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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 4 décembre 1995.

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Le Comité des finances a le plaisir de tenir aujourd'hui ses audiences à Ottawa. Nous accueillons les représentants de plusieurs associations réputées qui traiteront de diverses questions touchant directement ou indirectement l'avenir de l'emploi au Canada.

Il s'agit de Shirley-Anne George, de l'Association canadienne de technologie; Dale Orr et Michelle Banning, de la Chambre de commerce du Canada; Rose Potvin et Al Hatton, de la Coalition des organisations nationales volontaires; Michael Steplock, président du conseil d'administration et directeur général, et Ray Koskie, de Koskie & Minsky; Al Hyndman de la National Oilsands Task Force; Tom Brzustowski, président du CRSNG; John Brooks, de Wood Gundy; Arthur Donner, de Arthur Donner Consultants Inc; David Caplan, de Pratt & Whitney Canada Inc; et James Mackay, de SPAR Aérospatiale Limitée.

Ai-je oublié quelqu'un ou me suis-je trompé sur quelqu'un?

Nous avons prévu trois minutes pour chaque déclaration liminaire, et vous aurez tous la possibilité de résumer votre position en conclusion de la séance. Entre-temps, il y aura une longue période de débat qui vous permettra d'aborder toutes les choses dont vous n'auriez pas eu le temps de traiter dans votre déclaration liminaire.

Pouvez-vous commencer, monsieur Koskie?

M. Ray Koskie (jurisconsulte, Koskie & Minsky): Merci, monsieur le président.

Je m'adresse à vous aujourd'hui à titre de directeur et de jurisconsulte d'un fonds de placement de capital-risque parrainé par des syndicats. Nous vous avons remis des documents mais je ne sais pas s'ils vous ont été distribués. Comme vous pouvez le voir, Retrocomm Growth Fund Inc. est un fonds d'investissement à caractère syndical qui n'existe que depuis avril de cette année. Il s'agit véritablement d'une initiative conjointe syndicale-patronale dont le but est de contribuer à résoudre les problèmes chroniques de chômage et de faillite dans le secteur de la construction de l'Ontario. Il est destiné à aider l'industrie à se rétablir, de façon à remettre les gens au travail.

Je suis heureux de dire qu'en créant ce fonds, ses commanditaires syndicaux ont vraiment joint l'action à la parole puisqu'ils ont fourni plus de 800 000 dollars pour le lancer.

Le fonds est axé sur la création d'emplois à l'intention des travailleurs de la construction faisant partie des syndicats commanditaires. Cet objectif sera atteint en plaçant du capital dans des entreprises de taille petite ou moyenne qui se spécialiseront dans la réfection énergétique d'immeubles publics ou privés, ainsi que dans des activités générales de construction. Le fonds investira dans des entreprises qui en sont à l'étape du démarrage, de la croissance, de l'expansion ou de la maturation.

À la différence de nombreux autres fonds de capital-risque existant aujourd'hui, je dois vous dire que nous avons déjà fait notre premier investissement, de 2,5 millions de dollars, pour la construction du complexe sportif de l'Université York - et n'oubliez pas que le fonds n'a été lancé qu'en avril de cette année, après la saison des REER. Le complexe dont il s'agit est un ensemble6 patinoires de taille réglementaire pour la LNH. Le projet a permis de créer plus d'une centaine d'emplois dans les secteurs de la construction et des industries connexes. En outre, le fonds examine actuellement d'autres projets de placement d'une valeur totale de 180 millions de dollars, et il a dans ses cartons une autre série d'initiatives d'une valeur totale de 600 millions de dollars, dont l'étude commencera plus tard.

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Le problème de Retrocomm est bien différent de ceux que connaissent d'autres fonds de capital-risque qui disposent de capitaux mais qui ne font pas d'investissements ou qui prennent longtemps pour les faire. Retrocomm, en revanche, a de nombreux projets d'investissement mais n'a pas les capitaux que lui donnerait la vente d'actions de type A au public. Je rappelle que le fonds n'a été lancé qu'en avril.

En outre, à la différence de nombreux autres fonds de placement qui peuvent consacrer plus d'une année à étudier chaque projet, le fonds Retrocomm s'est montré capable d'agir plus rapidement. Par exemple, le premier investissement a été réalisé quatre mois après le début de son étude. À mon avis, cela constitue certainement un record dans le secteur des fonds commandités par des syndicats.

L'autre problème que nous connaissons concerne bien sûr les industries de la construction et de la réfection énergétique. Les entreprises qui souhaitent travailler dans ce secteur manquent désespérément de capital.

Notre solution, et cela concerne directement le budget fédéral, repose donc sur deux grandes recommandations. Premièrement, nous invitons le comité à recommander au ministre des Finances d'annoncer dans le budget un programme permettant d'offrir des prêts sans intérêt ou à faible taux d'intérêt aux fonds de placement de capital-risque commandités par des syndicats, pendant leurs trois premières années d'activité.

Dans la proposition que je vous ai remise aujourd'hui, nous demandons un prêt de 1,8 million de dollars qui serait strictement réservé à des activités de marketing et d'éducation, l'objectif étant d'encourager le public à acheter des actions de type A de notre fonds, ce qui nous permettrait d'avoir plus d'argent pour contribuer à la création d'emplois.

Ce qui caractérise notre demande, c'est qu'elle concerne un prêt conditionnel, non pas un prêt pur et simple, sauf en ce qui concerne la première année, pour laquelle nous souhaitons qu'il soit inconditionnel. Pendant la deuxième et la troisième années, Retrocomm ne pourrait se prévaloir du prêt qu'à condition d'avoir investi dans des projets créateurs d'emplois. Nous proposons que Retrocomm ne puisse tirer parti du prêt pendant ces deux années qu'à proportion de 1 dollar pour 20 dollars investis dans un projet créateur d'emplois. Autrement dit, si nous ne faisons pas d'investissements, nous ne pourrons pas profiter de ce prêt.

Nous serions tenus de prouver au ministère pertinent que nous avons fait des investissements créateurs d'emplois. Ensuite, nous aurions le droit d'obtenir 1 dollar de prêt pour chaque somme de 20 dollars investie. Par exemple, si nous investissions 1 million de dollars dans un projet créateur d'emplois, nous pourrions recevoir 50 000 dollars de prêt.

Comme je l'ai dit, nous sommes disposés à payer ce que cela coûtera. Idéalement, le prêt nous serait accordé sans intérêt mais, considérant la conjoncture actuelle, même un prêt à faible taux d'intérêt serait extrêmement utile à un fonds de capital-risque comme Retrocomm, axé uniquement sur la création d'emplois.

L'intérêt pour le gouvernement d'accorder ce genre de prêt serait que, plus Retrocomm peut investir dans des projets créateurs d'emplois, plus le gouvernement pourrait récupérer rapidement les crédits d'impôt qu'il aurait accordés.

Deuxièmement, bien sûr, le gouvernement aiderait directement des entreprises petites et moyennes à avoir accès au capital dont elles ont tellement besoin.

Troisièmement, le gouvernement contribuerait directement à la création d'emplois, c'est évident. Il toucherait aussi des recettes fiscales. Il contribuerait à la baisse du chômage, etc.

Tout le monde sortirait gagnant d'une telle initiative. Pour résumer -

Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Koskie, je vous donnerai plus tard la possibilité de résumer. Vous aurez également beaucoup d'autres occasions d'expliquer votre proposition, l'essentiel étant que nous en connaissions maintenant les grandes lignes. Nous passerons plus tard aux détails.

Monsieur Brzustowski.

M. Thomas A. Brzustowski (président, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir participer à cette table ronde. J'espère que nos idées vous seront utiles.

Je vais vous dire en trois phrases ce qu'est le CRSNG. Vous trouverez dans notre documentation une page à ce sujet, qui pourra vous être utile. Ensuite, je voudrais répondre précisément à la question posée dans votre lettre d'invitation. Finalement, j'expliquerai ma réponse. Et je serai bref.

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Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie est l'organisme national chargé d'effectuer des investissements stratégiques en sciences et en technologie. C'est un organisme de subventionnement appuyant aussi bien des projets de recherche fondamentale d'universités que des projets de recherche exécutés en partenariat par des universités et des entreprises privées. Le CRSNG contribue également à la formation de pointe de spécialistes extrêmement qualifiés dans les deux secteurs. Comme je l'ai dit, monsieur le président, vous trouverez des précisions à ce sujet dans le texte d'une page qui vous a été remis.

La question que vous nous avez posée dans votre lettre d'invitation était la suivante: «Quelles mesures budgétaires peut-on prendre pour instaurer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance?» Grosse question, monsieur le président! À titre de président du CRSNG, je ne vous donnerai qu'un fragment de réponse.

Je vais mettre l'accent sur l'innovation, qui est à mes yeux le processus menant à la commercialiser de nouveaux biens et services. Il ne s'agit donc pas simplement d'avoir une nouvelle idée ou de valider un nouveau concept, il s'agit du processus de commercialisation de nouveaux biens et services.

Que peut faire le gouvernement dans le cadre du budget? Il peut s'efforcer de créer l'environnement le plus favorable possible à l'innovation. Évidemment, pour ce qui est du CRSNG, nous ne pouvons parler de l'innovation que dans le contexte des nouvelles idées en sciences et technologie, des nouvelles connaissances dans ce domaine - et non pas de l'innovation dans le contexte du marketing, de la distribution ou d'autres activités.

En matière de sciences et de technologie, il y a deux sortes d'innovation, toutes deux essentielles, monsieur le président. L'une consiste à préserver la santé financière et la viabilité des entreprises existantes - il s'agit de l'innovation de processus - et d'aider les entreprises à rehausser leur productivité pour rester compétitives.

Ensuite, et cela découle des gains de productivité réalisés par l'économie, lorsque des gens sont chassés de la population active - même des gens bien formés et chevronnés - il nous faut de l'innovation de produits, c'est à dire la création d'activités économiques entièrement nouvelles pour permettre à ces gens de réintégrer la population active. Il s'agit donc ici de mettre en marché des biens ou services entièrement nouveaux, qui n'existent pas encore mais qui sont rendus possibles par les nouveaux résultats des sciences et de la technologie.

Comme tout cela commence avec des gens et des idées, monsieur le président, pour passer ensuite à la création d'entreprises ou à des entreprises existantes, avec ou sans l'encouragement du gouvernement par le truchement de normes de marchés publics et de toutes sortes d'autres activités, l'environnement peut être décrit de manière très simple. Il s'agit d'un environnement dans lequel on tient délibérément compte de tous les éléments du processus d'innovation, allant de la recherche jusqu'à la mise en marché des biens et comprenant les choses dont on a parlé au sujet du financement, de l'aide à la création d'entreprises, de la bonne gestion, du soutien universitaire - tout cela, qui n'est certes pas la réponse complète à votre question, loin de là, en constitue un élément très important.

J'en reste là.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brzustowski.

Nous allons maintenant entendre Rose Potvin, que notre comité connaît déjà, de la Coalition des organisations nationales volontaires.

Mme Rose Potvin (directrice générale, Coalition des organisations nationales volontaires): Merci beaucoup, monsieur le président. Quand je me suis adressée à vous il y a quelques semaines au sujet des organismes caritatifs et des incitations fiscales, notre mémoire n'était pas encore prêt. Depuis lors, nous avons pu le terminer et j'en ai apporté un exemplaire avec moi, que je vais remettre au greffier.

Pour ce qui est de la question posée aujourd'hui, je me suis fait accompagner de mon collègue Al Hatton, qui va faire notre exposé.

Le président: Merci, Rose. Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Hatton.

M. Al Hatton (directeur des relations extérieures, YMCA du Canada): Merci, monsieur Peterson.

Je vais aborder la question d'un point de vue légèrement différent des autres participants dans la mesure où je m'adresse à vous à titre de représentant des organismes bénévoles et des organismes caritatifs.

Cela va peut-être vous surprendre et vous amener à vous demander ce que nous pouvons bien savoir de la croissance économique et de la création d'emplois. Je vous répondrai en disant que nous représentons environ 12 p. 100 de l'activité économique et commerciale du pays. Certes, nous n'avons pas l'habitude de nous présenter comme créateurs d'emplois, ni de parler de la contribution de notre secteur à l'activité économique et à l'emploi.

Je voudrais mettre l'accent sur deux choses. D'abord, sur les initiatives communautaires intégrant des objectifs économiques et sociaux. Il s'agit là, à mon sens, d'un domaine dont on parle traditionnellement dans le contexte des collectivités pauvres, des collectivités marginalisées, en milieu urbain aussi bien que rural.

Il en existe plusieurs modèles dans le pays, certains concernant des sociétés de développement économique ciblant des zones particulières de population à faibles revenus, ayant recours à des bénévoles et visant à conserver les ressources au niveau local. Il s'agit là d'un processus exigeant la participation des citoyens, lesquels sont appelés à cerner les possibilités d'activité économique, culturelle ou sociale, et à se doter des moyens nécessaires pour créer des emplois et conserver des ressources au niveau local.

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Dans un sens, ce processus est responsabilisateur. Il amène les citoyens à chercher eux-mêmes des possibilités d'activité économique de façon à créer leurs propres emplois et à mettre l'accent sur la formation individuelle et sur le maintien des emplois au niveau local.

Pendant les années 70, le ministère de l'Emploi et de l'Immigration, comme il s'appelait alors, avait lancé bon nombre d'initiatives de cette nature, qui ont évolué au cours des années.

À l'heure actuelle, avec tous les changements que l'on constate au ministère du Développement des ressources humaines, très peu de ressources sont axées sur ce secteur. Cela constitue à mon avis une source de préoccupation car je parle ici d'un instrument qui pourrait être très viable et qui pourrait servir à développer les capacités locales. C'est par ailleurs un secteur qui permettrait de conjuguer les objectifs sociaux et économiques que partage votre comité.

En conséquence, nous recommandons que l'on donne un peu de répit, dans le prochain budget, au secteur communautaire, au secteur du bénévolat et aux organismes qui oeuvrent à l'échelle locale. Nous venons de faire face à une sérieuse compression de ressources du fait du budget annoncé par le gouvernement de l'Ontario la semaine dernière et du budget fédéral de l'an dernier, et il y en aura probablement encore dans le budget fédéral de l'an prochain.

À mon avis, le message est très clair. Il faut que la situation change considérablement au niveau local, et il nous faudra un an ou deux pour nous réorganiser de façon à continuer le travail dont je viens de parler.

C'est tout ce que je voulais dire.

Le président: Merci, monsieur Hatton.

Arthur Donner.

M. Arthur Donner (président, Arthur Donner Inc.): Merci, monsieur le président. Je vous remercie de m'avoir invité à participer à cette table ronde. Je vais m'efforcer de présenter très rapidement certaines choses qui me semblent importantes.

Je précise que j'ai remis deux documents au comité. L'un concerne la création d'emplois par la réorganisation du temps de travail; l'autre, la question de savoir si le Canada devrait envisager de rattacher le dollar canadien au dollar américain.

Pour ce qui est de mes recommandations principales, je commencerai par dire qu'il serait utile pour la population que la gestion du déficit soit envisagée du point de vue du bilan total de l'État. Nous consacrons beaucoup d'attention au déficit et au PNB mais nous avons tendance à ne pas tenir compte des richesses du secteur public.

Par exemple, les investissements réalisés dans le secteur de l'éducation, de la santé et des infrastructures ne sont pas seulement des richesses pour le secteur public. Ce sont des richesses qui apparaissent en fait plus dans les bilans du secteur privé que dans ceux du secteur public. Certes, il est parfaitement rationnel et compréhensible qu'une entreprise privée emprunte pour accroître son capital physique. Il me semble qu'il pourrait être légitime de revoir nos problèmes budgétaires sous cet angle.

Deuxièmement, et cela m'amène à parler directement de l'économie, je crois sincèrement que le marché du travail est en crise, notamment parce que l'économie ne donne pas son rendement maximum depuis la fin de la dernière récession. Nous avons aujourd'hui un taux de chômage de 9,4 p. 100. Nous avons près de 1,4 million de Canadiens au chômage, et 2,5 à 3 millions d'autres qui dépendent probablement de l'assistance sociale. Nous savons que plus de 700 000 veulent travailler à temps plein mais qu'ils travaillent à temps partiel, alors qu'ils figurent dans les statistiques nationales comme des personnes ayant un emploi à temps plein.

Tout cela permet de croire que quelque chose freine la création d'emplois. Une analyse attentive me force à conclure que ce quelque chose est un frein budgétaire. Le poids conjugué des compressions budgétaires fédérales et provinciales est en train d'étouffer l'expansion économique et, à terme, la création d'emplois.

Dans ce contexte, je voudrais citer ce que disait le magazine The Economist en 1992, et que m'a rapporté un ami : aucun gouvernement moderne ne saurait être assez stupide pour provoquer une récession massive dans une économie déjà en difficulté.

Or, j'estime que notre économie est sérieusement en difficulté et qu'elle connaît un phénomène massif de récession. C'est une récession qui trouve évidemment son origine dans les mesures budgétaires des gouvernements. Ce qui manque, d'après moi, ce sont des stimulants correspondants du côté monétaire.

