[Enregistrement électronique]
Le mercredi 6 décembre 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances poursuit ses consultations prébudgétaires.
Nous recevons ce soir un groupe d'éminents Canadiens du milieu de l'enseignement:Mme Terry Anne Boyles, de l'Association canadienne des collèges communautaires; Mme Sally Brown, de l'Association des universités et collègues du Canada; M. Angus Bruneau, de l'Académie canadienne du génie; M. Donald Savage, de la Canadian Association of University Teachers;M. Guy Caron, de la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants; M. Derrick Deans, du Conseil national des étudiants diplômés; M. Henri Rothschild, de l'Association canadienne de la gestion de recherches; M. Harvey Weiner, de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants; M. Clément Gauthier et Dennis Fitzpatrick, de la CBHR, la Coalition for Biomedical and Health Research; M. John Dinsmore, du Forum entreprises-universités; M. James Horan, de l'Association canadienne des troubles d'apprentissage; M. Chad Gaffield, de la Fédération canadienne des sciences sociales et de la Fédération canadienne des études humaines; enfin, Mme Marie Pierce, de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires. Merci à tous d'être venus.
Nous allons peut-être commencer par vous, madame Terry Anne Boyles, avec le premier des exposés de trois minutes.
Mme Terry Anne Boyles (vice-présidente, Services nationaux, Association canadienne des collèges communautaires): Je vous remercie, monsieur le président.
Notre association représente les 175 collèges, instituts de technologie et CÉGEP de toutes les régions du pays. Nos propos ce soir se fondent sur la prémisse voulant que ces établissements soient pour les pouvoirs publics des instruments clés du développement social et économique du pays et que le développement de toute économie et de la société que l'économie fait vivre passe par les aptitudes de ses membres. Les collèges et instituts forment la main-d'oeuvre de demain et améliorent les qualifications de la main-d'oeuvre existante au moyen de partenariats avec les entreprises industrielles, les commerces, les syndicats et leurs collectivités locales.
L'automne dernier, notre association a rassemblé un petit groupe de présidents de collège pour se pencher sur l'avenir à long terme des collèges, et en particulier le rôle fédéral dans l'enseignement collégial.
Dans le dossier d'information que je vous ai remis, vous trouverez un certain nombre de prises de position intéressant le sujet de notre table ronde de ce soir, et vous pourrez vous y reporter. Vous y trouverez également le mémoire que nous avons présenté à votre comité en mai dernier et dont plusieurs points traitent du contexte social et économique.
Je passerai en revue rapidement, ce soir, certains de ces points et répondrai aux questions que vous nous avez posées.
Premièrement, pour ce qui est de l'universalité, nous pensons qu'il convient de revoir de fond en comble les principes qui le sous-tendent. Nous n'avons pas de recommandations particulières à formuler à ce sujet, sauf que cet examen doit être basé sur le principe de l'inclusion, en particulier la nécessité de donner à tous les Canadiens accès à l'instruction.
Nous voulons faire ressortir, vu tout ce que l'on peut lire dans la presse et ce que l'on entend dire ailleurs, que la formation professionnelle ne crée pas d'emplois mais que le recyclage aide les travailleurs à conserver les emplois qu'ils occupent et à améliorer leurs qualifications pour l'avenir.
Nous considérons qu'il est impératif d'accroître massivement l'aide financière aux étudiants, sous forme de bourses, de subventions et de prêts. Nous pensons qu'il faut encourager les Canadiens actifs à investir davantage dans leur propre formation et recyclage. Nous pensons qu'il faudrait offrir des incitations fiscales pour promouvoir plus avant l'éducation permanente autofinancée par les Canadiens individuels.
Nous pensons que les collèges, instituts et établissements d'enseignement privés devraient être astreints à des normes nationales et internationales; c'est indispensable si l'on veut s'assurer que les étudiants reçoivent les qualifications dont les employeurs ont besoin et garantir aux bailleurs de fonds privés et publics et aux étudiants eux-mêmes que l'enseignement dispensé sera de qualité et que les diplômes seront reconnus ailleurs dans le pays et à l'étranger; ces normes doivent être en rapport avec les normes professionnelles élaborées de concert par le patronat et les syndicats.
Les normes sont la clé de la mobilité interne et internationale et le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de premier plan dans leur élaboration et leur application.
Nous pensons que les conseils sectoriels, composés d'employés et d'employeurs ainsi que de représentants du secteur éducatif, se sont avérés un outil très précieux du développement des ressources humaines, tant à l'égard de la population active existante que des jeunes. Ils sont très efficaces vis-à-vis de l'évolution des normes professionnelles. Nous pensons qu'il y a lieu d'accroître l'aide fédérale à ces conseils, particulièrement à un moment où nous subissons tous des compressions d'effectifs.
Pour ce qui est de la recherche, nous pensons qu'il faut continuer à faire de la recherche fondamentale. Je suis sûre que nos collègues en parleront. Cependant, nous déplorons que les paramètres actuels de la plupart des subventions de recherche excluent le personnel de nos collèges et instituts. Nous pensons que c'est là un vice grave des mécanismes actuels de financement de la recherche. Bon nombre de nos établissements accordent une grande place à la recherche. Ils nouent des partenariats avec des entreprises locales, particulièrement au niveau de la recherche appliquée et du développement de produits. Cette ressource pourrait être beaucoup mieux exploitée, rien qu'en ouvrant les critères d'admissibilité aux subventions de recherche de façon à ce que les collèges, instituts et CÉGEP du pays puissent y avoir accès.
Le président: Merci beaucoup, madame Boyles. Pourrions-nous revenir plus tard à vous? Vous ne m'en voulez pas?
Mme Boyles: Au contraire, je vous suis très reconnaissante et mon exposé était terminé.
Le président: Merci beaucoup, madame Boyles.
Sally Brown, je vous prie.
Mme Sally Brown (vice-présidente chargée des relations externes et présidente suppléante, Association des universités et collèges du Canada): Merci, monsieur le président. Je vous remercie également d'avoir accepté notre requête d'une table ronde spéciale sur l'éducation supérieure et la recherche. Tous les participants ce soir n'appartiennent pas au secteur de l'éducation supérieure et de la recherche, mais nous sommes heureux de la compagnie de nos autres partenaires éducatifs. Nous apprécions la tenue de cette table ronde prébudgétaire.
Je voudrais dire d'emblée que, s'il y a certes quelques divergences de vues dans le milieu de la recherche et de l'éducation supérieure, nous sommes en accord sur les questions fondamentales. Je pense que vous le constaterez ce soir, même si nous espérons aussi que le débat sera vif.
[Français]
Nous avons reçu une lettre quelque peu troublante, selon laquelle le comité laisse penser que l'enseignement supérieur et la recherche relèvent uniquement de la politique sociale.
En fait, même si ces deux domaines ont des incidences sociales importantes, ce sont aussi des facteurs essentiels de la capacité du Canada d'innover, de se tailler une place concurrentielle dans une économie globale fondée sur le savoir, de jouir d'une expansion économique et de créer des emplois.
Fondamentalement, l'enseignement supérieur et la recherche sont des investissements dans l'avenir économique du Canada. Ils se trouvent, ou devraient se trouver, au coeur de notre politique économique, selon le Livre rouge du Parti libéral, pour améliorer l'emploi et assurer la croissance économique. Nous devons faire un effort financier en faveur de nos ressources humaines et de nos enfants.
[Traduction]
Monsieur le président, la diminution des transferts fédéraux menace l'infrastructure de recherche universitaire, qui est non seulement le socle de toute notre recherche fondamentale et appliquée, mais aussi le fondement de la recherche coopérative avec le secteur privé et du transfert de connaissances et de technologies. Saper l'infrastructure de recherche universitaire revient à saper la capacité d'innovation du Canada, sans même parler de l'investissement du gouvernement fédéral lui-même dans les recherches commanditées.
Les coupures fédérales amènent également à s'interroger sur l'accès à une éducation supérieure de qualité et soulignent l'importance de programmes publics d'aide aux étudiants adéquats. Dans l'économie d'aujourd'hui, la prospérité d'un pays passe par la qualité de ses ressources humaines. Nul pays ne peut se permettre de fermer à des pans entiers de sa population l'accès à une formation poussée et à l'éducation permanente.
À ceux qui voudraient réduire encore l'investissement du Canada dans la recherche et l'éducation supérieure, nous demandons s'ils sont réellement convaincus que le Canada dépense trop dans ces domaines? Est-ce que nos concurrents les plus acharnés sont parvenus à leur degré de réussite en réduisant leur investissement dans la recherche et l'éducation supérieure et en laissant leur infrastructure intellectuelle se détériorer? Ce serait une ironie amère que les Canadiens émergent de leur longue lutte avec l'endettement public rien que pour constater que notre pays est en retard sur le reste du monde pour avoir laissé s'effriter son infrastructure intellectuelle.
Nous sommes très heureux d'avoir entendu M. Martin déclarer aujourd'hui, en réponse à une question de M. Manning, que l'investissement dans la recherche fondamentale et dans la recherche-développement est un bon placement.
Monsieur le président, le Livre rouge a promis que le gouvernement suivrait une politique financière à deux volets, c'est-à-dire combinant la réduction du déficit avec des investissements stratégiques pour favoriser la croissance économique et l'emploi, et ce tant à court qu'à long terme. Jusqu'à présent, le gouvernement n'a guère tenu promesse que pour ce qui est du premier volet. Il est temps de s'attaquer au deuxième. Merci beaucoup.
Le président: Je vous remercie, madame Brown.
M. Angus Bruneau (président, Académie canadienne des ingénieurs): Cela fait 25 ans que je m'occupe de politique scientifique à un titre ou un autre et, au cours de cette période, le gouvernement fédéral a pris maintes mesures pour encourager la recherche, et en particulier stimuler la recherche industrielle.
Tout cela n'a eu que très peu d'effet, car les choses ont très peu changé par rapport à ce qu'elles étaient en 1972. Si vous examinez la façon dont nous faisons les choses dans notre pays, vous conclurez que nous avons un problème structurel et que nous devrons nous y attaquer si nous voulons réaliser les bénéfices de nos investissements dans la recherche, tant nos investissements passés que futurs.
Le problème structurel que nous avons au Canada tient à ce que nous avons largement isolé nos facultés de génie de l'économie ambiante. Nous exigeons que nos enseignants universitaires fassent semblant d'être des scientifiques, et nous mesurons leur progrès au moyen de critères scientifiques et non des critères d'ingénierie. Pour nous, la recherche est une entreprise individuelle, alors que l'ingénierie est plutôt collective. Tant que nous ne réglerons pas ces problèmes, nos facultés de génie et, par conséquent, la perception des diplômés qui travaillent pour l'industrie... nos facultés resteront isolées et nos entreprises industrielles diront que si la recherche c'est cela, elles n'en ont pas besoin.
En outre, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays développés, chez nos concurrents, nos facultés de génie sont délibérément enfermées dans le domaine éducatif-culturel. C'est l'inverse de ce que l'on trouve dans maints pays concurrents, où les facultés de génie ou les universités techniques - ce sont souvent des établissements distincts - sont financées par le ministère des affaires économiques. Elles y sont considérées comme des éléments actifs de l'économie.
Monsieur le président, je pourrais parler longuement de ce sujet mais je m'en tiendrai là pour le moment. Nous pourrons peut-être y revenir pendant la discussion, si le temps le permet. Mais si nous omettons de régler ce problème, la profession même qui a pour mission de transformer nos connaissances - la science - en application utile à l'économie, ne pourra jamais jouer ce rôle autant qu'elle le pourrait, le devrait et le fait dans d'autres pays.
Le président: Je vous remercie, monsieur Bruneau. Je suis sûr que nous aurons amplement le temps de revenir jeter un coup d'oeil dans cette boîte que vous venez d'ouvrir.
M. Donald Savage (président, Association canadienne des professeurs d'université): Monsieur le président, j'aimerais attirer votre attention sur les transferts. Nous vous avons remis un mémoire qui traite également d'autres questions, mais dans cet exposé liminaire je vais me limiter à cet aspect.
Comme vous le savez, le mécanisme FPE actuel vient à expiration cette année. Cette année,2,2 milliards de dollars sont transférés au titre de l'éducation postsecondaire. La création du nouveau transfert canadien en matière de services sociaux et de santé suscite en outre de graves inquiétudes et nous amène à nous demander où l'éducation postsecondaire s'insère dans les objectifs gouvernementaux, ou même si elle y occupe une place quelconque.
Nous formulons une double proposition visant à rendre ce rôle plus clair. Une possibilité serait de réformer le transfert canadien lui-même, non seulement son titre, qui passe sous silence l'un des trois domaines, mais plus particulièrement en créant trois sous-enveloppes, une pour chacun des domaines censément couverts, avec le maintien d'une composante monétaire pour assurer que le gouvernement fédéral continue à jouer un rôle dans chacun d'eux.
Cependant, il semble que cette solution ne paraisse pas terriblement attrayante aux yeux du gouvernement à l'heure actuelle. Notre position de repli, si notre première proposition n'est pas suivie, est que les 2,2 milliards de dollars soient recanalisés vers des programmes par lesquels le gouvernement fédéral assiste déjà l'éducation postsecondaire, en particulier afin d'assumer les coûts indirects de la recherche par le biais des trois conseils fédéraux de financement.
Comme vous le savez, à l'heure actuelle, le gouvernement ne couvre que les coûts directs avec les subventions de ces conseils. Il a toujours fait valoir que sa contribution aux coûts directs prenait la forme des transferts FPE. Or, si l'on abolit le volet postsecondaire de ces transferts, comme certains ministres le donnent à entendre aux journalistes de la colline, alors il paraît logique de financer ces frais indirects directement et non plus indirectement.
Dans le contexte du transfert de ces fonds, nous définirions la recherche de façon relativement large, afin d'y englober non seulement les frais indirects, ce qui serait à l'avantage surtout des universités les plus grosses et les plus riches du pays, mais aussi un groupe d'autres programmes de recherche dont je pourrais vous donner le détail plus tard. Nous pensons aussi que certains de ces crédits devraient servir à améliorer les programmes d'aide aux étudiants.
Si le gouvernement fédéral décide que le transfert canadien doit être centré presque exclusivement sur la santé, nous pensons que les fonds qui vont actuellement à l'éducation postsecondaire devraient être canalisés vers ces deux grands domaines - la recherche et l'aide aux étudiants. Le gouvernement fédéral y est déjà présent. Il n'est pas nécessaire de modifier la Constitution pour continuer à faire ces choses et il pourrait les faire mieux, plus directement et de façon plus visible s'il les finançait adéquatement.
Le président: Je vous remercie.
[Français]
Monsieur Guy Caron, s'il vous plaît.
M. Guy Caron (président national, Fédération canadienne des étudiantes et étudiants): Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier chacun des membres du comité de nous donner l'occasion ce soir de discuter de l'enseignement postsecondaire et de la recherche dans le cadre de la consultation prébudgétaire.
La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants est un regroupement de 64 associations étudiantes représentant près de 400 000 étudiants et étudiantes de niveaux collégial et universitaire et ce, dans toutes les provinces.
L'enseignement postsecondaire canadien se retrouve aujourd'hui à la croisée des chemins. On s'interroge de plus en plus, dans les milieux politiques fédéraux, sur la pertinence de maintenir l'appui financier du gouvernement fédéral à l'enseignement postsecondaire.
À nos yeux, cette contribution demeure cruciale pour le maintien d'un système accessible à tous et à toutes. Si vous ne deviez retenir qu'un seul élément de cette présentation, nous aimerions que ce soit celui-là. Les compressions répétées des deux niveaux de gouvernement provoquent présentement le passage d'un système accessible à tous et à toutes à un système qui privilégie les étudiants plus aisés aux dépens des plus démunis, sans égard au mérite et au potentiel.
C'est pour mettre fin à une situation similaire que le gouvernement fédéral a commencé à financer le secteur universitaire après la Seconde Guerre mondiale. Au retour des anciens combattants au pays, le gouvernement a jugé bon de faciliter leur passage à la vie civile et à la société active en finançant leur entrée à l'université.
Des milliers d'anciens combattants ont pu ainsi contribuer positivement à l'essor économique sans précédent qui s'en est suivi. Le gouvernement fédéral aurait très bien pu se retirer de ce secteur dans les années 1950, après la fin des études de ces anciens combattants. Il a préféré suivre les recommandations de la Commission Massey sur le développement des arts, des lettres et des sciences en 1951 et a poursuivi son engagement à accroître l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire.
En 1976, ces objectifs étaient toujours reconnus par le gouvernement fédéral, qui a d'ailleurs signé la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels. Les années 1990 ont vu l'abandon de ces principes avec l'introduction massive de compressions qui ont eu pour conséquence de sous-financer nos institutions universitaires et collégiales et d'empêcher un nombre de plus en plus grand de Canadiens et de Canadiennes de participer à la construction de notre société.
Les provinces, à l'exception du Québec qui a gelé ses frais de scolarité universitaires et qui maintient encore la gratuité de ses collèges, se retirent peu à peu de ce qui devrait être leur compétence.
En Ontario, les mesures annoncées le 29 novembre dernier auront pour effet de diminuer le financement des universités et collèges de 400 millions de dollars, tout en augmentant les frais de scolarité de 20 p. 100, les portant ainsi à plus de 2 800 $ par année.
Cette décision aura comme principale conséquence de diminuer davantage le taux d'inscription aux universités de l'Ontario, qui avait déjà souffert d'une diminution allant jusqu'à 15 p. 100 dans le cas de l'Université Carleton.
Nous avons besoin des deux paliers de gouvernement afin de préserver un système d'enseignement postsecondaire accessible et de qualité. Lorsque les membres de la Fédération contestent ces compressions, ils se font dire que le Canada et les provinces doivent se préparer pour le milieu économique global du XXIe siècle.
En vérité, il s'agit d'une régression plutôt que d'une progression. Il est impossible pour le Canada de se préparer adéquatement au XXIe siècle en réduisant l'accès de ses universités à ceux qui pourraient s'y épanouir et contribuer éventuellement au progrès de la société, mais qui ne pourront le faire faute d'un soutien financier adéquat.
Il faut dès maintenant reconnaître l'enseignement postsecondaire comme un investissement essentiel et majeur pour le Canada, et non pas comme une dépense. En réduisant le financement des universités et des collèges, on ne réduit pas les dépenses du pays. De fait, on réduit l'investissement, et dès cet instant, on réduit également les bénéfices qu'on peut récolter de cet investissement.
