[Enregistrement électronique]
Le mardi 20 juin 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte. La première heure et quart sera consacrée à M. Christopher Westdal, ambassadeur au Désarmement, qui est accompagné de messieurs Casterton et Jurschewsky, du ministère.
Monsieur Westdal, si j'ai bien compris, vous commencerez par un exposé de 15 à 20 minutes, puis les députés pourront vous poser des questions. Merci beaucoup.
M. Christopher Westdal (ambassadeur au désarmement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup.
C'est un véritable honneur pour moi et mes collègues, M. Sven Jurschewsky, qui est conseiller principal en matière de questions nucléaires à la Direction de la non-prolifération et du contrôle des armements et du désarmement du ministère des Affaires étrangères et M. Jim Casterton, qui est conseiller en matière de non-prolifération des armements nucléaires à la Commission de contrôle de l'énergie atomique, d'avoir l'occasion de venir témoigner. Ces deux collègues travaillent depuis des années dans ce domaine et ils ont été membres de la délégation canadienne aux réunions préparatoires du comité et à la conférence proprement dite.
La semaine dernière, nous avons remis à la greffière plusieurs documents dans le but de vous donner une idée de la dynamique de la conférence, des thèmes et des questions qui ont été examinés et du rôle qu'a joué le Canada dans l'adoption par la conférence de l'objectif prioritaire du gouvernement en matière de sécurité globale, c'est-à-dire la prolongation indéfinie et inconditionnelle du TNP, c'est-à-dire sa permanence assortie d'imputabilité.
Aujourd'hui, nous avons distribué le texte des trois décisions de la conférence qui constitue la documentation de prorogation du traité. J'attire votre attention sur le fait qu'il s'agit d'un document officiel de la conférence. Pour le moment, il n'existe qu'en version anglaise. Ils seront bientôt disponibles dans les six langues officielles des Nations unies.
Le premier document porte le numéro «L.6» dans le coin supérieur. Il s'agit du document intitulé: Extension of the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons, Draft decision proposed by the President. Il s'agit d'une décision juridique; c'est la pierre angulaire. Dans ce document, la conférence décide que le traité restera en vigueur indéfiniment. C'est un document juridique.
Les deux autres documents sont des décisions politiques. Le premier, qui porte le numéro «L.5» dans le coin supérieur et qui est intitulé Principles and Objectives for Nuclear Non-proliferation and Disarmament énonce un programme d'action ayant pour but final d'éliminer les armements nucléaires. Il s'agit d'un document politique.
Le troisième, qui représente également une décision politique, est plutôt un document d'ordre administratif. Il porte le numéro «L.4» dans le coin supérieur et porte sur le renforcement du processus de révision qui est prévu dans le traité. Les révisions se font normalement tous les cinq ans.
Dans le cadre de mon exposé, qui est principalement axé sur l'importance de ces décisions, je parlerais de ces documents et d'autres sujets. Je parlerai ensuite du rôle que le Canada a joué dans le cadre de ces délibérations et enfin des enseignements que l'on peut tirer de l'expérience. Je serai évidemment disposé à répondre à vos questions et à vos remarques.
Ces trois décisions sont pour l'essentiel le résultat de la seule et unique conférence de reconduction du TNP. Il importe toutefois de signaler que la conférence de New York constituait la cinquième révision du traité depuis sa création, c'est-à-dire depuis 25 ans.
Si ces deux activités sont intimement liées - elles ont été menées de front et couvrent en grande partie le même domaine; en outre, les intervenants étaient les mêmes - , il s'agissait toutefois d'éléments distincts. C'était une conférence organisée pour réviser la mise en oeuvre du traité, surtout au cours des cinq dernières années et elle avait également pour but de prendre une décision au sujet de sa reconduction.
Je voudrais parler brièvement de l'issue de la révision avant de passer au sujet principal, la seule et unique prorogation.
La révision a été productive à plusieurs égards, surtout en ce qui concerne les garanties nucléaires. Les participants ont approuvé les efforts déployés par l'AIEA, c'est-à-dire l'Agence internationale de l'énergie atomique dont le siège est à Vienne, pour renforcer et rationaliser les garanties, du fait que l'on sait que l'Irak et la Corée du Nord trichent.
Ils ont également approuvé le Programme 93 plus 2 visant à renforcer ces garanties.
Ils ont également préconisé des garanties complètes c'est-à-dire des garanties qui portent sur tout le cycle du combustible et qui doivent être fournies pour pouvoir s'approvisionner.
Ils ont également maintenu le principe de l'intégrité et ont préconisé une plus grande transparence et un contrôle des exportations analogues à celui exercé par le groupe des États fournisseurs de produits nucléaires et par le comité Zangger, qui fait partie de l'AIEA et qui a été créé en fonction du TNP.
La révision a principalement porté sur les préoccupations d'ordre écologique ainsi que sur la question de la sécurité nucléaire, notamment celle de l'élimination des déchets.
La révision a également permis de trouver beaucoup de formules utiles qui ont permis de rédiger le document consacré aux principes et objectifs qui fait partie de la décision de reconduction.
Par contre, comme cela s'est déjà produit à deux reprises, c'est-à-dire en 1980 et en 1990, les participants ne sont pas parvenus à s'entendre sur un texte final, principalement en raison de certaines divergences d'opinions et à cause de la recherche plutôt quichottesque d'un consensus sur chaque mot dans le texte portant sur des questions politiques délicates, au sein de la Première grande commission, c'est-à-dire la commission politique de la conférence.
En tout cas, la révision a confirmé la validité de la décision de renforcer le processus de révision et surtout de réexaminer la tradition du consensus qui, comme vous le savez, accorde à chaque État-partie - et il y en a actuellement 178 - un droit de veto sur le texte final qui porte sur des questions délicates et complexes. Voilà en bref ce que j'avais à dire au sujet de la révision.
Je vais maintenant parler de la décision de reconduction. La décision essentielle qui a été prise - sans vote - par les 175 États-parties présents est que le traité restera en vigueur indéfiniment.
Le traité prévoit depuis sa création, c'est-à-dire depuis 25 ans, 3 options en la matière. Il pouvait rester en vigueur indéfiniment ou il pouvait être reconduit pour une ou plusieurs périodes déterminées.
On a décidé de le reconduire indéfiniment, c'est-à-dire qu'il deviendra permanent. Cette décision juridique, qui est énoncée dans le document L.6 dont je vous ai parlé, fait partie d'un ensemble de mesures politiques visant à renforcer le traité en renforçant le processus d'examen en vertu de la décision numéro L.6 et en proclamant les principes et les objectifs de la non-prolifération des armements nucléaires et du désarmement dans le document L.5.
Le principal, c'est que la permanence enchâsse les valeurs du traité. Nous, c'est-à-dire la communauté mondiale, nous sommes engagés sans ambages à prôner la non-prolifération des armements nucléaires, le désarmement et l'utilisation pacifique contrôlée de l'énergie nucléaire. Ces principes ne seront pas remis en question de temps en temps; il font maintenant partie des valeurs permanentes qui sont reconnues par la collectivité mondiale.
Des valeurs permanentes et non temporaires, irrémédiablement porteuses d'incertitude, se rattachent dorénavant au principe de la non-prolifération des armements nucléaires et du désarmement. Voilà en ce qui concerne la décision de reconduction.
Les principes et objectifs sont comme un modèle; ils constituent un engagement politique envers un programme d'action - et cette phrase a été contestée pendant pas mal de temps, ce qui ne s'était jamais vu - dont le but final est le désarmement nucléaire complet. Nous sommes résolus à le mettre en oeuvre progressivement.
Ce programme prévoit une interdiction complète des essais d'ici la fin de l'année prochaine. On s'efforcera également de faire adopter une convention visant à interdire la production de matières fissiles dans le but de fabriquer des armes. Il prévoit également le déploiement d'efforts en vue d'un accès universel au traité. À l'heure actuelle, il n'y a plus que 11 pays qui ont refusé de signer le traité, et en particulier Israël, l'Inde et le Pakistan.
Enfin, ce programme d'action prévoit l'étude de garanties négatives et positives plus efficaces, voire obligatoires, en matière de sécurité. Les garanties négatives sont la promesse faite par les États armés qu'ils n'utiliseront pas leurs armes contre autrui et les garanties positives sont des alliances comme celle de l'OTAN: si quelqu'un menace d'utiliser les armes nucléaires contre vous, les autres viendront à votre secours. Les États-parties se sont engagés à envisager des garanties plus efficaces, voire obligatoires, en matière de sécurité.
Le renforcement du processus de révision constitue une amélioration pratique visant à accroître l'efficacité au niveau de la mise en oeuvre. Des révisions en profondeur - que l'on peut assimiler à des rendez-vous chez le dentiste - seront faites par conséquent quatre années sur cinq et un traitement de canal sera effectué tous les cinq ans.
Il s'agira de se tourner tant vers l'avenir que vers le passé et de charger les groupes de travail d'examiner certaines questions importantes. Il s'agit là d'une évolution importante du processus de révision. Dans le traité, on se contente de dire qu'il y aura des révisions. Il existe actuellement une procédure de révision élaborée et perfectionnée.
En bref, ces décisions répondent, au delà de nos attentes, à l'objectif prioritaire que le Canada s'est fixé en matière de sécurité mondiale, c'est-à-dire la reconduction inconditionnelle et indéfinie du TNP que nous espérions qu'une grande, voire une très grande majorité, ou du moins une majorité suffisante, allait appuyer.
Elle a été appuyée sans la tenue d'un vote. Certaines personnes ont ergoté au sujet de l'usage du terme «consensus». On a discuté de la signification précise de ce terme dans le contexte des Nations unies et des contacts multilatéraux, mais il est clair qu'elle est appuyée par une majorité très large, sinon prépondérante. Personne ne s'y est opposé.
