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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 2 mai 1995

.1109

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

Aujourd'hui, nous changeons de sujet, ce qui devrait nous donner un regain d'énergie. En effet, nous entreprenons l'étude d'un projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-224. Il s'agit d'une proposition de John Bryden, qui est notre premier témoin.

Après avoir écouté M. Bryden, nous entendrons des représentants de Revenu Canada. Comme ce projet de loi risque d'avoir des répercussions sur le plan du revenu, l'opinion de cet organisme ou ministère nous intéresse. Nous entendrons ensuite les représentants du Centre canadien pour la philanthropie.

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Pour commencer, chers collègues, je précise que M. Bryden se trouve dans une situation quelque peu inhabituelle, puisqu'il comparaît devant son propre comité. Comme vous le savez, c'est un de nos collègues depuis quelques semaines, et il comparaît devant son propre comité, ce qui ne se produit pas très souvent.

M. Bryden, dont la correction est exemplaire, tient à préciser qu'il ne prendra pas part aux délibérations. Il va donc comparaître en qualité de témoin, après quoi il se fera remplacer. Son remplaçant est M. Shepherd.

C'est seulement parce que M. Bryden tient à faire les choses correctement qu'il tient à se faire remplacer.

Nous allons donc écouter M. Bryden. Nous lui poserons ensuite des questions, comme d'habitude, car, en effet, monsieur Bryden, c'est notre habitude: nous interrogeons. Je vous en prie.

M. John Bryden, député (Hamilton - Wentworth): Monsieur le président, nous comprenons tous l'esprit de ce projet de loi. Il s'agit d'une première mesure destinée à forcer les organismes de charité et les organismes sans but lucratif à rendre des comptes.

Quand je parle d'une première mesure, c'est que ce projet de loi porte uniquement sur les salaires et les avantages versés aux dirigeants salariés. On reconnaît généralement aujourd'hui que tous les secteurs sans but lucratif auraient dû, depuis un certain temps, faire l'objet d'une remise en question générale, mais c'est là un processus qui pourrait prendre plusieurs années.

J'aime à penser que ce projet de loi donne suite aux exigences du public, qui, de plus en plus, voudrait voir le gouvernement et toutes les institutions rendre de meilleurs comptes sur leurs activités.

Une des théories qui sous-tendent ce projet de loi, c'est que les organismes de charité et les organismes sans but lucratif sont en réalité subventionnés par les contribuables parce qu'ils sont exemptés d'impôt grâce à un statut spécial que leur accorde Revenu Canada. Par conséquent, les contribuables deviennent en quelque sorte des actionnaires du secteur sans but lucratif et, à ce titre, ils ont le droit d'obtenir certaines informations. Dans ce cas, il s'agit de la rémunération des dirigeants.

C'est un principe qui est approuvé par plus de 90 p. 100 de la population canadienne. On peut même aller jusqu'à dire que c'est universel, le fait que les contribuables ont le droit ou devraient avoir le droit de savoir comment des organismes qu'ils subventionnent directement ou indirectement se comportent.

J'ajoute que ce principe est généralement accepté par la Chambre des communes. Ce projet de loi a en effet reçu le consentement unanime de la Chambre des communes en deuxième lecture. D'autre part, plusieurs ministres, y compris le ministre du Revenu, m'ont encouragé personnellement à persévérer dans cette voie.

Cela dit, je dois souligner que pour un simple député, la perspective de présenter un projet de loi est assez intimidante. C'est ce que j'ai pu constater à toutes les étapes de ce projet.

En effet, j'ai eu l'occasion d'apprendre comment le processus se déroule. Le projet de loi est soumis à la Chambre, et il est déposé. Il passe ensuite en deuxième lecture et reçoit une approbation de principe, comme cela a été le cas cette fois-ci.

Toutefois, monsieur le président, cela ne veut pas dire que le projet de loi que vous avez sous les yeux est complet ou parfait. Si je me présente devant ce comité, c'est pour vous prier instamment d'étudier le projet de loi attentivement et d'y apporter les amendements que vous jugerez nécessaires dans votre sagesse pour en faire une loi efficace, une loi qui respecte le principe, un principe qui, dans le cas présent, est celui de la déclaration de la rémunération des dirigeants d'organismes.

Ma situation est un peu difficile, car je vais devoir vous indiquer les lacunes de mon propre projet, des lacunes que j'ai pu découvrir à la suite de consultations, en particulier avec mes collègues de la Chambre des communes. En effet, mes collègues, non seulement du Parti libéral, mais également du Bloc et du Parti réformiste, m'ont signalé certaines lacunes et améliorations qui pourraient être importantes.

.1115

J'aimerais commencer par l'article 3. L'article 3 décrit les diverses fondations de charité et autres organismes sans but lucratif couverts par le projet de loi. Le député d'Anjou - Rivière-des-Prairies a fait une observation au sujet d'une ligne où on parle de tout organisme qui reçoit directement ou indirectement des fonds publics du Canada.

Il pense que cette observation, «directement ou indirectement», pourrait élargir considérablement la portée du projet de loi, puisque cela impliquerait non seulement les organismes qui reçoivent des transferts directs, des subventions directes, mais également tous ceux qui reçoivent indirectement des fonds du gouvernement du simple fait qu'ils peuvent émettre des reçus aux fins de l'impôt ou du simple fait qu'ils sont exemptés d'impôt.

Cette préoccupation, cette confusion, ou cette ambiguïté, apparaît également dans les observations du député de Mission-Coquitlam, qui a fait un excellent exposé, et dans celles du député du Mississauga-Ouest. Toutefois, ces trois députés ont interprété cette ligne d'une façon très différente.

Mon intention, avec ce projet de loi, c'est d'inclure tous les organismes de charité et tous les organismes sans but lucratif qui sont actuellement tenus de remplir un formulaire de déclaration. Dans le cas des organismes de charité, il y a un paragraphe de ce formulaire qui est ouvert au public. Dans le cas des organismes sans but lucratif, le public ne peut prendre connaissance d'aucune de ces informations.

Ce projet de loi obligerait donc les organismes sans but lucratif à déclarer les rémunérations, salaires et avantages versés à leurs dirigeants, comme c'est le cas actuellement pour les dirigeants d'organismes de charité. Cela mérite donc d'être précisé, peut-être par le biais d'un amendement. Une solution très claire, ce serait de modifier cet article pour demander à tous les organismes qui sont actuellement tenus de remplir ces formulaires, qu'il s'agisse d'organismes de charité ou d'organismes sans but lucratif, de déclarer publiquement les salaires et la rémunération de leurs dirigeants.

Cette solution présente un avantage, puisque tous ces organismes remplissent déjà des déclarations. Le gouvernement pourrait mettre cette loi en application d'une façon économique grâce à l'infrastructure qui existe déjà. J'aimerais que vous étudiiez cet aspect-là très attentivement. Peut-être pourriez-vous demander l'opinion des représentants de Revenu Canada qui comparaîtront devant vous. Je suis certain qu'ils auront quelque chose à dire.

Avant d'en terminer avec cet article, j'aimerais signaler une autre lacune. J'attire votre attention sur le début du paragraphe 3(1) du projet de loi:

Monsieur le président, membres du comité, j'espère que vous accepterez d'élargir cette définition. En effet, l'alinéa 149(1)l) porte uniquement sur les organisations sans but lucratif qui sont actives dans les secteurs du bien-être social, de l'éducation, les secteurs récréatifs, etc.

Je regrette de ne pas y avoir pensé à l'époque, mais voilà ce qui se passe quand on légifère: de nouvelles choses apparaissent au cours du processus. J'aimerais que les organisations sans but lucratif englobent également d'autres catégories sans but lucratif, par exemple certaines sociétés de logement, ce qui correspondrait à l'alinéa 149(1)i), et également les sociétés sans but lucratif qui font de la recherche scientifique, ce qui correspondrait à l'alinéa 149(1)j). Enfin, les organismes sans but lucratif de nature syndicale, ce qui correspond à l'alinéa 149(1)k).

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Je vous soumets donc ces propositions, monsieur le président, dans l'espoir que ce comité les accueillera favorablement.

Cet article a beau contenir un court texte, il y a tout de même beaucoup de choses à en dire.

Je passe maintenant à la page 2 de votre exemplaire, et au paragraphe 3(5), qui prévoit:«Le ministre peut, par règlement.» C'est un passage très important du projet de loi, car, dès le départ, il m'est apparu que dans ce type de projet de loi on ne saurait être trop précis ou trop clair, on ne saurait trop définir un dirigeant de société ou la notion de rémunération ou d'avantage.

Dans ce passage, nous confions donc au ministre la tâche de définir ce qui constitue un dirigeant. Dans sa sagesse il pourrait faire une distinction entre les administrateurs rémunérés et les directeurs qui reçoivent des honoraires, etc.

Toutefois, c'est à l'administrateur principal rémunéré que je m'intéresse surtout, et non pas au conseil d'administration. Bref, ce sont les principaux dirigeants qui sont payés. Un peu plus loin, à l'alinéa 5(5)c), on voit: «définir le sens de l'expression «rémunération et avantage» pour l'application du paragraphe (1).»

J'aimerais préciser à l'intention de ce comité quels sont les aspects des salaires et des avantages en question qui intéressent le public. En effet, il ne suffirait pas de révéler les échelles de salaire comme cela se fait généralement dans la fonction publique. J'espère que le ministre révélera les salaires précis des trois principaux administrateurs. Encore une fois, dans sa sagesse, le ministre pourrait leur demander d'indiquer quels autres avantages ils touchent, pas seulement leur pension, mais peut-être également l'usage d'une automobile, etc.

Ce sera donc au ministre et à son personnel de fixer les informations à exiger une fois la loi adoptée. Vous aurez peut-être des suggestions à faire à ce sujet.

Enfin, d'une certaine façon, l'article 4 est l'article le plus important de ce projet de loi. C'est l'article qui tente d'imposer des sanctions.

Dans une large part, ce projet de loi découle des formulaires de déclaration que les organismes de charité remplissent actuellement. Quand on examine ces formulaires - et j'en ai ici des exemplaires que les membres du comité pourront consulter - on voit que les organismes de charité doivent faire des déclarations au sujet de la rémunération.

J'attire votre attention sur les deux premières lignes qui portent sur la rémunération. À la ligne 135, on demande le total de la rémunération, y compris tous les avantages, de quelque nature que ce soit, qui sont versés aux administrateurs, aux directeurs ou aux responsables fiduciaires d'un organisme de charité. Sur ce formulaire, vous verrez qu'on n'a rien inscrit sur cette ligne.

À la ligne suivante, on indique le nombre de personnes dont la rémunération apparaît à la ligne 135. Là encore, rien n'a été inscrit.

C'est un problème assez fréquent avec ces déclarations. Mon personnel a sorti hier de mes dossiers les déclarations de 100 organismes de charité, et il y en a 48 qui ont omis de remplir les lignes relatives à la rémunération.

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Nous sommes aux prises avec une situation où, théoriquement, du moins pour ce qui est de l'information sur les oeuvres de charité, le type d'information que nous désirons obtenir est exigée. Les exigences ne sont pas très précises, du moins pas aussi précises qu'elles le devraient, selon moi. Cette information est demandée, mais n'est pas obtenue, et l'on ne répond pas à cette exigence.