Ce qui manque dans tout ce débat, et je le regrette, c'est un concept qui avait beaucoup de succès dans les années 50 et 60, celui d'un éventail de politiques économiques. Quel pourrait être l'effet économique conjugué d'un ensemble de politique monétaire, de politique budgétaire, et bien sûr, de politique de taux de change?

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Je vais essayer de vous en donner une idée très limitée.

Étant donné que notre situation budgétaire est encore bien difficile et considérant les perspectives très sombres du marché du travail, j'estime que l'on pourrait revenir à une sorte de politique de grands investissements, comme nous en avions il y a quelques années lorsque le gouvernement avait lancé un programme de travaux divers.

Vous connaissez parfaitement l'effet multiplicateur de l'industrie de la construction sur le plan de l'emploi. Il s'agit d'un effet multiplicateur essentiellement interne, ce qui veut dire que les emplois ont tendance à être créés assez rapidement.

En ce qui concerne les autres questions, je recommanderais au comité de se pencher sur les propositions du Groupe consultatif sur le temps de travail et la répartition du travail.

Ce groupe de travail a effectué une simulation économétrique de ce que deviendrait l'économie canadienne si les personnes travaillant des heures anormalement longues et celles travaillant des heures régulières acceptaient une réduction moyenne de 25 p. 100 de leur temps de travail. Une telle mesure, conjuguée à une période d'adaptation suffisante pour éviter les secousses, montre que tous les secteurs de la société y gagneraient. Cela entraînerait en effet une baisse du taux de chômage et une amélioration à terme de la situation budgétaire de tous les gouvernements, avec une baisse des coûts du bien-être social.

Je vais en rester sur cette note. Merci.

Le président: Merci, monsieur Donner.

Monsieur Brooks.

M. John Brooks (conseiller financier principal, Wood Gundy): Merci de m'avoir invité, monsieur le président.

Avant de commencer, je voudrais préciser que les opinions que je vais exprimer sont les miennes et pas nécessairement celles de mon employeur.

Je voudrais parler aujourd'hui de prospérité économique.

Je suis conseiller financier principal chez Wood Gundy et je viens de publier avec mon épouse, Brenda, un livre intitulé Catching the Wave: How to Profit from Canada's Four Prosperity Trends.

Dans mes fonctions de courtier en bourse, j'ai constaté une profonde évolution de l'attitude générale de mes clients au cours des 15 dernières années. Cette évolution est semblable au maillon faible ou à ce qui manque au Canada pour créer des emplois et assurer la prospérité économique, c'est-à-dire la confiance en l'avenir. Comment attendre d'une entreprise qu'elle recrute de nouveaux employés si elle n'a pas la conviction qu'elle va réussir?

On trouvera dans ce livre les résultats de nombreuses enquêtes montrant que les Canadiens estiment que la situation est bien pire qu'elle ne l'est en réalité, qu'il s'agisse de criminalité, de bonheur familial ou, plus particulièrement, de prospérité économique. Nos statistiques ne tiennent pas compte de l'amélioration spectaculaire que nous avons pu constater dans notre vie quotidienne, surtout grâce à la technologie. Il est facile de penser à des exemples tels que la chirurgie arthroscopique, les appareils de photographie automatiques, les ordinateurs et les télécommunications.

Je m'empresse d'ajouter que Statistique Canada est un organisme de premier ordre. Il se trouve simplement que le monde avance parfois trop vite pour que l'on puisse bien mesurer tous ces phénomènes.

Malgré tout le pessimisme ambiant, il existe quelques tendances fondamentales qui garantissent notre prospérité future. Il s'agit de l'évolution démographique, du progrès technologique, de l'expansion du commerce international et de la transformation des gouvernements.

Pour ce qui est de la démographie, il faut considérer que le baby-boom était une mini tornade, c'est-à-dire la naissance d'un nombre tellement élevé d'enfants qu'ils renversent tout sur leur passage à mesure qu'ils avancent dans la vie. C'est pourquoi il a fallu se démener pour construire des écoles dans les années 60, puis des maisons à la fin des années 70 et au début des années 80. Aujourd'hui, les membres du baby-boom entrent dans leurs années les plus productives, où ils vont pouvoir exercer leur jugement collectif et nous faire profiter de leur expérience.

Comme si cela n'était pas une assez bonne nouvelle, nous constatons que le quotient de dépendance, c'est-à-dire la proportion du nombre de personnes de moins de 20 ans et de plus de65 ans, est en train de baisser et atteindra son nadir dans les quinze prochaines années.

On constate donc une baisse des coûts pour l'économie en ce qui concerne les personnes dépendantes, l'effet du nombre massif de membres du baby-boom et les effets bénéfiques de l'immigration. N'est-ce pas là une combinaison garantissant notre prospérité?

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Le deuxième facteur est la technologie. Comme je l'ai dit, la nouvelle techno-économie crée des emplois plus rapidement que nos statistiques ne peuvent le mesurer. La biotechnologie, la science des matériaux, les supraconducteurs, la photonique, la réalité virtuelle - toutes ces choses vont révolutionner notre manière de vivre dans les dix prochaines années. Cela se fait très vite.

Du point de vue du commerce international, l'élimination des barrières commerciales nous donne un accès sans précédent aux marchés étrangers. À titre de consommateurs mondiaux, nous bénéficions d'une diversité de produits bon marché venant du monde entier. Pensez-y, cette variété est déjà en soi une forme de richesse.

Finalement, pour ce qui est des gouvernements, ils sont en train de s'améliorer. Le mouvement rapide de privatisation est une tendance mondiale. Il semble assez clairement prouvé que l'économie fonctionne mieux dans un contexte de libre concurrence que dans un contexte de propriété publique ou de contrôle gouvernemental.

Je mettrai des exemplaires de mon livre à votre disposition pour que vous puissiez consulter notre analyse de ces facteurs. N'oubliez pas que le Canada est déjà classé comme le meilleur pays au monde pour ce qui est de la qualité de vie. Et le deuxième pour ce qui est de la richesse par habitant. Selon mes calculs, nous sommes le meilleur pays au monde pour l'investissement.

Si vous partagez ma foi dans le Canada, joignez-vous à moi pour diffuser ce message. Engageons un débat public sur la prospérité du Canada. Amenons les Canadiens à avoir confiance en eux-mêmes. Et ne perdons pas de temps. Voilà les mesures que je recommande dans le contexte de ces consultations prébudgétaires.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Brooks.

Monsieur Dale Orr, je suis sûr que vous partagez l'optimisme de M. Brooks.

M. Dale Orr (président, politique économique, Chambre de commerce du Canada): Un peu.

Merci de votre invitation, monsieur Peterson. Votre comité nous a demandé quelles mesures budgétaires permettraient d'instaurer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance. La Chambre de commerce du Canada, qui représente des entreprises de tout le pays, est heureuse de relever ce défi.

Mes remarques d'aujourd'hui correspondent aux opinions exprimées dans deux documents que connaît bien votre comité. Le premier, sur le projet «Visons le million» de la Chambre, présente les résultats d'une enquête réalisée auprès de 1 000 entrepreneurs en 1994 afin de savoir quelles mesures devraient être prises pour créer 1 million de nouveaux emplois au Canada. Le deuxième, Un nouveau cadre pour la politique économique, a été déposé devant votre comité par le ministre des Finances, M. Martin, en octobre dernier.

J'aimerais formuler deux recommandations. La première - qui ne vous surprendra pas - est de réduire le déficit. Voilà une mesure budgétaire qui prime sur toutes les autres pour ce qui est de l'instauration d'un environnement favorable à la création d'emplois et à la prospérité. Voici d'ailleurs une citation du document de la Chambre sur le projet «Visons le million» :

Dans Un nouveau cadre pour la politique économique, M. Martin affirmait qu'atteindre les objectifs budgétaires du gouvernement - et je cite :

Notre deuxième recommandation est de mettre d'abord l'accent sur la productivité plutôt que directement sur la création d'emplois. L'un des répondants à notre enquête «Visons le million» l'a dit sans ambages : «Cessez d'essayer de créer des emplois; créez plutôt un environnement favorable à l'expansion des entreprises». Dans son document, M. Martin soulignait que :

J'encourage aujourd'hui votre comité à se demander immédiatement si les propositions qui lui seront faites en vue de la création directe d'emplois contribueront à rehausser la productivité globale de l'économie.

Le président: Merci, monsieur Orr.

Monsieur David Caplan, président et directeur général de Pratt & Whitney.

M. David Caplan (président et directeur général, Pratt & Whitney Canada): Merci, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui.

Je vais vous dire quelques mots de Pratt & Whitney, car cela me semble important pour établir le contexte de mes recommandations.

Pratt & Whitney est une filiale à part entière de United Technologies, des États-Unis, mais elle détient un véritable mandat mondial de conception, d'élaboration, de fabrication, de commercialisation et d'entretien de turbines pour moteurs d'avions et d'hélicoptères régionaux et d'entreprises, ainsi que pour d'autres produits. Nous employons près de 8 000 personnes, dont 6 300 au Québec. Nous avons également des installations importantes à Mississauga, à Halifax et à Lethbridge. Cette année, nous prévoyons faire un chiffre d'affaires d'environ 1,7 milliard de dollars.

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J'aimerais souligner que nous sommes traditionnellement la deuxième entité du secteur privé canadien en ce qui concerne l'ampleur des dépenses de R & D. Cette année, nous allons consacrer environ 250 millions de dollars à cela, et nous prévoyons que le chiffre augmentera de 15 p. 100 à 20 p. 100 l'an prochain. En outre, nous exportons 90 p. 100 de ce que nous fabriquons.

Aujourd'hui, l'expansion de Pratt & Whitney, comme de toutes les entreprises de notre secteur, résulte directement des investissements réalisés à la fois par le gouvernement canadien et par l'industrie au cours de nombreuses années. Pratt & Whitney et l'industrie s'inquiètent sérieusement de l'abolition des crédits de soutien remboursables - et j'insiste sur le mot «remboursables» - avec partage de risques consentis à l'industrie, suite à l'abolition du PPIMD dans le budget de 1995.

L'industrie aérospatiale canadienne a connu une expansion plus rapide que celle de tous les autres pays qui lui font concurrence. J'ajoute qu'elle a connu au cours de la décennie un taux de croissance deux fois plus élevé que le PIB canadien. Ce succès est dû aux investissements qui ont été effectués il y a 5 ou 10 ans, parce que le cycle de mise au point de nouveaux produits est très long dans le secteur aérospatial. En revanche, c'est aussi dans notre secteur que les produits ont la durée de vie la plus longue, 25 ans ou plus.

Pour chaque dollar investi dans ce secteur par le gouvernement, quatre l'ont été par des entreprises, ce qui a engendré 25 dollars ou plus de ventes.

J'aimerais rappeler au comité que la majeure partie de la contribution du gouvernement est sujette à remboursement, sur la base de redevances et de remboursements totaux pouvant être supérieurs à la contribution initiale.

L'appui consenti par le gouvernement canadien au secteur aérospatial a été largement inférieur à l'appui direct et indirect fourni dans d'autres pays importants. Et je parle ici à la fois de chiffres absolus et de pourcentage de l'investissement total. Quoi qu'il en soit, la formule canadienne de crédits de soutien remboursables plus modestes a servi a créer la sixième industrie aérospatiale au monde du point de vue du chiffre d'affaires, dont 70 p. 100 des ventes sont destinées à l'exportation et qui donne des emplois directs bien rémunérés et de haute technologie à 53 000 personnes.

Il ne fait aucun doute dans mon esprit que, si les crédits de soutien remboursables à partage des risques consentis à l'industrie aérospatiale pour la recherche et le développement, dans le cadre de ce qu'on appelait le PPIMD, ne sont pas remplacés par un programme équivalent dans le budget de 1996, ce sera le début de la fin pour cette industrie au Canada. Ce ne sera peut-être pas évident pendant une, deux ou trois années, à cause des engagements existants et du long cycle dont je parlais plus tôt, mais il ne fait aucun doute que le déclin commencera et qu'on ne pourra pas l'arrêter.

Vous nous avez demandé quelles mesures budgétaires permettraient d'instaurer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance. J'affirme que le budget de 1996 devrait rester axé sur la réduction du déficit mais que, dans le cadre de ces limites budgétaires, l'une des priorités du gouvernement doit être d'utiliser ses ressources financières pour appuyer les programmes créant des emplois de haute technologie, bien rémunérés et, ce qui est encore plus important, de longue durée. Cela veut dire que le gouvernement doit investir ses fonds dans des programmes qui ont une viabilité à long terme. Je suis parfaitement d'accord avec l'idée que nous devons être compétitifs, du point de vue de la productivité. À nous de veiller à ne pas investir dans des projets à court terme, qui n'offrent pas le même genre d'effet bénéfique.

J'affirme que l'industrie aérospatiale est très bénéfique sur le plan de l'emploi et de la croissance, et j'implore vivement le gouvernement à remplacer le PPIMD par ce qu'on a récemment appelé un programme national d'investissement technologique. Un tel programme permettrait au Canada de poursuivre sur sa lancée de façon à préserver les emplois existants et à en créer de nouveaux.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Caplan.

Nous allons maintenant entendre M. Clifford Mackay, de SPAR Aérospatiale.

M. James Clifford Mackay (vice-président senior, Systèmes spatiaux et développement d'entreprise, SPAR Aérospatiale Limitée): Merci, monsieur le président.

Avant de m'adresser à vous, j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour dire que cette année est probablement la plus remarquable que le Canada ait jamais connue depuis son entrée dans le secteur aérospatial, dans les années 60. En effet, trois événements importants se sont déjà produits, et nous en attendons d'autres.

En coopération avec certaines entreprises américaines, le Canada a lancé au début de cette année le premier satellite de communications vraiment mobile. Il y a environ un mois et demi, nous avons lancé le premier satellite radar commercial au monde - et je dois dire qu'il fonctionne extrêmement bien - et, très récemment, Chris Hadfield est devenu le premier Canadien à manoeuvrer le bras spatial canadien dans l'espace. Très franchement, sa mission a connu un succès absolument spectaculaire.

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Je dis cela, monsieur le président, pour faire ressortir quelque chose de très simple, et que l'on ne dit pas très souvent dans ce pays : il y a bien des choses de niveau mondial dont les Canadiens peuvent être légitimement fiers. Je crois qu'on devrait le dire plus souvent.

En ce qui concerne le thème de votre débat, je ne répéterai pas ce que M. Caplan vous a dit au sujet de la nature absolument cruciale d'un partenariat durable entre le gouvernement et l'industrie si nous voulons rester présents dans des secteurs comme l'aérospatial. Il y a d'autres idées dont nous pourrons parler à ce sujet, allant de relations de partenariat à des relations de collaboration bilatérales sur les marchés internationaux, de meilleures procédures de passation des marchés, des partenariats de sous-traitance ou des activités de prestation de services dans le domaine de la technologie avancée.

Il y a cependant un message crucial que je voudrais vous communiquer aujourd'hui. C'est qu'il est à mon avis absolument impératif que nos décideurs, lorsqu'ils réfléchissent à leurs options, gardent toujours présente à l'esprit la différence qu'il y a entre un investissement et une dépense, ou la consommation si je puis m'exprimer en termes économiques.

Ce dont parlait Dave Caplan est un exemple classique de ce que peut devenir un pays qui investit dans l'avenir de la recherche et du développement et dans l'innovation, comme le disait plus tôt l'un de nos collègues. Il me paraît absolument crucial que les politiciens gardent toujours cela en tête. SPAR est le fruit de bonnes décisions politiques prises dans le passé, lorsque les gens comprenaient ce qu'était un investissement, et c'est quelque chose dont nous pouvons être tous fiers aujourd'hui. C'est une entreprise en expansion, et c'est une entreprise vraiment canadienne.

Je vous laisse donc avec ce message, en espérant que vous en tiendrez compte lorsque vous songerez à l'emploi et à la croissance dans le contexte du budget.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Mackay.

Anne George, s'il vous plaît.

Mme Shirley-Anne George (directrice générale, Association canadienne de technologie de pointe): Merci, monsieur le président.

L'Association canadienne de technologie de pointe représente un large éventail d'entreprises de technologie qui créent déjà des milliers d'emplois et contribuent à la prospérité du pays par l'exportation. Ces entreprises tirent généralement plus de 80 p. 100 de leurs revenus des ventes à l'étranger.

Elles fabriquent des produits spécialisés de qualité mondiale exigeant de gros investissements en recherche et en développement, facteur nécessaire pour garantir qu'elles restent compétitives dans un monde où le cycle de vie des produits est de plus en plus court. Selon les estimations de Nuala Beck, une économiste canadienne, ces entreprises ont créé 800 000 emplois au cours des dix dernières années. Leur croissance d'emploi moyenne est de 16 p. 100 et la plupart font face à une pénurie critique d'employés très qualifiés, de niveau mondial, ce qui leur est pourtant nécessaire pour être compétitives à l'échelle internationale. Nos problèmes sont dans une certaine mesure l'inverse de ceux de l'industrie aérospatiale.