Il n'est pas vraiment étonnant que le traité ait été prorogé indéfiniment. La permanence était une excellente idée et les pays les plus puissants du monde étaient entièrement d'accord là-dessus.
Par contre, on ne s'attendait pas à une décision d'une aussi grande qualité. C'est l'exploit émouvant et extraordinaire de la conférence. Il est dû en partie au fait que la poignée de pays qui auraient pu gâter la sauce et n'auraient pas permis d'atteindre un consensus étaient tellement isolés à la fin des discussions que la seule possibilité eût été de suivre l'exemple de la Corée du Nord et de s'absenter, ce qu'ils n'ont pas fait.
La principale raison, qui est plus encourageante, est que les 175 États-parties réunis estimaient d'une manière générale que les armes nucléaires sont des abomnations extrêmement dangereuses qui ne doivent pas proliférer et qui ne devraient même pas exister.
Il ne faut toutefois pas oublier qu'avant la dernière semaine de la conférence, une faible minorité d'entre eux croyait réellement qu'il serait possible d'atteindre ce résultat sans la tenue d'un vote.
Au contraire, des analyses publiques et privées très élaborées signalaient la menace d'un vote à bulletins secrets et indiquaient qu'il faudrait probablement faire un choix délicat entre une majorité loin d'être absolue et incontestable en faveur d'une prolongation indéfinie et la tenue de toute une série de votes pour obtenir des résultats moins concluants.
Ce n'est pas ce qui s'est passé. Cette décision est au contraire le résultat d'une communion des esprits, d'une conviction croissante que les États-parties ont acquise grâce à la poursuite difficile d'une stratégie systématique que nous avons contribué à orchestrer pendant des mois et que nous avons appelé un «consensus progressif».
Il n'existe que deux sortes de consensus dans un contexte multilatéral. Le premier est atteint par voie de compromis et nous ne voulions pas que la décision de reconduire le trait soit principalement fondée là-dessus. L'autre est ce que nous avons appelé le consensus progressif.
J'estime qu'il a été atteint en partie grâce aux efforts déployés par le Canada, depuis ceux du premier ministre Jean Chrétien et du ministre Ouellet jusqu'à ceux de nos missions à l'étranger, en passant par ceux du ministère des Affaires étrangères, du ministère de la Défense nationale et de la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Nous pouvons revendiquer une partie des mérites de cet exploit, mais pas plus que notre juste part.
Avant de parler du rôle du Canada, je tiens à rendre brièvement hommage à plusieurs pays qui ont largement contribué à cette réussite. Je ne garantis pas que je n'omettrai pas de citer certains noms.
Tout d'abord, je crois que vous avez remarqué que l'Afrique du Sud a modifié le cours de la conférence dès le début, quand le ministre des Affaires étrangères, M. Alfred Nzo a annoncé que son pays était en faveur de la prolongation indéfinie, écartant ainsi toute crainte relative au ralliement du Mouvement non-aligné autour d'une solution de rechange et apportant ainsi tout le poids de sa crédibilité à la cause de la permanence.
La délégation sud-africaine a ensuite rendu cette décision possible en prenant la tête du mouvement en faveur de la réforme du processus de révision et de l'établissement de certains principes comme l'imputabilité. En définitive, ce fut-là pour l'Afrique du Sud un retour en beauté sur la scène multilatérale.
Je tiens également à rendre hommage au président de la Conférence, M. Dhanapala, qui est ambassadeur du Sri Lanka à Washington. Il a dirigé les opérations de main de maître. Je songe plus particulièrement à la décision très judicieuse d'instituer une commission élue par acclamation et qui est constituée de représentants du Canada et de 18 autres pays.
Il ne faut pas la confondre avec la commission générale qui fait officiellement partie de la conférence. La commission instituée par le président a principalement examiné la question de la réforme du processus de révision ainsi que les principes et objectifs qui constituent les ingrédients politiques essentiels de la prolongation officielle.
Par ailleurs, le président Dhanapala a insisté pour que l'on énonce la décision de prolonger indéfiniment le TNP dans un texte qui ne l'assujettit à aucune condition. Il s'agit d'un texte qu'il a rédigé lui-même après avoir spontanément consulté tout le monde pour s'assurer qu'il s'agit effectivement d'une décision prise d'un commun accord. Comme il l'a si bien dit lui-même, il n'y aura pas de victoire si ce n'est une victoire commune.
Je tiens également à rendre hommage à l'Égypte qui avait des réticences bien légitimes et qui a fait la plus grande profession de foi en acceptant la décision sans la tenue d'un vote ainsi qu'une résolution consistant à affaiblir le Moyen-Orient.
Il est vrai que les Égyptiens ont été soumis à certaines pressions, mais il est également vrai que la décision concernant la prorogation du traité était pour eux une décision délicate sur le plan politique. Leur avis avait en effet beaucoup d'importance étant donné qu'aucun des 22 pays membres du bloc arabe avait accepté de parrainer une autre ébauche de décision et que les Égyptiens auraient pu finalement empêcher le consensus. Cette attitude les a fait considérablement remonter dans notre estime et leur a valu notre sympathie, compte tenu de leur situation difficile.
L'Australie a joué un rôle important en incitant les États armés à rester honnêtes, en dirigeant la négociation sur le texte concernant les garanties en matière de sécurité et en aidant directement le président dans ses consultations officielles et officieuses. Nous avons également trouvé que les Australiens et les Néo-Zélandais ont fait preuve d'une modération et d'une crédibilité qui se sont avérés utiles dans le cadre de la campagne que nous avons menée pour trouver des pays disposés à co-parrainer une ébauche de décision concernant la prolongation indéfinie.
Je rends enfin hommage à plusieurs pays plus petits qui sont membres du Mouvement non aligné et qui ont eu la sagesse d'appuyer la prorogation indéfinie avant que la réunion de ce Mouvement, qui s'est tenue à Bandung au milieu de la conférence, ne leur donne les coudées franches.
Il y a également bien d'autres pays qui ont joué un rôle qui mérite d'être signalé comme le Honduras, en ce qui concerne l'Amérique centrale. Singapour et le Cambodge en ce qui concerne l'Asie et Antigua, la Dominique, la Grenade, Ste-Lucie et St-Vincent en ce qui concerne les Caraïbes. Tous ces pays, dont la liste n'est pas exhaustive, ont fait partie des partisans de la prolongation indéfinie au cours des premières étapes du processus.
En ce qui concerne le Canada, je crois qu'il est juste d'affirmer qu'il a joué un rôle capital. Le ministre Ouellet a exposé l'ojectif en détails dans son allocution d'ouverture et cela est devenu une sorte de leitmotiv: pérennité et imputabilité.
Le deuxième jour de la conférence, il a également créé au cours d'un déjeuner de travail un groupe unique et discret composé de 16 membres, que nous avons appelé le groupe central cosmopolite. Il s'est réuni à cinq ou six reprises pendant la conférence. Il était qualifié de cosmopolite parce qu'il présentait la caractéristique d'être composé de représentants de tous les groupes et de toutes les régions, y compris de groupes qui n'étaient pas en faveur de la prorogation indéfinie ou qui, du moins, n'acceptaient pas de co-parrainner notre ébauche de décision. Ce groupe comprenait notamment l'Afrique du Sud, ce qui nous a donné un instrument fiable de sondage d'opinions, et plus particulièrement en ce qui concerne la réforme de la révision et les principes et objectifs.
Sur une période de plusieurs mois, nous avons établi des bases d'un consensus progressif, à Ottawa, à New York, à Genève, à Vienne ainsi que dans les capitales où nous avons des missions, et dans celles où nous sommes accrédités. À la conférence proprement dite, le Canada a réuni tous les pays qui acceptaient de co-parrainer la prorogation indéfinie et il a présenté l'ébauche de décision en leur nom, fournissant ainsi une preuve tangible. Le 5 mai, cinq jours avant que la décision ne soit prise, nous avons fourni la preuve que le traité deviendrait permanent et que ce n'était plus qu'une question de qualité et de détails.
Notre stratégie consistait à saper patiemment et systématiquement la crédibilité des principaux adversaires faisant partie du Mouvement non aligné avant de leur tendre la perche dans un dernier temps. Nous n'avons pas exercé de pression sur ces pays mais nous avons engagé un dialogue fondé sur le respect mutuel et nous avons réitéré nos arguments d'États non nucléaires en faveur de cette décision.
J'insiste sur le fait que ces arguments qui sont brièvement énoncés dans l'aide-mémoire que nous avons distribué la semaine dernière sont à mon avis différents et plus convaincants que ceux des États dotés d'armes nucléaires.
Nous avons fini par dresser une liste de 111 pays disposés à co-parrainer le projet de décision, ce qui fait 21 de plus que le nombre légalement requis par le traité, c'est-à-dire une majorité légale de 90. Et dire que tout cela a commencé par la formation du groupe de ces États-parties qui se sont réunis à la fin de la quatrième réunion de la commission préparatoire, qui s'est tenue au mois de janvier! Sous notre présidence, c'est ensuite devenu le groupe des 19 que nous avons appelé, le WEOG-plus. Veuillez excuser le jargon, mais cela veut dire le groupe des pays d'Europe occidentale et des autres pays, le pays supplémentaire étant la Russie.
