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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 12 décembre 1995

.1105

[Traduction]

Le président: Le Comité des finances tient sa dernière réunion de consultation prébudgétaire.

Nous sommes heureux d'accueillir MM. Terry Stephen et Michael Shaen, du Conseil canadien des sociétés publiques-privées, M. Mark Daniels, de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes, M. Normand Lafrenière, de l'Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles, et un représentant de l'Organisation nationale anti-pauvreté qui se joindra peut-être à nous.

Nous allons tout d'abord entendre vos déclarations liminaires avant de passer aux questions. Vous disposez du temps nécessaire pour exposer votre point de vue et vous aurez chacun l'occasion de résumer vos propos par la suite.

Normand Lafrenière, pouvez-vous commencer s'il vous plaît.

M. Normand Lafrenière (directeur général, Association canadienne des compagnies d'assurance mutuelles): Notre association tient à féliciter le ministre des Finances des efforts qu'il fait en vue de réduire le déficit. Nous estimons que l'étape la plus facile en matière de réduction du déficit a déjà été franchie au cours de la dernière année. Les prochaines étapes seront plus difficiles.

Nous ne sommes pas en mesure de dire au ministre des Finances quels sont les programmes qui doivent être réduits ou comprimés. Nous avons entendu certains des témoins qui ont comparu devant votre comité dire que la réduction du déficit doit passer par une réduction des dépenses plutôt que par une augmentation des impôts. C'est ce qu'ont dit la plupart de ceux qui ont comparu devant vous, et nous sommes d'accord.

Nous tenons à proposer au ministre certains critères à appliquer aux réductions à venir. Il doit comparer tous les programmes existants. Bon nombre d'entre eux ont été établis pour des raisons d'ordre politique, et il convient de réévaluer ces raisons. Certains programmes devraient être abolis, puisque les raisons qui les justifiaient n'existent plus ou parce que leurs objectifs ont été réalisés.

Nous avons un certain nombre de demandes à formuler. Elles sont essentiellement d'ordre technique. Tout d'abord, nous souhaitons la création d'une réserve pour catastrophes exonérée d'impôt. Nous souhaitons essentiellement que le gouvernement oblige les sociétés d'assurance générale à établir des réserves qui permettront de mieux répondre aux besoins en cas de catastrophes, qu'il s'agisse de tremblements de terre, de vents de forte intensité, de tornades, etc.

Nous souhaitons également que certains changements soient apportés à l'alinéa 149(1)t) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En effet, les sociétés d'assurance qui assurent les agriculteurs ont de la difficulté à continuer à le faire à l'heure actuelle. De tels changements seraient donc utiles.

M. Mark Daniels (président, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes): Monsieur le président, je vais m'en tenir à la limite de trois minutes que vous avez proposée et aborder rapidement trois grandes questions.

Pour ce qui est de la gestion budgétaire en général, nous appuyons le plan d'action général du gouvernement en matière de restrictions budgétaires. Compte tenu de la situation financière du pays, il n'y a pas d'autre choix, selon nous, que de réduire les dépenses et de concentrer les ressources rares sur les programmes les plus prioritaires.

Nous incitons le gouvernement à continuer à réduire les dépenses de manière à réaliser ses objectifs en matière de réduction du déficit et, enfin, à équilibrer le budget. Compte tenu du niveau très élevé de l'impôt des sociétés et de l'impôt des particuliers au Canada, par rapport notamment à celui de notre voisin du Sud, il n'est pas possible, d'après nous, d'augmenter les impôts au Canada.

Depuis quelques années, on discute beaucoup de la possibilité d'imposer l'épargne-retraite. Une telle mesure aurait des répercussions importantes sur le coût de l'épargne en vue de la retraite, sur le niveau des prestations de retraite et sur la sécurité financière des personnes âgées en général.

De plus, selon une étude récente du Conference Board, il a été établi que le fait d'imposer l'épargne-retraite pourrait très bien entraîner un ralentissement de la croissance et une nette contraction de l'économie.

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Compte tenu de ces répercussions possibles, nous sommes d'avis qu'aucun changement ne doit être apporté aux règles fiscales qui touchent l'épargne-retraite avant que l'ensemble des mesures visant le revenu de retraite n'ait fait l'objet d'un examen complet.

En dernier lieu, j'aimerais dire quelques mots au sujet de l'imposition des régimes d'assurance-maladie et d'assurance dentaire. Il s'agit d'un sujet que connaît bien le comité. Comme bien des gens le savent, nous sommes d'avis que le fait d'imposer au niveau des employés les cotisations à des régimes d'assurance-maladie et d'assurance dentaire aurait divers effets néfastes sur le régime de soins de santé.

L'an dernier, le ministre des Finances et votre comité s'étaient notamment inquiétés du fait qu'un groupe important de Canadiens - à l'époque on croyait qu'il s'agissait de 8 à 9 millions de personnes - ne bénéficiaient pas d'un régime supplémentaire d'assurance-maladie et d'assurance dentaire en raison du fait qu'ils ne pouvaient pas profiter du régime fiscal actuel.

L'Association dentaire canadienne a déjà présenté les résultats de cette étude au comité. Je ne m'y attarderai pas, sauf pour noter qu'il en ressort qu'un bien plus petit nombre de personnes que prévu risquent d'être légèrement désavantagées par le régime fiscal actuel. En effet, il s'agirait d'un million d'individus environ: ceux qui ne sont pas constitués en personne morale, les travailleurs autonomes ainsi que leurs personnes à charge.

Les travailleurs qui font partie de ce groupe, contrairement à leurs homologues qui font partie de petites entreprises constituées en personne morale, ne peuvent déduire comme dépenses d'entreprise le coût des cotisations à leur régime complémentaire. Dans leur cas, une simple modification visant la déductibilité, aux fins de l'impôt, des cotisations les mettrait sur un pied d'égalité par rapport aux travailleurs autonomes constitués en personne morale. Il convient cependant de signaler que la situation fiscale des travailleurs autonomes non constitués en personne morale est passablement compliquée. La catégorie de contribuables dont ils font partie est également visée par un certains nombres d'avantages fiscaux, de sorte que nous nous bornons tout simplement à dire qu'il faudrait étudier la question attentivement et qu'une telle tâche revient au gouvernement plutôt qu'à nous.

Monsieur le président, voilà les commentaires que je me proposais de formuler. Merci.

Le président: Merci, monsieur Daniels.

Monsieur Stephen.

M. Terry Stephen (président, Conseil canadien des sociétés publiques-privées): Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant votre comité pour traiter d'un sujet qui, selon nous, touche tout autant le potentiel économique du Canada que le dynamisme de ses services publics.

Au nom de notre président, l'honorable Donald Macdonald, je tiens à vous remercier de nous accueillir aujourd'hui.

Le Conseil canadien des sociétés publiques-privées est une organisation sans but lucratif et sans affiliation politique dont les membres proviennent de plus de 120 groupes qui représentent une vaste gamme d'organisations gouvernementales, d'organisations sans but lucratif et d'organisations commerciales.

Notre organisme vise à favoriser la collaboration entre les secteurs public et privé dans la recherche de nouvelles formules de financement et d'exécution des services publics au Canada.

Nous ne défendons les intérêts d'aucun projet ou groupe particulier. Nous cherchons à établir entre les deux secteurs un dialogue qui dépasse le niveau de leurs intérêts particuliers. Nous voulons également offrir à nos membres gouvernementaux et non gouvernementaux un mécanisme d'échange et de partage de résultats de recherche et de pratiques optimales.

La plupart de nos membres, qui ne voient Ottawa que de loin, trouvent qu'il ne s'y passe pas suffisamment de choses. C'est peut-être dans une perspective intéressée qu'ils disent cela, et c'est peut-être aussi parce qu'ils souhaitent faire davantage affaire avec le gouvernement. Il se peut par ailleurs que nous ne soyons pas au courant de tout ce qui se passe peut-être en coulisse à Ottawa.

Nous proposons au gouvernement de créer un contexte qui favoriserait la mise en oeuvre d'initiatives de partenariat et de coparticipation. À cet égard, le gouvernement fédéral pourrait envisager deux initiatives. Il s'agirait, d'une part, d'assurer la coordination et la promotion d'un programme interministériel de nouveaux systèmes de mise en oeuvre et, d'autre part, d'établir un processus structuré visant à définir des occasions de partenariat et à en assurer l'encadrement.

D'après notre expérience, toute nouvelle initiative gouvernementale qui n'est pas bien défendue au Cabinet risque de ne pas avoir l'importance souhaitée. Nous croyons donc qu'un ministre de la privatisation est nécessaire. Il ne s'agit d'ailleurs pas d'une idée nouvelle. Cependant, par le passé, le ministre de la privatisation n'a joué qu'un rôle secondaire dans les décisions du Cabinet. Jusqu'à maintenant, les initiatives en matière de privatisation ont surtout porté sur la vente au secteur privé d'éléments d'actif appartenant à l'État. Elles ont eu peu à voir avec la restructuration du gouvernement et des services publics.