La plupart des entreprises de technologie et de leurs employés sont extrêmement mobiles et beaucoup font l'objet d'incitations presque quotidiennes pour transférer la totalité ou une partie de leurs activités à l'étranger. En plus, leur personnel est activement sollicité par des entreprises étrangères. Comme les cadres de ces entreprises voyagent beaucoup, ils sont parfaitement conscients des avantages qu'offre la citoyenneté canadienne. Dans l'ensemble, ils tiennent beaucoup à poursuivre leurs activités au Canada.

Ce dont ils ont besoin, c'est d'un environnement commercial globalement compétitif - et j'insiste sur globalement - pour leurs entreprises, leurs investissements et leurs employés. Pour conserver ces entreprises et garantir l'environnement qui contribuera à la prochaine vague de Newbridge et de Corel, le Canada se doit avant tout de rester compétitif, ce qui est peut-être plus facile à dire qu'à faire. Les trois mots magiques sont : compétitivité, stabilité et prévisibilité. Autrement dit, le climat des affaires doit être compétitif, ce qui dépend notamment du taux marginal d'imposition des entreprises.

Les crédits d'impôt à la recherche et au développement offerts au Canada ont directement permis de compenser la lourde fiscalité qui est imposée aux entreprises. Il est essentiel que ces crédits d'impôt soient préservés et que l'on en garantisse à la fois la stabilité et la prévisibilité.

L'enquête annuelle réalisée par notre association montre que ces crédits d'impôts ont permis de multiplier par 14 les dépenses fiscales directes au bénéfice du Canada. Nous voudrions tous être dans cette situation.

Nos employés sont notre principale richesse. Nous devons veiller à ce que les universités et les collèges canadiens aient la souplesse requise pour former des travailleurs de niveau mondial, et pas de niveau canadien, dans le secteur de la technologie, et nous devons faire le nécessaire pour les conserver au Canada.

.1610

Le défi le plus important que nous ayons à relever aujourd'hui est de trouver de bons cadres. Étant donné qu'il y a au Canada un taux d'imposition marginal très élevé sur le revenu personnel, il est devenu quasiment impossible de recruter à l'étranger, notamment aux États-Unis. C'était déjà une difficulté il y a 12 ou 18 mois, c'est devenu aujourd'hui un problème majeur pour tous les PDG que je rencontre quotidiennement.

Le Canada doit envisager une mesure provisoire à court terme pour faire baisser le taux d'imposition d'un nombre très limité d'employés par entreprise, et il pourrait pour ce faire s'inspirer du modèle du Québec. Sans cet allégement fiscal pour les quelques personnes importantes que les entreprises de technologie ont besoin de recruter à des postes de vice-président du marketing ou de chef de la recherche, celles-ci risquent d'être obligées de transférer une partie ou la totalité de leurs activités à l'extérieur du pays.

Finalement, et c'est peut-être aussi important, il est essentiel que le gouvernement fédéral comme les autres gouvernements assainisse les finances publiques. Il faut que les gouvernements puissent faire moins, dépenser moins et respecter chacun de leurs engagements financiers.

Merci.

Le président: Merci. Veuillez m'excuser, madame George, j'ai laissé passer quelque chose. Avez-vous dit que le plus gros problème que connaissent les entreprises canadiennes est de recruter des cadres de niveau supérieur?

Mme George: Oui, pour les entreprises de technologie de pointe. Quand on fabrique un produit de niveau mondial, il n'y a pas beaucoup de gens au monde qui sont capables de gérer toutes les activités requises. Certes, on essaie toujours de trouver les bonnes personnes au Canada mais, quand on ne peut pas, on se met à les chercher dans le reste du monde. Quand nous trouvons des candidats, nous les faisons venir au Canada en nous assurant que c'est par une belle journée ensoleillée et qu'ils peuvent voir beaucoup de choses merveilleuses dans le pays. À la fin de la journée, nous leur remettons une documentation qu'ils étudient avec beaucoup d'attention. Pourtant, ils ne cessent de refuser nos offres à cause de notre taux d'imposition marginal sur le revenu personnel, qui est beaucoup trop élevé. Sur ce plan, nous sommes loin d'être compétitifs, ce qui est fort regrettable.

Le président: Il est également difficile de leur montrer Ottawa sous le soleil en décembre, n'est-ce pas?

Mme George: Cette année.

Le président: Merci, madame George.

Finalement, monsieur Hyndman.

M. Al Hyndman (président, Sous-comité fiscal et socio-économique, National Oilsands Task Force): Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis très heureux de pouvoir participer à ce débat sur l'emploi et l'économie.

Il est clair que bon nombre de Canadiens sont gravement préoccupés par leurs possibilités d'emploi, ainsi que par celles de leurs enfants, et que beaucoup d'intérêts différents se font concurrence pour retenir l'attention des décideurs. Nous sommes également préoccupés par d'autres questions nationales importantes. Voilà pourquoi nous avons été particulièrement encouragés lorsque le premier ministre Chrétien a déclaré que la première priorité du Canada serait désormais la croissance économique et la création d'emplois.

Nous souhaitons tous une économie vigoureuse et prospère, de façon à offrir des possibilités d'emploi à nos jeunes. Comme nous le savons, ces possibilités viendront d'entreprises stimulées par l'innovation et par l'investissement. Certes, on fait souvent grand cas des emplois créés par les PME, mais il ne faut pas oublier que bon nombre des celles-ci sont vouées à fournir des services à nos industries centrales, à des industries comme la mienne et comme celle de M. Caplan.

Dans bien des cas, les fournisseurs de biens et de services se préparent à l'exportation en affinant leurs compétences sur leur marché intérieur. Le Canada ne sera prospère que s'il assure son expansion économique dans le secteur des biens et services commercialisables à l'étranger. Par exemple, notre entreprise achète des biens et services à 3 500 entités canadiennes.

Notre économie connaît actuellement des changements profonds. Gouvernements, institutions publiques et entreprises privées ne jurent que par la rationalisation, la restructuration et la compression des effectifs, choses qui aboutissent à des pertes d'emplois.

Il est certain que votre comité devrait se pencher sur ce que le Canada devrait faire pour obtenir une véritable croissance de l'emploi. À mon sens, nous devrions nous pencher sur les possibilités de croissance réelle dans le secteur de l'investissement afin d'abolir les obstacles qui risquent d'entraver le succès.

Comme on vous l'a dit à Calgary la semaine dernière - dans la région des sables bitumineux - une étude indépendante préparée pour la National Oilsands Task Force a permis de conclure qu'un investissement de 21 à 25 milliards de dollars produirait 44 000 nouveaux emplois qualifiés au Canada d'ici à l'an 2 025, et c'est ce qu'illustre le graphique 1 de notre documentation. Environ 60 p. 100 de ces emplois seront créés à l'extérieur de l'Alberta, dans bon nombre de PME. Voilà une très bonne raison d'aller de l'avant pour tirer parti de cette importante possibilité.

.1615

L'emploi viendra à la fois des investissements primaires dans l'expansion des entreprises et des investissements que réaliseront les entreprises manufacturières et de service pour faire face à l'expansion de la demande dans l'industrie du pétrole. Cette vague durera longtemps à cause des projets d'expansion par étapes de l'industrie des sables bitumineux.

Vous vous demandez sans doute ce que peut faire le décideur public dans ce contexte. Nous avons trois recommandations à lui adresser. Premièrement, que les efforts intellectuels et politiques actuellement déployés par le gouvernement pour s'attaquer au déficit, pour faire l'examen des programmes ou pour relancer l'industrie de la pêche soient également déployés pour instaurer une culture d'expansion économique dans les ministères fédéraux. Il est rare que l'on sorte d'une réunion où la croissance économique et la création d'emplois aient été les principales préoccupations. Bien souvent, l'attention est accaparée par des questions de processus ou autres. Donc, si notre première priorité est l'expansion économique et la création d'emplois, agissons en conséquence.

Les leçons tirées des activités internationales de l'Équipe Canada peuvent être appliquées sur le plan intérieur. Il suffit de penser à ce que les politiciens japonais, coréens ou allemands feraient si les sables bitumineux se trouvaient sur leur territoire.

Deuxièmement, le Canada devrait mettre en vigueur une fois pour toutes, dans le prochain budget, un régime fiscal générique pour les sables bitumineux. Les résultats en matière de création d'emplois seraient quasi instantanés. L'incidence sur les revenus fiscaux, si l'on se fonde sur le régime proposé par le groupe de travail, est illustrée au graphique 2 de notre documentation. Selon Informetrica, on constatera dès le premier jour une incidence positive sur les finances fédérales, l'effet global au bout de trente ans devant être de l'ordre de 58 milliards de dollars, comme le montre le graphique 3.

Un régime générique permettrait d'attirer des capitaux, de créer des emplois chez nous et de mettre fin aux mesures fiscales ponctuelles et aux mégaprojets incertains. Jeudi dernier, l'Alberta a répondu à la recommandation du groupe de travail lorsque le premier ministre Klein a annoncé une formule standard de redevances pour les sables bitumineux. Il reste maintenant au gouvernement du Canada à faire le premier pas en mettant sur pied un régime qui favorisera le développement économique tout en lui permettant de conserver une part des profits dépassant celle de la plupart des secteurs de l'économie canadienne. Vous le constaterez en examinant le graphique 4.

Troisièmement, l'une des entreprises représentées au sein du groupe de travail est devenue le premier entrepreneur canadien employant des autochtones, ce qui n'est pas arrivé par hasard. Les 325 employés autochtones de cette entreprise, auxquels s'ajoutent 250 autres travaillant pour des sous-traitants, sont le résultat de deux décennies d'efforts déployés dans le cadre de programmes de développement économique autochtone, de programmes d'éducation, d'autosuffisance économique et d'autosuffisance communautaire. Ce succès pourrait fort bien être reproduit dans d'autres régions.

J'ai formulé trois recommandations, monsieur le président. Il faut que nos politiques publiques soient plus clairement focalisées sur l'épanouissement d'une culture économique, il nous faut une politique d'exploitation des possibilités d'investissement dans des secteurs tels que les sables bitumineux, et il faut prendre des mesures pour reproduire des succès tels que celui dont je viens de parler au sujet de l'emploi des autochtones.

[Français]

Le président: Nous allons passer à la période de questions. Nous entendrons d'abordM. Loubier.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Je croyais qu'il devait y avoir un débat entre les participants, mais vous avez mis cette partie de côté.

Le président: Il n'y avait pas beaucoup d'opposition.

M. Loubier: Bon, ça va. D'ailleurs, ma question est prête.

Le président: Tout le monde est en faveur...

M. Loubier: De l'emploi et de la vertu.

Le président: ...d'un budget très, très dur, mais ne personne ne veut être touché lui-même.

M. Loubier: Ma question, qui pourrait peut-être amorcer la discussion, s'adresse à M. Orr. Je ne l'ai pas entendu prôner très fort l'abolition des subventions aux entreprises comme le Conseil du patronat du Québec l'a fait lors de sa comparution de vendredi dernier à Montréal.

J'aimerais entendre votre point de vue sur le sujet, parce que l'année dernière, j'avais posé la même question à la Chambre de commerce du Canada qui m'avait alors répondu que oui, il fallait réduire les subventions aux entreprises, lesquelles compromettaient la concurrence entre plusieurs industries, mais qu'il ne fallait pas les éliminer totalement. Je pense que le ministre des Finances, l'année dernière, a répondu à votre demande puisque les subventions directes aux entreprises totalisent encore 2,5 milliards de dollars annuellement. J'aimerais avoir votre point de vue là-dessus. J'aurai ensuite une autre question, monsieur le président.

.1620

[Traduction]

M. Orr: Avec plaisir, monsieur Loubier.

J'ai parlé de cela il y a deux semaines lorsque nous discutions des mesures budgétaires en général. J'ai dit alors que M. Martin avait suivi de très près dans son dernier budget la recommandation formulée par la Chambre de commerce du Canada. Les subventions aux entreprises ont été réduites de 60 p. 100; elles sont passées de 3,8 milliards de dollars environ à1,8 milliard.

Lors de l'assemblée annuelle de la Chambre, en septembre, les membres ont recommandé d'accélérer ce processus de réduction pour abolir complètement la plupart des subventions aux entreprises. Le gouvernement a réduit de 60 p. 100 les subventions aux entreprises alors que ses dépenses de programmes n'ont baissé en moyenne que de 9 p. 100. Les chefs d'entreprises sont prêts aujourd'hui à assumer beaucoup plus que leur part du fardeau des réductions et ils veulent que le processus continue.

[Français]

M. Loubier: Si je vous comprends bien, monsieur Orr, vous accepteriez que dans le prochain budget, étant donné l'effort énorme exigé des particuliers, particulièrement des chômeurs et des assistés sociaux, on élimine immédiatement l'ensemble des subventions directes aux entreprises.

Il serait un peu odieux de conserver ces subventions qui, à l'heure actuelle, totalisent2,5 milliards de dollars alors que le ministre Axworthy fait, entre autres, des ponctions terribles dans le fonds d'assurance-chômage constitué par les employeurs et les employés.

[Traduction]

M. Orr: Je crois avoir répondu à cette question en disant que la Chambre sait, quand elle prend vigoureusement position en faveur de la réduction du déficit, qu'elle devra assumer sa part du fardeau. Elle n'a aucunement l'intention de faire payer les autres.

Merci, monsieur Loubier.

[Français]

M. Loubier: À tort ou à raison, depuis environ sept ou huit ans, au sein de la population, les particuliers ont l'impression qu'ils sont les seuls à payer pour l'assainissement des finances publiques. Ils ont été les seuls à payer depuis 1984, principalement par des augmentations d'impôt. Cela a presque doublé. Ils ont l'impression d'être les seuls desquels on effectue des ponctions fiscales assez considérables. Ils ont l'impression aussi qu'ils sont les seuls à qui on demande, depuis les deux dernières années, de se serrer fortement la ceinture, malgré le fait que plusieurs entreprises font leur part. Je vous dirai que c'est là ma conviction profonde: plusieurs entreprises font leur part sur le plan de la fiscalité. Par ailleurs, un certain nombre d'entre elles ne contribuent pas leur juste part à l'assiette fiscale fédérale.

Je vous rappellerai que, jusqu'en 1988, le ministère des Finances, faisant état d'un ensemble de statistiques, disait que plusieurs milliers d'entreprises échappaient annuellement au fisc canadien. Autrement dit, certaines entreprises faisaient des profits, mais ne payaient pas un cent d'impôt.

Après 1987, on a cessé de compiler de telles statistiques parce qu'on s'est aperçu que la progression était pratiquement exponentielle. Les derniers chiffres, je les ai ici devant moi, monsieur Orr. En 1980, on disait que 62 619 entreprises canadiennes profitables, qui avaient réalisé tout près de 10 milliards de dollars de profit, n'avaient pas payé un cent d'impôt. En 1987, 93 405 entreprises canadiennes profitables, qui avaient réalisé des bénéfices avant impôt de 27,1 milliards de dollars, n'avaient pas payé un cent d'impôt.

Étant donné cette situation et les conclusions d'une étude réalisée en septembre dernier par les professeurs Bernard, Lauzon et Poirier de l'Université du Québec, qui disaient que la moitié des entreprises de leur échantillon échappaient au fisc canadien, seriez-vous d'accord que le gouvernement fédéral procède rapidement à un examen en profondeur de l'ensemble de la fiscalité canadienne, premièrement pour savoir où on en est rendu, parce que ça fait 25 ans qu'elle n'a pas été modifiée en profondeur; deuxièmement, pour colmater les brèches s'il y a lieu; troisièmement, pour faire en sorte que chaque entreprise paie ses impôts, par souci d'équité envers les autres entreprises qui paient leurs impôts et pour qu'il n'y ait plus d'injustice sur le plan fiscal entre les entreprises elles-mêmes et entre les entreprises et les particuliers?

.1625

[Traduction]

M. Orr: Je voudrais faire quelques remarques. Comme nous avons souvent parlé de cette question d'imposition des entreprises, je rappellerai uniquement certaines des réponses que nous faisons souvent.

Il se peut que les entreprises bénéficient actuellement d'avantages fiscaux, mais c'est parce qu'elles ont enregistré de lourdes pertes les années précédentes. C'est peut-être cela qui explique l'une de vos remarques. Certes, lorsque les affaires redémarrent, il n'est pas rare que le taux de croissance des impôts payés par les entreprises soit beaucoup plus élevé que celui des impôts en général.

En outre, les entreprises acquittent beaucoup d'autres impôts que l'impôt sur le revenu, par exemple des impôts sur les salaires. C'est ce type de fiscalité qui a enregistré le taux de croissance le plus rapide.

Finalement, il faut savoir qui assume en dernière analyse le fardeau de l'impôt sur les entreprises. Dans la plupart des cas, évidemment, c'est le consommateur. On a souvent l'impression que les entreprises sont des entités en soi et qu'elles sont une source de recettes fiscales dont laquelle le gouvernement n'aurait qu'à puiser. Il ne faut cependant pas oublier que les entreprises sont composées d'employés, d'actionnaires, etc.