Il s'agit d'un simple calcul qui, s'il est mal effectué, compromet l'ensemble de l'équation. Merci.
Le président: Merci, monsieur Caron.
[Traduction]
Derrick Deans, s'il vous plaît.
M. Derrick Deans (Conseil national des étudiants diplômés): Je vous remercie, monsieur le président.
Le Conseil national des étudiants diplômés représente plus de 42 000 étudiants des deuxième et troisième cycles universitaires. De ce fait, le financement de la recherche et du développement au Canada nous intéresse au premier chef.
Les étudiants des cycles supérieurs soit se préparent à devenir chercheurs soit sont déjà étroitement actifs dans la R-D sur les campus universitaires et, de ce fait, très familiers de tout ce qui touche à l'éducation permanente.
En tant qu'étudiants, nous partageons les préoccupations que Guy Caron vient d'exprimer. Nous savons que le gouvernement cherche à rééchelonner ses dépenses dans le but de réduire le déficit national et de stimuler la croissance économique. Tout en sachant que le gouvernement subit des pressions considérables de la part des marchés financiers, nous craignons les effets à court et à long terme d'une politique de laisser-faire en matière de développement socio-économique.
Indépendamment de nos vives craintes de voir réduit l'accès à l'enseignement supérieur et de voir amputer le système éducatif postsecondaire canadien et devant la faible priorité donnée à la création d'emplois, les étudiants des cycles supérieurs sont préoccupés par les effets de ce processus sur l'effort déjà faible du Canada en matière de recherche-développement. En tant que chercheurs et étudiants, nos membres déplorent la faible ampleur des dépenses passées et présentes consacrées par le Canada à la R-D.
Nos dépenses brutes de recherche-développement, en pourcentage de notre produit intérieur brut, sont parmi les plus faibles des pays de l'OCDE. Ces chiffres englobent tant les dépenses publiques de R-D que les dépenses privées.
Alors que l'on sait depuis longtemps que les dépenses privées pour la R-D au Canada sont insuffisantes pour un pays industrialisé, le travail effectué par les conseils de financement fédéraux était largement reconnu.
Cette situation a d'importantes répercussions. Étant donné la nécessité de travailler et de collaborer dans une économie nouvelle mondialisée, il est indispensable que les instituts de recherche-développement bénéficient d'un financement adéquat et prévisible si l'on veut encourager les innovations techniques et sociales.
Une grande préoccupation exprimée par un grand nombre de nos membres et qui est liée étroitement à la différenciation entre le financement public et privé de la R-D, est la tendance croissante à des partenariats entre les entreprises et l'université.
Les étudiants de cycle supérieur craignent que ces partenariats nuisent à la recherche pure menée dans les universités et favorisent la recherche à des fins purement commerciales. C'est particulièrement inquiétant lorsqu'on entend dire que les réductions de financement fédéral pourraient être compensées par une multiplication de ces partenariats.
Le Conseil national des étudiants diplômés estime qu'avant d'aller trop loin dans le sens d'un financement privé des universités publiques, des garde-fous doivent être mis en place ou conservés afin d'assurer que le contrôle de la recherche-développement menée sur nos campus reste indépendant des intérêts commerciaux. Nous pensons que les conseils de financement actuels sont les mieux placés pour le garantir, par le biais de l'évaluation par les pairs d'un vaste éventail de projets de recherche.
Nous considérons que le financement privé d'intérêts privés peut être effectué indépendamment des universités publiques. Si le secteur privé souhaite utiliser les installations de recherche disponibles dans nos établissements postsecondaires, l'accès devrait être contrôlé par quelque entité garante de l'intérêt public, de façon à assurer que la recherche-développement au sens large reste indépendante.
Je vous remercie.
Le président: Merci, Derrick Deans.
Henri Rothschild.
M. Henri Rothschild (président, Association canadienne de la gestion de recherches): Merci, monsieur le président.
Je représente l'Association canadienne de la gestion de recherches, une association professionnelle nationale de cadres supérieurs responsables de la gestion de la recherche, du développement et de l'innovation technologique dans tous les secteurs de l'économie canadienne. L'Association a été fondée en 1962 et compte plus de 200 membres qui, collectivement, sont responsables de plus des deux tiers de la R-D effectuée au Canada.
L'ACGR, traditionnellement, est orientée vers la recherche industrielle. Ainsi, 42 p. 100 de nos membres sont des cadres d'entreprises privées, habituellement les vice-présidents de la R-D. Seize pour cent sont des dirigeants d'organisations de recherche-développement indépendantes et sans but lucratif; 20 p. 100 appartiennent à des entités provinciales et fédérales et 12 p. 100 aux universités. Les 10 p. 100 restants sont des membres émérites et honoraires.
Monsieur le président, nous avons eu le plaisir et l'honneur de participer à l'examen des sciences et de la technologie mené par le gouvernement, dans le but d'aider les ministères à faire un meilleur usage des ressources investies dans la R-D interne.
Nous sommes très heureux de l'occasion de communiquer nos vues à votre comité. Je serai bref, vu les contraintes de temps.
L'ACGR considère qu'il faut à tout le moins préserver la capacité de nos collèges et la capacité de recherche de nos universités. Aux yeux de nos membres, cela est vital pour deux raisons. Premièrement, la recherche universitaire constitue le fondement de l'innovation industrielle. Deuxièmement, elle forme également les chercheurs et gestionnaires de recherche de demain. C'est un élément vital de notre infrastructure nationale.
Sachant que vous êtes probablement d'accord avec ce message général, de même que la plupart de vos membres, la question en devient une de degré. Quels critères doivent régir ces dépenses, comme toutes les autres dépenses? J'aimerais ici faire mien le propos antérieur de Sally Brown. Investissons-nous trop ou pas assez dans ce domaine? Comment peut-on répondre à cette question? La seule façon est de procéder par comparaison: que font nos concurrents?
Sur cette base, notre investissement est insuffisant à tous les égards. Les chiffres sont assez parlants. Ils le sont depuis 20 ou 25 ans, depuis qu'Angus Bruneau s'est penché sur la politique scientifique, et nous savons que c'est la réalité. Nous ne pouvons continuer à accumuler du retard.
Est-ce que notre investissement rapporte ce que nous en attendons? C'est là une autre question qui doit préoccuper le comité. Comment mesurer la valeur que nous retirons de la recherche universitaire? Nous ne pouvons la mesurer qu'avec des indices imprécis de l'efficience du message de la recherche.
La difficulté systémique que nous avons à exploiter commercialement la recherche ne traduit pas une lacune de la recherche universitaire. Le problème consiste à lier la recherche à la capacité d'innovation de l'industrie. Ce qu'il nous faut, c'est de meilleures liaisons, pas moins de ressources. Ce n'est pas le moment de laisser s'éroder le fondement que représente la recherche universitaire.
Enfin, monsieur le président, je veux souligner une chose qui est plutôt évidente, mais qui mérite d'être répétée à ce moment crucial. Il suffit d'un trait de plume pour éliminer une activité ou une capacité de recherche dans notre pays. Mais il faut une génération pour la reconstruire.
Avant de prendre des décisions, nous vous supplions de réfléchir très soigneusement à ce que vous retranchez de la capacité de recherche canadienne. Ce n'est pas en négligeant les facteurs de temps en jeu que l'on assurera une croissance économique accompagnée de création d'emplois.
Je vous remercie de votre attention.
Le président: Je vous remercie, monsieur Rothschild.
Harvey Weiner.
[Français]
M. Harvey Weiner (secrétaire général adjoint, Fédération canadienne des enseignantes et enseignants): Merci, monsieur le président. La Fédération canadienne des enseignantes et enseignants représente plus de 240 000 hommes et femmes enseignant dans les écoles élémentaires et secondaires de chaque province et territoire.
Nous sommes heureux de participer à cette table ronde sur le budget. Dans le Livre rouge du Parti libéral, on promettait une approche qui mettrait en équilibre les actions relatives aux recettes et aux dépenses pour relancer l'économie et juguler le déficit. La FCE accepte la stratégie proposée par les gouvernements qui consiste à ramener le déficit à 3 p. 100 du PIB d'ici l'exercice 1996-1997.
Cependant, nous voyons peu d'indications que le gouvernement a examiné des sources éventuelles de recettes qui pourraient aider à atténuer les compressions visant les programmes et services dont ont besoin les membres moins favorisés de la société canadienne.
[Traduction]
Nous sommes ici aujourd'hui parce que les budgets fédéraux ont des répercussions profondes sur la vie des enfants auxquels nous enseignons et de leurs familles. Nous considérons que le gouvernement fédéral doit revoir et réviser ses politiques fiscales et reconsidérer ses coupures de dépenses sociales.
Il faut examiner la Politique fiscale dans le but de la rendre plus juste et progressive qu'elle ne l'est actuellement.
Le numéro de juin 1994 de la Revue fiscale canadienne publiait une étude approfondie menée récemment par M. Irwin Gillespie, de l'Université Carleton, sur le régime fiscal canadien. Cette étude démontre que tous les Canadiens - riches, pauvres, de classe moyenne, payent entre 30 et35 p. 100 de leur revenu brut sous forme de prélèvements fiscaux d'un type ou d'un autre. À notre avis, cela met en évidence les iniquités criantes de notre régime fiscal actuel.
Il y a quelque chose qui ne va pas dans un régime fiscal où le taux d'imposition moyen réel du 1 p. 100 de ménages les plus riches disposant d'un revenu supérieur à 300 000 $ est de 35 p. 100, et où les ménages les plus pauvres, disposant d'un revenu de 10 000 $ ou moins, payent 30 p. 100.
Nous considérons que les réductions de dépenses sociales, en l'absence d'objectifs et de politiques clairement énoncés dans ces domaines - et ils font défaut - affaiblissent la société canadienne et sa prospérité économique potentielle.
Il faut garantir à tous les Canadiens les soins de santé, l'éducation, la dignité et la sécurité personnelle. Sinon, on limite la capacité de chaque Canadien à participer pleinement à la société, avec pour résultat net d'enrichir les riches et d'appauvrir les pauvres.
Notre fédération considère que le déficit ne doit pas nous empêcher de fixer des objectifs sociaux répondant aux besoins de tous les Canadiens. Ces objectifs peuvent être fixés pour le court terme, le moyen terme et le long terme. Ils peuvent comporter des étapes claires et un plan de mise en oeuvre qui prenne en compte les différentes dimensions: équité, accessibilité, responsabilité et abordabilité.
Si le ministre des Finances peut fixer des objectifs précis de réduction du déficit, pourquoi, demandons-nous, ne peut-il faire de même pour assurer que des ressources adéquates soient réservées à des services sanitaires, éducatifs et sociaux équitables pour tous les Canadiens? Le transfert canadien, dans sa forme actuelle, n'est pas la solution.
Je conclurais en répétant que le Canada doit faire plus pour répondre aux besoins des enfants, en particulier. Au fur et à mesure que davantage de familles canadiennes sombrent en dessous du seuil de pauvreté, ce sont les enfants qui souffrent le plus.
Les propositions de réforme Axworthy, dont on ne parle plus, faisaient une grande place aux besoins des enfants. Ces besoins semblent avoir été oubliés et nous, les enseignants, constatons chaque jour les conséquences dans nos salles de classe.
Les problèmes à résoudre sont nombreux. Nous nous ferons un plaisir de les aborder plus en détail dans la discussion qui suivra.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur Weiner.
[Français]
M. Clément Gauthier (directeur général, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé): Permettez-moi d'abord de vous remercier de permettre à la Coalition pour la recherche biomédicale et en santé de comparaître pour une seconde fois en 15 jours devant vous.
Je voudrais juste mentionner aux membres du comité, avant de passer la parole au représentant du bureau de direction, le fait que le mémoire que nous soumettons aujourd'hui est complémentaire à celui que nous avons soumis sur le système des soins de santé au Canada le 23 novembre dernier.
Notre représentant, aujourd'hui, est le Dr Dennis Fitzpatrick, qui est vice-président de la Coalition.
Le président: Merci, monsieur Gauthier. Docteur Fitzpatrick.
[Traduction]
M. Dennis Fitzpatrick (vice-président, Coalition for Biomedical and Health Research): Nous sommes visiblement représentatifs de la diversité canadienne. Nous avons des représentants du Québec et de l'Ouest assis côte à côte pour traiter de cette question.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître.
Je vais limiter mes propos pour éviter les répétitions. Nous souscrivons pleinement à bon nombre des vues déjà exprimées sur ce qu'il convient de faire à l'avenir. Nous devons nous pencher sur les enjeux de l'éducation et de la compétitivité.
Tous ceux d'entre nous qui travaillent dans le secteur public doivent se débattre avec les perceptions du public. Or, la perception du public aujourd'hui est que nous sortons d'une récession, que les entreprises ont dégraissé et qu'il n'y a pas d'emplois.
La réalité, au contraire, est que l'économie crée des emplois depuis maintenant trois ans. Où sont ces emplois? Les emplois ne touchent pas ceux qui manquent d'instruction. Les emplois créés exigent de plus en plus une instruction et des qualifications solides.
Si l'on y regarde de plus près, la part des emplois détenus par des diplômés du postsecondaire est passée de 41 à 48 p. 100, un changement remarquable en l'espace de quatre ans. Le plus étonnant est que les hommes politiques l'ignorent complètement et que le public n'en a pratiquement pas conscience.
Nous savons que les universités font face à une crise. Les pressions financières au cours des trois prochaines années seront terribles. On nous a déjà annoncé la réduction des paiements de transfert. Les provinces vont devoir décider quels budgets amputer. Qui va trinquer, la santé ou l'éducation?
Nous savons qu'une partie des crédits fédéraux finance l'infrastructure de recherche. Nous aimerions une déclaration de politique claire - accompagnée d'espèces sonnantes et trébuchantes - pour montrer que le gouvernement fédéral est engagé pour longtemps dans la recherche-développement.
Nous savons que c'est important. Astra, l'une des 10 plus grandes compagnies pharmaceutiques du monde, cite l'accès à des installations de recherche de haute qualité et la production par les universités de scientifiques qualifiés comme des facteurs prépondérants si l'on veut attirer des activités de recherche-développement au Canada.
Notre première recommandation est très simple: que les deux paliers de gouvernement concernés se concertent pour identifier l'infrastructure nécessaire à la recherche dans l'environnement universitaire canadien.
Cela nous amène à la création d'emplois. L'investissement dans la création de connaissances nouvelles par la recherche scientifique fondamentale vient au deuxième rang, après la réduction du déficit, dans la liste des mesures prescrites par l'OCDE pour promouvoir la croissance de l'emploi.
La perception du public, jusqu'à présent, est que le ministère des Finances a la haute main sur le gouvernement, et le ministère des Finances privilégie tout naturellement les objectifs financiers.
Je salue l'approche équilibrée énoncée aujourd'hui par M. Martin de la maîtrise des dépenses. L'autre impératif est d'optimiser le potentiel économique du pays et sa productivité, sa capacité de croître, de créer des emplois.
Nous pensons que l'infrastructure de recherche universitaire joue un rôle important à cet égard. Le savoir-faire canadien est reconnu dans le domaine des logiciels informatiques, de la recherche pharmaceutique, des essais cliniques, du projet du génome humain, des communications et des géosciences. Ce n'est pas arrivé par accident. C'est le résultat d'une politique suivie pendant des décennies et qui visait à encourager la meilleure recherche fondamentale.
Ce savoir-faire est le résultat du travail de chercheurs. La recherche universitaire et les trois conseils de subvention - le CRM, le CRSNG et la CRSH - sont les piliers de la croissance économique future et de la préservation de notre système sanitaire.
Notre deuxième recommandation est donc que votre comité réitère ses recommandations antérieures demandant que les conseils de subvention soient privilégiés dans les budgets futurs.
Le président: Avez-vous fini, monsieur Fitzpatrick? Je ne voudrais pas vous interrompre.
M. Fitzpatrick: Je dirais une chose encore, touchant l'emploi, et nous pourrons débattre du reste ensuite.
Le président: Nous le ferons. Nous pourrons mettre la dernière touche plus tard.
M. Fitzpatrick: Je voulais, pour terminer, parler des besoins d'un secteur émergent, l'industrie biotechnologique. J'ai siégé à un comité d'experts de l'industrie qui se penchait sur les besoins en ressources humaines de ce secteur. Il a conclu que nous devons soit préserver la capacité de recherche fondamentale de nos universités soit modifier nos règles d'immigration, car nous devrons faire venir de l'étranger des scientifiques pour occuper ces emplois hautement rémunérés.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fitzpatrick.
John Dinsmore, je vous prie.
M. John Dinsmore (président, Forum entreprises-universités): Je vous remercie, monsieur le président. Le Forum entreprises-universités est un réseau qui permet aux PDG d'entreprise et aux présidents d'université de tout le pays de mieux se comprendre et de discuter de questions de haute importance.
Nous sommes heureux de cette occasion d'intervenir au Comité permanent des finances au sujet du prochain budget fédéral et des graves dilemmes que pose la nécessaire réduction de la dette et du déficit.
Le Forum considère que, quelles que soient les décisions que vous prendrez, elles devront favoriser la création de richesse et d'emplois. D'ailleurs, le ministre des Finances a confirmé cette priorité dans la déclaration qui a été faite ici.
L'économie, aujourd'hui, est façonnée par l'évolution technologique et le marché mondial. L'accumulation de connaissances et l'innovation sont les ingrédients indispensables de la survie et de la réussite. Ceux que l'on appelle les «travailleurs intellectuels» sont les moteurs de la croissance économique. Les travailleurs intellectuels fondent de nouvelles entreprises, créent des emplois et conquièrent des débouchés à l'exportation.
Les universités sont des partenaires clés dans cette économie fondée sur le savoir. Elles découvrent, interprètent et transmettent les connaissances par le biais de la recherche-développement, de réseaux qui les mettent en communication avec d'autres experts dans le monde entier, de l'enseignement et de la publication des résultats des recherches.
Pendant plus de 50 ans, la politique gouvernementale a promu l'éducation supérieure au Canada et contribué ainsi à une main-d'oeuvre hautement qualifiée. On assiste aujourd'hui à une évolution, qui ne peut que s'accélérer, de la manière dont l'éducation supérieure est dispensée. Mais des coupures unilatérales dans le financement public de l'éducation entameront cette ressource précieuse au moment où elle est la plus nécessaire, à moins que des programmes efficaces ne soient mis en oeuvre pour contrer ces effets.
Ces programmes devraient assurer en premier lieu que tous les étudiants qualifiés aient accès à l'enseignement supérieur, quelle que soit leur situation financière.
