsi que la capacité de nos investisseurs. Cela créerait de nouveaux emplois et, par conséquent, générerait des recettes plus élevées pour le gouvernement fédéral. Ce dernier pourrait ainsi rapprocher à l'an 2000 la date butoir pour un budget équilibré.

Dans notre mémoire, qui est assez volumineux, nous précisons des domaines où le gouvernement fédéral pourrait réduire ses dépenses sans que cela ait des répercussions indues sur les plus vulnérables dans notre société. Entre autres choses, le gouvernement devrait faire preuve de leadership, et l'exemple devrait venir d'en haut. Ainsi, les changements mineurs apportés au régime de pension des députés plus tôt cette année sont loin de satisfaire les contribuables, qui s'attendent à ce que leurs députés aient le même revenu de retraite qu'eux. Nous pensons que ce régime devrait être transformé en un régime autofinancé à cotisations déterminées. De même, on pourrait donner plus de transparence aux indemnités des députés en transformant l'allocation de dépense non imposable en une portion du salaire imposable.

Ce sont des choses symboliques. Nous savons qu'il n'y a pas beaucoup d'argent en jeu, mais nous pensons que le leadership symbolique prendra une importance cruciale. En Alberta, en Ontario, au Manitoba et en Saskatchewan, les gouvernements ont tous démontré ce genre de leadership concret, et non simplement symbolique, suscitant ainsi chez autrui la volonté politique d'accepter des sacrifices.

Nous recommandons que le gouvernement fasse des réductions supplémentaires dans ses transferts aux sociétés de la Couronne. C'est un domaine qui se prête manifestement à des réductions substantielles, compte tenu du fait que cela représente des dépenses de l'ordre de cinq milliards de dollars, si l'on englobe les prêts du gouvernement à des sociétés comme VIA Rail, Postes Canada, l'Office national du film, la Société Radio-Canada, etc.

Étant donné que dans son récent rapport du dernier trimestre, le vérificateur général a signalé que rien ne prouvait l'efficacité des programmes de développement régional, il convient de demander au gouvernement et au comité pourquoi ils continuent de défendre le maintien de programmes comme la Diversification économique de l'Ouest et l'APECA. Est-ce simplement parce qu'il s'agit de projets dans les régions inspirés de la bonne vieille assiette au beurre, ou est-ce en raison d'une propension idéologique du gouvernement? Pourquoi ne pas mettre un terme à ce genre de programmes? Tous les groupes d'affaires du pays sont d'avis que le moment est venu de le faire.

On pourrait aussi sabrer davantage dans les affaires étrangères... et je pense que d'autres compressions pourraient viser le budget de la défense.

En matière de dépenses sociales, nous sommes déçus - et le mot est faible - que l'on ait tabletté les excellentes recommandations qu'avait faites le ministre Axworthy l'année dernière. Ce faisant, le gouvernement a négligé de s'attaquer au principal secteur des dépenses budgétaires, soit les transferts aux particuliers et certains transferts aux provinces, optant plutôt pour une réduction furtive des transferts aux provinces à long terme. À notre avis, il convient de ressusciter les recommandations du ministre Axworthy, en faisant fi des tiraillements politiques régionaux qui peuvent exister au sein du caucus gouvernemental et ailleurs.

Enfin, nous pensons qu'un budget stimulateur devrait englober une réforme fiscale fondamentale, et qu'on devrait notamment songer à adopter un impôt uniforme. Le Congrès américain étant susceptible d'adopter un tel régime fiscal dès janvier 1998, on se refuse à penser que l'impôt sur le revenu total se chiffrera autour des 18 ou 19 p. 100 dans l'État de Washington, comparativement à un taux d'imposition marginal total de 54,5 p. 100 de l'autre côté de la frontière, en Colombie-Britannique. Cela n'est pas tolérable. Nous préconisons donc qu'une refonte du régime fiscal, englobant notamment une réduction des taux marginaux, devienne un élément central du programme financier du gouvernement.

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Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Kenney.

Monsieur Genuis.

M. Mark L. Genuis (fondateur et directeur général, National Foundation for Family Research and Education): Bonjour; je représente la National Foundation for Family Research and Education, dont le siège social vient tout juste de déménager à Calgary.

Mon exposé comporte quatre composantes. Les trois premières s'attacheront à la question qui a été posée, et la quatrième... en fait, nous nous en tiendrons aux trois premières et nous ferons un résumé plus tard, au cours de la discussion.

Nous voulons aborder les questions budgétaires dans la perspective des familles canadiennes, étant donné que ces dernières représentent la pierre angulaire de notre économie et de notre pays. Notre fondation est un organisme de charité privé dont le but est d'étudier et d'appuyer les familles.

Toutes nos recommandations financières sont entièrement fondées sur des recherches menées sur des familles. Toutes ces recommandations découlent de données recueillies après un examen attentif de la vie des citoyens. Notre action n'est pas inspirée par des motifs politiques, ou encore par la défense de nos propres intérêts ou d'un programme en particulier. Elle s'inspire uniquement de recherches sur les familles et sur la vie familiale au Canada et dans d'autres régions du monde. Après cette mise au point, je suis prêt à commencer.

La première question est la suivante: quel devrait être notre objectif en matière de réduction du déficit et comment s'y prendre pour le réaliser? Manifestement, les politiques des gouvernements canadiens successifs depuis 30 ans ont laissé les familles dans une position financière précaire. Une partie croissante de chaque dollar recueilli par le fisc sert à financer le service de la dette au lieu d'assurer la stabilité sociale et économique de la société ou de créer un climat offrant davantage de stimulants et de débouchés pour les générations actuelles et futures.

En fait, l'honorable M. Martin a signalé que les frais liés à la dette gouvernementale augmenteraient de 12,7 milliards de dollars entre 1993 et 1997, de sorte que nous paierons 50,7 milliards de dollars pour financer le service de la dette en 1997. À compter du présent exercice financier, les recettes vont dépasser les dépenses de programmes, mais en raison des coûts considérables liés au service de la dette, nous demeurerons dans une position déficitaire, ce qui accroîtra encore davantage la dégringolade financière des familles et les pressions avec lesquelles elles doivent composer.

Il est évident que nos habitudes financières imposent un lourd fardeau aux contribuables et aux familles du Canada. En fait, le gouvernement paie maintenant pour les décisions moins que judicieuses de ses prédécesseurs. Nous recommandons que cette tendance soit renversée.

Nous souhaitons que le comité invite le ministre à travailler diligemment pour réaliser son objectif d'élimination du déficit. En outre, nous recommandons des modifications à la Loi de l'impôt sur le revenu pour donner aux familles une meilleure possibilité d'assurer concrètement elles-mêmes leur subsistance.

M. Blair a dit qu'à elles seules les compressions n'étaient pas suffisantes. Nous sommes tout à fait d'accord, et nous souhaitons suggérer des façons d'apporter des changements susceptibles de redresser la situation des contribuables.

Pour ce qui est de la deuxième question, à savoir comment utiliser des mesures budgétaires pour créer un climat favorable à l'emploi, nous jugeons louable que le gouvernement se préoccupe de créer des occasions d'emploi. Dans le contexte du budget, on peut manifestement promouvoir un climat très positif pour la création d'emplois tout en offrant aux familles des débouchés économiques accrus qui leur permettraient à leur tour de faire leurs propres choix.

Très brièvement, je vais résumer certaines données fondamentales et ensuite discuter d'avenues possibles. Notre organisme a recensé un certain nombre de tendances croissantes dans la pathologie sociale, dont certaines ont déjà été mentionnées, tendances qui nuisent à l'économie et à la capacité de créer des emplois.

Voici certaines tendances pertinentes qui ont un effet négatif manifeste dans ce secteur et qui en outre sont très coûteuses sur le plan humain. Tant que dureront ces tendances, la société canadienne continuera de perdre des ressources économiques valables en terme d'emplois perdus et de coûts liés aux efforts pour traiter ce genre de troubles.

Permettez-moi de citer le problème de la criminalité violente chez les jeunes au Canada. On fait grand cas du fait que la criminalité est en baisse, mais on passe sous silence que chez les jeunes les crimes violents ont augmenté de 116 p. 100 depuis 1986, ce qui représente le double du taux d'augmentation des crimes violents perpétrés par des adultes. Quant aux délits liés à la drogue mettant en cause des jeunes, ils ont connu une hausse de 34 p. 100 de 1992 à 1994.

Une fois prise en compte l'augmentation de la population, le taux de suicide parmi les jeunes Canadiens âgés de 15 à 18 ans - et ces données viennent de Statistique Canada - a augmenté de600 p. 100 en quatre ans, soit de 1992 à 1995. C'est là une augmentation phénoménale du taux de suicide.

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Ce qui est encore plus inquiétant et troublant, c'est le taux de suicide chez les enfants de 10 à 14 ans. Encore une fois, après avoir pris en compte l'augmentation de la population, nous constatons une augmentation de 1101 p. 100 pour les suicides chez les 10-14 ans entre 1955 et 1992.

À l'heure actuelle, le taux clinique de troubles émotifs chez la population des adolescents et des jeunes adultes est d'environ 20 p. 100. Dans un contexte financier, les personnes souffrant de troubles émotifs graves sont beaucoup plus susceptibles d'avoir du mal à donner un bon rendement au travail. Cela n'est pas sans avoir un effet économique. Sans compter les coûts humains que ce genre de choses génèrent. Et il s'agit là de 20 p. 100 de nos jeunes.

À l'heure actuelle, les entreprises canadiennes versent plus de 12 milliards de dollars par an pour des congés liés à des problèmes personnels et au stress. Lorsque nous constatons ces tendances constantes dans autant de secteurs de notre société, il nous appartient, en tant que chercheurs, de trouver les causes de ces problèmes. En effet, comme nous ne sommes guère efficaces pour les régler une fois qu'ils surviennent, si nous pouvions les prévenir, nous serions d'autant plus avancés.

C'est à cette fin qu'on a entrepris énormément de recherche à l'échelle mondiale sur des concepts aussi fondamentaux que la création de liens affectifs, ou l'attachement aux parents pendant l'enfance. Récemment, nous avons effectué certaines recherches à ce sujet auprès d'une population de l'Alberta, en nous servant de certaines des techniques statistiques parmi les plus exhaustives et les plus modernes disponibles dans le monde car elles nous permettent maintenant d'examiner les processus causals. Nous ne nous en tenons plus désormais aux associations; nous pouvons discuter des causes et de l'évolution du développement.

Nous avons donc examiné de nouvelles données. En bref, monsieur, les résultats des données obtenues après un examen étroit de la vie de ces personnes nous ont appris que des liens précaires avec les parents avant l'âge de dix ans étaient une cause directe de troubles émotifs et de problèmes de comportement caractérisés, y compris la criminalité juvénile. La création de ces liens est donc une variable cruciale pour le développement dans notre vie.

Nous avons étudié un certain nombre de cas où des liens affectifs s'étaient créés pendant l'enfance. Je ne vais pas en parler maintenant, mais s'il y a des questions à ce sujet par la suite, j'y répondrai volontiers.

Le président: Pourriez-vous maintenant nous communiquer vos recommandations à l'égard du budget?

M. Genuis: Oui, monsieur.

Le président: Soyez très bref, je vous prie.