[Français]

M. Loubier: Monsieur Orr, je ne cherche pas à dire que les entreprises ne paient pas leurs impôts. Au contraire, lorsque nous rencontrons des entrepreneurs - et nous en rencontrons dans nos comtés respectifs, - ils nous disent qu'ils paient leurs impôts. Je suis persuadé que les entreprises paient leurs impôts, mais un certain nombre d'entre elles évitent de le faire.

Je ne vous demande pas s'il faut augmenter ou non le fardeau fiscal des entreprises. Je vous demande plutôt si la Chambre de commerce du Canada est d'accord, à l'instar de plusieurs chambres de commerce de l'Est du Canada et de certaines de l'Ouest, pour que le gouvernement, par l'intermédiaire d'un comité parlementaire formé de représentants des trois partis principaux, procède à une analyse en profondeur de la fiscalité des entreprises canadiennes, afin de voir si, par hasard, il n'y aurait pas lieu d'améliorer l'équité du système fiscal, soit pour les entreprises les unes par rapport aux autres, soit pour l'ensemble des entreprises par rapport aux particuliers qui paient leurs impôts. Il y a longtemps qu'on n'a pas procédé à une telle révision en profondeur.

Je n'ai pas parlé d'une augmentation des impôts. Je n'ai pas dit que les entreprises ne faisaient pas leur part. J'ai plutôt dit qu'il fallait s'assurer que toutes les entreprises fassent leur part, qu'il n'y ait pas d'échappatoires, comme celle du report d'impôt sur dix ans ou de l'accélération de l'amortissement, par exemple, et qu'il n'y ait pas de façons pour les entreprises, surtout les grandes, d'éviter de payer de l'impôt, même durant cette période de report d'impôt étalé sur 10 années.

C'est ça, ma question.

[Traduction]

M. Orr: Il n'y a généralement pas beaucoup de mal à se pencher sur les choses. On a dit à plusieurs reprises, en ce qui concerne l'impôt personnel, l'impôt sur les entreprises et les autres formes de fiscalité, que deux choses semblent faire très mal au Canada : l'impôt sur les revenus moyens et supérieurs, ainsi que les divers impôts autres que sur le revenu que doivent acquitter les entreprises.

Ce sont là des choses que l'on a souvent soulignées et, si vous recommandez que quelqu'un se penche en détail sur ce problème, ce serait tout à fait conforme à ce qu'a déclaré la Chambre aujourd'hui, ainsi qu'à d'autres reprises, et à ce que disent bien des gens depuis longtemps.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Je voudrais poser une question à Mme George et àM. Caplan.

Il y a environ deux semaines, madame George, il y avait dans le fauteuil où vous vous trouvez aujourd'hui quelqu'un qui recommandait au comité de veiller à ce que les revenus élevés payent encore plus d'impôts. Cette personne disait que les riches ne payent pas leur juste part. Je lui ai répondu avec le même argument que vous.

En réponse, j'ai reçu des informations extraites d'une enquête effectuée par des entreprises canadiennes. Les résultats en ont été publiés par l'un des grands cabinets de gestion, Ernst & Young si je ne me trompe, et ils montraient que ces taux d'imposition élevés ne jouent strictement aucun rôle lorsqu'une entreprise décide de s'implanter ou de rester au Canada.

Comment pouvez-vous concilier ces deux informations?

.1630

Mme George: J'aimerais bien voir un exemplaire de ce rapport. Cela dit, quiconque l'a réalisé n'a certainement pas discuté avec nos membres.

Je vais vous donner un exemple. Je connais une grande entreprise canadienne de télécommunications dont les cadres de niveau moyen ou supérieur sont régulièrement recrutés par ce qui est probablement la plus grande compagnie américaine de logiciels. La raison en est très simple : quiconque va aux États-Unis et reçoit la même rémunération qu'au Canada touche 70 000 dollars de plus de revenu net. C'est un argument difficile à contester.

M. Grubel: Je sais. C'est la même chose pour mon épouse qui est médecin. Elle ne cesse de recevoir des lettres d'anciens collègues qui sont partis. Ils reçoivent à peu près le même salaire qu'ici, peut-être même un peu plus, mais leur revenu disponible connaît une différence tout simplement énorme.

Je voulais tout simplement répéter que c'est là une contrainte dont nous devrions nous occuper, et je suis très heureux que vous ayez pu nous en parler en vous fondant sur votre expérience personnelle.

Mme George: Croyez-moi, c'est un problème très réel. Je ne connais aucun membre de notre conseil d'administration qui n'ait pas affirmé au moins une fois que c'est un problème crucial pour son entreprise.

M. Grubel: Lors de notre voyage dans l'Ouest, j'avais emporté avec moi un article comparant la situation des entreprises de technologie avancée de Seattle et de Vancouver, et l'auteur tirait la même conclusion que vous. Cependant, quand nous en avons parlé à des gens qui croient que le gouvernement devrait dépenser plus, nous avons été incapables de les faire changer d'avis. Ils refusent tout simplement de voir la réalité.

Je vais maintenant m'adresser à M. Caplan et à M. Mackay. Peut-on dire que Pratt & Whitney et SPAR sont des entreprises intégrées à l'échelle mondiale?

M. Caplan: Le centre d'excellence de Pratt & Whitney se trouve ici même au Canada. Nous vendons sur les marchés mondiaux et nous assurons l'entretien de nos produits à l'échelle mondiale. Nous procédons actuellement à la négociation de projets en participation et de projets en partenariat à l'échelle mondiale, pour nous implanter sur des marchés étrangers, comme la Russie et la Chine, car nous croyons que c'est la seule méthode pour y avoir accès.

M. Grubel: Certes, mais vous avez une orientation globale -

M. Caplan: Nous avons un véritable mandat de production mondial. Dans notre gamme de produits, nous faisons tout ici même pour nous. Nous ne fabriquons rien pour notre société mère, et elle ne fabrique rien pour nous, mais nous profitons évidemment d'échanges de technologie. Je veux dire qu'elle ne fabrique aucun composant pour nous et que nous n'en fabriquons aucun pour elle. Tout ce que nous produisons ici provient de choses que nos fabriquons ici.

Je voudrais faire deux remarques sur les déclarations de Shirley-Anne George. Premièrement, nous n'essayons même pas de recruter aux États-Unis parce que ce serait une pure perte d'argent, à cause des problèmes qu'elle a évoqués. C'est cependant un aspect qu'il ne faudrait certainement pas négliger.

Nous essayons actuellement d'assurer l'expansion de nos services de génie, comme je l'ai indiqué. Nous allons recruter au Canada et peut-être aussi dans certaines régions d'Europe d'où nous avons réussi à faire venir des gens dans le passé. En même temps, cependant, nous craignons que certains de nos concurrents américains ne viennent recruter notre propre personnel. Si tel était le cas, nous ne pourrions tout simplement pas leur faire concurrence car, comme on l'a déjà dit, notre niveau d'imposition, les différences de taux de change et les problèmes de coût de la vie peuvent devenir écrasants. C'est donc un problème très sérieux qu'il ne faut aucunement négliger.

M. Grubel: Comment la société mère et toutes les filiales de Pratt & Whitney, du Canada, des États-Unis et d'ailleurs, se partagent-elles les budgets de recherche et de développement? Dans quelle mesure ces budgets sont-ils partagés globalement?

M. Caplan: À l'heure actuelle, toutes les activités de recherche et de développement dont j'ai parlé sont exécutées ici même, au Canada. Nous sommes le centre d'excellence pour notre mandat mondial. Nous investissons de très petites sommes dans un projet en participation en Russie afin de mettre au point et de fabriquer localement des turbines de moteurs pour le marché russe, mais c'est un investissement mineur. Fondamentalement, les 250 millions de dollars par an dont je parlais - et qui seront plus proches de 300 millions l'an prochain - sont gérés, dépensés et trouvés ici même, au Canada, et c'est l'organisation canadienne qui en assure l'utilisation stratégique.

M. Grubel: Veuillez m'excuser, mais Pratt & Whitney a des activités aux États-Unis.

M. Caplan: Certes, mais Pratt & Whitney des États-Unis s'occupe de la fabrication de gros moteurs destinés à équiper les grands Boeing 747, les avions de McDonnell Douglas et les Airbus. Ce que nous produisons et commercialisons au Canada, ce sont de petites turbines pour des moteurs devant équiper des appareils tels que des Dash 8, des avions de De Havilland, l'avion anti-incendie de Canadair, les hélicoptères Bell, que vous connaissez certainement, les avions d'entreprises Beech et Cessna, et bien des avions à rayon d'action régional dans le reste du monde. Ce sont des exemples.

.1635

M. Grubel: Vous avez dit il y a un instant que vous remboursez toutes les sommes investies en recherche et en développement.

M. Caplan: Le programme qui nous a permis d'obtenir la majeure partie de nos crédits, le PPIMD, est un programme de partage des risques au titre duquel nous sommes tenus de verser des redevances lorsque nous effectuons des livraisons et ce, à vie. Il n'y a aucune limite à ces redevances. Tout dépend en fait du succès des programmes. Nous avons donc déjà remboursé des dizaines, voire des centaines de millions de dollars au gouvernement, autrefois sur la base de nos profits et, aujourd'hui, selon un système de redevances. Les sommes que nous remboursons chaque année sont loin d'être négligeables.

N'oubliez pas par ailleurs ce que j'ai dit plus tôt : nos produits peuvent avoir un cycle de vie d'au moins 25 ans.

M. Grubel: Quoi qu'il en soit, si tel est le cas, pouvez-vous me dire pourquoi vous ne pouvez pas aller à New-York ou à Toronto pour trouver l'argent dont vous avez besoin? Pourquoi devez-vous venir à Ottawa?

M. Caplan: Quand on lance un programme complètement nouveau et qu'on en évalue le risque, il s'agit d'un investissement tout à fait original qui n'a vraiment rien à voir avec ce qui s'est fait dans le passé. C'est quelque chose qui est tourné vers l'avenir.

Dans le secteur aérospatial, il n'y a aucune entreprise qui ne soit pas lourdement - et, dans ce cas, j'utiliserai le mot «subventionnée» - par son gouvernement - bien qu'il ne s'agisse pas de subventions dans notre cas puisque nous devons les rembourser. Cela procède de décisions stratégiques prises par la plupart des grands pays industrialisés. Ce n'est pas par hasard que les sept premiers pays industrialisés du monde sont également les sept premières nations aérospatiales du monde. En ce qui concerne les États-Unis, cela se fait par les achats directs du gouvernement, par l'octroi de crédits directs, avec profit, dans les activités de recherche et de développement. En ce qui concerne l'Europe, cela se fait par ces moyens, mais aussi par un système de propriété directe. Pour qu'une entreprise d'aérospatiale puisse faire concurrence à l'échelle mondiale, il lui faut soit obtenir des programmes et contrats importants du secteur militaire, ce qui est la formule dans la plupart des pays, soit profiter d'un autre système qui lui permet de lutter à égalité avec les autres.

Le Canada s'est doté d'une formule tout à fait unique, bénéfique et efficace, de partage des risques avec octroi d'une aide complètement remboursable, sur la base de redevances. Cela a permis à notre pays de devenir le sixième producteur aérospatial au monde, avec une production qui est totalement exportée. C'est une formule tout à fait unique qui procède d'une décision prise par le gouvernement canadien, parce que celui-ci a conclu qu'il était avantageux de se doter de ce type d'industrie, dans un régime de partage des risques.

J'ajoute une chose. La proportion des investissements réalisés par le gouvernement a été d'environ 20 p. 100. Dans des pays comme les États-Unis et l'Europe, elle est largement supérieure à 50 p. 100.

Je ferai une dernière remarque, à moins que vous n'ayez une autre question. Il n'y a pas un seul moteur au monde auquel nous faisons concurrence qui n'ait pas bénéficié au départ de l'appui d'un gouvernement, essentiellement parce que celui-ci a assumé la totalité des frais de mise au point ou qu'il a passé les premières commandes.

Le président: Monsieur Campbell, s'il vous plaît.

M. Campbell (St Paul's): Merci, monsieur le président. Ma question s'adresse à M. Koskie.

À l'analyse de votre exposé relativement bien étoffé, je constate que vous vous adressez à nous essentiellement pour demander «un prêt», comme vous dites, au gouvernement fédéral afin d'aider Retrocomm à entreprendre certaines activités d'éducation et de marketing à une échelle - et je cite un extrait de votre mémoire - «qui sera nécessaire pour assurer le succès de Retrocomm». Je dois vous dire que je suis un peu surpris de recevoir ce genre de demande à notre époque, d'autant plus que, si je ne me trompe, les gens qui investissent dans des entreprises comme Retrocomm bénéficient déjà de crédits d'impôt substantiels. Que pouvez-vous répondre?

M. Koskie: Le problème est que bon nombre des fonds de capital-risque qui existent aujourd'hui, notamment en Ontario, se font concurrence pour obtenir les mêmes sommes. Cette concurrence nous oblige à faire un marketing intense auprès des citoyens pour les amener à acheter des actions dans Retrocomm plutôt que dans un autre fonds de capital-risque ou plutôt que de ne pas en acheter du tout.

.1640

M. Campbell: Quand vous parlez d'autres fonds de capital-risque, vous ne parlez pas de fonds commandités par des syndicats, n'est-ce pas?

M. Koskie: Si, je parle précisément de ces fonds-là.

M. Campbell: Qui font concurrence à Retrocomm?

M. Koskie: Oui, ils font concurrence à Retrocomm, qui est un fonds de capital-risque commandité par des syndicats. N'oubliez pas que Retrocomm investit dans les entreprises participant à de très grands projets ayant besoin de très gros capitaux. De ce fait, pour réussir, le fonds se doit d'attirer de vastes quantités de capital afin d'appuyer des entreprises s'occupant de la réfection énergétique d'immeubles ou de construire de nouveaux immeubles.

M. Campbell: En fait, vous nous dites que les investissements effectuées par Retrocomm ont tellement de valeur en matière de création d'emplois que l'entreprise devrait bénéficier d'un prêt sans intérêt, comme vous l'avez dit, en plus des crédits d'impôt qui lui sont offerts aux paliers fédéral et provincial.

M. Koskie: Nous avons demandé un prêt sans intérêt mais, bien sûr, nous sommes conscients de la conjoncture actuelle. Je suppose que les mendiants ne peuvent pas faire la fine bouche. Nous serions tout à fait prêts à accepter n'importe quel prêt du gouvernement, sans intérêt ou avec un faible taux d'intérêt.

M. Campbell: Sans vouloir engager de négociation ici, M. Koskie, dois-je en conclure que cela constitue en fait votre ouverture de la partie et que vous êtes prêt à payer les taux d'intérêt du marché pour obtenir un prêt, quelle qu'en soit la source, et que vous seriez peut-être même prêt à offrir une participation au capital au gouvernement fédéral, pour l'inciter?

M. Koskie: Ce serait un excellent investissement pour le gouvernement. La participation au capital se ferait sous forme de création d'emplois.

M. Campbell: Et que pensez-vous que les fonds de syndicats qui vous font concurrence auront à dire à ce sujet?

M. Koskie: Je crois que les autres fonds de capital-risque commandités par les syndicats, comme Working Ventures, ont un problème inverse au nôtre. Ils ont 500 millions de dollars à investir mais on constate qu'ils ont réalisé très peu d'investissements jusqu'à présent.

Notre problème est le contraire. Nous avons près d'un million de dollars de projets dans lesquels nous pourrions investir mais, hélas, nous ne pourrons pas le faire si nous ne réussissons pas à vendre nos actions lors de la prochaine saison.

M. Campbell: J'ai peine à comprendre pourquoi vous ne seriez pas en mesure d'utiliser les sommes investies dans Retrocomm pour les activités d'éducation et de marketing dont vous parlez.

M. Koskie: Certes, nous pourrions le faire. Le problème est que si nous utilisons cet argent pour ces activités, nous en aurons moins pour investir dans d'autres projets. Je ne pense pas que cela serait conforme à l'objectif de création d'emplois auxquels se voue Retrocomm. Nous cherchons des prêts pour ne pas être obligés de consacrer nos propres ressources à des activités de marketing. Nous pouvons faire un bien meilleur usage de cet argent afin de créer les emplois dont a tellement besoin aujourd'hui l'industrie de la construction.

M. Campbell: Merci.

Monsieur le président, mon autre question concerne le PPIMD, mais je sais que certains de mes collègues voudront en traiter plus en détail et je vais donc leur laisser la parole.

Le président: Merci M. Campbell.

Monsieur St. Denis, s'il vous plaît.

M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus s'adresser à nous.

Je voudrais vous parler de productivité. J'ai particulièrement apprécié les remarques de M. Brooks et de M. Donner, et c'est sans doute à eux que je vais adresser mes deux petites questions. Si quelqu'un d'autre veut intervenir, qu'il n'hésite pas.

Il me semble que l'on entend beaucoup parler aujourd'hui de ce qui va mal dans notre économie. Or, comme l'a dit M. Brooks, il y a aussi beaucoup de choses qui vont très bien.