Deuxièmement, ils devraient stimuler l'épargne tout au long de la vie de chaque étudiant pour contribuer à défrayer les coûts éducatifs, chose que nous avons négligée dans notre pays au cours des 30 dernières années.
Troisièmement, ils devraient améliorer la productivité de l'enseignement supérieur en équipant les étudiants à mieux planifier et gérer leurs études.
Quatrièmement, sous réserve de garde-fous appropriés, ils devraient préserver l'intégrité des institutions académiques et maintenir, et de préférence intensifier, la collaboration universités-entreprises et la recherche conjointe, comme l'un de nos collègues l'a déjà préconisé tout à l'heure.
Du fait que ces mesures favorisent la prospérité et l'emploi, les ressources requises pour les mettre en oeuvre devraient être prélevées, si nécessaire, dans d'autres programmes.
Les questions mises en jeu par la modification du financement fédéral de l'éducation supérieure sont beaucoup trop importantes pour être expédiées en quelques minutes à la veille d'un budget fédéral. Nous invitons le Comité permanent des finances à ouvrir un dialogue permanent sur ces questions avec le Forum et d'autres organisations non gouvernementales intéressées.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur Dinsmore. Je suis sûr que nous aurons de plus amples détails à vous demander tout à l'heure.
Monsieur Horan.
[Français]
M. James Horan (vice-président et président élu, Association canadienne des troubles d'apprentissage): Monsieur le président, membres du comité, merci beaucoup pour cette invitation.
[Traduction]
Cela fait plus de 10 ans que je travaille bénévolement au sein de l'Association canadienne des troubles d'apprentissage, avec des milliers d'autres Canadiens de tout le pays. Notre mission est de promouvoir l'éducation, l'emploi, le développement social, les droits juridiques et le bien-être général des personnes atteintes de troubles d'apprentissage.
Savez-vous que l'on estime à trois millions le nombre des personnes éprouvant des difficultés d'apprentissage? On définit comme souffrant de troubles d'apprentissage les enfants et les adultes d'intelligence moyenne ou supérieure qui éprouvent de la difficulté à lire, à écrire, à orthographier, à compter, à se concentrer et à s'acquitter d'autres tâches particulières ou sociales.
L'Association canadienne des troubles d'apprentissage est bien placée pour savoir que le soutien et les services offerts à ces personnes comportent des lacunes. Les conséquences directes qui en résultent, telles que la perte d'estime de soi, l'échec scolaire et l'échec professionnel, les pénalisent nettement sur les plans social et économique.
L'Association canadienne des troubles d'apprentissage reconnaît que le gouvernement est confronté à des décisions très difficiles. Mais elle considère aussi que le gouvernement fédéral doit veiller à ce que tous les Canadiens aient accès à l'instruction. Nul enfant, nul adolescent, nul adulte ne doit être privé de l'éducation et de la formation qui sont requises dans notre pays pour subvenir à ses besoins et vivre de manière indépendante.
Le gouvernement doit frayer la voie en arrêtant des priorités, en fixant des normes minimales d'alphabétisme et de connaissances mathématiques, en faisant ressortir la nécessité de programmes d'intervention précoce, en ouvrant des perspectives nouvelles aux jeunes à risque, en explorant des façons de partager les services et en offrant des incitations à ceux qui se montrent suffisamment créatifs pour réduire les coûts tout en améliorant la qualité du service.
Le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du Secrétariat national à l'alphabétisation, a fait un investissement judicieux dans notre association. Le fonds met l'alphabétisation à la portée de tous. Avec ses partenaires dans tout le pays, l'Association des troubles d'apprentissage a élaboré des méthodes de dépistage et des stratégies pédagogiques pour les programmes d'alphabétisation. Les outils pédagogiques ont été conçus de façon à aider les adultes éprouvant des troubles d'apprentissage à améliorer leurs capacités de lecture et d'écriture. Votre investissement, l'investissement que vous avez fait en tant que gouvernement, continue à produire des dividendes.
Savez-vous que les enseignants d'alphabétisation de tout le pays continuent à utiliser ce manuel? Notre bureau national remplit des commandes chaque jour provenant des centres d'alphabétisation et d'éducation des adultes. Grâce à cette initiative, les adultes ayant des troubles d'apprentissage, qui étaient jadis exclus du monde de l'écrit, connaissent aujourd'hui la joie de pouvoir lire un journal, de partager un livre avec un jeune, de remplir une demande d'emploi et de mener leurs affaires quotidiennes sans crainte et sans rougir.
Il n'y a pas de plus grand don qu'un pays puisse faire que d'offrir à tous ses membres une chance égale d'apprendre et de se réaliser.
Oui, les investissements qui ont été faits sont une priorité pour l'avenir, car le travail de l'Association des troubles d'apprentissage et d'autres organismes n'est pas achevé. Savez-vous que 16 p. 100 de notre population ont toujours du mal à lire? La croissance économique ou la réussite dans le village global du XXIe siècle exigeront que les besoins éducatifs de tous les Canadiens soient satisfaits dès le plus jeune âge.
Je ne vais pas m'y attarder, mais vous avez récemment, par le biais de Santé Canada, contribué à un soutien pour les familles et les enfants exposés au risque de troubles d'apprentissage. Nous avons mis sur pied un merveilleux programme qui sera réalisé dans tout le pays, deux programmes réellement viables que nous avons élaborés en collaboration avec le gouvernement.
Grâce à nos bénévoles et au dévouement de notre personnel, chaque dollar de crédits fédéraux voit sa valeur multipliée. Nous nous tournons vers le gouvernement fédéral, car votre aide nous aide à limiter les coûts de santé.
Votre aide contribue à prévenir la criminalité des jeunes. Savez-vous que près de 75 p. 100 des jeunes contrevenants souffrent de troubles d'apprentissage? Votre aide contribue à prévenir le chômage et l'éclatement des familles. Votre aide prépare les gains de productivité du XXIe siècle.
Mais supposons que vous ne puissiez plus le faire, que vous ne disposiez pas des fonds nécessaires. Je voudrais offrir deux solutions tangibles. Premièrement, égalisez le terrain de jeu. Comment? Mettez les organisations caritatives et les partis politiques fédéraux sur un pied d'égalité fiscal. Deuxièmement, augmentez simplement l'incitation des entreprises à investir dans des organisations populaires comme la nôtre.
Continuons à oeuvrer de concert pour un pays réellement sain et prospère.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, James Horan.
Chad Gaffield, je vous prie.
M. Chad Gaffield (vice-président, Politique scientifique et recherches, Fédération canadienne des sciences sociales et Fédération canadienne des études humaines): Merci beaucoup. Je suis professeur d'histoire et vice-doyen des études de deuxième et troisième cycles à l'Université d'Ottawa. Je représente ici 23 000 chercheurs universitaires de tout le pays.
Nous avons comparu l'année dernière au Comité des finances. Nous y avons mis en garde contre d'éventuelles réductions des crédits des conseils de financement, notamment du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
Le Comité des finances a recommandé de ne pas couper, mais que s'est-il passé? Il y a eu des coupures. Lorsqu'on y réfléchit, on voit bien que la valeur de la recherche est sous-estimée, et en particulier celle de la recherche en sciences humaines. Comment cela se fait-il?
L'une des raisons, me semble-t-il, est que l'on considère parfois que nos problèmes sont de nature économique ou technique. Je pense, au contraire que nous avons certes des problèmes économiques et techniques, mais que les véritables défis auxquels nous sommes confrontés sont de nature sociale et culturelle.
Les journaux, chaque matin, sont remplis de faits divers qui trahissent des problèmes sociaux et culturels: violence dans les centres urbains, mauvais traitements infligés aux enfants, problèmes d'identité personnelle et ethnique, impact social des technologies nouvelles, etc. La liste est interminable. Il me semble que ce sont là précisément les questions de nature sociale et culturelle sur lesquelles se penchent les sciences humaines. Elles le font de manière novatrice qui n'est pas toujours très bien comprise.
Les universités sont l'une des rares institutions dont l'histoire remonte jusqu'au moyen-âge. Ce n'est pas par hasard: les universités n'ont cessé d'innover, de changer et de s'adapter, avec une longueur d'avance, aux besoins sociaux et économiques.
L'un de nos messages aujourd'hui est qu'il faut savoir défendre les sciences humaines. Lorsque nous regardons notre société et calculons combien d'argent est disponible pour ceci et combien pour cela, à la base il s'agit souvent de problèmes sociaux et culturels pour la solution desquels le soutien à des organismes tels que le Conseil de recherches en sciences humaines est essentiel.
L'autre message contenu dans le document que nous vous avons remis intéresse le rôle d'impulsion essentiel que le gouvernement fédéral doit jouer dans l'infrastructure de la recherche et dans le financement des sciences humaines.
Bon nombre de ces problèmes et difficultés dont j'ai fait état ne sont pas propres à une province ou région en particulier. Ce sont des questions d'envergure nationale. Si nous voulons jamais avoir un pays sain, prospère et sage, comme celui qu'évoque le titre du rapport du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie, il nous semble que le gouvernement fédéral doit être l'initiateur de l'action.
Pour conclure, j'aimerais proposer un certain nombre de recommandations précises que votre comité pourrait faire dans le cadre de ces consultations prébudgétaires.
Premièrement, nous avons désespérément besoin d'une politique des sciences et de la technologie. Les sciences humaines ont participé de près au processus d'examen à cet égard, mais nous en attendons toujours les résultats. Il nous semble que le temps presse. Cette politique doit fixer au Canada des objectifs sociaux et culturels.
Deuxièmement, il faut expliquer encore plus vigoureusement le caractère indispensable du financement du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Il nous semble que ce petit poste budgétaire, de moins de 100 millions de dollars, permet de réaliser un travail remarquable, tout en sachant qu'il y a des limites à ce que l'on peut faire avec les faibles montants qui sont alloués à l'heure actuelle.
Troisièmement, le gouvernement doit prendre au sérieux les recommandations du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie. Par exemple, il y a l'idée de réserver à la recherche un certain pourcentage des programmes de santé et de services sociaux. Il nous paraît évident que si l'on réservait 1 p. 100 de ces budgets à la recherche, on parviendrait à une meilleure maîtrise de ces problèmes.
Enfin, il y a des initiatives précises, telles que celles touchant le jour de libération, qui paraissent éminemment rationnelles et qui aideraient tous les chercheurs du Canada. Il convient de les mettre en oeuvre très rapidement et nous aurons peut-être l'occasion d'en parler dans le courant de la soirée. Merci beaucoup.
Le président: Oui, certainement. Je vous remercie, monsieur Gaffield.
Enfin, la dernière intervenante, Marie Pierce.
Mme Marie Pierce (directrice exécutive, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Je vous remercie. L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, qui représente plus de 500 conseils et commissions scolaires de tout le pays, tient à remercier le comité de son invitation à participer à cette table ronde.
Bien que l'éducation élémentaire et secondaire soit du ressort des provinces, les décisions prises au niveau fédéral ont des répercussions directes sur la prestation et la qualité des services éducatifs au niveau local. En particulier, les décisions touchant les paiements de transfert au titre du transfert canadien en matière de santé et de services sociaux retentiront sur les programmes administrés par les conseils scolaires destinés aux enfants, adolescents et adultes.
La réduction des paiements de transfert contraindra les provinces à opérer des ajustements pour compenser le manque à gagner. L'éventail des options comprend l'introduction de redevances d'usagers, la redéfinition des critères d'admissibilité aux prestations sociales et sanitaires, la majoration des droits d'inscription dans les universités, la suppression de programmes existants et la majoration des impôts.
Par ailleurs, des ressources pourraient être prélevées dans le secteur de l'éducation élémentaire et secondaire pour réduire l'impact des coupures dans d'autres domaines. Il pourrait en résulter un bouleversement des programmes d'enseignement au niveau élémentaire et secondaire. Les conseils scolaires craignent également que les réductions de programmes sociaux n'accroissent le taux de pauvreté chez les enfants et contribuent à l'abus de substances, à la délinquance juvénile et à d'autres facteurs qui nuisent à la capacité d'apprentissage des enfants.
Ces dernières années, les conseils scolaires ont été contraints d'instaurer des programmes pour s'attaquer à des problèmes qui ne relèvent normalement pas de leur mission - des programmes comme servir des petits-déjeuners aux enfants, des programmes de counseling, des programmes pour les enfants souffrant des séquelles de la pauvreté.
Nous exhortons le gouvernement fédéral à négocier immédiatement avec les provinces les principes et objectifs communs qui régiront les paiements de transfert au titre du transfert canadien en matière de santé et de services sociaux. Ces principes devront être tels que les besoins fondamentaux soient satisfaits et mettre l'accent sur l'adéquation, l'uniformité, l'égalité, l'accessibilité et la transférabilité.
Il ne fait nul doute qu'il y a un lien entre des prestations sociales adéquates et la prospérité économique. Nous avons conscience des contraintes financières. Les conseils scolaires sont sans cesse contraints de trouver des solutions novatrices pour s'en sortir avec moins de ressources. Cependant, lorsque nous sommes confrontés à ces réalités, lorsque le gouvernement fédéral est confronté à ces réalités, nous l'exhortons à arbitrer judicieusement entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, madame Pierce.
[Français]
Nous allons commencer la période de questions. Monsieur Brien, s'il vous plaît.
M. Brien (Témiscamingue): J'ai entendu beaucoup de gens parler de l'enseignement, particulièrement de l'enseignement postsecondaire, et tous ont défendu leur point de vue. Comme vous le savez, notre mandat est de faire des recommandations.
Je comprends très bien quand vous nous dites que votre secteur est important, qu'il est un investissement et non pas une dépense. Cela étant dit, que faisons-nous?
Nous avons un déficit de 32 milliards de dollars cette année, déficit qu'il faut réduire graduellement et aspirer à éliminer un jour. Si nous ne touchons pas à l'argent normalement consacré à l'enseignement postsecondaire, où pouvons-nous trouver les fonds dont nous avons besoin? Il faut que vous nous suggériez des solutions de remplacement. Nous ne pouvons dire au ministre des Finances de ne toucher à rien et de laisser les choses aller.
Vous avez sûrement des suggestions à nous faire, même si vous représentez des intérêts particuliers à certains secteurs.
Ma prochaine question s'adresse à la Fédération canadienne des étudiantes et étudiants. Quand notre comité est allé dans l'Ouest canadien, une idée a souvent été soulevée au cours de nos réunions, et c'est celle des normes nationales en matière d'éducation. J'aimerais connaître votre position à cet égard et j'aimerais aussi savoir si les associations étudiantes collégiales et universitaires du Québec appuient cette idée de normes nationales en matière d'éducation.
M. Savage: Quand on parle de normes nationales, il faut faire attention, car très souvent, ce concept nous réfère à un système unique, à un système normalisé partout au Canada.
La Fédération canadienne est en faveur d'une norme nationale, mais pas sous cet angle-là. Elle est en faveur d'un système de normes nationales qui assurerait une transférabilité des crédits, une mobilité entre les provinces, un accès à un enseignement postsecondaire de qualité - un peu comme la Loi sur la santé permet à chaque résident, peu importe sa province d'origine, d'avoir accès à des services de santé de qualité - et un système d'aide financière qui soutienne les étudiants et les étudiantes qui n'ont pas les moyens d'aller à l'université.
C'est la façon dont on voit un système de normes nationales. Présentement, ce qui existe au Canada, ce sont des systèmes provinciaux relativement similaires à l'exception de celui du Québec qui est très particulier.
Ce qu'on veut, c'est qu'on permette à chaque étudiant et étudiante d'étudier dans un système qui soit compatible de province en province. Compatible ne veut pas dire identique. Le Canada devrait se doter d'un ensemble de règles permettant à chaque étudiant et étudiante d'avoir accès à l'université.
M. Brien: Le problème qui se pose immédiatement quand on parle de normes nationales, c'est celui du Québec, à cause de sa structure de cégeps, entre autres.
Comment peut-on arriver à implanter des normes nationales qui rejoindraient vos préoccupations quand il existe un système d'enseignement postsecondaire qui présente une différence majeure comme celui des cégeps?
Pensez-vous que ce soit faisable? Est-ce que les associations étudiantes du Québec - parce que vous avez dit représenter des étudiants des 10 provinces - sont d'accord sur votre position sur les normes nationales?
M. Caron: Nous en avons discuté un peu avec les associations du Québec, comme la FEUQ, la FEEQ et le MDE, mais nous n'en sommes pas encore arrivés à une position commune. Nous n'en sommes qu'aux discussions préliminaires. Pour ce qui est de la Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants, elle a adopté cette position sur les normes nationales il y a un certain temps déjà, bien qu'elle n'en ait jamais vraiment fait la promotion auparavant.
Le système des cégeps est très particulier. Je viens moi-même d'un cégep à Rimouski et je comprends parfaitement que les cégeps sont différents des autres collèges ailleurs au Canada. Cependant, cela n'empêche pas la transférabilité des crédits entre les cégeps et les collèges et universités du reste du Canada.
La moitié des crédits que j'ai faits au cégep m'ont permis de gagner une année à l'Université d'Ottawa. Alors, je pense que la transférabilité des crédits et la mobilité des étudiants sont possibles tout en respectant l'unicité du système des cégeps au Québec.
Quant aux collèges, s'il faut qu'il y ait une normalisation, nous aimerions que le reste du Canada prenne exemple du Québec pour l'accès garanti aux étudiants qui désirent poursuivre des études collégiales.
M. Brien: Il y a quelqu'un qui voulait répondre, tout à l'heure.
Le président: Monsieur Rothschild.
M. Rothschild: Je voudrais dire un mot sur la question des solutions de remplacement à laquelle vous avez fait référence précédemment. Si vous me le permettez, je voudrais vous relancer la balle en parlant principalement de la recherche.
Le déficit dont vous avez parlé est dû à deux facteurs: les dépenses et les revenus.
Il faut mettre l'accent sur les deux. Avez-vous une solution de rechange autre qu'une croissance économique basée sur une industrie innovatrice, basée elle-même sur une recherche solide? Est-ce qu'on peut citer des pays, à l'échelle mondiale, qui ont réalisé une croissance économique en coupant leur recherche de base? Moi, je n'en connais pas.
M. Brien: C'est facile de comparer la situation idéale et la situation actuelle, mais il y a un passage entre les deux. Il faut passer par un effort financier considérable: 32 milliards de dollars. C'est beaucoup! Cela représente 20 p. 100 du budget, incluant les dépenses et les intérêts.