Nous avons surtout travaillé avec ce groupe qui s'est réuni à trois reprises à Genève sous notre présidence, et une fois à New York. Nous avons ensuite axé nos efforts sur le groupe Mason composé de 39 membres et qui est le groupe de l'après-guerre froide entre l'Est et l'Ouest et qui comprend également la Corée du Sud et l'Argentine. Ce groupe avait été formé par la personne qui occupait le poste d'ambassadeur avant moi, Mme Peggy Mason, et il a été appelé ainsi en son honneur. La première commission, c'est-à-dire la commission du désarmement de l'Assemblée générale, a axé ses intérêts sur ce groupe qui s'est réuni pour la première fois à Genève ainsi qu'à trois reprises à New York. Finalement, vers la fin de la conférence, nous présidions des assemblées regroupant plus de 100 États disposés à co-parrainer le projet.
Nous sommes parvenus à ce résultat en faisant des démarches successives dans les capitales par l'intermédiaire de nos missions, en organisant systématiquement des dîners et des déjeuners à Genève et à New York, activités dans lesquels, l'ambassadeur Fowler des Nations unies a joué un rôle capital, en ayant des contacts directs, à New York, avec des représentants permanents indécis ainsi qu'en faisant du lobbyisme intensif et en maintenant des contacts tout au long de la conférence.
À la conférence, nous avons défendu activement et de façon crédible toute la série de questions portant aussi bien sur le processus d'examen que sur la prorogation du traité. Ce n'était pas simplement la longueur de la liste de nos co-parrains qui nous préoccupait, et nous n'avons pas non plus donné cette impression.
Nous jouissions, entre autres avantages, de la confiance générale que l'on nous accorde lorsqu'on discute de contrôle des armes et de désarmement. Nous jouissions de la confiance qui vient du fait que nous avons choisi d'être un État non doté d'armes nucléaires. On a pu mesurer récemment à quel point cette confiance était grande lorsque monsieur l'ambassadeur Shannon a joué un rôle de chef de file à Genève dans les pourparlers concernant la date à laquelle on mettra fin à la production de matière fissile aux fins de fabrication d'armes.
Par ailleurs, nous pouvions nous appuyer sur une politique et une orientation ministérielle ferme et nous avions les ressources et la latitude nécessaires pour l'appliquer. Quelques mois auparavant, nous avions eu des échanges de vues sur la réforme du processus d'examen et nous avions pu confirmer les principes sous-jacents avec les pays industrialisés, ainsi que, notamment, le Mexique et l'Afrique du Sud. Nous avions remarqué très tôt que l'Afrique du Sud serait un intervenant et un partenaire clé.
À la conférence, dans le cadre des réunions du comité du président et du groupe central dont je viens de parler, notre délégation, notamment Sven Jurschewsky qui était l'auteur des premiers documents sur la réforme du processus d'examen sur les principes, a apporté une contribution importante aux négociations des questions de fond. C'est également lui qui a synchronisé le rythme de nos efforts et de ceux de l'Afrique du Sud dans la course que nous avons menée de front.
Parallèlement, à la Deuxième Grande Commission qui s'occupe des garanties, Philip McKinnon, le directeur adjoint de la délégation chargé de missions auprès de l'AIEA à Vienne, a présidé le groupe clé de rédaction. Grâce à ses efforts, la version finale du texte a été adoptée à l'unanimité le dernier jour, ce qui a fait renaître l'espoir, qui s'est éventuellement avéré vain, que le texte final sur le processus d'examen serait adopté.
Pour ce qui est des garanties et des utilisations pacifiques qui sont les sujets d'étude de la deuxième et de la troisième grande commission et qui représente une part importante de l'examen, la présence de représentants de la CCEA, notamment Jim Casterton, a donné beaucoup de poids et de crédibilité à notre délégation.
Dans l'ensemble, nous avons fait un travail d'équipe qui a permis de faire jouer la confiance que l'on nous témoigne lorsqu'on discute de non-prolifération d'armes nucléaires, de désarmement et d'utilisation pacifique, ainsi que notre réputation et nos compétences en matière de négociations multilatérales.
Pour conclure, si l'on essaye de tirer des leçons de cette expérience, je dirais qu'il est trop tôt pour faire une analyse approfondie. Nous verrons cela avec le temps mais je pense que certaines choses ont été clairement mises en lumière.
Tout d'abord, il est évident que les regroupements multilatéraux traditionnels visant à assurer la sécurité des États, la division entre pays de l'Est et de l'Ouest qui existaient au temps de la Guerre froide ainsi que le mouvement des pays non alignés, tout cela a été bouleversé. Il n'y a rien qui indique clairement par quoi cela va être remplacé. De même, on ne sait pas clairement par quoi les anciennes idéologies vont être remplacées. On a malheureusemnt pu constater que les analyses et la rhétorique communes au temps de la Guerre froide avait encore cours.
Toutefois, la conférence a peut-être permis de jeter les bases d'un débat et de négociations sur le contrôle de la non-prolifération des armes et le désarmement entre des groupes qui partagent véritablement des intérêts nationaux sur ces questons. L'on a également pu voir dans quelle mesure les États pourraient se regrouper sur la base d'une convergence d'opinions.
Deuxièmement, le Canada est généralement bien placé pour trouver de nouveaux partenaires. Les liens que nous avons tissés au cours des années - avec les pays du Commonwealth, ceux de la francophonie, ceux qui font partie de l'Organisation des États américains, au forum régional de l'ANASE, lors de pourparlers de paix au Moyen-Orient, ou au sein de l'Organisation de sécurité et de coopération en Europe, etc - nous ont placé dans une position idéale pour créer ce consensus progressif en nous appuyant sur des groupes qui existaient déjà et en en réunissant d'autres de façon éphémère pour les besoins de la cause. Il va falloir que nous entretenions ces nouveaux liens et que nous les renforcions en tenant les promesses que nous avons faites.
Troisièmement, un engagement constructif et constant donne des résultats positifs. Ce n'est pas la raison pure qui aurait pu triompher. Certains États étaient plus sensibles au pouvoir et aux pressions qui s'exerçaient. Il est simpliste, indûment cynique et tout simpelment faux de dire que le résultat obtenu est dû à un exercice massif du pouvoir des pays dotés d'armes nucléaires. La grande majorité des États voulaient tout simplement être respectés, faire entendre leur avis, faire reconnaître leurs préoccupations et jouer honorablement leur rôle dans la prise d'une décision historique.
Quatrièmement, il est utile de parler franchement à ses amis. Nous avons utilisé à plusieurs reprises le fait que nous présidons à l'heure actuelle le groupe des pays industrialisés, ainsi que nos contacts par le groupe des pays occidentaux et ceux qui appartiennent au groupe Mason pour faire valoir que, de notre point de vue, l'arrogance, le manque de souplesse et la manipulation des chiffres pourraient uniquement mener à une victoire à la pyrrhus et n'assurer qu'une majorité réticente et contestable en faveur d'une prolongation indéfinie.
Il va falloir que nos successeurs parlent franchement eux aussi. Ayant joué un rôle clé pour persuader les parties que la permanence assurerait une imputabilité plus solide, le Canada sera particulièrement responsable d'assurer que les promesses contenues dans le traité sont bel et bien tenues.
Cinquièmement, nous devrions envisager les choses à l'échelle mondiale mais agir à l'échelle régionale. Il est vital qu'il existe des valeurs reconnues à travers le monde mais cette conférence qui en a gravé certaines dans le marbre a également souligné le fait que les menaces les plus sérieuses, qu'elles viennent du Moyen-Orient, de l'Asie du Sud ou de l'Asie du Nord-Est, doivent faire l'objet de solutions régionales.
Enfin, monsieur le président, je pense que le comité appréciera la sixième leçon à tirer de cet événement. Comme nous nous y attendions, nous avons pu constater qu'une fois les questions réglées, la permanence de l'arrangement sera assurée, non par les diplomates, les avocats et les spécialistes du contrôle des armes qui se penchent sur le problème depuis des années, mais plutôt par les politiciens et les chefs d'États. Faisons confiance aux gens et à leurs représentants qui doivent leur rendre compte. Ensemble, ils ont fait ce qu'il fallait.
Merci, monsieur le président. Naturellement, je suis prêt à faire des commentaires sur vos observations et j'essairai de répondre aux questions.
Le président: Merci beaucoup monsieur Westdal.
Je vais essayer de ne pas prendre trop au sérieux ce que vous avez dit des avocats à la fin de votre exposé.
Monsieur Leblanc.
[Français]
M. Leblanc (Longueuil): Bienvenue, monsieur l'ambassadeur.
Vous parlez du contrôle des armes nucléaires. Quel est le lien entre les pays qui vendent, par exemple, de l'uranium et de l'énergie nucléaire et les pays qui ont tendance à construire des armes nucléaires? Comment allez-vous contrôler tout cela?
Il faut de l'uranium pour faire des armes nucléaires, j'imagine. Comment les pays qui vendent de l'uranium vont-ils contrôler cela? Le Canada vend beaucoup d'uranium. Comment le Canada contrôlera-t-il la vente d'uranium aux pays qui désirent obtenir des CANDU ou d'autres formes de production d'énergie nucléaire? Je ne sais pas s'il y a un lien entre les deux. Je ne sais pas comment vous avez pensé contrôler tout cela, mais cela m'apparaît difficile.
[Traduction]
M. Westdal: C'est difficile, mais c'est l'Agence internationale de l'énergie atomique et ses garanties qui sont censées permettre la vérification de l'application du TNP. Le Canada, par exemple, étant l'un des plus gros fournisseurs d'uranium, premièrement, ne traite qu'avec des pays signataires du TNP et, deuxièmement, exige que ses clients signent des contrats de coopération nucléaire, non seulement en ce qui concerne la fourniture d'uranium, mais également d'éléments de la technologie nucléaire. C'est la raison pour laquelle les garanties sont si importantes. Si elles n'existaient pas, nous ne pourrions pas être assurés que des matériaux ou de la technologie nucléaires destinés à des utilisations pacifiques ne servent pas en fait à fabriquer des armes ou à préparer des explosions.