Avez-vous des bonnes nouvelles à donner aux Canadiens du point de vue de la productivité? Où nous situons-nous, par rapport aux autres pays, en ce qui concerne l'utilisation de nos ressources humaines pour la transformation de nos ressources naturelles en produits vendables, sur le marché intérieur et sur les marchés étrangers? Les Canadiens devraient-ils être fiers de leur productivité nationale ou y a-t-il dans ce domaine des problèmes qu'il nous faut encore résoudre, peut-être par le truchement d'une redistribution du temps de travail, comme vous l'avez dit? Y a-t-il également là un problème de productivité, monsieur Donner? Je laisse à M. Brooks ou à M. Donner le soin de répondre. Merci.

.1645

M. Donner: Merci beaucoup de votre question. J'ai quelques remarques d'ordre général à faire au sujet de la productivité.

Je partage les opinions de M. Brooks. Les économistes ont parfois du mal à mesurer correctement les phénomènes macro-économiques, surtout dans le secteur de la technologie de pointe.

En général, cependant, on ne peut qu'être frappé par le fait que, lorsque le taux de croissance de l'économie est perpétuellement faible - «perpétuellement» est peut-être trop fort - on a tendance à constater une croissance proportionnellement plus lente des indices courants de productivité. L'indice le plus fréquemment utilisé à cette fin est le taux de production par travailleur.

Ces dernières années, nous avons constaté que la productivité a monté en moyenne dans l'ensemble du monde occidental à un rythme beaucoup plus lent depuis le milieu des années 70 et beaucoup plus lent qu'on aurait pu l'espérer. Le rythme est en tout cas bien plus lent que celui auquel on aurait pu s'attendre après ceux que l'on avait enregistrés depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

En plus d'avoir une croissance de productivité relativement faible, ce qui veut dire que notre niveau de vie peut quand même continuer de s'accroître, nous avons constaté que les salaires réels du Canada, mais aussi des États-Unis - on peut normalement s'attendre à ce qu'ils augmentent à peu près au même rythme - ont augmenté à un taux beaucoup moins élevé que la productivité. De fait, je crois que les salaires réels augmentent en moyenne plus lentement aujourd'hui qu'il y a cinq ans, au Canada.

Pour ce qui est de notre compétitivité, j'ai le sentiment que la restructuration de fond qui a été entreprise dans le monde industriel nous a permis de devenir plus compétitifs. Et la dévalorisation du dollar canadien nous a également aidés, c'est évident, tout comme le ralentissement des hausses de salaire.

Par rapport aux sept grands pays industrialisés, j'ai le sentiment que nous sommes très compétitifs. Évidemment, nous ne pouvons pas l'être complètement par rapport à certains pays du tiers monde, où les salaires sont extrêmement bas.

En ce qui concerne l'incidence de cette productivité sur nos analyses et recommandations en matière de partage du travail, nous avons découvert - et je crois que les recherches le confirment - que, lorsque les entreprises et les économies entreprennent une réduction importante du temps de travail moyen, elles se mettent à toucher un dividende supplémentaire en matière de productivité. Par exemple, dans les simulations économétriques auxquelles je faisais allusion, nous avons pris pour hypothèse que le temps de travail diminuerait en moyenne au Canada, dans l'ensemble de l'économie d'environ 10 p. 100 sur une période de 5 ou 6 ans.

Nous n'avons pas supposé ensuite que cette réduction moyenne de 10 p. 100 du temps de travail - qui représente des emplois et des heures de travail libérés - serait consacrée en totalité à la création d'emplois pour d'autres personnes. Nous avons retenu comme hypothèse qu'environ la moitié de cette baisse se traduirait par la création d'emplois. Nous n'avons donc pas supposé qu'il y aurait une hausse de la production, nous avons simplement estimé qu'il y aurait un changement dans la répartition du travail.

Encore une fois, ce que montre cet exercice, c'est que la réduction du temps de travail serait une solution relativement efficace pour l'ensemble de l'économie, étant bien entendu que les coûts unitaires de la main d'oeuvre resteraient inchangés. À mon sens, cela permet de penser qu'il faudrait envisager de reprendre le processus de réduction du temps de travail, qui s'est en fait arrêté ou qui est suspendu depuis 20 ou 25 ans, pour faire face au problème de création d'emplois que nous connaissons actuellement.

Ce n'est pas là ce que j'appelle la première meilleure solution, mais ce n'est certainement pas un mauvais pis-aller. De toutes façons, considérant les perspectives économiques et le taux de chômage, je constate que les premières meilleures solutions ne fonctionnent pas du tout en ce moment.

M. Brooks: Je répondrai brièvement. La productivité augmentera lorsque de meilleures technologies seront disponibles et lorsque la démographie produira ses effets. Les enfants du baby-boom ont produit des effets très importants à chaque étape de leur vie mais, aujourd'hui, alors qu'ils sont sur le point d'apporter plus de maturité et de jugement dans le monde du travail, ils vont provoquer des gains de productivité.

J'aimerais citer une étude du professeur Nordhaus, de l'Université Yale. Il a mesuré l'évolution de l'éclairage au cours des 200 dernières années. Quand on parle de lampe au kérosène, d'ampoule fluorescente ou de lampe incandescente -

Le président: Ou de nos audiences!

M. Brooks: - la lumière est un élément relativement simple à mesurer. Or, il a constaté qu'il y avait eu pendant cette période une erreur de mesure de 1000 p. 100 dans les études économiques typiques. Il a ensuite examiné la situation en ce qui concerne les salaires, et il a trouvé des divergences similaires.

.1650

Nous sommes tout simplement incapables de suivre les changements que nous impose la technologie dans des secteurs tels que la productivité.

Mme Stewart (Brant): C'est une table ronde passionnante, avec toutes sortes de points de vue intéressants. Je voudrais cependant poursuivre en m'adressant à M. Koskie.

Suite aux remarques que vous avez faites en réponse à mon collègue M. Campbell, on pourrait croire qu'il y a aujourd'hui trop de fonds de capital-risque commandités par des syndicats et que la meilleure stratégie serait peut-être pour vous de fusionner avec Working Ventures. Puis-je vous faire cette suggestion?

M. Koskie: Le problème est que Working Ventures, si j'en crois un article de journal récent, n'a pas le même objectif que Retrocomm, qui est d'investir pour créer des emplois. Si vous examinez le dossier de presse -

Mme Stewart: C'est de là que viennent ces 40 p. 100 de dépenses fiscales.

M. Koskie: C'est un phénomène relativement intéressant, mais beaucoup de fonds de capital-risque ne partagent pas cet objectif.

M. McCambly a dit: «le fonds» - c'est à dire Retrocomm - «n'investit que dans l'industrie de la construction et place de l'argent pour créer des emplois. Je l'en félicite mais cela ne nous regarde pas.»

Je crois que c'est là un phénomène systémique. Bon nombre des fonds de capital-risque d'aujourd'hui ne sont pas axés sur les investissements destinés à créer des emplois. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles Retrocomm a été créé. Il s'agissait de combler ce vide.

Mme Stewart: C'est drôle, je pensais que c'était pour cette raison que tous les fonds bénéficiaient de dépenses fiscales, c'est-à-dire pour qu'ils contribuent à la création d'emplois.

Cela dit, je comprends votre point de vue.

Pour en revenir à l'investissement en R & D, autant du point de vue du CRSNG que de celui de l'aérospatiale ou des sables bitumineux, nous avons tous connu le PPIMD, que les représentants de l'industrie aérospatiale disent avoir été un modèle très efficace de prêts remboursables et de redevances. Est-ce un modèle qui pourrait intéresser l'industrie des sables bitumineux? Je vois dans votre rapport que vous nous demandez un investissement de 25 milliards de dollars.

M. Hyndman: Non, non. Nous proposons la mise en place de la structure qui permettra à ce niveau d'investissement de se matérialiser.

Dans notre secteur, nous tirons profit des avantages fiscaux que le Canada offre normalement pour stimuler la recherche et le développement. Ce sont des avantages généralement très généreux par rapport à ceux qui sont offerts dans d'autres régions du monde, et ils ont été très bénéfiques au pays. J'aimerais cependant aborder l'étape suivante du développement.

Cela me ramène à quelque chose que disait M. Loubier, soit la question de savoir s'il faudrait entreprendre une refonte de notre régime fiscal. L'une des choses que nous avons apprises pendant cette analyse des sables bitumineux à laquelle ont participé des entreprises relevant de trois régimes fiscaux différents et de six régimes de redevances différents, c'est que le système est une véritable mosaïque. Nous avons dû formuler nos recommandations de façon à pouvoir fonctionner avec des adaptations mineures des règlements existants.

M. Loubier disait que notre économie et notre régime fiscal vont à l'encontre de l'innovation, et nous pouvons le démontrer. Prenez, du point de vue d'un investisseur, une entreprise assumant deux coûts de valeur actuelle égale, l'un d'entre eux impliquant un changement et l'autre impliquant la continuation de méthodes existantes. Le régime fiscal d'aujourd'hui va avoir un effet dissuasif sur le changement.

Le système d'allocations pour amortissement du Québec, lesquelles sont offertes à tout le secteur manufacturier de la province, procède d'une démarche beaucoup plus éclairée et devrait être envisagé à l'échelle nationale. Si nous voulons favoriser le changement dans notre secteur industriel, nous devons absolument revoir la manière dont nous traitons les coûts d'investissement.

Je voudrais replacer notre recommandation dans son contexte. Nous essayons de concevoir un système où il y a un taux marginal conjugué d'impôts et de redevances provinciales de 60 p. 100. Mme George va peut-être sursauter en entendant cela mais c'est nécessaire, dans notre secteur, pour assurer la stabilité, car nous savons que, si nous n'avions pas de taux raisonnable comme celui-là, nous constaterions des excursions de prix qui remettraient tout en question.

.1655

Si vous voulez savoir ce qui favorise l'innovation, après qu'un projet de recherche ait abouti, c'est l'investissement. Surtout s'il s'agit d'investissement dans la production, dans un changement de méthode ou dans un changement de processus plutôt que dans la fabrication d'un nouveau produit. C'est cela qui constitue vraiment un investissement de productivité. Or, notre système actuel nous en dissuade.

Mme Stewart: Donc, pour vous, l'élément essentiel est d'apporter des changements structurels au régime fiscal, à votre étape du processus de production?

M. Hyndman: Oui, à l'étape de l'investissement.

Mme Stewart: Pour en revenir à l'industrie aérospatiale, et considérant tous les succès dont on parle couramment - ils sont aujourd'hui bien connus - croyez-vous que vous continuerez toujours à avoir besoin de l'appui du gouvernement comme à vos débuts?

Vous dites que tout ce que vous faites est nouveau et créateur, et que vous devez compter sur le fait que le gouvernement va partager les risques. Cependant, comme vous avez fait la preuve de vos succès, ne peut-on s'attendre à ce que le secteur privé se mette à investir massivement dans votre domaine? Ou va-t-on considérer jusqu'à la fin des temps que l'industrie aérospatiale est une industrie fragile qui a besoin -

M. Mackay: Je vais vous répondre de deux manières.

Premièrement, je vais vous donner une bonne nouvelle. On constate de plus en plus de fertilisation croisée de la technologie dans des produits plus commerciaux. Par exemple, ce qui se fait en technologie des communications et de l'information a beaucoup de retombées pour une entreprise comme la mienne. De fait, nous sommes aujourd'hui une entreprise aussi importante dans le secteur des communications que dans l'aérospatial. Il y a de plus en plus de passerelles entre ce que j'appellerais la technologie aérospatiale traditionnelle et les autres formes de technologie.

Le marché de la télédétection, qui constitue une industrie tout à fait nouvelle, à peine naissante, sera bientôt à mon avis un marché de plusieurs milliards de dollars à l'échelle mondiale. Or, c'est un marché qui repose complètement sur une technologie issue de l'aérospatial. Il est donc vrai que les paramètres économiques sont en train de changer.

Le gros problème auquel nous allons faire face concerne le cycle de vie des produits, comme le disait Dave, ainsi que ce que nous appelons dans notre secteur l'existence d'un terrain de jeu égal. Mon entreprise fabrique des antennes installées sur des satellites. C'est l'un de nos produits. Toutes les compagnies au monde auxquelles je fais concurrence dans ce secteur ont bénéficié de subventions, généralement grâce aux programmes militaires de leur gouvernement. Cela a permis non seulement de payer tous leurs frais de mise au point mais aussi permis de réaliser des profits.

Le problème est donc que le terrain de jeu n'est pas égal. C'est un problème qui ne disparaîtra pas tant que le monde entier n'aura pas changé ses méthodes, et ce n'est pas demain la veille.

La bonne nouvelle, c'est aussi qu'il y a de plus en plus de possibilités d'exploitation de la technologie sur des marchés plus commerciaux que cela n'était généralement le cas. Nous pouvons donc essayer de nous implanter sur de nouveaux marchés pour améliorer notre rentabilité, ce qui nous permettra à terme d'investir relativement plus. La mauvaise nouvelle est que tant que les pays du G7 n'auront pas changé leurs méthodes, et c'est de ceux-là que nous parlons aujourd'hui, nous aurons toujours un problème de concurrence inégale.

Je partage l'opinion de Dave. Face à ce problème, le Canada a réussi à prendre des mesures qui sont uniques au monde pour se doter d'une méthode extrêmement efficiente et efficace de participation à ce secteur. Aucun autre pays au monde n'arrive à la cheville de ce qui s'est fait au Canada en matière de rentabilité des investissements publics. Une foule d'études l'ont prouvé, remontant au début des années 60. Tout n'est donc pas négatif.

M. Caplan: Je voudrais ajouter deux choses, une sur l'utilisation du mot «subventions» et l'autre sur la productivité.

En ce qui concerne les subventions, comme je le disais plus tôt, il s'agit d'un partage des risques avec le gouvernement, dans le cadre d'un soutien financier remboursable. Même des organismes comme le CCCE et l'AMC, je crois, ont précisé leur position pour s'assurer que le gouvernement comprenne bien qu'elles font une distinction entre ce type de participation gouvernementale et les «subventions». Je crois que cela mérite d'être souligné car on a fait beaucoup de publicité autour de leur position, l'an dernier, en faisant en quelque sorte l'impasse sur la différence.

.1700

En matière de productivité, ce n'est pas par hasard que l'industrie aérospatiale du Canada a connu un taux de croissance plus élevé que celle de n'importe quel autre pays. Cela s'explique en partie par la compression des budgets militaires dans la plupart des pays occidentaux. Comme notre industrie aérospatiale ne dépend pas des marchés militaires, ce phénomène ne l'a pas touchée. Je crois cependant que le facteur le plus important est que notre industrie est plus efficace et plus productive, ce qui lui a permis de s'emparer de marchés mondiaux. De 1985 à aujourd'hui, sa part de marché a plus que doublé et elle a pris la tête de son groupe.

Je suis heureux de pouvoir dire également que nous avons réinvesti au cours des trois ou quatre dernières années plus de 100 millions de dollars pour moderniser non seulement toutes nos installations de production, de façon à nous préparer à l'arrivée du XXIe siècle, mais aussi, ce qui est encore plus important, de façon à restructurer tous nos processus de travail, des chaînes de montage jusqu'à la gestion, afin d'être encore plus efficaces et productifs. Et j'ajoute que cela s'est fait alors que nous sommes entrés dans un période de fléchissement de l'économie au début des années 90.

Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il est très difficile de mesurer la productivité, et je vais vous donner quelques exemples que ne saisissent pas les statistiques.

Nous avons ramené notre délai de production de 24 mois à neuf mois, notre objectif étant d'arriver à sept mois dans deux ans et à 4,5 mois en l'an 2000. C'est là un critère de productivité que ne mesure pas Statistique Canada. Pour ce qui est de l'élaboration de nos nouveaux produits, nous avons réduit le cycle de cinq ans à trois ans, et notre objectif est d'arriver à 2,5 ans en l'an 2000.

Je précise que nous n'obtenons pas ces résultats simplement parce que nous travaillons plus vite mais aussi parce que nous travaillons de manière plus intelligente et que nous avons restructuré tous nos processus de production. De fait, en vertu du PPIMD, nous étions tenus de partager cette capacité et ces améliorations avec les autres membres de l'industrie canadienne, ce que nous avons fait. Autrement dit, les méthodes que nous employons pour accroître notre productivité sont diffusées auprès des entreprises canadiennes de notre secteur, et elles sont également à la disposition d'entreprises d'autres secteurs.

Le président: Merci, madame Stewart.

Monsieur Pillitteri, vous aviez une question.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Oui, monsieur le président. La semaine dernière, nous avons tenu des audiences dans diverses régions. Certains d'entre nous sommes allés dans l'Ouest, et d'autres, dans l'Est. Partout, nous avons entendu dire qu'il n'y a pas de travail et on nous a demandé ce que fait le gouvernement à ce sujet.

Je voudrais donc demander à M. Brooks d'où viendront à son avis les emplois de demain.

M. Brooks: Ils viendront essentiellement du secteur des services et non pas du secteur manufacturier traditionnel, même s'il est vrai que nous aurons toujours un certain nombre d'emplois dans des entreprises manufacturières. C'est la technologie qui va créer de nouveaux emplois. On prétend souvent, à tort, que la technologie élimine des emplois alors que son résultat net, maintes études l'ont montré, est de faire apparaître plus d'un nouveau poste - 1,1 environ - chaque fois qu'elle en élimine un.