Ce n'est pas vrai qu'on y arrivera facilement et ce n'est pas vrai non plus qu'on ne touchera pas à des secteurs clés, des secteurs essentiels. Tout le monde devra contribuer. Tous les secteurs devront contribuer. Mais ma réflexion va plus loin. Est-ce que plus d'argent signifie nécessairement une meilleure qualité?
On dépense beaucoup pour l'éducation et la santé au Canada. Est-ce qu'il faut injecter plus d'argent dans le système pour qu'il soit plus efficace? Est-il possible de l'améliorer sans pour autant y consacrer plus d'argent? Ne devrait-on pas établir un ordre de priorités, même dans le domaine de la recherche?
M. Rothschild: Absolument. Si vous travaillez, par exemple, dans l'industrie pharmaceutique, vous savez très bien qu'il vous faut être efficace. Mais si vous réduisez vos dépenses de recherche en fonction de vos ventes en bas d'un seuil critique, moins de 5 p. 100 par exemple, vous n'êtes plus dans le jeu.
Dans le secteur des logiciels, si vous réduisez vos dépenses de recherche à moins de 12 p. 100, vous n'êtes plus dans le jeu non plus. Il en va de même pour le système économique. J'en comprends très bien les problèmes cruciaux, mais dans un sens, est-ce que vous n'allez pas créer des problèmes plus graves si vous vous privez de la capacité de faire face aux deux facteurs du déficit que sont les dépenses et les revenus?
M. Brien: Je conviens qu'il importe d'examiner les deux côtés. Une croissance économique résultant d'une amélioration de certaines dépenses fiscales, etc., peut effectivement engendrer une progression des revenus. Mais le problème des dépenses n'en demeure pas moins entier.
Je suis membre de l'Opposition. Je n'ai pas envie de défendre le gouvernement éternellement, mais je m'attends néanmoins à ce que les groupes qui comparaissent devant le comité nous disent dans quels secteurs il est possible d'économiser de l'argent.
Nous, du comité, devons arriver à formuler les recommandations les plus précises possibles. C'est le message que je veux vous transmettre. Vous nous dites qu'il faut regarder du côté des revenus, qu'il faut générer de la croissance. Mais comment? Vous nous avez fait valoir très clairement que l'éducation et la recherche étaient des secteurs importants. Cela étant, sommes-nous plus avancés pour régler le problème qu'il nous faut régler?
Le président: Qui veut répondre à cela?
Monsieur Gauthier.
M. Gauthier: Dans le domaine de la recherche en santé, on a des exemples concrets qui illustrent le bien-fondé de l'investissement dans la recherche évaluative de thérapies utilisées. Des chercheurs de l'institut Robarts de London, en Ontario, en collaboration avec des chercheurs mondiaux, ont démontré que l'intervention chirurgicale appelée en anglais carotid artery bypass, le détournement de l'artère carotide, n'était pas utile et qu'on devait cesser de la pratiquer. L'abandon de cette intervention chirurgicale a permis de générer une économie de 20 millions de dollars au Canada, mais il a tout de même fallu faire une étude pour démontrer qu'elle n'était pas utile.
Il y a beaucoup d'autres recherches dites évaluatives qu'on pourrait faire et qu'on devrait faire. Par opposition à ce qui se fait dans l'industrie, le système de santé canadien n'investit aucune proportion de son coût total en recherche sur son propre avenir. C'est ce qu'on dit dans notre mémoire.
La recommandation du comité consultatif est d'investir 1 p. 100 des coûts totaux des soins de santé payés par le gouvernement fédéral dans ce type de recherche. Au Royaume-Uni, on investit1,5 p. 100 dans ce type de recherche et ça donne des retombées économiques. Dans le milieu de la recherche biomédicale et en santé, nous croyons que si la recommandation du conseil consultatif était mise en application, on générerait, après cinq ans, sept milliards de dollars d'épargne par année dans le système de santé canadien dont bénéficieraient autant les provinces que les systèmes privés et le gouvernement fédéral. Nous croyons en cet objectif.
Si on trouve neuf autres projets de ce type, je crois qu'on sera dans la bonne voie pour réduire la dette nationale et pas uniquement le déficit.
M. Brien: J'ai une autre question. Il faudrait un investissement initial de combien?
M. Gauthier: L'investissement initial dépend de la dimension du projet. Ici, le 1 p. 100 correspond à peu près à 160 millions de dollars. Le conseil consultatif a parlé de 100 à 200 millions de dollars. C'est 1 p. 100 des dépenses fédérales dans le système des soins de santé, considérant que ce système coûte 72 milliards par année. Cela inclut les coûts des provinces et des systèmes privés également.
Je voudrais apporter un complément à ma réponse et vous dire pourquoi le secteur de la recherche doit absolument être épargné. Le déficit n'est pas le seul problème. Le ministre des Finances l'a souligné dans son énoncé. Nous devons nous attaquer de plein front au problème du chômage structurel qui est maintenant de 7 à 10 p. 100 au Canada. Nous devons nous y attaquer en même temps qu'il faut s'attaquer au problème du déficit.
De plus, la compétitivité du Canada est tombée de la 4e position à la 14e position parmi les pays de l'OCDE au cours des six dernières années. C'est assez. On est en train de s'engouffrer littéralement.
Le document L'étude de l'OCDE sur l'emploi: faits, analyse, stratégies, publié en 1994, qui porte sur 45 années d'études de l'évolution de l'emploi dans les pays de l'OCDE, recommande, immédiatement après les mesures macroéconomiques comme les réductions de déficit, l'investissement en recherche scientifique fondamentale. L'OCDE fait d'autres recommandations pour aider les pays à se remettre sur pied, mais cette recommandation vient en deuxième. Elle dit aussi que le chômage structurel chronique est apparu bien avant que les pays commencent à accumuler les dettes énormes qu'ils connaissent actuellement. C'est un problème et la façon de s'attaquer à la racine du problème, c'est de favoriser une économie plus innovatrice, plus compétitive. Toujours selon l'étude de l'OCDE, cela se fait par le biais des sciences et de la technologie, par l'éducation et la formation.
Le président: Monsieur Brien, il y plusieurs autres personnes qui aimeraient répondre à votre question. Ça va?
M. Brien: Pas de problème. C'est ce que je veux.
Le président: Sally Brown, s'il vous plaît.
[Traduction]
Mme Brown: J'aimerais répondre, car je pense que nous disons à peu près tous la même chose. Ce n'est pas en contradiction avec ce que dit le ministre Martin, simplement nous ne voyons pas venir de mesures concrètes qui soient en rapport avec ses propos.
Le Livre rouge, le Livre violet et le Livre orange aboutissent tous à la conclusion que la solution de ce problème ne réside pas dans les coupures. Ce qu'il faut, c'est une croissance économique. Nous n'avons pas seulement un problème de déficit, nous avons un problème d'emploi.
Toutes les recherches, même celles auxquelles le ministère des Finances accorde foi, mettent en évidence la chaîne de causalité suivante: les emplois proviennent de la croissance, la croissance provient de la productivité et la productivité provient de façons de travailler plus intelligentes. Comment travailler plus intelligemment? On travaille plus intelligemment si nous faisons davantage de recherche et investissons dans notre capital humain. Nous savons que c'est vrai. Ce que nous sommes nombreux à dire ici c'est que, si cette vérité semble admise - à Industrie Canada, au ministère des Finances - par tous les spécialistes, les choix que le gouvernement fédéral opère dans bien des domaines vont dans le sens contraire.
Nous disons donc que, si c'est la vérité - si c'est de là que viendra la croissance et si c'est par ce biais que nous sortirons de l'impasse plutôt qu'en coupant dans les programmes - il faut faire preuve d'une plus grande cohérence. Il suffit de regarder de petits programmes comme le programme d'infrastructure pour être amené à se demander pourquoi l'on n'a pas investi dans tout ce qui aide l'économie à innover au lieu d'avoir utilisé cet argent pour construire des routes et des patinoires.
Le moment est venu de dire que si nous n'avons plus que X dollars à dépenser, et rien de plus, alors il faut investir de façon cohérente dans ce qui va nous permettre de sortir de la crise. Voilà en gros notre propos.
Le président: Monsieur Gaffield, s'il vous plaît.
M. Gaffield: Lorsque vous demandez où couper, de toute évidence nous allons tous essayer d'éviter que ce soit chez nous. Notre rôle ici est de vous convaincre de ne pas le faire dans nos secteurs respectifs. Ce serait très mauvais pour nous que de faire autre chose...
Le président: Sauf votre respect, c'est totalement idiot. Vous abdiquez votre responsabilité en tant que dirigeants éclairés de notre pays. C'est vous qui prétendez être l'exemple pour nos jeunes et vous refusez de participer au débat pour décider de ce que doivent être les priorités? Vous êtes là uniquement pour défendre vos propres intérêts?
M. Gaffield: Puis-je terminer, s'il vous plaît?
Le président: Voulez-vous me laisser finir de parler?
M. Gaffield: D'accord.
Le président: Je pense qu'il est très légitime de demander aux responsables de l'éducation si nous avons un problème de déficit et comment le régler. Ce serait merveilleux si vous acceptiez... Une personne - une seule - a proposé d'augmenter l'impôt sur le revenu des riches. C'étaitM. Weiner.
Si vous dites qu'il ne vous incombe pas de nous aider à prendre des décisions, je vous rétorque que vous abdiquez votre responsabilité de participer à l'un des débats les plus importants et les plus difficiles que l'on puisse imaginer. Vous dites que ce n'est pas votre problème, que nous n'avons qu'à le régler pour vous.
M. Gaffield: Puis-je terminer? C'est exactement ce que j'allais faire. J'allais juxtaposer ce qu'a dit Sally Brown avec ce que nous avons lu aujourd'hui dans le Ottawa Citizen: «La Banque royale déclare un profit record de 1,26 milliard de dollars». «Le plus gros profit de l'histoire bancaire canadienne». «Les six grandes banques canadiennes battent un nouveau record cette année, avec des profits collectifs de 5 milliards de dollars en 1995, comparé à 4,3 milliards de dollars l'an dernier».
Je pourrais continuer dans cette veine. Je ne suis pas un expert des banques et je n'ai pas fait de recherches sur le sujet, mais il me semble que quelque chose ne va pas dans la façon dont nous découpons le gâteau lorsqu'il est possible de juxtaposer des articles de presse parlant de la violence, de l'enfance maltraitée et de tous les nombreux maux sociaux et culturels avec des articles faisant état de profits records de cinq milliards de dollars chez un petit nombre de banques canadiennes.
Le président: Bien. Faisons payer les banques. Je comprends.
M. Savage voudrait intervenir, puis M. Bruneau.
M. Savage: Plusieurs choses. Comme M. Rothschild, j'aimerais confier une tâche au comité. Il me semble que le gouvernement fédéral a procédé à un examen de ses programmes, sous la houlette de M. Massé, et qu'il est sur le point de lancer, ou se trouve au milieu, d'une deuxième phase d'examen.
Pour ce qui est de la question de savoir combien investir dans la recherche-développement et ce genre de chose, il me semble qu'il faudrait commencer par se demander, et que le gouvernement devrait commencer par se demander quels ont été les effets des coupures de la phase un sur la capacité de recherche-développement et la capacité scientifique
Je fais partie d'une coalition qui rencontré divers membres du gouvernement au cours du mois dernier. Nous avons posé cette question précise. Nul ne semble pouvoir y répondre. Je ne vois pas comment on peut s'engager dans une deuxième phase de coupures sans connaître cette réponse et compter que les décisions qui seront prises seront rationnelles du point de vue de la capacité scientifique de notre pays.
J'invite donc instamment le Comité des finances à réclamer aux ministres Manley et Gerrard un rapport sur les conséquences des coupures budgétaires de la phase un. Nous pourrons peut-être alors prendre des décisions intelligentes, sur la base de ce qui a déjà été fait.
Tout ce que nous avons pour le moment, ce sont des données anecdotiques. N'importe qui peut venir vous voir et dire que telle coupure a été faite et qu'il en a résulté telle conséquence horrible, mais il n'existe aucun tableau d'ensemble de ce qu'il est advenu de la capacité scientifique du gouvernement fédéral. Il me semble que ce serait utile comme point de départ de la discussion actuelle.
Le président: Je vous remercie.
M. Savage: J'allais répondre également au sujet de la fiscalité.
Il nous semblait, à l'Association des universités et collèges du Canada, que lorsque le ministère des Finances a publié son rapport sur les dépenses fiscales, l'année dernière, il voulait ouvrir un débat à ce sujet. Nous avons fait remarquer à l'époque, et nous le répétons, que le coût total des trois conseils fédéraux de subventions est légèrement inférieur au montant total des recettes que le ministère des Finances estime perdre suite à la non-imposition des gains des jeux du hasard. Cela met en évidence aussi, bien entendu, combien sont faibles les crédits octroyés aux trois conseils de recherches fédéraux.
On a aussi beaucoup parlé de la nécessité de faire en sorte que l'une de ces dépenses fiscales, à savoir le crédit d'impôt pour la recherche scientifique, que nous considérons comme une bonne chose, soit réellement dépensé pour la science et pas pour autres choses. Il y a un an, nous-mêmes et d'autres ont demandé s'il était bien légitime que les banques puissent se prévaloir autant qu'elles l'ont fait l'année dernière de ce crédit d'impôt.
On nous dit que le gouvernement étudie cette question depuis l'année dernière. Lorsque nous demandons les résultats de cette étude, on nous répond qu'elle n'est pas terminée.
Le président: Je vais vous dire ce que je vais faire - avec votre permission. Je vais passer aux questions des autres députés. Vous aurez tous la possibilité de parler autant que vous voulez.
Monsieur Weiner, vous levez les bras en signe de protestation. S'il vous plaît...
M. Weiner: Oui. Cela fait longtemps que je demande la parole et six autres l'ont eue depuis et...
Le président: Monsieur Weiner, je vais vous la donner.
M. Weiner: Je vous remercie.
Le président: C'est juste que tout le monde veut intervenir et j'ai trois autres personnes qui réclament la parole et je ne l'ai toujours pas donnée aux autres députés pour qu'ils puissent poser leurs questions. Je peux vous garantir... Je vais faire une exception dans votre cas, monsieur Weiner.
M. Weiner: Je vous remercie. J'essaierai d'être bref.
S'il y a des gaspillages, il faut y mettre fin. S'il y a des programmes qui ne servent à rien, il faut les supprimer ou les modifier. Mais s'il y a des besoins qui restent insatisfaits, alors nous disons que le gouvernement doit fixer des objectifs et des principes. Il faudrait fixer des objectifs en fonction des moyens.
Nous savons bien que l'on ne peut tout faire à la fois, mais en ce moment on coupe tout et n'importe quoi. On est obnubilé par le déficit et l'on ne songe qu'à couper. On néglige le côté recettes.
Je ne dis pas qu'il faut imposer les riches, car les riches sont assis autour de cette table. Lorsque je parle des riches, je parle de la classe moyenne et au-dessus. Si l'on regarde de près certaines études qui ont été faites, on constate que les ménages ayant des revenus de 42 000 $ à 300 000 $ paient pratiquement le même taux d'impôt.
Ce que nous disons c'est que l'on a engendré un mythe dans notre pays voulant que nous soyons si lourdement imposés que nul n'accepterait de payer un sou de plus. Mais je pense que si le gouvernement fédéral donnait l'exemple en coupant ou modifiant les programmes qui ne donnent pas de bons résultats et démontrait que certains besoins impérieux restent insatisfaits, les gens seraient prêts à payer pour certains des services dont nous parlons. Ils seraient prêts à payer plus de taxe de vente. Ils seraient prêts à payer plus d'impôt sur le revenu.
Le président: Nous comprenons cette théorie. Pourriez-vous nous dire quels programmes nous devrions couper? Nous savons que nous voulons supprimer les programmes inutiles ou ceux qui ne donnent pas de bons résultats. Lesquels sont-ils?
M. Weiner: Je ne sais pas.
Le président: D'accord, bien. Nous trouverons...
M. Weiner: Je ne sais pas quels sont ces programmes.
Le président: Mais vous affirmez...
M. Weiner: Mais nous disons que vous ne cherchez pas du tout du côté des recettes.
Le président: C'est faux.
M. Weiner: Non, vous ne cherchez pas du côté des recettes. Vous avez écarté toute idée de majorer les impôts...
Le président: Comment pouvez-vous dire cela?
M. Weiner: ...qu'il s'agisse de la taxe de vente ou de l'impôt sur le revenu. Rien n'indique que le gouvernement envisage de les augmenter.
Le président: Qu'avons-nous fait dans le dernier budget, monsieur Weiner?
M. Weiner: C'est minime. Insignifiant. Insignifiant.
Le président: Vous réclamez une grosse majoration d'impôt et nous sommes tout à fait disposés à l'envisager.
Cela dit, sauf tout le respect que je vous dois, monsieur Weiner, je peux vous garantir - c'est une promesse politique que je fais à chacun d'entre vous - que vous aurez tout le temps de parler ce soir. Si vous n'avez pu répondre à l'une des questions - nous avons sept ou huit témoins à la table - prenez-en note et nous veillerons à ce que vous puissiez le faire à un moment donné. Mais je dois me montrer équitable envers tous les membres, si vous le permettez.
Monsieur Brien, voulez-vous poursuivre?
M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président. Au fait, je me nomme Monte Solberg. Je suis député de Medicine Hat.
Je ne sais pas trop où commencer. J'ai entendu toutes sortes de choses qui incitent à la réflexion. Je pense que je vais commencer par les remarques de M. Weiner concernant le leadership.
Chacun de vous nous a dit pourquoi il ne fallait pas toucher à son secteur particulier, mais je n'ai pas beaucoup entendu parler des inefficiences qui existent dans le système éducatif d'aujourd'hui. Or, je pense qu'il y en a pas mal.
Je vois toutes sortes de chevauchements et de doubles emplois. Même dans ma province de l'Alberta, je vois des établissements d'enseignement offrir toutes sortes de programmes faisant double emploi, et nul dans votre groupe n'en a parlé ce soir. Je n'ai entendu personne parler des salaires élevés payés dans l'enseignement, ni par exemple de l'inamovibilité des professeurs d'université. Je pense que le statut du personnel enseignant des universités est une façon très peu efficiente de faire les choses à notre époque.
Vous n'avez guère parlé non plus de vous en prendre aux gouvernements provinciaux qui encaissent l'argent du gouvernement fédéral mais ne le dépensent pas nécessairement pour les universités. Je n'ai pas entendu parler non plus de l'opportunité de mettre les universités en concurrence les unes contre les autres pour attirer les étudiants. L'une des meilleures façons de le faire, et que les éducateurs ont balayée d'un revers de main, consiste à prendre les transferts du gouvernement fédéral et de les donner aux étudiants sous forme de bons d'éducation et créer ainsi une véritable concurrence afin que vous soyez obligés de rendre des comptes.
