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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 7 décembre 1995

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[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Le Comité des finances poursuit ses consultations prébudgétaires. Nous accueillons ce matin, de la Conférence canadienne des arts, Keith Kelly; du Front des artistes canadiens, Greg Graham; de l'Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine, Sharon Chisholm; et du CAVA pour l'assurance-vie avancée, Don Glover et Bill Strain.

Nous vous remercions d'être venus. Vous pouvez faire une brève déclaration, qui sera suivie d'une discussion en profondeur.

Qui veut commencer? Don.

M. Donald Glover (président, Association des assureurs-vie du Canada): Merci, monsieur le président. Nous représentons ici l'Association des assureurs-vie du Canada et, au sein de notre organisation, le CAVA pour l'assurance-vie avancée.

L'Association des assureurs-vie du Canada existe depuis 1906. Nos 17 500 membres d'adhésion volontaire répartis d'un bout à l'autre du Canada s'occupent essentiellement de la vente et du service d'assurance-vie et d'assurance-santé, de rentes viagères, de régimes de retraite, de régimes enregistrés d'épargne-retraite et de fonds de revenu de retraite.

Au sein de notre organisation, nous avons créé le CAVA pour l'assurance-vie avancée, groupe qui se spécialise dans le domaine de l'assurance-vie avancée. Les membres du CAVA fournissent à leurs clients, dont beaucoup sont propriétaires de petites entreprises, des services financiers personnels, notamment en matière de succession.

Je suis accompagné aujourd'hui de Bill Strain, comptable agréé, qui est président du Comité de la fiscalité du CAVA pour l'assurance-vie avancée. Bill est un ancien coprésident du Comité conjoint de la fiscalité de l'Institut canadien des comptables agréés et de l'Association du Barreau canadien, et est le principal rédacteur de notre mémoire.

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Nous croyons que les Canadiens sont fiers à juste titre que leur pays ait été classé au premier rang par les Nations Unies, mais nous croyons que pour maintenir ce rang, nous devons favoriser un climat économique propice aux investissements afin de créer des emplois et de soutenir, d'une façon financièrement responsable, les programmes sociaux voulus.

Nous avons un mémoire et je vais en aborder brièvement chacun des huit points.

Premièrement, la crise de la dette publique. Nous croyons que le fardeau de la dette devrait être la priorité absolue de tous les ordres de gouvernement. Nous sommes d'avis que la dette des gouvernements fédéral et provinciaux, évaluée à un billion de dollars, n'est qu'un élément du problème. Le deuxième élément, c'est la dette non provisionnée des programmes de sécurité sociale du Canada, que l'on évalue maintenant à environ 1,75 billion de dollars. Nous croyons que le gouvernement doit prendre conscience du problème et agir en vue de réduire la dette ainsi que le déficit non provisionné de la sécurité sociale, si nous voulons maintenir un ensemble de programmes abordables et viables.

Au sujet des revenus de retraite, nous avons au Canada un système à trois paliers qui comprend les régimes de retraite publics, les régimes commandités par les employeurs et les arrangements privés d'épargne. Nous croyons que ce système est essentiellement valable. Toutefois, nous estimons que le coût des régimes de pension publics non financés par des cotisations doit être réduit à long terme, essentiellement en limitant les bénéficiaires des régimes de pension à ceux qui en ont vraiment besoin. Nous croyons également qu'il faut faire une évaluation critique des divers mécanismes d'aide fiscale à l'épargne en vue de la retraite et que certaines formes d'aide fiscale doivent être modifiées ou peut-être réduites. Toutefois, il faut encourager les Canadiens à épargner en vue de la retraite et à réduire leur dépendance envers les régimes gouvernementaux.

Passons maintenant au régime de soins de santé. À l'instar du gouvernement, nous convenons que tous les Canadiens doivent avoir accès à un régime de soins de santé de qualité. Je crois toutefois qu'il est notoire que le système actuel n'est ni efficace ni rentable et qu'il faut l'examiner afin d'en comprimer les coûts et d'en améliorer la rentabilité. À mesure que les gouvernements réduiront leurs dépenses consacrées au régime public de santé, nous croyons que le secteur privé deviendra explicitement et implicitement responsable du maintien du service de soins de santé. Les gouvernements devraient reconnaître le rôle important que jouent actuellement les régimes privés de soins de santé au Canada et devraient travailler en partenariat avec le secteur privé afin de mettre en place un régime de santé crédible et de qualité pour tous les Canadiens.

Au sujet des régimes d'assurance-santé et de soins dentaires, l'Association et le CAVA exhortent le gouvernement à ne pas taxer les cotisations versées par l'employeur à titre d'avantages sociaux des employés, car cette mesure menacerait la viabilité de nombreux régimes et compromettrait gravement cet élément vital du système canadien de soins de santé. L'étude effectuée récemment par William Mercer fait ressortir l'importance du rôle que jouent les régimes privés de soins de santé dans le système canadien, et le traitement fiscal actuel des cotisations payées par l'employeur n'entraîne pas d'iniquité généralisée du régime fiscal.

Au sujet des petites et moyennes entreprises, nous croyons qu'elles ont besoin de la collaboration et de l'appui du gouvernement pour aider à transformer l'économie canadienne et à créer des emplois. Cet appui devrait être offert non pas au moyen de subventions gouvernementales, mais plutôt par l'élimination d'obstacles qui nuisent à la capacité des PME de trouver des capitaux et d'être compétitives sans être empêtrées dans une réglementation excessive.

Je passe maintenant à la règle concernant les pertes. En avril 1995, on a proposé d'apporter à la Loi de l'impôt sur le revenu une modification qui ruinerait les plans de succession de milliers de petites et moyennes entreprises. Cette règle est contraire au principe de l'intégration des fardeaux fiscaux imposés aux sociétés privées et à leurs actionnaires. Elle se traduira par une taxe indirecte sur les sommes assurées dans le cadre d'une assurance-vie touchées par une société privée et utilisées pour acheter des actions de la succession d'un actionnaire décédé. L'Association et le CAVA exhortent le gouvernement à ne pas adopter cette règle proposée.

Au sujet de la réforme fiscale, nous croyons que les Canadiens ne peuvent pas tolérer la moindre augmentation d'impôts directe ou indirecte et qu'ils ne la toléreront pas. Nous croyons que le mécontentement du public est exacerbé par la perception voulant que notre régime fiscal soit excessivement complexe, inefficace et injuste. Les gouvernements doivent regagner la confiance des Canadiens en lançant un examen en profondeur des régimes fiscaux fédéral et provinciaux en vue de procéder à une refonte de fond en comble.

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Enfin, monsieur le président, nous croyons que les gouvernements sont bien placés pour bénéficier de la compréhension et de la bonne volonté des Canadiens quant à la nécessité de réduire le déficit et la dette. L'Association et le CAVA félicitent le gouvernement fédéral d'avoir entrepris ces consultations prébudgétaires. Nous sommes fiers d'y participer ce matin.

Nous croyons que les Canadiens veulent et doivent être mieux informés sur la nature et l'ampleur des défis économiques que notre pays doit relever et participer aux décisions qui détermineront l'avenir économique de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

Je suis accompagné d'un spécialiste et nous nous efforcerons de répondre de notre mieux à toutes vos questions.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Glover. Nous y viendrons dès que nous aurons entendu les autres présentations.

Monsieur Graham, vous avez la parole.

M. Greg Graham (directeur national, Front des artistes canadiens (CARFAC)): Je représente la Canadian Artists Representation/Front des artistes canadiens. Nous sommes une association professionnelle d'artistes des arts visuels, et c'est à dessein que j'utilise l'expression «arts visuels», car beaucoup d'artistes ont un champ d'activités qui dépasse les domaines traditionnels de la peinture, de la sculpture et de la gravure.

Nos artistes ont des préoccupations qui se situent tout à fait à un niveau local et même individuel. Vu sous un certain angle, l'artiste est essentiellement un chef de petite entreprise. Il achète des fournitures, souvent à un coût relativement bas. Il applique ensuite à cette matière première un effort intellectuel et proprement artistique de manière à y ajouter de la valeur, autant sur le plan monétaire que culturel et esthétique. Les artistes travaillent souvent seuls et sont disséminés dans tous les coins du pays et, si leur production individuelle est minime, le total est loin d'être négligeable.

Que ce soit dans le domaine de la culture, de l'économie ou de la politique, nous assistons aujourd'hui à une double polarisation. Chacun parle de la polarisation entre la gauche et la droite, entre l'offre et la demande, etc., mais je soutiens que ce qui se passe vraiment de nos jours, c'est qu'il y a polarisation entre les préoccupations locales et régionales qui nous touchent tous - et croyez-moi, cela touche également vos propres commettants - et, à l'autre extrémité, ce qui se passe à l'échelle planétaire. Nous vivons à une époque où l'idée même de ce qui intervient entre le niveau local et le niveau planétaire est remise en question.

Qu'il s'agisse de gouvernements régionaux multiples, de gouvernements provinciaux ou de l'État-nation en tant que tel, tout cela est pertinent dans la mesure où ils servent de médiateurs entre le local et le planétaire.

J'attire votre attention là-dessus parce que vous vous penchez souvent sur les aspects économiques de la médiation entre le local et le planétaire. Mais je vous invite à considérer que les aspects culturels sont loin d'être négligeables et qu'ils ont une véritable importance économique.