La question que vous posez n'est pas facile mais, dans l'ensemble, je dirais que c'est surtout dans le secteur des services qu'apparaîtront les nouveaux emplois.

M. Pillitteri: Comme je viens de la région du Niagara, monsieur le président, j'ai l'impression que tous mes problèmes vont se résoudre d'un seul coup. En effet, si c'est dans le secteur des services qu'il y aura création d'emplois, ce sera parfait pour l'industrie du tourisme.

Merci de votre réponse.

Le président: Mais cela sera-t-il parfait pour les viticulteurs de votre région, monsieur Pillitteri? Cela sera-t-il parfait pour Pillitteri Estates?

M. Pillitteri: Ce sera merveilleux.

Le président: Merci.

Madame Brushett, s'il vous plaît.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

Je voudrais faire une remarque à M. Koskie au sujet des fonds de capital-risque commandités par les syndicats. Notre comité a accueilli un certain nombre de témoins qui nous ont dit avoir beaucoup d'argent à leur disposition mais ne pas savoir où le placer. Comme certains de mes collègues l'ont suggéré, je vous recommanderais de former une alliance avec eux plutôt que de solliciter un prêt du gouvernement. Je le répète, vos investisseurs bénéficient déjà d'un crédit d'impôt substantiel, en vertu d'une politique destinée à favoriser la création d'emplois, et j'estime que c'est un objectif qu'il ne faut surtout pas oublier.

.1705

M. Koskie: Il est vrai que cela fait partie du mandat des fonds d'investissement commandités par les syndicats, mais je répète que beaucoup des autres fonds ne s'en acquittent pas, contrairement à Retrocomm. Le seul objectif de notre fonds est de créer des emplois pour les membres de nos syndicats commanditaires.

Mme Brushett: Merci.

Je vais maintenant m'adresser à M. Caplan et à M. Mackay pour parler de recherche et de développement. Durant nos audiences publiques, nous n'avons cessé d'entendre des témoins nous dire que les entreprises ne paient pas leur juste part des impôts, alors que les petites gens en paient plus que leur part. La plainte générale des citoyens est qu'ils sont surtaxés. Que ce soit vrai ou faux, c'est ce que tous disent.

Je sais que Pratt & Whitney est établie en Nouvelle-Écosse, et je sais que le gouvernement a investi dans son secteur d'activité. De fait, l'Institut de technologie de la Nouvelle-Écosse a mis au point des robots industriels, dans le cadre d'un programme de recherche et de développement et au nom de la création d'emplois. Aujourd'hui, pourtant, nous entendons dire qu'il y a beaucoup d'emplois vacants chez Pratt & Whitney et que la société ne trouve personne en Nouvelle-Écosse qui ait les qualifications requises. De ce fait, elle serait obligée d'aller recruter à l'extérieur de la province, voire à l'extérieur du pays. Je me demande donc si les investissements que nous effectuons produisent vraiment ce que nous attendons en matière de création d'emplois.

M. Caplan: Je vous répondrai que nous sommes très fiers de ce que nous avons fait en Nouvelle-Écosse.

Quand nous avons décidé de nous implanter dans la province, nous avons construit une toute nouvelle usine qui est à mes yeux la plus moderne, la plus technologique et la plus informatisée au monde. Et c'est une usine qui est totalement gérée par des gens de la province. Nous avons collaboré étroitement avec l'Institut de technologie de la Nouvelle-Écosse et avec d'autres organismes de la région pour mettre au point un programme de formation à l'intention des citoyens de la province. De cette manière, nous aurions l'assurance que des résidents locaux seraient formés et occuperaient les emplois que nous aurions à offrir. Je puis vous dire que nous avons connu à cet égard un succès énorme.

Nous avons aujourd'hui plus de 400 employés dans cette usine, dont la taille a doublé depuis sa création. Et vous pouvez être sûre que notre expansion n'a aucunement été entravée par le manque de personnes qualifiées ou pouvant obtenir la formation requise.

Certes, j'ai parlé tout à l'heure de recrutement dans tout le pays, mais il s'agissait d'ingénieurs professionnels chevronnés, ayant au moins huit ou 10 années d'expérience en génie mécanique et aéronautique. À mesure que nous poursuivons notre expansion, il nous faut recruter aussi bien de nouveaux diplômés que des personnes chevronnées. Or, ce sont ces dernières qui sont difficiles à trouver et à recruter rapidement.

Je n'ai donc aucune hésitation à dire que ce que nous avons fait en Nouvelle-Écosse a été un succès total, et continue de l'être.

Mme Brushett: Merci. Je suis d'accord avec vous.

Parlons maintenant des sables bitumineux. Les représentants de la National Oilsands Task Force ont parlé de création d'emplois mais il faut savoir que chaque emploi créé dans leur secteur coûte près de 600 000 $, ce qui est énorme. Une fois encore, il convient de se poser la même question: l'investissement réalisé pour créer ces emplois donne-t-il un rendement satisfaisant? Dans le contexte du prochain budget, la question que l'on doit se poser est de savoir si les sommes que nous consacrons à la création d'emplois en valent vraiment la peine.

D'après moi, faire des recherches est simple et facile, et on en fait dans le monde entier. Par contre, c'est mettre au point de nouveaux produits et en assurer la commercialisation qui est difficile car il faut alors confronter une concurrence mondiale. Sommes-nous capables de le faire? Vous conviendrez avec moi que les emplois dont nous parlons coûtent très cher.

M. Mackay: Je dirais simplement que tout est relatif dans la vie. Par rapport aux autres pays, les investissements que nous avons effectués dans ces secteurs ont donné un rendement beaucoup plus élevé.

Venons-en cependant au point essentiel, la création d'emplois. Comme toute autre entreprise de technologie avancée, nous sommes constamment à la recherche de personnes de talent. Aujourd'hui, c'est dans les secteurs des logiciels et du génie numérisé que nous avons le plus de difficulté à trouver des ingénieurs. En plus, quand nous en trouvons, on essaie constamment de nous les prendre.

.1710

Nous prenons toutes les mesures possibles, allant de programmes coopératifs avec les universités - nous en avons avec l'École polytechnique de Montréal, avec l'Université de Waterloo et avec d'autres universités - jusqu'aux campagnes de recrutement sur le marché mondial pour essayer d'acheter, je le dis franchement, les personnes les plus compétentes. À ce niveau, c'est tout ce que l'on peut faire parce qu'on fait face à une concurrence mondiale et qu'il faut essayer de recruter les meilleurs au monde.

Je précise que l'une des choses qui nous ont le plus aidés a été notre politique d'immigration très ouverte puisqu'elle nous a en particulier permis d'attirer dans des programmes d'études secondaires et supérieures de jeunes ingénieurs brillants sortant des universités d'Asie. Au cours des dernières années, certains sont devenus les membres les plus brillants de notre industrie. Ce sont des gens extrêmement compétents. Il y a donc toute une série de facteurs à prendre en considération.

Pour ce qui est du rendement de l'investissement public, les emplois dont nous parlons ici sont des emplois de savoir, comme on dit en économie et en politique. Il s'agit de personnes qui pourront contribuer à notre économie pendant les 30 à 50 prochaines années. Ce sont des personnes extrêmement qualifiées, et qui ont tendance à être mobiles.

Cela ne veut pas dire qu'elles feront toute leur carrière à Pratt & Whitney ou chez SPAR mais plutôt qu'il s'agit de personnes qui vont probablement apporter une contribution maximale au niveau de vie du Canada dans les prochaines années. Par exemple, ce sont des gens qui vont payer beaucoup d'impôts et de taxes, les salaires de départ étant au minimum de 50 000 $. Comme ce sont des personnes très qualifiées, elles sont aussi très bien rémunérées.

Certes, je sais qu'il est difficile de faire des choix entre les divers secteurs où investir les deniers publics. Comme j'ai moi-même travaillé plusieurs années au sein du gouvernement, je comprends bien le problème. Cela dit, je vous recommanderais vivement de ne jamais oublier que la création de ce genre d'emploi constitue un investissement dans l'avenir du pays, pour les 20, 30 ou 40 prochaines années et pas pour les deux prochaines années. Il y a des choix difficiles à faire mais ce facteur n'est pas négligeable.

Mme Brushett: Merci.

Le président: Monsieur Hyndman?

M. Hyndman: Je voudrais juste corriger une information. Les 21 à 25 milliards de dollars -

Mme Brushett: C'est une question de mathématiques.

M. Hyndman: - ne correspondent aucunement à l'incidence fiscale mais aux investissements totaux que l'on pourrait faire dans le secteur. Comme on vient de le dire, si nous voulons des travailleurs très productifs, nous devons investir beaucoup dans chaque employé et dans la production économique de chaque employé. C'est comme cela que l'on fait des gains de productivité.

Dans notre proposition, le coût total pour le Trésor public de la régularisation du système représente quelques dizaines de millions de dollars au cours de la prochaine décennie. Les 21 et25 milliards de dollars correspondent aux investissements qui se feraient dans le secteur, la plupart étant financés à même les liquidités brutes des entreprises ou en attirant des capitaux du Canada ou de l'étranger.

J'ajoute par ailleurs qu'il n'y a rien de mal à ce que des Canadiens passent d'une région à une autre pour occuper un emploi. Nous sommes très satisfaits des 12 000 Terre-Neuviens qui vivent aujourd'hui à Fort McMurray et qui en font la troisième ville terre-neuvienne du pays. Tout permet de penser que leur contribution au Trésor public canadien est plus élevée aujourd'hui que s'ils étaient restés dans leur province.

Mme Brushett: Je vous remercie de ces précisions.

Le président: Merci, madame Brushett.

Je donne maintenant la parole à un nouveau membre du comité, M. Leon Benoit.

M. Benoit (Végréville): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue aux témoins.

Je voudrais d'abord m'adresser à M. Orr, de la Chambre de commerce du Canada.

Vous avez parlé de l'importance pour le secteur privé de la réduction du déficit. D'après vous, pourquoi est-il important que le ministre des Finances se fixe pour objectif d'éliminer totalement le déficit, et de le faire pendant son premier mandat? Je vous pose cette question parce que les gouvernements nous ont prouvé qu'ils ont beaucoup de mal à tenir dans un deuxième mandat les promesses faites dans le premier.

M. Orr: Cela me paraît extrêmement important, monsieur Benoit, et nous encourageons vivement M. Martin à poursuivre son oeuvre. S'il atteint son objectif, vous constaterez une réaction très favorable des marchés financiers. Si nous pouvions amener M. Martin à fixer la date à laquelle il a l'intention d'éponger le déficit, nous constaterions sans doute une baisse des taux d'intérêt, une hausse des investissements et une hausse du nombre de nouveaux emplois.

.1715

M. Benoit: J'apprécie les remarques très concises et très claires que vous faites dans votre mémoire au sujet du lien qui existe entre la création d'emplois et la résorption rapide du déficit.

Ma deuxième question porte sur les programmes de création d'emplois. Vous avez dit qu'il conviendrait d'éliminer les programmes de création d'emplois directement financés par l'État. Or, dans sa réforme de l'assurance-chômage, M. Axworthy envisage en fait de consacrer encore plus de deniers publics à la création directe d'emplois. Qu'en pensez-vous?

M. Orr: Je ne peux formuler qu'une réponse très générale aux récentes propositions deM. Axworthy. Il est très clair à mes yeux que la bonne méthode en matière de création d'emplois est de mettre l'accent sur la productivité et la compétitivité. Les nouveaux emplois viendront alors d'eux-mêmes.

À mon avis, la grande erreur des Canadiens, ces dernières années, a été d'exercer des pressions sur les politiciens pour qu'ils créent des emplois dans leur région. Évidemment, les politiciens ont fait tout leur possible pour répondre à cette demande et pour tirer crédit des emplois créés dans leurs circonscriptions respectives. Hélas, l'expérience a montré que cette forme de création d'emplois est généralement très inefficiente, et il est vrai que les contribuables n'ont tout simplement plus les moyens de financer cette manière d'agir.

M. Benoit: J'apprécie votre réponse.

Ma dernière question s'adresse à M. Donner. Vous avez dit ne pas pouvoir vous empêcher de penser que les compressions budgétaires du gouvernement ont freiné l'expansion économique - vous me direz si je me trompe mais c'est ce que j'ai noté. Or, d'aucuns estiment que les compressions budgétaires du gouvernement peuvent au contraire stimuler l'économie. J'aimerais donc vous demander sur quoi vous vous fondez pour dire qu'elles freinent l'expansion au lieu de la favoriser.

M. Donner: Vous avez bien rapporté mes propos, monsieur Benoit. J'ai la ferme conviction que les preuves sont écrasantes. Regardez autour de vous, vous ne serez pas surpris de constater, par exemple, que les dépenses de consommation sont bien médiocres depuis quatre ou cinq ans. Le consommateur vit dans l'incertitude. Il ne s'agit pas seulement de croissance des revenus réels, il s'agit aussi d'insécurité et de l'existence d'un taux de chômage extrêmement élevé. D'après moi, tout prouve que c'est ce qui s'est produit. J'ajoute d'ailleurs que ceux qui s'imaginent que d'autres compressions budgétaires n'auront pas d'incidence sur l'emploi vivent au pays des merveilles. Je voudrais bien qu'ils aient raison.

Si l'on accepte une période d'ajustement assez longue, il se peut fort bien que la réduction du déficit par le truchement de compressions budgétaires très rigoureuses finisse au bout d'un certain temps par créer de l'emploi. Mais, croyez-moi, cela ne se fera pas du tout pendant votre mandat, ni même pendant les cinq dernières années du XXe siècle. Pour être clair, je vous dirais que la politique budgétaire est en train d'étrangler l'économie canadienne et explique en grande mesure le fait que l'on crée peu d'emplois.

M. Benoit: Donc, vous attribuez le faible taux de croissance des cinq dernières années aux compressions budgétaires du gouvernement fédéral?

M. Donner: La majeure partie des coupures budgétaires a été effectuée au palier fédéral, et c'est seulement ensuite que l'on s'est mis à en faire au palier provincial.

J'ajoute que les problèmes auxquels nous faisons face dans les années 90 trouvent aussi leur origine dans les années 80. À mon sens, la politique économique des années 80 était complètement déséquilibrée, ce qui a engendré des tensions incroyables dans la décennie suivante. Je ne vais cependant pas fermer les yeux sur les problèmes qu'engendre la réduction du déficit sur le plan de la création d'emplois. À mon avis, il y a clairement là un lien de cause à effet.

M. Benoit: Je crois cependant comprendre qu'il n'y a pas vraiment eu de coupures budgétaires nettes, en tout cas pas au cours des quatre ou cinq dernières années. Les dépenses publiques ont continué d'augmenter pendant cette période.

M. Donner: Monsieur Benoit, quand le budget du gouvernement fédéral passe d'une position d'équilibre à un excédent de 30 milliards de dollars - ce qui est le cas si on ne tient pas compte de l'intérêt sur la dette - cela veut dire que l'on a privé l'économie de 30 milliards de dollars de pouvoir d'achat. Et cela au moment même où les gouvernements provinciaux vont dans le même sens, voire plus loin.

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Le gouvernement de l'Ontario va priver l'économie provinciale de 8,3 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. Je peux vous garantir qu'en réduisant les dépenses publiques de l'Ontario de 2 p. 100 ou 3 p. 100 du PIB provincial, ce qui vient s'ajouter à la réduction des dépenses fédérales, on détruit inévitablement des emplois.

Certes, les efforts que déploient les entreprises représentées autour de cette table pour créer des emplois sont très nobles mais, à mes yeux, le problème fondamental est un problème macro-économique. C'est un problème de politique économique complètement déséquilibrée.

M. Benoit: Si vous dites que le gouvernement ne devrait pas réduire ses dépenses, monsieur Donner, comment -

M. Donner: Ce n'est pas ce que je dis, monsieur. Je dis que, si le gouvernement veut réduire aussi fortement ses dépenses, il doit prendre des contre-mesures sur le plan monétaire. Or, je n'en vois aucune.

M. Benoit: De quelles mesures parlez-vous?

M. Donner: Je sais que les mesures de stimulation de l'économie par la politique monétaire ne produisent pas d'effet immédiat, et en tout cas pas aussi rapide que les mesures de compression des dépenses publiques, mais je ne vois de toute façon aucune stimulation du côté monétaire. D'après moi, cela veut dire que l'on a complètement renoncé à l'idée qu'il y a un certain niveau approprié pour le dollar canadien et qu'on a tout simplement décidé de le laisser fluctuer.

Il est au demeurant probable que stimuler l'économie sur le plan monétaire, alors qu'elle a tellement fléchi, ne serait peut-être pas particulièrement efficace.

M. Benoit: Depuis l'arrivée du gouvernement libéral, c'est-à-dire en trois ans, l'intérêt sur la dette est passé de 39 milliards de dollars environ à 52 milliards.

D'après vous, que devrait-on faire pour interrompre cette hausse constante des frais d'intérêt?