Revenu Canada vous dira, si vous posez la question, qu'il n'existe pas de moyen efficace de faire respecter cette exigence si ces lignes sont laissées en blanc sur les déclarations envoyées à Revenu Canada. Ce que je veux faire avec ce projet de loi, c'est prévoir une pénalité adéquate et pratique pour les organisations qui négligent de fournir l'information demandée relativement à la rémunération de la direction.

Le projet de loi dont vous êtes saisis déclare qu'une organisation qui ne se conforme pas à cette exigence en fournissant les renseignements demandés, que ce soit une organisation sans but lucratif ou un organisme de charité, est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, d'une amende n'excédant pas 50 p. 100 de l'ensemble des montants qu'elle reçoit du gouvernement.

À la réflexion, et par suite de consultations, j'en arrive à conclure que cette forme de pénalité pourrait être difficile à faire appliquer. Essentiellement, elle aurait pour effet d'envoyer le ministre du Revenu et son personnel devant les tribunaux, et nous savons que les tribunaux constituent un procédé cher, et parfois complexe, pour obtenir le respect des exigences, surtout si l'on a affaire à des organisations valant des dizaines de milliers de dollars.

Je propose à mes collègues ici présents d'envisager une autre façon d'imposer la pénalité. Plus tard, un de mes collègues, d'un côté ou de l'autre de la table, pourrait peut-être proposer une motion qui réponde mieux aux besoins, sur cette question. Pour qu'une pénalité soit adéquate et pratique, il faudrait qu'une société, qu'il s'agisse d'un organisme de charité ou d'une organisation sans but lucratif, lorsqu'elle ne respecte pas les dispositions précédentes du projet de loi en fournissant l'information dont nous avons besoin, perde d'office son statut d'organisme de charité exempt d'impôt pour l'année d'imposition en cours. Techniquement, cette pénalité devrait être imposée automatiquement: l'organisme qui ne se soumet pas aux exigences voit immédiatement son statut d'oeuvre de charité exempte d'impôt révoqué.

Monsieur le président, j'espère que vous et mes collègues envisagerez cette possibilité quand vous étudierez le projet de loi. Je n'ai pas grand-chose de plus à ajouter.

Ce projet de loi est très important. Je me trouve dans une position bien particulière, puisque j'ai présenté un projet de loi d'initiative parlementaire que je crois très important pour les Canadiens, et je dois prier tous les membres du comité, des deux côtés de la table, de l'examiner très attentivement et de proposer les amendements qu'ils jugeront nécessaires. Pour atteindre ses objectifs, qui sont selon moi très importants, c'est-à-dire rendre les organismes de charité et les organisations sans but lucratif plus transparents et obtenir qu'ils dévoilent certaines informations élémentaires, le projet de loi exigera beaucoup d'attention de votre part. Il devra être peaufiné avant d'être adopté.

À la fin, la mesure dont vous êtes saisis ne sera plus un simple projet de loi d'initiative parlementaire, mais un projet de loi que j'aurais voulu être d'initiative parlementaire générale.

Le président: Avant de passer au premier tour de questions et de donner la parole au Bloc en premier lieu, comme d'habitude, le président souhaite poser une question.

En vous écoutant, j'ai l'impression que ce qui vous a incité à présenter ce projet de loi, c'est un grand sens de l'altruisme et un engagement profond envers la démocratie, ce qui me convient tout à fait. Toutefois - je ne vous en ai pas parlé auparavant, et c'est pourquoi je pose la question - je soupçonne que certains facteurs très humains ont aussi motivé la conception de cette mesure. Je me permets de faire part de mes conjectures ou de mes suppositions.

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Je présume qu'avec l'expérience que vous avez acquise au cours de vos voyages, vous avez eu connaissance de ce que vous considérez comme une forme d'abus des privilèges actuels de non-divulgation. Peut-être qu'à votre avis certains se sont largement servis dans l'assiette au beurre, pour employer une expression populaire.

Est-ce bien cela? Avez-vous été témoin de cas où des gens qui travaillent pour des organisations de ce genre se versent ou se voient verser un salaire ou une rémunération que vous jugez excessifs? Si c'est le cas, pouvez-vous nous rapporter certaines de vos découvertes?

M. Bryden: Oui, monsieur le président, j'ai en effet été témoin de certaines choses. J'ai présenté un rapport d'intérêt spécial qui révélait quelques faits de ce genre. Je rapportais par exemple que des recherches très récentes avaient permis de constater que de petits organismes de charité, comptant seulement trois employés, ne versaient en tout et pour tout que quelque 180 000$ à leur personnel. Pourtant, leur principal dirigeant, qui était en fait un administrateur ayant deux employés sous ses ordres, se versait 128 000$.

Le problème, c'est que beaucoup d'organisations ne remplissent pas cet espace, et il est impossible de connaître exactement les abus qui peuvent se produire.

L'idée que je défends et sur laquelle repose mon projet de loi, c'est que le principal tribunal du pays, c'est l'opinion publique. Ultimement, c'est le public qui juge si les députés ou le gouvernement font correctement leur travail. Si nos électeurs ne sont pas contents de notre rendement, ils nous éliminent.

Le même principe devrait s'appliquer aux organisations sans but lucratif, qui constituent un secteur majeur de notre économie, puisqu'il représente environ 120 milliards de dollars par année. Or, on ne met pas le public suffisamment au courant de l'utilisation de ces fonds. Je me permets d'ajouter, cependant, et j'espère réussir à vous convaicnre, que je n'ai nullement l'intention, en présentant ce genre de mesure, de mettre au pilori les organisations sans but lucratif.

Il y a très longtemps que le secteur des oeuvres de bienfaisance échappe au jugement du public. Le ministère fédéral du Revenu surveille ce secteur autant qu'il le peut, mais le critère le plus important - à savoir si les salaires, entre autres, sont exagérés - consiste à soumettre la question à l'opinion publique, à ceux qui font des dons à ces organismes.

Par contre, je crois que l'on constatera que la majorité des organismes de charité et des organisations sans but lucratif se conduisent correctement. Si l'on peut éliminer les abus, qui sont peut-être généralisés, il restera plus d'argent pour les organisations qui investissent sagement les dons qu'on leur fait et les subventions gouvernementales.

Le président: Passons maintenant aux questions du Bloc. Tâchons de donner des réponses aussi courtes que possible, parce que nous manquons vraiment de temps.

M. Bryden: Oui, je suis désolé d'avoir donné une réponse aussi longue.

Le président: Je vais y réfléchir durant le premier tour de questions, mais nous devrons modifier notre procédé habituel aux fins de la discussion.

[Français]

M. Deshaies (Abitibi): J'aimerais remercier M. Bryden pour son projet de loi. Je crois qu'il sera très utile à la société canadienne.

Il y a deux ou trois points qui peuvent accrocher pour le Bloc québécois. Vous en avez parlé. Il s'agit des groupes qui reçoivent directement ou indirectement des fonds publics canadiens. Nous pourrons apporter un amendement qui pourra préciser la teneur et la portée de votre projet de loi lors des prochaines rencontres.

J'ai une autre question plus précise. Dans le projet de loi, vous touchez à l'ensemble des organismes à but non lucratif ou de charité. Je sais pertinemment, ayant travaillé beaucoup dans les organismes à but non lucratif, que beaucoup de petites entreprises font des levées de fonds allant de 1 000$ à 50 000$ sans avoir de personnel de soutien. La plupart des gens dépensent de l'argent de leur poche pour travailler dans ces organismes.

Vous avez suggéré une modification qui dit que la Loi de l'impôt sur le revenu pourrait toucher les gens visés.

.1135

Est-ce que vous pensez que la Loi de l'impôt sur le revenu serait suffisante? À l'heure actuelle, la Loi de l'impôt sur le revenu touche les organismes à but non lucratif et aussi, j'imagine, les organismes de charité qui ont des revenus de placement de plus de 10 000$ ou des actifs de plus de 200 000$. Croyez-vous que ce serait suffisant pour éviter de la paperasse aux petits organismes qui donnent de leur temps et de leur argent pour les gens?

[Traduction]

M. Bryden: Oui, je le pense. J'aimerais que les modifications apportées visent ces mêmes organisations sans but lucratif qui sont actuellement tenues de remplir la formule d'information sur les organisations sans but lucratif.

M. Epp (Elk Island): Je commence par féliciter mon collègue d'avoir présenté ce projet de loi. Plus la transparence sera grande en ce qui concerne la dépense des fonds publics, mieux ce sera pour nous tous. C'est un pas dans la bonne direction.

J'ai quelques questions à poser. D'abord, vous nous avez montré quelques formulaires. Comment les avez-vous obtenus? Sont-ils accessibles au public, et que sont-ils exactement? Celui que vous nous avez montré a-t-il été rempli par une organisation sans but lucratif ou un organisme de charité?

M. Bryden: Ce sont des formulaires d'information sur les organismes de charité. Seuls des organismes de charité peuvent les consulter. Il importe que les membres du comité sachent que les formulaires d'information conçus pour les organisations sans but lucratif ne sont pas accessibles au public. La loi doit donc préciser que l'information sur la rémunération du personnel de ces organisations doit être accessible au public et, je l'espère, avec plus de détails.

M. Epp: Les organisations à but non lucratif ainsi que les sociétés à but non lucratif ne payent pas d'impôts. Est-ce exact?

M. Bryden: Tout à fait.

M. Epp: Avons-nous aussi des organisations à but non lucratif capables d'émettre des reçus pour fins d'impôt?

M. Bryden: Non. Les représentants de Revenu Canada seraient probablement plus en mesure que moi de répondre à ce genre de questions, mais je crois qu'ils ne peuvent pas le faire. Les organismes de charité ont le droit d'émettre des reçus pour fins d'impôt. Les organisations sans but lucratif ont pour principal avantage d'être exonérées d'impôt.

M. Epp: Attardons-nous maintenant sur des éléments plus précis.

J'ai une question à poser sur le paragraphe 3(4). Vous dites ici que cette mesure ne devrait pas s'appliquer «au prix de biens ou de services fournis en vertu d'un contrat intervenu entre l'organisme et le gouvernement».

Je ne sais trop si c'est possible, mais il m'est venu à l'esprit qu'une organisation à but non lucratif pourrait conclure un tel contrat puis désigner l'un de ses administrateurs pour s'occuper du contrat et en faire un genre de filiale de l'organisation. Cette organisation serait dès lors capable de verser à ses administrateurs une somme considérable d'argent qui serait alors protégée. Pourquoi inscrire une telle disposition dans votre mesure législative?

M. Bryden: L'idée première, c'était de bien distinguer cette mesure de celle que nous voudrons peut-être adopter plus tard sur toute la quetion de l'attribution de marchés. C'était le but de cette disposition, mais je prends bonne note de votre objection.

Je ne crois pas que la mesure dont nous sommes saisis puisse tout prévoir. C'est une première étape, mais au cours des années et des projets de loi à venir nous exigerons des renseignements beaucoup plus précis tant des oeuvres de charité que des organisations sans but lucratif.

Je dois admettre que cette mesure est quelque chose de complètement nouveau, même pour Revenu Canada. En effet, ce n'est que depuis quelques années que le ministère a commencé à recueilir des renseignements de base sur les finances des organisations sans but lucratif. Nous devons donner une année ou deux au ministère pour lui laisser le temps d'examiner l'information qu'il reçoit et d'en tirer des conclusions. À partir de là, nous verrons quels nouveaux changements sont souhaitables.

M. Epp: J'ai été vraiment surpris d'apprendre que, dans ma propre circonscription, le YMCA administre une partie du programme d'assurance-chômage. J'en suis tombé de ma chaise.