L'objet de la conférence de New York ainsi que des réunions régulières du conseil de l'AIEA est d'essayer de renforcer davantage ces garanties et de permettre à l'AIEA d'être mieux informé et d'avoir un plus large accès aux sites en question. Ces initiatives ont été prises suite aux preuves obtenues sur les activités de l'Iraq et de la Corée du Nord, plus particulièrement celles de l'Irak, lorsqu'on s'est rendu compte que même si l'Irak était un membre accrédité et que l'on effectue les inspections requises, on y développait un programme nucléaire clandestin.
Peut-être pourrai-je demander à Jim Casterton de la CCEA qui est spécialiste des garanties et particulièrement de leur administration au Canada, ainsi que de nos relations avec l'AIEA, d'ajouter quelque chose.
Mais vous avez raison de soulever la question de la vérification. Elle est très préoccupante et a fait l'objet de discussions et de mesures directes lors de la conférence.
Jim, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. James A. Casterton (conseiller principal, Section de la non-prolifération, Division, de la non-prolifération, des garanties et de la sécurité, Commission de contrôle de l'énergie atomique): Merci, monsieur l'ambassadeur.
Juste deux ou trois choses. On parle communément de ce que l'on appelle le «régime de non-prolifération des armes nucléaires», dont la pierre angulaire est le TNP. Mais, comme l'a fait remarquer monsieur l'ambassadeur Westdal, c'est dans le cadre du régime et de certaines de ses autres composantes essentielles que fonctionne l'Agence internationale de l'énergie atomique et son système de garantie qui, dans le contexte du TNP, ont été mises en place afin d'assurer que les États respectent les engagements qu'ils ont pris en signant le TNP.
À part cela, naturellement, l'autre élément essentiel du régime ce sont les engagements multilatéraux concernant le contrôle des exportations, engagements auxquels le Canada souscrit, et plus précisément le Comité Zangger et le groupe de fournisseurs de matériaux nucléaires.
Ces mécanismes de contrôle des exportations sont toujours en vigueur et, de fait, ils sont renforcés par divers moyens afin d'assurer que le commerce nucléaire, y compris par exemple la fourniture d'uranium ou de réacteurs, sert à des fins pacifiques et non à la préparation d'explosions.
Enfin, comme l'a laissé entendre monsieur l'ambassadeur Westdal, il y a la question de la politique nationale. Sur ce point, le Canada joue un rôle de premier plan en s'assurant que ses exportations, l'uranium principalement mais également les réacteurs CANDU, sont utilisés à des fins pacitiques et non pour la préparation d'explosions.
Tous ces éléments font donc partie d'un ensemble. Là où les choses bougent le plus à l'heure actuelle, je suppose, c'est à l'Agence internationale de l'énergie atomique où l'on examine la possibilité de renforcer les garanties données par l'Agence tant sur le plan de l'efficience que de l'efficacité.
Merci.
[Français]
M. Leblanc: Compte tenu de votre expérience, à ce jour, cela a-t-il réussi? Il semble que des pays comme la Chine ont été difficiles à contrôler, et il y en a d'autres. Vous avez aussi parlé de l'Irak. Je repose la question parce qu'il me semble qu'à l'heure actuelle, on ne semble pas avoir la mainmise là-dessus. Certains glissements se font encore.
[Traduction]
M. Westdal: À mon avis, on pourrait dire que l'expérience a réussi si l'on songe que, lorsque le traité a été négocié dans les années 1960, on craignait beaucoup - et de fait, c'est une chose à laquelle, je pense, il était réaliste de s'attendre - qu'à l'heure actuelle, qu'il y ait entre 20 et 30 pays dotés d'armes nucléaires.
Ce n'est pas le cas. On compte cinq pays qui ont déclaré être détenteurs d'armes nucléaires et dont le statut est reconnu dans le cadre du traité. Il y a également trois États qui n'ont pas signé le traité - l'Inde, Israël et le Pakistan - et que l'on soupçonne d'être en mesure de fabriquer une arme nucléaire. On a eu certaines preuves démontrant que des pays trichaient, la Corée du Nord et l'Irak, mais cela ne fait que deux pays sur 178.
L'on a pris des mesures pour tenter de renforcer les garanties et les procédures et de permettre aux inspecteurs de l'AIEA d'avoir accès au site, afin de s'assurer que ce genre de chose ne se reproduise pas. Mais, dans l'ensemble, je pense que les résultats sont assez encourageants.
Il a été possible de faire partager les résultats obtenus en matière de technologie nucléaire tout en assurant que ni les matériaux ni la technologie ne servent à la fabrication d'armes. Ce n'est pas un sans faute mais les résultats sont encourageants et l'on prend des mesures pour tenter de renforcer le régime des garanties.
M. Martin (Esquimalt - Juan de Fuca): Tout d'abord, permettez-moi de vous féliciter, monsieur l'ambassadeur, ainsi que vos collègues d'avoir déployé tous vos efforts et d'avoir obtenu d'excellents résultats sur un point qui est, j'imagine, de la plus haute importance pour la sécurité internationale.
Je crains moins qu'à l'avenir on puisse voir un ICBM à ogives multiples passer d'un pays à l'autre qu'une petite arme nucléaire exploser entre les mains de quelqu'un qui l'utiliserait à des fins terroristes ou autres, ou pour déstabiliser une région donnée.
Je pense que la boîte de Pandore s'ouvre petit à petit. Il y a eu des rapports troublants qui parlaient de trafic de matière fissile entre des pays qui faisaient autrefois partie du bloc des pays de l'Est et certaines régions du Moyen-Orient. Je crois que cela est dans la ligne des remarques faites par M. Leblanc.
Fait-on davantage pression, par exemple, sur les pays baltes qui ont envisagé de faire ce genre de choses, ou essaie-t-on de travailler de concert avec eux afin d'exercer une certaine forme de contrôle ou d'imposer certaines limites? C'est que, à mon avis - et je pense que vous serez d'accord - il ne faut tolérer aucune fraude en ce domaine.
Par ailleurs, que va-t-on faire en ce qui concerne Israël, le Pakistan et l'Inde? Le Moyen-Orient et la région qui sépare l'Inde du Pakistan sont deux endroits chauds. Obtenir d'Israël l'avalisation du TNP est, je pense, l'élément clé qui assurera que le processus de paix au Moyen-Orient se déroule en toute bonne foi.
J'ai lu des rapports troublants où l'on disait que l'Iran essaie depuis quelque temps de mettre la main sur de la matière fissile. Ce pays a récemment obtenu les éléments précurseurs nécessaires pour fabriquer un engin nucléaire.
Enfin, j'ai entendu dire des choses troublantes à propos du mercure rouge. Je ne sais pas si c'est de la fiction ou s'il faut y croire. Je n'en sais rien. Si vous savez ce qu'il en est, pourriez-vous me le dire, s'il vous plait. Est-ce que le mercure rouge est bien ce que l'on prétend qu'il est?
Le président: J'espère que vous allez nous dire à tous ce qu'est le mercure rouge.
M. Mills (Red Deer): C'est un film réalisé à Hollywood.
M. Westdal: Non, c'est un nouveau produit de la compagnie Ford.
Tout d'abord, je vous remercie de vos commentaires bienveillants sur le travail de la délégation et de mes collègues.
En ce qui concerne la première question, oui, le risque qu'une bombe clandestine se retrouve entre les mains de terroristes ou de je ne sais qui nous préoccupe. À cet égard, nous n'accordons pas une attention particulière aux pays baltes mais, naturellement, nous nous inquiétons de la mise en sûreté de l'uranium et du plutonium hautement enrichis qui provient des armes qui sont démantelées dans le cadre des réductions bilatérales. Nous nous préoccupons également de la sûreté nucléaire de l'ancienne Union soviétique. Les questions portant sur le contrôle sont bien évidemment complexes et elles évoluent, et on doit les traiter avec le plus grand soin.
Le sujet est abordé lors des réunions des pays du G-7 et du P-8. On en discute évidemment de façon approfondie dans le contexte des relations bilatérales entre la Russie et les États-Unis et également entre les anciens pays membres de l'Union soviétique et les États-Unis. On constate une plus grande coopération entre les services de police et de douane et de la part d'institutions comme Interpol.
Il est intéressant de noter, je pense, qu'au Sommet de Halifax on a annoncé qu'il y aura le printemps prochain un sommet à Moscou sur la question de la sûreté nucléaire.
Dans tous ces contexte et dans bien d'autres encore, on s'efforce de mettre l'accent sur la mise en sûreté des matériaux entrant dans la composition des armes afin d'assurer que cela ne se retrouve pas entre les mains des gens auxquels vous avez fait allusion.
En ce qui concerne les pays non-signataires - Israël au Moyen-Orient, l'Inde et le Pakistan en Asie du Sud - des pressions plus fortes se sont exercées à la conférence dans la mesure où tout ce qui est arrivé à cette occasion, y compris le fait que les pays signataires du traité sont maintenant au nombre de 178, isolent de plus en plus les pays non-signataires.
Depuis longtemps, notre politique a été de préconiser l'application universelle du traité. Nous avons fait publiquement des déclarations en ce sens depuis déjà longtemps. Nous reconnaissons toutefois qu'il est peu probable qu'Israël, l'Inde ou le Pakistan signe le traité si des accords de paix complets régionaux ne sont pas conclus. Nous faisons ce que nous pouvons pour contribuer à la conclusion de ces accords.