M. Donner: Je crois que ce problème trouve essentiellement son origine dans les années 80, lorsque notre politique budgétaire était extrêmement laxiste. Dès la reprise de l'expansion économique dans les années 80, c'est-à-dire en 1988-1989 à peu près, nous aurions dû resserrer le budget de l'État. Au même moment, nous avons adopté une politique monétaire extrêmement rigoureuse. Vous n'accepterez peut-être pas ce diagnostic mais je pense que c'est en grande mesure cela qui a fait exploser notre endettement.

Je sympathise tout à fait avec le gouvernement du Canada, qui se trouve piégé par cette facture d'intérêt, et je comprends qu'il veuille essayer de sortir du piège. J'en reviens cependant à ce que je disais. Considérant la politique budgétaire actuelle, ne pas modifier notre politique monétaire ne fera qu'aggraver la situation de l'emploi.

J'ai beaucoup de respect pour les personnes qui se trouvent autour de cette table mais il faut bien convenir que les mesures actuelles n'ont qu'un effet marginal. Le problème de fond est d'ordre macro-économique et il trouve son origine dans les années 80. Il n'y a pas de solution miracle, mais j'estime que notre politique macro-économique est sérieusement déséquilibrée.

M. Benoit: Quoi que l'on puisse penser de ce qui s'est fait autrefois, la vraie question est de résoudre le problème d'aujourd'hui.

M. Donner: Je vais donc faire une dernière remarque. Admettez que nous traversons une crise et que vos politiques de résorption du déficit, aussi nobles soient-elles, ne font qu'aggraver la situation de l'emploi.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Monsieur Grubel, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Grubel: Je voudrais juste ajouter quelques éléments à votre analyse. Je connais très bien votre argument concernant la politique monétaire et la politique budgétaire, mais il y en a aussi un autre voulant qu'un petit pays comme le nôtre perd son indépendance lorsque ses taux d'intérêt lui sont imposés par l'étranger, ce contre quoi nous ne pouvons rien. Nous avons appris que jouer avec les taux d'intérêt suscite des attentes que l'on ne peut pas satisfaire. Il y a là un problème incontestable.

Une dernière remarque. On constate de plus en plus clairement, sur le plan mondial, que la réduction keynésienne des revenus et de l'emploi résultant des coupures budgétaires, en circonstances normales, est différente de celle qui résulte de coupures budgétaires brutales imposées par la crise de la dette. Le simple fait de montrer à la population que le gouvernement est prêt à assumer certains coûts politiques pour rétablir la confiance produit cet effet. C'est ce qu'on a constaté dans plusieurs pays d'Europe, et j'ai lu une étude portant précisément sur cette question.

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À mon avis, le Canada se trouve aujourd'hui dans une situation telle que, s'il annonçait demain - comme plusieurs témoins l'ont recommandé - un programme vigoureux d'élimination rapide du déficit, les taux d'intérêt baisseraient car cela entraînerait une réduction de la prime de risque que nous devons aujourd'hui acquitter par rapport aux taux d'intérêt américains.

M. Donner: Je comprends bien ce que vous dites. Je suis certainement d'accord avec vous au sujet du fait que nous payons une prime de risque extrêmement élevée sur le plan des intérêts, surtout des taux longs. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai également adressé au Comité des finances une brève note que j'ai rédigée sur l'argument voulant que nous aurions peut-être été dans une meilleure situation, pendant les 15 dernières années, si nous avions rattaché le dollar canadien au dollar américain.

J'attire l'attention du comité sur le fait que, lorsque nous avions des taux de change stables, ou quasiment fixes, personne ne parlait de taux d'intérêt réels élevés. Et je soupçonne que l'une des raisons en est que, globalement, les marchés considéraient que le risque de dévalorisation de notre monnaie était très limité.

Je ne suis normalement pas partisan des taux de change fixes. Toutefois, considérant l'évolution historique et la situation actuelle, je commence à me demander si nous ne ferions pas mieux de relier la valeur du dollar canadien à celle du dollar américain, à un niveau compétitif relativement bas - je n'aurais rien contre un dollar canadien valant entre 75¢ et 80¢. Dans l'ensemble, et en tout cas à court terme, je suis fermement convaincu que cela serait préférable.

M. St. Denis: Je voudrais poser une question à Mme Potvin ou à M. Hatton.

Nous avons accueilli de nombreux représentants d'organismes de bénévolat comme le vôtre, madame Potvin. Il ne fait aucun doute que les organismes caritatifs ou bénévoles jouent un rôle important dans notre société. J'ai souvent utilisé votre exemple au sujet des appels et des messages télécopiés au Japon - lors de discours dans ma circonscription, en fait - pour montrer que nous tenons souvent pour acquise l'infrastructure dont nous disposons en matière d'organismes caritatifs et bénévoles. C'est un facteur très important.

J'aimerais cependant vous poser quelques questions sur les affirmations figurant dans votre mémoire. Vous avez dit que c'est un mémoire qui avait été préparé pour la dernière table ronde mais cela n'en réduit aucunement la pertinence.

Je ne voudrais pas donner l'impression d'être sur la défensive au sujet des dons de nature politique mais je voudrais essayer de mieux comprendre la situation.

Une voix: J'ai un ami que la question intéresse beaucoup.

M. St. Denis: Cela intéresse aussi beaucoup mon collègue.

Quel a été le montant total des dons de charité émanant non pas de petits donateurs mais de grands, disons pendant la dernière année pour laquelle on a des chiffres? Nous avons une assez bonne idée du montant total des dons consentis chaque année aux partis politiques. Est-ce la même chose sur le plan caritatif? Croyez-vous par ailleurs qu'il y ait concurrence entre les dons politiques et les dons caritatifs? En ce qui concerne les petits donateurs, vous dites que les contributions politiques sont un handicap alors, pour les grands, c'est le statut des sociétés d'État qui est un handicap. Pour notre information, pourriez-vous nous dire quel est le lien entre ces deux domaines?

Mme Potvin: Veuillez m'excuser, je n'ai pas de chiffres à ce sujet. Al pourra peut-être vous dire combien recueillent les organismes caritatifs. Même si je parle souvent de cette question, je n'ai pas les chiffres avec moi.

Quoi qu'il en soit, l'argument que nous présentons dans ce mémoire est que le gouvernement devrait faciliter les dons de charité. La question est de savoir comment les Canadiens voient la chose. Ils ne comprennent pas bien ce système à deux paliers avec 29 p. 100 pour les dons de charité. Ils comprennent d'autant moins lorsqu'ils voient quelle est la situation pour les dons de nature politique. Ils ne peuvent s'empêcher alors de considérer que le système est tout à fait déséquilibré et qu'il y a une différence monstrueuse entre les deux.

Voilà pourquoi nous aimerions que les avantages fiscaux soient relativement identiques dans les deux cas, ce qui est notre premier argument.

Nous aimerions aussi que les choses soient beaucoup plus claires sur les formulaires de déclaration d'impôt sur le revenu, afin de pouvoir expliquer facilement aux gens combien ils peuvent économiser en faisant un don.

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Ai-je répondu à votre question?

M. St. Denis: Pas vraiment. Puisque nous n'avons pas de chiffres, je vais supposer que le total des dons se situe entre 50 et 100 millions de dollars par an, et que les dons de nature politique s'élèvent à moins de 10 millions. Je vais donc supposer que le rapport est de 5 pour 1, ou même de 20 pour un en faveur des organismes caritatifs.

Cela dit, nous ne parlons pas du tout de la même clientèle. Un don politique et un don caritatif - et je fais les deux, comme bien des gens - répondent à deux objectifs complètement différents. Très franchement, je crois que vous vous faites tort en comparant les deux.

Je veux cependant vous donner la possibilité de vous expliquer.

Mme Potvin: Le rapport est peut-être de 20 pour un - je n'en sais rien mais M. Walker me dit que c'est vrai - mais il ne faut pas oublier, bien sûr, qu'il faut tenir compte aussi de tous les dons de charité consentis à des institutions telles que les universités et les hôpitaux. Quand on parle de dons de charité, il ne faut pas seulement parler des dons destinés aux particuliers, qui ne représentent, je crois, que 5 p. 100 de toute cette catégorie. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème à essayer de modifier le système mais je ne pense pas que nous parlions ici d'un montant beaucoup plus élevé pour les organismes de charité, si l'on retire les hôpitaux, les universités et les institutions de ce genre, que pour les partis politiques. À mon avis, les deux sommes sont plus ou moins égales.

M. St. Denis: Pour conclure, je dirais que notre comité serait certainement favorable à toute mesure susceptible d'aider le secteur du bénévolat et des activités de charité. Je peux cependant vous dire aussi, en prenant l'exemple de ma circonscription - je parle de ce que reçoit mon association - que les dons de nature politique sont tout à fait modestes par rapport à ceux que reçoivent les organismes de charité. Il faut donc être juste envers la population et reconnaître qu'il n'y a pas vraiment de concurrence entre les deux secteurs.

Cela dit, nous appuyons ce que vous faites.

Le président: Monsieur Campbell.

M. Campbell: Je voudrais adresser une brève question à M. Brzustowski au sujet du CRSNG.

Je crois pouvoir vous dire que vous êtes au milieu d'amis, aujourd'hui. Sur toutes les recommandations qu'a faites le comité l'an dernier, il n'y en avait aucune concernant la réduction du budget du CRSNG, même si le gouvernement en a finalement décidé autrement, hélas. Comme vous le dites, il y a eu des coupures de 14 p. 100 sur trois ans, soit 70 millions de dollars d'ici à 1997-1998.

Vous nous avez donné des informations montrant l'évolution du budget du CRSNG de 1990-1991 à 1997-1998, avec une crête de près d'un demi-milliard de dollars en 1997-1998. Quel serait le bon niveau? Chaque année, le gouvernement se penche sur votre budget mais il est difficile de savoir si celui-ci est trop élevé ou pas assez. Si votre organisme était créé aujourd'hui, quel budget devrait-on lui accorder, d'après vous? Que conseilleriez-vous au gouvernement pour qu'il puisse répartir les sommes disponibles entre vos activités et d'autres, tout aussi légitimes, dont on vient de parler?

Je ne devrais peut-être pas vous poser cette question mais c'est important.

M. Brzustowski: Vous avez parfaitement raison de poser cette question, même s'il est très difficile d'y répondre. À mon avis, il faut d'abord faire le point sur ce que l'on veut réaliser.

J'ai pris bonne note de ce que disaient les personnes qui se trouvent de ce côté-ci de la table, notamment les représentants de l'industrie spatiale, sur la nécessité d'effectuer des investissements stratégiques - des investissements aujourd'hui pour obtenir un avantage demain. Or, nous pensons que tel est précisément le rôle du CRSNG. Je parle ici d'investissements dans les ressources humaines, dans la capacité de produire de nouvelles connaissances et d'utiliser les connaissances d'autres sources. Comme dit Drucker, de faire un usage économiquement productif du savoir.

Je ne sais pas quel serait notre budget idéal. Il ne fait aucun doute que le CRSNG a dû réduire un certain nombre de ses programmes, ces dernières années, pour s'adapter aux coupures budgétaires, et il est clair aussi que des pressions continuent de s'exercer en ce sens, d'autant plus que les provinces commencent elles aussi à réduire leur contribution à ce partenariat implicite.

Je précise que les subventions du CRSNG ne sont pas destinées à payer les salaires des chercheurs; les professeurs sont rémunérés par leur université au moyen des subventions provinciales. Nos subventions ne sont pas non plus destinées à payer le chauffage, l'électricité ou l'éclairage. Elles ne sont pas destinées à payer les services de comptabilité, d'achat ou d'entretien de services universitaires, comme les bibliothèques. Ces dépenses-là sont assumées par les universités au moyen des subventions provinciales.

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Comme ces subventions sont en train d'être réduites, nous entendons de plus en plus de gens nous demander si telle ou telle dépense est admissible selon les critères du CRSNG parce que les gens n'obtiennent plus l'argent correspondant de leur université. Et cela au moment même ou notre budget total se rétrécit. Si nous répondons oui à ce genre de question, il y aura d'autant moins d'argent pour le reste.

Quel serait notre budget idéal? J'aimerais bien le savoir. À l'heure actuelle, je puis simplement vous dire que nous commençons à mesurer les choses importantes auxquelles nous devons renoncer pour nous adapter petit à petit aux coupures.

J'aimerais toutefois ajouter une précision. Je voudrais en effet vous parler des subventions des entreprises et de ce que nous faisons pour contrer les coupures budgétaires. En effet, nous essayons de former des relations de partenariat avec les universités, les entreprises et deux paliers de gouvernement de façon à obtenir des fonds supplémentaires pouvant être consacrés à la recherche. Il s'agit là cependant de subventions de nature stratégique, correspondant à des engagements de cinq à 10 ans.

Par exemple, une entreprise peut s'engager à nous donner plusieurs centaines de milliers de dollars, voire plus, pendant cette période pour financer des recherches dans son secteur. Cela a pour effet de focaliser son attention sur ce domaine de recherche, ainsi que ses propres ressources pour en exploiter les résultats. Tout cela est de nature stratégique. J'espère que vous saisissez la distinction entre ce genre d'activité et les subventions ordinaires des entreprises, puisqu'il y a dans le premier cas un aspect stratégique à long terme.

C'est l'une des choses que nous faisons pour contrer la compression du budget du CRSNG et pour préserver la masse critique de gens, d'activités et de compétences dans le réseau universitaire et, idéalement, mettre au point des produits utiles à l'industrie.

Quel serait le budget idéal? Je ne puis en juger qu'à l'aune des difficultés que nous causent les coupures. On ne peut pas comparer notre situation à celles d'autres pays car notre structure est différente. Les salaires de nos chercheurs sont payés par les universités, pas par nous, et il n'est donc pas utile de nous comparer à notre homologue des États-Unis, d'autant plus que cela donnerait une image pire qu'elle ne l'est en réalité.

M. Campbell: Le problème qui se pose au gouvernement lorsqu'il doit répartir des ressources rares est de formuler ou d'identifier des critères rationnels et objectifs pour comparer les demandes.

D'aucuns diront que le meilleur critère est le nombre d'emplois créés; d'autres, que ce n'est pas le nombre mais la nature des emplois qui compte; d'autres encore, que cela n'a rien à voir avec les emplois mais plutôt avec le milieu général; et certains enfin, qu'il s'agit de savoir si les subventions contribuent ou non à des relations de partenariat stratégiques, à l'exportation ou à d'autres choses de cette nature.

Pouvez-vous nous donner des précisions quelconques sur ces critères?

M. Brzustowski: Puis-je vous parler plutôt de résultats que nous avons obtenus? Je pense à cela parce qu'un premier ministre provincial en a parlé récemment. C'est M. Wells qui l'a fait, il y a environ trois semaines, lors de l'inauguration de la chaire industrielle du CRSNG en conservation des ressources halieutiques à l'Université Memorial de St. John's. M. Wells s'est exprimé en premier, puis M. Tobin, puis moi-même.

M. Wells a dit que les recherches financées par la province dans le secteur de la conservation des ressources halieutiques, c'est-à-dire financées par Fisheries Products International, indirectement par le ministère des Pêches et Océans et par le CRSNG, ont eu une incidence énorme sur la qualité de vie et sur le bien-être de la population de Terre-Neuve. Et il se peut fort bien que cela aboutisse à la renaissance de l'industrie, peut-être même dans de meilleures conditions qu'autrefois.

M. Wells a ajouté qu'il savait fort bien que ces recherches, comme celles effectuées dans d'autres secteurs, n'auraient pu être entreprises si l'on n'avait pas d'abord investi dans la recherche fondamentale deux décennies auparavant.

Je l'ai immédiatement félicité d'avoir fait cette déclaration et je lui ai promis de le citer chaque fois que j'en aurais l'occasion. C'était la première.

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Pour ce qui est de notre budget, je dirais que, considérant la situation actuelle et la maturité de nos programmes, nous souhaiterions revenir au plafond de 500 millions de dollars que nous avions atteint et qu'il serait très difficile de justifier d'autres augmentations ensuite.

M. Campbell: Vous ne voudrez sans doute pas que j'affirme en conclusion que le moment où nous saurons que nous avons trop amputé votre budget sera précisément celui où il sera trop tard pour y changer quoi que ce soit.

M. Brzustowski: C'est précisément l'un des problèmes que l'on rencontre, monsieur le président, quand on veut formuler des politiques en fonction des résultats attendus, puisqu'il y a toujours un décalage dans le temps.

Le président: Merci, monsieur Campbell.

Nous allons conclure en demandant à chacun d'entre vous de résumer sa pensée en 30 secondes. Avant cela, y a-t-il quelqu'un qui souhaite absolument ajouter quelque chose ou qui veut aborder une question dont nous n'aurions pas encore traité?

Monsieur Krishna.

M. Vern Krishna (fiscaliste, Koskie & Minsky): Merci, monsieur le président. Je voudrais revenir brièvement sur les fonds d'investissement commandités par les syndicats, qui ont suscité plusieurs questions hostiles. L'une des grandes difficultés que posent les incitations fiscales est qu'elles représentent des dépenses fiscales, lesquelles devraient être ciblées de manière efficiente.