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Je l'ai appris parce que l'un de mes électeurs a eu des problèmes avec cette organisation. Ce qu'elle fait, c'est qu'elle conclut ce genre de contrats avec le gouvernement afin d'obtenir de l'argent, mais elle n'a pas vraiment les pouvoirs gouvernementaux nécessaires pour régler des conflits ou pour quoi que ce soit d'autre.

S'il se produit des choses de ce genre et que des employés reçoivent un très bon salaire simplement parce que leur organisation a conclu ce genre de contrats, je n'aimerais pas que cette disposition permette de protéger ce groupe ou tout autre groupe qui agit ainsi.

M. Bryden: Reste à savoir si c'est faisable. Je pense qu'il serait difficile, et peut-être même injuste, pour le gouvernement, si je puis me permettre de dire de telles choses de mon propre gouvernement, d'essayer de présenter maintenant une mesure législative qui alourdirait le fardeau financier du gouvernement.

Actuellement, si nous exigions que les organismes de charité et les organisations sans but lucratif respectent les exigences selon la procédure en vigueur, c'est-à-dire en soumettant leur déclaration concernant les organismes de charité et les organisations sans but lucratif, nous pourrions parvenir à quelque chose de relativement bon marché. Cela n'engendrerait pas de coûts supplémentaires. Je trouve que vos commentaires sont très pertinents, mais je crois que le comité devrait bien réfléchir avant d'ajouter au projet de loi une disposition qui pourrait en hausser grandement les frais d'administration.

Je voudrais encore faire une très brève observation, monsieur le président, sur une chose que vous avez dite. L'une des idées centrales de l'entreprise que nous essayons de mener à bien maintenant, c'est de contrer le fait qu'un bon nombre d'organismes de charité et d'organisations sans but lucratif - pour reprendre une expression de mon collègue ici présent - ont été coincés par leur type d'administration. Il arrive souvent que le personnel salarié tire de leur mode de paiement des avantages que les administrateurs ou les bénévoles ne connaissent pas. J'espère que, en réglant la question des salaires, ce projet de loi permettra de faire la lumière sur ce genre d'abus, car je crois que c'est un abus.

M. Epp: Surtout depuis que j'ai pris la parole sur ce projet de loi. Les gens ont ainsi été mis au courant de la situation. Plusieurs personnes ont ensuite communiqué avec moi pour en discuter.

J'ai encore une question à poser, probablement à cause des milieux que je fréquente. Avez-vous l'intention d'englober toutes les organisations religieuses et les Églises dans votre projet de loi? Les Églises devront-elles dorénavant déclarer le salaire de leurs pasteurs et de leurs secrétaires? A-t-on l'intention d'en arriver là?

M. Bryden: Oui. Je ne crois pas qu'il faille exempter les organisations religieuses. Cependant, j'ai fait un examen très superficiel de la situation dans ce secteur et j'ai constaté que, la plupart du temps, les salaires des pasteurs et des prêtres sont du domaine public au sein de la congrégation.

Les organisations religieuses rendent des comptes très précis. Je ne crois pas que beaucoup d'entre elles soient ennuyées par l'adoption de cette nouvelle mesure.

M. Epp: J'ai une dernière question à poser, si vous le permettez, monsieur le président. Nous savons tous qu'en raison de la conjoncture nombre d'organisations ont créé un fonds distinct de l'organisation elle-même. L'institut de technologie où j'ai travaillé durant 27 ans avant d'arriver ici a fait cela. Il profite maintenant de l'existence d'une fondation dont le seul rôle est de trouver de l'argent pour financer l'institut. Je me demande jusqu'où vous croyez que devrait aller la loi pour ce qui est de dévoiler les salaires du personnel des universités, collèges, instituts de technologie ou autres organisations de ce genre.

La personne en charge de la fondation n'est qu'un petit élément de ce personnel. Il y a aussi tout le personnel administratif du collège ou de l'université, qui, dans certains cas, empoche des salaires exorbitants tout en réclamant plus d'argent du gouvernement et en essayant d'obtenir des dons de charité qui sont déductibles d'impôt dans la déclaration d'impôt fédérale.

M. Bryden: Le genre de modifications que je propose et la mesure législative dont vous êtes saisis prévoient que les salaires des employés des fondations sont assujettis à cette mesure. Dans certains cas - et j'ai examiné un certain nombre de déclarations de fondations - , les fondations ont des bénévoles à leur service, de sorte qu'il n'y ait pas de rémunération à déclarer. Par ailleurs, ce qui ne manque pas d'être étonnant, d'autres fondations versent des rémunérations très élevées. Il n'y a donc aucune uniformité, et c'est certainement un problème auquel le projet de loi apportera une solution.

.1145

En ce qui concerne le point que vous avez soulevé au sujet des limites à fixer aux rémunérations et aux avantages qui devraient être déclarés selon vous, je vous renvoie à nouveau aux alinéas 3(5)b) et c). Selon le libellé actuel de la loi, il revient au ministre de décider à combien doivent s'élever la rémunération et les avantages accordés par un organisme donné.

Le président: Ou à la ministre.

M. Bryden: Ou à la ministre; mes excuses.

Le président: Avez-vous terminé? Merci.

Comme la présidence doit prendre une décision en raison du temps, la prochaine ronde de questions du côté du gouvernement, qui dispose de huit minutes, sera divisée en deux périodes de quatre minutes, soit quatre minutes pour M. Duhamel et quatre minutes pour M. Bellemare.

Par la suite, j'inviterai les porte-parole de Revenu Canada et du Centre pour la philanthropie à faire leurs exposés. J'espère que leurs déclarations préliminaires ne seront pas aussi longues que la vôtre, monsieur Bryden. Ensuite, les membres du comité auront l'occasion de poser des questions aux représentants des trois organismes.

M. Bellemare (Carleton - Gloucester): Monsieur le président, je trouve fort intéressante la proposition que renferme ce projet de loi d'initiative parlementaire, et j'ai lu les rapports du député, M. Bryden.

Je dois être honnête à la fois avec M. Bryden et les organismes qui sont soit des organismes de charité, soit des organismes sans but lucratif. S'agit-il d'une sorte de chasse aux sorcières ou simplement de curiosité? Il y a toujours un voisin qui veut savoir de quelle couleur sont les murs de votre chambre à coucher, combien d'argent vous faites et quelles déductions vous demandez. Il y a des gens qui veulent toujours tout savoir. Je me demande si c'est à cause de M. Bryden.

Il y a toutes sortes d'organismes de charité, et certains d'entre eux peuvent très bien se défendre alors que d'autres ne le peuvent pas. Ils n'ont pas les moyens ni l'expertise que vous semblez présumer que certains ou la plupart d'entre eux ont.

Pourquoi n'avez-vous pas visé exclusivement des organismes qui reçoivent des subventions, par exemple? Ces organismes doivent rendre des comptes au gouvernement, qui reçoit leurs impôts et verse des fonds aux organismes sans but lucratif.

Pourquoi n'avez-vous pas visé seulement les organismes appartenant à des intérêts privés et qui font la promotion d'une cause, mais qui ne sont peut-être que des entreprises intéressées empochant une partie des dons?

Nous avons entendu parler de tels organismes dans un pays voisin. Par exemple, des gens riches fondent un organisme de charité pour une cause extrêmement populaire. Ils engagent des experts en commercialisation, recueillent beaucoup d'argent et versent des fonds à un organisme. Il peut s'agir d'une fondation pour le cancer, par exemple, une cause extrêmement populaire. Cependant, il n'en reste pas moins qu'il s'agit en réalité d'une entreprise, d'une entreprise qui fait la promotion d'une cause charitable et en tire des bénéfices faramineux.

Il n'existe peut-être pas d'organismes semblables au Canada, mais, étant donné que vous avez vous-même fait beaucoup de recherche, et je vous en félicite, pensez-vous qu'il y en a, et, si oui, pourquoi n'avez-vous pas centré le projet de loi sur eux?

M. Bryden: Sauf votre respect, vous avez caractérisé mon projet de loi comme une sorte d'attaque exigeant une défense alors qu'en réalité tout ce que je demande dans mon projet de loi, c'est l'application des mêmes normes de divulgation qui sont maintenant exigées, du moins en Ontario, des sociétés dont les actions sont offertes au public. Cette exigence s'explique par le fait que les actionnaires des sociétés ouvertes ont le droit de connaître la rémunération des dirigeants de la société, et avec raison. Voilà qui répond à la deuxième partie de votre question.

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Le niveau de la rémunération, qu'il s'agisse d'un organisme à but lucratif ou à but non lucratif, est sûrement le reflet, à tout le moins, de l'idée que les actionnaires se font du sens des responsabilités que les dirigeants de la société doivent avoir envers la société et les actionnaires. Si la rémunération est excessive aux yeux des actionnaires, qu'il s'agisse de contribuables ou de titulaires d'actions, les actionnaires réagiront d'une manière négative et feront certainement savoir aux administrateurs qu'ils vont trop loin.

Dans le cas des organismes sans but lucratif où je suppose qu'il y a des abus - et c'est votre troisième point - , ce type d'organismes sont tenus par la loi de ne pas afficher de bénéfices. S'ils abusent de leur statut d'organisme sans but lucratif, ils ne peuvent toujours pas afficher de bénéfices. Nous pensons que cet abus se traduira par une inflation de la rémunération de leurs hauts salariés.

Il y a d'autres domaines où des abus sont possibles au sein d'organismes sans but lucratif, mais il n'en est pas question dans ce projet de loi. Certes, dans le cas des organismes qui ont obtenu le statut d'organisme sans but lucratif afin de recueillir des fonds pour leur gain personnel, cela se reflétera sur la rémunération des dirigeants. Cette question est au coeur même de ce projet de loi.

M. Duhamel (Saint-Boniface): Monsieur Bryden, j'ai une observation à faire, après quoi je vous poserai trois courtes questions.

J'estime que vous avez répondu à l'une de mes préoccupations. Je pensais vraiment que les amendes étaient draconiennes et qu'elles ne convenaient pas.

M. Bryden: Oui.

M. Duhamel: Cette question sera bientôt réglée.

J'ai trois préoccupations. L'une d'elles est philosophique et est liée à l'équité. Il me semble que, si nous allons dans cette direction, tous les organismes qui profitent de l'aide gouvernementale devraient être assujettis à la même pratique. Il semble que cela ne soit pas nécessairement le cas, et je me demande pourquoi. Si l'on touche des fonds publics à des fins particulières, ne devrait-on pas être assujetti au même mécanisme de divulgation? Je voudrais avoir votre avis là-dessus.

Une autre de mes préoccupations a trait à toute la question des organismes sans but lucratif en tant que tels. D'après certaines recherches, sur les quelque 150 000 organismes sans but lucratif, 30 000 peut-être touchent des fonds du gouvernement. Je ne sais pas à quel point cette donnée est exacte, mais je présume qu'elle est sans doute assez juste. Est-il équitable de faire une distinction entre les deux groupes? Je voudrais avoir votre avis là-dessus.

En outre, je crains que votre projet de loi ne soit discriminatoire. Je voudrais également avoir votre avis là-dessus.

Le dernier point a trait à toute la question de la restructuration des systèmes qui sera rendue sans doute nécessaire par ce nouveau projet de loi. Il existe clairement des procédures. Je me demande si vous vous êtes penché là-dessus, si vous avez évalué les coûts et si vous voulez nous faire part du résultat de vos recherches. Combien tout cela coûtera-t-il et quels en seront les résultats?