L'on doit tout d'abord souligner que si ces trois pays n'ont pas signé le traité, le traité lui-même n'est pas en cause. Deuxièmement, même pour les pays non-signataires qui occupent ces régions, le traité serait utile car il fixe une série de normes et de valeurs que nous pouvons encourager à respecter.
En ce qui a trait à l'Iran, et si l'on se réfère aux résultats du sommet de Halifax, notamment à certains des commentaires faits par notre premier ministre qui le présidait, la question a été débattue. Les pays du P-8 ne sont pas d'accord pour dire que les Iraniens cherchent bel et bien à mettre la dernière main à leurs réacteurs. Mais l'on s'accorde pour dire que si l'on obtient la preuve que l'Iran cherche à se doter d'une capacité nucléaire, toute coopération en ce domaine avec l'Iran cessera.
Pour ce qui est des relations entre le Canada et l'Iran dans ce secteur, la question ne se pose pas vraiment. Nous n'avons pas de relations de coopération nucléaire avec l'Iran et, à l'heure actuelle, ce n'est pas envisagé.
En ce qui concerne le mercure rouge, je ne peux pas vous dire grand-chose. Je vais demander à Sven Jurschewsky de compléter mes commentaires et de répondre à cette question.
M. Sven Harald Jurschewsky (directeur adjoint et conseiller principal, Direction de la non-prolifération et du contrôle des armements et du désarmement, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Le mercure rouge fait partie des substances mythiques. Quant à moi, je ne crois pas que cela existe. Cela ne change rien au fait que l'on fait la contrebande de matière nucléaire. Jusqu'ici, dans une certaine mesure, nous avons eu de la chance. L'on a intercepté que très peu de matières fissiles utilisables dans la fabrication d'engins explosifs - très peu.
Les matériaux nucléaires ne peuvent pas tous servir à fabriquer une bombe. Par exemple, le strontium, qui est une matière extrêmement dangereuse, ne peut être utilisé pour fabriquer une arme nucléaire. C'est la matière dont on a saisi les plus grandes quantités. Cela représente davantage une menace contre la santé publique. On le transporte dans les avions et les trains et les autres passagers sont en danger. Il ne fait aucun doute que cela représente un risque pour les populations.
Mais jusqu'ici, on a intercepté aucun des matériaux nécessaires à la fabrication d'une bombe, ni des quantités suffisantes de ces matériaux.
M. Martin: Mais des tentatives sont faites.
M. Jurschewsky: Oh, oui, cela ne fait aucun doute. C'est une question qui a été soulevée à la réunion des pays industrialisés à Halifax, précisément parce que c'est un sujet de préoccupation. Cela ne fait aucun doute.
Cela dit, il ne faudrait pas imaginer qu'il est difficile de fabriquer une bombe. Ce n'est pas vrai. Il faut renforcer les garanties exactement comme l'a suggéré M. Leblanc, car il est facile de fabriquer une bombe. De fait, c'est la leçon que nous a donnée l'Afrique du Sud. Il n'est pas nécessaire de faire des essais pour fabriquer une arme nucléaire.
En ce qui a trait à la contrebande de matériaux, c'est un problème qui existe à l'échelle nationale dans l'ancienne Union Soviétique. Cela est dû à l'effondrement des systèmes de contrôle et de sécurité, au fait que les gens qui travaillent dans les laboratoires sont mal payés - il y a une foule de problèmes que nous ne pouvons pas vraiment régler. Mais nous pouvons aider les gouvernements de l'ancienne Union Soviétique à les régler eux-mêmes en leur prêtant assistance dans le domaine de la sécurité.
De plus, on a pu lire certains articles dans la presse allemande, notamment dans le magazine Der Spiegel, qui laissait entendre qu'on tentait en Allemagne de créer un marché pour ces matériaux. Cela devrait également retenir notre attention. On a lancé une enquête en Allemagne pour déterminer le rôle joué dans cette affaire par le Bundesnachrichtensdienst allemand, car c'est en Allemagne qu'on a saisi la plupart de ces matériaux.
Quant au mercure rouge, cela n'existe pas.
Le président: Cela nous rassure un peu, je suppose.
Mme Beaumier (Brampton): Par le passé, les États non dotés d'armes nucléaires ont menacé de ne pas voter pour la prorogation du traité ou du moins, de voter uniquement pour une prorogation limitée, pour tenter d'obtenir un engagement visant le désarmement de la part des cinq pays dotés d'armes nucléaires.
Quels mécanismes ont maintenant à leur disposition les États non dotés d'armes nucléaires pour obliger les cinq pays en question à respecter leurs obligations et à démanteler leur armement nucléaire? Comment peuvent-ils être obligés à rendre compte des progrès qu'ils font en ce sens?
M. Westdal: Tout d'abord, de mon point de vue et selon mon analyse, il est tout à fait contestable de prétendre qu'en menaçant, comme on l'a fait par le passé, de laisser tomber le traité, de limiter la période pendant laquelle il serait prorogé ou de le remettre en question régulièrement à l'avenir, on pouvait exercer des pressions efficaces sur les États dotés d'armes nucléaires. En réalité, le fait que l'avenir du traité n'était pas assuré a dissuadé les États dotés d'armes nucléaires d'envisager de faire d'autres pas dans la direction du désarmement. Cela a également miné les bases de la coopération pacifique, ainsi que l'efficacité du traité pour mettre un frein à la prolifération des armes nucléaires.
Nous n'avons donc jamais pensé qu'une prorogation du traité qui ne serait pas indéfinie appuierait la cause du désarmement, de la non-prolifération ou des garanties d'utilisation pacifique. C'était là un point essentiel parmi les arguments que nous avons présentés en faveur de la permanence.
Il existe actuellement des mécanismes qui permettent de tenter d'exiger que, non seulement les pays dotés d'armes nucléaires, mais les autres, tiennent les engagements qu'ils ont pris en vertu du traité, et cela comprend, tout d'abord, la permanence. C'est un point fondamental et il faudra du temps avant que cela soit reconnu. Mais ce qu'il faut souligner, c'est que les normes qui ont été fixées pour s'opposer aux armements nucléaires et à leur prolifération sont maintenant des valeurs reconnues. Ce sont des valeurs permanentes. Nous n'allons pas remettre cela en question de temps en temps. Cela fait maintenant partie des valeurs reconnues de façon permanente dans la communauté mondiale et cela va avoir un impact à long terme. La communauté mondiale s'est maintenant déclarée fermement et ouvertement contre la prolifération et l'existence même des armements nucléaires. C'est maintenant devenu une valeur. Il s'agit là d'une victoire importante.
Deuxièmement, il y a la réforme du processus d'examen, d'autres examens effectués régulièrement, des examens approfondis qui permettent d'évaluer la situation telle qu'elle était auparavant ainsi que les perspectives et de contrôler le plan d'action. Troisièmement, il y a les principes et les objectifs qui renferment un plan d'action bien précis.
Tout cela constitue des moyens plus importants pour tenter de s'assurer que les engagements pris en vertu du traité sont tenus. Tout cela contribue à l'imputabilité des intéressés - ce qui s'avère beaucoup plus efficace que la menace d'abroger ou d'édulcorer le traité qui pourrait être régulièrement brandie à l'avenir.
M. Jurschewsky: Juste pour appuyer ce que vient de dire M. l'ambassadeur Westdal, dans le cadre de nos discussions, nous nous sommes demandés pendant combien de temps, au minimum, le traité devrait être prorogé précisément pour tenter de résoudre le problème que vous venez de soulever - comment maintenir les pressions exercées sur les États dotés d'armes nucléaires.
Dans le contexte de la planification nucléaire, autrement dit, combien de temps cela prend-il pour fabriquer telle ou telle arme contre laquelle on doit se défendre en utilisant la dissuasion - car c'est à cela, après tout, que servent ces armes - eh bien, il faut 25 ans. Si l'on veut que le traité ait un poids quelconque sur le plan de la sécurité, c'est la période minimum qui est nécessaire. Autrement, les planificateurs d'armes nucléaires des pays qui en sont dotés et qui doivent se dissuader l'un l'autre ne seraient pas en mesure d'avaliser quelque mesure de désarmement nucléaire que ce soit. De fait, si le traité avait été prorogé pour moins de 25 ans, cela aurait encouragé le développement du nouveau système d'armement.
Il faut voir dans le TNP autre chose qu'un instrument politique; c'est un mécanisme pour contrer concrètement les problèmes de sécurité. Il arrive bel et bien que des pays brandissent la menace des armes nucléaires.
Mme Beaumier: Les pays qui en sont dotés le font également. Vous dites que menacer le traité et...
M. Jurschewsky: Ce n'est pas le traité qu'ils menacent; ils se menacent les uns les autres.
Mme Beaumier: Oui, mais utiliser la non-prorogation comme menace, cela peut très bien... Dans bien des cas, lorsqu'on élabore ces traités et les mécanismes d'application, on oublie ce qui a trait à la nature humaine. C'est un peu comme si... un des cinq États dotés d'armes nucléaires pourrait dire: Nous n'allons pas commencer à démanteler notre armement car nous n'avons pas de preuve que vous avez commencé à le faire... Il ne sera jamais possible d'obtenir ce genre de preuve de façon absolue. Je ne suis tout simplement pas certaine que vous puissiez être assurés de l'imputabilité des intéressés.
M. Westdal: On ne peut jamais être absolument certain, je suppose, mais nous avons ensemble adopté des mesures concrètes et nous avons renforcé l'imputabilité de toutes les parties concernées de la façon que j'ai décrite.