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L'effort ponctuel de réduction de la dette a une grande importance, mais, selon le conseil, il s'agit d'une tactique plutôt que d'une stratégie par rapport aux problèmes de politique difficiles qu'il faut résoudre. À notre avis, un ministre influent doit se voir confier la responsabilité d'organiser et de diriger un ensemble cohérent d'initiatives qui permettraient de tirer parti de la nécessité d'une collaboration entre les secteurs privé et public et de l'intérêt qu'elle suscite.

La plupart de nos membres estiment que le secteur privé, le secteur de l'entreprise, peut contribuer à la restructuration du gouvernement. Selon certaines indications, le gouvernement actuel, au lieu de faire appel aux milieux de l'entreprise, inviterait plutôt des groupes d'employés ou des groupes intéressés à coordonner la privatisation de services gouvernementaux, comme c'est le cas pour le système de navigation aérienne.

Si tel est le cas, nous n'avons rien à dire, sinon que nous savons que bon nombre de nos membres estiment que la capacité de planifier du secteur privé, son accès aux capitaux et les formules d'incitation auxquelles il fait appel ont donné de bons résultats qui pourraient vraisemblablement être transposés avec succès dans le secteur public.

Le dialogue doit se poursuivre, étant donné que, une fois que le gouvernement aura déterminé ses objectifs et choisi les moyens de les réaliser, il aura l'obligation d'en informer le secteur privé, dont les représentants, même s'il leur arrive de prétendre tout savoir lorsqu'ils comparaissent devant vous, ont évidemment beaucoup à apprendre. Nous proposons que soit constitué une sorte de groupe de travail temporaire dont les constatations seraient communiquées au ministre dans les six à huit mois de sa création.

Un tel groupe se pencherait sur certaines questions épineuses, ici comme ailleurs. Je pense par exemple au traitement à accorder aux propositions spontanées. Il arrive souvent que de bonnes idées soient mises de côté parce que les fonctionnaires ne sont pas en mesure de traiter avec un fournisseur unique. Des solutions existent à ce genre de problèmes. Certains processus gouvernementaux soulèvent des interrogations. Qu'arrive-t-il, par exemple, une fois que des fonctionnaires de niveau intermédiaire chargés d'une évaluation ont transmis leurs recommandations finales?

Nous, du secteur privé, connaissons les règles qui nous sont imposées dans ce genre de situation et croyons que les règles et les mécanismes engendrés par l'activité économique offrent des solutions à divers types de problèmes. Nous nous ferions un plaisir de participer à un tel groupe de travail.

Je m'en tiendrai à ces commentaires pour aujourd'hui, monsieur le président. Merci.

Le président: Merci, Terry Stephen.

[Français]

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Brien.

M. Brien (Témiscamingue): Ma première question s'adresse à M. Lafrenière.

Le dernier témoin a fait référence à l'évaluation des programmes, et vous avez dit que vous n'étiez pas en mesure de porter un jugement sur les programmes qui devraient être coupés. Mais il y a eu une évaluation des programmes de faite par le gouvernement et le ministre des Finances a annoncé qu'il y en aurait une deuxième.

Il est regrettable que toute cette évaluation reste à l'interne, et même uniquement au Cabinet. Je ne suis même pas sûr que cela arrive au caucus du Parti libéral. Ne pensez-vous pas que ces évaluations devraient être rendues publiques et qu'on pourrait consulter sur cette base et, à partir de là, décider quels programmes sont prioritaires? Pensez-vous que le processus d'évaluation des programmes devrait être ouvert et public?

Le président: Ces études sont-elles comme les études Le Hir?

M. Brien: Celles-là sont publiques. On ne les aime peut-être pas, mais elles sont publiques.

M. Lafrenière: Je suis d'accord avec vous sur le fait qu'elles devraient être publiques, d'autant plus qu'une analyse sérieuse des programmes nous amène à des résultats nets; elle nous dit si le programme donne des avantages positifs ou négatifs pour le gouvernement et pour la société. Actuellement, pour en venir à cette conclusion, il faut avoir des objectifs dans les programmes.

La plupart des programmes gouvernementaux n'ont même pas d'objectifs, et on n'a pas non plus de moyens pour vérifier si les objectifs ont été atteints ou non. Certains programmes peuvent avoir des objectifs plus exigeants. Par contre, si certains objectifs ont été atteints dans le passé, le programme, dans certains cas, n'a plus sa raison d'être. D'autres programmes peuvent être tout simplement inefficaces dans l'atteinte des objectifs en question. S'ils n'ont plus de raison d'être, on devrait avoir des programmes autres que ceux qui sont en place.

Je suis donc tout à fait d'accord avec vous que cela devrait être public et que la population devrait être en mesure de vérifier jusqu'à quel point les objectifs ont été atteints.

M. Brien: Votre définition des programmes va-t-elle jusqu'à l'évaluation des mécanismes de la fiscalité?

M. Lafrenière: Absolument. Le programme fiscal et le subside direct devraient être évalués de la même façon.

M. Brien: Je m'adresse maintenant à M. Daniels. Vous avez dit, et on l'a entendu souvent au cours des consultations, que des gens avaient comparé le niveau de taxation ou d'imposition des particuliers et des corporations au Canada avec celui des États-Unis ou d'ailleurs.

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Une comparaison partielle ne nous amène-t-elle pas à dire que si on est plus taxés que les Américains, on ne peut plus être taxés davantage? Est-ce qu'on ne s'en va pas vers une normalisation? Si on veut se comparer aux Américains, il faudra aussi normaliser tout notre système de sécurité sociale. On ne peut pas être pareils ou meilleurs quand cela fait l'affaire des entreprises et dépenser davantage au niveau social.

Une normalisation s'établira-t-elle si on fait ce genre de comparaison?

[Traduction]

M. Daniels: Oui, monsieur Brien, je suis certainement d'accord pour dire que si l'on souhaitait établir une comparaison détaillée du pouvoir d'achat, par exemple, il faudrait aller beaucoup plus loin qu'une simple comparaison des taux d'imposition. Nous entendons souvent parler, par exemple, du coût des soins médicaux par employé pour le régime de soins de santé aux États-Unis. J'ai lu récemment que, pour l'un des grands fabricants d'automobiles des États-Unis, il était supérieur d'environ 7 000 $ par employé par rapport à celui du Canada.

Il y a donc d'autres aspects à considérer que les taux d'imposition. C'est tout de même un aspect dont il faut tenir compte. En effet, la frontière entre le Canada et son voisin de grande taille, les États-Unis, est ouverte. Les capitaux circulent librement, et la main-d'oeuvre presque autant. Lorsque les écarts de coûts de main-d'oeuvre et de coûts de capitaux ont atteint un certain seuil, à la limite, toute augmentation d'impôt peut entraîner une terrible saignée de ressources. Voilà, pour l'essentiel, ce que nous tenions à dire.

Les impôts ne représentent qu'un indice du coût des capitaux et de la main-d'oeuvre dans les deux pays. Par contre, je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut pousser l'analyse plus loin qu'une simple comparaison des taux d'imposition. C'est évident.

[Français]

M. Brien: Je me rappelle tout le débat qu'il y avait eu autour de l'Accord de libre-échange. J'étais en faveur et je le suis encore, mais les opposants disaient que cela mènerait tôt ou tard à une normalisation des programmes sociaux ou à un rapprochement de notre système social du système américain, avec libre circulation des capitaux.

N'avaient-ils pas un peu raison, à ce moment-là? Si on regarde les résultats aujourd'hui, on voit qu'on se dirige vers un rapprochement. Les employeurs disent qu'il faut être compétitif et tenter de diminuer toutes les charges sociales. Ils exercent énormément de pressions pour qu'on le fasse et, jusqu'à un certain point, on y arrive progressivement. Est-ce qu'on ne se rapproche pas inévitablement des Américains à cet égard?

[Traduction]

M. Daniels: Je veux pousser encore plus loin la généralisation. Il est indubitable que, lorsque les frontières sont ouvertes et que les capitaux et la main-d'oeuvre peuvent circuler plus facilement entre les pays, les réalités économiques feront en sorte que le prix de la main-d'oeuvre va augmenter dans les pays où la main-d'oeuvre est rare et va baisser dans ceux où elle est abondante. C'est ce que nous dit la théorie économique depuis longtemps et, pour l'essentiel, c'est ce qui semble se confirmer. Je crois donc que l'évolution dont nous parlons correspond à une certaine logique.