Voilà pour mes observations. Si vous ne pouvez pas me donner une réponse à toutes mes questions, peut-être pourrez-vous le faire plus tard en cours de route.

M. Bryden: Je vais essayer d'y répondre très brièvement.

Tous les organismes de charité et sans but lucratif qui doivent produire une déclaration d'information devraient être visés par ce projet de loi. C'est le but que je vise.

Cela nous fait éviter le problème de la discrimination. Cela nous évite également de faire la distinction entre les organismes qui reçoivent des subventions et ceux qui n'en reçoivent pas. Cette distinction devient négligeable.

À mon point de vue, et c'est là que réside directement et indirectement le problème, si l'on émet des reçus d'impôt ou si l'on est exempté d'impôt, on est automatiquement subventionné par les contribuables, de sorte que la divulgation est nécessaire.

Enfin, en ce qui concerne la restructuration - qui ferait suite à l'élaboration du projet de loi ainsi qu'au débat et aux consultations auprès de Revenu Canada - , j'estime qu'on peut la faire à peu de frais si la divulgation de l'information en cause se fait dans les déclarations qui sont actuellement exigées des organismes de charité et sans but lucratif. Je pense que le coût serait minime.

M. Duhamel: À titre d'éclaircissement, monsieur Bryden, connaissez-vous le coût exact?

M. Bryden: Je pense que c'est une question à poser aux porte-parole de Revenu Canada.

M. Duhamel: Enfin, cela m'a peut-être échappé, mais avez-vous parlé de la possibilité que l'on exige que tous les organismes profitant de l'aide gouvernementale se conforment aux mêmes dispositions sur la divulgation?

.1155

M. Bryden: Oui.

M. Duhamel: Avez-vous parlé de la différence entre un organisme sans but lucratif qui reçoit des subventions et un autre qui n'en reçoit pas?

M. Bryden: Oui. Si l'on oblige les organismes de charité et les organismes sans but lucratif à divulguer la rémunération de leurs dirigeants, la question de savoir si les organismes en cause reçoivent des transferts directs ou non devient accessoire. Ils sont quand même tenus de divulguer ce renseignement, et avec raison à mon avis.

M. Duhamel: Je pense que je me suis mal exprimé.

À ma connaissance, dans la société d'aujourd'hui, outre les organismes sans but lucratif, nombre d'organismes reçoivent de l'aide gouvernementale.

M. Bryden: Oh, je vois.

M. Duhamel: Qu'en est-il de ces organismes? Il se peut qu'ils soient bien plus gros et qu'ils touchent encore plus d'argent de l'État. Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier, mais c'est le point que je voulais souligner.

M. Bryden: Cette question n'est pas traitée dans ce projet de loi, qui porte sur les organismes de charité, le secteur sans but lucratif. Vous avez soulevé la question du secteur à but lucratif, qui devrait faire l'objet d'un autre débat. Le projet de loi à l'étude n'est pas assez long pour aborder une question aussi vaste, c'est du moins ce que je pense.

Le président: Je voudrais simplement faire une observation, monsieur Bryden. C'estM. Bellemare qui l'a d'abord soulevée.

M. Bellemare avait peut-être raison de proposer que l'on songe à appliquer le projet de loi uniquement aux organimes de charité ou sans but lucratif qui reçoivent des subventions directes du gouvernement. Je fais cette observation par suite non seulement de ce que M. Bellemare a dit, mais encore de ce que vous avez répondu à M. Duhamel.

Vous avez fait valoir que si un organisme est exempté d'impôt, il reçoit du même coup une forme d'aide de la part du gouvernement. Si vous invoquez cet argument, vous allez ouvrir la boîte de Pandore. Je ne connais personne, qu'il s'agisse d'une personne morale ou d'un particulier, qui ne reçoit pas de l'aide du gouvernement sous une forme ou une autre. Par exemple, les agriculteurs et les petits entrepreneurs ont toujours droit à l'exemption de 500 000$ des gains en capital, une exemption à laquelle certaines sociétés et d'autres n'ont pas droit.

J'aimerais que vous répondiez à la question suivante. Si un organisme n'a droit à aucune forme de ce que j'appellerais une aide directe de la part du gouvernement, pourquoi chercherions-nous à savoir quelle rémunération il verse à ses employés?

M. Bryden: Le projet de loi porte sur le secteur des organismes sans but lucratif. Quand je dis que le public a le droit de savoir certaines choses à propos des organismes de charité et sans but lucratif, c'est parce que ces organismes sont exemptés d'impôt ou qu'ils peuvent émettre des reçus d'impôt. Ces organismes tirent leur statut fiscal du fait qu'ils sollicitent des dons du public; par conséquent, ils doivent rendre compte au contribuable en général.

Les organismes à but lucratif qui touchent une forme de subvention de l'État ne sont pas visés par le projet de loi. Il suffit de lire le titre du projet de loi, Loi sur la divulgation de la rémunération versée aux dirigeants d'organismes de charité et d'organisations sans but lucratif, pour se rendre compte qu'il ne porte pas sur le secteur à but lucratif.

Je n'ai vraiment rien d'autre à ajouter, sauf pour dire que le projet de loi porte sur les organismes de charité et sans but lucratif. Il ne concerne pas les organismes à but lucratif, tout comme il ne concerne pas les organisations et l'impartition.

Le président: Je ne veux vraiment pas m'attarder sur cette question, mais il me semble que nous accordons de l'aide aux organismes à but lucratif sous une forme ou sous une autre. Pourtant, dans certains cas, nous ne cherchons pas à savoir quelles rémunérations ils versent à leurs dirigeants. Vous proposez que l'on ne change rien à cette situation, mais quand il s'agit des organismes sans but lucratif vous dites qu'il faut chercher à savoir quelle est la rémunération des dirigeants, même si les organismes en cause n'obtiennent pas d'aide directe.

M. Bryden: Cela s'explique par le fait que le secteur à but lucratif doit se conformer à des exigences de divulgation publique. Si le gouvernement accorde une subvention à une société ouverte ou qu'il passe un contrat avec elle, la société en cause doit produire des états financiers. Cette société doit se conformer à certaines règles de divulgation établies par les organismes de réglementation de l'Ontario ou du gouvernement fédéral. Ces organismes sont tenus de divulguer un certain nombre de renseignements.

.1200

Le problème avec le secteur des organismes sans but lucratif, c'est qu'il n'y a pas de régime d'imputabilité comparable à celui du secteur à but lucratif. Dans ce projet de loi, je propose, et ce n'est que le début, un niveau de divulgation qui commence à ressembler à celui auquel est assujetti le secteur des entreprises à but lucratif. Il reste beaucoup de chemin à faire. Je pense qu'il faut examiner tout le secteur des organismes sans but lucratif et appliquer à ces derniers les mêmes exigences de divulgation que celles que l'on applique dans le cas du secteur des organismes à but lucratif.

Le président: J'inviterais maintenant les porte-parole de Revenu Canada à faire leur exposé, après quoi nous entendrons ceux du Centre pour la philanthropie. Les membres du comité pourront ensuite poser des questions.

Nous avons trois représentants de Revenu Canada. Qui est le porte-parole principal? Pourquoi ne commencez-vous pas par vous identifier?

[Français]

M. Denis Lefebvre (sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale de la politique et de la législation, Revenu Canada): Je suis accompagné de Mme Lucy Brickman, agente à la politique des impôts au ministère des Finances, et de M. Robert D'Aurelio, qui est directeur de la Division de la politique législative au ministère du Revenu.

Monsieur le président, je vous remercie de nous avoir invités à venir témoigner devant votre comité aujourd'hui. Nous avons distribué hier des notes d'introduction aux membres du comité. Ces remarques indiquent que nous avons certaines préoccupations à l'égard de ce projet de loi. Nous voulons aussi clarifier, pour les membres du Comité, l'obligation qu'ont certaines organisations de faire des déclarations annuelles, que ce soit des organismes de charité ou à but non lucratif. Enfin, nous voulons porter à l'attention du Comité une ou des options qui pourraient peut-être contribuer à l'atteinte des objectifs du projet de loi à un coût moindre.

[Traduction]

Le projet de loi C-224 exige des organismes de charité et sans but lucratif qu'ils divulguent des renseignements auxquels le public a déjà accès. Les organismes charitables et sans but lucratif sont déjà assujettis à diverses lois provinciales et fédérales.

Les provinces ont certaines responsabilités à l'égard de tous ces organismes dans les limites de leur compétence. Les donateurs, dans le cas des organismes de charité, et les membres des organisations sans but lucratif surveillent, dans une certaine mesure, les activités de ces organismes. Étant donné que les organismes de charité et les organisations sans but lucratif jouissent de privilèges fiscaux, ils sont tenus de fournir à Revenu Canada des renseignements relativement à leurs activités.

[Français]

Les organismes de bienfaisance apportent une aide nécessaire à la société canadienne et obtiennent pour cela un double avantage fiscal. Tout d'abord, ils sont exonérés d'impôt et ensuite ils peuvent obtenir des crédits d'impôt pour leurs donateurs. Depuis 1967, il y a une structure selon laquelle les organismes de bienfaisance doivent être enregistrés auprès de Revenu Canada, qui surveille ensuite leur activité pour s'assurer que ces organismes n'abusent pas de leur privilège fiscal. Pour obtenir leur enregistrement, les organismes doivent montrer que leurs objectifs sont des objectifs de bienfaisance et que les activités qu'ils prévoient sont des activités de bienfaisance.

En 1993, les Canadiens ont fait des dons totalisant quelque 8,2 milliards de dollars à des organismes de bienfaisance.

.1205

Pour cette année-là, 5,5 millions de Canadiens ont fait des dons de charité et ont réclamé des crédits d'impôt d'une valeur de 3,5 milliards de dollars. Présentement, il y a quelque 72 000 organismes de charité enregistrés qui doivent fournir une déclaration annuelle, dont une partie peut être examinée par le public.

[Traduction]

En ce qui concerne les organismes à but non lucratif tels que les définit l'alinéa 149(1)1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, même s'ils n'ont à payer aucun impôt, ils ne sont pas non plus enregistrés. On inclut dans la définition les clubs, sociétés ou oganismes qui ne sont pas des organismes caritatifs, mais qui ont exclusivement pour but le bien-être social, l'amélioration civique, des activités de divertissement ou de loisir, ou tout autre but qui ne soit pas lucratif.

Jusqu'en 1993, ces organismes n'étaient pas obligés de faire une déclaration auprès de Revenu Canada. Toutefois, c'est à cette époque que l'on a modifié la Loi de l'impôt sur le revenu pour exiger des organismes sans but lucratif qu'ils fassent une déclaration s'ils ont des revenus de placement de 10 000$ ou plus ou des actifs de 200 000$ ou plus. Ce seuil a été fixé pour éviter que l'on n'impose un fardeau supplémentaire et inutile aux tout petits organismes.

Le projet de loi C-224 semble constituer une tentative en vue d'accroître l'imputabilité des organismes caritatifs et à but non lucratif. Nous n'y voyons pas d'objection. Toutefois, nous aimerions porter à votre attention certaines parties du projet de loi qui, dans leur libellé actuel, nous préoccupent. Nous aimerions également attirer votre attention sur une solution de rechange qui permettrait peut-être d'atteindre les mêmes objectifs.

[Français]

Le projet de loi prévoit que tout organisme de bienfaisance ou toute organisation à but non lucratif qui reçoit directement ou indirectement un paiement provenant des fonds publics canadiens doit produire auprès de notre ministère une déclaration de reseignements publique indiquant, pour chaque administrateur et dirigeant, le total de la rémunération et des avantages versés.