De nos jours, des artistes, des écrivains, des cinéastes canadiens, etc., établissent leur réputation et gagnent souvent leur argent à l'extérieur de leur pays. Ce n'est pas nouveau. En même temps, nous voyons les Canadiens acheter beaucoup de produits culturels étrangers. Mais nous en sommes au point que cela met en cause bien davantage que le simple investissement du gouvernement dans l'infrastructure culturelle. Il y a aussi toutes les formes d'aide, de réglementation, le fonctionnement du commerce international, la question de savoir si le système en place peut aider les particuliers autant que les grandes compagnies lorsqu'ils font affaire à l'étranger.

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L'artiste qui travaille seul a, lui, une autre préoccupation. Pour assurer la survie des artistes au Canada, il est très important de maintenir une certaine infrastructure. Cette infrastructure n'a pas toujours bien fonctionné, mais il est important de la maintenir et d'en assurer la pérennité. Je songe aux musées, au Conseil des arts, aux diverses institutions culturelles qui jouent un rôle dans la promotion et la diffusion de l'art canadien auprès des Canadiens. Nous estimons que si tout cela était en danger, si cette infrastructure était gravement menacée par la préoccupation à l'égard de la réduction du déficit, nous serions tous perdants, non seulement les artistes, mais le pays tout entier.

La conjoncture économique a changé pour le créateur individuel et elle continue de changer. Il se trouve que j'ai justement sur moi aujourd'hui deux chèques destinés à des artistes. Le premier est fait au nom d'une artiste du Québec dont une oeuvre a été vendue en Ontario alors qu'elle se trouvait justement en Europe pour y vendre d'autres oeuvres. Ce chèque m'a été remis en fiducie et j'espère que je pourrai le lui remettre aujourd'hui. Elle doit arriver à l'aéroport d'Ottawa.

L'autre chèque vient du Québec et représente les droits d'utilisation du copyright que nous avons négociés, à titre d'association artistique, avec un usager du Québec, pour l'utilisation d'une oeuvre d'un artiste de Terre-Neuve. L'oeuvre en question n'a pas été vendue; l'artiste en demeure propriétaire, mais l'oeuvre a été utilisée par une institution du Québec contre le versement de droits pour l'utilisation du copyright.

Ce qui est intéressant, dans les deux cas, c'est qu'après avoir déduit la commission du marchand d'art et autres retenues, le montant pour la vente de l'oeuvre québécoise en Ontario est identique au montant versé par une institution du Québec à un artiste de Terre-Neuve pour les droits d'utilisation du copyright. Nous voyons constamment ce genre de situation.

L'activité ne se résume donc plus à la vente d'oeuvres d'art. On procède souvent par droits d'utilisation. Ce sont des choses comme l'exploitation des droits dérivés et nous essayons de les développer pour les artistes. C'est une économie qui déborde le cadre traditionnel. Nous savons tous que même si nous avons enregistré une croissance de 35 p. 100 dans les arts, c'est-à-dire dans l'emploi dans le secteur artistique et culturel, le revenu réel des artistes n'a pas augmenté sensiblement. Nous cherchons des moyens d'y remédier.

Maintenant, ce qu'il importe de retenir, du point de vue du Comité des finances, c'est qu'il faut faire en sorte que les outils qui permettent cette évolution naturelle demeurent en place. Ce qui se passe, c'est que pour le moment, les artistes ne peuvent pas garantir leur revenu. Ils n'ont pas accès à bon nombre des programmes dont ces messieurs nous parlent parce qu'ils sont travailleurs indépendants. Il n'y a pas de cotisation de l'employeur quand un artiste essaie de planifier sa situation en matière d'assurance, de soins de santé ou de retraite. Les artistes ont un revenu cyclique qui peut être presque négligeable une année et très bon l'année suivante. L'artiste a perdu toute possibilité d'étalement du revenu. Il est tout à fait possible pour un artiste de gagner un revenu presque inexistant pendant plusieurs années, d'avoir une très bonne année et d'être taxé à tour de bras. La solution qui consiste à placer l'argent dans un REER et à l'encaisser l'année suivante ne fonctionne pas. Les REER devraient être réservés à la planification de la retraite et ne devraient pas servir à l'étalement du revenu aux fins de l'impôt. Il doit y avoir un meilleur moyen.

Je sais que Keith a toute une liste de recommandations diverses. Je voudrais proposer qu'il vous en fasse part, après quoi nous pourrons en parler de façon plus générale.

Le président: Merci.

Nous aimerions que vous les souleviez, monsieur Kelly.

M. Keith Kelly (directeur national, Conférence canadienne des arts): Je vais tenter de le faire.

La Conférence canadienne des arts est une organisation cadre nationale qui représente non seulement des artistes à titre individuel dans toutes les disciplines, mais aussi les producteurs des industries culturelles. Notre point de vue comprend certainement celui des artistes qui sont représentés individuellement par Greg, mais il est aussi plus général et s'étend à tout le secteur culturel.

Dans la perspective du budget fédéral de 1996, il faut tenir compte de plusieurs éléments. Étant donné la tournure des événements sur le plan politique au Canada, personne ne peut nier qu'il faut chercher à réduire le déficit et l'endettement du Canada, mais nous nous demandons dans quelle mesure les compressions opérées ont fait obstacle à la capacité des Canadiens de communiquer entre eux et de maintenir un sentiment d'identité et d'attachement à nos différences régionales, linguistiques et culturelles respectives. Nous nous interrogeons sur le fait que toutes les institutions culturelles nationales, sans exception, font actuellement l'objet d'un examen, sans qu'il y ait d'orientation unique pour encadrer toutes ces études, sauf la réduction du déficit et de la dette.

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Nous passons également pas mal de temps à discuter de l'inforoute, de l'univers des 500 canaux, des nouvelles technologies. Une chose est sûre: si nous voulons que l'une ou l'autre de ces initiatives soit couronnée de succès, il faut qu'il y ait du contenu. Les artistes et les producteurs canadiens sont précisément ceux qui créent ce contenu.

Comment positionnons-nous les industries de production de contenu, de même que les artistes pris individuellement, pour que le Canada puisse se défendre et être compétitif, non seulement sur le plan intérieur mais aussi sur la scène internationale, pour la création et la vente de ce contenu?

Enfin, nous nous demandons quelle est la latitude réelle du gouvernement. Nous sommes conscients que les compressions de dépenses sont nécessaires pour réduire le déficit et la dette, de sorte que nous ne pouvons plus nous contenter de demander encore et toujours plus de financement direct, mais qu'il faut au contraire trouver d'autres moyens de créer une certaine stabilité dans le secteur des arts et de la culture.

Nous avons un certain nombre de points que je vais passer en revue très rapidement.

Le premier, au sujet des artistes pris individuellement, Greg l'a déjà mentionné, concerne l'étalement du revenu. C'est une disposition qui existait dans la Loi de l'impôt sur le revenu jusqu'en 1972, je crois, date à laquelle elle a été supprimée. Ce ne sont pas seulement les artistes qui sont touchés. Les athlètes professionnels, les agents d'immeuble et les autres personnes qui ont un revenu cyclique éprouvent les mêmes difficultés que les artistes et les producteurs. La Loi de l'impôt sur le revenu ne peut pas actuellement tenir compte des fluctuations erratiques du revenu que subissent beaucoup d'artistes et d'autres travailleurs indépendants canadiens.

Nous entendons très souvent des représentants des gouvernements de tous les niveaux nous dire que les arts doivent devenir plus autonomes, que nous devons attirer des investissements et obtenir l'appui des entreprises et de la collectivité. C'est précisément dans ce but que nous avons réclamé et continuerons de réclamer du gouvernement qu'il crée de meilleurs encouragements fiscaux pour la philanthropie et l'investissement.

Actuellement, au Canada, il y a en réalité trois formes de traitement des dons de charité. Si l'on donne de l'argent à la Couronne, on reçoit un reçu aux fins d'impôt égal à 100 p. 100 du don; si l'on donne le même montant à un parti politique, on obtient 75 p. 100; et si l'on donne l'argent à des organismes à but non lucratif ou à des oeuvres de bienfaisance, on obtient deux taux marginaux - je crois que le plus élevé est de 28 p. 100.

Donc, si le gouvernement veut vraiment encourager le secteur privé et les particuliers à prendre en partie le relais, le moment est peut-être venu d'envisager de façon stratégique d'accroître les avantages accordés pour les dons.

En outre, des changements considérables se produisent actuellement dans le milieu des entreprises. Beaucoup de compagnies canadiennes sont rachetées par des compagnies américaines. Nous avons récemment vu Viacom faire l'acquisition de Paramount Canada. Investissement Canada s'est penché sur cette vente et a exigé que la compagnie réinvestisse de l'argent dans le secteur canadien de la production pendant cinq ans trois quarts, je crois.

Il existe beaucoup de possibilités à cet égard, avec l'arrivée imminente de Borders, de Barnes & Noble et d'autres très grandes entreprises. Nous recommandons que les garanties d'investissement que l'on exige pour de très brèves périodes soient étendues et deviennent une caractéristique permanente des compagnies qui assument leurs responsabilités sociales au Canada, de manière que l'argent qu'elles réinjectent dans le milieu de la production ne se tarisse pas après seulement cinq ans trois quarts, mais devienne plutôt une caractéristique permanente de toute compagnie qui assume ses responsabilités sociales au Canada.