M. Genuis: Bien sûr. S'il y a des questions, j'expliquerai volontiers la genèse de ce phénomène.

Mais le plus important, dans tout cela, c'est que nous pouvons compter sur un autre élément dans le contexte de ce que nous appelons la «méta-analyse», ce qui représente un progrès remarquable par rapport à l'examen narratif des ouvrages spécialisés. On a donc effectué une méta-analyse mondiale sur l'absence de sollicitude parentale. On a étudié l'effet qu'avait une telle privation pendant 20 heures par semaine sur des enfants âgés de moins de cinq ans. Les recherchistes ont réuni toutes les recherches effectuées dans le monde, tous les documents publiés sur la question et ont pu décrire dans quelle mesure cette absence de sollicitude est bonne, mauvaise ou neutre, et quelle répercussion elle a.

À partir de toutes ces données, les recherchistes ont constaté qu'une privation de sollicitude parentale de plus de 20 heures par semaine, avant l'âge de cinq ans, expose l'enfant au risque de ne pas créer de liens solides avec ses parents, de connaître des difficultés émotives et de comportement. On note en outre des conséquences négatives mineures dans le domaine du développement cognitif.

J'en viens maintenant aux recommandations. S'il y a des questions sur ce que je viens de dire, je pourrai donner d'autres explications.

Le gouvernement fédéral a alloué 1,5 milliard de dollars à la création de 150 000 nouvelles places dans les garderies au Canada. D'après toutes les données recueillies à l'échelle internationale, ce plan contribuera à un cycle négatif dans le développement des enfants, enfants qui représentent l'avenir de notre pays.

Le président: D'accord.

M. Genuis: Très brièvement, nous recommandons...

Le président: J'ai compris. Il ne faut pas instaurer de réseau de garderies.

M. Genuis: Nous recommandons au gouvernement de ne pas simplement supprimer le programme de garderies. Dans la foulée de la motion sur les crédits fiscaux pour les familles présentée au caucus le 30 mars dernier par M. Szabo, le gouvernement devrait laisser plus d'argent dans les poches de ces familles pour qu'elles puissent faire des choix. Il ne devrait pas dicter aux gens comment vivre leur vie. De cette façon, les familles seraient plus à même d'assurer leur subsistance financière, indépendamment du gouvernement. Nous sommes d'avis que les familles seraient ainsi en mesure de faire les choix qui leur conviennent le mieux. Et je répète que cela n'est pas uniquement notre opinion; nous nous fondons sur...

Le président: Je comprends. Merci beaucoup, monsieur Genuis.

Monsieur Newell.

M. Eric Newell (président-directeur général, Syncrude Canada Ltd., et président, Groupe de travail national sur les stratégies concernant les sables pétrolifères): Merci, monsieur le président. Je m'appelle Eric Newell et je suis président-directeur général de Syncrude Canada Limited et président de l'Alberta Chamber of Resources. Je viens de Fort McMurray et je m'excuse d'être un peu en retard. Je sais qu'en tant que dernier intervenant, il m'incombe d'être très bref et je vais m'en tenir à cinq minutes maximum, monsieur le président.

Le président: Si vous y arrivez, je vais vous donner un prix.

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M. Newell: Je vais essayer de le mériter.

Tout d'abord, je vous remercie de m'avoir invité ici pour représenter le Groupe de travail national sur les stratégies concernant les sables pétrolifères. Si l'on reprend l'analogie du bilan financier de Bob Blair, nous représentons assurément le volet actif.

Notre groupe de travail représente de nombreux intervenants. En faisaient partie environ une douzaine de compagnies, des représentants des deux paliers de gouvernement, de groupes autochtones, d'organismes gouvernementaux et d'universités. Nous avons examiné les occasions qu'offrent les vastes ressources pétrolières du Canada et nous avons publié nos conclusions en mai de cette année.

Depuis lors, les membres du groupe de travail ont discuté des recommandations du rapport avec des représentants du gouvernement fédéral, du gouvernement de l'Alberta, des municipalités, des fournisseurs de biens et services et d'autres personnes encore qui s'intéressent à ce secteur et à la démarche réfléchie qu'il faut adopter pour le développer.

Avant de passer directement aux trois questions, je voudrais tout d'abord vous laisser deux sujets de réflexion.

Premièrement, le secteur des sables pétrolifères est dans la position enviable d'être prêt à recevoir des investissements. Et ce, pour six raisons: la ressource est connue; elle est plus considérable que celle de l'Arabie Saoudite; la technologie a fait ses preuves; les techniques de mise en valeur ont été raffinées; notre main-d'oeuvre est hautement qualifiée et, enfin, notre réputation n'est plus à faire en matière de gestion de l'environnement. En outre, nous avons réussi à susciter l'intérêt d'investisseurs éventuels et notre marché s'accroît. Pour résumer mon premier point, les conditions sont idéales.

Deuxièmement, je vais revenir sur un sujet que de nombreuses personnes ont déjà abordé, la création d'emplois. Je ne connais pas d'autre secteur privé au Canada qui, à lui seul, peut produire davantage d'emplois. Selon l'étude que nous avons commandée à Informetrica, la mise en oeuvre de notre vision pour les sables pétrolifères créerait 44 000 emplois d'ici à 30 ans, emplois qui seraient disséminés un peu partout au Canada. En fait, 40 p. 100 d'entre eux seraient en Alberta. L'Ontario et le Québec y trouveraient aussi leur compte.

Pour concrétiser notre vision, il nous faudra aller chercher des investissements de l'ordre de21 à 25 milliards de dollars au cours des trente prochaines années. Il s'agit donc d'un projet d'envergure. Sa mise en oeuvre générerait un million d'années-personnes de travail, une balance commerciale positive pour le Canada de 106 milliards de dollars et une augmentation du PIB de0,6 p. 100, sans compter que cela augmenterait assurément la sécurité énergétique à long terme du Canada. Chose qui risque d'intéresser au plus haut point le comité, on s'attend à ce que le projet génère des recettes gouvernementales additionnelles de 97 milliards de dollars au cours des trois prochaines décennies.

À la fois pour le Canada et l'Alberta, nous recommandons un régime financier générique en vertu duquel le même régime d'imposition et de redevances s'appliquerait à tous les intervenants du secteur des sables pétrolifères, en remplacement des arrangements négociés individuels et ponctuels qui ont cours à l'heure actuelle, qui ne permettent pas du tout d'assurer la sécurité des investisseurs.

Votre groupe apprendra avec soulagement que ce régime ne prévoit pas de demandes de subvention, de prêt ou de garantie de prêt. Le régime est tout à fait contre. Si vous avez des inquiétudes au sujet du coût pour les contribuables, vous pouvez dormir en paix. Cela ne coûtera rien au gouvernement fédéral. Il n'y a que des avantages à ce régime.

Cela peut sembler trop beau pour être vrai, mais je peux vous assurer que c'est le cas. Une analyse indépendante montre que dès le premier jour, l'incidence du programme sur le bilan financier du gouvernement sera positive grâce aux nouveaux investissements dans ce régime proposé pour les sables pétrolifères. Nous envisageons au cours des quelques prochaines années d'annoncer des projets d'une valeur de 3 milliards de dollars. Et tous ces projets verraient le jour d'ici à l'an 2000.

Passons maintenant aux questions. Au sujet de l'objectif en matière de réduction du déficit, je pense franchement qu'il faut être très agressif. Nous devons chercher à équilibrer le budget d'ici à six ou sept ans. Autrement dit, nous sommes plutôt en accord avec la position et le rythme proposés par le ministre des Finances.

On pourra atteindre cet objectif grâce à une combinaison de mesures. Chose certaine, il faudra que le gouvernement procède à une restructuration qui tienne compte de certains des problèmes sociaux dont il a été question ici. Parallèlement, il lui faudra réaligner ses programmes et augmenter ses recettes grâce à la croissance économique et non pas à des augmentations d'impôt. Nous nous rallions à ceux qui ont recommandé de ne pas augmenter les impôts.

Pour répondre à la deuxième question au sujet de l'emploi et de la croissance, je vous ai expliqué tout à l'heure qu'il existait une occasion de croissance. Les Canadiens sont très ingénieux. Ils ont l'esprit inventif. Nous possédons une main-d'oeuvre très compétente et notre pays est riche en ressources naturelles. Retroussons-nous les manches pour créer le climat qui nous permettra de tirer parti de ces atouts.

Pour ce qui est de la troisième question, je m'en remets à mes collègues du groupe. Tout ce que je peux dire, c'est que le mouvement du gouvernement vers la privatisation et la commercialisation a été généralement bien accueilli. Il faudrait continuer en ce sens. Autrement dit, il faudrait que les gouvernements s'attachent à définir leurs champs d'action essentiels et qu'ils s'en occupent.

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Pour ce qui est de la dévolution à d'autres paliers de gouvernement, j'estime qu'il faut faire davantage d'efforts pour harmoniser la réglementation et éviter les chevauchements. À mon avis, on peut faire d'énormes économies de cette façon sans recourir d'emblée à des coupures.

Par exemple, il y a le cas très courant de la réglementation environnementale pour l'approbation de projets. Il faudrait que ce processus, qui met en cause de nombreux paliers de compétences, soit à la fois efficace et efficient. Je pense que cela est faisable si on améliore les processus fédéral-provinciaux afin d'assurer une meilleure harmonisation et une résolution plus rapide.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Newell. Je regrette, mais vous avez dépassé les trois minutes.

Pouvons-nous faire une pause de cinq minutes?

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Le président: Bien, je pense que nous sommes prêts.

Étant donné que j'ai interrompu M. Blair, dont les suggestions sont plutôt uniques, je lui ai demandé de nous en dire un peu plus long sur son approche inspirée d'un bilan financier. L'année dernière, il avait dit au comité qu'un certain nombre de particuliers et de sociétés nantis qui avaient tiré autrefois leur prospérité du Canada seraient sans doute disposés à contribuer à la réduction de la dette.

Monsieur Blair.

M. Blair: Merci, monsieur le président. Étant donné que je ferai référence à un tableau pour répondre à votre question, y a-t-il quelqu'un qui n'en a pas une copie. Il y a davantage de copies dans la salle maintenant. Pendant un moment, nous en avons manqué.

Monsieur le président, puis-je commencer en lisant brièvement trois paragraphes. Si quelqu'un veut les situer dans leur contexte, ils figurent à la page 4, au début du paragraphe 5.

Pour évaluer et résoudre efficacement un problème d'endettement excessif, il faut s'imaginer avoir devant soi un bilan financier. Pour régler le problème du passif, il faut être informé de ses actifs. La question que tout homme ou femme d'affaires se pose c'est comment transformer certains actifs pour réduire la dette à un niveau acceptable. Je reviendrai de nouveau sur le paragraphe 5, à la page 5.

Après avoir participé à une bonne douzaine d'émissions de télévision et de radio nationales portant sur le sujet, avant que ne commencent les travaux de votre comité il y a un an, j'ai constaté que l'énoncé qui est le plus rapidement compris est que nous avons malencontreusement accumulé trop de dettes dans les comptes publics et trop de richesses dans les comptes privés.