Encore une fois, l'autre option c'est d'avoir un traité stipulant qu'à intervalle régulier, on va réfléchir et se demander si l'on veut continuer dans cette direction. Abandonner maintenant le traité ne fait aucun sens. Nous n'avons pas pu imaginer quelque circonstance que ce soit, à moins qu'il ne s'agisse d'une véritable catastrophe, qui justifierait que l'on abandonne le traité. Nous n'avons entendu personne décrire de façon cohérente des circonstances dans lesquelles il serait raisonnable de laisser tomber le traité. C'était l'essence même des arguments en faveur de la permanence.
Les préoccupations dont vous vous êtes fait l'écho ne nous étaient pas étrangères car on ne peut parvenir à la permanence, qui repose en partie sur la confiance, qu'en se fondant sur la crédibilité des comptes qui sont rendus. C'est une question à laquelle on a apporté une solution politique, par le biais des principes et des objectifs du plan d'action, et dont on s'est également préoccupé dans le contexte des procédures et des institutions, en renforçant le processus d'examen.
En dehors de cela, il était difficile d'imaginer jusqu'où l'on pourrait aller et dans quelle direction. Je suis d'accord avec vous, on ne peut avoir de certitude absolue, mais l'engagement vis-à-vis des valeurs permanentes, et non plus des dispositions temporaires, est plus ferme que celui qui existait avant que le traité ne soit prorogé de façon indéfinie.
Mme Beaumier: Dans tout cela, je suppose, je vois toujours ce qui a trait à la question des droits de l'homme car je me rends compte que les cinq États dotés d'armes nucléaires qui sont reconnus, sinon acceptés, n'ont pas un dossier très brillant en ce qui concerne les droits de l'homme et ne respectent pas leurs propres ressortissants. C'était juste à titre de commentaires.
Le président: La Cour suprême du Canada a été saisie d'un cas lorsqu'on a essayé d'intégrer cela à la Charte. C'est compliqué.
Monsieur English.
M. English (Kitchener): Je suis tout à fait d'accord avec vous pour reconnaître que le traité de non-prolifération a eu des effets bénéfiques. Les prévisions faites dans les années 1960 par des universitaires, le président Kennedy et d'autres qui, je pense, disaient que dans 10 ans, il y aurait 20 à 30 États dotés d'armes nucléaires, ne se sont pas réalisées. À mon avis, le traité a joué un rôle.
Pour reprendre la question posée par Mme Beaumier, vous avez parlé de valeurs internationales et de valeurs permanentes. Au bout du compte, est-ce que le fait que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité - dont quatre sont des pays occidentaux et deux de très petits pays par rapport aux normes internationales - possèdent des armes nucléaires alors que les autres n'en ont pas...? Au 21e siècle, ceux qui n'en auront pas représenteront la majorité écrasante de la population du globe. Prenez par exemple le cas de l'Inde. Cela ne risque-t-il pas de déstabiliser le traité?
Vous avez parlé de ce qui est maintenant une valeur reconnue à l'échelle internationale mais, comme on l'a vu dans le cas des génocides, etc., les valeurs reconnues à l'échelle internationale changent ou sont foulées aux pieds à la faveur des événements qui constituent l'actualité.
Au cours des dernières semaines, la Chine a effectué des essais. La France a annoncé qu'elle reprendrait les siens juste avant le sommet de Halifax où l'on aurait pu lui lancer un défi. Enfin, cette semaine, il me semble avoir entendu dire que les États-Unis envisageaient reprendre leurs essais souterrains. Je sais que des mesures sont prises pour réduire le nombre d'armes nucléaires, notamment en ce qui concerne les États-Unis et la Russie, mais est-ce que ce genre d'incident ne déstabilise pas fondamentalement à long terme le régime institué par le TNP?
M. Westdal: J'hésite à dire que ce sont des incidents fondamentalement déstabilisants. Je pense qu'il est juste de reconnaître qu'à la conférence de New York, nous, la communauté internationale, n'avons pas été capables de résoudre tous les problèmes nucléaires. Nous avions à prendre une décision précise. En vertu de l'article 10(2), qu'allions nous faire? Allait-on instituer la permanence? S'agira-t-il d'une période fixe ou de périodes fixes? Je pense que nous avons pris la bonne décision. C'était l'objet de la conférence.
Quant au statut spécial des États officiellement dotés d'armes nucléaires, c'est-à-dire les États ayant fait exploser une arme nucléaire avant 1968, je tiens à souligner que le traité ne leur accorde pas le droit de détenir des armes nucléaires à tout jamais. En fait, le traité les oblige à éliminer ces armes, et c'est une obligation que nous ne voudrions pas affaiblir ni perdre.
En ce qui concerne les essais nucléaires, comme vous le savez, le gouvernement a déploré l'essai chinois, qui a suivi la conférence sur le NTP de seulement trois jours, et l'annonce faite par la France d'un essai entre septembre 1995 et mai 1996. Mais dans les deux cas, nous avons constaté que les deux gouvernements concernés se sont engagés à accepter une interdiction totale des essais d'ici la fin de l'année prochaine, et c'est l'un des résultats de la conférence.
Je pense que ces essais nous font comprendre l'importance de l'enjeu. Il est clair aussi que les deux gouvernements en question prévoient un traité sur l'interdiction totale des essais. S'ils se sentent obligés de terminer certains essais, malgré l'accord conclu à New York en vue d'agir avec la plus grande précaution, ils sont pressés de les faire parce qu'il y aura un traité sur l'interdiction totale des essais avant la fin de l'année prochaine.
Au sujet d'éventuels essais américains, je constate que parmi toutes les options discutées au ministère de la Défense, de l'interdiction totale jusqu'à la possibilité de reprendre les essais souterrains, les essais souterrains ont été envisagés comme une possibilité théorique. Remarquez bien que lorsque les Français ont annoncé leur série d'essais, le président Clinton a réitéré son engagement à l'égard du moratoire américain sur les essais aussi bien qu'un traité sur l'interdiction totale des essais nucléaires.
Permettez-moi d'ajouter quelque chose. On a parlé des droits de l'homme. Un grand Canadien, John Holmes, a dit qu'un grand facteur des progrès humains, surtout en matière des droits de l'homme, était l'exploitation de la honte. La honte se manifeste parce qu'on démasque les différences entre le comportement et les valeurs proclamées. Que cela soit vrai ou non, nous avons maintenant certaines nouvelles valeurs officiellement déclarées, ce ne sont plus des dispositions provisoires comme avant, et la possibilité d'exploiter le décalage. Je ne sous-estime pas l'importance de la déclaration officielle de ces valeurs et leur effet sur l'opinion publique mondiale et l'opinion publique dans les États dotés d'armes nucléaires.
M. English: À propos de ces valeurs, comme vous le savez, la Cour internationale a déclaré que les armes nucléaires internationales étaient illégales. Mon collègue a parlé de certaines réactions possibles en Australie et en Nouvelle-Zélande. Certain ONG et d'autres groupes comme les Églises ont critiqué le gouvernement canadien parce qu'il n'est pas intervenu de façon plus active dans la décision de la Cour internationale. Je sais que les États-Unis ont certains doutes comme les puissances nucléaires. Pourquoi le gouvernement canadien répugne-t-il à déclarer sa position à ce sujet?
M. Westdal: En un mot, je pense que c'est parce que le gouvernement canadien estime que ces questions de sécurité devraient relever des institutions politiques et des gouvernements et que ce ne sont pas des questions juridiques qui relèvent des tribunaux.
M. English: Peut-on en parler comme si c'était une question de valeur?
M. Westdal: Oui, je suppose que c'est possible, mais c'est dans un contexte politique que ces valeurs doivent se concrétiser sous l'autorité des gouvernements responsables de la sécurité de leurs peuples et non pas sous l'autorité d'une cour internationale à La Haie.
Le renvoi ne pose pas de problème même si je ne peux pas parler de la procédure. Dans un cas, il s'agit d'un renvoi de l'Assemblée mondiale de la santé et dans l'autre cas de la première commission. Je remarque que le Tribunal international, intentionnellement ou non, tenait compte du calendrier et ne voulait pas parler de ces questions avant la fin de la conférence sur le TNP.
Encore une fois, il s'agit de choisir les institutions et les contextes appropriés pour traiter de ces questions. Le gouvernement estime que ce sont des questions de sécurité qui relèvent de la compétences des institutions politiques et ce ne sont pas des questions juridiques à soumettre à un système judiciaire international qui en est encore à ses débuts.
Le président: Une observation rapide, monsieur English.
M. English: On parle des cinq puissances qui ont des armes nucléaires. Il existe des textes qui prétendent que la longue période de paix est attribuable à la dissuasion nucléaire. Churchill a été le premier à exprimer ce point de vue. John Geddes a présenté des arguments convaincants pour défendre cette thèse dans sont livre consacré au sujet.
Je ne veux pas entrer dans un débat théorique, mais certains universitaires, y compris un canadien, le professeur Kapur, prétendait il y a quelques années que la dissuasion est importante non seulement entre les deux superpuissances de l'époque mais plus précisément dans le cas de l'Inde et du Pakistan. Si ces deux pays mettent au point une bombe, le principe de la dissuasion devrait alors intervenir à l'échelle régionale.
Comme vous l'avez dit, certains de ces arguments se sont révélés plutôt faibles et pourtant, nous avons l'exemple de l'Inde, d'Israël et du Pakistan et les autres exemples du Brésil et de l'Afrique du Sud. Il y a aussi l'Irak et la Corée du Nord.
La valeur du traité dont vous avez parlé si éloquemment n'est-elle pas en rapport avec une position morale que devrait adopter le Canada selon laquelle les armes nucléaires constituent un mal profond, de la même façon que les armes chimiques? Je ne vois pas très bien la distinction morale entre les armes chimiques et les armes nucléaires dont la puissance de destruction est connue. Dans le cas des armes nucléaires, je pense qu'on pourrait nous reprocher d'avoir deux poids et deux mesures.