Nous croyons savoir que dans quelques semaines, le ministre du Patrimoine canadien et le ministre de l'Industrie vont amorcer la phase deux de la réforme du droit d'auteur. Nous les félicitons chaleureusement de cette initiative. C'est précisément l'une des mesures législatives qui sont de la plus haute importance pour nous, parce que cela permet aux artistes et aux producteurs de tirer des revenus de l'utilisation publique de leur oeuvre. Ce n'est pas une subvention du gouvernement; cela leur permet simplement d'être payés pour leur travail.

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C'est peut-être une recommandation controversée, mais quand nous cherchions des façons novatrices de générer de nouvelles recettes, nous avons examiné l'ancienne taxe sur les communications qui a été appliquée à la télévision par câbles pour créer le Fonds d'aide à la distribution de longs métrages canadiens.

La TPS, bien sûr, a été créée pour remplacer toutes les taxes fédérales. Nous sommes bien d'accord avec cela. Ce que nous recommandons, c'est que la TPS qui est perçue sur les produits et services dans le domaine des communications soit affectée exclusivement au mandat culturel du gouvernement. Nous calculons que cela représente environ 146 millions de dollars par année.

Pour revenir aux responsabilités sociales des compagnies, le CRTC s'apprête à accorder des permis à des entreprises de diffusion directe par satellite. Nous savons que les compagnies de téléphone seront bientôt admises dans la famille des radiodiffuseurs canadiens. Nous savons que d'autres font des expériences de vidéo sur demande et il y a par ailleurs l'autoroute de l'information.

La Loi sur la radiodiffusion exige actuellement de tous les participants au secteur de la radiodiffusion qu'ils fassent un investissement dans la production canadienne. Nous recommandons que cette exigence soit étendue à tous ceux qui reçoivent un permis du CRTC et qui participent à l'éclosion des nouvelles technologies.

Le gouvernement a également annoncé l'année dernière que la culture serait le troisième pilier de la politique étrangère canadienne. Pour l'instant, ce n'est qu'un énoncé. Ce que nous voudrions faire et que nous avons déjà annoncé, c'est que nous travaillerons de concert avec le gouvernement pour que ce troisième pilier devienne réalité, surtout pour la promotion des exportations, la création de nouveaux débouchés à l'étranger et le fait de cultiver de nouveaux auditoires partout dans le monde.

L'industrie des magazines est une autre source de préoccupations. La réduction du programme des tarifs postaux préférentiels a affaibli le secteur des magazines et nous espérons que dans le budget de 1996, on n'annoncera pas de nouvelle réduction de ce programme.

Je crois que le Sénat doit se prononcer aujourd'hui sur le projet de loi C-103. Nous encourageons le Sénat à adopter le projet de loi avec cet amendement et nous encourageons le gouvernement à le proclamer et à le mettre en oeuvre dans les plus brefs délais et aussi à éliminer la TPS sur les livres et les magazines. C'était un nouveau secteur quand la TPS a été mise au point.

Enfin, pour en revenir à l'absence de cohérence dans les divers instruments, programmes et politiques des gouvernements et organismes officiels, je crois que nous devrions vraiment nous pencher sur l'établissement d'une stratégie nationale de la production de contenu et identifier les ressources qui sont actuellement consacrées à cette production, afin de déterminer comment on pourrait en faire la meilleure utilisation possible pour conquérir un avantage stratégique national et international en cette époque où les technologies avides de contenu ne cessent de proliférer.

Le président: Merci, monsieur Kelly.

Madame Chisholm, vous avez la parole.

Mme Sharon Chisholm (directrice générale, Association canadienne d'habitation et de rénovation urbaine): Monsieur le président, membres du comité, mesdames et messieurs, bonjour.

Je voudrais d'abord vous parler un peu de nous. L'ACHRU est la seule organisation nationale qui représente ceux qui administrent et mettent en oeuvre les programmes d'habitation dans les localités situées d'un bout à l'autre du Canada. Parmi nos membres, il y a des sociétés municipales de logements à but non lucratif de tous les grands centres urbains du Canada, ainsi que des centaines de groupes communautaires d'habitation, des organisations de locataires, des fonctionnaires provinciaux et diverses personnes intéressées aux questions de logement.

Comme l'ACHRU tient à maintenir une présence fédérale dans l'offre de logements à prix abordable au Canada, nous sommes heureux d'avoir été invités aujourd'hui à rencontrer les membres du comité pour discuter des questions importantes qui se posent dans notre secteur. Je tiens donc à vous remercier d'avoir pris le temps de nous rencontrer.

Vous savez certainement mieux que moi que notre pays est engouffré dans un véritable tourbillon de changements. Le temps est venu de faire le point sur ce que nous avons, sur ce à quoi nous tenons, sur nos options pour l'avenir, et de tracer l'orientation que le Canada devra suivre en vue de refléter nos valeurs fondamentales et notre identité.

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Une des réalisations du Canada, en plus des routes, des hôpitaux, des écoles et de toute l'infrastructure, est un stock de logements publics parmi les meilleurs au monde. Le parc immobilier fédéral comprend en tout environ 660 000 unités de logement. C'est de l'avenir de ce parc immobilier domiciliaire dont je voudrais vous entretenir aujourd'hui.

Nous construisons ces logements sociaux depuis les années cinquante. Certaines hypothèques sont presque remboursées, ce qui réduira sensiblement ou même éliminera les subventions nécessaires au maintien des logements. Dans bien des cas, les subventions disparaîtront complètement. C'est alors qu'apparaissent les véritables avantages.

L'Association est très inquiète d'entendre que certaines provinces offrent de vendre leurs logements à but non lucratif ou publics. Ce serait complètement absurde, sur le plan financier. Vendre aujourd'hui les logements sociaux, ce serait comme vendre les joyaux de la Couronne dans une vente-débarras. Le Canada n'ajoute plus à son stock de logements abordables, et pourtant les besoins vont en augmentant car les salaires réels diminuent et les prestations d'assistance sociale sont en déclin. En l'absence de programmes visant à construire de nouveaux logements sociaux, il est plus important que jamais de protéger ce que nous avons réussi à mettre en place.

Je veux aussi mentionner le programme d'aide à la remise en état des logements ou PAREL, dont le financement prend fin à la fin de décembre. Non seulement ce programme offre aux ménages à faible revenu la possibilité d'amener leur maison à hauteur de certaines normes minimales; c'est l'une des façons les plus efficaces pour le gouvernement de dépenser de l'argent pour créer de l'emploi. Je vous exhorte à poursuivre ce programme et à envisager de l'étendre aux fournisseurs de logements sociaux.

Il est évident que des mesures doivent être prises dans un certain nombre d'autres secteurs, en dépit du manque de fonds qui empêche de poursuivre les programmes de logements sociaux. Dans les réserves, par exemple, la situation est absolument déplorable. Le nombre de personnes qui vivent dans des refuges, les femmes battues qui ne peuvent plus fuir une situation où elles se font agresser - il y a une foule de situations très graves qui exigent absolument une intervention gouvernementale quelconque, et c'est vers le gouvernement fédéral que nous nous tournons pour espérer des initiatives.

Mais revenons aux investissements dans les logements sociaux. Les budgets ont été réduits et plafonnés. Notre organisation, l'ACHRU, a une conscience aiguë des 1,2 million de ménages qui n'ont pas les moyens financiers voulus pour se loger convenablement. L'ACHRU continue d'appuyer la croissance du secteur à but non lucratif au Canada. Toutefois, comme bien d'autres, nous nous efforçons de faire plus avec moins.

Le débat qui a cours au sein de notre organisation, et je suis certaine que le gouvernement se pose la même question, c'est de savoir si ces logements sociaux sont ciblés aussi efficacement qu'ils le pourraient. Serait-il possible de réaliser des économies quelque part? Pourrait-on utiliser nos logements sociaux dans le cadre d'autres initiatives nationales pour les rentabiliser davantage, par exemple la garde des enfants ou la formation?

Ce sont des questions importantes. Toutefois, quelles que soient les réponses, celles-ci ne remettent pas en cause la sagesse des gouvernements précédents quand ils ont pris la décision de construire les logements sociaux qui existent aujourd'hui. Ces interrogations ne signifient pas non plus que le temps est venu de vendre nos logements sociaux. Elles reflètent simplement la nouvelle conjoncture financière.

L'ACHRU reconnaît le désir du gouvernement de réduire le déficit et de restreindre l'intervention gouvernementale dans certains secteurs où celle-ci n'est plus nécessaire. Dans le domaine du logement, il y a des tâches qui peuvent être gérées plus efficacement et de façon plus rentable hors de l'appareil gouvernemental.

Aujourd'hui, je veux traiter spécifiquement de l'administration du logement social, car l'ACHRU est justement en train d'élaborer une proposition visant à créer une société distincte chargée d'administrer les logements sociaux. Nous en sommes encore à l'étape préliminaire, et je voudrais revenir devant le comité quand nos idées là-dessus seront plus précises. Mais je veux soutenir dès aujourd'hui que l'administration du logement social peut être assumée plus efficacement, en termes de coût, par l'ACHRU.