Je ne suis pas opposé à l'idée de maintenir à leur niveau actuel les crédits à l'éducation. Je pense que c'est important. Je pense que c'est l'une des façons de stimuler notre économie. Mais je suis convaincu également que cet argent n'est pas nécessairement utilisé aujourd'hui de la façon la plus judicieuse possible.
J'aimerais que vous expliquiez pourquoi vous n'avez pas évoqué toutes ces choses et savoir si vous êtes prêts à le faire maintenant et à faire preuve vous-mêmes d'un peu d'initiative s'agissant de comprimer les dépenses dans votre secteur ou de réduire les gaspillages.
Le président: Je vois beaucoup de mains se lever. Nous commencerons par M. Bruneau.
M. Bruneau: Monsieur le président, je pense que les questions qui viennent d'être posées vont vraiment au coeur du problème. Lorsqu'on réfléchit à l'éducation et à la recherche, c'est-à-dire ce dont nous traitons ici, on voit que ce qu'elles mettent en jeu, c'est l'information, le savoir, la capacité de l'appliquer, de l'approfondir.
Si l'on regarde dans le monde d'aujourd'hui, nous sommes tous très conscients des changements énormes qui interviennent dans l'accès au savoir et à l'information. Nous avons tous conscience qu'aucun bien économique n' est plus précieux que le savoir et la capacité de l'appliquer.
On ne peut conserver un monopole sur le contrôle du bien économique le plus important de notre société. D'ailleurs, lorsque je regarde le système collégial, le monopole a été liquidé. Si je regarde notre système universitaire, il est en train de l'être mais n'a pas tout à fait disparu.
Ce qu'il convient de faire, à mon sens, c'est commencer à offrir des choix, permettre à d'autres qu'à ceux de l'intérieur du système, qui ont des intérêts acquis à protéger, à offrir des choix à tous ceux qui veulent s'instruire. L'une des façons de le faire est de mettre davantage de ressources aux mains de l'acheteur du service, cela ne fait aucun doute.
À mon sens, de penser que nous pourrions avoir dans 10 ans un système à peu près identique à celui d'aujourd'hui, un système qui n'aurait pas fondamentalement changé, revient un peu à croire que tout le monde va aller faire ses courses au centre ville de Toronto parce que c'était le seul endroit où l'on pouvait le faire avant l'avènement de l'automobile.
La voiture a changé notre façon de vivre. La manière dont l'information devient disponible aujourd'hui changera la façon dont nous apprenons, la façon dont nous créons l'information. Le réseau Internet, aujourd'hui, engendre un changement fondamental de la façon dont beaucoup de gens font de la recherche, et le phénomène intéressant est que ce réseau n'est pas un monopole étatique.
Je ne dis pas qu'il faut démanteler tout le système, mais le but d'une politique devrait être de créer des choix.
Je gère des compagnies d'électricité. Permettez-moi de vous dire que les compagnies d'électricité, en tant que monopoles, ne donnaient pas beaucoup dans l'innovation, mais le monde a changé autour de nous et chaque société d'État dans le secteur de l'électricité va devoir profondément évoluer, et non parce que l'électricité est devenue moins importante, mais parce qu'elle l'est davantage. La même chose est vraie de la connaissance. C'est parce qu'elle est trop importante que nous ne pouvons accepter un système dont l'accès devient restrictif - restrictif pour des raisons de coût ou de capacité.
Le président: Je vous remercie, monsieur Bruneau. Terry Anne Boyles.
Mme Boyles: J'aimerais répondre à la question. Pour ce qui est des collèges, instituts et CÉGEP du pays, nos membres, il y a eu un effort extraordinaire de rationalisation des programmes et d'élimination des programmes inutiles. Nombre de nos établissements sont maintenant financés à moins de 50 p. 100 par les pouvoirs publics. Nous avons 1,5 million d'étudiants à temps partiel qui payent eux-mêmes leurs cours ou dont les études sont financées par des entreprises. C'est là un secteur de croissance prioritaire pour les conseils d'administration des collèges publics.
Nous sommes également en contact avec nos collègues des collèges privés du Canada pour réaliser certaines des économies que rendraient possibles des normes professionnelles nationales. Nous pensons que s'il y avait, à tout le moins, des normes d'enseignement nationales, avec peut-être quelques variations pour tenir compte des spécificités régionales, des économies importantes seraient possibles. On pourrait supprimer les programmes qui existent en double et nous serions tous placés sur un pied d'égalité. Oui, nous pensons être à la hauteur des meilleurs collèges privés, car nous pensons avoir un bon produit. Mais si nous n'avons pas de bon produit dans un marché donné, nous libérerons ce marché.
Le collège Sheridan vient d'annoncer la suppression de six programmes ces derniers jours. En même temps, il a annoncé une alliance stratégique avec Walt Disney. C'est ce genre de solutions créatives que nous recherchons.
Mais je veux souligner de nouveau que notre exposé n'a pas abordé les coupures des transferts fédéraux-provinciaux, pas plus que nous n'avons parlé de l'impact du nouveau programme d'«assurance-emploi». Nous nous concentrons sur la recherche de nouvelles façons de faire les choses, une réalité nouvelle à laquelle nous devons tous travailler.
M. Solberg: Si je puis répondre, monsieur le président, ce que je voulais montrer c'est qu'il serait beaucoup plus facile d'accepter les arguments des gens ici s'ils venaient nous parler de ce qu'ils font pour assurer que leur secteur soit le plus efficient possible - qu'ils ont tel et tel objectif pour telle et telle date et pourront garantir que les crédits qui leur sont versés seront utilisés de la façon la plus efficiente possible.
Mais ce que nous avons entendu, et je partage dans une certaine mesure la frustration du président, c'est: «Ne coupez pas chez nous». Je comprends cela, mais nous avons besoin que vous nous aidiez. Nous savons déjà que vous ne voulez pas voir de coupures chez vous. Nous vous demandons votre aide pour voir où des économies seraient possibles. Si vous veniez nous trouver avec un plan, cela faciliterait peut-être les choses à votre secteur plus tard, si effectivement des coupures vous sont imposées.
Mme Boyles: Je pense que ma réponse a été mal interprétée. Nous opérons déjà des réductions de dépenses et des changements très spectaculaires dans notre secteur et nous essayons de le faire dans le cadre de partenariats et d'une manière coopérative.
Pour ce qui est des exposés que les gens ont faits, je pense qu'ils répondent très précisément à la liste des questions qui nous ont été posées. Nous ne pensions pas, en nous préparant, que vous demanderiez une analyse avec des exemples concrets. Nous serions ravis de vous en fournir si cela peut vous aider. Nous pouvons citer des exemples de collèges de tout le pays.
Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Je ne veux pas refuser la parole à M. Weiner, car je sais qu'il sera très fâché. Il lève de nouveau la main.
Peut-être M. Dinsmore voudrait-il...
M. Dinsmore: Pour répondre au moins partiellement à la question, il y a certainement des économies à faire mais elles sont difficiles à chiffrer. Je peux vous assurer que les membres universitaires du Forum entreprises-universités, en tant que présidents de leur établissement, sont tous résolus à faire le meilleur usage possible des fonds publics qu'ils reçoivent.
Mais il demeure la nécessité évidente de faire assumer une plus grande partie du coût de l'éducation par les bénéficiaires. C'est un problème très difficile et les étudiants ont toute ma sympathie. Je sais bien le fardeau que représente une dette que l'on traîne toute la vie, dans le genre d'économie dans laquelle nous vivons aujourd'hui. Comme je l'ai mentionné précédemment, nous avons perdu de vue la nécessité d'économiser pour les choses hautement précieuses, pour nous personnellement et pour la société. La notion d'épargner pour l'éducation n'a pas été l'une de nos grandes priorités au cours des 30 dernières années. Peut-être le gouvernement fédéral pourra-t-il lui redonner vie avec des meilleures incitations. Je pense qu'il va nous falloir revenir à ce genre de notion si nous voulons pouvoir payer les coûts de l'éducation.
Le président: Monsieur Horan, s'il vous plaît.
M. Horan: Dans le secteur caritatif, je peux vous dire comment nous avons réduit nos frais. Au cours des 12 derniers mois, nous avons réduit de 50 p. 100 notre conseil d'administration national. Nous avons supprimé les déplacements. Nous ne voyageons plus. Nous utilisons le courrier électronique, le télécopieur, le téléphone.
Nous faisons appel au bénévolat. Bon nombre des personnes que vous voyez autour de la table ce soir, leurs assistants de recherche, leurs conseils scolaires, ont fait don de leur temps. Pour beaucoup de ces gens, faire don de leur temps signifie qu'ils en privent quelqu'un d'autre.
Je suis là ce soir. Même mon exposé a été vérifié par des chercheurs universitaires qui ont fait don de leur temps pour essayer de rassembler leurs idées à mon intention ce soir, bénévolement. Ils ne m'ont pas facturé d'honoraires. Nous n'avons pas d'argent à payer pour des honoraires de consultants. C'est la même chose lorsqu'il s'agit de faire ceci. Souvent, nous faisons appel aux universités pour qu'elles fassent le travail gratuitement pour nous. Nous faisons appel au travail bénévole de chercheurs. M. Steffy, de l'Université de Waterloo, en est un excellent exemple. Cet homme a consacré des centaines et des centaines d'heures à constituer une base de données de recherche, pour permettre à des chercheurs de tout le pays de conjuguer leurs efforts dans le domaine des troubles d'apprentissage.
Le président: Merci beaucoup.
Le dernier à répondre à M. Solberg sera M. Caron.
M. Caron: Je voudrais traiter d'un certain nombre de choses que vous avez mentionnées, en particulier de l'instauration d'une concurrence entre les universités. On en parle beaucoup depuis quatre ou cinq ans.
Il faut savoir que depuis que le gouvernement fédéral participe au financement des universités et collèges, les universités n'ont jamais été structurées dans une perspective de concurrence. La structure visait à donner accès à l'éducation postsecondaire à ceux qui en avaient besoin, à éliminer les barrières à l'accès.
Pour ce qui est du mandat de chaque université, rien qu'en Ontario, le mandat de l'Université Trent ou de l'Université d'Ottawa est très différent du mandat de l'Université de Toronto.
Nous avons étudié l'idée de bons d'éducation, un autre élément qui renforcerait la concurrence entre les universités et les collèges. Nous la rejetons parce que cela engendrerait trop de concurrence. Les universités dépenseraient presque tout ce qu'elles reçoivent par le biais de ces bons pour leur secteur de relations publiques. Bon nombre des universités, telles que l'Université de Toronto - toutes les grandes universités canadiennes, si vous voulez - McGill et Western, seront avantagées par rapport aux autres.
En fin de compte, l'adoption d'un tel système et l'instauration d'une concurrence entre les universités aboutiraient à une vraie injustice. En Alberta, que donnerait la concurrence entre l'Université de l'Alberta ou l'Université de Calgary et celle de Lethbridge? L'Université de Calgary et l'Université de l'Alberta prospéreraient, tandis que l'Université de Lethbridge, qui est un peu moins prestigieuse, serait moins recherchée et recevrait beaucoup moins d'argent comparé aux autres et verrait sa qualité baisser.
Le système actuel n'est certes pas parfait. Mais il vaut quand même beaucoup mieux qu'un autre qui couronnerait 10 ou 12 universités du pays et laisserait péricliter les 80, 90 ou 100 autres. Nous sommes opposés à ce genre de concurrence entre les universités.
M. Solberg: Mais au lieu que les universités périclitent, n'y aurait-il pas davantage de spécialisation? Est-ce que cela ne supprimerait pas les doubles emplois, la disparition des programmes qui ne permettent pas aux étudiants de trouver du travail? Une université aurait beaucoup de mal à faire la publicité d'un programme qui ne débouche pas sur des emplois. Lorsque vous voulez vous vanter du nombre de vos étudiants qui trouvent un emploi et que vous avez un programme en particulier qui ne fait pas cela, vous serez incités à le supprimer. Vous deviendrez ainsi plus efficient. Je pense que l'on assisterait à une plus grande spécialisation des universités.
M. Caron: J'imagine que vous parlez d'une forme de rationalisation des universités.
M. Solberg: Oui.
M. Caron: Il faut être très prudent avec la rationalisation. Lorsque celle-ci devient un prétexte pour couper les crédits des universités et réduire les dépenses, cela devient très dangereux car on ne se préoccupe plus de qualité.
M. Solberg: Mais est-ce que l'on ne forcerait pas ainsi les universités et collèges à consacrer davantage de leurs ressources à l'enseignement lui-même, afin de produire des diplômés de haute qualité qui puissent trouver du travail? Est-ce qu'on ne le forcerait pas à faire cela au lieu, par exemple, de construire de beaux bâtiments ou faire d'autres choses qui ne contribuent pas à l'emploi des diplômés?
M. Caron: En faisant quoi?
M. Solberg: Si vous avez un système de bons d'éducation qui met les universités ou les collèges en concurrence pour attirer les étudiants. Les étudiants feront leur choix en fonction du taux de placement des universités. De cette façon, le système de bons forcerait les universités et collèges à concentrer davantage leurs ressources sur l'enseignement au lieu de les employer à construire des bâtiments ou payer une administration lourde, ce genre de choses.
M. Caron: Je ne suis pas d'accord. Je pense que la plus grande partie de l'argent que les universités se procureraient... Premièrement, les bons signifieraient une baisse des crédits publics.
M. Solberg: Tout dépend de quel régime on parle. Nous avons toujours préconisé de prendre les 2,2 milliards de dollars actuels et de les transformer en bons d'éducation. Nous ne parlons pas de prêts d'études remboursables en fonction des revenus, nous parlons de bons d'éducation. Cela éliminerait également les prélèvements opérés par les provinces, car on sait - et vous le reconnaîtrez - que les provinces ne reversent pas tout l'argent fédéral aux universités.
M. Caron: Le problème, comme je l'ai déjà dit, est qu'une bonne partie de cet argent ne servira pas nécessairement à améliorer la qualité de l'enseignement dans les universités, mais plutôt à payer un gros secteur de relations publiques, de marketing, dont les universités auront besoin pour attirer ces étudiants. Il est très clair que le principe de la concurrence amènera les grandes universités, les plus prestigieuses, à mettre la main sur une quantité de plus en plus grande de ces bons, et c'est à quoi elles passeront tout leur temps.
Avec ce système de bons et de libre concurrence entre les universités, vous ne ferez que contraindre ces grandes universités à dépenser cet argent pour grossir et attirer davantage d' étudiants et donc à investir de plus en plus dans le marketing pour les trouver. Une très petite partie de cet argent servirait réellement à améliorer le niveau de l'enseignement.
Il faut savoir aussi que les facteurs qui amènent les étudiants à opter pour tel ou tel établissement sont multiples. Ce n'est pas seulement l'enseignement. Il y a aussi la qualité de la recherche qui s'y fait. Il faut tenir compte d'autres facteurs encore.
M. Solberg: Oui, bien entendu, mais les étudiants qui veulent un établissement de recherche iront porter leurs bons dans ceux-ci, et il y aura une concurrence entre les établissements de recherche. Encore une fois, cela améliorerait l'efficience de ces derniers.
M. Caron: Comme je l'ai dit, on aboutira essentiellement à une douzaine d'universités d'élite à l'avenir. Les autres seront négligées par le gouvernement et par les étudiants car elles ne pourront jamais gagner réellement en qualité, à cause du principe de la sélection naturelle, si vous voulez.
Le président: Madame Brushett, s'il vous plaît.
Mme Brushett (Cumberland - Colchester): J'aimerais rectifier un certain nombre de choses. M. Weiner a dit que nous avons totalement négligé dans cette équation le côté imposition ou majoration des recettes. Je ne suis pas d'accord. Nous avons taxé les banques l'année dernière. Nous l'avons refait cette année. Nous avons supprimé certaines déductions fiscales des personnes âgées, ce qui revient à les imposer davantage. Je pourrais continuer encore la liste. Nous avons majoré l'impôt, et nous envisagerons de le faire encore.
Lorsque vous parlez des profits des banques, nous sommes tous d'accord pour dire qu'ils sont trop élevés. Mais n'oubliez pas que ces banques appartiennent principalement aux fonds de pension d'enseignants et autres. Ce sont les fonds de pension qui sont placés là. Vous récoltez donc l'avantage des profits que réalisent les banques.
Je vous le signale car cette gageure, d'essayer de réduire le déficit tout en stimulant l'économie, est très complexe. Cela touche chacun d'entre nous sous une forme ou sous une autre.
Mais je veux en venir ce soir à la raison d'être fondamentale de l'éducation. Si j'ai bien compris, chacun de vous travaille dans le système éducatif à un titre ou un autre, soit comme administrateur soit comme enseignant. Je pense que vous avez tous lamentablement échoué en ce sens que nous avons toujours 40 p. 100 de nos enfants qui abandonnent l'école avant la fin du secondaire.
On peut bien parler de recherche, qui est un investissement à long terme, et de toutes les façons dont nous pourrions servir notre société si nous avions davantage de moyens, mais l'urgence immédiate est de savoir pourquoi ces enfants abandonnent les études et le coût que cela fait peser sur toute la société. Il y a là un problème immédiat qui nous interpelle tous, qui sous-tend le déficit et la réduction de la dette et toute l'économie de production.
Ma question s'adresse à qui veut y répondre.
Le président: Madame Pierce.
Mme Pierce: Je veux simplement démentir le chiffre selon lequel 40 p. 100 de nos élèves du secondaire décrocheraient. Les dernières études montrent que le taux de décrochage est d'environ18 ou 19 p. 100.
Mme Brushett: Dans l'agglomération de Montréal, c'est 45 p. 100, et en Nouvelle-Écosse,40 p. 100.
Mme Pierce: La moyenne nationale est de 18 ou 19 p. 100 de décrocheurs.
Il ne faut pas oublier non plus que l'un des programmes novateurs les plus en vogue dans les conseils scolaires sont les programmes pour adultes qui reprennent les études. Lorsqu'on parle du taux de décrochage, il faut regarder les deux termes de l'équation.
Mme Brushett: Il est très coûteux de se raccrocher dans un système qui favorise le décrochage.