Selon la loi, le ministre déposerait au Parlement une liste de tous les organismes fautifs.

Le projet de loi prévoit aussi qu'un organisme qui ne se conforme pas aux exigences de divulgation est coupable d'une infraction et passible d'une amende n'excédant pas 50 p. 100 de l'ensemble des fonds publics canadiens qu'il a reçus.

Nous avons quelques commentaires sur le projet de loi. Certains ont déjà été soulevés plus tôt au sein de ce comité.

[Traduction]

Pour ce qui est du financement indirect, le projet de loi oblige les organismes caritatifs et à but non lucratif à envoyer, sous peine d'être jugés coupables d'une infraction, une déclaration d'information annuelle à Revenu Canada s'ils ont reçu directement ou indirectement des fonds publics canadiens.

Cela suppose au départ que les organismes bénéficiaires peuvent facilement identifier quels sont les fonds qu'ils ont reçus directement du gourvernement. Toutefois, à notre avis, cela pose une grande difficulté dans le cas de fonds qui peuvent avoir été reçus indirectement, car il pourrait alors être difficile de confirmer que c'est le gouvernement du Canada qui était le premier bailleur de fonds. C'est difficile à confirmer pour les organismes, et cela pourrait être quasiment impossible pour nous à vérifier.

[Français]

Une autre de nos préoccupations à l'égard de ce projet de loi a trait aux sanctions. Le projet de loi porte que tout organisme qui omet de se conformer aux dispositions concernant la déclaration est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration sommaire de culpabilité, d'une amende n'excédant pas 50 p. 100 de l'ensemble des fonds fédéraux reçus. Cette sanction érige en infraction le fait de ne pas produire une déclaration. Ceci est contraire à la politique actuelle du gouvernement, qui essaie de décriminaliser des manquements à des obligations réglementaires.

.1210

De plus, nous pouvons escompter que, vu le grand nombre d'organismes de charité et d'organismes à but non lucratif, des centaines, sinon des milliers de poursuites seraient nécessaires pour donner suite aux sanctions prévues par le projet de loi. Ceci entraînerait sans contredit un coût supplémentaire énorme pour le système judiciaire.

Également, exiger que le ministère du Revenu, au moyen de ces poursuites, essaye de recouvrer 50 p. 100 des montants reçus par les organismes de charité et les organismes à but non lucratif après que ces montants ont été dépensés serait lui imposer une tâche pour le moins très difficile.

Le projet de loi soulève aussi certaines questions relatives à la vie privée. C'est au Comité de décider, mais, comme M. Bryden l'a mentionné dans son exposé, on peut donner une fourchette de salaires plutôt qu'un salaire précis, ce qui a l'avantage de protéger un peu plus la vie privée des gens.

Le projet de loi tel que présenté impliquerait des coûts importants pour Revenu Canada, qui devrait mettre en place des systèmes de vérification et de déclaration parallèles à ceux que nous avons déjà. Cela impliquerait aussi un coût pour les organismes qui devraient fournir des rapports supplémentaires et pour le système judiciaire, comme je l'ai mentionné plus tôt.

[Traduction]

Je vais tenter de vous décrire très brièvement les critères actuels de déclaration auxquels sont soumis les organismes de charité et organisations sans but lucratif.

Les organismes caritatifs enregistrés doivent, comme l'a signalé M. Bryden, envoyer tous les ans une déclaration de renseignements à Revenu Canada, dont une partie est publique. Dans la partie publique, les organismes doivent divulguer la totalité des salaires versés à leurs dirigeants et administrateurs. Ils doivent aussi dire combien d'administrateurs et de dirigeants travaillent pour eux.

Ceux qui omettent d'envoyer leur déclaration de renseignements annuelle voient leur statut révoqué. Au cours des trois dernières années, quelque 4 000 organismes de charité ont vu leur statut révoqué pour cette seule raison.

[Français]

Les organismes à but non lucratif doivent aussi fournir un rapport à Revenu Canada depuis 1993, mais ces déclarations sont seulement pour les fins du ministère. Elles ne sont pas publiques et, comme je l'ai dit plus tôt, seuls les organismes ayant des revenus de placement de plus de 10 000$ ou des actifs de plus de 200 000$ doivent faire cette déclaration.

[Traduction]

Je répète qu'on pourrait trouver d'autres façons d'améliorer les critères actuels de déclaration des organismes caritatifs et organisations à but non lucratif pour atteindre les objectifs du projet de loi à un coût moindre pour le gouvernement et sans pour autant submerger les organismes de paperasse.

[Français]

Au lieu de ne viser que les organismes de bienfaisance qui reçoivent des fonds du gouvernement fédéral, que ce soit directement ou indirectement, on pourrait songer à atteindre les objectifs du projet de loi en modifiant la déclaration annuelle qui doit être fournie par tous les organismes de charité.

.1215

Il existe un avantage évident à améliorer la déclaration actuelle plutôt que d'en créer une autre. Cet avantage, bien entendu, réduit les coûts du ministère, mais évite aussi aux organismes de charité d'avoir à faire deux déclarations annuelles plutôt qu'une.

[Traduction]

On pourrait également modifier les critères auxquels sont soumises les organisations à but non lucratif de la façon suivante.

On pourrait demander aux organisations à but non lucratif d'ajouter dans la déclaration annuelle qu'elles envoient de l'information supplémentaire sur la rémunération et les avantages versés à leurs administrateurs. Cette partie de la déclaration pourrait être rendue publique. Actuellement, les déclarations envoyées par les organisations à but non lucratif ne contiennent aucune information sur la rémunération des dirigeants. Elles incluent par contre les salaires et la rémunération de tous les employés de l'organisation.

Une dernière observation. Le projet de loi prévoit déjà que le ministre peut, par règlement, définir le sens de certains mots ou expressions, etc., et nous croyons que ce serait probablement nécessaire. Enfin, notre ministère est à la disposition du comité.

[Français]

Je serai heureux de répondre à vos questions. Merci.

[Traduction]

Le président: Nous passons maintenant au Centre pour la philanthropie, puis aux questions.

Nous accueillons M. Patrick Johnston, prochain président et président-directeur général, etM. Michael Hall, directeur de la recherche. Lequel de vous deux veut commencer?

M. Patrick Johnston (prochain président et président-directeur général, Centre canadien pour la philanthropie): Monsieur le président, je m'appelle Patrick Johnston, et je suis accompagné de M. Michael Hall, directeur de la recherche au Centre pour la philanthropie.

Je dois d'abord préciser que je suis ici en mon nom personnel et volontairement, pendant ma pause déjeuner. Mais je suis aussi ici à titre de prochain président et PDG du Centre canadien pour la philanthropie, poste que je n'occuperai que le 1er juin. J'ai néanmoins voulu avoir une longueur d'avance, ce qui explique ma présence aujourd'hui.

Je demanderai à M. Hall de prendre brièvement la parole, après quoi j'aurai quelques commentaires à faire. Nous essaierons d'être brefs, pour qu'on puisse aborder plus rapidement la discussion.

M. Michael Hall (directeur de la recherche, Centre canadien pour la philanthropie): Monsieur le président, j'aimerais en profiter aujourd'hui pour partager avec votre comité les résultats de certaines recherches que nous avons menées sur les organisations à but non lucratif au centre. Nous espérons que cela jettera aussi de la lumière sur vos délibérations.

Il existe près de 175 000 organisations à but non lucratif au Canada, dont certaines sont des organismes caritatifs enregistrés, mais dont beaucoup ne le sont pas. Malheureusement, on ne semble pas savoir grand-chose sur les organisations à but non lucratif qui ne sont pas des organismes caritatifs enregistrés. Nous ne savons pas à combien se chiffrent leurs revenus et nous ne savons pas combien elles reçoivent du gouvernement. Nous ne savons pas non plus quelle est la rémunération de leurs dirigeants. Bref, nous n'avons presque pas de renseignements qui nous permettraient d'élaborer une politique qui s'appliquerait à ce secteur du bénévolat.

Il existe toutefois beaucoup plus d'information sur les organismes de charité enregistrés parce que notre centre a fait des recherches sur cette catégorie d'organisations à but non lucratif. Une bonne partie de notre recherche a été publiée par le centre dans un rapport intitulé A Portrait of Canada's Charities (Portrait des organismes caritatifs canadiens).

Comme on vous l'a signalé, il existe quelque 72 000 organismes caritatifs enregistrés au Canada, ce qui illustre à quel point une réglementation telle que celle que propose le projet de loi est rendue nécessaire. Toutefois, j'espère pouvoir vous démontrer que la plupart de ces organismes n'ont que des revenus modestes et ne sont que faiblement subventionnés par le gouvernement. Ils ont un personnel très restreint et n'offrent qu'une rémunération modérée à leurs dirigeants.

Laissez-moi d'abord vous expliquer comment ils se répartissent.

.1220

D'après nos chiffres, les organismes caritatifs ont touché en 1993 un revenu total d'environ84 milliards de dollars.

Le président: Vous avez dit 84 milliards?

M. Hall: Oui. Toutefois, comme le montre le tableau, 64 p. 100 de tous ces organismes ont des revenus de moins de 100 000$, et 80 p. 100 d'entre eux font moins de 250 000$ par année. Il faut bien comprendre que la majeure partie des revenus du secteur va à une poignée d'organismes plus imposants.

Arrêtons-nous un instant aux fonds que leur verse le gouvernement. D'abord, laissez-moi signaler qu'environ un tiers des organismes caritatifs canadiens reçoivent de l'aide directe du gouvernement. Soixante p. 100 d'entre eux, soit 13 000 organismes, ont des revenus annuels de 250 000$, ce qui est modeste. Ensuite, pris collectivement, ces 13 000 organismes reçoivent moins de 5 p. 100 de toutes les subventions du gouvernement au secteur des organismes de charité. Autrement dit, c'est assez minime.

Passons maintenant à la taille du personnel. Notre recherche confirme que, vu que la majorité de ces organismes caritatifs ont des revenus annuels relativement modestes, ils n'ont pas un grand nombre d'employés salariés.

D'après un sondage qu'a mené le centre, 38 p. 100 des organismes n'ont aucun employé salarié à temps plein et 21 p. 100 comptent un seul salarié à temps plein, ce qui signifie que 60 p. 100 des organismes de charité n'emploient aucun salarié ou en emploient seulement un à temps plein.

Que savons-nous de la rémunération des dirigeants de ce secteur? Comme pour la plupart des autres sujets d'intérêt dans le secteur des organismes sans but lucratif, il y a très peu d'informations disponibles. Toutefois, dans le cadre de notre recherche, nous avons demandé à ces organismes quels salaires ils versaient à leurs dirigeants.

Sachez qu'étant donné le taux de réponse au sondage les résultats doivent être considérés comme approximatifs: néanmoins, comme vous le voyez, 76 p. 100 des dirigeants gagnaient moins de 50 000$ en 1993. On peut donc se demander comment on peut crier à l'abus.

Pour conclure, il faut bien comprendre quatre des aspects clés de ce secteur. Tout d'abord, la plupart des organismes caritatifs ont des revenus modestes; près des deux tiers font moins de 100 000$ par année.

Deuxièmement, même si bon nombre de petits organismes reçoivent des fonds du gouvernement, cette part est très mince: en effet, 60 p. 100 des organismes financés représentent collectivement à peine 5 p. 100 de toutes les subventions du gouvernement.