Des obstacles importants continuent d'exister. Le fait que les gens ne souhaitent pas se déplacer en est un, et non des moindres. Le fait qu'ils préfèrent demeurer au Canada même s'il leur est possible d'aller vivre aux États-Unis contribuera puissamment à faire obstacle à l'homogénéisation. Les différences de goûts auront le même effet. Ce sont des pays différents dont les systèmes de valeurs sont différents. Cependant, les réalités économiques exercent certainement des effets en sens contraire.

[Français]

M. Brien: Vous avez parlé des régimes enregistrés d'épargne-retraite, les REER. J'ai peut-être mal compris, mais vous avez dit qu'il ne fallait pas y toucher parce que cela aurait un impact sur la consommation à court terme. Il me semble que c'est plutôt le contraire qui est vrai. Si le gouvernement touchait aux REER et que cela décourageait jusqu'à un certain point la consommation, il y aurait un effet contraire. Il y aurait un effet négatif sur l'épargne et la consommation augmenterait à court terme.

[Traduction]

M. Daniels: Je ne le crois pas. En tout cas, cela a eu pour effet d'accroître la consommation. Si vous voulez dire que cela entraînera une augmentation des recettes gouvernementales et, par voie de conséquence, des dépenses plutôt que de l'épargne, c'est peut-être vrai, mais les raisons de ne pas imposer les fonds accumulés pour la retraite sont beaucoup plus profondes. On peut soutenir, à juste titre selon moi, que l'épargne affectée à la retraite au Canada est insuffisante. À l'heure actuelle, il me semble que c'est incontestable. Or, si cette épargne est assujettie à l'impôt, elle va diminuer encore davantage.

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Ce que nous tenons à dire, en définitive, c'est que, si cette épargne accumulée doit être assujettie à l'impôt, il y a lieu de le faire dans le cadre d'une démarche bien réfléchie qui toucherait la réforme de l'ensemble du régime des pensions. Il ne convient pas d'intervenir à la pièce tout simplement parce que certaines sommes importantes ont été accumulées et attirent l'attention. Voilà l'essentiel de ce que nous voulons dire, monsieur Brien.

[Français]

M. Brien: Sans toucher à l'épargne accumulée, y a-t-il possibilité, selon vous, d'avoir un régime qui soit très incitatif? Les REER sont un mécanisme qui incite beaucoup à épargner en vue de la retraite. Y a-t-il moyen de rendre cela intéressant, mais moins généreux?

On pourrait, par exemple, accorder une déduction partielle, soit 80 ou 90 p. 100 du montant investi dans un REER, au lieu de 100 p. 100. Ne serait-ce pas là une façon d'encourager l'épargne tout en allant chercher une partie des revenus tout de suite, de façon à diminuer nos besoins financiers à court terme? Ils vont nous coûter plus cher à long terme, de toute façon.

[Traduction]

M. Daniels: D'une façon générale, je vous répondrai qu'il y a bien des façons de limiter les déductions. Il faut tout de même veiller à maintenir le caractère incitatif de la mesure. Le choix de modalités fiscales est pratiquement infini.

Je crois même que, dans le budget d'il y a deux ans, les cotisations ont été plafonnées pour une certaine année. Je suppose qu'il y a bien des façons d'y arriver. Il s'agit de concevoir le programme en conséquence.

Nous ne sommes certainement pas limités à deux possibilités, que ce soit l'impôt ou l'absence d'impôt. Il existe toutes sortes d'impôts partiels.

Le président: Merci, monsieur Brien.

Monsieur Solberg.

M. Solberg (Medecine Hat): Merci beaucoup, monsieur le président. M. Daniels etM. Lafrenière ont évoqué la nécessité d'atteindre l'équilibre budgétaire. Je me demande s'ils ont des observations à formuler au sujet des objectifs que le ministre vient de proposer. Sont-ils suffisants, et, dans le cas contraire, quand, selon eux, devrions-nous atteindre l'équilibre budgétaire?

Le président: Nous attendons la réponse avec grand intérêt.

M. Daniels: Il ne nous est pas difficile de répondre à cette question. Nous appuyons le programme gouvernemental d'une façon générale. Toute une série d'objectifs et d'échéances sont possibles. D'après nous, il revient au ministre des Finances d'assumer ses responsabilités. Il a formulé un programme assez ambitieux. J'estime que ce programme nous convient.

Par contre, j'ose croire que nous ne souscrivons pas, à une simple formule arithmétique, mais plutôt au principe de l'équilibre budgétaire. Il est évident qu'il faut rétablir l'équilibre entre la consommation et l'épargne, qui a été rompu depuis déjà trop longtemps.

Nous constatons que le gouvernement actuel a formulé un plan systématique qui ne tient pas tant à son échéance qu'à la réalité de sa mise en oeuvre. Si le gouvernement ne respectait pas son programme, notre voix se ferait entendre. Dans le cas qui nous intéresse, nous appuyons le programme proposé, tout en tenant compte des arguments de ceux qui le contestent.

Le président: Nous allons nous abstenir de voir là une manifestation d'appui retentissante.

M. Solberg: Je ne sais trop comment interpréter cette déclaration.

M. Grubel (Capilano - Howe Sound): On cherche à ménager la chèvre et le choux.

M. Daniels: Je m'excuse, mais je crois avoir parlé très clairement.

Le président: Il s'agit effectivement d'une manifestation d'appui retentissante. La présidence n'a pas à s'interposer entre les témoins et les députés.

M. Solberg: Je n'ai pas très bien compris quelle était l'échéance que vous proposiez pour l'équilibre budgétaire. Cet aspect n'est pas ressorti, me semble-t-il.

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M. Daniels: Comme je l'ai dit, mieux vaudrait tôt que tard, et le programme qu'a proposé le ministre des Finances nous semble réalisable, de sorte que nous l'appuyons.

M. Solberg: L'objectif des 2 p. 100 est donc valable.

M. Daniels: Il s'agit d'un objectif valable à court terme, en effet.

M. Solberg: D'accord. Pour ce qui est du long terme, auriez-vous une échéance de déficit zéro?

M. Daniels: L'association n'a pas proposé d'échéance. Je ne suis pas convaincu au départ que l'objectif zéro ait quelque valeur magique. Comme je l'ai dit, la réalité économique est complexe. Nous parlons ici de fonctions dérivées au premier, sinon au deuxième, degré. Commençons donc par aboutir à une correspondance à peu près raisonnable de la consommation et de l'épargne. Nous en sommes encore loin. Cependant, je crois qu'il nous serait très avantageux de pouvoir réaliser les objectifs d'ici à l'an 2000.

M. Solberg: Vous parliez tout juste de REER en réponse à la question de M. Brien. Or, nous savons tous, je crois, que le Régime de pensions du Canada n'est pas en très bonne posture à l'heure actuelle. Je me demande si vous avez envisagé des possibilités de financer les pensions par un plus grand recours aux REER que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Auriez-vous un commentaire à formuler à ce sujet?

M. Daniels: Rien de précis. Je dirai par contre que nous savons bien, monsieur Solberg, que votre parti a rendu public un plan que nous étudions très attentivement. Notre secteur administre environ 75 p. 100 des régimes de retraite au Canada. Il s'agit surtout des régimes de petites et moyennes entreprises. Nous suivons donc avec intérêt toutes les propositions de réforme, dans le sens général du terme, mais je ne puis dire que nous avons, à l'échelle du secteur, formulé des plans de réforme précis, du moins pas au cours des dernières années.

M. Solberg: J'ai bien noté la nuance.

Monsieur Lafrenière, vous avez dit que les objectifs de certains programmes n'étaient pas clairs, et je me demande si vous aviez en tête certains programmes bien précis. Si tel est le cas, pourriez-vous nous les nommer et nous dire comment ces programmes pourraient être réformés, dans le sens général du terme évidemment?

M. Lafrenière: Je ne suis pas en mesure d'en nommer, et, si je l'étais, je préférerais m'en abstenir. Je puis cependant vous dire...

M. Solberg: Mais certains programmes vous viennent certainement à l'esprit.

M. Lafrenière: Non, pas vraiment. Je dirai tout de même que bon nombre des programmes du ministère de l'Industrie, notamment les programmes de développement régional, etc., ne se sont pas encore avérés efficaces en bout de ligne, c'est-à-dire susceptibles d'engendrer pour la société et pour le gouvernement des recettes aussi considérables que les coûts qu'ils ont entraînés. Je ne suis pas en mesure de faire des commentaires détaillés, puisque je ne dispose pas d'information chiffrée sur les recettes qu'ils ont engendrées. Le principe en est pourtant un qui devrait s'appliquer à tous les programmes, qu'il s'agisse de programmes de développement social ou de développement régional. Ces programmes doivent finir par engendrer pour la société et pour le gouvernement des recettes plus importantes que les sommes qui leur ont été consacrées.

Les dépenses dans le secteur de l'éducation constituent un excellent placement si elles finissent par donner lieu à des recettes fiscales plus grandes que les dépenses faites au départ.