À la page 9, paragraphe 5, vous pouvez constater que l'incidence de la réduction de la dette devrait être comparable au remboursement de la dette excessive d'une entreprise à même ses autres actifs. Autrement dit, c'est un recul pour mieux sauter par la suite et afficher une meilleure performance. C'est ainsi qu'on procède en affaires. Et quel pays aurions-nous par la suite!

Je vous renvoie maintenant à la page 8, à un exposé de données factuelles qui m'apparaît très pertinent puisque c'est à ce moment-ci qu'on commence à déterminer quels sont ces actifs. Dans la colonne de gauche j'ai énuméré certaines choses que j'ai étayées avec les données de la colonne de droite. Ces données sont expliquées ailleurs dans le document.

Monsieur le président, j'estime que c'est là le sujet le plus intéressant que l'on puisse aborder dans la conjoncture actuelle. Quelle est la situation? Tout d'abord nous sommes en Amérique du Nord et, en Amérique du Nord, pendant que la dette publique augmentait, la richesse privée augmentait énormément en parallèle. Pour ceux qui s'intéressent aux détails, sur cette page, les termes «richesse» et «valeur nette» sont interchangeables. Là où j'ai utilisé l'expression «richesse» en m'inspirant de la terminologie d'autres personnes, je veux dire «valeur nette», libre de tout passif. Aux États-Unis, la valeur nette a connu une hausse.

Fait intéressant à noter, c'est que la valeur nette augmente de façon presque généralisée pour le quintile supérieur, c'est-à-dire pour les 20 p. 100 de ménages les mieux nantis. Plus intéressant encore, pour la période de l'enquête, le seul segment de la société dont la situation s'est améliorée du point de vue de la valeur nette est le un demi de 1 p. 100 des ménages américains qui sont au haut de l'échelle. Donc, pour la période en question, soit de 1983 à 1989 - ce qui est assez représentatif - les 99,5 p. 100 formant les autres ménages américains ont vu leur situation stagnée ou ont perdu du terrain en termes de valeur nette. Donc, l'un des problèmes dans le monde - pour ceux qui veulent philosopher là-dessus - est qu'il y a une concentration excessive et remarquable de la richesse.

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Il y a aussi autre chose, et c'est de l'information que devrait avoir en main le Parlement: la valeur nette du ménage moyen canadien est de 20 p. 100 environ plus élevée que la valeur nette du ménage moyen américain, si l'on mesure les deux en dollars canadiens. C'est un fait.

Le président: Puis-je vous interrompre, monsieur Blair? D'après ce que je lis dans votre rapport, à cause de cette grande accumulation de richesses dans le secteur privé, vous ne nous recommandez pas d'agir immédiatement avant le prochain budget, mais plutôt d'étudier la situation et d'organiser une conférence autour de ce thème.

M. Blair: C'est ce que je dis dans ma recommandation de la page 10. Cette page ne fait qu'expliquer, monsieur le président, qu'il y a moyen de faire quelque chose et que la dette publique est un énorme problème. Mais la dette publique en regard de la valeur nette privée au Canada n'est pas.... Il est facile d'avancer que 500 milliards de dollars, c'est énorme, mais d'après les études les plus poussées, il faut comparer cet endettement à quelque 6 200 milliards de dollars d'actifs nets dans les foyers canadiens, dont quelque 2 000 milliards sont sous forme de liquidités.

Voilà où se trouve la réponse, si on peut parvenir à trouver un moyen de faire contribuer ceux qui le veulent. Nous avons été nombreux à réfléchir à la question. Je crois que c'est la façon la plus directe de résoudre le problème de l'endettement, et qu'il ne faut pas viser comme on l'a fait les personnes âgées.

Le président: Merci de cette façon très innovatrice d'aborder la question.

[Français]

Nous allons maintenant commencer la période de questions.

[Traduction]

Ceux qui ne parlent pas le français voudront peut-être mettre les écouteurs pour entendre l'interprétation.

[Français]

Avant d'accorder la parole à M. Crête, j'aimerais vous présenter les députés qui sont à l'autre bout de la table:

[Traduction]

Je vous présente M. Herb Grubel de la Colombie-Britannique; messieurs MM. Crête et Brien du Québec; M. Brent St. Denis du nord de l'Ontario; et MM. Fewchuk et Walker du Manitoba.

[Français]

Monsieur Crête, la parole est à vous.

M. Crête (Kamouraska - Rivière-du-Loup): Pendant cette tournée que nous faisons cette semaine, il y a une chose qui est encore plus évidente qu'auparavant: une certaine vision sous-tend les façons de voir les choses et toutes les suggestions qu'on fait à ce comité. Où veut-on aller? Où veut-on que le Canada se dirige?

Je vous donne quelques exemples avant de vous poser ma première question. En même temps qu'on nous dit qu'il faudrait que le ministre Axworthy aille beaucoup plus loin qu'il ne l'a fait jusqu'à présent dans sa réforme de l'assurance-chômage et qu'il semble avoir mis sa réforme de côté, on apprend, dans le Globe and Mail, que la réforme sera déposée vendredi matin.

Cela a entraîné une réaction tellement forte dans les Maritimes qu'il y a eu une rencontre de tous les premiers ministres des Maritimes avec M. Chrétien et M. Tobin. Les impacts de cette réforme seront très significatifs. Je dis cela pour indiquer que, dans la balance canadienne, il y a des poids vraiment très différents.

Il y a un autre élément qui ressort des présentations. C'est le problème de l'architecture. Aujourd'hui, dans ce pays, une partie de la population, soit 49 p. 100, trouve que les choses vont tellement mal qu'elle a le goût de s'en aller et de changer de pays. C'est un autre indice significatif du fait que quelque chose de fondamental doit être changé.

Dans le même ordre d'idées, savez-vous qu'au Canada, il y a au moins 300 ministres pour gérer 30 millions de personnes? Dans plusieurs pays qui comptent 50, 60 et même 70 millions de population, vous ne trouverez pas 300 ministres pour gérer. La proportion n'est pas la même. C'est absolument démesuré.

.1300

J'aimerais soulever un dernier élément. Pour les citoyens, ce qui est important, c'est la transparence du système. La diversité des opinions qu'on entend montre très clairement que tout le monde voit le système à travers un prisme différent et qu'on peut arriver à des conclusions très différentes parce qu'on n'est pas capable d'identifier qui est vraiment responsable de quoi.

Le Comité permanent des finances est un des outils pour réaliser la vision qu'on peut avoir, mais je n'ai pas l'impression qu'actuellement, on a une vision très claire.

Les politiciens sont responsables de voir à ce qu'il y ait une vision, que ce soit dans un ou dans deux pays, et que cette vision se dégage d'une façon significative.

Maintenant que chacun d'entre vous nous a dit ce que les autres devaient faire pour que la situation s'améliore, j'aimerais que ceux qui le désirent me disent s'ils seraient prêts à participer à une espèce de forum national où la condition pour s'asseoir à la table serait de dire quel effort on est prêt à faire. Quels efforts seriez-vous prêts à faire en tant que représentants d'un groupe ou d'un milieu?

Je vais vous donner un exemple. Une association de travailleurs pourrait dire qu'elle accepte que les cotisations syndicales servent à défrayer une partie du salaire des travailleurs de la construction des maisons pendant un, deux ou trois ans. Quant aux employeurs, ce serait autre chose.

Je vous lance la question en tant que participants. Pouvez-vous nous donner des exemples? Ce matin, la Conference of Defence Associations nous a dit qu'il ne fallait pas toucher à quoi que ce soit pendant 15 ans. D'autres nous ont aussi donné des exemples. Cependant, cela représente le statu quo permanent et on ne règle rien.

Premièrement, chacun d'entre vous serait-il prêt à s'asseoir à un forum national? Deuxièmement, quelle proposition seriez-vous prêts à mettre sur la table, sans engager votre organisation, pour les fins du débat? J'aimerais bien voir s'il y a des gens qui sont prêts à faire des suggestions de ce type-là.

Mme Bedard: J'aimerais bien le faire. On a déjà commencé en Alberta, comme je vous l'ai dit un peu plus tôt. Je ne sais pas si c'est l'idée dont vous parlez. J'essaie de parler en français et j'espère que vous me pardonnerez, car mon français n'est pas parfait.

Notre association a déjà commencé à faire quelque chose en ce qui a trait à la planification de la retraite. Nous essayons de mettre sur pied des cours pour les travailleurs qui ont dépassé la trentaine. Nous aimerions que ces cours soient données à ces travailleurs partout au Canada, y compris au Québec, même si nos politiques ne se rejoignent pas toujours.

On ne peut prendre quelqu'un de 50 ans, l'asseoir à côté de quelqu'un de 22 ans et leur demander à tous les deux d'apprendre la même chose.

Nous aimerions bien faire quelque chose comme cela. Selon moi, c'est une très bonne idée.

M. Crête: Y a-t-il d'autres suggestions?

M. Blair: J'aimerais pouvoir parler dans les deux langues. Ma réponse sera oui. Oui, c'est bon.

Le président: Félicitations. Vous parlez très bien le français. Monsieur Grubel.

[Traduction]

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Merci, monsieur le président.

J'ai l'honneur et le privilège de représenter le Parti réformiste au sein de ce comité. Je suis entièrement d'accord à titre personnel - et c'est la même chose pour mon parti et mon chef - avec tous les témoins qui ont dit que le déficit ne devrait pas être éliminé sur le dos des plus vulnérables.

.1305

J'avoue avoir été extrêmement perturbé d'entendre une femme de Winnipeg répéter à trois ou quatre reprises en cours de son témoignage qu'il y avait 1,5 million d'enfants qui mouraient de faim au Canada. J'ai oublié le nom du témoin qui affirmait pour sa part que les Nations Unies avaient mis le Canada au banc des accusés parce qu'il ne s'occupait pas de ses enfants.

Jake a affirmé pour sa part qu'à Calgary seulement, on comptait 45 000 enfants pauvres. Il n'a pas dit toutefois s'ils mouraient de faim ou s'ils avaient faim. Néanmoins, c'est un chiffre que l'on brandit à tour de bras, et c'est extrêmement dérangeant.

Je dois également vous avouer que je ne crois pas à ce chiffre. Pourriez-vous m'expliquer comment vous définissez la pauvreté chez les enfants et comment vous en mesurez le nombre? Comment pouvez-vous nous regarder droit dans les yeux et affirmer qu'il existe au Canada 45 000 enfants pauvres. Comment définissez-vous la pauvreté chez les enfants?

J'ai voyagé partout dans le monde et j'ai pu constater que la pauvreté existait sur tous les continents. J'ai vu des enfants qui mouraient de faim, mais je n'en ai pas encore vu au Canada. Cela ne veut pas dire qu'il n'en existe pas, comprenez-moi bien. Je n'affirme non plus qu'il n'y a pas de pauvres au Canada. J'aimerais tout simplement que l'on m'explique officiellement comment le groupe venu défendra les moins privilégiés peut établir qu'il existe 1,5 million d'enfants qui meurent de faim au Canada.

M. Kuiken: Je répondrais avec plaisir, monsieur le président.

Tout d'abord, mes chiffres sont ceux du gouvernement fédéral, soit de Statistique Canada. Ensuite, j'inviterais le député à m'accompagner à la Banque d'alimentation de Calgary à l'heure du midi ou demain matin dans l'une de nos écoles de Calgary pour y voir à l'oeuvre l'un de nos programmes appelé FANS, programme d'alimentation et de nutrition à l'école. J'aimerais que vous m'accompagniez pour voir tous ces enfants qui arrivent à l'école sans avoir déjeuné.