Notre plan est de créer une société de gestion distincte dont l'ACHRU serait l'unique actionnaire. La société aurait le mandat de gérer efficacement les logements à but non lucratif et aurait la capacité d'offrir des mesures d'économie, par exemple l'achat en gros de polices d'assurance, d'équipement et d'appareils ménagers. Elle pourrait étudier la possibilité d'amalgamer les petites organisations à but non lucratif afin d'établir si de telles mesures permettraient de réaliser des économies. Cela permettrait d'investir en bloc les réserves pour remplacement, avec pour résultat de meilleurs revenus d'intérêt des organismes à but non lucratif. Cela encouragerait la formation des cadres et des membres des conseils d'administration, afin de promouvoir l'excellence et d'encourager les échanges d'idées d'un bout à l'autre du pays.

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La structure de cette société ferait en sorte que les tâches soient assumées au niveau le plus pertinent. Par exemple, les associations provinciales pourraient jouer un rôle et les spécialistes locaux pourraient se charger du travail sur le terrain, par exemple les inspections annuelles et les interventions, le cas échéant.

La sous-traitance d'une partie des tâches administratives de la SCHL se traduirait par des économies immédiates, et d'autres suivraient au fur et à mesure que les mesures que j'ai énumérées seraient appliquées.

Pour réaliser ces économies à plus long terme, il est nécessaire d'établir des normes de rendement pour la gestion des activités des organisations à but non lucratif. Un projet de recherche pour élaborer de telles normes pourrait être mis en chantier immédiatement avec l'appui de la SCHL et d'organisations sectorielles. Il est essentiel, pour assurer le succès de cette entreprise, d'établir des points de repère de succès.

Pourquoi l'ACHRU? Parce que notre association représente le secteur du logement social au Canada depuis plus de 27 ans. Pendant cette période, nous nous sommes bâti une crédibilité enviable auprès de nos membres. Nous représentons les principaux groupes municipaux à but non lucratif et nous avons donc des liens directs avec les administrations municipales.

Nos membres représentent les meilleurs experts dans la conception et la gestion de logements sociaux au Canada. On peut faire appel à eux pour intervenir quand les projets ont besoin d'aide. En fait, l'expérience des gestionnaires et des commissaires qui sont membres de l'ACHRU nous permet de savoir quand on peut intervenir le plus efficacement, généralement avant que les problèmes ne surgissent. Nous mettrions au point un système d'alerte avancé pour les projets, permettant de prédire quand ces derniers sont susceptibles de subir des difficultés financières ou administratives.

La nature régionale de notre conseil d'administration fait de l'ACHRU un organisme sensible aux différences régionales. En fait, tout au long de notre histoire, nous avons fait l'expérience de ces différences. Nous sommes également dans une position privilégiée pour identifier et mettre en oeuvre des mesures d'optimisation de l'efficacité.

L'ACHRU a participé à la recherche de mécanismes de rechange pour le financement. Certains de ces mécanismes, notamment les titres de propriété bénéficiaires, permettent d'espérer une plus grande efficacité. Ces idées sont plus volontiers acceptées par les organismes à but non lucratif si elles sont offertes par une organisation en place dans le secteur. Mais en s'en remettant à une organisation sectorielle, le gouvernement fédéral peut quand même conserver le contrôle du stock de logements sociaux sans devoir maintenir un appareil administratif coûteux.

En terminant, je rappelle aux membres du comité l'importance des organisations communautaires comme l'ACHRU, qui comptent sur les efforts de bénévoles et font la preuve que c'est la façon la plus efficace de répondre aux besoins de la collectivité.

J'exhorte le comité à reconnaître le rôle important que jouent l'ACHRU et les autres organisations du même genre qui contribuent à faire du Canada un endroit où il fait bon vivre.

Le président: Merci, madame Chisholm.

[Français]

Nous allons commencer les questions.

M. Loubier (Saint-Hyacinthe - Bagot): Bonjour, mesdames et messieurs.

Ma question s'adresse à M. Kelly ou à M. Graham. Vous avez mentionné tout à l'heure un train de mesures pour favoriser la création artistique et la croissance des revenus des artistes que vous suggéreriez au ministre des Finances en vue de la conception du prochain budget.

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Quelles seraient ces mesures par rapport à ce qui existe déjà? On parle de la Loi sur le droit d'auteur, mais y-a-t-il d'autres mesures auxquelles vous avez pensé et qui pourraient contribuer à l'amélioration du sort des artistes canadiens tout en étant peu coûteuses pour les caisses de l'État?

[Traduction]

M. Kelly: Il y a un certain nombre de mesures que nous souhaitons voir appliquer. Chose certaine, le dossier des encouragements fiscaux pour les investissements et les dons est prioritaire; cela nous permettrait d'attirer de l'argent du secteur privé pour maintenir la production de contenu.

Par ailleurs, nous souhaitons voir émerger une orientation commune, en termes de financement et de mandat, pour les principaux organismes comme Radio-Canada, Téléfilm, l'Office national du film et le Conseil des arts. En y ajoutant le droit d'auteur, je crois que cela nous permettrait vraiment de poursuivre la croissance impressionnante que le secteur culturel a connue depuis une dizaine d'années.

[Français]

M. Graham: Si je peux ajouter à cela,

[Traduction]

Il y a un secteur où nous pourrions voir un déblocage positif, c'est celui qui concerne la culture comme élément de politique étrangère.

J'ai passé la plus grande partie de la journée de mardi à discuter avec des artistes et des agents d'artistes qui préparaient un voyage dans les pays du Pacifique pour y vendre de l'art canadien. L'un des plus gros problèmes sur lesquels nous avons buté était simplement que nous n'avons pu trouver de compagnie d'assurance privée qui voulait nous assurer. Et comme le comité d'exportation du Canada n'est pas habitué à s'occuper d'oeuvres d'art, les compagnies n'ont aucun taux applicable. C'est bien simple, il est impossible d'assurer une cargaison d'oeuvres d'art. Si c'étaient des ordinateurs, nous pourrions le faire, mais pas des oeuvres d'art.

C'est sur des petits problèmes de ce genre que nous achoppons, de petits obstacles qui empêchent les gens de réussir en affaires dans ce secteur, et auxquels il faut s'attaquer. Ça peut être aussi simple que le fait que les gens qui travaillent dans les missions commerciales ne connaissent souvent rien à l'art et à ses débouchés commerciaux, tandis qu'ils s'y connaissent dans d'autres secteurs de l'économie. Il y a des choses que les gens tiennent pour acquis dans le secteur manufacturier, par exemple l'assurance-exportation, qui n'existent pas pour la plupart des produits culturels.

C'est à cela qu'il faut s'attaquer. Cela n'entraînerait pas nécessairement un coût spécifique pour le Trésor fédéral, mais il serait possible d'agir sur ce front.

[Français]

M. Loubier: Vous parliez, monsieur Kelly, d'encouragements fiscaux. Quelle serait la nature de ces encouragements fiscaux dans le domaine des arts?

[Traduction]

M. Kelly: Au sujet des dons et des investissements, nous avons vu dans le dernier budget fédéral l'introduction du crédit d'impôt enregistré pour investissement dans le film et le vidéo. C'est une mesure que nous avons appréciée et nous voudrions qu'on adopte le même mécanisme dans les secteurs de l'édition, de l'enregistrement sonore et des magazines.

Nous voudrions aussi pouvoir offrir un rendement plus élevé sur les dons faits à des oeuvres de bienfaisance dans l'ensemble de l'économie. Je pense que vous entendrez le même argument de la part d'autres secteurs charitables. Cela nous aiderait vraiment à attirer les revenus dont nous avons besoin pour combler l'insuffisance du financement qui a été provoquée par la récession, aux niveaux fédéral et provincial.

.1015

M. Graham: On pourrait aussi accentuer l'effort dans le cas de certaines institutions culturelles fédérales qui à leur tour subventionnent la production de films ou l'achat d'oeuvres d'art ou encore la commandite d'oeuvres d'art. Quoique ces organismes fonctionnent souvent de façon autonome sur le plan financier, des fonds pourraient être établis en vue de créer des dotations ayant le statut de don à la Couronne. Par exemple, une compagnie pourrait donner de l'argent qui serait investi spécifiquement dans le développement du film expérimental, de la danse ou, dans mon cas, des arts visuels.

Ce fonds serait administré par une institution fédérale, que ce soit Téléfilm ou le Conseil des arts. Mais ce fonds et les dons qui y seraient faits ou les dotations auraient le statut de don à la Couronne.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Loubier.

[Traduction]

Monte Solberg, vous avez la parole.

M. Solberg (Medicine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur Glover, vous avez fait des observations sur la crise de l'endettement dans laquelle nous sommes plongés. Je me demande ce que vous pensez des nouveaux objectifs annoncés hier par le ministre des Finances en matière de réduction du déficit.

Le président: Il les adore.

M. Glover: Je voudrais demander à mon collègue de répondre à cette question. Je suis désolé, mais j'ai participé ici à Ottawa à une série de réunions qui se sont prolongées très tard, et j'ai commencé très tôt ce matin. Je n'ai donc pas eu l'occasion d'examiner les chiffres, mais je sais que M. Strain l'a fait.

M. Bill Strain (président, Fiscalité, CAVA pour l'assurance-vie avancée): Merci, Don.

Je n'ai eu que très peu de temps pour examiner les documents. Premièrement, nous trouvons très encourageant le fait que le ministre des Finances est convaincu que les objectifs pour 1995-1996 seront atteints, ce qui ramènera le déficit à 3 p. 100 du PIB. Nous trouvons encourageant l'objectif de le réduire encore davantage à 2 p. 100 du PIB au cours de la prochaine année, mais nous sommes quelque peu déçus que l'on n'ait pas fixé d'objectifs encore plus impressionnants.