Voilà le genre de critères auxquels j'aimerais voir assujettis tous les programmes. Bon nombre de programmes, comme je l'ai dit, n'ont même pas d'objectifs. Il est donc plutôt difficile de déterminer si des objectifs ont été réalisés et si les recettes fiscales qui leur correspondent sont supérieures aux dépenses qu'ils ont occasionnées.

M. Grubel: Vous permettez, monsieur le président?

Le président: Je vous en prie.

M. Grubel: Excusez-moi d'avoir raté le début de la séance, et notamment l'excellent exposé de M. Daniels.

Dans votre secteur, que prévoient en général les contrats pour l'âge de la retraite? Si l'on signe un contrat de rente à 20 ans, est-il absolument impératif que vous touchiez la rente à partir de 65 ans, ou est-ce qu'il y a des ajustements possibles en cours de route?

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M. Daniels: Monsieur le président, James Witol, vice-président, Fiscalité et recherche, de l'ACCAP, a passé toute sa vie dans le secteur des assurances, ce qui n'est pas mon cas.

Jim, pouvez-vous nous parler des contrats? Y a-t-il des ajustements possibles?

M. James Witol (vice-président, Fiscalité et recherche, Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes): Selon qu'il s'agit de contrats signés avec des particuliers ou de contrats collectifs, cela peut varier. Les contrats collectifs, c'est-à-dire les régimes de pension, fixent en général le départ en retraite aux alentours de 55 ans, alors que la norme est 65 ans.

Les contrats individuels offrent plusieurs possibilités. La plupart des particuliers signent un contrat d'une durée de cinq ans, avec reconduction de celui-ci. Parfois la personne commence à toucher sa rente à partir de 55, de 60 ou de 65 ans, mais rien n'exige que l'on attende cette dernière limite. Il s'agit donc de contrats extrêmement souples. C'est ce que demande la clientèle; on veut pouvoir disposer d'une certaine marge de manoeuvre.

M. Grubel: L'université me dit que si je pars en retraite à 65 ans, les versements de ma pension seront plus importants. J'aborde ce sujet, puisque, si je comprends bien, on est en train d'envisager de reculer l'âge du départ à la retraite. Au lieu de pouvoir prendre sa retraite à 65 ans il faudra dans bien des cas peut-être attendre à 67 ans.

Mais là n'est pas véritablement toute la question. La question est de savoir si l'on pourra toucher le plafond de la retraite du Régime de pensions du Canada à 65 ou à 67 ans, ce qui veut dire qu'à65 ans vous toucheriez moins que ce que le système actuel vous promettait. Ai-je bien compris? Dans ce cas, serait-il intéressant pour les compagnies d'assurances et l'État de tirer au clair l'intérêt que présente cette idée, d'ailleurs si critiquée de façon générale?

M. Witol: Oui, je crois effectivement que tout le monde devrait bien se souvenir d'une chose: l'âge du départ en retraite n'est pas quelque chose d'immuable, et lorsque l'on parle de passer de 65 à 67 ans, cela sous-entend une pleine retraite, avec un barème dégressif si l'on arrête de travailler avant cet âge. Je ne pense pas que qui que ce soit envisage qu'il puisse être impossible de prendre sa retraite avant 67 ans. Ce serait tout à fait absurde.

M. Daniels: Il pourrait fort bien se faire, monsieur Grubel, que bien avant qu'une décision n'ait été prise pour les régimes de pension collectifs, les circonstances obligent déjà les particuliers à modifier leurs habitudes. Avant même que nous n'ayons eu une décision à prendre, il se pourrait déjà que le marché ait lui-même décidé.

M. Grubel: Mais ce qui vient tout compliquer, au-delà de la question du financement et du rôle de l'État, c'est qu'il y a aussi une législation provinciale. À l'Université Simon Fraser, une décision des tribunaux a fixé l'âge de la retraite à 65 ans, c'est-à-dire qu'à partir de cet âge-là tout ce que je pourrais avoir à dire aux étudiants n'a plus aucun intérêt. C'est un petit peu un autre problème, mais malheureusement il faudra peut-être également se pencher là-dessus lorsque l'on discutera de cette question de l'âge de la retraite à 67 ans, avec le maximum de votre pension. Mais d'après ce que j'ai vu, les calculs des spécialistes montrent que l'on pourrait, pour le RPC, régler ce problème de la génération du baby-boom dont on sait que les pensions devront être financées par un groupe de gens, bien plus petit que prévu.

C'est-à-dire que l'on pourrait très bien compenser cette réalité démographique si d'ici à 2030 nous faisions passer l'âge du départ en retraite, avec pleine pension, de 65 à 69 ans. Plus nous réfléchirons rapidement à cette question, afin que l'on puisse faire comprendre exactement aux Canadiens ce dont il s'agit et qu'ils puissent s'y préparer, mieux ce sera.

Je vous soumets cela en passant. Si, étant donné votre connaissance de la question, vous arrivez à éclairer ma lanterne, ainsi peut-être que le reste du comité, j'en serai ravi.

M. Daniels: Je ne pense pas avoir grand-chose à ajouter, monsieur Grubel. Peut-être que nous pourrons réfléchir à la question, et informer ultérieurement le comité par écrit; je préférerais ne pas avoir à improviser là-dessus pour l'instant.

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Il ne fait aucun doute que ce que vous évoquez ici va dans la bonne direction pour ce qui est du financement des pensions de la génération du baby-boom.

M. Grubel: C'est un problème actuel, puisque aujourd'hui même le ministre des Finances est en train d'en parler avec ses homologues provinciaux.

Le président: Nous sommes plusieurs ici à nous approcher de cet âge magique, n'est-ce pas?

Mme Brushett (Cumberland - Colchester) J'aurai deux petites questions à poser. La première, à M. Mark Daniels. On parle beaucoup de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu des particuliers. Des témoins, venus de tout le Canada, nous ont sans arrêt répété que notre impôt sur le revenu des particuliers, trop élevé, incite beaucoup de nos diplômés à aller s'installer aux États-Unis, et que par ailleurs nous avons du mal à faire venir au Canada des ingénieurs hautement qualifiés, d'Asie ou d'ailleurs. Avez-vous quelque chose à dire là-dessus, et notamment en faisant la comparaison avec l'impôt sur les sociétés?

M. Daniels: C'est exactement ce que j'essayais d'expliquer lorsque je répondais à M. Brien, qui avait par ailleurs tout à fait raison de faire remarquer que mon argument ne tenait pas véritablement, dans la mesure où il faut tenir compte de tous les coûts, et non pas simplement de l'impôt, si l'on veut pousser le raisonnement jusqu'au bout.

Cela dit, il semble clair qu'il y a effectivement une fuite des cerveaux, plus marquée dans certains secteurs professionnels, et cela s'explique. Il n'est pas particulièrement difficile, lorsqu'on est hautement spécialisé, de quitter le Canada, notamment si l'on accorde peu d'importance à certains facteurs extra- pécuniaires. Vous avez donc raison, les gens s'en vont, et si nous continuons à alourdir la fiscalité des personnes et des sociétés... Cela ne concerne pas uniquement les particuliers. Cela concerne aussi les entreprises. Au fil des ans on a pu le constater.

Il y a quelques années j'ai travaillé ici dans le secteur du développement régional, et il était tout à fait frappant de voir quelle politique les Américains se mettaient à suivre. Maintenant, c'est bien connu et bien établi, mais nous avons constaté à l'époque qu'ils se mettaient à offrir, au dollar près, les mêmes avantages fiscaux à des sociétés canadiennes, et que cela leur réussissait très bien.

Mme Brushett: Ma deuxième question s'adresse à M. Stephen. Votre proposition d'un ministre de la privatisation sans portefeuille m'a paru très intéressante. Pourriez-vous développer un petit peu, et nous dire quel intérêt réel cela pourrait présenter pour l'ensemble de la société canadienne?

M. Stephen: Je pense qu'on en retirerait un bénéfice réel, dans la mesure où vous pourriez communiquer avec un secteur plus large de la société canadienne intéressé par ce genre de question. Un sondage Angus Reid de l'été - qui m'a d'ailleurs surpris - permettait d'établir que pour 80p. 100 des Canadiens il serait intéressant d'étudier la possibilité d'associer le secteur privé et le secteur public, sur la base d'un partenariat, ou autrement, pour tous les services assurés jusqu'ici par l'État.

Mais pour nous qui sommes à l'extérieur - et peut-être avons-nous tort - nous ne discernons aucune volonté claire à laquelle nous puissions répondre. Peut-être ne comprenons-nous pas aussi bien que ceux de l'intérieur ce que le gouvernement entend faire dans ce domaine. Le conseil n'est pas forcément et automatiquement un partisan systématique de la privatisation; il se fait surtout l'avocat des bonnes décisions, de décisions qui pourraient se prendre sans qu'on ait à passer par de longues audiences sénatoriales chaque fois qu'une transaction est envisagée, de telle façon que la population et les médias puissent être satisfaits de l'idée proposée et des résultats. Ce qui intéresse le conseil, c'est que l'on prenne de bonnes décisions.