M. Grubel: Merci beaucoup.

Comment en êtes-vous arrivé au chiffre de 45 000?

M. Kuiken: J'ai pris les chiffres de Statistique Canada.

M. Grubel: Comment Statistique Canada définit-il la pauvreté?

Mme Gayle James (secrétaire, Alberta Association of Social Workers): Monsieur le président, puis-je répondre?

Le président: Je vous en prie.

Mme James: Statistique Canada définit la pauvreté à partir d'un seuil artificiel, dans un certain sens, en ce qu'il établit que certains Canadiens et certaines familles canadiennes dépensent environ 58 p. 100 de leurs revenus pour se nourrir, se loger et se vêtir. C'est une façon de voir les choses, qui va chercher le quintile inférieur des familles et des enfants du Canada. Ensuite, un peu moins de 50 p. 100 de ces pauvres vivent de prestations sociales. Vous savez peut-être que dans notre province, nous venons de retirer les prestations sociales à environ 50 000 familles.

J'ai voyagé moi aussi de par le monde. J'ai été présidente du chapitre international de ma profession, et j'ai pu constater la pauvreté la plus profonde qui existait à bien des endroits. Ce n'est certainement pas ce que je prône. Mais il faut aussi comprendre que la notion de pauvreté est relative. Nous avons parlé plus tôt de la formation des liens affectifs, et parlé des dommages causés chez les enfants qui étaient privés de tels liens.

Monsieur le président, j'ajouterais que vous vous trouvez en ce moment dans la province où il existe le plus grand écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes. Seul Terre-Neuve a un pire taux de pauvreté chez les enfants et ces chiffres nous ont été donnés avant que l'on retire les prestations sociales à toutes ces familles. Nous avons l'une des deux populations au Canada les plus mobiles. Nous comptons le pourcentage le plus élevé de femmes sur le marché du travail. C'est dans notre province que le taux de divorce et la tendance à la toxicomanie sont les plus élevés. Voilà pourquoi nous nous intéressons de très près au sort des programmes qui seront modifiés de fond en comble par l'intermédiaire du Programme d'assistance publique du Canada.

M. Grubel: Merci beaucoup. Je reconnais que notre société souffre de maints problèmes pathologiques, et j'aimerais que ce ne soit pas le cas. Je cherche des solutions à ces problèmes.

Toutefois, cela ne me semble pas très utile de parcourir les provinces les unes après les autres, car il me semble que votre cause, à laquelle je m'associerais volontiers, perd de sa crédibilité quand elle brandit sans les expliquer les chiffres fournis par Statistique Canada.

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Pour votre gouverne, dans une ville de plus de 500 000 habitants, on considère comme étant pauvre une famille de quatre personnes ayant un revenu de moins de 30 017$ par année. Ceux qui vous représentent affirment que les enfants d'une famille canadienne ayant des revenus de 30 000$ par année meurent de faim. Je ne crois pas que de telles affimations servent votre cause. Je sais bien qu'il y a des personnes et des enfants qui souffrent de privations lorsque des mères célibataires sont en chômage et dépendent pour vivre du minimum que leur donne certaines provinces.

À mon avis, ce n'est pas à Ottawa loin là-bas qu'il incombe de régler tout cela. Ottawa loin là-bas ne comprend pas tous les besoins de l'Alberta ni les compromis qu'il faut faire ici même, ou à Terre-Neuve, ou à l'Île de Vancouver. Sur quelle autorité morale s'appuie-t-on pour laisser une poignée de gens, une élite, dicter à partir d'Ottawa ce que devrait être le programme d'assistance sociale de Calgary?

M. Kuiken: Vous avez dit qu'il faut des compromis, et j'imagine qu'il y en aura. Seriez-vous disposé à échanger les déductions fiscales pour frais de représentation et les indemnités de repas contre un fonds spécial pour venir en aide aux enfants affamés?

M. Grubel: Attendez, et vous verrez l'impôt uniforme qui est proposé. Il n'y aura plus de dépenses fiscales. Je pense que nous allons tous dans cette direction. J'aimerais savoir....

M. Kuiken: Le Parti réformiste appuie l'élimination des dépenses fiscales?

M. Grubel: Tout à fait. Il n'y aurait plus de déductions pour les RÉER ou des choses du genre.

J'espère que l'année prochaine vous aurez un autre chiffre à nous donner que ces 45 000. Ce dernier chiffre est fondé sur des faits plus solides que je pensais. Il comprend les familles de quatre personnes qui vivent, ici même à Calgary, avec 30 000$.

M. Kuiken: Et je suppose que vous acceptez mon invitation de m'accompagner demain matin?

M. Grubel: Là n'est pas la question. Je l'ai déjà dit deux ou trois fois. Je ne réfute pas qu'il y ait des pauvres et qu'il faut s'en occuper, et nous devrions avoir honte de ne pas le faire. Mais je vous demanderais d'exposer votre point de vue mieux que vous ne le faites actuellement, parce qu'il y a une grande majorité de Canadiens qui votent pour tous ces gouvernements de droite et qui contestent ce chiffre. J'aimerais savoir quel est le nombre exact.

M. Kuiken: Je vous assure que moi, je ne vote pas pour eux.

M. Grubel: Merci.

Le président: Merci, monsieur Grubel. Je tiens à préciser que tous les membres du comité ont visité les banques d'alimentation de la leurs circonscriptions. Nous ne pouvons vous accompagner demain parce que nous quittons la ville ce soir, dès la fin de nos audiences, pour nous rendre à Vancouver.

M. Walker a la parole.

M. Walker (Winnipeg-Nord-Centre): Merci beaucoup, monsieur le président, et je remercie tous les témoins d'avoir comparu.

D'après ce que nous entendons dire, nous en sommes arrivés à un point critique dans notre étude du processus budgétaire. Les gens ne font pas grand cas des différences, que nous laissons tomber mais dont nous devons nous occuper plus tard. C'est lorsque nous prenons acte de ce qui est dit, pour y revenir ensuite. Si j'ai l'air d'être agressif à votre égard, ce n'est pas mon intention. Je veux que vous compreniez bien le problème que nous devons régler.

On a d'abord parlé de la réduction budgétaire visée. Quelqu'un a dit en passant que 3 p. 100, c'était convenable. La Chambre de commerce et Jason ont affirmé pour leur part qu'il faudrait opter pour 2 p. 100 d'abord, puis 1 p. 100, pour enfin arriver à un budget équilibré. La différence entre 3 p. 100, 2 p. 100, 1 p. 100 puis 0 p. 100 est énorme. Cela représente approximativement 8 milliards de dollars en compressions. Chaque point représente environ 8 milliards de dollars de moins.

Jason a fait remarquer à juste titre que les dépenses du gouvernement fédéral continuent à grimper dans certains secteurs. Elles continuent à grimper dans deux grands secteurs. D'abord, les transferts aux provinces par la péréquation, qui ne touchent pas l'Alberta mais touchent sept autres provinces, par le RAPC et ce que l'on a toujours appelé les FPE, dont parlaient M. Kuiken et ses deux associés.

.1315

Les paiements incluent aussi la sécurité de la vieillesse. Je ne voudrais pas sembler trop brutal, mais si vous projetez les dépenses sur 10 ans, elles passent augmenter de 20 milliards de dollars à26 milliards de dollars. L'augmentation des dépenses est donc de cet ordre.

Maintenant, si vous regardez...

M. Grubel: [Inaudible - Édition]

M. Walker: Herb, je vous interromps rarement.

M. Grubel: Je voulais seulement vous aider.

M. Walker: Il est très dur pour deux anciens universitaires de ne pas s'interrompre mutuellement.

En tant que secrétaire parlementaire, je puis vous dire qu'au ministère des Finances, nous cherchons à mettre de l'ordre dans nos affaires. Dans mon propre ministère, nous avons dépensé quelque 40 milliards de dollars, ce qui représente plusieurs milliards de moins. Donc, l'année prochaine, au terme de la ronde annoncée l'année dernière par le ministre des Finances, nous nous retrouverons avec quelque 40 milliards de dépenses.

M. Blakely prétend que les dépenses en matière de défense ne soient sont pas suffisamment élevées, mais dans l'enveloppe budgétaire en question, 40 milliards de dollars de dépenses en matière de défense représentent aujourd'hui 23 p. 100 des dépenses directes du gouvernement. En gros, un dollar sur quatre que dépense le gouvernement pour ses programmes directs va à la défense.

Si le gouvernement persiste dans sa stratégie, je parle de l'élément monétaire du transfert social, il se sera écoulé deux ans avant que nous terminions nos consultations et fassions des recommandations. Nous nous trouverons à transférer moins d'argent pour les programmes sociaux et les programmes de santé que pour les programmes militaires.

On a recommandé de réduire les dépenses de 8 milliards de dollars par année. Certains nous ont dit directement et d'autres indirectement que les taxes étaient trop élevées.

Nous avons un problème du côté militaire, puisque, comme l'affirmait M. Blakely à la page 3, le milieu militaire du Canada est en désarroi.

Peu importe les chiffres que vous utilisez - et ceux de M. Kuiken sont aussi bons que les autres - il reste que 45 000 enfants ont faim ou sont dans le besoin. Ma propre circonscription de Winnipeg est considérée comme étant la capitale des enfants pauvres.

Que faire? Comment mettre de l'ordre là-dedans? Nous n'avons pas organisé une table ronde pour voir les gens faire peu de cas de ce que représentent 8 milliards de dollars ou du fait que le milieu militaire est en désarroi. Il nous faut prendre acte de ces choses pour que nous puissions les examiner honnêtement ensemble. En disant cela, je ne m'adresse à personne en particulier, mais j'aimerais avoir votre réaction, car nous en sommes à la croisée des chemins.

Le Canada dépense-t-il plus pour ses forces armées que pour ses programmes sociaux? Le Canada devrait-il être plus généreux aujourd'hui et donner un peu de répit fiscal à la classe moyenne qui subit des pressions de toutes parts, ou devrait-il carrément stopper les moteurs, s'attaquer à la pauvreté chez les enfants et repartir à la case départ?

Voilà la réflexion que nous ne pouvons éviter: le rapport de M. Peterson est de plus en plus un point repère pour les Canadiens. Nous étions là à un tournant: quel a été votre décision? Je lance le débat.

Le président: Monsieur Henry.

M. Sean A. Henry (analyste principal de Défense, Congrès des associations de la Défense): Si vous me permettez de répondre au nom du président, le chiffre de 23 p. 100 prête peut-être à confusion. Ce dont vous parlez, c'est sans doute des dépenses de fonctionnement du gouvernement, qui sont des dépenses discrétionnaires et qui ne représentent qu'un petit pourcentage du total des dépenses du gouvernement.

Si l'on regarde les choses de l'autre point de vue, la défense ne représente qu'à peine 6 p. 100 du budget total du gouvernement. Peut-être votre chiffre est-il exact si l'on s'en tient à la part discrétionnaire des dépenses de fonctionnement, mais il porte à confusion dans la mesure où il n'inclut pas le budget total du gouvernement, dont la défense ne représente que 6 p. 100 cette année, et encore moins les autres années.