Troisièmement, la majorité d'entre eux n'emploient qu'une seule personne.

Quatrièmement, les seuls renseignements glanés à l'échelle du secteur et portant sur les salaires versés aux dirigeants confirment qu'il n'y a aucun excès.

J'espère que tout cela jette une lumière utile sur vos délibérations. Je cède maintenant la parole à Patrick Johnston.

Le président: Auparavant, j'aimerais avoir une précision, monsieur Hall. Je suis abasourdi par ce chiffre de 84 milliards de dollars. J'ai du mal à le croire exact, surtout si je pense que le gouvernement fédéral, avec son système fiscal très poussé, perçoit les impôts en se réservant le droit de prendre des sanctions au besoin. L'année dernière, le gouvernement a perçu environ 130 milliards de dollars, alors que la dette nous coûte quelque 160 milliards.

.1225

Êtes-vous en train de me dire que les organismes de charité sont capables de recueillir sur une base volontaire de 75 à 80 p. 100 de ce que le gouvernement fédéral doit percevoir sur une base obligatoire?

M. Hall: D'après nos chiffres, ce secteur reçoit déjà 48 milliards de dollars du gouvernement. La population fournit en contributions volontaires 10 milliards, et le reste provient de revenus tirés par les organisations elles-mêmes de la vente de produits, des cotisations des membres, etc.

Le président: Désolé de m'attarder là-dessus, mais j'ai sous les yeux une déclaration de Revenu Canada: on y dit que l'année dernière les Canadiens ont donné en dons de charité8,2 milliards de dollars, alors que vous prétendez pour votre part qu'ils ont donné dix fois plus.

M. Hall: Non, je crois avoir dit que les Canadiens avaient donné 10 milliards de dollars en dons. Nos chiffres diffèrent quelque peu là-dessus.

Je ferais aussi remarquer que l'on ne sait généralement pas que le secteur des organismes caritatifs inclut la plupart des hôpitaux et universités du Canada. Or, une bonne partie des fonds dont nous parlons représente des transferts à ces grandes institutions canadiennes. Il y a beaucoup de types d'organismes de bienfaisance.

Le président: Lorsque je songe à un organisme de bienfaisance, je ne pense généralement pas au Centre des sciences de la santé de Winnipeg.

M. Hall: En fait, c'en est un.

Le président: Je suis content d'avoir posé la question, car j'ai enfin compris.

Monsieur Johnston, allez-y, et veuillez excuser l'interruption.

M. Johnston: Pas du tout, cette précision avait son importance.

J'aimerais en peu de temps signaler les questions, préoccupations et inquiétudes qu'ont certains de mes collègues du secteur des organismes caritatifs et bénévoles à l'égard de certaines dispositions du projet de loi. Je n'en ferai certainement pas une analyse exhaustive et je ne prétends pas non plus transmettre l'opinion de tous. Je veux seulement vous faire part de ce que pensent ceux avec qui j'ai communiqué.

D'abord, l'imputabilité. M. Bryden a affirmé que ce secteur n'avait pas été soumis souvent à l'examen public. C'est peut-être vrai qu'il n'a pas été souvent l'objet d'un examen de la part du gouvernement fédéral, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'a jamais été scruté à la loupe par le public. N'oubliez pas, en effet, que le genre d'organismes auxquels a affaire le Centre pour la philanthropie, c'est-à-dire les organismes caritatifs et les organisations bénévoles, dépendent en grande partie des dons privés de la population. Voilà pourquoi ils sont dirigés par des conseils d'administration bénévoles qui ont très à coeur l'imputabilité.

Songez un peu aux types d'organismes auxquels vous avez affaire dans vos propres collectivités: ce sont les Grands frères et les Grandes soeurs, l'Institut national canadien pour les aveugles, la Fondation des maladies du coeur du Canada, les YM-YWCA ou Centraide. Songez à tous les gens que vous connaissez chez vous qui sont des bénévoles. Allez leur parler et vous verrez à quel point ils savent ce que c'est que l'imputabilité. Ils y sont obligés, car ces organismes dépendront de plus en plus - et non l'inverse - des dons de particuliers et de sociétés. On ne risque donc pas d'oublier l'imputabilité.

Sachez que dans ce secteur, on parle déjà de s'autoréglementer, ce qui pourrait permettre d'aborder des questions comme la divulgation, notamment. Voilà pour ma première observation.

En ce qui concerne certaines des dispositions spécifiques du projet de loi, comme on en a abordé un certain nombre, je ne voudrais pas revenir là-dessus, sauf pour les identifier. Certains se sont inquiétés du fait que l'on parle des paiements indirects, tout simplement parce que l'on ne s'arrête pas à ce que cela signifie ou non. Nous avons entendu ce genre de commentaire.

Il y a un autre point sur lequel j'aimerais m'attarder, car il est essentiel que vous le compreniez tous. C'est une question qui crée beaucoup de confusion de part et d'autre sans qu'il faille pour autant blâmer qui que ce soit. Le projet de loi parle en effet de rémunération et d'avantages que recevraient les administrateurs et dirigeants des organismes. Dans bien des cas, les dirigeants et administrateurs sont, de par la loi, membres du conseil d'administration bénévole. L'expression, bien souvent, n'inclut pas les dirigeants rémunérés.

.1230

Cela pourrait expliquer pourquoi certains des organismes n'ont pas rempli le formulaire T-3010 comme il fallait. J'ai l'impression qu'ils se disent que Revenu Canada veut savoir si leurs conseils d'administration bénévoles, c'est-à-dire leurs administrateurs, dirigeants, présidents, trésoriers et autres membres du conseil d'administration, reçoivent une rétribution. Ils ne sont pas censés en recevoir, bien sûr, puisqu'ils sont bénévoles et que c'est là l'essence même d'un organisme de bienfaisance.

Le problème, c'est peut-être la question, mais la question ne permet pas de cerner le problème du personnel administratif. Peut-être que la confusion vient de ce que les organismes caritatifs croient fermement avoir répondu correctement à la question. Or, la question se rapporte beaucoup plus à tous ceux qui sont nommés aux termes des règlements de l'organisme, qui sont approuvés par le gouvernement fédéral, et qui sont identifiés comme des administrateurs, des dirigeants et des membres du conseil d'administration.

Je vous parle d'expérience personnelle. En effet, j'ai déjà été directeur exécutif du Conseil canadien du développement social et c'est justement pendant mon mandat que l'on a revu nos règlements. Je n'étais ni administrateur ni membre du conseil d'administration. En effet, tous ces postes énumérés dans nos règlements et approuvés aujourd'hui par Industrie Canada et à l'époque par le ministère de la Consommation et des Corporations étaient comblés par des bénévoles membres du conseil d'administration qui n'étaient aucunement rémunérés.

Autrement dit, il y a confusion de part et d'autre sur le type de poste qu'on veut vraiment cerner.

J'ai une ou deux autres observations à faire. Comme l'a confirmé, je crois, M. Bryden, le projet de loi obligerait à révéler les salaires au cent près. En supposant que l'on ait en tête les salaires des cadres et des administrateurs principaux, il reste que pour beaucoup de ceux qui oeuvrent dans le secteur des organismes de bienfaisance, ces normes sont incompatibles avec celles que l'on impose aux autres récipiendaires de fonds publics.

Arrêtons-nous brièvement au secteur public. Au Canada, le gouvernement a jugé bon de mettre en équilibre le droit du public à l'information et le droit des citoyens à la vie privée et à la protection des renseignements confidentiels. Il est ironique de constater que les Canadiens n'ont actuellement pas le droit de connaître mon salaire exact, moi qui sera encore fonctionnaire une semaine ou deux. Ils ont toutefois le droit de savoir quelle est ma fourchette de salaire. Si le projet de loi devait être adopté au moment où je dois quitter la fonction publique dans quelques semaines pour me joindre au secteur des organismes bénévoles, je perdrais du jour au lendemain mon droit à la vie privée du simple fait que je deviendrais un employé d'un organisme de bienfaisance plutôt qu'un employé du secteur public.

L'inégalité dans les dispositions régissant les renseignements confidentiels et la vie privée entre le secteur des organismes caritatifs, d'une part, et le secteur public, d'autre part, en laisse plusieurs perplexes. Laissez-moi vous expliquer pourquoi.

À première vue, il semblerait que cette disposition entraînera presque inévitablement une augmentation significative du nombre de fonctionnaires et des coûts associés à l'application de la loi. Certaines des modifications proposées pourraient réduire le nombre total d'organismes visés. Néanmoins, il reste que 175 000 organismes pourraient être visés par les dispositions du projet de loi.

Il nous semble que le nombre de fonctionnaires qui deviendront nécessaires pour surveiller l'observation de la loi représentent une augmentation de taille des dépenses publiques à l'époque même où il y a d'énormes compressions dans les ministères pour tenter de réduire la dette et le déficit.

J'aimerais offrir certaines solutions de rechange qui s'ajouteront à celles que l'on a déjà proposées. Commençons par la modification de certaines des questions du formulaire T-3010 que doivent remplir tous le organismes caritatifs et sans but lucratif: on pourrait d'abord préciser que la question vise uniquement le personnel supérieur, ce qui éviterait la confusion autour des termes administrateur et membre du conseil d'administration. Ensuite, il suffirait de présenter une grille de salaires et de demander combien de personnes se trouvent dans telle ou telle fourchette salariale. Cela suffirait pour obtenir l'information.

.1235

Un certain nombre d'autres modifications pourraient être apportées. On propose, à l'heure actuelle, d'exempter ce qu'il est convenu d'appeler le contrat, pour lequel le Conseil du Trésor a des définitions juridiques. À l'instar d'un certain nombre de représentants du secteur, je propose que soit aussi exempté ce qu'on appelle la contribution. Les lignes directrices du Conseil du Trésor définissent très clairement la contribution comme étant un paiement de transfert soumis à des conditions qui vise un but précis. La contribution doit être justifiée et vérifiée conformément à l'entente de contribution.

Les ministères fédéraux vont effectivement conclure divers contrats avec des organismes de charité et des oeuvres de bienfaisance pour l'obtention d'un service, tel l'organisation d'un colloque ou l'exécution d'une étude, par exemple. Ils le feront au moyen d'une contribution, qui doit être vérifiée et justifiée, comme le prévoient très clairement les lignes directrices du Conseil du Trésor.

Je ne crois pas que ce soit là l'intention. Ou si ce l'est, je ne vois pas à quoi cela sert. Si une telle modification était adoptée, cela distinguerait la contribution de la subvention qui, en un sens, n'est assujettie à aucune condition.

Je terminerai avec quelques généralités. Puis je me ferai un plaisir de répondre à toute question, tout de suite ou plus tard.

Je tiens à bien préciser que beaucoup de personnes travaillant pour des organismes de charité et des oeuvres de bienfaisance - et vous en connaissez un certain nombre dans vos localités respectives - sont de plus en plus préoccupées par l'obligation de rendre des comptes. Elles sont les gardiennes de fonds publics et de fonds privés. On leur fait confiance pour offrir des services qui enrichissent grandement toutes nos collectivités. Tous en conviennent , je pense. Je ne crois pas que beaucoup de personnes qui travaillent pour les organismes de charité et les oeuvres de bienfaisance s'opposeraient en principe à ce qu'on divulgue les salaires payés à même les fonds publics.

Premièrement, si ces gens-là étaient ici aujourd'hui, ils diraient que c'est correct en principe, mais qu'il faut s'assurer que toute exigence législative ou réglementaire imposée par le gouvernement fédéral est proportionnelle à l'ampleur du problème.