Au total, ça donne quoi? Si le gouvernement n'arrive pas à obtenir du secteur privé ce qu'il veut, dans un réel souci d'offrir des services publics à meilleur prix, ce n'est même pas la peine de se lancer. Le secteur privé, de son côté, avec beaucoup d'insistance, prétend que l'on peut faire les choses autrement.

Le déficit est énorme. Et si effectivement certains prétendent pouvoir faire les choses autrement, qu'on les entende. Les entendre, cela signifie tout un processus complexe permettant de décider quels sont les éléments pertinents à analyser, de délimiter ensuite de façon satisfaisante une constellation de parties intéressées, pour choisir enfin parmi ces parties le partenaire avec lequel on négociera, étant entendu que le mandat de négociation aura été défini en fonction d'un objectif de rentabilité économique accrue pour l'État, ce qui veut dire que celui-ci ne doit pas abdiquer toute responsabilité au bout de trois ans, mais au contraire prévoir des contrôles, avec des sanctions et des récompenses, sanctions et récompenses étant ce que le secteur privé comprend le mieux.

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Mme Brushett: Ce ne serait donc pas un ministre du Cabinet; quel est l'intérêt de cette idée? Est-ce que vous n'allez pas perdre sur le plan de la communication?

M. Michael Shaen (Conseil canadien des sociétés publiques-privées): Ce genre de dispositif a permis, dans d'autres secteurs, d'obtenir de bons résultats; c'est ce qui nous a guidés.

Lorsqu'on essaie de réfléchir à la façon dont l'État pourrait innover dans certains secteurs traditionnellement de sa compétence - ou disons de sa compétence depuis au moins 30 ans, c'est-à-dire les 30 années pendant lesquelles on a vu les attributions de l'État croître de façon significative pendant ce XXe siècle - on s'aperçoit que tout le processus est faussé du fait que certains projets ponctuels amènent finalement l'État à dépasser certaines limites; je pense par exemple à certains aéroports, certains ponts, etc.

Lorsque l'on commence à réfléchir à cette question des services au public, que ceux-ci soient assurés par le secteur public ou privé ou par celui des entreprises sans but lucratif, on s'aperçoit que sans règles clairement établies et sans volonté politique déclarée, laquelle ne doit pas dépendre de certains projets ponctuels, mais répondre à une certaine conception que le gouvernement se fait de son action, il est très difficile pour ceux qui sont à l'extérieur de comprendre quelle est exactement l'intention de l'État, et, deuxièmement, de savoir selon quelles règles le jeu va se dérouler, comme le disait Terry.

Nous ne sous-estimons pas du tout les difficultés auxquelles le gouvernement se heurte à l'heure actuelle en essayant de tirer tout cela au clair. Évidemment lorsque les autorités, à tous les niveaux, annoncent leur intention d'étudier de nouvelles formules de coparticipation, qui ne mettent pas en cause uniquement le secteur privé, on risque alors de voir arriver des tas de gens, avec des tas d'idées, complètement hors sujet. C'est une des grandes difficultés auxquelles se heurte le gouvernement.

Dans la ville d'Edmonton, le maire a demandé à des cabinets d'experts-conseils et autres parties intéressées de lui soumettre leurs idées sur la question de la propriété intellectuelle. Et effectivement des idées ont été proposées. Ceux qui ont été les premiers à émettre l'idée de l'aérogare 3 de l'aéroport Pearson pourraient dire qu'ils sont les perdants dans toute cette affaire, car effectivement, dans ce genre de débat, on ne s'adresse pas à une seule source.

Si l'on regarde ce qui s'est passé ailleurs, qu'il s'agisse des niveaux national, municipal ou provincial, et je pense notamment à la Nouvelle-Zélande et à l'Australie, on voit que s'il y a un ministre, celui-ci va pouvoir tout mettre en oeuvre pour satisfaire tout le monde, aussi bien au sein de l'appareil d'État qu'à l'extérieur, sachant exactement dans quelle direction on s'engage.

Mme Brushett: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, madame Brushett.

Monsieur Pillitteri, je vous en prie.

M. Pillitteri (Niagara Falls): Merci, monsieur le président.

Monsieur Daniels, vous avez répondu à la question de M. Grubel. Et moi, je vais être très franc. Si vous aviez à choisir, que préféreriez-vous?

Vous avez parlé de cette génération de baby-boomers qui va prendre sa retraite. Du point de vue d'une compagnie d'assurances, serait-il préférable d'étaler cela sur huit ans, à raison de trois mois par an, ce qui fait au total deux années supplémentaires, ou au contraire sur douze ans, à raison de deux mois par an, pour éviter que certains ne soient trop brutalement pénalisés? Du point de vue du financement, est-ce que cela fait une grande différence?

M. Daniels: Monsieur Pillitteri, du point de vue des assurances - c'est ce dont je me suis aperçu depuis que je travaille dans ce secteur - une fois que vous vous êtes fixé vos objectifs, vous pouvez toujours trouver un calcul actuariel permettant de déterminer le meilleur cheminement de A à B. Et si vous voulez opérer ce genre de transition en quatre ans, vous allez vous arranger pour faire en sorte que les choses se passent autant que possible en douceur. Et je suis sûr que c'est possible. C'est une question technique qui peut être résolue assez facilement.

M. Pillitteri: Merci.

J'ai une autre question, pour M. Lafrenière, celle-là.

Dans votre exposé liminaire, vous avez dit comprendre que certains programmes, pour des raisons politiques, devaient être supprimés. Vous avez également parlé de l'Ouest... de l'APECA, etc.

Ce qui m'a frappé, c'est que vous demandez des changements à l'article 149 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui traite des agriculteurs et de l'assurance. Est-ce que vous pourriez développer un peu, s'il vous plaît?

.1150

Est-ce que vous pouvez m'en dire un peu plus?

M. Lafrenière: À l'alinéa 149(1)t) de la Loi de l'impôt sur le revenu, une société d'assurance, dans le secteur des assurances IARD, dont plus de 25 p. 100 des primes - détail important - sont versées par des agriculteurs, a droit à une exemption fiscale. Mais il est assez difficile de réaliser 25p. 100 de son volume d'affaires avec les agriculteurs - du fait que le nombre et la valeur des exploitations déclinent - et les sociétés n'arrivent plus à franchir ce seuil prescrit.

Les compagnies d'assurances qui traitent avec les agriculteurs sont en général des mutuelles, que précisément je représente. Il s'agit de mutuelles qui ont été créées par les agriculteurs eux-mêmes.

Ce sont de petites compagnies d'assurances. En moyenne, dans le secteur des assurances AIRD, les compagnies canadiennes réalisent un chiffre d'affaires de 150 millions de dollars en primes. Dans notre cas, la moyenne se situe à 5 millions de dollars, ce qui est donc beaucoup plus modeste.

Ce sont donc les agriculteurs qui font fonctionner ces mutuelles. Ils en sont les propriétaires et siègent au conseil d'administration.

Et lorsque ces mutuelles n'atteignent plus le seuil des 25 p. 100 du chiffre d'affaires en milieu agricole, du fait de leur petite taille, les choses deviennent plus difficiles.

Et, pour survivre, elles commencent à prospecter dans les villages, dans les villes, etc. De ce fait, évidemment, leur volume d'affaires en milieu agricole est inférieur aux 25 p. 100. C'est ce qu'on a vu beaucoup au Québec. Il y a 37 mutuelles, dont 25 n'ont plus droit depuis quelques années à l'exemption. C'est un secteur en survivance, qui a de plus en plus de difficulté à profiter de cette exemption. On commence à voir la même chose se produire dans d'autres provinces.

Les mutuelles ne sont pas les seules à profiter de cette disposition, mais c'était surtout elles qui en profitaient. Du seul fait que le nombre d'exploitations agricoles décline, les mutuelles ne réalisent plus leur seuil de 25 p. 100.

Le président: Merci.

[Français]

Combien en coûterait-il au gouvernement pour augmenter l'exemption? Avez-vous fait une évaluation de ces coûts?

M. Lafrenière: Oui; ce serait entre 500 000 $ et un million de dollars par année.

Le président: Pour tout le Canada?

M. Lafrenière: Pour tout le Canada.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lafrenière.

[Traduction]

Merci, monsieur Pillitteri.

Monsieur Campbell.

M. Campbell (St. Paul's): Merci, monsieur le président.

Ma question s'adresse à M. Daniels. Je vais parler des régimes complémentaires, assurance-maladie et dentaire. Je vous remercie pour le mémoire, et ce que vous y dites. Vous avez tout à fait raison : il y a eu toute une discussion là-dessus l'an dernier, qui se poursuit cette année.