M. Walker: Dans ce cas, vous et moi ne nous entendons pas sur ce que nous contrôlons effectivement.

Laissons cela de côté et revenons aux transferts aux particuliers, aux transferts aux provinces, à l'assurance-chômage et à la réduction de la dette: le chiffre principal dont on parle au gouvernement du Canada n'est que de 40 milliards de dollars, soit 5 p. 100 de notre PNB. De cette somme,10 milliards de dollars vont aux Forces armées. C'est en réalité un peu plus, mais faisons comme si c'était cela. Ce sont là les prémisses de la discussion.

Que faisons-nous à Ottawa par rapport à ce qui se fait dans les provinces et à ce que les particuliers font?

.1320

M. Henry: Pour sabrer dans les gros chiffres, il faut modifier la loi, étant donné que les dépenses discrétionnaires diminuent. Elles sont actuellement en deça du déficit annuel. Autrement dit, le déficit de cette année vise les 30 p. 100. Or, les dépenses discrétionnaires sont déjà en deça de 30 p. 100. Donc, si l'on cessait toute dépense discrétionnaire, on ne réglerait toujours pas le déficit. D'après moi, il faudrait modifier la loi pour que l'on puisse commencer à jouer avec les grandes dépenses.

M. Kenney: M. Walker soulève visiblement la malheureuse conjoncture dans laquelle vous vous trouvez tous les jours. Je sais que les pressions qui s'exercent sur vous augmentent tous les ans, au fur et à mesure que vous approchez de la saison budgétaire. Je crois que ces tables rondes ont leur raison d'être, car elles forcent tous ceux qui représentent différents points de vue à comprendre les compromis difficiles que vous devez faire.

Deux observations. La position de M. Walker se fonde sur ce que j'appellerais la mentalité gagnante-perdante.

Une solution, ce serait de nous entendre à l'unanimité sur le fait que nous devons viser la croissance économique et, partant, celle des recettes. Mais comment obtenir cette croissance économique et celle des emplois, assorties de la croissance des recettes? Y parvient-on en dépensant plus avec de l'argent emprunté et en dépensant pour des programmes d'infrastructure? Y parvient-on en dépensant encore plus pour les transferts sociaux? Ou y parvient-on en favorisant l'investissement dans l'économie privée et en augmentant leur revenu disponible?

Autrement dit, lorsque je propose un allégement fiscal pour les Canadiens, ce n'est pas uniquement une stratégie politique. Je crois honnêtement que cela peut avoir pour conséquence la croissance économique et, partant, celle des revenus, ce qui à son tour peut aider tous les membres de la table ronde représentant ici divers milieux à protéger les intérêts de ces milieux.

Deuxièmement, revenons à ce que j'ai dit dans mon exposé, à savoir que nous devons faire preuve d'innovation. Or, une des choses que nous avons essayée à maintes et maintes reprises jusqu'ici, c'est d'augmenter le fardeau fiscal. Apparemment, comme les tableaux le prouvent, cela n'a pas été couronné de succès. Plus les revenus augmentaient, plus les dépenses augmentaient à leur tour, et la dette aussi.

Il faut trouver la combinaison optimale pour faire croître l'économie. Le ministre et tous les gens, quelle que soit leur allégeance politique, en conviennent. Or, je prétends qu'on ne stimulera pas la croissance économique en exerçant des pressions accrues sur les contribuables ni en investissant de moins en moins et en comprimant le revenu disponible.

Le président: Si je vous comprends bien, moins de taxe signifie en imposer plus.

Quelqu'un d'autre a-t-il des commentaires? Allez-y, monsieur Flanagan.

M. Flanagan: M. Walker soulève des points intéressants. Encore une fois, il parle de réduire le déficit en sabrant dans les dépenses.

Je crois qu'il faut aborder la question de la richesse dans notre pays. Pour les Nations unies, nous arrivons au premier rang des pays riches dans le monde. Pour la Banque mondiale, nous arrivons au deuxième rang. D'après Statistique Canada, notre richesse est énorme. D'après les chiffres d'une étude indépendante déposée par M. Blair, nous sommes en effet un pays extrêmement riche. Notre richesse moyenne est d'environ 10 p. 100 de plus que celle des États-Unis, qui sont considérés déjà comme un pays très riche.

Mais il faut faire le lien entre la richesse et les politiques qui ont aidé à l'engendrer. La dette publique s'est érigée au fil de nombreuses années, au fil de toute une génération. Et ces politiques ont visiblement contribué à édifier cette richesse.

Je ne veux pas que l'on perde cette richesse. Notre pays est très riche. Mais notre secteur public connaît des difficultés qui nous accablent tous et qui nous imposent des choix douleureux quant aux programmes que nous devrions supprimer. Devons-nous sabrer dans les programmes de défense et devenir un pays sans défense? Devons-nous sabrer dans nos programmes sociaux et laisser les citoyens à leur sort?

D'une part, il faudrait sérieusement aborder la question de la richesse et de la distribution des revenus. Puis, nous devons nous attaquer à la question de l'équilibre entre le public et le privé.

L'économiste qu'est M. Kenney est en train de vous dire qu'au fond, le dollar qui se trouve dans la poche d'un particulier sera plus productif qu'un dollar dépensé par le gouvernement.

Je ne puis être d'accord avec lui. Je crois que les dollars qui se trouvent dans le secteur privé quittent le pays et ne font rien pour promouvoir la croissance du Canada. Ils profitent à une poignée de gens qui s'enrichissent grâce à des décisions indépendantes, plutôt qu'à la majorité des Canadiens.

.1325

Je voudrais voir des chiffres sur l'élasticité du dollar, lorsque celui-ci change de main. S'il réussit vraiment à produire de la richesse, je suis pour, mais je ne crois pas que cela soit le cas. La demande du consommateur est inexistante. Ce ne sont pas les riches qui dépensent, une fois l'allégement fiscal obtenu. Ce ne sont pas eux non plus qui créent les emplois.

On produit les biens de consommation aujourd'hui avec de moins en moins de main-d'oeuvre. La révolution technologique a été considérable, puisqu'au fond, les biens sont fabriqués à partir de capitaux et d'une main-d'oeuvre de plus en plus réduits, ce qui n'aide en rien à créer des emplois.

Je ne veux pas prôner le luddisme ni me débarrasser de toute la technologie. Profitons de ce que nous rapporte cette technologie, mais il devient encore plus important de discuter de redistribution des revenus.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Flanagan.

Monsieur Landry.

M. Landry: J'ai essayé d'expliquer plus tôt qu'il y avait énormément de chevauchement d'un palier du gouvernement à l'autre, ce qui entraîne des dépenses peut-être inutiles. Il existe des ministères de l'agriculture aux deux paliers de gouvernement, et il en va de même pour les secteurs des forêts, des pêches, du pétrole, etc. Peut-être que ces industries ont été aidées à mort. Nous nous retrouvons avec un engagement massif dans les activités industrielles du Canada, alors que l'industrie canadienne a démontré qu'elle était tout à fait capable de se débrouiller à l'échelle internationale, de trouver de nouveaux marchés, et de s'occuper d'elle-même.

Si vous vous demandez vraiment où dépenser vos fonds en priorité et si vous vous demandez quelles sont les dépenses de certains de vos ministères à vocation économique, vous voudrez peut-être songer aux 6 milliards de dollars dépensés dans des ministères à vocation économique.

Le président: Monsieur Walker.

M. Walker: Monsieur Landry, je n'ai rien dit lorsque vous avez dit ça la première fois, mais je voudrais justement en parler maintenant. Vous parlez de chevauchement. Or, nous sommes ici à Calgary. Êtes-vous en train de nous dire que le gouvernement provincial devrait se retirer de certains secteurs, et dans l'affirmative, desquels?

M. Landry: J'ai dit que les deux paliers de gouvernement devraient s'entendre sur les secteurs dans lesquels ils devraient s'engager à l'exclusion l'un de l'autre. Qui, de la province ou du gouvernement fédéral, devrait s'occuper de tel ou tel secteur? Je ne suis pas ici pour choisir. À l'heure qu'il est, les deux gouvernements sont en scène, ce qui constitue un gaspillage des fonds publics.

M. Walker: Vous n'êtes pas en train de me dire, par exemple, que l'Alberta devrait confier à Ottawa la perception des taxes imposées aux sociétés.

M. Landry: C'est ce que nous avons déjà affirmé, en effet.

M. Walker: Ah oui?

M. Landry: Nous avons dit publiquement qu'il serait très simple de tout confier au gouvernement fédéral, ce qui permettrait à la province d'épargner de 8 à 9 millions de dollars.

M. Walker: Quelqu'un d'autre voudrait-il -t-il réagir à mes propos? Allez-y, monsieur.

Le président: Monsieur Huddlestone.

M. Huddlestone: Me donnez-vous trois minutes?

Le président: C'est une question à ce point importante que je vous donnerais bien jusqu'à26 minutes.

M. Huddlestone: Deux observations. D'abord, vous avez parlé de réduire la dette. La Chambre de commerce de Calgary souscrit évidemment sans réserve au principe de réduction de la dette. Tout comme M. Kenney, avec qui je ne m'entends pas toujours, je crois que l'on devrait s'y attaquer énergiquement. Ce n'est pas que nous crachions sur l'équilibre - le terme employé ce matin parM. Blair était tout à fait à propos - du système financier. Que l'on parle d'assurance-chômage, de soins de santé ou d'éducation, nous avons à coeur la politique sociale tout autant que les autres. Mais il faut avoir assez d'argent en poche pour pouvoir améliorer ces systèmes. On peut bien parler d'équilibre, mais il ne faut pas perdre de vue l'objectif qui est d'assainir les finances.

Malheureusement, la plupart du temps, ce sont des gens à l'extérieur du Canada qui tirent les ficelles et qui disent que notre dette est trop élevée, que nous soyons d'accord ou pas. Ce sont ces gens à l'étranger qui décident s'ils investiront ou non chez nous, et c'est ainsi que cette richesse dépend souvent de la perception qu'on a à l'étranger des conditions qui prévalent au Canada, dans bien des cas. Syncrude est sans doute un très bon exemple. Voilà pourquoi nous acceptons tous les objectifs de réduction de la dette fixés par M. Martin, mais nous pensons aussi qu'il faut se laisser une certaine marge de manoeuvre, et celle que nous suggérons est sans doute réaliste.

.1330

Par ailleurs, je tiens à vous dire rapidement que la Chambre de commerce de Calgary représente de manière effective un grand nombre de petites entreprises. Ces petites entreprises ont besoin que le gouvernement les aide tant par ses politiques que par son budget et par les diverses mesures qu'il prend. Ce sont les petites entreprises qui créent le plus d'emplois au Canada. Nous parlions justement d'emplois il y a quelques minutes. Les emplois qui sont créés viennent des petites entreprises. Il ne faut pas conclure pour autant que Syncrude ou d'autres grandes entreprises ne créent pas d'emplois, mais vous n'avez qu'à voir ce qui se passe dans les différentes régions du pays pour vous rendre compte que ce sont les petites entreprises qui créent tous les emplois.