À l'avenir, quand la Corée du Nord aura sa bombe, comme Israël, et peut-être aussi l'Iran, d'autres États vont prétendre qu'il leur faut la même arme selon le principe de la dissuasion. Après tout, on peut toujours dire que pendant la période où les États-Unis avaient la bombe atomique, ils avaient aussi un très grand avantage diplomatique et ils s'en sont servis. Il y a bien des arguments pour défendre cette thèse.
Dans ce contexte, étant donné le fait que le régime international n'a pas un plan moral reconnu, est-ce qu'on n'est pas en train d'assister à un processus de déstabilisation à long terme, comme je l'ai déjà dit?
M. Westdal: Vous avez soulevé plusieurs questions difficiles. D'abord, concernant la longue période de paix une certaine justification du principe de dissuasion régionale, on pourrait dire que cette paix risquerait d'être interrompue de façon épouvantable si elle était fondée sur des armes de destruction massive.
À propos des valeurs, vous avez raison d'établir un lien entre les armes chimiques et les armes nucléaires et aussi les armes biologiques et toxiques. Nous parlons ici de certaines valeurs fondamentales comme la maturité d'esprit et la maîtrise de soi. Il est question d'une des valeurs qui se trouve énoncée dans la Charte des Nations unies, c'est-à-dire la nécessité de défendre notre sécurité en utilisant le mieux possible nos ressources humaines et financières. Je pense que l'on peut envisager le travail de nos ambassadeurs du désarmement comme un effort pour accélérer ce processus de maturité autant pour la prévoyance que pour la maîtrise de soi.
Quant à la crainte que l'Iran ou la Corée du Nord se retrouvent un jour avec une bombe nucléaire, ces pays ont signé une promesse de ne pas le faire. Des garanties ont été mises en place pour que ces pays et tous les signataires respectent les promesses qu'ils ont faites dans le TNP. Nous ne pouvons qu'espérer que tous les États-parties, c'est-à-dire les États dotés d'armes nucléaires qui ont promis de respecter l'article 6 et les États non dotés d'armes nucléaires qui ont promis de ne pas mettre au point ni d'acquérir d'armes nucléaires, respecteront leur engagement.
M. Jurschewsky: Ce n'est pas à cause d'injonctions que les pays se désarment mais pour des raisons de sécurité. Il y a une différence fondamentale entre la Convention sur les armes chimiques et le TNP. La Convention sur les armes chimiques interdit les armes chimiques sans exception. Ce n'est pas le cas pour le TNP et cela tient compte d'une différence d'utilisation et du caractère de ces armes. Il faut en tenir compte. Cela dit, ce sont des abominations terribles et il faudrait certainement les éliminer. La question est de savoir comment on peut passer dans la situation actuelle à cet objectif.
Quand on parle d'une longue période de paix, on se trompe. Il n'y a pas eu de paix durable. Il y a plus de morts au cours de ce siècle, surtout après la Deuxième Guerre mondiale, que jamais auparavant dans l'histoire. Il se trouve qu'il y a eu une période de paix entre les deux superpuissances.
M. English: Ce que vous dites est inexact. La plupart des morts se sont produites entre 1939 et 1945 et entre 1914 et 1918.
M. Jurschewsky: Il y a eu beaucoup de guerres régionales et...
M. English: Mais le nombre de fatalités n'était pas du tout semblable.
M. Jurschewsky: Tout à fait.
M. English: Pas du tout.
M. Jurschewsky: Si je vous ai bien compris, monsieur, prétendre que ces problèmes régionaux pourraient se résoudre ou se contenir grâce à une forme de dissuasion régionale comme l'a ditM. Kapur - j'ai longuement débattu de cette question avec lui en soutenant le point de vue contraire. Le fait de disposer d'armes nucléaires ne fait qu'aggraver le risque et le danger de ces guerres régionales.
La sécurité est effectivement compromise par la présence d'armes nucléaires dans ces régions. C'est pour cette raison que dans l'énumération des principes et des objectifs, on parle d'abord de la nécessité de rendre ce traité universel, ce qui nous oblige à tenir compte des circonstances régionales dans l'Asie du Sud et dans le Moyen-Orient et y faire appliquer le régime de non-prolifération pour éliminer les armes nucléaires dans cette partie du monde. Ce sera là la première tâche du processus préparatoire qui commence en 1997, étant donné les risques posés par cette situation.
Enfin, il est important de se rappeler le contexte historique et l'origine du TNP dans la crise provoquée par la présence de missiles à Cuba. Il y a un lien direct. Les États dotés d'armes nucléaires ont pris peur en constatant comment ils avaient évité la guerre de justesse.
Le président: Merci, monsieur Jurschewsky. Les membres du comité me permettent-ils de poser quelques questions aussi? Je donnerai ensuite la parole à MM. Leblanc, Martin et McWhinney.
J'aimerais suivre l'exemple de M. Martin en félicitant M. Westdal et les membres de la délégation canadienne. Je sais que cela a été un long travail et que la délégation canadienne a joué un rôle très important dans cette entreprise. Je ne voudrais pas que vous preniez mes commentaires comme une appréciation cynique de votre travail. Mais j'aimerais quand même vous signaler certaines considérations.
Vous avez mentionné que les valeurs morales exprimées dans les traités peuvent servir de dissuasion. Après la Première Guerre mondiale, il y a eu de nombreux traités interdisant les armes chimiques comme le gaz moutarde, etc. Mais, il y a eu en fait prolifération d'horribles agents de morts qui, à l'époque de la Ligue des nations, on croyait totalement interdits et contraires aux lois fondamentales de l'humanité.
Le problème, selon moi, est que dans une société nationale, lorsqu'un citoyen enfreint la loi, il est soumis à des sanctions, ce qui empêche les gens de se comporter d'une certaine façon. Cependant, dans la communauté internationale, il n'y a pas de règles claires et précises qui peuvent être appliquées par les tribunaux et suivies nécessairement de sanctions. Nous pouvons donc seulement compter sur la dissuasion morale, dont vous avez parlé ou, si je puis m'exprime ainsi, sur la honte plutôt que sur la police comme facteur de dissuasion.
La honte sera-t-elle un facteur de dissuasion suffisant pour écarter ce terrible danger alors que les États se laissent conduire par un désir de puissance? Cela peut-il nous rassurer compte tenu de ce qu'a dit M. Martin sur le fait que ce n'est plus à des États que nous avons affaire mais à des petits groupes? Nous savons que la technologie peut permettre à n'importe qui de construire une arme nucléaire. Il vous suffit de mettre la main sur des matières fissiles et qu'il est maintenant beaucoup plus facile de s'en procurer.
Pour commencer, je ne suis pas d'accord avec votre hypothèse, étant donné les nouvelles réalités technologiques. Dans le monde d'il y a 50 ans, un monde plus propre, cela aura peut-être été vrai, car il était possible d'exercer un contrôle. Mais maintenant, personne ne peut plus contrôler la technologie ou l'accès aux composants, et c'est là ma première objection.
Pour ce qui est de la deuxième, elle se rapporte à la question de Mme Beaumier concernant la crédibilité des puissances nucléaires. Si j'ai bien compris, leur technologie a fait de tels progrès qu'elles n'ont plus à faire d'essais, ce sont les ordinateurs qui s'en chargent. Les États-Unis peuvent renoncer aux essais nucléaires. Des sources américaines m'ont dit que leurs ordinateurs leur permettaient de connaître les résultats que produirait un essai.
Les États-Unis n'ont aucune difficulté à dire qu'ils ne font pas d'essais nucléaires. En attendant, tous les autres pays veulent acquérir ce même potentiel. Je crois que la France a décidé de procéder à cette série d'essais précisément parce qu'elle veut, avant la fin de la période fixée, recueillir suffisamment de données dans ses ordinateurs pour ne plus avoir à faire d'essais; les ordinateurs pourront les remplacer.
Si telle est la réalité, nous avons créé un monde où il y aura des puissances nucléaires permanentes qui n'auront jamais plus besoin de procéder à des essais ou d'affronter la honte parce que leurs ordinateurs feront leur travail à l'abri des regards indiscrets. Comment la honte peut-elle alors servir de dissuasion?
M. Westdal: Monsieur le président, je vous remercie de vos paroles aimables, mais dans un cas comme dans l'autre, quelle autre solution avons-nous?
Vous avez raison; nous n'avons pas encore les moyens de faire la police. Nous n'avons pas encore une communauté internationale suffisamment organisée, avec une base politique suffisamment crédible et efficace pour mettre en place des institutions judiciaires et policières.
La nécessité de créer ces institutions peut nous paraître urgente et nous pourrions y consacrer beaucoup d'efforts, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous savons tous combien il est difficile de réformer les Nations unies, de mettre sur pied une capacité d'intervention rapide et de créer ne serait-ce qu'un début de force policière internationale ayant des bases politiques légitimes. Nous n'en sommes pas encore là.
Toutefois, en l'absence de cette capacité policière, nous devons rester fidèle aux valeurs auxquelles nous avons tous souscrit. Les pessimistes peuvent s'interroger sur la profondeur et l'efficacité de cet engagement, mais encore une fois, il vaut mieux continuer de souscrire à ces valeurs.
Pour ce qui est des essais, vous avez également raison de dire que certains États pensent maintenant pouvoir s'en passer. Ils estiment pouvoir reproduire les mêmes résultats sur un ordinateur ou en laboratoire. D'autres États, qui n'ont jamais fait d'essai, pourront un jour savoir ce qui se passerait s'ils faisaient ceci ou cela.