Je n'y ai jeté qu'un bref coup d'oeil, mais il me semble, si l'on tient compte des économies qui résulteront des mesures budgétaires déjà annoncées en 1994 et en 1995, et si l'on tient compte d'une augmentation même minime des recettes attribuables à la croissance économique, que l'objectif de 2 p. 100 du PIB en 1997-1998 ne semble pas exiger d'autres compressions de dépenses le moindrement importantes.

Nous croyons que la situation de la dette constitue une crise, et je précise bien que ce n'est pas seulement au niveau fédéral, mais également en ce qui a trait à la dette des gouvernements provinciaux et municipaux.

Les économistes qui ont comparu devant le comité le 9 novembre ont tous prédit une modeste croissance économique. Si ces projections se réalisent, le moment serait bien choisi pour prendre des mesures de plus en plus fermes en vue d'éliminer le déficit et de commencer à rembourser la dette, ce que nous estimons nécessaire à long terme.

M. Solberg: Monsieur Glover, vous avez fait des observations sur le système de revenu de retraite. Vous avez évoqué le besoin de réduire notre dette non provisionnée. À la page 6 de votre mémoire, vous dites également:

Mon parti préconise un programme que l'on pourrait qualifier de super REER pour aider les gens à se préparer à la retraite. Je me demande si vous avez envisagé cette possibilité et si vous pourriez nous expliquer les propos que vous tenez dans votre résumé.

M. Glover: Je vais faire certaines observations et je demanderai ensuite à M. Strain de nous en dire plus long.

Tout d'abord, nous attendons avec impatience le document du gouvernement sur le vieillissement de la population. Nous croyons que ce document abordera un certain nombre de questions auxquelles on pourra s'attaquer sérieusement.

.1020

Nous croyons qu'il faut amener les Canadiens à se préoccuper bien davantage de la préparation à la retraite. Si l'argent est mis de côté, c'est principalement en vue de la retraite. Il n'est pas mis de côté de manière à devenir un mécanisme pour l'étalement et le fractionnement.

Une foule de questions seront probablement abordées dans ce document; on se penchera par exemple sur la question de savoir si l'âge de 71 ans est bien choisi pour exiger que les comptes d'épargne soient convertis en revenu. Cet âge devrait-il être légèrement avancé? Devrait-il y avoir des pénalités pour le retrait anticipé si l'argent est utilisé à d'autres fins que la retraite, comme c'est le cas aux États-Unis?

Vous constaterez que nous sommes d'accord avec tout ce qui permet aux Canadiens d'établir leurs propres programmes de retraite. Le plan vise essentiellement à mettre de l'argent de côté, à accumuler un fonds de pension, détournant ainsi les Canadiens du secteur public et du régime public.

M. Strain: Pour faire suite à ce que Don vient de dire, nous sommes préoccupés par l'importance qu'on semble accorder à l'aide fiscale à l'épargne-retraite, à la suite de la publication de l'énumération des dépenses fiscales. Je crois que l'estimation actuelle contenue dans le document rendu public hier soir par M. Martin est d'environ 13,6 milliards de dollars, d'après les chiffres de 1992.

Je signale que l'Institut canadien des actuaires et le Conference Board du Canada ont examiné les régimes d'aide fiscale et ont abouti à un chiffre beaucoup plus bas, de l'ordre de quatre à cinq milliards de dollars, compte tenu de tous les facteurs en cause. Ils reconnaissent qu'à mesure que la population vieillira au cours des prochaines années, il est très possible que les dépenses fiscales deviennent un chiffre positif de recettes fiscales, de plus en plus de gens retirant de l'argent de leur REER et devant payer de l'impôt sur cet argent.

Par ailleurs, il est également fondamental de ne pas envisager d'aide fiscale pour les régimes d'épargne-retraite privés séparément des régimes publics; il faut étudier le tout globalement. Il faut examiner les répercussions économiques de cette épargne qui est accumulée et qui peut être investie à l'avenir dans l'économie canadienne. Nous devons examiner cela soigneusement et globalement avant de prendre toute action précipitée qui pourrait bien se révéler injustifiée.

M. Solberg: Monsieur Glover, vous avez fait des observations sur la réforme fiscale. Il m'a bien semblé que vous proposiez presque quelque chose comme un impôt uniforme. Est-ce à cela que vous voulez en venir?

Le président: Vous posez au témoin une question tendancieuse.

M. Solberg: Je ne fais que réagir à ses commentaires.

M. Glover: Je pense qu'il est juste de dire qu'à notre avis, il faut procéder à un examen complet du programme et du système tout entier. Il faut rendre le système plus simple et plus juste et il faut que le système soit perçu comme juste par tous les Canadiens. On s'attaque constamment aux riches, pourtant le système exige une juste proportion d'impôts de ce groupe. Mais le principal fardeau est encore assumé par le groupe des revenus moyens.

Nous n'avons pas de politique officielle selon laquelle nous préconisons un impôt uniforme, mais ce qui est sûr, c'est que nous voulons une plus grande simplicité. Pour cela, il faudrait que la refonte se fasse au niveau provincial également. Si l'on modifie les niveaux d'imposition fédéraux, et si les provinces profitent de toute réduction des taux fédéraux pour augmenter les leurs, les consommateurs ou les citoyens canadiens ne sont pas plus avancés. En fait, cela n'a fait qu'alourdir la fiscalité.

.1025

M. Strain: J'ai une ou deux autres observations. Comme vous le signalez, on parle beaucoup de nos jours de diverses propositions d'impôt uniforme, qui sont d'ailleurs loin de se ressembler. Tant aux États-Unis qu'au Canada, je crois que des représentants de tous les partis ont avancé à un moment ou à un autre diverses versions d'impôt uniforme.

Ce qui m'inquiète, c'est que toutes ces propositions semblent promettre, explicitement ou implicitement, une baisse notable du montant d'impôt à payer.

Je voudrais faire remarquer que d'après les chiffres que M. Martin a déposés hier soir, la somme totale des impôts payés au Canada représente toujours 36 à 37 p. 100 du PIB à tous les niveaux. M. Martin a également dit dans ses documents d'hier soir que le PIB est une assez bonne approximation de l'assiette fiscale au Canada. Cela me donne à penser que toute proposition d'un impôt uniforme dont le taux serait inférieur à 37 p. 100 n'est qu'un mirage, compte tenu des recettes actuelles des gouvernements.

De plus, si l'on envisageait cette possibilité, il faudrait taxer à un seul taux uniforme la totalité de l'assiette fiscale. Cela veut dire qu'il faudrait taxer les gains réalisés à la vente des maisons; en fait, il faudrait taxer absolument tous les revenus, quelle que soit leur forme et quelle que soit la date à laquelle ils sont réalisés.

Je pense que la proposition d'un impôt uniforme reflète plutôt la perception des gens, qui ont l'impression que le système est injuste. Ils estiment que la fiscalité est trop lourde; voilà l'élément fondamental auquel il faut s'attaquer.

M. Solberg: Monsieur Kelly, vous avez dit que les industries artistiques ou culturelles se sont assez bien débrouillées ces dernières années. Je pense qu'il est vrai que même si les subventions gouvernementales ont diminué, passant d'environ six milliards à quelque cinq milliards de dollars, en même temps, le PIB culturel a connu une croissance spectaculaire. Je pense qu'il est maintenant d'environ 24 milliards de dollars.

À mesure que la population vieillit, j'ai l'impression que les gens qui ont davantage de revenus disponibles dépensent davantage dans le secteur culturel. Dans ce contexte, je me demande pourquoi vous venez demander que l'on aide davantage la culture, alors même que le secteur culturel semble se tirer fort bien d'affaire.

M. Kelly: Nous ne demandons pas plus d'argent. Nous demandons des réformes structurelles qui créeront une certaine stabilité relativement aux dépenses fiscales.

Nous assistons à une retraite précipitée du domaine culturel, de la part de tous les gouvernements. C'est à qui sortira le premier et nous sommes certains que des gens seront blessés dans la bousculade, et ça ne peut être que nous. À titre de mesure transitoire, nous demandons que l'on nous donne les outils qui nous permettront d'attirer les revenus nécessaires pour alimenter la croissance et aussi pour profiter des nouvelles possibilités à mesure qu'elles s'offrent.

Bien sûr que les nouvelles technologies, comme la diffusion directe par satellite, la vidéo sur demande et l'arrivée imminente des compagnies de télécommunications comme radiodiffuseurs, vont gonfler la demande de contenu. Nous voulons nous assurer d'être capables non seulement de combler cette demande dès que ces nouvelles entreprises seront lancées, mais aussi de maintenir un approvisionnement continu. Nous avons besoin de cette stabilité pour nourrir la chaîne de créativité.

M. Solberg: Est-il vrai que pour produire ce contenu, nous aurons besoin de capital-actions au Canada? Je sais par exemple que les câblodistributeurs et les compagnies de téléphone ont fait savoir qu'il leur faudra une injection de capitaux de quelque 20 milliards de dollars uniquement pour fournir l'infrastructure physique nécessaire à leurs services.

J'ai l'impression qu'il leur faudra s'adresser ailleurs, probablement aux États-Unis ou dans d'autres pays, pour trouver ces capitaux. Cela fera grimper le niveau de propriété étrangère. Selon vous, est-ce une solution possible pour fournir des capitaux et assurer l'expansion du secteur culturel?