Ici, à Calgary, par exemple, nous avons bien des entrepreneurs qui travaillent d'arrache-pied pour développer leurs entreprises et qui embauchent des travailleurs. Nous comptons sur vous pour adopter des politiques qui favorisent l'entreprise et pour éliminer les dispositions réglementaires qui obligent les entrepreneurs à consacrer bien trop de temps à répondre aux exigences gouvernementales, qu'il s'agisse de la taxe sur les produits et services ou d'autres règlements ou qu'il s'agisse de contraintes environnementales ou je ne sais trop quoi encore. Il faut que l'on revienne en quelque sorte au bon sens.

Le président: Merci, monsieur Huddlestone.

Pour clore cette partie de la discussion, nous entendrons maintenant M. Newell.

M. Newell: Je vous remercie.

Tout d'abord, je crois qu'il nous faut une démarche à deux volets. C'est pourquoi nous sommes pour la réduction du déficit et pour l'objectif de 3 p. 100. C'est sans doute tout ce que nous pouvons réussir à faire pour l'instant sans compromettre les progrès réalisés jusqu'à maintenant. Je dois toutefois insister aussi sur l'autre volet. Il nous faut créer le climat qui permette de produire la richesse qui sera créatrice d'emplois.

Le Canada est riche à plusieurs égards. J'aime à penser que notre premier atout, c'est le capital humain. Nous avons une main-d'oeuvre très compétente et motivée que nous ne voulons absolument pas perdre. Deuxièmement, nous avons de nombreux avantages sur le plan technologique. Troisièmement, nous avons la chance d'avoir des richesses naturelles en abondance. Ce sur quoi il nous faut vraiment nous concentrer beaucoup plus, c'est sur l'exploitation de ces richesses et la production à valeur ajoutée. Autrement dit, qu'on cesse d'exporter des billes de bois et qu'on commence à exporter du bois d'oeuvre. Nous créerons ainsi les emplois très spécialisés dont nous avons besoin dans le secteur manufacturier.

Je ne veux pas m'engager dans un débat avec Ray, mais pour ce qui est des grandes entreprises comme Syncrude, un des grands avantages que nous présentons, c'est que notre activité fait vivre beaucoup de petites entreprises. L'an dernier, nous avons conclu des marchés avec 2 600 petites entreprises dans les différentes régions du pays. Syncrude n'est qu'une seule entreprise, et voilà ce que nous avons réussi à générer dans le secteur de la petite entreprise. Car, c'est bien de ce secteur que vient la croissance.

Je veux revenir à une question qui a été abordée tout à l'heure par un des participants. Je crois que nous avons effectivement besoin d'un plus grand dynamisme communautaire. Je n'ai pas beaucoup de chiffres à vous présenter, mais je vous donne en exemple ce que nous avons fait à Fort McMurray. Nous savions que la région serait touchée par les réductions, et nous avons donc réuni un groupe d'intervenants. Il s'agissait de deux conseils scolaires, de la municipalité de Fort McMurray, des divers services de développement régional, de l'hôpital, des autorités sanitaires, du collège et des deux grandes usines d'exploitation des schistes bitumineux.

Il nous a fallu deux ans pour faire le travail. La situation était très menaçante pour la population. Nous avons examiné tous les scénarios de gestion municipale possibles dans l'espoir de trouver un moyen plus efficace d'assurer la prestation des services sans pour autant diminuer la qualité de vie. C'est ce que nous voulons tous. Soyons honnêtes. J'ai des enfants moi aussi. Certes, je suis capitaliste, mais j'ai des enfants.

Des voix: Oh, oh!

M. Newell: Nous avons donc entrepris cette étude et nous avons examiné tous les scénarios possibles, y compris la mise sur pied d'un conseil qui gérerait tout.

C'en était trop pour les intervenants et nous ne sommes peut-être pas allés aussi loin que certains d'entre nous l'auraient voulu. Si on ne prenait que les divers services administratifs des divers organismes et qu'on faisait le total de leurs budgets recpectifs.... Je sais qu'il ne s'agit que d'une petite localité de 35 000 habitants, mais le total était de 160 millions de dollars. Nous avons décidé que nous pourrions nous attaquer à 40 millions de dollars de ce total. Nous avons réduit et trouvé ainsi, mine de rien, huit millions de dollars. Voilà le genre de solution que nous avons réussi à trouver.

Le résultat le plus frappant, c'est la confiance qu'a engendrée cette démarche collective. Les gens ont éliminé les obstacles à la collaboration, ils ont cessé de se jeter la pierre et ils ont commencé à travailler ensemble. Nous avons ainsi réussi à amalgamer toutes les régions avoisinantes pour former la municipalité régionale de Wood Buffalo. C'est la municipalité la plus importante en superficie de toute l'Amérique du Nord. Nous sommes passés de trois administrations à une seule. Le maire - c'est le plus jeune maire au Canada - qui a présidé à cette fusion a été réélu avec une majorité de 92 p. 100.

Je pense donc que les possibilités sont énormes. Nous devons cesser de nous jeter la pierre les uns aux autres et commencer à travailler ensemble. Je m'occupe beaucoup de collaboration entre les établissements d'enseignement et l'industrie. J'ai quatre cadres supérieurs qui relèvent directement de moi et qui s'occupent exclusivement d'aller dans les différentes localités de l'Alberta pour y établir des conseils de collaboration établissements d'enseignement-industrie et créer des postes d'apprentissage fondés sur l'alternance étude-travail, et tout cela, pour favoriser la formation professionnelle. De cette façon, les frais peuvent être partagés entre le secteur privé et les autorités locales. Il faut que tout le monde se mettent à penser que les mesures de ce genre sont un bon placement.

Le président: Voilà un message formidable, monsieur Newell.

Monsieur Blair, je voulais donner la parole à M. St. Denis, mais vous pourriez revenir plus tard à l'une ou l'autre de ces questions.

Merci, monsieur Walker.

Monsieur St. Denis.

.1335

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président.

Je suis ravi d'être de retour à Calgary, même si ce n'est que pour 24 heures. Je tiens à le dire pour que ce soit consigné au compte rendu, même si la plupart d'entre vous en sont conscients, c'est ici que le premier ministre a été élu chef de notre parti en 1990. Nous gardons donc un excellent souvenir de Calgary, ceux d'entre nous qui sont de ce côté-ci de la table en tout cas.

Le président: Et nous avons réussi à faire élire beaucoup de libéraux dans la région.

Des voix: Oh, Oh!

M. St. Denis: Ah, vous ne voulez pas nous laisser nos illusions!

Avant de poser la question que je veux poser, je tiens à rétablir les faits, sauf tout le respect que je dois à mon collègue Herb Grubel. Je crois parler au nom des députés de ce côté-ci de la table quand je dis que nous n'acceptons pas de définir la pauvreté selon une formule purement mathématique. Dans une société comme la nôtre, il semble qu'il est inacceptable de laisser pour compte qui que ce soit.

Madame James, vous avez dit que c'était quelque chose de relatif. Nous pouvons bien sûr débattre de son caractère relatif, mais la pauvreté ne peut être autre que relative. Nous devons tous progresser ensemble, car, si nous laissons pour compte un groupe quelconque de notre société en définissant la pauvreté en termes absolus, de façon à nous mettre sur un pied d'égalité avec l'Inde, nous n'avançons guère comme société. Je tenais à vous faire savoir que, même si nous nous respectons mutuellement, nous ne sommes pas d'accord sur ce point là.

Je voudrais que certains d'entre vous nous disent ce que vous pensez de la question des normes nationales. Nous essayons de poser cette question au moins une fois à chaque endroit où nous nous rendons. La question a d'ailleurs une pertinence toute particulière ici en Alberta. Les premiers ministres des provinces ont tendance à dire qu'il faut absolument que le gouvernement fédéral leur cède certains pouvoirs. Je crois que tout transfert de pouvoir du gouvernement fédéral aux provinces doit être dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Si vous faites abstraction des opinions des dirigeants politiques sur cette question, quel est, d'après vous, le sentiment de la population en ce qui concerne l'établissement et le maintien de normes nationales, que ce soit dans le domaine de l'éducation, de la santé, des programmes sociaux, de l'environnement ou de je ne sais quoi encore? La population veut-elle que le gouvernement fédéral ait un rôle à jouer, non pas dans la gestion quotidienne de ses divers programmes, mais dans le maintien de certaines normes minimales qui nous permettent de dire que nous sommes tous Canadiens «d'un océan à l'autre»?

Mme James: Je veux bien tenter de répondre à la question. Dans les deux ou trois secteurs avec lesquels je suis en contact, à savoir l'université, les services sociaux et l'éducation dans le sens général, par opposition à l'enseignement supérieur, on s'entend en tout cas pour dire que ce sont nos programmes sociaux qui ont assuré le lien entre nous. Au fur et à mesure que ces programmes se désagrègent et que les Canadiens ont droit à des prestations différentes qui leur sont fournies selon des normes différentes selon qu'ils habitent dans telle région ou telle autre, les liens qui nous unissent commencent aussi à s'effilocher. Il s'agit-là d'un élément important de la perception que nous avons de l'unité nationale.

Bref, si nous ne préservons pas ces programmes et que nous n'assurons pas le maintien d'un certain niveau minimal en matière de qualité de vie, d'éducation, de santé et de justice à l'échelle du pays tout entier, nous nous retrouverons dans une situation très difficile. Si nous poussons la dévolution jusqu'à sa conclusion en quelque sorte illogique, nous nous retrouverons avec des États balkanisés. C'est là une éventualité qui affecte énormément en tout cas le secteur que je représente. D'autres auront peut-être quelque chose à ajouter à ce que je viens de dire.

Ainsi, nous voulons que le transfert social canadien soit soumis à des normes semblables à celles qui sont énoncées dans la Loi canadienne sur la santé. Nous voulons que le régime d'assistance sociale se fonde sur d'autres critères que le seul lieu de résidence.

Ceux d'entre nous qui ont grandi dans les Prairies ou dont les familles ont grandi ici ne veulent absolument pas revivre les années trente.

M. Kuiken: Si vous me permettez, je voudrais ajouter qu'il faudrait notamment incorporer un mécanisme d'appel au volet social du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Vous n'êtes pas sans savoir que le Régime d'assistance publique du Canada garantissait à tous le droit d'interjeter appel. Or, il n'en est pas ainsi depuis l'avènement du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. La personne dont la demande d'aide est rejetée pour quelque raison que ce soit n'a aucun recours, et cela ne m'apparaît tout simplement pas raisonnable comme norme.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Pendleton, s'il vous plaît.

.1340

M. Pendleton: Je voudrais revenir à l'élément communautaire, que je crois représenter en partie en tout cas, étant donné que le groupe que nous avons ici aujourd'hui est composé aussi bien de représentants du milieu des affaires que de représentants de ceux qui ont peut-être le plus besoin d'aide.

Je voudrais notamment vous faire part d'une observation que j'entends souvent et que vous avez déjà entendue: les petits entrepreneurs demandent toujours désespérément à ce qu'on simplifie les exigences gouvernementales. On a déjà fait des progrès en ce sens, mais il reste encore beaucoup à faire pour ce qui est de ce que les entreprises doivent verser au Trésor public.

Je voudrais vous faire part d'une autre observation que j'entends souvent. Je n'y ai peut-être pas assez réfléchi pour savoir ce qu'il faudrait faire à cet égard, mais j'entends de plus en plus de gens dire qu'au niveau communautaire, les bénévoles constituent un élément clé de l'équation.