Mais encore une fois, il vaut mieux avoir une interdiction totale des essais.
Par conséquent, dans un cas comme dans l'autre, il ne sera pas possible, à cette conférence de New York, de résoudre tous nos futurs problèmes à long terme, que ce soit les problèmes internationaux ou politiques, et nous ne pourrons pas non plus résoudre tous nos problèmes nucléaires.
Nous avions une décision très précise à prendre: quel sera l'avenir de ce traité et dans quel contexte pourrions-nous le rendre permanent? Nous avons pris une décision qui, selon moi, représente un progrès sur ces deux plans et sur bien d'autres. Néanmoins, tout n'est pas parfait et nous continuerons à faire face à de graves difficultés d'ordre politique, idéologique et nucléaire.
[Français]
M. Leblanc: Je reviens toujours à la question principale. Pour fabriquer des armements nucléaires, il faut de l'uranium. Contrôle-t-on efficacement les vendeurs d'uranium? On sait que le Canada vend beaucoup d'uranium, mais a-t-on une liste des clients du Canada? Connaît-on les clients d'autres pays qui produisent de l'uranium? Cela me semble très important. On sait que l'uranium est devenu un or qui rapporte plus que l'or. Beaucoup de pays sont peut-être tentés d'en vendre un peu partout et un peu n'importe comment. Si on ne contrôle pas la source de la production qui est l'uranium, alors...
Je suppose que dans votre traité, on s'est penché là-dessus. Si on contrôlait bien la source du problème, qui est la vente de l'uranium, on pourrait au moins modérer la consommation et mieux contrôler les consommateurs qui ont tendance à produire des armes plutôt que de l'énergie.
[Traduction]
M. Westdal: Je répondrai à votre question qu'en ce qui concerne le Canada nous savons effectivement que l'uranium que nous vendons ne sert pas à fabriquer des armes.
Notre expérience avec l'Inde, à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, nous a fait prendre conscience des problèmes dont vous parlez, mais depuis, nous avons exigé de meilleures garanties. Nos normes sont plus élevées que celles qu'exigent nos ententes bilatérales de coopération dans le domaine nucléaire. Pour ce qui est du Canada, grâce aux garanties sur lesquelles nous insistons, nous sommes certains de l'utilisation faite de notre uranium.
Je n'ai aucune raison de douter des autres sources d'uranium ni de penser qu'il y a des détournements de l'uranium vendu, mais je vais demander à Jim Casterton de vous en parler.
M. Casterton: Merci, monsieur l'ambassadeur.
Je voudrais ajouter une ou deux choses.
Tout d'abord, il est vrai que, dans le cas du Canada, nous contrôlons l'exportation de notre uranium. Le gouvernement doit autoriser toutes les exportations d'uranium. Notre agence est chargée de veiller à ce que ces autorisations soient conformes à notre politique et à nos obligations multilatérales.
Nous devons également veiller à ce que l'on tienne un registre précis du mouvement non seulement de l'uranium, mais des autres matières fissiles produites au moyen de cet uranium. Comme vous pouvez vous en douter, c'est là une tâche considérable, car nous le suivons d'un bout à l'autre du cycle, de son extraction à sa sortie du réacteur en passant par la grappe de combustible.
Nous exerçons un contrôle très serré et nous consacrons beauocoup de temps et d'efforts à suivre le cheminement de notre uranium.
Nous savons que d'autres pays font la même chose. Ils exigent des ententes bilatérales de coopération nucléaire pour exporter leur uranium et tiennent un registre de l'utilisation de cet uranium.
Le TNP interdit aux puissances nucléaires et non nucléaires d'exporter vers des États non nucléaires des matières fissiles leur permettant de produire et de fabriquer une arme nucléaire. Tel est l'engagement pris en vertu du traité.
Quelles sont les mesures prises pour tenir cet engagement? Les principaux fournisseurs de matières nucléaires, soit 32 pays, ont conclu des ententes multilatérales les obligeant à exiger certaines garanties lorsqu'ils exportent des produits nucléaires. Les produits nucléaires entrent dans deux grandes catégories: ceux qui sont utilisés directement dans des réacteurs nucléaires, tels que l'uranium et les produits à double usage qui peuvent servir à des fins nucléaires ou non nucléaires et dont nous contrôlons l'exportation depuis 1992.
Je dirais que, depuis cinq ans, les fournisseurs de produits nucléaires ont fait de gros efforts au niveau multilatéral pour resserrer les conditions d'approvisionnement de ces produits et augmenter le nombre de produits où ces conditions s'appliquent. Comme je l'ai déjà mentionné, cela s'ajoute aux activités entreprises dans le cadre de l'Agence internationale de l'énergie atomique qui s'efforce de rendre plus efficaces les garanties qu'elle administre dans le cadre du TNP.
Pour cela, l'Agence cherche à obtenir davantage de renseignements sur le mouvement des produits et matières nucléaires, leur exportation et leur importation, leur production et ainsi de suite. Elle cherche également à obtenir davantage de renseignements qui lui permettront de déceler des activités non déclarées.
Tout cela s'inscrit dans un mouvement qui, depuis cinq ans, cherche très activement à résoudre le problème qui vous intéresse. Autrement dit, il s'agit de voir comment assurer une coopération nucléaire pacifique sans entraîner une prolifération nucléaire.
Le président: Pourriez-vous simplement répondre par oui ou par non à la question suivante : l'expérience acquise avec la Convention contre les armes chimiques pour ce qui est du resserrement de l'application et des inspections dans les États membres peut-elle être utile? Permet-elle de réaliser des progrès pour ce qui est du TNP?
M. Casterton: Oui.
Le président: Merci. Désolé, monsieur Martin, j'ai votre nom et celui de M. McWhinney sur la liste. Le temps nous manque.
M. Martin: Monsieur McWhinney, allez-y, car j'ai déjà eu la parole et je poserai ensuite mes questions à ces messieurs.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Martin. C'est très aimable à vous. Monsieur McWhinney.
M. McWhinney (Vancouver Quadra): Monsieur l'ambassadeur, je voudrais seulement vous demander - la plupart des avocats internationaux considèrent les causes juridiques comme un moyen auxiliaire d'atteindre des résultats politiques. J'ai trouvé quelque peu regrettable que vous laissiez de côté de tels alliés. Même s'ils ont rejeté la juridiction de la Cour internationale en 1973-1974, les Français ont accepté sa décision en 1974 et ont cessé tout essai en haute altitude dans le Pacifique sud. Le président Mitterrand a récemment déclaré que la décision de la cour y avait contribué. Je me demande si c'est de votre propre initiative ou sur les conseils de la division juridique que vous avez adopté cette attitude plutôt négative à l'égard des litiges, y compris la possibilité d'une nouvelle plainte de l'Australie à l'égard des derniers essais nucléaires français? Avez-vous pris cette décision de votre chef ou sur les instances d'autres ministères? Où est-ce une question indiscrète?
Le président: Étant donné que M. McWhinney assiste à l'occasion aux audiences de ces tribunaux, nous ne dirons pas que cette question représente une exhortation de sa part...
M. McWhinney: Ce n'est pas une exhortation.
Le président: Du point de vue strictement intellectuel...
M. McWhinney: J'aimerais beaucoup entendre la réponse de l'ambassadeur, s'il peut la donner en toute discrétion.
M. Westdal: Je ne considère pas que c'est une question indiscrète. Je sais qu'elle émane d'un expert international dans ce domaine et je ne prétends pas être moi-même un expert international des relations entre l'évolution du droit international et l'évolution de la doctrine politique.
Je réponds à une question plus précise sur le fait de savoir pourquoi le gouvernement a décidé de ne pas faire d'instance au tribunal.
M. McWhinney: À titre consultatif.
M. Westdal: Pour ce qui est de la position du gouvernement que je partage d'ailleurs entièrement, lors des discussions qui ont précédé le TNP, nous avons jugé que ces questions devraient être réglées par le gouvernement, dans un cadre politique, plutôt que par le tribunal. Je ne suis pas certain - et j'aimerais beaucoup avoir votre opinion - que la cour internationale soit vraiment en mesure de se pencher sur ce genre de questions et qu'il serait souhaitable pour elle qu'elle rende un jugement qui ne serait pas observé pour des raisons politiques et des raisons de sécurité. Je ne sais pas si nous avons réalisé des progrès à cet égard, que ce soit sur le plan de l'évolution des institutions judiciaires internationales ou de la sécurité mondiale.
M. McWhinney: La décision de 1974 a été un chef d'oeuvre de modération politique de la part d'un tribunal. Elle va aussi loin qu'elle le devait et elle a donné des résultats. Je suppose que ma dernière question ne vous posera pas de problème du point de vue professionnel si on vous demandait de préparer des mémoires au sujet du renvoi des essais nucléaires ou de toute cause concernant les essais français actuels. Cela ne vous pose pas de problèmes professionnels?
M. Westdal: Non. Je suis au service du gouvernement qui a adopté cette position à l'égard d'un renvoi possible de cette affaire devant la Cour internationale de justice.
M. McWhinney: Nous pourrions changer cette position.
Le président: Ambassadeur Westdal et messieurs, je vous remercie beaucoup d'être venus ce matin. Vos observations nous ont été très utiles.
À la suite de notre adoption récente de la Convention sur les armes chimiques, je crois que nous commençons à comprendre beaucoup mieux l'application de ces traités - particulièrement dans le cadre de la législation nationale et nous vous remercions d'être venus nous voir ce matin.
Nous allons suspendre la séance pendant deux minutes après quoi nous entendrons les représentants du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Finances au sujet des mesures anti-dumping et des droits compensatoires prévus dans l'ALÉNA.
La séance est levée.