Mme Pierce: Je pense que l'on peut discuter des chiffres et de l'utilité du va-et-vient scolaire, mais je pense que les études montrent que les écoles cherchent à innover et à répondre aux besoins des décrocheurs de nombreuses façons différentes. Nous essayons toutes sortes de programmes. Nous envisageons des programmes dans les centres d'achat. Nous envisageons des mécanismes d'enseignement nouveaux. Nous cherchons à répondre aux besoins des élèves qui s'en sortent mal dans un milieu scolaire normal. Nous pouvons vous donner quantités de renseignements sur les programmes novateurs que nous mettons en oeuvre pour aider les décrocheurs.
Mais la réalité, bien entendu, est que les deux tiers des élèves ne font pas d'études postsecondaires. Nous devons chercher à satisfaire aussi leurs besoins à eux, au moyen de programmes novateurs de transition avec le monde du travail, qu'il s'agisse de programmes d'apprentissage, de programmes administrés en collaboration avec des conseils sectoriels, des programmes d'insertion dans le monde du travail.
Si l'on veut établir des priorités, il faut le faire en fonction des besoins de la jeunesse. L'une de ces priorités est de donner des emplois à ces jeunes qui désespèrent de jamais en trouver.
Nous pouvons donc vous renseigner sur les taux de décrochage réels et la diversité des programmes que nous mettons en oeuvre au niveau secondaire, tant pour les jeunes que pour les adultes.
Le président: Monsieur Weiner.
M. Weiner: J'ai deux remarques à ce sujet. Mme Pierce a donné les chiffres. Ce ne sont pas nos chiffres, ils viennent de Statistique Canada. Je voudrais demander à Mme Brushett si elle sait quel était le taux de décrochage scolaire en 1970, ou en 1950, peu importe. Je pense que vous seriez horrifiée de le connaître, madame Brushett. Il était de plus de 50 p. 100 dans les années 50 et 60.
Nous ne disons pas que 18 p. 100, c'est bien. Nous reconnaissons qu'il y a des poches géographiques où il peut atteindre 40 p. 100, comme vous l'avez indiqué. Il y a des solutions à trouver, et nous essayons de le faire. Mais nous avons besoin de l'aide de la collectivité pour cela.
Mais le décrochage scolaire n'était pas un grand problème dans les années 60 et 70, parce que les jeunes qui décrochaient atterrissaient dans le monde du travail, travail qui n'existe plus aujourd'hui.
Mme Brushett: Absolument.
M. Weiner: Les jeunes décrocheurs sont aujourd'hui hautement visibles. Si vous regardez le nombre de diplômés du secondaire au début du siècle, ils ne représentaient que 10 ou 12 p. 100 de chaque génération. Mais nous avions alors une économie différente. Nous en sommes très conscients. Donc, nous ne donnons pas dans l'autosatisfaction pour dire...
Mais nous avons énormément progressé. De tous les pays de l'OCDE, c'est au Canada que la population est la plus scolarisée, etc., mais il reste beaucoup à faire. Je l'admets. Nous avons encore du pain sur la planche dans ce domaine. Mais utilisons les chiffres exacts et non pas ceux d'une seule poche géographique. La moyenne est de 18 à 19 p. 100.
Le président: Je vous remercie, monsieur Weiner.
M. Weiner: Ensuite, très rapidement, sur la fiscalité.
Le président: Je suis désolé...
M. Weiner: Quelqu'un a répliqué à une chose que j'ai dite.
Le président: Monsieur Weiner...
M Weiner: Il faut jouer franc jeu. Je pense qu'il vous incombe d'écouter ceux qui sont à cette table.
M. Grubel (Capilano - Howe Sound): Vous manquez de considération. C'est évident; vous parlez plus que n'importe qui d'autre.
Le président: Je pense qu'il nous faut écouter M. Weiner.
M. Weiner: Je ne dis pas que vous êtes là pour... Je pense que vous êtes là pour nous écouter tous.
Le président: C'est ce que j'aimerais faire, monsieur Weiner.
M. Weiner: Vous avez dit que vous seriez disponible pour...
Le président: Oui, et j'aimerais le faire. Vous aurez amplement l'occasion de vous exprimer après la séance. Mais je dois répartir le temps équitablement entre les 14 témoins assis à la table et les députés. J'ai donc un peu de difficulté...
M. Weiner: C'était à moi que s'adressait la remarque initiale. C'était en réponse à mon intervention sur la fiscalité.
Le président: D'accord.
M. Weiner: C'est à moi que cela s'adressait.
Le président: Nous sommes ravis de vous écouter, monsieur Weiner.
M. Weiner: Je vous remercie, monsieur.
Je reconnais, et notre fédération reconnaît, la complexité de la tâche. Nous savons que des efforts sont faits du côté des recettes. Nous ne prétendons pas le contraire. Mais nous pensons que, dans notre pays, il règne une opinion dominante, qui a été encouragée et alimentée par tous les partis politiques, et qui veut qu'il n'y ait plus de marge de manoeuvre fiscale. Or, nous disons que le régime fiscal actuel est injuste.
Le gouvernement a beaucoup parlé de réforme fiscale. Mais très peu a été fait à cet égard. Les universités et nous-mêmes disons qu'à bien des égards, s'il existe des moyens d'accroître les recettes fiscales tout en n'alourdissant pas le fardeau des plus démunis, on pourrait s'intéresser un peu plus à ce côté de la médaille.
Le président: Monsieur Rothschild.
M. Rothschild: Je serai bref pour ne pas empiéter sur le temps des autres...
J'aimerais revenir à la remarque faite par le député précédent, avant son départ, concernant l'efficience et l'opportunité pour nous de vous aider en faisant des propositions constructives. Mais auparavant j'aimerais faire une observation sur l'idée que la recherche serait une question qui se pose à plus long terme.
Ce n'est pas une question à plus long terme, madame Brushett, c'est une question de continuité. Il est vrai que l'investissement que nous faisons aujourd'hui ne rapportera qu'à long terme et que les retombées dont nous bénéficions aujourd'hui proviennent d'investissements faits il y a quelque temps. En d'autres termes, il faut continuer à alimenter le processus. Lorsqu'on arrête le mouvement, l'immobilité est permanente.
Je comprends la frustration des députés en face de nous qui ont l'impression d'entendre une litanie de «Hourra pour moi, coupez chez le voisin». Cependant, si vous déduisez des exposés que vous avez entendus que c'est là le message principal, c'est caricaturer un peu certaines des positions exprimées.
L'association que je représente est composée principalement - ou majoritairement - de gens d'affaires qui n'ont pas d'intérêt direct propre dans les enjeux abordés ici. Ils ne font que donner leur avis sur les conséquences de certaines mesures intéressant la recherche scientifique dans ce pays, et l'importance de cette recherche. Nous avons fait connaître notre position au gouvernement sur la question des priorités. Nous l'avons fait dans le cadre approprié, l'examen de la politique en matière de sciences et de technologie. Nous serions ravis de vous faire parvenir ce document afin que vous puissiez en prendre connaissance également.
Nous attendons le rapport du gouvernement sur toutes les contributions venant de Canadiens de tout le pays sur cette question.
Pour ce qui est de l'efficience, je sais que le député précédent parlait de l'éducation, mais nous serions ravis également de faire parvenir au comité des données sur le rendement et l'efficience comparatifs de la recherche universitaire canadienne. Nos chiffres montrent que, en termes de retour sur l'investissement, d'efficience et d'efficacité, le Canada est en tête des pays du G-7 en matière de recherche scientifique. Si cela vous intéresse, je vous ferai parvenir ces chiffres.
Le président: Je vous remercie, monsieur Rothschild.
Quelqu'un d'autre souhaite-t-il intervenir dans l'immédiat?
M. Dinsmore: Très rapidement, concernant les solutions au problème du décrochage scolaire des adolescents, il ressort très clairement, lorsqu'on leur parle, que s'ils se désintéressent de leurs études, c'est parce qu'ils ne voient pas à quoi elles les mènent. Il faut trouver de meilleures façons d'établir dans l'esprit de ces jeunes le lien entre les études et leur vie future. Je ne pense pas que nous ayons particulièrement bien réussi au Canada à relier les exigences du monde du travail à l'éducation, pour permettre à l'apprenant individuel d'autogérer le processus d'apprentissage.
Je pense qu'il faut responsabiliser les jeunes dès l'école secondaire. Cela se fait déjà en Grande-Bretagne et dans d'autres pays, où les élèves commencent à constituer leurs propres dossiers de présentation. Il faut leur donner l'information dont ils ont besoin pour qu'ils puissent faire leur choix, et ce sera un facteur d'économie car ils perdront moins leur temps dans le système éducatif.
Je recommande de rechercher des moyens de dispenser cette information aux jeunes gens et de les équiper à gérer leur propre apprentissage tout au long de leur vie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Dinsmore.
Monsieur Deans, enfin. Vous avez été très patient. Je vous remercie.
M. Deans: Il n'y a pas de quoi.
Je veux simplement répondre à la question de Mme Brushett en disant que cette question démontre par elle-même l'utilité de la recherche. Vous demandez pourquoi les élèves décrochent. Eh bien, c'est là un sujet de recherche. C'est sur ce genre de questions que se penchent les chercheurs universitaires. Ce sont les mêmes considérations qui préoccupent les étudiants de cycle supérieur. Ce sont les choses dont ils parlent.
Je sais que votre question concernait les élèves du secondaire. Mon expérience n'est pas au niveau du secondaire et la nature de votre question me contraint en quelque sorte à reparler du côté dépenses. Mais la raison pour laquelle tant d'étudiants d'université décrochent, et en particulier ceux de deuxième et troisième cycles, est le niveau des droits de scolarité ainsi que la possibilité de transférer les crédits, c'est-à-dire l'absence de normes nationales. Ce sont là les raisons qui expliquent le décrochage.
En outre, dans le cas des étudiants de maîtrise et de doctorat, il leur faut beaucoup de temps pour parvenir au bout de leurs études. Il faut faire quelque chose pour réorganiser cela. L'un des problèmes, encore une fois, est le manque d'emplois et de soutien économique des étudiants de cycle supérieur.
Le président: Monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri (Niagara Falls): Je vous remercie, monsieur le président.
Je dois vous gronder un peu, monsieur le président. Nous avons tenu d'autres audiences similaires ailleurs dans le pays. Nous y donnions la possibilité aux membres de la table ronde de se poser des questions les uns les autres. Si nous avions fait de même ce soir, avec M. Gaffield etM. Weiner, nous aurions pu montrer qui détient les actions des banques et quels sont leurs intérêts réciproques et nous aurions pu faire l'économie de cette discussion, monsieur le président.
Le président: Toutes mes excuses, monsieur Pillitteri.
M. Pillitteri: Ma question s'adresse à M. Caron.
Monsieur Caron, j'ai trois enfants et j'ai payé pour l'obtention de six diplômes qu'ils détiennent à eux trois. Je ne suis pas le propriétaire de ces diplômes, monsieur Caron, ils appartiennent à mes enfants.
Je me souviens que l'année dernière, lors de nos audiences prébudgétaires, un jeune étudiant est venu faire un exposé. Je lui ai demandé combien il payait en droits de scolarité. Il n'était pas très bien informé. Je l'ai donc repris et lui ai fait savoir que c'était la moitié du prix qu'il devrait payer aux États-Unis dans une université publique, sans même parler des universités privées.
Vous avez posé une question sur l'accessibilité et le prix des études. Vous l'avez comparé au RAPC, au Régime d'assistance publique du Canada. Une fois que vous avez acquis cette éducation au coût le plus bas possible, elle vous appartient. On est donc en droit de vous demander quelle est votre contribution. En effet, je me trouve toujours pris en otage par ceux qui disent que si je ne leur donne pas les crédits qu'il faudrait, ils prendront leur diplôme et iront exercer leur métier ailleurs. C'est la réponse que l'on nous fait constamment. Quelle est votre responsabilité suite à l'éducation que vous avez reçue et qu'allez-vous restituer à la société?
M. Caron: Je peux comprendre ce que vous avez dit du coût de l'éducation postsecondaire car mon père avait trois enfants et a dû lui aussi les aider simultanément à financer leurs études. Je comprends donc parfaitement ce que vous dites.
Votre intervention au sujet des droits d'inscription au Canada et aux États-Unis n'est plus exacte. Après les majorations récentes intervenues en Ontario, par exemple...
M. Pillitteri: Elles ne sont pas encore en vigueur.
M. Caron: C'est juste. L'année prochaine, les droits de scolarité seront proches de 2 800 $ par an et par étudiant. Je parle là d'études en sciences et sciences humaines. Aux États-Unis, vous pouvez étudier dans des universités d'État pour 3 200 $. Tous les chiffres sont en dollars canadiens. Je pense donc que l'écart diminue de plus en plus et nous ne pouvons plus dire que notre système est abordable comparé aux États-Unis. Oui, il y a les universités privées, celles de l'Ivy League. Mais je ne pense pas que ce soit le meilleur système d'avoir un nombre limité d'universités d'élite, toutes les autres étant considérées comme de second rang et incapables de s'agrandir parce qu'on ne leur en donne pas la possibilité.
Pour ce qui est de l'investissement et de ce qu'un diplômé d'université doit contribuer à la société, il ne faut pas oublier qu'il est très difficile de trouver un emploi, même pour ceux qui détiennent des diplômes universitaires.
Les statistiques du Conseil canadien de développement social montrent que 8 p. 100 des personnes de 18 à 64 ans ayant un diplôme postsecondaire, soit collégial soit universitaire, étaient au chômage. Des chiffres publiés en 1992 indiquent que 24 p. 100 des diplômés d'université étaient chômeurs ou sous-employés cette année-là.
Il est très difficile, dans ces conditions, de payer en retour la société, comme devrait le faire toute personne qui a la chance de faire des études. C'est pourquoi nous disons que l'éducation postsecondaire est la responsabilité de la société, car la société est payée de retour. C'est un investissement, car la société récupère ce que l'éducation de l'étudiant lui a coûté.
En retour, la société bénéficie de gens qui pensent à elle, qui pensent à élargir les paramètres. Nous avons des ingénieurs, des avocats, des médecins. Ce n'est pas individuel.On tend aujourd'hui à être obnubilé par les avantages conférés aux individus. Mais la société en retire beaucoup plus que ce qu'elle donne à l'individu.
L'éducation est même avantageuse pour le gouvernement, financièrement. Celui qui trouve un emploi bien rémunéré en recède une partie au gouvernement, sous forme d'impôts, indépendamment de sa contribution à la société.
Il se peut que la restitution faite à l'État ne soit pas suffisante. C'est le problème de l'iniquité fiscale que nous percevons dans ce pays. Mais je pense que les difficultés que nous voyons actuellement, le fait que les diplômés d'université ne rendent pas autant qu'il le faudrait est dû au chômage et à la pauvreté qui en résulte.
J'ai cité ce chiffre de 8 p. 100. Il y en a un autre, encore plus important: 10 p. 100 des mêmes adultes - de 18 à 64 ans - ayant fait des études postsecondaires ont un revenu inférieur au seuil de pauvreté. Il est très difficile, dans ces conditions, de contribuer à la société. Il y a toutes ces inquiétudes, pendant les études et immédiatement après, concernant le remboursement de la dette contractée, qui pour certains de mes amis atteint 35 000 $ à 40 000 $.
L'étudiant doit songer à trouver un emploi, un emploi qui puisse le faire vivre. Ce n'est qu'ensuite qu'il peut songer à rendre quelque chose à la société.
M. Pillitteri: Je n'ai qu'une petite question. Vous citez tous ces chiffres. Certains d'entre nous aussi savent lire. Tout dépend de la source des chiffres. Avez-vous essayé de trouver le pourcentage des gens sans instruction supérieure qui n'ont pas d'emploi?
M. Caron: Oui, nous avons également ces chiffres.
M. Pillitteri: Mais vous ne les avez pas pris avec vous; vous ne vous souvenez que de ceux qui intéressent votre secteur.
Le président: Avez-vous ces chiffres?
M. Caron: Je persiste à dire que des études postsecondaires sont un atout pour l'avenir de cette personne. C'est incontestable.
Mais je dis, en toute sincérité, que ce n'est pas vrai dans tous les cas et que tout n'est pas parfait. En fait, la décision de faire des études supérieures ou non devient de plus en plus difficile à prendre, c'est un pari de plus en plus difficile à faire que d'accumuler une si lourde dette pour se donner un avantage personnel qui ne se matérialisera peut-être jamais.
Le président: Monsieur St. Denis.
M. St. Denis (Algoma): Je vous remercie, monsieur le président, et merci à tous les membres de la table ronde d'être venus.
Étant donné que le temps nous manque et pour vous permettre de vous exprimer dans le peu de temps qui nous reste, je ne ferai qu'une brève remarque, pour dire que je suis d'accord avecM. Caron.
En réponse à la proposition de mon collègue réformiste concernant un système de marché totalement libre au moyen de bons d'éducation, dans un tel système l'Université Laurentienne de Sudbury ou l'Université Mount Allison du Nouveau-Brunswick ne pourraient exister. Il y aurait des universités moins nombreuses mais plus grosses.
Ma question - et vous pourrez y répondre ultérieurement en nous faisons parvenir les documents que vous possédez - est de savoir ce qui se fait à l'étranger. Nous nous critiquons nous-mêmes, en tant que pays, pour la façon dont nous gérons nos finances et notre système éducatif, et c'est bien normal. Cela s'impose toujours.
J'aimerais savoir si l'un ou l'autre d'entre vous possède une documentation montrant si d'autres pays, sans doute des pays industrialisés, ont réglé ces problèmes différemment de nous et ont trouvé des solutions dont nous pourrions nous inspirer. Si vous possédez des informations à ce sujet, vous pourriez nous les faire parvenir par l'intermédiaire du greffier. Peut-être pouvons-nous trouver des enseignements chez les autres?
Je m'en tiendrai là, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur St. Denis.
Qui veut répondre à cela?
M. St. Denis: C'est une invitation à nous envoyer des informations, s'ils en possèdent.
Le président: Monsieur Bruneau.
M. Bruneau: Monsieur le président, au coeur de toute la problématique dont nous avons parlé... On a parlé de la fiscalité, mais il y a un autre élément encore, et c'est la création de richesse: l'innovation, l'esprit d'entreprise, la capacité à créer davantage de richesse dans notre pays. Ce doit être le but ultime pour tout l'avenir, hormis peut-être le plus immédiat. Si nous pensons que nous allons pouvoir nous sortir du bourbier actuel avec le système que nous avons, avec les contraintes financières qui pèsent sur nous, nous nous leurrons. Le système va devoir changer.