Deuxièmement, il faudrait s'assurer que cela ne se traduise pas en tracasseries administratives excessives qui feraient que les organismes de charité et les oeuvres de bienfaisance de toutes nos collectivités ne pourraient plus accomplir leur important travail parce qu'il leur faudrait remplir d'autres formulaires pour le gouvernement.

Troisièmement, ces gens-là diraient, je crois, que la divulgation ne pose pas de problème si l'on s'assure qu'il y a un équilibre entre le droit de la population à être informée et le droit des individus à la vie privée et à la confidentialité que le gouvernement, je le répète, a reconnu et appliqué dans le secteur public.

Quatrièmement - et c'est sans doute là le point le plus important - il faut espérer que toute disposition découlant d'une modification de la loi ou du document T-30 viserait à appuyer et à renforcer le secteur des organismes de charité et des oeuvres de bienfaisance et non à laisser entendre que d'importants problèmes doivent être réglés.

Pour terminer, je dirai simplement que ce dernier point devrait préoccuper tout particulièrement les parlementaires. Comme tous les ordres de gouvernement réduisent leurs dépenses, ils sabrent des services qui sont souvent financés à même les deniers publics, mais qui sont offerts par les organismes de charité et les oeuvres de bienfaisance. Nous devrons compter beaucoup plus, à l'avenir, sur les organismes de charité et les oeuvres de bienfaisance pour offrir tout un éventail de services publics qui étaient peut-être jusqu'ici assurés directement par des fonctionnaires. Nous avons tous grandement intérêt à appuyer le secteur des organismes de charité et des oeuvres de bienfaisance.

Le président: J'espère que vous pourrez répondre brièvement à ma question. Croyez-vous que les dispositions du projet de loi risquent de susciter des réactions regrettables? Il y a des gens qui se disent tout à coup des spécialistes de nombreuses questions, dont certaines sont de leur propre cru.

Je peux imaginer, par exemple, que, si les salaires étaient divulgués, il se trouverait des gens pour dire qu'ils sont trop élevés et injustifiés et que l'organisme en cause est extrêmement libéral dans ses dépenses. Ces personnes, devenues soudainement des spécialistes très critiques, pourraient retirer leur appui à cet organisme sans connaître sa position économique, sa situatioan concurrentielle ni son fonctionnement interne. Pouvez-vous imaginer une réaction aussi déplorable?

.1240

M. Johnston: Je dois dire - et les faits semblent le confirmer jusqu'à maintenant - que l'on ne peut pas imaginer à quel point l'échelle salariale des employés des organismes de bienfaisance est, en fait, modeste. Je soupçonne que c'est pour cette raison que la plupart des représentants du secteur des organismes de bienfaisance ne voient pas de problème, en principe, dans la divulgation. On a en général l'impression que les Canadiens ne croient pas pour la plupart que les employés des organismes de bienfaisance sont trop payés. Il arrive peut-être que des salaires soient excessifs, mais ce n'est pas le cas de la majorité.

[Français]

M. Deshaies: J'ai une question pour M. Lefebvre. Premièrement, je trouve que vous avez de bonnes idées pour restreindre la paperasserie au niveau du contrôle. Est-ce que vous jugez que ce projet de loi touche l'ensemble des fonds qui peuvent provenir du public ou seulement les fonds venant du gouvernement fédéral? Dans votre texte, c'est à deux endroits et, pour moi, c'est encore confus. Est-ce que l'organisme bénévole auquel je fais un don est touché ou si seuls les organismes qui reçoivent de l'argent du fédéral sont touchés?

M. Lefebvre: L'obligation actuelle de faire des rapports annuels s'applique à tous les organismes de bienfaisance et à certains organisemes à but non lucratif qui excèdent un certain seuil de revenus d'investissement ou d'actifs. Il n'y a pas de lien entre cette obligation de faire rapport au ministère du Revenu et les fonds qu'ils peuvent avoir reçus du gouvernement fédéral.

On pourrait améliorer les rapports actuels que doivent produire tous ces organismes. J'ai suggéré qu'on ne fasse plus le lien avec les fonds reçu du gouvernement fédéral. Si on veut faire ce lien, il nous faut un mécanisme pour que tous les ministères - il y a une centaine de ministères et d'agences qui font des contributions annuellement - nous fassent un rapport et pour qu'on puisse y donner suite. Nous proposons qu'on améliore les rapports actuels sans faire le lien avec les fonds reçus.

M. Deshaies: Je crois aussi qu'il n'est pas nécessaire de faire ce lien. Qu'un organisme reçoive des fonds ou non, on veut savoir combien d'argent va à l'administration. Si vous changiez vos formulaires, vous pourriez donner l'information la plus complète possible à un citoyen qui fait une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. C'est ce que vous proposez?

M. Lefebvre: Oui.

M. Deshaies: Parfait. J'ai aussi une autre question pour M. Johnston ou M. Lefebvre. Je suis certain que la majorité des organismes n'embauchent pas beaucoup de personnes rémunérées. Ce que M. Bryden veut cerner, ce sont les organismes qui recueillent de l'argent chez les citoyens et qui en utilisent la majeure partie pour payer des salaires au lieu d'aider le public.

Par exemple, quelqu'un peut recueillir 100 000$ dans la population, se donner un salaire de 80 000$ et ne laisser que 20 000$ pour la publicité ou autres. La proposition de M. Lefebvre pourrait répondre à cette préoccupation puisqu'en s'interrogeant sur cet organisme, on verrait que les revenus sont de 100 000$ et que les salaires sont de 80 000$, ce qui est une absurdité pour un organisme à but non lucratif. M. Johnston veut peut-être faire un commentaire.

M. Johnston: Il est important de savoir qu'il y a beaucoup d'organismes à but non lucratif qui sont très

[Traduction]

à forte proportion de main-d'oeuvre, compte tenu de la nature de leur travail et des services qu'ils offrent. Songez, par exemple, à un refuge pour femmes et enfants battus. Les principaux services y sont souvent offerts par des employés rémunérés, de telle sorte que la proportion du budget d'exploitation consacrée aux salaires peut être fort importante par rapport aux autres dépenses.

.1245

Au sein de l'effectif de tout organisme, il y a souvent des moyens de s'assurer d'une certaine équité au niveau des salaires, entre le directeur exécutif et les autres membres du personnel, par exemple.

Prenez mon propre cas. Les employés de l'organisme sont syndiqués et la question salariale a fait l'objet de bien des discussions et des négociations collectives.

Beaucoup d'organismes de bienfaisance ont un conseil d'administration qui assume ses responsabilités en s'assurant que les salaires versés aux membres du personnel sont justes et équitables. Les conseils d'administration de tous les organismes ou presque ont ou devraient avoir accès à cette information. Sinon, il y a quelqu'un quelque part qui manque à son devoir.

Toutefois, rien ne prouve que la grande majorité des administrateurs d'organismes de bienfaisance n'ont pas accès à cette information ou ne l'exigent pas du personnel rémunéré.

[Français]

M. Deshaies: Je pense que les gens sont capables de juger si l'organisme est performant et s'il utilise efficacement l'argent qu'il reçoit. Vous parlez d'un organisme qui rend des services humanitaires et emploie des salariés. Je crois que les gens sont capables de juger si ces sommes sont bien utilisées. Donc, votre objection se tient, mais elle n'est pas valable en soi... Si les gens avaient un doute sur une entreprise, ils pourraient utiliser un formulaire comme celui dont a parlé M. Lefebvre pour jauger les revenus et les dépenses.

Naturellement, la Loi sur la protection des renseignements personnels permettrait de protéger les droits la personne.

[Traduction]

M. Epp: Je veux poser une question aux divers fonctionnaires de Revenu Canada qui sont ici présents.

On peut lire à la première page de votre exposé - et vous l'avez déjà déclaré oralement aussi - que les Canadiens ont versé 8,2 milliards de dollars aux organismes de bienfaisance, ce qui se rapproche du montant cité par l'autre groupe, et ont déclaré 3,5 milliards de dollars aux fins du crédit d'impôt pour dons de charité.

Il y a quelque chose qui cloche ici. A-t-on déclaré 3,5 milliards de dollars aux fins du crédit d'impôt, qui serait alors de 1 milliard de dollars environ? Il faut qu'il en soit ainsi, car, autrement, il faudrait avoir versé 12 milliards de dollars à des organismes de bienfaisance pour en arriver à un tel crédit d'impôt.

M. Lefebvre: Vous avez raison. On estime que, en 1993, les contribuables donateurs ont bénéficié d'un avantage fiscal de 850 millions de dollars à l'égard de reçus présentés aux fins d'impôt totalisant 3,5 milliards de dollars. La somme des reçus délivrés aux fins d'impôt était beaucoup plus élevée, mais tout le monde n'a pas joint ses reçus à son formulaire de déclaration de revenu.

M. Epp: Oui. C'est une des choses qui échappent toujours aux fonctionnaires de Revenu Canada. Je ne sais même pas si cela existe encore, mais tout le monde pouvait, à un moment donné, déclarer 100$ de dons de charité. C'était une erreur, car il faut probablement être un vrai Séraphin pour ne pas avoir pour plus de 100$ de reçus. On n'aurait jamais dû accorder un tel avantage.

M. Lefebvre: Il n'existe plus.

M. Epp: Ce petit point étant éclairci, je voudrais maintenant poser une question aux représentants du Centre pour la philantrophie.

Votre organisme est manifestement imposant. C'est une grande entreprise. On parle de centaines de millions de dollars dans tout le Canada. Je me demande ce que vous pensez d'une divulgation complète.

Vos fonds vous viennent directement des Canadiens. Vos fonds vous viennent des Canadiens par l'intermédiaire du gouvernement, sous forme de subvention ou de crédit d'impôt.

J'ai eu l'impression ou presque que vous étiez un peu sur la défensive et que vous ne vouliez pas d'une divulgation complète.

M. Johnston: Monsieur le président, je crois avoir signalé, à la fin de mon exposé, que je ne crois pas - et je répète que je n'ai pas la prétention de parler au nom de toutes les personnes qui oeuvrent dans le secteur des organismes de bienfaisance - que beaucoup de mes collègues contestent le principe de la divulgation.

Des préoccupations ont été exprimées au sujet de certaines dispositions du projet de loi concernant les règles régissant la divulgation.

.1250

Je le répète, il semble y avoir des incohérences. Nous nous demandons seulement pourquoi une norme différente s'appliquerait aux fonctionnaires dont le salaire est entièrement payé à même les deniers publics, pourquoi le directeur exécutif d'un organisme de bienfaisance dont 1 p. 100 seulement du salaire est financé à même les deniers publics serait traité très différemment et, pourrait-on dire, plus sévèrement qu'eux.

M. Bryden a dit tout à l'heure que la loi concerne les organismes de bienfaisance et je comprends cela. Si l'on soutient que la population a le droit de connaître le salaire des employés de tout organisme de bienfaisance qui bénéficie d'un allégement ou d'un avantage fiscal, ne devrait-il pas en être de même pour les entreprises du secteur privé qui profitent d'un avantage fiscal en déclarant des frais de représentation ou le salaire d'experts-conseils en relations avec le gouvernement qui feront des pressions auprès de vous? C'est ce qui nous laisse perplexe.

Je ne veux pas paraître sur la défensive, mais il y a des gens, dans le secteur, qui croient qu'on cherche par là à pénaliser tout un secteur de la société en le traitant différemment des autres. Nous nous demandons pourquoi. Nous nous demandons où est le problème.