C'est un sujet que j'aborde avec beaucoup de prudence, car je n'ai pas la prétention de dire que j'en comprends toutes les ramifications. En tout cas, c'est une richesse que j'ai été à même d'apprécier depuis un an. C'est une richesse énorme qui n'est pas appréciée à sa juste valeur. Il me semble qu'il faudrait faire quelque chose pour reconnaître l'importance du bénévolat. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il faudrait le récompenser.

Le président: Merci, monsieur Pendleton.

Madame Bedard.

Mme Bedard: En réponse à la question concernant le bien-fondé de l'existence de normes fédérales, notre association souscrit sans contredit à l'opinion exprimée par Gayle James, et j'y souscris moi aussi. En ce qui concerne les besoins absolument fondamentaux de notre population, non pas seulement ceux qui nous unissent, mais ce qui nous permet de survivre comme Canadiens, il nous faut des normes fédérales.

Quand j'ai rédigé mon court exposé, je me suis beaucoup inspirée de ce qu'avaient dit les administrateurs et les membres des associations que je représente. Je vous cite ce qu'une de ces personnes m'a dit dans une lettre concernant le déficit budgétaire:

Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure. Si nous voulons que les Canadiens puissent se déplacer librement d'une région du pays à l'autre, suivant l'embauche comme c'était le cas auparavant, nous devons avoir des normes fédérales relatives aux programmes dont nous avons tous besoin.

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Flanagan, vous avez la parole.

M. Flanagan: Je veux simplement dire que j'appuie l'idée de normes nationales qui se fondent sur les valeurs communautaires. Ces normes ne sont pas faciles à élaborer, mais c'est vraiment là le coeur du problème. Nous voulons des normes nationales, et nous avons formulé un certain nombre de recommandations précises dans notre mémoire afin que nous puissions en arriver à des normes nationales qui appuient et aident les particuliers dans leurs collectivités respectives.

J'ai entendu divers participants parler de questions relatives à la petite entreprise. On a parlé de mesures susceptibles d'encourager et de promouvoir la petite entreprise, qui est à l'origine de la création d'emplois et de possibilités de travail autonome, notamment de la modification de la Loi sur les banques afin d'encourager les banques à prêter aux petites entreprises, ce qui est déjà en cours, si je ne m'abuse, et de mesures destinées à encourager ceux qui veulent suivre une formation pour occuper des emplois dans des secteurs où ils savent qu'il y a de l'embauche dans leur localité.

Toutes ces mesures sont utiles, mais il faudrait qu'elles soient prises au niveau national. Je le répète, l'instauration d'un impôt négatif permettrait de garantir à l'échelle nationale un certain revenu minimum, étant donné que les dix fiefs et plus que nous avons ont causé des inégalités entre les différentes régions du pays.

Il serait très rentable de se servir de l'administration fédérale existante pour administrer tout une gamme de services. J'espère que le comité examinera les différentes propositions que nous avons faites.

Le président: Merci, monsieur Flanagan.

Le dernier intervenant sera M. Blair.

M. Blair: Il me semble que l'approche communautaire de M. Newell et l'approche nationale de M. St. Denis...

Je vous invite à examiner sérieusement la proposition de la Chambre de commerce de Turtleford, en Saskatchewan, qui dit qu'il suffirait que les Canadiens versent en moyenne 10$ par jour pendant un an pour effacer la totalité de la part de la dette publique du Canada qui est détenue par des étrangers. Il est temps que nous passions à l'action et que nous réglions ce problème.

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Ce raisonnement qui a eu ses origines dans une très petite localité du nord-ouest de la Saskatchewan est maintenant en train de gagner des appuis, à ce qu'on me dit, à Fort McMurray, après avoir conquis la population de Lloyminster. Certains d'entre nous se sont alliés à la Chambre de commerce de Turtleford dont l'approche me paraît beaucoup plus sensée que celle de bien des responsables de la haute finance.

Nous voici en train de discuter de ce que les PDG des banques et d'autres éminents personnages qualifient de crise financière absolue au Canada. Plusieurs des participants à cette tribune d'aujourd'hui ont fait allusion à notre dépendance à l'égard de capitaux étrangers. Je profite de l'occasion pour en parler de façon directe.

Je pourrais me rallier à la position de presque tous les participants à la tribune d'aujourd'hui. Je suis même d'accord avec Jason pour dire que nous ne pouvons pas régler le problème à partir des recettes actuelles. Je suis d'accord pour dire que nous ne pouvons pas corriger le problème des finances publiques en réduisant simplement nos dépenses; nous ne pouvons le corriger au détriment de ceux qui ont déjà si peu. L'intervention directe des Canadiens pour assainir les finances publiques devient un impératif national, si seulement vous pouviez nous aider à coordonner notre action.

Je sais que nous sommes là pour parler du budget du prochain exercice, mais il ne faut pas pour autant oublier que c'est la seule occasion que nous avons chaque année de faire part au Parlement et au ministère des Finances de notre point de vue. C'est une merveilleuse occasion que nous avons. Les Canadiens ont aussi l'occasion - certains d'entre eux ont mis beaucoup de travail dans le mémoire qu'ils ont présenté aujourd'hui - de faire connaître leur point de vue. Si on calculait au tarif horaire la valeur de certains des conseils que vous recevez ici aujourd'hui, je soupçonne qu'on conclurait à la valeur considérable de la séance d'aujourd'hui.

Je vous remercie.

Le président: Merci, Bob.

Une toute petite intervention, monsieur St. Denis. Puis, je permettrai à M. Grubel de poser une autre question et nous devrons mettre fin à nos discussions.

M. St. Denis: J'ai quelque chose à dire à M. Kuiken. Il me semble que les provinces peuvent créer ces mécanismes d'appel.

M. Kuiken: Oui, je le sais. Cependant, je voulais dire que le gouvernement fédéral devrait en faire une obligation. Ce n'est pas une obligation aux termes du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et ça devrait l'être.

M. St. Denis: Bon, d'accord.

Le président: Merci.

Monsieur Blakely.

M. Blakely: Je tiens simplement à faire remarquer que l'enveloppe budgétaire de la défense pour l'exercice financier en cours représente 6,7 p. 100 de la totalité des dépenses fédérales, et qu'elle pourrait bien diminuer à l'avenir. Pour faire suite à ce que disait le colonel Henry, vous pouvez vous reporter aux graphiques 4, 5 et 7 de notre mémoire pour trouver les explications voulues.

Enfin, nous ne sommes pas ici pour nous opposer aux programmes sociaux ni pour dire que l'enveloppe budgétaire de la défense devrait être maintenue ou accrue au détriment de qui que ce soit. Nous vous demandons simplement d'en tenir compte et de veiller à ce que le Canada puisse jouer un rôle raisonnable et responsable dans les affaires internationales afin que nous puissions maintenir notre crédibilité pour bien d'autres raisons. Nous ne pouvons pas nous attendre à bénéficier de tous les avantages du commerce international si nous ne sommes pas prêts à assumer notre part de responsabilités, et il faut donc être prêt à payer le prix.

Le président: Merci, monsieur Blakely.

Monsieur Grubel.

M. Grubel: J'ai quelques petites observations à faire, qui ne manqueront pas de susciter des réactions. Il y en a une qui est destinée à M. Blair.

Monsieur Blair, nous avons entendu des témoins nous dire que le problème tient, non pas au fait que notre dette est détenue par des étrangers, mais que, dans notre société libre, chacun peut choisir de protéger sa fortune comme il l'entend. Le gros problème, c'est que, quand il y a un manque de confiance dans la capacité du Canada à payer le service de sa dette, ce sont les Canadiens qui investissent leurs capitaux à l'étranger. Recommandez-vous peut-être que nous mettions un terme à ce genre d'activité?

Je voudrais que les participants nous disent si nous avions bien un pays au XIXe siècle, si le Canada existait avant les années 1930, avant que nous ayons des normes nationales. Pensez-vous que les États-Unis qui n'ont pas de normes nationales sont un pays?

Enfin, une courte observation à l'intention de M. Kenney et de M. Walker. Nous avons entendu des spécialistes nous dire que, si le gouvernement annonçait un programme énergique et convaincant visant à réduire le déficit dans un délai de deux ou trois ans, la confiance en l'avenir s'accroîtrait de façon considérable, tant chez les Canadiens que chez les étrangers.

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Vous savez que ce sont les exportations qui sont à l'origine de la reprise que nous connaissons. Les Canadiens ne dépensent pas leur argent parce qu'ils craignent pour l'avenir. Ils entendent toutes sortes d'histoires d'horreur de la part de ceux qui disent que le pays est acculé à la faillite et que, tous les deux ou trois ans, il faudra réduire encore davantage les dépenses.

Le président: Voulez-vous bien cesser de répandre ces rumeurs, Herb?

Des voix: Oh, oh!

M. Grubel: Ils sont inquiets, et ils ont bien raison de l'être. Le fait est que, comme l'a dit Jason, nous devrions travailler ensemble et cesser de nous jeter des pierres les uns les autres. Il suffirait que nous reconnaissions que nous sommes dans le pétrin et que nous décidions de nous en sortir. La reprise ne tarderait pas à se faire sentir, les impôts augmenteraient et nous réussirions à nous sortir du pétrin.

Le président: Merci, Herb.

Vous pouvez dire une phrase, Bob Blair, une seule. Je sais ce dont vous êtes capable.

M. Blair: En fait, je ne propose pas qu'on impose des limites à l'utilisation des capitaux, mais il me semble qu'on pourrait envisager sérieusement de cesser d'accorder des déductions pour les dons de charité qui sont faits à des organismes canadiens dont les représentants encouragent le retrait de capitaux du Canada.

Je mettrais au haut de la liste, par exemple, l'Institut Fraser.

Le président: Bravo. Voilà une recommandation précise qui s'attaque au coeur même du problème. Peut-on voter là-dessus? Tous ceux qui sont pour? Adopté.

M. Grubel: Il se trouve que je connais l'Institut Fraser. À quel moment ses représentants ont-ils recommandé aux Canadiens de placer leur argent à l'étranger?

M. Blair: C'était à une conférence à laquelle j'étais invité l'autre soir à l'hôtel Westin, à Calgary, devant un auditoire d'environ 1 000 personnes.

Le président: D'accord. Merci beaucoup, monsieur Grubel.

Vous avez 30 secondes chacun pour résumer votre pensée. Je minuterai chaque intervention. Chaque seconde de plus vous coûtera un dollar, que je m'empresserai d'empocher. N'hésitez donc pas à prendre tout le temps qu'il vous faut.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Blakely.

M. Blakely: Nous vous demanderons dans vos discussions de préserver l'intégrité de l'enveloppe budgétaire de la Défense nationale.

Le président: Excellent! Merci.

M. Huddlestone: Nous devons tous reconnaître l'urgence de continuer à prendre des mesures énergiques pour réduire le déficit budgétaire et pour en arriver à équilibrer nos comptes.

Le président: Formidable! Merci.

Qui est le suivant? Madame Matousek.