Je n'ai pas la prétention de parler au nom de mes collègues, mais ma position sur la question de la prise en charge des trois à quatre millions de Canadiens qui ne sont pas encore assurés a évolué. Vous évoquez rapidement, dans votre document, les raisons pour lesquelles ces trois à quatre millions de Canadiens ne sont pas couverts.

Il y a apparemment deux solutions permettant d'inclure tous ces Canadiens non assurés. Vous en avez évoqué une dans votre document; il s'agit de la déductibilité pour les travailleurs indépendants non constitués en société. L'autre, si vous me permettez, consisterait à fixer un seuil de 3 p. 100 de déductibilité des dépenses médicales.

Est-ce que vous pouvez me dire ce que vous en pensez? Est-ce que ces propositions permettraient de régler cette situation? J'aimerais savoir si vous avez calculé ce que cela pourrait nous coûter.

M. Daniels: Merci, monsieur Campbell.

Monsieur le président, d'après mes calculs, vous avez raison. Nous nous sommes aperçus, après recherche, qu'il y avait effectivement un groupe de 3,6 millions de Canadiens, y compris les personnes à charge, qui n'avaient pas d'assurance médicale complémentaire, et qui n'étaient pas couverts par les programmes spéciaux de l'État; je pense par exemple à la sécurité de la vieillesse ou aux programmes des Autochtones, etc. On peut ensuite faire une ventilation en trois groupes. Deux millions de ces Canadiens, environ, avec les personnes à charge, travaillent dans des entreprises où ils pourraient souscrire une assurance complémentaire s'ils le désiraient. Pour une raison ou une autre, ils ne le font pas.

M. Campbell: Ça, c'est l'employeur qui le décide.

M. Daniels: Oui, l'employeur ou les employés. Tout dépend de la façon dont ils décident de calculer les salaires. On pourrait dire que, très souvent, ils n'ont en réalité pas le choix. Ce n'est pas que je cherche à éluder la question, mais, en réalité, je n'ai pas véritablement de réponse. En tout cas, ce n'est pas une question de fiscalité.

.1155

Donc, à moins d'offrir quelque avantage, auquel cas cela entraînerait dans le sillage 20 millions de Canadiens... Nous n'allons certainement pas nous plaindre, mais je ne pense pas que cela permette...

La solution, pour ces deux millions de Canadiens, ce serait que nous les persuadions de contracter une assurance. Nous ne sommes pas en train de demander une fiscalité...

M. Campbell: Le risque pour vous, si nous proposons quelque chose, comme ce seuil de3 p. 100, c'est que certains décideraient quand même de ne pas s'assurer. Ce n'est évidemment pas ce que vous voulez; vous voulez élargir votre clientèle.

M. Daniels: Évidemment. De toute évidence, nous ne voulons pas que les gens puissent ne pas s'assurer. Deux millions de ces 3,6 millions de Canadiens, d'une façon ou d'une autre, ne sont pas assurés, alors qu'ils auraient besoin de l'être.

Il n'en reste donc que 600 000, qui sont simplement à l'extérieur de la population active, ou sans lien avec une personne assurée. La question, ici encore, c'est l'emploi, l'emploi, l'emploi. On connaît la rengaine. Je pense que tous les Canadiens peuvent se sentir...

Il reste donc un million de gens, qui sont pour ainsi dire des indépendants non constitués en société. Ceux qui sont constitués en société peuvent déduire les primes, comme n'importe quel autre employeur, y compris l'État. Ce n'est pas le cas de ceux qui ne sont pas constitués en société.

L'une des façons de résoudre le problème, ce serait d'accorder la déduction aux indépendants non constitués en société, mais nous savons par ailleurs qu'on leur accorde pas mal d'avantages fiscaux.

Avant donc de proposer d'étendre le bénéfice de la déductibilité à ce groupe, il faudrait vérifier que tout cela reste juste. On pourrait alors envisager une combinaison de mesures qui permettraient de rester - si vous voulez - aussi juste que possible. C'est à vous d'en décider.

Voilà donc ce que je pouvais répondre à la question. Il n'y a donc que ce dernier groupe, que je viens d'évoquer, pour lequel on pourrait recourir à une modification de la fiscalité. Pour les autres, à moins de vouloir tout bouleverser, ce n'est pas une question d'impôt.

M. Campbell: Si l'on voulait étendre la déductibilité d'une assurance complémentaire aux entrepreneurs non constitués en société, est-ce que cela inclurait le groupe d'un million?

M. Daniels: Oui.

M. Campbell: Vous avez raison : il y a effectivement tout un groupe de Canadiens qui ont décidé de ne pas contracter d'assurance complémentaire, soit que l'employeur ne souscrive pas à un régime, soit que l'employé ait décidé de ne pas s'inscrire.

Monsieur le président, j'aimerais en venir à ma dernière question rapidement. Avec ce seuil de3 p. 100, si je comprends bien, pour pouvoir déduire la dépense, il faut que celle-ci dépasse le seuil de 3 p. 100. Est-ce bien cela?

M. Daniels: Jim, c'est bien cela?

M. Witol: Oui, à moins que vous ne vous situiez dans les tranches supérieures de revenu, auquel cas on aboutit au chiffre de 614 $.

M. Campbell: Que se passerait-il si, au lieu de 3 p. 100, on proposait 2 ou 1 p. 100, ou aucun seuil?

M. Witol: Cela soulagerait ceux qui n'ont pas d'assurance complémentaire.

M. Campbell: Les 600 000 exclus, en quelque sorte. Pour avoir droit à cette déduction, il faut dépenser plus de 3 p. 100 de son revenu, quel que soit celui-ci.

M. Daniels: On leur accorderait donc à ce moment-là la déductibilité, sans condition.

M. Campbell: Mais là où cela toucherait les assurances, c'est que beaucoup de gens protesteraient vigoureusement en disant qu'on ne peut pas accorder ce privilège à juste un petit groupe de 600 000 personnes. Il faudrait étendre le bénéfice de cette disposition à tout le monde. À ce moment-là, certains préféreront ce système-là plutôt que de souscrire une assurance.

M. Witol: En ce qui concerne les 600 000, notre secteur n'est pas en mesure de les atteindre à l'heure actuelle. Ils n'ont pas de lien avec l'emploi, et c'est à des employés que nous vendons nos régimes.

M. Campbell: En somme, il existe donc des moyens pour que tout le monde ait accès à des assurances supplémentaires.

M. Daniels: Oui, je pense que c'est exact. Il existe des moyens. À mon avis, nous avons tous réussi à définir ce groupe de façon beaucoup plus précise que nous n'avions pu le faire lors de notre dernière comparution.

M. Campbell: Cela nous aide énormément. Merci.

Le président: Merci, monsieur Campbell.

Je vous en prie, madame Stewart.

Mme Stewart (Brant): Si vous le permettez, j'aimerais poser à M. Stephen des questions dans la même veine que ma collègue, Mme Brushett.

Nous parlions de stratégies visant à aider et à encourager la privatisation en nous assurant que ce soit fait d'une manière efficiente et efficace.

.1200

Les exemples que M. Shaen nous a donnés concernaient un aéroport, un pont et essentiellement des choses qui incluaient d'assez grandes propriétés, mais je suppose que vous songez également à des services qui ne comportent pas nécessairement d'importantes immobilisations. Cela peut inclure les connaissances de notre fonction publique, un système informatique utilisé dans le traitement des données et d'autres biens de cette nature.

Quels sont les types de services que le conseil a envisagé de faire éventuellement examiner par un groupe de travail de cette nature?

M. Stephen: La plupart de nos membres estiment, je pense, que là où on identifie un besoin de services du secteur public, n'importe laquelle de ces fonctions pourrait être remplie tout aussi bien, sinon mieux, par une entreprise du secteur privé. Je pense que l'essentiel est de déterminer si c'est bien le cas. Les arguments sont-ils suffisants et convaincants? Le gouvernement peut-il faire des économies appréciables en choisissant cette voie, même en tenant compte de tous les coûts des transactions nécessaires?

Nous ne passons pas autant de temps à réfléchir au bureau des passeports, par opposition aux gens qui préparent les permis de conduire à Queen's Park. Nous pensons plutôt à des questions de processus, d'équité, de coût, d'expropriation et d'indemnisation, des deux côtés de l'équation.

Dans nos moments moins sérieux, nous discutons de services qu'une entreprise privée ne pourrait tout simplement pas assurer dans les bonnes conditions contractuelles. Nous parlons par exemple de politique étrangère ou de certaines opérations militaires, mais cela relève plutôt du fantasme. Nous venons à peine de prendre cette voie, et, comme je l'ai dit, nous essayons de bien planifier et de présenter les choses de façon à ce que les gens disent qu'en effet, il y aura des économies, que tout a été fait comme il se doit, qu'on n'a pas favorisé un beau-frère, par exemple.