J'aimerais parler très rapidement du système de bons d'éducation. Avec un système de bons, les monopoles que nous avons mis en place par nos lois en matière d'octroi de diplômes vont devoir sauter. L'État peut conserver le monopole des examens et de la délivrance des diplômes, mais le droit de faire passer des examens n'entraîne pas celui de dire à chacun où, quand et comment étudier.
Le monde actuel offre un vaste éventail de choix concernant la manière, le lieu et le moment d'étudier. Il importe certes d'avoir des normes et des examens, mais si l'on commence à ouvrir le système, on verra l'innovation faire apparaître quantité de façons moins chères de faire les choses. Ceux qui veulent acheter la plus grande qualité pourront le faire. Ceux qui veulent autre chose pourront l'obtenir aussi.
Pour revenir à la création de richesse, on a dit autour de cette table qu'il fallait protéger la recherche fondamentale. Mais nous ne protégerons pas la recherche fondamentale si nous continuons à la manière d'aujourd'hui, si nous ne comprenons pas qu'elle diffère très sensiblement de l'activité utilitaire du génie et de la recherche en génie et si nous n'en tenons pas compte dans la façon dont nous menons les deux types dans nos universités et dans la façon dont les liens avec l'industrie sont articulés. Si nous ne faisons pas évoluer le système, nous ne créerons jamais la richesse que nous sommes capables de créer. Nous continuerons à faire exactement ce que nous faisons actuellement, à savoir dire aux scientifiques de se comporter comme des ingénieurs, de faire de la recherche appliquée, utilitaire, ce qui ne donne jamais que du mauvais génie et peu de richesse.
Cela fait 40 ans que nous disons aux ingénieurs de notre pays de se comporter comme des scientifiques. J'en fais partie. Permettez-moi de vous dire que cela fait de la mauvaise science et ne crée pas grande richesse.
Il faut trouver l'équilibre. Lorsque nous aurons cet équilibre, il faudra protéger la science pure et en retirer tout ce qu'elle peut donner. C'est au point de jonction de la recherche pure et de la recherche utilitaire que la richesse est créée.
Permettez-moi de vous le dire, on peut rarement décider par avance ce que la recherche doit trouver pour pousser ensuite la recherche appliquée. Les découvertes sont le fait du hasard. Mais si l'on peut créer un environnement, particulièrement au sein des universités, où les chercheurs utilitaires sont en contact étroit avec ceux qui posent les questions fondamentales et accroissent le champ des connaissances, c'est là que se forment les graines de la richesse; c'est l'équilibre à trouver.
Le président: Je vous remercie, monsieur Bruneau.
Je vais donner la parole à M. Grubel.
M. Grubel: Je vous remercie, monsieur le président.
J'ai été de votre côté de la table. J'ai travaillé dans les universités pendant 30 ans jusqu'à ce qu'une crise de folie me pousse à me porter candidat. J'ai travaillé pour payer mes études supérieures. J'ai deux enfants qui ont fait des études supérieures et un encore à l'université. Je suis donc en mesure de comprendre les propos qui nous viennent de votre côté de la table, mais je dois dire que je suis terriblement déçu de votre manque de perspective. L'éducation et la production de connaissances ne sont pas la chose la plus importante au monde. Écoutez seulement les médecins qui viennent ici. J'ai été assis ici pendant des heures à écouter les agriculteurs, les groupes de lutte contre la pauvreté. Mesdames et messieurs, vous avez tort.
Monsieur Weiner, vous êtes beau parleur. Avec l'assurance qui caractérise tout ce que vous dites, vous prétendez qu'il y a toutes sortes de gens qui sont prêts à payer davantage d'impôts. Permettez-moi de vous le dire, le fait de se frotter aux gens comme je le fais, en allant frapper aux portes est une expérience très salutaire.
Si vous gagnez plus de 50 000 $ par an dans notre pays, vous appartenez au décile supérieur de l'éventail des revenus. Si nous avions le temps, j'aimerais demander à chacun d'entre vous, à tour de rôle, quel pourcentage de tout l'impôt sur le revenu est payé par cette tranche de 10 p. 100 des contribuables. Je vais vous le dire: 50 p. 100 de tout l'impôt sur le revenu provient déjà de ces10 p. 100 supérieurs. Je peux vous le dire, du haut de mon expérience d'universitaire et de politicien qui se frotte aux gens, ces 10 p. 100 me disent non seulement qu'ils vont utiliser leur bulletin de vote pour m'éjecter si j'augmente leurs impôts, ils me disent aussi qu'eux et leurs enfants ont d'autres choix - et ces choix ne sont pas au Canada - si je les pressure encore davantage.
Nous avons eu ici des témoins du milieu des sciences appliquées qui nous disent qu'ils ont du mal à recruter des spécialistes pour les applications de haute technologie des connaissances scientifiques que vous voulez tous produire, car ces spécialistes partent aux États-Unis. Ils ne peuvent les garder ici. Là-bas, ils ont le même salaire mais deux fois plus de revenu après impôt.
Vous avez beau jeu de venir ici nous gronder et nous reprocher nos priorités. Je voudrais simplement introduire un élément de réalisme.
Monsieur Caron, je vous invite à lire un jour les études sur les résultats de l'éducation, privée et sociale. Lisez un peu d'histoire. Lorsque ma promotion est sortie de l'université, il y a 30 ans, nous n'avions pas tous un emploi qui nous attendait. Nous n'avons pas tous eu ce que nous voulions. Certains d'entre nous étaient sans travail. N'avez-vous aucune perspective historique pour ne pas savoir que chaque génération a connu son lot de difficultés?
Je suis vraiment attristé de voir que vous tous n'avez aucune idée de la gravité du problème du déficit. Savez-vous que l'année dernière ce gouvernement, qui a été élu sur la base de... Ce sont tous des Libéraux. Savez-vous ce que cela signifie? Cela signifie qu'ils professent la compassion. Ils sont fiers de leur compassion. Ils ont réduit les dépenses de programme de 4 milliards de dollars l'année dernière. C'est le début des coupures que vous ressentez. Savez-vous ce qui s'est passé parce qu'ils n'ont pas coupé assez profondément? Le surcroît d'intérêt qu'ils ont eu à payer a annulé toutes ces réductions. Nous sommes cette année exactement où nous en étions l'année d'avant. Voilà, mesdames et messieurs, le pouvoir de l'intérêt composé. C'est une toile de fond que vous devriez connaître en venant ici.
Nul d'entre nous n'aime entendre les histoires à fendre le coeur que vous nous racontez ni les vantardises sur l'importance de votre secteur sur l'avenir de la société. Nul d'entre nous ne veut tailler dans vos budgets. Je ne peux que vous dire une chose. Ceci est une rue à double sens. Je vous ai écoutés. Si vous pensez que les coupures que vous avez subies l'année dernière et qui vont venir l'année prochaine sont douloureuses, attendez seulement. Il y a des gens qui font profession de scruter l'avenir et l'économie et ils nous disent que très prochainement nous aurons une récession. Très bientôt, le cycle politique dira qu'il n'y a plus de coupures possibles. Certains disent qu'il y a une forte probabilité d'une autre crise référendaire, et alors les taux d'intérêt vont crever le plafond.
Les coupures qui vous attendent seront beaucoup, beaucoup plus profondes que celles que vous subissez maintenant. Vous allez devoir changer de mentalité. Étant un vieux professeur, je suis en train de vous faire la leçon, mais vous êtes un bon auditoire.
Je veux simplement vous dire de repartir avec cette optique dans la tête. Nous sommes tous convaincus - vous n'avez pas besoin de nous convaincre - de la grande utilité de l'éducation, de la grande utilité de la recherche. Nous vous croyons. Nous avons besoin d'aide pour nous tirer de ce pétrin. Nous vous demandons, nous vous prions, de faire preuve de compréhension. Lorsque d'autres coupures viendront, ce ne sera pas parce que nous pensons que votre travail ou votre revenu n'est pas important. C'est simplement que nous nous sommes mis dans un terrible pétrin dans ce pays.
Le président: Je demanderai à trois personnes, pas plus, de réagir.
Monsieur Fitzpatrick, vous avez été très bon avec moi ce soir. Vous vous êtes montré si peu exigeant. Voudriez-vous commencer, s'il vous plaît?
M. Fitzpatrick: Vous allez peut-être le regretter.
Je me sens comme un vieux professeur qui s'adresse à un professeur un tout petit peu plus jeune. Nous savons tous que nous allons trinquer. Il n'y a pas à en sortir. Mais nous sommes tous préoccupés par la chute libre et les effets à long terme de la chute libre.
Il y a un certain nombre de choses que les gens voudraient voir: réduire la myriade de programmes gouvernementaux actuellement offerts au secteur privé; imposer des limites réalistes à la libre circulation des capitaux; taxer de nouveau les cigarettes; et réduire le nombre de députés. Dieu sait que l'on a réduit les effectifs partout dans le secteur privé.
Cela me chiffonne, chaque fois que je ramasse un bout de papier, de voir que l'on se targue de créer de la richesse. J'ai lu le plan d'action national pour la nutrition, où il est question d'alimenter les démunis des centres-villes et de créer de la richesse ce faisant. Je vois mal le rapport, c'est le moins que l'on puisse dire.
Je suis préoccupé par la formation de gens qualifiés. Je sais que tout le monde va devoir trinquer. Une chose que mon secteur, celui de la recherche, aimerait voir c'est que quelqu'un prenne le temps de réfléchir à la capacité minimale requise pour que ce moteur de la recherche continue à tourner, qui fait tourner l'université, qui fait tourner tout le reste.
Nous avons lu certains engagements dans le Livre rouge. Nous avons lu dans les rapports gouvernementaux quantité de choses favorables à notre position. J'attends les résultats de l'examen des sciences et de la technologie. J'espère qu'il nous apprendra quelque chose d'utile.
Permettez-moi de vous le dire, si ce rapport ne reflète pas clairement ce qui se passe dans le monde scientifique, s'il ne fait que parler d'un examen interne des dépenses des laboratoires gouvernementaux, beaucoup de gens, vieux et jeunes professeurs confondus, exigeront de savoir pourquoi.
Le président: Je vous remercie, monsieur Fitzpatrick.
Monsieur Weiner, je vais passer par-dessus vous. Il y a deux autres personnes qui ont eu beaucoup moins de temps de parole que vous, si vous le permettez. Merci beaucoup.
M. Deans, puis M. Rothschild.
M. Deans: Je dois commencer par dire que je suis très attristé par le ton de votre discours et son style professoral. Vous avez commencé par dire que l'on paye trop d'impôts dans ce pays. Comparativement, je ne pense pas que nous soyons surimposés, par rapport aux pays européens.
Vous nous dites que les gens à qui vous parlez, lorsque vous allez frapper aux portes, disent que si on les impose davantage, ils vont quitter le pays. Eh bien, je peux utiliser mon père comme exemple. Il a récemment payé ses impôts, qui atteignaient six chiffres. Je pense qu'il a voté pour votre parti, mais je suis à peu près certain que si l'on majorait les impôts, il ne ferait pas pour autant ses valises pour s'installer ailleurs. Il est très fier du Canada. Il croit beaucoup aux valeurs de ce pays. Donc, lorsque vous dites que les gens vont faire leurs valises et s'en aller s'ils doivent payer un peu plus, désolé, je ne suis pas sûr de partager votre avis.
Votre discours me laisse sans voix. Vous parlez de la nécessité de couper, couper, couper et vous dites que cela va empirer. Vous nous demandez de lire les livres d'histoire. Si ma mémoire des années 1920 est bonne, on n'y entendait qu'un seul refrain, il faut dévaluer notre monnaie, il faut dévaluer, il faut dévaluer - et à quoi cela nous a-t-il menés? Vos appels à couper, couper, couper me rappellent beaucoup ce scénario. Vous devriez peut-être, vous aussi, lire un peu d'histoire.
M. Grubel: Avez-vous une formation scientifique?
M. Deans: Non, je n'ai pas de formation scientifique.
M. Grubel: Quelle est votre formation?
M. Deans: Qu'entendez-vous par «quelle est votre formation»?
M. Grubel: Eh bien, généralisez-vous toujours à partir d'un échantillon d'une seule personne?
M. Deans: Qu'entendez-vous par «une seule personne»?
M. Grubel: Eh bien, vous venez de me dire que parce que votre père ne voudrait pas partir, cela signifie qu'il n'y a pas de tendance chez les riches à partir si on les impose davantage. Est-ce que vous fondez là-dessus votre raisonnement ou bien faites-vous simplement un acte de foi?
M. Deans: Je ne peux parler au nom de... Si vous me demandez des généralisations, je considère que beaucoup de gens dans notre pays sont très attachés à ses valeurs. Je doute beaucoup qu'ils partiraient simplement parce qu'ils devraient payer un peu plus d'impôt.
M. Grubel: Vous avez droit à votre opinion.
M. Deans: J'ajouterai une autre personne à l'échantillon, moi-même. Je viens d'avoir mon diplôme. J'ai eu de la chance de trouver un emploi - beaucoup de chance. J'ai eu l'impression d'avoir gagné à la loterie. Je pense que j'ai obtenu ce poste à cause de ma grande expérience du bénévolat. J'ai travaillé gratuitement, parallèlement à un emploi à temps partiel rémunéré. J'ai payé mes impôts. Je n'ai jamais renâclé ni ne me suis plaint de leur montant. Mais ce qui m'a fait songer à partir - j'ai enseigné pendant deux ans en Afrique - si j'épuisais mon assurance-chômage et devais dépendre de l'aide sociale, je prenais l'avion. Je prenais mon éducation et je partais enseigner en Afrique.
Ce n'est donc pas le niveau des impôts mais le manque d'emploi qui m'a fait envisager de partir.
M. Grubel: Tout ce que je peux vous dire c'est que j'ai entendu pas mal de représentants d'organisations qui cherchent quotidiennement à recruter des gens qualifiés et dont l'expérience est contraire à la vôtre. C'est là-dessus que je m'appuie, et sur ce que j'entends quand je fais mon travail de politicien dans ma circonscription.
Vous avez vos opinions. Je veux simplement vous rappeler à la réalité.
Le président: Je vous remercie, monsieur Deans.
Monsieur Rothschild, pour terminer.
M. Rothschild: Je n'ai pas besoin que l'on me persuade de la gravité du déficit et de la dette. Je suis inquiet aussi, extrêmement inquiet. Mais pourquoi ne peut-on pas jouer cette musique en stéréo? Le climat économique du pays est un problème de génération de richesse et de contrôle de nos finances. Les deux sont importants.
Si je puis, j'aimerais poser une question à M. Grubel. Je ne comprends pas sa vision et sa conception de la génération de richesse. D'où va-t-elle venir? D'où pensez-vous qu'elle va venir, si vous pouvez le dire en 30 mots ou moins et sans nous faire un autre cours magistral?
M. Grubel: Ce que je veux faire ressortir, et c'est le message de tous mes interlocuteurs, c'est que nous devons tous partager le fardeau si nous voulons sortir de ce bourbier. Nous allons tous devoir accepter une baisse de notre niveau de vie. C'est la seule façon de surmonter les erreurs du passé. C'est inéluctable.
Je sais que l'université où je travaillais a subi beaucoup de coupures. Nous étions la seule université de Colombie-Britannique à imposer une baisse de salaire symbolique. Mais il y a des rentes de situation énormes, pour parler le langage des économistes, dans quantité de catégories professionnelles. C'est pourquoi je dis que nous allons tous devoir tirer dans le même sens pour nous sortir de cette difficulté.
M. Rothschild: Monsieur Grubel, je ne sais pas quelle est votre formation, mais vous ne savez toujours jouer qu'en mono.
M. Grubel: C'est l'un des risques que l'on prend dans la vie.
Aucun d'entre nous, je peux vous le dire - aucun d'entre nous - ne veut couper quoi que ce soit. Je peux vous dire que je ne suis pas entré au Parti réformiste et ne suis pas devenu politicien parce que je suis un sauvage qui veut couper tout ce qui dépasse.
M. Rothschild: Mais vous êtes membre d'un comité parlementaire important. N'avez-vous aucune idée de la manière dont on crée de la richesse?
M. Grubel: Monsieur, si vous le voulez, je peux vous envoyer des articles que j'ai étudiés sur cette question. Dans le monde d'aujourd'hui, le capital humain représente sans doute de 60 à70 p. 100 de toute la richesse nationale, biens tangibles compris. J'en ai parfaitement conscience. Mais il y a aussi beaucoup de rentes de situation. Nous devons tous accepter un niveau de vie légèrement inférieur.
Les études que j'ai lues sur les avantages économiques de la recherche pure montrent que tout petit pays qui fait de la recherche pure fait un cadeau au reste du monde. Certains des pays qui ne font pas ou que très peu de recherche fondamentale s'en tirent extrêmement bien. Ils prennent simplement les connaissances scientifiques produites par le reste du monde et mettent leur argent dans la recherche appliquée. C'est clairement établi par toutes les études.
Nous pouvons donc en reparler... Peut-être devrions-nous boire une bière ensemble un jour.
Des voix: Oh, oh.
Le président: C'est une bonne idée, mais pour cela nous allons devoir conclure ici.
Je vous ai promis au début - vous vous en souvenez - que vous auriez tout le temps voulu pour exprimer toutes vos idées. Je veux honorer cette promesse maintenant. Si vous n'avez pas eu l'occasion de vous exprimer, vous pourrez le faire maintenant.
Ensuite - et je m'adresse particulièrement à ceux qui n'ont pas parlé beaucoup ce soir - je donnerai à chacun 30 secondes pour conclure. Mais auparavant, qui voudrait un peu plus de temps? Monsieur Gauthier.
M. Gauthier: Je voudrais simplement attirer l'attention des membres sur l'annexe I de notre mémoire. C'est la copie d'une lettre qui nous a été adressée par Astra Pharma. Nous l'avons jointe pour montrer qu'il y a effectivement un besoin de titulaires de doctorat canadiens. Cette société investit à l'étranger. Elle ne peut plus limiter ses activités de recherche à la Suède et prévoit d'ouvrir des centres de recherche à l'étranger. Elle songeait très sérieusement au Canada parce que nous avons d'excellentes capacités de recherche et suffisamment de scientifiques qualifiés pour le centre de recherche qui va se mettre en place sur cinq ou 10 ans. Cette lettre fait état de la recommandation du groupe stratégique constitué par cette société.