M. Kelly: Je n'aurais jamais suggéré rien de tel. Je pense qu'il est important d'établir clairement que l'initiative phare de la Stentor est entièrement financée par les actionnaires. Il n'est pas question d'emprunter les dix milliards de dollars nécessaires.

.1030

M. Solberg: Non, je comprends que c'est du capital-actions, mais...

M. Kelly: Les compagnies se sont également engagées à travailler en partenariat avec les industries artistiques et culturelles pour créer le contenu. Ces gens-là nous le disent très franchement: nous avons le câblage et l'infrastructure, mais nous n'avons pas le contenu. C'est pourquoi nous avons besoin d'un partenaire et c'est ainsi que nous voyons vraiment l'orientation future.

Comme vous le savez, on vient d'annoncer que le niveau de propriété a été harmonisé à66,66 p. 100 pour les télécommunications et la radiodiffusion. L'explication officielle est que l'investissement étranger additionnel permettra aux entreprises canadiennes d'investir dans le contenu.

Il y a une chose qui nous déçoit, c'est que dans cette déclaration, on n'exige nullement que l'investissement étranger soit consacré exclusivement à la création de contenu. Il pourrait servir uniquement à l'infrastructure. Cela n'avance pas le partenariat entre les artistes et les producteurs et les nouvelles technologies, du moins pas autant qu'on le voudrait. Par conséquent, tant que nous n'aurons pas réglé cette question pour garantir que le capital étranger sert à la production de contenu, il n'est pas question que nous souscrivions à la moindre augmentation, même infime, du niveau de propriété étrangère.

M. Solberg: Je songe à la production de films et d'émissions de télévision. N'est-il pas vrai qu'il y a vraiment une forte demande dans le monde entier pour le contenu canadien dans la production de films à l'heure actuelle et que cette industrie est en forte croissance? Je ne vois pas pourquoi vous auriez besoin du moindre stimulant, alors qu'il est assez évident que cette industrie est en plein essor.

M. Kelly: Vous devez comprendre qu'il y a deux formes de production de films actuellement au Canada. Il y a d'abord la production de films par des Canadiens, à partir de scénarios canadiens, qui fait appel à des talents canadiens; et il y a d'autre part l'aspect service du secteur cinématographique, c'est-à-dire que des studios américains viennent ici pour profiter de l'infrastructure et du talent en vue de produire des films américains, lesquels...

M. Solberg: Ils sont payés; ils ne sont pas exactement exploités.

M. Kelly: Ce n'est pas non plus ce que j'ai voulu dire. Je disais simplement que l'extraordinaire talent de la communauté canadienne de production de films peut être utilisé à son avantage par n'importe quel producteur étranger, américain ou autre.

Il y a énormément d'activités au Canada dans le domaine de la production de films, mais il y a deux aspects. Ce que nous voulons, c'est nous assurer que la production de films canadiens est aussi vigoureuse que l'industrie des services cinématographiques au Canada.

Le président: Madame Brushett.

Mme Brushett (Cumberland - Colchester): Merci, monsieur le président.

[Difficulté technique - Éditeur]...tout à fait capable d'aider les gens à rester dans leur maison, surtout dans les régions rurales où leurs revenus sont très faibles, mais cela fait aussi économiser de l'argent aux contribuables en faisant en sorte qu'ils aient un foyer et un mode de vie plus sain et plus heureux. Je suis donc tout à fait d'accord avec vos commentaires.

J'ai une question à poser à M. Strain au sujet des propos qu'il a tenus il y a quelques instants relativement à l'objectif annoncé hier par le ministre, soit un déficit de 17 milliards de dollars d'ici 1997-1998. Vous avez dit que cela n'entraînerait aucune nouvelle compression des dépenses de programme. Je me demande sur quoi vous vous fondez pour dire cela. Croyez-vous que la croissance de l'économie sera supérieure à 2,5 p. 100, ou bien avez-vous d'autres éléments de preuve pour dire que nous n'avons pas besoin d'envisager de nouvelles compressions? J'étais plutôt portée à penser que nous allions devoir chercher où couper.

M. Strain: Comme je l'ai dit, dans les documents qui ont été publiés hier, on trouve les propres estimations du gouvernement quant aux retombées que les mesures annoncées dans les budgets de 1994 et de 1995 auront en 1996-1997 et en 1997-1998. Tout indique qu'en 1997-1998, les mesures qui ont déjà été annoncées entraîneront des compressions additionnelles de cinq milliards de dollars dans les programmes.

.1035

Donc, si l'on prend le déficit prévu pour 1996-1997, qui est de 24 milliards, nous en sommes à 19 milliards. Ensuite, si l'on envisage une augmentation même modeste des revenus résultant d'une croissance économique d'environ 2 p. 100 en termes réels, cela produira au moins deux milliards de dollars supplémentaires de revenu en sus des dépenses de programme et des frais de financement. Cela nous donne donc environ sept milliards de dollars.

Il faut reconnaître également que M. Martin a inclus dans ses chiffres une réserve pour éventualités de trois milliards de dollars. Si l'on additionne les deux milliards de revenu, les cinq milliards de compressions résultant des mesures antérieures et une réserve pour éventualités de trois milliards, cela nous donne dix milliards, ce qui ferait passer le déficit de 24 milliards à 14 milliards, en supposant que la réserve pour éventualités soit totalement utilisée.

Il me semble, d'après les chiffres qu'on nous a présentés hier, qu'il ne sera pas nécessaire d'opérer de nouvelles compressions d'envergure. Il faudra maintenir les mesures déjà annoncées et veiller à poursuivre les compressions déjà entamées, mais il n'y aura aucune nouvelle compression de programmes.

Mme Brushett: Je ne pense pas que notre intention soit d'intégrer la réserve pour éventualités dans le processus budgétaire.

M. Strain: Mais même avec les 7 milliards que j'ai mentionnés, vous en êtes à 17 milliards.

Mme Brushett: Merci beaucoup.

J'ai une question pour M. Kelly. Je suis entièrement d'accord avec lui pour dire que le secteur des arts et de la culture est en plein essor. Je suis de la Nouvelle-Écosse et nous assistons là-bas à une croissance frénétique, ce dont je suis heureuse et très fière.

Au sujet de la TPS, vous avez dit que nous devrions en exonérer les livres et les magazines. Songez-vous seulement aux publications canadiennes, ou bien à tous les livres et magazines?

M. Kelly: Non, seulement les publications canadiennes.

Mme Brushett: Merci.

Un dernier point, avant de céder la parole à mon collègue. Vous êtes revenu sur quelque chose que nous avons supprimé en 1972. Il y avait beaucoup de parasites à ce moment-là et je n'ai pas pu entendre exactement ce que vous avez dit.

M. Kelly: Les dispositions sur l'étalement de la Loi de l'impôt sur le revenu permettaient aux contribuables d'étaler leurs revenus sur un certain nombre d'années. Ainsi, si vous passez cinq ans à écrire le grand roman des lettres canadiennes et que vous vivez de lentilles pendant quatre de ces années,...

Le président: Vous seriez en très bonne santé si vous faisiez cela.

M. Kelly: Si vous avez gagné 500 000 $, vous devriez payer l'impôt sur cette somme de500 000 $ comme si c'était le revenu d'une seule année, au lieu de tenir compte du fait qu'il vous a fallu cinq ans pour créer ce revenu.

Voilà le genre de dispositions dont nous parlions. Nous savons que les athlètes professionnels et les vendeurs à leur compte ont les mêmes problèmes.

Le président: Madame Brushett, puis-je me permettre d'intervenir? Je croyais que la loi autorisait l'achat d'une rente d'étalement du revenu, ce qui a le même résultat. N'est-ce pas le cas?

M. Kelly: C'est sûrement...

Le président: Bill, peut-être pourriez-vous nous aider à ce sujet. C'est bien la première fois que je vous demande de me conseiller gratuitement à titre de fiscaliste.

M. Strain: Les rentes d'étalement du revenu qui étaient disponibles dans les années 1970 ont été supprimées dans le budget MacEachen de 1981. Il n'y a pas eu d'autres...

Le président: Il n'y a donc plus aucune disposition d'étalement.

M. Strain: Aucune disposition d'étalement.

Mme Brushett: À titre d'information, pourquoi les a-t-on supprimées? Est-ce que nous perdions beaucoup d'argent, enfin quel était le problème?

M. Strain: C'était il y a longtemps. Je crois que c'est en partie parce que l'on avait l'impression que les règles des rentes d'étalement du revenu donnaient lieu à des abus, c'est-à-dire que des gens achetaient une rente d'étalement du revenu et se tournaient immédiatement vers une institution financière pour emprunter la même somme. Ils avaient donc l'argent, mais pas la responsabilité fiscale, qui était étalée sur plusieurs années. Je crois que c'est à cause de ces problèmes particuliers que ces dispositions ont été abrogées.

Le président: Nous avions donc un excellent régime en place, mais il a été massacré par les comptables et les avocats.

Mme Brushett: Ce ne serait pas la première fois.

M. Strain: Je me mords la langue.

Le président: J'ai déjà été avocat fiscaliste.

Monsieur St. Denis.

M. St. Denis (Algoma): Je vous remercie d'être venus.

La plupart des points qui m'intéressaient ont déjà été abordés, mais je voudrais poser une ou deux questions à Mme Chisholm.