Le problème que nous rencontrons et que nous souhaitions aborder ici est que ce crédit - qui est remarquablement généreux et qui coûte très cher - n'est pas, à notre avis, ciblé de manière complète et efficiente vers la création d'emplois et vers les industries utilisant beaucoup de main-d'oeuvre. On a eu tendance jusqu'à présent à consacrer les sommes disponibles à d'autres activités d'investissement qui n'avaient peut-être pas été envisagées dans la législation d'origine.

Autrement dit, nous voudrions répéter qu'il conviendrait, si vous souhaitez réexaminer cette question, de revoir cette notion d'efficience des dépenses fiscales dans le contexte des fonds commandités par les syndicats. Merci.

Le président: Merci, monsieur Krishna.

Madame George.

Mme George: On a dit à plusieurs reprises que le comité, pendant ses audiences dans le pays, n'a cessé d'entendre des gens dire que les impôts sont trop élevés. Je suis parfaitement d'accord, mais j'ajoute qu'on ne peut pas trouver d'argent ailleurs. Autrement dit, la seule option est de couper dans les programmes et de réduire les dépenses.

Les entreprises ont renoncé à 60 p. 100 de leurs subventions, et elles l'ont généralement fait sans se plaindre. Pour ce qui est des particuliers, je vais devoir personnellement payer plus pour envoyer mes enfants à l'université, je devrai d'ici quelque temps commencer à payer une partie des services de santé que j'utiliserai, quoi que puisse dire le gouvernement aujourd'hui. Voilà la réalité pour les citoyens. Nous aurons moins parce que vous allez dépenser moins.

Le président: Merci, madame George.

Quelqu'un souhaite-t-il ajouter autre chose avant que vous ne commenciez à résumer vos conclusions?

Voulez-vous commencer, monsieur Koskie?

M. Koskie: Merci, monsieur le président.

Pour résumer, je voudrais évoquer un article du Toronto Star de ce matin disant que le capital-risque contribue à la création d'emplois, thème de la table ronde d'aujourd'hui.

Nous parlons dans notre mémoire, et l'on en parle aussi dans cet article, d'une enquête commandée par la Banque fédérale de développement et montrant que les fonds de capital-risque commandités par les syndicats, ainsi que les autres, créent en moyenne 30 p. 100 d'emplois en plus chaque année. Voilà à quoi servent les fonds d'investissement comme le nôtre.

J'invite donc respectueusement le comité à envisager très sérieusement d'offrir des incitations supplémentaires pour que les fonds d'investissement axés sur la création d'emplois puissent réussir dans leur tâche. Merci.

Le président: Merci, monsieur Koskie.

M. Grubel: [Inaudible] ...estimation du coût par emploi créé est 33 p. 100 de plus chaque année?

M. Koskie: Les capitaux investis par les fonds créent en moyenne 30 p. 100 d'emplois en plus chaque année.

M. Grubel: Mais ne pensez-vous pas qu'il serait important que le comité sache combien coûte chaque emploi supplémentaire? Ne serait-ce pas une information utile?

M. Koskie: Je pense que vous la trouverez dans ce rapport.

M. Grubel: Vraiment? Bien.

M. Koskie: Oui.

M. Grubel: Mais vous ne le savez pas?

M. Koskie: C'est dans le rapport. Si je me souviens bien, on dit qu'un nouvel emploi est créé chaque fois que 47 000 $ de capital-risque sont investis, contre 70 000 $ de capital-actions dans l'une des 100 premières entreprises du Canada.

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M. Grubel: Quelle est la proportion des deniers publics par rapport aux fonds investis par le secteur privé?

M. Koskie: Je ne pense pas qu'il s'agisse là de deniers publics.

M. Grubel: Il est bien évident que ces fonds existent parce qu'il y a une subvention.

M. Koskie: C'est exact.

M. Grubel: Et ce sont précisément les subventions qui nous inquiètent. Certes, si l'on y mettait assez d'argent, on pourrait créer des millions et des millions de nouveaux emplois. Voilà pourquoi il serait important de savoir - et vous pourrez peut-être nous envoyer l'information, si elle figure dans ce rapport - combien coûte la création d'un nouvel emploi au moyen de subventions de l'État.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Koskie.

Monsieur Brzustowski.

M. Brzustowski: Merci, monsieur le président.

Je vais simplement formuler à nouveau ma demande en disant espérer que le comité recommandera l'adoption de mesures susceptibles de favoriser un environnement encourageant l'innovation, à la fois pour rehausser la productivité des entreprises existantes et pour créer de nouvelles activités économiques qui permettront aux personnes ayant perdu leur emploi de réintégrer la population active. Certes, la recherche et le développement ainsi que les activités du CRSNG font certainement partie de ce qui est nécessaire, mais il y a beaucoup plus à faire, comme nous l'avons entendu dire autour de cette table.

Il est terriblement important d'instaurer un climat favorable à l'innovation, monsieur le président, et c'est ce que je souhaite.

Le président: Merci, monsieur Brzustowski.

Madame Potvin.

Mme Potvin: J'aimerais inviter le gouvernement à faire meilleur usage de l'infrastructure qui existe déjà dans notre pays sur le plan des organismes bénévoles et caritatifs, en se penchant sur les méthodes que nous pouvons employer pour contribuer à la création d'emplois, surtout pour les jeunes - le groupe des 16 à 25 ans. Si nous nous mettions à y réfléchir ensemble, je suis sûre que nous pourrions trouver des solutions pour que ces jeunes arrivent à décrocher leur premier emploi.

Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Hatton.

M. Hatton: Dans le même ordre d'idées, nous avons beaucoup parlé aujourd'hui de la technologie de pointe et des questions de productivité. Il me semble qu'il est grand temps que les Canadiens entendent beaucoup plus parler de ce que nous faisons de bien dans ce domaine. En outre, il ne faudrait aucunement négliger l'aspect humain.

Chaque collectivité, chaque organisation traverse actuellement une période de changement. J'ai cru comprendre - et vous me corrigerez si je me trompe - que certains pensent que seul le secteur privé peut contribuer aux gains de productivité. Or, chaque organisation du pays, au sein du gouvernement ou à l'extérieur, connaît actuellement des changements massifs. Nous nous inspirons le plus possible des leçons tirées par le secteur privé. Cependant, le gouvernement a une responsabilité supplémentaire, qui est de tenir compte des aspects humains. Le problème est que nous avons besoin de temps.

Je crois qu'il faudrait un an ou deux aux grandes organisations et aux organismes communautaires pour collaborer avec le secteur privé et avec les gouvernements pour compenser ce qu'ils ne font pas. On semble croire que le gouvernement peut réduire continuellement ses dépenses - et je suis d'accord avec M. Donner - sans inquiéter aucunement la population. Ce que l'on ne dit pas assez, c'est que cela fait beaucoup de mal à bien du monde. Qui peut donc agir pour atténuer le coup?

On suppose que le secteur privé va donner de l'argent aux groupes communautaires et que nous pourrons automatiquement fournir de meilleurs services. Cependant, le secteur privé n'est pas vraiment en mesure de donner plus, à l'heure actuelle, précisément pour les raisons qui ont été mentionnées, c'est-à-dire qu'il fait lui aussi face à des difficultés à cause d'une conjoncture nationale et internationale difficile. Dans ce contexte, j'estime qu'il se comporte raisonnablement bien et qu'il réagit assez rapidement.

Les organismes communautaires commencent tout juste à réaliser ce qui se passe, tout comme le gouvernement. Il faudrait donc nous donner un peu de temps pour nous adapter, ce qui ne nous empêchera pas de devenir plus productifs. Je voudrais simplement vous inviter à envisager cela.

Lorsque vous songez à réduire le déficit budgétaire, pensez aussi au déficit social, qui est le revers de la médaille. Nous n'y avons consacré que quatre minutes environ pendant nos deux heures de discussion, alors que c'est une question absolument cruciale. Si nous voulons préserver les valeurs qui nous sont chères - et cela vaut autant pour les entreprises que pour les syndicats, les gouvernements et les collectivités locales - il importe d'appuyer adéquatement tout le secteur communautaire. Je suis très inquiet de ce qui se passe actuellement en Ontario où l'on ne tient manifestement pas compte de cet aspect des choses. Nous espérons donc que votre comité et le gouvernement fédéral ne négligeront pas cela.

Le président: Merci, monsieur Hatton.

Monsieur Donner.

M. Donner: Merci, monsieur le président.

Je recommanderais d'abord à votre comité de déclarer clairement que nous connaissons actuellement une crise de l'emploi qui va probablement empirer au cours des prochaines années. J'ai déjà dit que les prochaines compressions budgétaires que l'on peut prévoir ne feront qu'empirer la situation de l'emploi.

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J'invite votre comité à évaluer sérieusement tous les effets déflationnistes des politiques macro-économiques actuelles. Si vous poursuivez dans la voie de compressions budgétaires tellement massives - et je ne parle pas ici seulement du gouvernement fédéral mais aussi des gouvernements provinciaux - il faudrait adresser à la Banque du Canada le message parfaitement clair qu'elle doit essayer de rééquilibrer les choses sur le plan monétaire.

Finalement, je crois qu'il serait dans notre intérêt à tous de veiller à ce que le travail soit réparti de manière plus équitable, notamment au profit des jeunes.

Merci.

Le président: Merci.

Monsieur Brooks.

M. Brooks: Il y a 15 ans, mes clients se plaignaient de taux d'intérêt de plus de 25 p. 100, de crises pétrolières causées par l'OPEP et de la récession, mais il n'y avait pas de crise de confiance. Aujourd'hui, il y en a une, vous le savez bien.

Il est temps de commencer à parler des bonnes choses que nous faisons dans ce pays. Les faits sont clairs. Puisque vous êtes nos élus, je vous demande d'organiser des tribunes avec des experts qui pourront parler de ces choses et qui vous permettront à vous aussi de faire savoir ce qu'il y a de bien dans notre société. Nous en avons besoin. Parlez simplement de la réalité, il n'y a rien de plus à faire. Cela nous sera beaucoup plus bénéfique que dépenser sans compter des millions de dollars dans toutes sortes de programmes.

Le président: Merci, monsieur Brooks.

Monsieur Orr.

M. Orr: Lorsqu'on viendra vous recommander de financer des programmes de création d'emplois, demandez-vous pourquoi les banquiers ou les investisseurs privés ne s'en chargent pas, si le rendement est tellement prometteur. Pourquoi devrait-on obliger le contribuable à assumer les risques? Certes, il y a des exemples de rendement plus positif pour l'État que pour des investisseurs privés.

Il s'agit cependant là d'exceptions qui se justifient parce qu'il s'agit de recherche fondamentale - par exemple, du crédit d'impôt en R et D ou des crédits du CRSNG - et non pas de programmes spéciaux ou de subventions destinées à tel ou tel projet. Voilà la manière la plus efficace d'instaurer un environnement favorable à l'emploi et à la croissance.

Le président: Merci, monsieur Orr.

Monsieur Caplan, je suis sûr que vous êtes d'accord avec le dernier intervenant.

M. Caplan: Je voudrais revenir sur plusieurs de mes déclarations.

La première concernait l'importance de la création d'emplois à long terme. Il ne faut pas chercher de solution miracle, à brève échéance. On peut investir des deniers publics dans des activités créant des emplois à long terme, à condition que leur viabilité soit prouvée.

Au cours des 20 ou 30 dernières années, le Canada s'est doté d'une industrie aérospatiale compétitive et de premier plan à l'échelle internationale. Le dernier intervenant a oublié de préciser que nous ne faisons pas concurrence aux banques. Nous faisons concurrence à d'autres pays qui seraient ravis d'attirer chez eux le secteur aérospatial du Canada, et qui seraient prêts à payer cher pour cela.

La concurrence ne doit donc pas se faire entre le gouvernement et les banques. Chaque pays doit décider lui-même de ce qu'il juge important dans divers domaines - social, éducatif et technique, et du point de vue de la qualité de vie - et il doit se demander s'il lui est possible de préserver ses succès à long terme.

L'industrie aérospatiale a largement la preuve de tout ce qu'elle a apporté au pays, de nombreuses études l'ont confirmé, et c'est d'ailleurs pourquoi la concurrence est si vive dans ce secteur à l'échelle mondiale. J'ajoute que c'est aussi pourquoi les pays nouvellement développés font tant d'effort pour essayer de s'implanter dans ce secteur. Ils savent quelles peuvent en être les retombées.

Le président: Merci, monsieur Caplan.

Monsieur Mackay.

M. Mackay: Je me fais l'écho de M. Caplan et je répète simplement ce que je disais au début: n'oubliez pas la différence qu'il y a entre une dépense et un investissement. Le gouvernement canadien examine la possibilité de remplacer le PPIMD par un nouveau programme. J'invite votre comité à envisager très sérieusement et favorablement ce que le gouvernement lui proposera.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Mackay.

Finalement, Madame George.

Mme George: Merci, monsieur le président.

Les deux messieurs qui se trouvent à ma droite ne sont pas membres de mon association, bien que certains de leurs concurrents le soient. Je puis vous dire très clairement que l'abolition du PPIMD entraînera la disparition de milliers d'emplois. Il vous appartient d'analyser ce qu'il en coûterait pour conserver ces emplois au Canada, et ce que le pays en retirerait. Il est dommage que l'on en soit arrivé au point où il est très difficile de prendre ce genre de décision.

Les entreprises de technologie vont continuer de créer de l'emploi et d'accroître leurs exportations tant et aussi longtemps que vous continuerez à réduire les coûts de l'activité gouvernementale et à favoriser un environnement commercial compétitif sur le plan mondial. Cela veut dire qu'il ne peut y avoir absolument aucune hausse d'impôt car le régime actuel nous rend à peine compétitifs.

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Tant que vous pourrez instaurer un environnement compétitif, les entreprises établies au Canada voudront y rester. Elles continueront à recruter dans les universités. Si vous examinez les caractéristiques de ceux qui trouvent du travail, vous constaterez que ce sont des personnes très qualifiées qui paient beaucoup d'impôt et qui utilisent relativement peu les services sociaux.

J'ai la ferme conviction que l'on pourrait créer beaucoup plus d'emplois au Canada si l'environnement commercial y était meilleur.

Le président: Monsieur Koskie et monsieur Krishna, vous représentez des personnes qui souffrent gravement de chômage, surtout dans ma région de Toronto où la moitié des employés du secteur de la construction sont probablement sans travail aujourd'hui. Nous savons fort bien que l'une des meilleures manières de remettre les gens au travail est de stimuler l'industrie de la construction. Vous nous avez donc présenté une option à cet égard.

D'autres témoins, dont M. Brzustowski, nous ont parlé des investissements à très long terme que nous devons faire dans le secteur du capital humain, lequel est très important, et plusieurs témoins ont souligné les fruits de ce genre d'investissements.

Rose Potvin et Al Hatton, vous avez raison de dire que nous nous tournons de plus en plus vers le secteur du bénévolat à mesure que nous réduisons les dépenses de l'État, et j'ajoute que vous avez parfaitement le droit d'attendre quelque chose de nous puisque nous attendons quelque chose de vous. Tout ce que je puis vous dire, c'est que je soupçonne que nous aurons de plus en plus besoin de vous.

Monsieur Donner, vous nous avez présenté des arguments que nous n'avions pas encore entendus, notamment en recommandant le retour à un taux de change fixe. Vous avez exprimé des préoccupations au sujet de l'incidence sur l'emploi des mesures budgétaires que nous prenons actuellement, tout au moins dans l'immédiat. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous vous avions invité.

Monsieur Brooks, vous nous avez présenté une vision merveilleusement optimiste de l'avenir dans un livre que j'ai trouvé fort intéressant, Catching the Wave, qui nous donne un aperçu de toutes les choses positives qui s'offriront à nous. Il se peut fort bien, comme vous le dites, que les choses ne soient pas aussi mauvaises qu'on aime à le penser. Je suis heureux que vous nous ayez présenté cet avis contraire.

Monsieur Orr, vous avez évoqué quant à vous les politiques macro-économiques en soulignant que l'une des méthodes de réduction du déficit de l'État est de ne pas donner de subventions aux entreprises. Je crois comprendre que c'est toujours une recommandation importante de la Chambre.

Nous voyons par contre à côté de vous trois témoins pour qui certaines formes de «subventions» aux entreprises ou d'investissements sont cruciaux pour préserver notre compétitivité internationale. SPAR Aérospatiale et Pratt & Whitney sont des leaders mondiaux dans leur domaine, qui créent des emplois comportant beaucoup de valeur ajoutée au Canada.

Pour ce qui est du secteur de la technologie de pointe, dont John Brooks et d'autres ont parlé avec tant d'enthousiasme, il est clair que ce sera une source importante de prospérité pour le Canada de demain. Voilà pourquoi votre participation à nos débats était tellement cruciale et pourquoi vous aurez un rôle déterminant à jouer dans notre avenir économique.

Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie tous et toutes d'avoir participé à ce débat, même si vous n'étiez évidemment pas d'accord sur tout. Je suis heureux que vous nous ayez communiqué vos idées respectives sur ce que le Canada devrait faire pour préserver sa prospérité économique et ses emplois.

La séance est levée.

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