Nous voulons aussi que ce soit quelque chose que nous pouvons maintenir, qu'il ne s'agisse pas d'un marché qui se désintégrera dans cinq ans, de sorte qu'on devra tout réparer. Il me semble qu'il y a des arguments convaincants et logiques. C'est logique pour les membres de ma collectivité aussi bien que pour mes actionnaires.

Mme Stewart: À propos de processus, j'essaie seulement de compléter l'image que vous tracez. Nous sommes en train d'effectuer un examen des programmes, dans le cadre duquel tous les ministres examinent ce que font leurs ministères, ce qu'ils doivent continuer de faire et ce qui ne doit pas éventuellement incomber au gouvernement. On fera ressortir ces éléments. L'affaire serait ensuite confiée à ce groupe de travail, qui, du côté fédéral du moins, serait présidé ou dirigé par un ministre.

Comment penseriez-vous identifier les représentants du secteur privé qui devraient faire partie de ce groupe de travail?

M. Stephen: Je pense que vous avez reçu des représentants de différents segments du secteur privé. Tout dépend de l'ampleur que vous voulez lui donner; cela pourrait être notre groupe, la Chambre de commerce, le Conseil canadien des chefs d'entreprises ou tout autre groupe. Je pense que nous pourrions probablement faire cela en un après-midi et présenter quelque chose d'acceptable au gouvernement et à la collectivité. À mon avis, la grande question qu'il y a lieu de se poser, c'est celle-ci: quand on n'a pas de ministre de la privatisation et qu'on laisse le processus d'examen des programmes suivre son cours, favorisez-vous davantage la privatisation ou les options de partenariat?

Il est juste de dire, je pense, que le gouvernement de l'Ontario choisit des options draconiennes de réduction des dépenses. Il n'examine pas la situation aussi sérieusement qu'il pourrait le faire dans un an, car il estime nécessaire d'amputer dès maintenant son budget de 6 milliards de dollars. La méthode que vous avez choisie ne vous permet pas d'amputer votre budget de 6 milliards de dollars dès maintenant. Elle devrait entraîner, dans un secteur donné, des économies annuelles appréciables par rapport à ce que le gouvernement dépense actuellement, mais elle n'aura certainement pas de résultats concrets aussi immédiatement que le fait de réduire de 20 p. 100 les chèques d'assistance sociale, quoi qu'on pense de cette solution, et le conseil n'a pas adopté de position à ce sujet.

M. Shaen: Puis-je ajouter quelques mots? Nous tenons à apporter une précision, ou plutôt je parle peut-être en mon nom personnel en essayant d'apporter une précision. Nous ne sommes pas d'avis que les marchés présentent une solution à tous les problèmes. Certaines personnes ici présentes sont peut-être de cet avis, mais ce n'est pas le mien.

Je crois cependant parler au nom de beaucoup de gens concernés; le tiers des membres de notre conseil appartiennent au secteur public, en particulier au palier municipal, et puisqu'ils se trouvent à l'échelon le plus bas, ils doivent se débrouiller de leur mieux face aux conséquences du remaniement budgétaire nécessité par la dette. Cependant, la difficulté réside en partie dans le fait que ces 30 dernières années en particulier les gouvernements ont commencé à faire certaines choses auxquelles il leur est très difficile de mettre fin, et même de se demander s'ils devraient continuer de les faire.

.1205

Ces deux dernières années, la ville de Toronto a eu à examiner une proposition très intéressante au sujet de son service d'urbanisme. Quelqu'un est venu demander pourquoi le service d'urbanisme comptait tellement d'employés. Pourquoi ne pas donner plus de responsabilités aux promoteurs et trouver un moyen d'établir des normes réglementaires, quelles qu'elles soient? Je ne suis pas urbaniste et je ne peux donc pas donner plus de détails au sujet de cet exemple, mais on a dit qu'on devrait ajouter au fardeau du promoteur et alléger celui de l'administration municipale, car, d'après l'argument invoqué, nous avions beaucoup trop d'employés.

Par analogie, je pense qu'il y a probablement beaucoup de fonctions remplies par les gouvernements et que c'était une bonne idée au début, et on n'a pas besoin d'être idéologue pour le reconnaître; on a peut-être résolu il y a un certain temps le problème qu'on visait à résoudre, mais on a continué le programme simplement parce qu'il existait.

Pour ceux d'entre vous qu'intéressent les livres sur la gestion, Peter Drucker a dit il y a 20 ans une chose qui m'a particulièrement intéressé. Il a dit que les gens avaient cessé de croire que les impôts et les dépenses pouvaient résoudre tous les problèmes; ils croient plutôt qu'ils peuvent en résoudre certains. Le problème de ceux qui vivent dans leur tour d'ivoire, où l'information ne circule pas tellement facilement, dans un sens ou dans l'autre, c'est qu'ils continuent parfois de faire des choses parce qu'il n'est pas tellement facile de prendre du recul et de se demander s'il y a une autre façon de procéder, et de le faire sans avoir l'air d'un idéologue.

Je pense que des esprits de droite de différents milieux peuvent arriver à la même conclusion, c'est-à-dire que ce n'est peut-être plus un secteur, quel qu'il soit, dont nous devrions encore nous occuper. C'est pourquoi des mesures fondées sur un projet en particulier - par exemple le ministre des Transports qui veut ou doit se retirer du secteur de la navigation aérienne, ou un autre ministre qui veut faire passer des initiatives individuelles - est une stratégie par accident. Étant donné les pressions budgétaires auxquelles le pays fait face, et ce côté-ci en particulier, il se peut qu'une stratégie un peu plus cohérente et cohésive ait plus de sens.

Mme Stewart: Merci.

Le président: Merci, madame Stewart.

Monsieur Fewchuk, aviez-vous quelque chose à ajouter?

M. Fewchuk (Selkirk - Red River): J'ai participé à une foule de réunions ces deux dernières années, et l'on dit toujours que le gars du secteur privé va remplacer le gouvernement. Mais chaque fois que j'écoute les participants à toutes ces réunions, je me dis que les gens du secteur privé comme moi... J'ai été en affaires à une certaine époque. Je me dis qu'étant dans le secteur privé, j'y verrais une ouverture pour moi, si je pouvais établir un premier contact. Comment puis-je faire de l'argent facilement, me faire payer directement?

Je n'ai rien entendu d'autre ces dernières années. Celui qui est dans le secteur privé veut mettre la main sur l'argent des contribuables et veut être le premier à le faire. J'ai encore entendu la même chose de ces témoins ce matin.

À part cela, il est préférable que je me taise, je pense. Merci.

Le président: Vous voyez le monde d'un point de vue très «marxien».

Monsieur Grubel, vous êtes certainement d'accord.

M. Grubel: Je tiens à ajouter un bref commentaire à celui de M. Shaen.

En économique, nous avons le concept de l'échec du marché, sur lequel la plupart des économistes sont d'accord. Le marché ne fait pas tout à la perfection. Mais l'une des grandes idées qui ont surgi au cours des vingt dernières années en théorie économique veut qu'il existe aussi ce qu'on appelle l'échec du gouvernement.

Ce qui s'est passé, je pense, c'est que lorsque les gouvernements ont commencé à faire des choses pour remédier à ces échecs du marché, nous avons appris qu'ils pouvaient eux-mêmes créer des difficultés, et l'on présume qu'il en coûte plus cher à la société lorsque le gouvernement remédie à la situation que lorsque le marché fonctionnait sans restrictions. Je pense que c'est l'un des arguments les plus convaincants en faveur de la privatisation.

Évidemment, les idéologues diraient que tout ce que le gouvernement fait est mauvais, et très peu de gens le disent. Il n'en reste pas moins que nous devons examiner la situation avec un préjugé adéquat, peut-être, et nous demander si le gouvernement, dans son intervention, réalise vraiment ses objectifs ou s'il cause en même temps plus de difficultés.

M. Shaen: Monsieur le président, puis-je faire un commentaire à ce sujet?

Le président: La lutte se fait entre vous et Michael, Terry.

M. Stephen: Je n'ai rien à dire, monsieur le président.

Le président: Avons-nous résolu ce conflit? Bien.

M. Stephen: En réponse à M. Fewchuk et à M. Grubel, je pense pouvoir dire qu'il y a une certaine façon d'examiner ces questions. Il est dangereux de présumer que le secteur privé va résoudre vos problèmes, comme M. Fewchuk le signale, parce qu'en fin de compte nous sommes tous paresseux, en particulier si nous pouvons obtenir quelque chose gratuitement ou si nous pensons que c'est bien si c'est possible. Il existe donc une certaine tension dans le système.

Ce qui serait nouveau dans les milieux gouvernementaux pendant les années quatre-vingt-dix, ce serait l'abolition de ce que j'appelle depuis quelques années la suspension de l'incrédulité.