Il y a de nombreuses années, j'ai été administrateur municipal en Ontario. Il y avait un programme provincial qui s'appelait PRLO, c'est-à-dire le programme de rénovation des logements de l'Ontario, destiné aux personnes âgées dont les maisons avaient besoin de réparations et aux propriétaires à faible revenu qui avaient besoin, par exemple, d'une nouvelle fosse septique, et que j'ai eu l'occasion d'administrer au niveau de la base. On en voyait les avantages concrets tous les jours.

.1040

Je sais que nous nous débattons au niveau fédéral avec les dépenses et la difficulté de les réduire. Même si nous considérons que c'est un programme très important, je crois que nous devons fournir une argumentation plus étoffée à l'appui de l'effet multiplicateur de programmes comme le PAREL. Même si vous et moi pouvons en constater les avantages concrètement, 99 p. 100 de la population ne le voit pas.

Votre association a-t-elle des chiffres qui montrent quelle a été l'efficacité, sur le plan économique et de la rénovation domiciliaire, de programmes comme le PAREL et les programmes provinciaux semblables, s'il en reste? En Ontario, le programme PRLO a été annulé il y a longtemps. Avez-vous des chiffres à l'appui de l'argument voulant que ce genre de programme soit bon non seulement pour préserver notre stock de logements et pour aider les Canadiens à faible revenu, mais aussi pour l'ensemble de l'économie?

Mme Chisholm: L'argument que nous avons toujours invoqué en faveur du PAREL, outre les avantages que vous venez de mentionner et dont nous sommes très conscients, c'est la capacité de création d'emplois. Je n'ai pas les données en main, mais je peux vous fournir des chiffres sur la construction de maisons neuves. Pour chaque nouvelle unité de logement social construite au Canada, 2,2 années-personnes d'emploi ont été créées dans des emplois directs et indirects associés à cette unité. Il y a un avantage additionnel en ce sens que les logements sociaux créent une économie locale pour l'épicerie, le nettoyeur, le magasin de vidéos, etc.

Dans le cas des fonds du PAREL, le pourcentage est en fait plus élevé parce qu'on utilise moins de matériaux et qu'on met davantage de temps pour réparer nos logements les plus vieux. C'est le principal argument que j'ai toujours invoqué en faveur du PAREL, à savoir qu'il crée de l'emploi. Il crée de l'emploi rapidement et il en créera dans les régions où il manque cruellement d'emplois en ce moment.

Nous savons tous que le nombre de mises en chantier domiciliaires a brutalement chuté au Canada. Ces dernières années, ça a été l'effondrement; il y a eu une baisse d'environ 50 p. 100. Nous en sommes à tout juste plus de 100 000 unités par année au Canada. Nous savons donc que c'est un secteur qui est durement touché actuellement.

Quant à la création d'emplois, pour chaque dollar dépensé, bien plus de 50 ¢ vont à la création d'emplois. J'ignore la proportion exacte, c'est de l'ordre de 75 ¢ ou 80 ¢, mais je n'ai pas les chiffres exacts, je suis désolée. C'est une façon vraiment efficace de créer des emplois dans une région où des travailleurs qualifiés sont disponibles et n'attendent que l'occasion de travailler.

M. St. Denis: J'aurais une deuxième brève question.

Vous nous avez dit qu'en Ontario, et peut-être pourriez-vous nous dire si c'est également le cas ailleurs, le gouvernement provincial envisage de vendre l'inventaire de logements sociaux. Dans le cas de l'Ontario, on a fait spécifiquement cette promesse. Dans bien des cas, les hypothèques sont presque payées et nous disons que nous allons bientôt récolter les avantages de ces installations. À votre avis, une province peut-elle vendre sans la permission du gouvernement fédéral, si ce dernier est créancier hypothécaire?

Mme Chisholm: Il faut se rappeler qu'il y a toute une série de programmes de logements qui ont été financés depuis les années cinquante. En Ontario, certains programmes sont administrés directement par le gouvernement provincial, mais dans le cadre d'arrangements compliqués où le gouvernement fédéral paye une subvention au gouvernement provincial pour permettre aux résidents d'habiter dans le complexe.

Le gouvernement de l'Ontario a annoncé qu'il vendra ces logements, et il semble s'imaginer pouvoir le faire sans se préoccuper des considérations juridiques. Si ce gouvernement vend les logements, il est évident que le gouvernement fédéral refusera de continuer à payer une subvention à l'égard de logements qui ne sont plus publics. C'était précisément l'intention de la subvention. L'Ontario va donc perdre cette subvention.

Dans les faits, il peut légalement vendre certaines unités, un nombre limité d'entre elles, et dans d'autres cas, il ne le peut pas. Il perdra évidemment la subvention afférente aux logements qu'il vendra. Donc, son problème immédiat, c'est qu'il a des locataires en place qui ne peuvent pas se permettre de payer le loyer qu'exigerait un nouveau propriétaire du secteur privé, à moins que ce dernier n'achète la propriété à un prix tellement dérisoire qu'il pourrait offrir des loyers à 100 $ ou 200 $ par mois, auquel cas il faudrait vraiment s'interroger sur la sagesse financière de vendre à un prix aussi bas. Ou bien, si le gouvernement de l'Ontario décide d'offrir des allocations de logement au lieu de subventions au loyer... S'il décidait de donner des allocations de logement, il renoncerait à une forme de subvention qu'il reçoit actuellement du gouvernement fédéral pour offrir lui-même une autre forme de subvention, ce qui ne serait pas non plus une sage décision du point de vue financier.

.1045

De plus, il y a certains problèmes juridiques concernant divers logements sociaux à l'égard desquels les municipalités et bien sûr le gouvernement fédéral ont un intérêt. Par exemple, dans le cas des propriétés de la Commission de logement de la Communauté urbaine de Toronto, c'est la ville de Toronto qui est propriétaire des terrains. Ainsi, quand les hypothèques seront remboursées, la ville redeviendra propriétaire. Il y a donc un certain nombre d'obstacles juridiques très importants à la vente. Je pense que le gouvernement annonce son intention de vendre en principe, mais qu'il constatera que c'est financièrement très difficile.

M. St. Denis: Les complications seront peut-être un obstacle tel qu'il ne pourra exécuter son projet.

Mme Chisholm: Nous l'espérons, et nous espérons que le gouvernement fédéral adoptera une position ferme. Nous n'avons pas encore entendu un mot de la société d'État responsable du logement ni du ministre, mais nous espérons assurément que le ministre se prononcera sur ces questions, parce que nous ignorons quelle est l'intention du gouvernement fédéral pour ce qui est de protéger les logements sociaux et l'investissement que nous avons tous consenti depuis 30 ans.

M. St. Denis: Merci, madame Chisholm.

Le président: Merci, monsieur St. Denis.

J'aurais quelques questions à poser au représentant de l'Association des assureurs-vie du Canada. Vous avez dit qu'il fallait enlever les obstacles qui empêchent d'amasser des capitaux pour aider les petites et moyennes entreprises. Que vouliez-vous dire?

M. Strain: M. Martin a évoqué de temps à autre sa frustration et celle de son gouvernement à l'égard des banques qui ne sont pas disposées à prêter de l'argent aux entreprises du secteur du savoir qui n'ont pas d'actifs tangibles à offrir en garantie de prêt. Nous constatons qu'il y a un besoin extraordinaire et croissant de financement, à mesure que les petites et moyennes entreprises fourmillent de plus en plus nombreuses dans le secteur du savoir.

Ce n'est pas un problème facile et nous n'avons pas de solution magique, mais nous sommes tout à fait disposés à vous offrir notre aide, et nous ne ménagerons aucun effort pour trouver, de concert avec le gouvernement, des idées nouvelles et novatrices.

Le président: Vous dites que le secteur de l'assurance-vie pourrait avoir cette capacité, je veux dire d'aider à injecter des capitaux dans les petites entreprises?

M. Strain: Peut-être.

Le président: Bien.

Deuxièmement, vous avez dit qu'il ne devrait y avoir aucune nouvelle taxe, que notre système actuel est trop complexe, que les impôts sont excessifs et injustes. Que voulez-vous dire par injustes?

M. Strain: Ce que nous avons dit, monsieur le président, c'est que les impôts sont perçus comme étant injustes.

Le président: Je vois.

M. Strain: Bien sûr, mes impôts sont injustes comparés aux vôtres et vos impôts sont injustes comparés aux miens.

Le président: Vous n'avez donc pas de suggestion à faire pour instaurer une plus grande équité horizontale ou verticale dans le régime fiscal?

M. Strain: Il y a certainement place pour de l'amélioration à cet égard. À mes yeux, le principal problème est un problème de perception. La perception générale, parmi le grand public, c'est que le système est injuste. On estime que les impôts sont trop lourds et trop complexes. Presque indépendamment du fait que nous pouvons avoir besoin d'une réforme fiscale, nous avons presque besoin d'une réforme visant à rétablir la crédibilité du système afin de s'attaquer à l'économie souterraine qui croît à un rythme extraordinaire. Dans les milieux financiers, on entend de plus en plus de commentaires de gens qui disent vouloir envoyer leur argent à l'étranger pour éviter la fiscalité canadienne. Cela n'augure pas bien pour un système qui repose essentiellement sur l'autocotisation. Que la solution soit un impôt uniforme ou bien une simplification du système actuel, je pense qu'il est évident qu'il faut faire quelque chose.