Le premier critère énoncé est la disponibilité d'un nombre suffisant de scientifiques hautement qualifiés, du niveau doctorat, dans les différentes disciplines. Cela montre bien que si nous voulons rester compétitifs à l'échelle mondiale et avoir notre part de ces nouvelles sources de revenu... J'essaie d'introduire une petite note d'optimisme ici. Il y a beaucoup de potentiel, de grandes perspectives, dans ce domaine, mais si les pouvoirs publics ne préservent pas l'infrastructure de recherche minimale dont nous avons besoin pour être compétitifs et rester dans la course - et c'est bien d'une course qu'il s'agit, ces investissements mondiaux se détourneront de nous. Je pense que tout tourne autour de là.
Le président: Merci, monsieur Gauthier. Monsieur Horan.
M. Horan: Santé Canada a apporté un soutien aux familles des enfants à risque, qui ont des difficultés d'apprentissage, notamment des problèmes d'attention. Nous avons obtenu des crédits et nous avons fait réellement du bon travail dans les phases un et deux. Nous l'avons fait avec des bénévoles. Nous n'avons pas de crédits pour la phase trois, mais vous savez quoi? Peu importe. Je vais trouver l'argent. Je vais faire aboutir le projet. Pourquoi? Parce que tout le programme vise à aider les familles à donner des expériences précoces positives à leurs enfants d'âge préscolaire et scolaire. Si nous pouvons aider maintenant certaines de ces familles à haut risque et leurs très jeunes enfants, cela pourra nous éviter des dépenses plus tard.
Comme je l'ai dit, l'investissement que vous avez fait dans ce projet commence déjà à payer des dividendes. Nous avons quantité de gens dans ces petites localités qui attendent avec impatience de mettre la main sur ces outils pédagogiques et faire bouger les choses chez eux.
Encore une fois, ce sera très difficile. Nous avons des décisions difficiles à prendre autour de cette table, particulièrement des organisations comme la nôtre qui s'occupe d'alphabétisation sur le terrain. Nous avons quelques décisions très dures à prendre.
Nous ne pouvons plus couper grand-chose. Il n'y a plus rien à couper. Tout ce qu'il nous reste, c'est la bonne volonté des Canadiens et la bonne volonté des gens réunis autour de cette table et dont les relations nous aident.
Il n'y a qu'une seule chose que vous pourriez faire pour nous. Si vous me demandez ce que vous pouvez faire, je vous dirais que les Canadiens ont besoin d'un encouragement à faire des dons de charité. Les crédits d'impôt pour dons à des partis politiques fédéraux rapportent un dégrèvement d'impôt de 33 à 75 p. 100, alors que les crédits d'impôt pour dons de charité rapportent aux alentours de 17 p. 100. Par exemple, un don de 1 150 $ à un parti politique fédéral va donner lieu à un abattement d'impôt de l'ordre de 500 $, alors qu'un don de 1 150 $ à une organisation caritative donnera lieu à un dégrèvement de 195 $.
Mesdames et messieurs, nous ne sommes pas financés par des gens qui peuvent mettre 1 000 $ sur la table. Nous sommes financés par des gens qui donnent des pièces, des billets de 20 $ et de 10 $, mais dont le nombre permet à notre organisation de travailler. Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Horan. Guy Caron.
M. Caron: Après avoir entendu la leçon d'un professeur, je serai l'étudiant qui critique.
Je ne veux pas trop m'attarder, car nos vues sont très conformes à celles du Centre canadien de recherche en politiques de rechange, avec lequel nous travaillons. Si ses représentants n'ont pas encore comparu ici, ils le feront prochainement et je ne veux donc pas prendre trop de temps.
Si je puis répondre partiellement à ce que disait M. Rothschild, il y a deux grandes considérations. Premièrement, il y a des façons de dégager des ressources. Il y a des iniquités dans le régime fiscal qu'il faut rectifier. La première sont les reports d'impôt.
Les entreprises privées du pays doivent actuellement 30 milliards de dollars d'impôt au gouvernement fédéral. Je sais bien que cet argent ne peut pas être perçu par un simple trait de plume, mais si moi, particulier, je paye mes impôts en retard...
M. Grubel: Tout le monde nous dit la même chose.
M. Caron: Si, en tant que particulier, je paye mes impôts en retard, on me facture des intérêts. Si l'on appliquait des intérêts au taux de la Banque du Canada aux impôts reportés par ces sociétés, impôts qu'elles ne payent pas à cause de leurs besoins de capitalisation, on dégagerait 3 milliards de dollars de recettes supplémentaires dans ce pays.
Il y a aussi l'économie, que l'on peut diviser aujourd'hui en deux parties. Il y a l'économie réelle, qui est aujourd'hui à peu près stagnante et ne croît que très peu. Il y a aussi une économie financière, une économie spéculative, qui croît à une vitesse incroyable. Vous avez vu le Dow Jones passer de 4 000 à 5 000 points en l'espace de cinq ou six mois, du jamais-vu. La Bourse de Toronto a suivi la même tendance, mais un peu atténuée. Or, cette économie financière spéculative est aujourd'hui virtuellement exonérée d'impôts. Personne n'y touche. Personne même n'y songe.
Il y a donc des façons d'accroître les recettes fiscales et de produire des ressources. Je ne dis pas que cela résout tous les problèmes - je ne suis pas économiste - mais je dis que de réduire les dépenses et d'amputer quelque chose qui devrait être considéré comme un investissement serait une grave erreur.
Le président: Je vous remercie, monsieur Caron.
Quelqu'un d'autre pense-t-il ne pas avoir eu l'occasion de s'expliquer pleinement? Je vous remercie. Dans ce cas, nous allons peut-être commencer par vous, madame Pierce, pour un bref résumé.
Mme Pierce: Je vous remercie. Ce que je voudrais répéter c'est que les conseils scolaires sont eux aussi confrontés à quantité de contraintes financières. Nous prenons des décisions très difficiles et trouvons des solutions très novatrices. Je serais ravie de fournir au comité quelques exemples des solutions novatrices qui pourraient être mises en oeuvre au niveau national et fédéral pour réaliser des économies.
Le président: Je vous remercie, madame Pierce. Monsieur Gaffield, je vous prie.
M. Gaffield: Une chose que nous avons prise ce soir est que nous devons vous tenir informés de l'innovation dans l'éducation supérieure. C'est une des leçons que je tire.
Deuxièmement, nous avons appris que nous devons vous donner meilleur accès aux études - sur les taux de décrochage scolaire, par exemple, et d'autres - intéressant les problèmes sociaux et culturels.
Troisièmement, nous pourrions probablement faire plus pour vous donner les renseignements dont vous avez besoin sur le plan des comparaisons nationales. Il existe d'énormes quantités de chiffres à cet effet, et nous pouvons vous aider à les trouver.
J'aimerais juste terminer en posant une question: où est la politique sur les sciences et la technologie?
Le président: Je vous remercie, monsieur Gaffield. Monsieur Horan.
M. Horan: Il ne fait nul doute que le gouvernement actuel a fait quelques investissements très précieux dans notre organisation. Ces investissements sont payants et continueront à l'être.
Je sais que nous allons tous traverser une période très difficile, mais je tiens à vous assurer que, demain, l'Association canadienne des difficultés d'apprentissage sera là, avec ou sans crédits. Je reviendrai vous voir dans cinq ans. Nous serons toujours là. Nous serons plus forts. Nous aurons davantage de sections locales. Davantage de gens dans tout le pays travailleront pour nous comme bénévoles. Il ne fait aucun doute que des manuels comme ceux que nous publions pour l'alphabétisation des adultes... Nous serons présents dans toutes les localités, d'un océan à l'autre et jusque dans le Grand Nord.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Horan. Vous savez quoi? Je vous crois.
Monsieur Dinsmore.
M. Dinsmore: Je pense que nous avons à peine égratigné ce soir le fond de la question. Je comprends les dilemmes du comité. Je l'ai dit dans mon mémoire. Il faudra prendre des mesures terribles pour remettre de l'ordre dans nos finances. Mais il demeure, je pense, la capacité dans nos ressources éducatives et intellectuelles de résoudre le problème, sinon instantanément, du moins dans un avenir proche. Je ne pense pas qu'il faille affamer ce secteur.
Le président: Je vous remercie, monsieur Dinsmore. Monsieur Fitzpatrick.
M. Fitzpatrick: Des organisations comme le CBHR sont bénévoles. Nous devons compter sur les publications gouvernementales pour diffuser nos initiatives. En lisant les publications gouvernementales, les avis des experts, nous pensons que le gouvernement devrait recommander, ou que votre comité devrait souligner dans son rapport, que l'éducation et la recherche scientifique sont des investissements, pas nécessairement des dépenses.
Le problème est que, pour chaque dollar, nous sommes en concurrence avec tout le reste. Certains crient plus fort que d'autres. Nous vous demandons de lire vos propres rapports. Nous vous demandons de lire le rapport sur la science et la technologie qui va être publié. Nous voulons que vous vous penchiez sur la capacité et preniez une décision sage.
Le président: Je vous remercie, Dennis Fitzpatrick. Clément Gauthier.
M. Gauthier: L'excellence dans les sciences et l'éducation postsecondaire ne garantissent pas nécessairement que nous ayons une économie plus compétitive et des industries innovatrices. Cependant, sans la science, vous pouvez être sûrs qu'il n'y aura pas d'industries nouvelles dans notre pays, pas de croissance économique et, dirais-je, pas de bons emplois pour les Canadiens.
Le président: Merci, monsieur Gauthier. Monsieur Weiner, s'il vous plaît.
M. Weiner: Ce pays a besoin d'une politique sociale cohérente et je vous demande où elle est. Il y a très peu de choses sur lesquelles M. Grubel et moi pouvons nous entendre. Je conviens que nous devons tous assumer une part du fardeau, mais ma supplique est d'épargner les enfants du pays. Je plaide pour les 20 à 25 p. 100 d'enfants de ce pays qui vivent dans des conditions terribles. C'est eux qu'il faut privilégier.
Nous pouvons produire, et rechercher des façons de produire, davantage de richesse, mais il faut regarde aussi de près du côté des recettes. Je persiste à dire que si le gouvernement montre la voie et justifie ses décisions, la majorité des Canadiens, la classe moyenne et les riches, accepteront effectivement de payer un peu plus pour alléger le sort des plus démunis.
Pour moi, c'est là le rôle principal du gouvernement fédéral, celui de redistribuer la richesse dans notre pays de manière équitable et juste. Ce n'est pas le cas à l'heure actuelle. Nous pouvons faire mieux. Nous devons faire mieux.
Le président: Je vous remercie, monsieur Weiner. Monsieur Rothschild.
M. Rothschild: J'espère que vous ne sortiriez pas d'ici en pensant que nous avons perpétué le syndrome de la roue qui grince. Nous sommes simplement venus vous rappeler qu'il y a deux parties dans un bilan. Nul pays qui engendre une croissance assortie de création d'emplois - la seule statistique qui compte, finalement - ne peut éviter ce côté de l'équation.
Tous les groupes de Canadiens qui se sont penchés sur la question, depuis les vieux conseils scientifiques, les conseils économiques, chacun des comités et sous-comités du CCNST qui se sont penchés sur le sujet, soit des centaines de membres de tous milieux et de toutes couleurs politiques, partagent les avis que vous avez entendus ce soir. C'est un consensus sans précédent. Nous ne ferons pas avancer notre économie en les ignorant.
M. Deans: Je suis pleinement d'accord avec ce que M. Rothschild vient de dire. Je voudrais simplement dire quelques mots sur la rengaine «être compétitif dans une économie mondiale», et l'impératif que cela représente.
Je pense qu'il y a un impératif encore plus grand, celui de coopérer dans l'économie mondiale. J'exhorte ce comité à redoubler d'efforts pour négocier avec d'autres pays industriels quelque mécanisme ou accord pour contrôler la spéculation, rendre les flux financiers plus prévisibles et plus stables au sein de l'économie mondiale. Cela passe par la coopération, et non la concurrence.
Le président: Je vous remercie, monsieur Deans. Monsieur Caron.
[Français]
M. Caron: J'aimerais vous remercier, de même que les membres du comité, pour votre patience et pour nous avoir invités.
Comme je ne veux pas répéter ce qui s'est dit jusqu'ici, je vais me contenter de demander aux membres du comité qui vont étudier la situation fiscale du pays, de ne pas se limiter seulement à ce qui se passe aux États-Unis, mais de regarder aussi du côté de l'Europe, particulièrement en ce qui concerne l'enseignement postsecondaire. Je pense que le point de vue que M. St. Denis a soulevé est très pertinent. Il est important de savoir ce qui se fait à l'échelle internationale.
En ce qui concerne l'accessibilité de l'enseignement postsecondaire - c'est ce qui nous intéresse et c'est ce qui intéresse mes membres - , je crois que l'Europe, particulièrement l'Irlande, a beaucoup à montrer au Canada. Ce n'est pas un pays plus riche que le Canada, au contraire, mais l'an dernier, il a pris la décision d'éliminer tous ses frais de scolarité à partir de 1996-1997. Comment y est-il parvenu? C'est ce que nous étudions présentement. Je pense qu'on peut trouver des exemples ailleurs qu'aux États-Unis qui pourraient nous être très utiles.
Le président: Merci, monsieur Caron.
[Traduction]
M. Savage: Deux choses. Je suis d'accord avec ce qu'a dit M. Rothschild, et je ne vais pas le répéter.
Deuxièmement, il me semble que nous devrions réfléchir non seulement aux façons d'économiser, mais aussi de dépenser plus intelligemment. Il me semble que les suggestions que nous avons faites en vue d'une réorientation des crédits FPE vers l'aide aux étudiants et la recherche, même s'il faut les réduire quelque peu en cours de route, sont une façon plus intelligente de dépenser.
M. Bruneau: Monsieur le président, il est clair que nous vivons une époque de profonds bouleversements. Ainsi qu'on l'a expliqué, nous ne pourrons plus avoir la même qualité de vie avec les ressources réduites dont nous disposons.
Le but de la politique dans les domaines dont nous avons traité ce soir devrait être de trouver de nouvelles façons de travailler, d'encourager l'innovation et d'autres transformations qui permettront de faire plus avec le même argent. Monsieur le président, je pense que c'est l'apanage de l'éducation. Je pense que c'est l'apanage également de la recherche-développement.
Je vous remercie.
Mme Brown: Je ferai deux remarques. J'espère que nous - le comité et le groupe - ne sommes pas sur des longueurs d'ondes différentes car je pense que nous avons conscience de votre problème.
Je répète ce que plusieurs personnes ont dit, ce que nous avons dit dans notre mémoire et ce qu'a dit M. Martin: le choix du gouvernement fédéral est un processus à deux volets. Nous nous sommes concentrés sur le volet croissance, car nous pensons que c'est là le rôle de l'éducation et de la recherche. C'est ce que nous avons essayé de faire ce soir. Nous sommes tous un peu frustrés de voir qu'il y a parfois un fossé. Il est très difficile pour le gouvernement de faire des investissements à long terme alors que vos problèmes sont si immédiats. C'est très difficile.
Nous pensons que le rôle du gouvernement fédéral est d'identifier les investissements à long terme, ceux qui ne vont pas être payants dans l'immédiat mais qui nous aideront plus tard à innover, et de faire ces investissements en dépit des forces contraires.
Mme Boyles: Du point de vue de notre association, rien dans les dépenses gouvernementales n'est sacré. Tout doit être mis à plat et revu dans une perspective stratégique. Nous sommes en faveur de cela.
Nous pensons que la mesure la plus productive serait pour le gouvernement de faciliter les alliances stratégiques entre les partenaires - patronat, syndicats, enseignants, pouvoirs publics - pour faciliter le travail des conseils sectoriels, le travail sur la création de normes nationales. Toutes ces choses peuvent créer de la richesse, permettre de trouver des économies et de meilleures façons de travailler dans notre pays, et multiplier l'effet des contributions, tant financières qu'en nature, de tous les autres partenaires.
Le président: Je vous remercie, madame Boyles. Vous avez été très patiente et nous vous en sommes très reconnaissants.
Je me souviens que lorsque les collèges communautaires ont comparu ici l'année dernière, l'un des grands sujets du débat était l'opportunité d'avoir des normes éducatives nationales. Il me semble, si je me reporte à la discussion de l'année dernière avec les enseignants, que c'est moins une priorité cette année. J'interprète peut-être mal l'avis général, mais il me semble que l'on met davantage l'accent sur la disponibilité de crédits que sur des normes nationales.
Si je me souviens bien, le représentant des collèges communautaires a dit l'année dernière qu'il ne s'agit pas tant d'avoir des normes nationales que des normes internationales. Vous l'avez répété, sachant que nous vivons dans une économie mondialisée, qu'en matière d'éducation nous avons probablement déjà des normes très élevées au Canada, comparativement. C'est sans doute une grande chance et c'est la raison pour laquelle nous avons un capital humain aussi développé. Mais pour ce qui est de la recherche-développement, nous sommes parmi les plus mal placés des pays industrialisés - 1,49 p. 100 seulement de notre produit intérieur brut. Vous avez fait valoir de manière convaincante qu'il faut établir le lien direct entre l'éducation et notre avenir économique. Vous l'avez souligné avec éloquence. J'en suis profondément convaincu.
Ce qui m'a également impressionné aujourd'hui, ce sont les liaisons que vous avez mises en évidence. Il y a ici trois ou quatre groupes du secteur privé qui collaborent avec vous comme éducateurs, qui disent que vous avez formé de nouveaux partenariats et que vous formez de nouvelles alliances pour répondre - peut-être plus directement que par le passé - aux besoins du secteur privé pour assurer notre avenir économique. Cela montre que vous collaborez plus étroitement, les éducateurs et le secteur privé, pour construire ces passerelles, ne plus travailler dans l'isolement. Nous vous en félicitons.
Vous vous souvenez que l'année dernière nous avons conclu que nos conseils de subvention ne devraient pas voir leurs budgets réduits du tout. Nous leur avons donné la priorité. C'est peut-être grâce à cela qu'ils ont subi moins de coupures que beaucoup d'autres postes budgétaires; je ne sais.
Vous avez très bien renforcé ma conviction qu'il ne faut surtout pas couper l'arbre juste parce que nous avons besoin des pommes. Quelqu'un a dit qu'il suffit d'un trait de plume pour tuer la recherche, mais qu'il faut une génération pour la reconstruire. Je pense que la même personne,M. Rothschild, a également dit que
[Français]
quand il s'agit d'une économie forte, y a-t-il une alternative à l'éducation et à la recherche? Je crois que non. Au nom de tous les députés, je vous remercie beaucoup.
[Traduction]
La séance est levée jusqu'à demain, 9 h 30.