Il y a lieu de nous poser des questions cruciales qui sont difficiles. Est-ce bon pour le contribuable? L'homme dit qu'il y aura des économies de 20 p. 100. Est-ce vrai? Puis-je en faire la preuve? Si cela ne réussit pas, quelles sanctions peut-on imposer? Si cela réussit, comment puis-je avoir ma part des économies? Il ne s'agit pas tellement de ne pas partager les pertes que de partager les gains et de faire payer quelqu'un, s'il ne réussit pas comme il l'a promis.

.1210

Le président: Puis-je vous demander, Michael ou Terry, de me renseigner sur votre association - qui en est membre, comment êtes-vous nommés, qui vous finance, et d'autres détails de cette nature?

M. Shaen: Seules les personnes les plus éminentes font partie de l'association.

Le président: Ce n'est certainement pas comme le Parlement.

M. Shaen: C'est très semblable au Parlement.

M. Stephen: Au début, il y a eu un certain nombre de gens, surtout des membres de deux cabinets de professionnels, qui ont dit que cela s'en venait et que ce n'était pas l'infrastructure appropriée pour faire cela dans notre pays, que nous comprenons vraiment bien. Nos membres sont des représentants de municipalités, de banques, de courtiers en placements, de cabinets d'avocats, de cabinets d'ingénieurs et d'entrepreneurs en construction. Nos fonds viennent de nos membres et du partage des profits provenant d'une conférence annuelle, la dernière s'étant tenue à Toronto les 20 et 21 novembre derniers.

Nous ne demandons d'argent à personne en particulier, seulement à nos membres actuellement; c'est évident. Comme l'a dit dernièrement l'un des membres de notre conseil d'administration, un ancien directeur général de Hamilton - Wentworth, lors d'une réunion du conseil, nous avons trop d'argent pour faire ce que nous faisons actuellement, mais nous n'en avons pas assez pour faire ce que nous devrions faire. C'est un peu comme beaucoup d'autres organisations, je pense, monsieur le président.

Le président: Il s'agit donc uniquement d'une initiative du secteur privé à laquelle participent surtout des professionnels et certaines municipalités.

M. Stephen: Oui.

Le président: Quand l'association a-t-elle été créée?

M. Stephen: À l'automne 1992.

M. Shaen: Une organisation semblable existe aux États-Unis depuis dix ou douze ans. La création de l'organisme canadien a été hâtée par le fait qu'un Américain est venu prendre la parole lors d'une activité tenue au Canada, amenant un groupe à dire qu'on n'avait pas besoin d'être un génie pour voir que les gouvernements ne peuvent pas continuer de faire ce qu'ils font, et que nous devrions donc songer à créer une tribune, un véhicule quelconque.

Ce n'est pas une fraternité. Il n'y a pas de passages secrets.

Le président: Avez-vous identifié des secteurs que le gouvernement fédéral devrait examiner?

M. Stephen: Non, nous n'avons pas identifié de secteurs précis. Des représentants de ministères fédéraux sont membres de notre association. Nous sommes un groupe qui examine les processus et nous disons que nous ne préconisons pas de projets, et nous ne voulons donc pas exercer de pressions indues sur les différents représentants de Travaux publics, par exemple, en disant qu'ils devraient vraiment faire telle ou telle chose.

Le président: Pourquoi?

M. Stephen: Parce que nous n'avons pas de procédures. Nous n'avons pas reçu assez d'indications de votre part, peut-être parce que nous n'avons pas passé assez de temps ici. Nous y avons cependant passé du temps la semaine dernière et nous avons ainsi reçu une invitation à venir au comité aujourd'hui. C'est pourquoi notre mémoire n'est pas tout à fait fini, mais il le sera très bientôt.

Le président: Bien.

M. Stephen: Nous devrions peut-être le faire, mais comme nous sommes un groupe plutôt oecuménique, composé de membres ayant des intérêts différents dont nous essayons de tenir compte - ceux d'un courtier en placements, par exemple, par rapport à ceux d'une grande municipalité - nous disons qu'il est préférable de nous en tenir à la façon de faire les choses. Ce sera une contribution suffisante en 1995-1996. Évidemment, si vous voulez tenir des discussions dans une autre tribune pour décider où il faut commencer, ce serait plaisant également.

M. Shaen: Nous avons préparé cette proposition que nous vous présentons aujourd'hui, au sujet de la nomination d'un ministre ou d'un groupe de travail, en partie parce que ce qui a amené surtout les gens à participer à notre association c'est le fait qu'on ait demandé au gouvernement de faire cela et qu'on ne semble pas savoir avec certitude où il faut commencer, ou encore parce qu'on a déjà essayé, mais qu'on a échoué, et on veut faire mieux la prochaine fois.

Évidemment, du côté du secteur privé, on l'a déjà fait, ou on sent qu'il y a une possibilité de le faire, mais on aimerait en savoir davantage sur la façon de procéder, afin de ne pas trébucher. C'est pourquoi notre association suscite un peu d'intérêt et acquiert un peu de notoriété parmi les gens qui s'intéressent à la question.

Le président: Donc, si nous voulions privatiser nos audiences prébudgétaires, nous pourrions nous adresser à vous, et vous pourriez suggérer une façon de procéder, recommander quelqu'un qui s'en occuperait pour nous et nous dire combien cela coûterait.

M. Stephen: Certainement. Nous avons hâte de le faire, mais le paiement serait fondé sur le succès seulement. Il n'y aurait donc plus de chèques réguliers.

Le président: Oui, monsieur Pillitteri.

M. Pillitteri: Monsieur le président, j'ai seulement une remarque à faire. Je suis passé par un conseil municipal, et je me souviens d'avoir appris cela.

Vous avez aussi un grand nombre de membres qui sont experts-conseils. Je sais que ma municipalité a eu recours à ce service pour savoir comment procéder différemment, et peut-être comment mieux faire.

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Puis-je dire que dans ma propre municipalité il n'en a résulté que quelques changements - vous ne trouvez pas toujours la solution - seulement quelques changements ont été apportés. Je pense que nous avons dépensé plus de 10 000 $. Nous avons seulement changé le titre de l'agent d'administration principal. Il y a eu des changements, c'est certain, mais les coûts de fonctionnement de la municipalité sont restés les mêmes.

Mme Brushett: Puis-je faire un commentaire, monsieur le président?

Pendant cette année, nous avons entendu parler de sous-traitance, et il semble bien que le gouvernement ait eu recours à la sous-traitance sans vérifier quels étaient les coûts de base au sein du gouvernement. Comment peut-on sous-traiter quelque chose - et c'est le grand argument des sociétés - sans même savoir quels sont nos propres coûts, et comment peut-on quand même dire que nous faisons un meilleur marché?

M. Grubel: Allons donc, Dianne.

Mme Brushett: Je pense que nous devons passer tout d'abord par les étapes fondamentales.

Le président: D'accord?

En conclusion, je me permets de dire qu'à mon avis il y a beaucoup de possibilités pour nous de travailler ensemble, d'une manière beaucoup plus coopérative, avec le Conseil canadien des sociétés publiques-privées. Franchement, je pense que nous aurons hâte d'entendre vos suggestions sur la façon d'accroître ces échanges. Je suis seulement très désolé, Terry et Michael, que David Walker n'ait pas été ici pour entendre parler de cette initiative.

Mark Daniels, je ne peux certainement pas dire que je suis en désaccord avec vous sur la façon dont il faut examiner la question du revenu de retraite, comme nous l'avons recommandé l'an dernier, en tenant compte des besoins globaux de ceux qui seront là, et M. Grubel a soulevé des concepts intéressants.

Combien nous coûterait, selon vous, l'extension de la déduction, au titre des régimes de soins médicaux et de soins dentaires, au million de personnes qui ne sont pas assurées aujourd'hui? À peu près un trentième de la dépense fiscale actuelle? Approximativement?

M. Witol: Nos estimations sont bien inférieures, simplement parce que nous ne nous attendons pas à ce que tout le monde accepte l'offre. Il y aura quand même une dépense.

Le président: À combien l'évaluez-vous?

M. Witol: Nous prévoyons qu'il en coûterait peut-être 35 millions de dollars pour étendre...

Le président: Pour uniformiser les règles du jeu.

Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Lafrenière, vous avez suggéré deux choses, et je pense que vos idées étaient bonnes.

[Traduction]

Au nom de tous les membres du comité, je tiens à remercier chacun d'entre vous pour son excellent exposé.

Nous nous réunirons de nouveau demain après-midi à 15 h 30, pour examiner le projet de loi C-100. Je crois que ce sera notre dernière réunion avant Noël.

M. Grubel: Apporterez-vous la bûche de Noël?

Le président: Je vous apporterai une foule de choses, Herb.

Merci beaucoup à nos témoins de la part de tous les membres du comité.

La séance est levée.

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