On légifère ces temps-ci sur des questions qui semblent très simples en adoptant des mesures extraordinairement complexes. Je vais vous en donner un exemple.

Dans le budget de 1994, le gouvernement a supprimé l'exclusion pour l'imposition des cotisations versées par l'employeur à une police d'assurance-groupe pour la première tranche de25 000 $ d'assurance. Auparavant, ce n'était pas un avantage imposable, mais cette exemption a été supprimée dans le budget de 1994. Je ne me rappelle pas du chiffre exact, mais il a fallu quelque chose comme 18 pages de textes de loi pour supprimer une exemption. J'en ai été sidéré et nous voyons de plus en plus de lois de ce genre pour étayer un régime fiscal qui échappe à tout contrôle.

Le président: Dites-vous que les 18 pages étaient inutiles, ou bien que c'était simplement un cas d'incompétence des rédacteurs?

M. Strain: Il me semble qu'une seule clause aurait suffi pour éliminer l'exemption, quitte à laisser le secteur privé se débrouiller pour établir la valeur de l'avantage qu'il y a lieu d'attribuer à chacun des participants à un régime de groupe. Il me semble que c'est ainsi qu'il aurait fallu procéder.

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Au lieu de cela, le gouvernement a décidé de légiférer pour établir la façon d'établir cette valeur en fonction du sexe et des différences d'âge et d'une foule d'autres détails, ce qui était à mon avis complètement inutile.

Le président: Enfin, je veux vous parler du paragraphe 112(3), c'est-à-dire de la règle concernant les pertes dont vous avez parlé. J'ignore si d'autres membres du comité sont au courant de la bataille que vous avez livrée au ministère des Finances dans ce dossier. Sinon, je vous encourage à faire part aux autres députés de vos préoccupations.

Voici comment je comprends l'affaire. Dans chaque cas où il y a une petite entreprise appartenant à une famille et où l'on veut assurer la continuité au sein de la famille ou du groupe d'employés, l'assurance-vie peut jouer un rôle très important pour aider à cette transition.

Vous avez trouvé une façon de faire en sorte que l'actif ne soit pas réputé réalisé au moment du décès si l'on prend une mesure précise, à savoir le rachat des actions par la société. Dans tous les autres cas où ces actions sont transférées, il y aura réalisation réputée. Le ministère s'efforce de «boucher» cette brèche. Est-ce votre version des faits, monsieur Strain?

M. Strain: Je pense que la question est beaucoup plus large que cela, monsieur le président. L'amendement qui a été proposé dans le projet de loi technique d'avril ne visait pas du tout, d'après ce qu'on nous dit, la stratégie que vous venez d'évoquer. En fait, quand nous avons attiré l'attention des fonctionnaires du ministère des Finances là-dessus, ils ont été étonnés.

Notre préoccupation fondamentale à l'égard de la modification proposée, c'est qu'elle ruine ce qu'on appelle le concept d'intégration. Le concept d'intégration, en ce qu'il touche les sociétés privées à peu d'actionnaires, est fondamentalement ceci: quand une société rapporte des bénéfices et les distribue à ses actionnaires après avoir payé l'impôt sur les sociétés, l'actionnaire ne devrait pas assumer un fardeau fiscal plus lourd sur le revenu gagné par la société et transmis sous forme de dividende que l'actionnaire n'aurait payé d'impôts s'il avait gagné ce revenu lui-même directement. C'est un principe fondamental établi en 1972.

L'amendement proposé créerait en fait la double imposition du revenu qui émane d'une société, dans certaines circonstances. Par exemple, dans le contexte de l'assurance-vie, outre la stratégie que vous avez évoquée, si une société touche de l'argent d'une police d'assurance-vie et, après la mort d'un actionnaire, distribue cet argent à l'actionnaire, l'argent se trouve à être taxé. Si l'assurance était plutôt sur la vie de l'actionnaire et si l'argent était reçu directement par le fils ou la fille de l'actionnaire, il n'y aurait aucun impôt à payer. C'est l'exemple le plus flagrant de la destruction du concept d'intégration dans le contexte de cette stratégie.

Le président: Merci.

Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter? Avant de terminer, nos témoins auraient-ils un dernier mot à nous dire?

Monsieur Graham.

M. Graham: Je voudrais seulement répondre aux observations faites par M. Solberg, quand il a en quelque sorte entraîné Keith à dire que nous ne voulons pas de nouvelles subventions gouvernementales.

On a souvent l'impression que nos artistes et le secteur culturel en général vivent de subventions. Si vous examinez l'emploi total dans ce secteur et le montant d'argent qui y est injecté, c'est beaucoup plus bas dans les arts et la culture que dans d'autres secteurs comme la pêche, la foresterie, l'agriculture, etc. De plus, les subventions versées individuellement sont tellement minimes que personne ne pourrait en vivre, croyez-moi. Un artiste subit en fait une baisse de revenu quand il accepte de vivre d'une subvention.

C'est tout. Je voulais seulement dissiper cette équivoque.

On parle souvent de l'infrastructure. À l'instar de Keith, je veux faire une mise en garde à tous ceux qui seraient tentés de se précipiter vers la sortie. Quand les municipalités se retirent, quand les provinces se retirent, quand tous voient l'occasion de faire des compressions, tant qu'il n'y aura pas en place de politique cohérente, n'allez pas vous précipiter trop rapidement vers la sortie, parce que cela pourrait provoquer des dommages beaucoup plus graves qui pourraient coûter beaucoup plus cher.

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Cela s'applique à toutes les facettes du secteur culturel. Nous ne disons pas qu'il nous faut davantage d'argent, mais je pense qu'il faut faire preuve de la plus grande prudence. À moins de mettre en place une politique cohérente et globale en matière de dépenses culturelles, cette façon de couper à la dérobée et de se précipiter vers la sortie sera source d'ennuis.

Le président: Merci, monsieur Graham.

Madame Chisholm.

Mme Chisholm: Merci.

J'exhorte le comité à réfléchir à la valeur que nous avons accumulée au Canada dans nos logements sociaux. Nous n'injectons plus d'argent nouveau dans le logement social et je suppose que nous en sommes venus à l'accepter, non pas que nous ne voudrions pas argumenter en sens contraire. Au cours des prochaines années, il faudra toutefois décider de l'opportunité de conserver ces logements et de la façon de les protéger. Je pense qu'il incombe très clairement au gouvernement fédéral de prendre des décisions à cet égard en se fondant sur un calcul financier et qu'il ne doit pas simplement se débarrasser du logement social pour des motifs d'ordre philosophique. Je crains que c'est ce qui se passe dans les provinces et je voudrais vraiment que le gouvernement fédéral dise plus clairement que nous avons quelque chose qui nous tient à coeur, qui est précieux et qui est un outil très important dont on pourrait se servir à l'avenir.

Le président: Merci, madame Chisholm.

Monsieur Strain.

M. Strain: Merci, monsieur le président.

Je voudrais revenir au point essentiel de notre présentation, à savoir la crise de l'endettement dans laquelle nous sommes plongés à tous les niveaux de gouvernement. La dette nationale n'est rien de plus qu'une taxe sur les générations futures, sur nos enfants et nos petits-enfants. Si nous ne sommes pas prêts à engager un certain niveau de dépenses sociales et à assurer le coût de divers programmes gouvernementaux, pourquoi devrions-nous demander à nos enfants de le faire à notre place? Je pense que nous avons maintenant l'occasion de faire des pas de géant vers l'élimination du déficit et le remboursement de la dette. En terminant, je voudrais inviter le comité à méditer sur deux questions. Si ce n'est pas nous, alors qui d'autre? Si ce n'est pas maintenant, alors quand?

Le président: Vous citez Hillel, je le sais.

Madame Chisholm, si vous avez un document écrit énonçant quel devrait être le rôle du gouvernement fédéral pour ce qui est d'aider à créer cette société en prenant les mesures que vous avez suggérées, peut-être pourriez-vous en remettre copie au comité. Je pense que nous sommes tous conscients de l'extraordinaire capital que nous avons accumulé et qui a fait de notre nation une société plus généreuse.

Quant à l'Association des assureurs-vie du Canada, je vous remercie de votre appui dans notre lutte pour assurer la responsabilité financière. Nous savons que vous représentez un secteur très important et nous comptons avoir le plaisir de continuer à travailler avec vous.

Mes dernières observations s'adressent à Greg Graham et à Keith Kelly. Encore une fois, je pense qu'il est très important que vous participiez régulièrement à notre processus de consultation. Vous représentez un grand nombre de personnes qui contribuent bien davantage que ne l'indiquent les chiffres du PIB à ce que nous considérons être notre pays, notre identité. Vous nous avez donné des façons très concrètes et précises dont nous pourrions probablement aider en créant une meilleure infrastructure sans nécessairement augmenter les dépenses. Je vais scruter chacune de vos dix recommandations et j'espère que nous pourrons donner suite à la plupart d'entre elles. Il est vrai qu'elles outrepassent la compétence de notre comité parce qu'elles ne mettent pas en cause des mesures budgétaires, mais je crois quand même que nous devrions être disposés à travailler avec vous pour mieux les comprendre et qu'il vaudrait la peine d'entretenir un dialogue.

Nous comptons sur la présence continue de chacun d'entre vous devant notre comité au cours des prochains jours et des prochains mois. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie beaucoup de vos excellentes présentations.

La séance est levée.

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