Mme Matousek: Je vous dirai simplement que nous devons nous attaquer au déficit et à la dette, mais qu'il ne faut pas le faire au détriment des plus vulnérables. Quand les gens n'ont pas d'argent, la demande s'assèche. Où les entreprises trouveront-elles des acheteurs pour leurs produits ou leurs services si les gens n'ont pas d'argent pour acheter ces produits?

À mon avis, la question essentielle est de savoir quel est le type de société dans laquelle nous voulons vivre. Voulons-nous vivre dans une société sans aucune moralité? Est-ce bien ce que nous voulons? Je crois qu'il s'agit-là de la question fondamentale à laquelle chacun doit répondre en premier.

Je vous remercie.

Le président: Merci à vous.

Monsieur Derksen.

M. Derksen: Pour ma part, je dirais que les règles du jeu doivent être équitables pour tous les contribuables. Je ne pense pas que nous puissions prévoir des exemptions pour ceux qui sont les mieux placés pour éviter de payer des impôts ou pour différer le paiement de leurs impôts. Au bout du compte, ce sont les moins en moyens qui se trouvent à payer une part de ces impôts.

Le président: Merci.

Monsieur Blair.

M. Blair: Je vous exhorte à élargir la discussion afin de parler à l'avenir de mesures directes qui pourraient être prises pour atténuer directement le problème fondamental, qui est la taille excessive de la dette publique. C'est ainsi que nous arriverons à régler notre problème d'endettement bien plus que par de longues et futiles discussions sur les services essentiels où il faudra effectuer les prochaines réductions.

Le président: Merci, monsieur Blair.

Monsieur Kuiken.

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M. Kuiken: Je veux vous lire un court paragraphe tiré du rapport annuel de la Banque mondiale pour 1995:

Le président: Merci.

Monsieur Flanagan.

M. Flanagan: Je dirais qu'il faut maintenir et, dans la mesure du possible, améliorer les programmes fédéraux et les normes nationales, mais s'attaquer aux problèmes financiers, qui sont en fait la dette et les niveaux de chômage. En prévoyant des programmes pour atténuer ces problèmes, nous atténuerons aussi nos autres problèmes. Merci.

Le président: Merci à vous.

Monsieur Pendleton.

M. Pendleton: Mon message, finalement, serait celui-ci: il faudrait encourager les efforts pour réduire l'antagonisme ou la contradiction, si vous voulez, entre préoccupations commerciales et préoccupations sociales. Nous constatons que, dans plusieurs localités canadiennes, on a trouvé d'excellentes solutions qui pourraient peut-être être appliquées à l'échelle nationale.

Le président: Je vous remercie.

Madame Bedard.

Mme Bedard: Toutes les mesures budgétaires devraient être examinées au regard de leurs conséquences générales. Il faudrait peut-être viser, non pas une économie en croissance qui ne produit pas de recettes fiscales, mais une économie stable qui s'accompagne d'un accroissement de l'emploi.

Il faudrait prendre des mesures pour aider la petite entreprise. Les ministères fédéraux et provinciaux devraient communiquer et collaborer entre eux au lieu de chercher toujours à protéger leur secteur de compétence. Il faudrait réévaluer le traitement fiscal de certains groupes d'intérêts en particulier.

Le président: Merci.

Monsieur Kenney. Je parie que je peux deviner ce que vous allez dire.

M. Kenney: Je suis tellement prévisible.

L'an dernier, quand j'ai terminé mon intervention, M. Campbell m'a dit: «Je veux être sûr de bien vous comprendre: vous nous demandez d'équilibrer le budget en haussant les impôts et en augmentant les dépenses».

Monsieur le président, je vous dirai en résumé que nous devrions tous, de quelque milieu que nous soyons et quel que soit notre intérêt particulier, concentrer nos efforts sur la croissance économique et la création d'emplois. C'est là un objectif sur lequel nous pouvons nous entendre.

Nous soutenons que le seul moyen d'obtenir cet accroissement de l'emploi à long terme, c'est d'éliminer les énormes obstacles au travail, à l'épargne et à l'investissement au Canada, qui sont à l'origine du chômage structurel qui se situe à 10 p. 100. Pareil niveau de chômage est tout simplement inacceptable à cause du coût économique, humain et financier qui en découle. Nous pouvons résoudre tous ces problèmes en créant des emplois, en libérant la capacité productrice de notre économie privée et en réduisant le fardeau fiscal.

Le président: Merci, monsieur Kenney. Je m'étais trompé; je n'aurais pas pu deviner ce que vous alliez dire.

Monsieur Genuis.

M. Genuis: Merci. Vous avez beaucoup entendu parler de l'investissement au Canada. Je vous dirai que tout cela commence par l'investissement dans la famille, ou le Canada se bâtit et se développe, pour aujourd'hui et demain.

Vous avez également entendu parler lors d'exposés antérieurs que les services de garderie de bonne qualité sont un bon investissement financier. Je suis ici pour vous dire qu'il n'y a absolument aucune preuve empirique n'importe où au monde pour appuyer une telle affirmation. En fait, c'est exactement le contraire.

Le président: Merci beaucoup. J'ai l'heureuse tâche de résumer les délibérations d'aujourd'hui. J'aurai fini dans environ une demi-heure.

Des voix: Oh, oh!

Le président: Tout le monde ici a dit qu'il fallait s'occuper du déficit. Cela ne pose aucun problème. Cependant, il n'y a absolument aucune entente sur la façon de le faire.

Pour ce qui est des coupures, nous avons vu des gens à cette table qui ont dit qu'on ne pouvait pas couper dans le cas des aînés, de la défense, des mesures incitatives pour l'industrie du pétrole, des transferts pour l'aide sociale, des soins de santé et de l'éducation postsecondaire.

Nous devons augmenter les dépenses pour la formation.

Alors nous avons déjà une liste d'emplettes pour des dépenses accrues, ou pour ce que nous ne pouvons pas couper. Nous avons entendu des gens nous dire que nous ne pouvons pas augmenter les impôts ou imposer de nouvelles taxes. Ils disent que les niveaux d'impôt sont déjà assez élevés en regard de toute norme internationale.

Certains nous ont dit qu'il devait y avoir de nouvelles taxes.

Tout impôt sur le revenu des sociétés qui est reporté... Je veux que ce que je vais dire soit bien inscrit au procès-verbal. Nous allons probablement vous voir encore l'année prochaine. Lorsque vous parlez d'impôt reporté, quelle est votre objection? S'agit-il des reports de pertes fiscales d'années précédentes ou d'années futures? Est-ce l'amortissement qui vous cause problème, c'est-à-dire lorsque vous ne pouvez pas passer par pertes et profits le capital investi en un an, mais que vous pouvez plutôt transférer ce report à l'amortissement? Il s'agit vraiment des deux plus gros reports d'impôt, alors ce serait utile si vous pouviez vous renseigner quant aux industries qui nous volent dans ce domaine.

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On a préconisé une taxe sur la fortune lors du décès.

On nous a suggéré une taxe possible sur l'actif - ou du moins de regarder notre réserve d'actif - comme façon d'utiliser les techniques des sociétés pour régler le problème de la dette. Nous accueillerons favorablement toute autre étude mise de l'avant sur cette approche fort innovatrice qui nous a été suggérée par M. Blair.

D'autres nous ont demandé une surtaxe temporaire de 10 p. 100, et il y a la suggestion visant l'élimination de la déduction d'impôt pour les repas et les frais de représentation. Je vous signale que les industries du tourisme, de l'alimentation et des boissons s'y opposent avec véhémence - c'est-à-dire les hôtels et les restaurants - parce qu'ils affirment que nous ne sommes pas concurrentiels actuellement et que ces industries ont un nombre très élevé d'employés.

On nous a également suggéré un impôt sur le revenu négatif. Il faudrait beaucoup plus de travail de notre part pour bien examiner toute ce que cela implique, mais nous sommes prêts à revoir les études de M. Flanagan.

On nous a fait des suggestions sur les façons d'éliminer le chevauchement, le double emploi et la paperasserie. À mon avis, cela implique que les Canadiens sont surgouvernés et je soupçonne que ce soit absolument vrai. En tant que politiciens à tous les paliers, nous devons accorder nos flûtes tout en nous souvenant qu'il n'y a qu'un seul contribuable. Nous sommes là pour servir une seule personne - non pas nous-mêmes, mais le peuple de ce pays. Je pense que les gouvernements vont devoir faire preuve de beaucoup de bonne foi pour se concerter et réévaluer ce que chacun d'entre nous fait bien, pour éliminer le double emploi et la paperasserie.

Des gens, c'est-à-dire tous ceux qui s'intéressent aux plus démunis de la société, ont demandé des normes nationales. C'est ce que nous avons entendu dans toutes les régions du Canada. Je crois donc comprendre que vous ne faites pas confiance aux gouvernements provinciaux. C'est aussi simple que cela. Vous ne faites confiance qu'au gouvernement fédéral pourvu qu'il y ait des normes nationales.

Permettez-moi de dire ceci: lorsque les temps sont durs, c'est très difficile pour nous de trouver de nouvelles façons de dépenser. Par le passé, notre pays a évolué au plan constitutionnel. Les articles 91 et 92 énumèrent les domaines de compétence provinciaux et fédéraux. Le gouvernement fédéral n'a pas les pouvoirs constitutionnels lui permettant d'intervenir dans beaucoup des domaines où il est présent actuellement. Parce qu'il avait le pouvoir de taxer de façon indirecte, c'est-à-dire, l'impôt sur le revenu, qui est devenu une source importante de recettes, nous sommes graduellement intervenus par le biais de notre pouvoir de dépenser pour essayer d'établir ces normes nationales et ainsi créer un pays beaucoup plus compatissant d'un océan à l'autre.

Je ne suis pas convaincu que nous puissions maintenir ce pouvoir de dépenser dans chacun de ces domaines dans toute la mesure que nous avons connue par le passé. Je sais que c'est impossible, parce qu'il y a déjà eu des coupures. Alors il faudra probablement trouver un genre de consensus national quant aux domaines desquels il faut se retirer, du moins temporairement jusqu'à ce que nos finances publiques deviennent plus saines. Cela fait partie d'un débat très important qui s'annonce.

Nous avons entendu des commentaires intéressants à propos de l'action communautaire qui se fait à Fort McMurray, et je pense que ceux-là pourraient servir de très bons exemples pour beaucoup de municipalités dotées d'une seule industrie, de même qu'à d'autres. Il faut faire affaire avec les dirigeants communautaires tout à fait à la base afin de créer ces initiatives, ces emplois et cette richesse.

La Chambre de commerce de Turtleford... Bob va probablement tous nous y inscrire.

J'ai vraiment trouvé qu'Eric Newell avait fait un commentaire intéressant lorsqu'il nous a dit qu'il fallait arrêter de se jeter des pierres. Mettons-nous au travail. Vous avez fait une grande contribution aujourd'hui en nous faisant part de votre expertise et de vos points de vue. Vous êtes tout à fait représentatif des gens que nous avons rencontrés au cours de notre tournée dans toutes les régions du pays.

Il y a beaucoup d'intérêts différents. Il n'y a pas d'unanimité qui se dégage quant à la façon d'assainir les finances publiques dans notre pays, mais vous êtes bien engagés dans cette voie et vous êtes attachés à votre pays, et je tiens donc à vous remercier tous.

La séance est levée jusqu'à 14 h.

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