Loin de moi l'idée de prétendre qu'il n'existe pas d'organismes de bienfaisance qui négligent leurs responsabilités. Ce serait stupide de ma part de dire cela. On s'inquiète, toutefois, du fait que le projet de loi suppose que c'est le cas de la majorité des organismes ou d'un grand nombre d'entre eux.

Il se peut fort bien que des parlementaires négligent leur devoir, mais je soupçonne qu'ils ne sont pas très nombreux. De la même manière, il se peut fort bien que des organismes de bienfaisance négligent leurs responsabilités, mais il s'agit aussi d'un petit nombre.

Enfin, je tiens à faire valoir qu'un certain nombre de personnes, dans notre secteur, croient important qu'on ne mette pas au point une politique et une loi en fonction des exceptions à la règle.

M. Epp: Monsieur le président, je tiens à dire officiellement que je suis en faveur de la divulgation. J'ai déjà dit clairement que je favorise la divulgation des honoraires des démarcheurs. Lorsque j'enseignais dans un collège et que j'étais payé par le secteur public, autrefois, n'importe qui pouvait savoir que je gagnais 53 304$ par année, salaire que j'ai laissé pour devenir parlementaire au salaire annuel de 64 400$, comme tout le monde le sait.

Je me dis parfois qu'il est paradoxal que nous ne sachions pas combien touchent des hauts fonctionnairese qui viennent ici et qui sont payés par les mêmes contribuables. Je soupçonne qu'ils gagnent tous deux fois plus que moi. Si ce n'est pas le cas, nous devrions le savoir, et si c'est le cas, nous devrions le savoir aussi afin de pouvoir commencer à corriger les choses. Il faut vraiment que tout soit public, car il s'agit de l'argent des contribuables et des comptes doivent être rendus de son utilisation.

Votre graphique insiste sur la forte proportion de gens qui touchent moins de 50 000$ et sur la forte proportion qui touchent moins de 75 000$. Toutefois, 6,4 p. 100 gagnent 75 000$ ou plus par année. Je ne vois absolument aucune raison pour que ces gens-là ne justifient pas leur salaire. Qu'ils travaillent pour un organisme de bienfaisance ou qu'ils utilisent l'argent des contribuables, cela revient strictement au même. Ils utilisent l'argent de quelqu'un d'autre, comme nous le faisons tous, en un sens, je le suppose. Ils devraient pouvoir dire ce qu'ils font et que c'est merveilleux pour l'organisme.

Si les gens cessent d'appuyer un organisme parce qu'ils trouvent excessif que son directeur exécutif touche 150 000$ par année, tant pis. Tout le but de l'exercice est de mettre fin à l'utilisation des fonds publics à des fins privées. C'est ce que nous disons au gouvernement. Les députés, notamment, ne sont pas censés user de leur influence à des fins personnelles, mais ils le font sous le sceau du secret.

Je crois avoir fait valoir mon point. Il ne s'agit pas d'une question, mais vous pouvez y répondre si vous le voulez. Telle est ma position.

Le président: Je crois qu'il faut être prudent dans ses analogies. Il est vrai, monsieur Epp, que nous savons combien gagnent les parlementaires et, comme vous le disiez, la population savait combien vous étiez rémunéré lorsque vous travailliez au collège, en Alberta. Toutefois, elle ignorait comment vous dépensiez votre argent. Par exemple, les gens ne savaient pas combien vous dépensiez en frais de garde d'enfants ni le salaire que vous accordiez aux gardiennes.

.1255

Dans le cas actuel, on sait combien d'argent va à l'organisme. Nous ne leur posons pas de questions sur la façon dont ils dépensent leur argent. Aussi je crois que votre analogie est quelque peu boîteuse.

M. Bélair (Cochrane - Supérieur): J'ai obtenu une réponse à une bonne partie de mes questions. Vous avez clairement montré, monsieur Johnston, que vous n'êtes pas disposé à révéler votre salaire. Est-ce exact?

M. Johnston: En tant que fonctionnaire.

M. Bélair: Vous disiez que l'organisme pour laquelle vous travaillez reçoit une aide financière du gouvernement.

M. Johnston: Je suis sur le point d'occuper un nouveau poste. Personnellement, je n'aurais aucune objection à révéler mon traitement, jusqu'à un certain point.

M. Bélair: Jusqu'à un certain point.

M. Johnston: C'est exact, comme je le fais actuellement en tant que fonctionnaire.

M. Bélair: Monsieur le président, je voudrais exposer mon point de vue très brièvement pour permettre à mes collègues de poser des questions.

Ma question est essentiellement la suivante: quelle différence y aurait-il entre un oganisme canadien à but non lucratif ou de charité qui recevrait une aide financière du gouvernement fédéral et une entreprise qui recevrait une subvention pour se moderniser ou assurer son fonctionnement?

Le projet de loi établit-il des normes différentes selon qu'une subvention est versée à une oeuvre de charité ou à une entreprise? En définitive, qu'il s'agisse d'une déduction fiscale accordée à un organisme de bienfaisance ou de subvention pure et simple, c'est l'argent du contribuable qui est dépensé.

Ma question s'adresse à Revenu Canada. Aviez-vous demandé une opinion juridique du commissaire à la protection de la vie privée au sujet de ce projet de loi en ce qui concerne les normes ou les directives que nous devrions suivre pour assurer un traitement équitable à tous?

M. Lefebvre: Nous avons consulté le personnel du commissaire à titre très officieux. Nous n'avons pas approfondi les choses parce que nous avons pensé que si le commissaire avait des doutes au sujet des questions relatives à la protection de la vie privée, il pourrait demander à comparaître devant le comité. Nous n'avons pas relevé de problème majeur. Encore une fois, il s'agit pour vous de ouï-dire, mais le point qu'a soulevé M. Johnston aurait aussi bien pu l'être par le commissaire. Nous n'avons cependant pas relevé de problèmes graves en ce qui concerne la protection de la vie privée.

J'ajouterai qu'au cours des discussions que nous avons eues avec un certain nombre de nos collègues des organismes de bienfaisance, les préoccupations exprimées tournaient très souvent autour de la façon dont la rémunération des gens est établie.

M. Bélair: Êtes-vous en train de dire qu'il devrait y avoir des normes différentes?

M. Lefebvre: Je dis simplement qu'on pourrait faire valoir que c'est l'échelle salariale qu'il faut divulguer plutôt que le montant précis de la rémunération d'une personne, car cela peut mettre en cause l'évaluation de rendement du directeur par comparaison à quelqu'un d'autre.

Il existe certains arguments. Si on avait recours à la réglementation pour rendre obligatoire la divulgation du traitement précis ou de l'échelle salariale des dirigeants, nous examinerions probablement les modalités d'établissement de la rémunération dans le secteur pour voir ce qui doit être protégé en tant que renseignements personnels, par opposition à ce qui doit permettre de réaliser l'objectif du projet de loi, qui est essentiellement de divulguer le montant qui est versé aux dirigeants plutôt que ce qu'ils font au sein de l'organisation.

M. Bélair: Par conséquent, monsieur le président, en définitive nous devons absolument obtenir du commissaire à la protection de la vie privée ou de Revenu Canada une définition qui permette d'établir une distinction claire entre un cadre supérieur et, comme dans le cas deM. Johnston, un employé de niveau supérieur, afin de savoir s'il y a lieu ou non de divulguer leur traitement.

.1300

Le président: Monsieur Bélair, en quoi cela concerne-t-il le commissaire à la protection de la vie privée?

M. Bélair: Je veux connaître son opinion afin d'établir cette distinction car il s'agit ici de sujets privés et confidentiels.

Dans le cas de M. Johnston, je ne crois pas qu'il doive divulguer son traitement. Il est un employé du Centre canadien pour la philantropie, qui possède un conseil d'administration ou une structure quelconque. La distinction est de taille. Cet homme est un employé alors que les autres ne le sont pas.

Le président: M. Bryden veut dire quelque chose.

Avant de vous céder la parole, monsieur Bryden, je crois que M. Bélair a encore quelque chose à dire.

M. Bélair: Monsieur le président, je cherche à obtenir une opinion. Allez-vous tenter d'en obtenir une?

Le président: Certainement. S'il n'y a pas d'objection, nous demanderons l'opinion du commissaire à la protection de la vie privée.

Avant de passer à vous, monsieur Bryden, je crois que M. Murray a quelque chose à dire.

M. Murray (Lanark - Carleton): Monsieur le président, je voudrais poser quelques brèves questions à M. Lefebvre.

J'ai été intrigué par l'intervention de M. Bryden au sujet du nombre de formulaires dont la partie réservée à la rémunération n'est pas remplie. Cette situation est-elle un sujet de préoccupation à Revenu Canada, ou la réponse à cette question se trouve-t-elle dans ce qu'ont dit les autres témoins?

M. Lefebvre: À l'heure actuelle, quelque 72 000 organismes de bienfaisance enregistrés doivent faire parvenir leurs formulaires chaque année. La déclaration publique de renseignements, la partie qui est accessible au public, n'est pas publiée mais il suffit à n'importe qui d'appeler ou d'écrire pour y avoir accès. Cette information contient le montant de la rémunération totale des cadres.

La déclaration publique de renseignements constitue essentiellement un service à l'intention des donateurs. Elle permet aux personnes qui désirent faire un don à un organisme d'obtenir des renseignements financiers sur cet organisme, notamment le montant de la rémunération totale. Si quelqu'un demande par écrit ce genre d'information et que la déclaration de renseignements n'est pas remplie, nous communiquons avec l'organisation pour obtenir l'information. Si l'organisation refusait de communiquer les renseignements, nous l'informerions de notre intention d'annuler son enregistrement puisque la communication de ce genre d'information est obligatoire.

M. Murray: Cela semble produire beaucoup plus de paperasse à Revenu Canada que si on exigeait simplement de tous ces gens qu'ils remplissent au départ la totalité de leur formulaire de renseignements.

M. Lefebvre: M. Bryden a joué un rôle déterminant à cet égard. Nous communiquons actuellement avec tous les organismes pour leur demander de faire preuve de plus de diligence. Nous apporterons certaines précisions mais nous aimerions que chaque organisme fournisse les renseignements dans la partie appropriée ou inscrive les mots «sans objet» à chaque ligne.

M. Murray: J'ai examiné la partie de vos observations intitulé «Observations concernant le projet de loi». J'ai passé en revue les modifications proposées par M. Bryden et je crois que la plupart d'entre nous les accepteraient.

En ce qui concerne les préoccupations de Revenu Canada concernant le financement indirect, dont vous faisiez état, les propositions semblent traiter de l'essentiel de cet aspect. Des sanctions semblent être prévues et les modifications proposées permettront sans doute aussi de tenir compte des conséquences financières.

En définitive, tout se résume à la question de la protection des renseignements personnels. Cette question semble soulever une préoccupation, indirecte, dans le cas de Revenu Canada. Ce n'est pas le genre de préoccupation qu'on attendrait normalement de la part de Revenu Canada, mais bien du commissaire à la protection de la vie privée.

Ai-je raison lorsque je dis que les modifications proposées par M. Bryden et celles que le comité serait prêt à accepter répondent à vos attentes?

M. Lefebvre: Oui.

M. Murray: C'est bien le cas?

M. Lefebvre: En effet.

Le président: Monsieur Bryden, votre projet de loi a fait l'objet de quelques critiques. Nous devrions peut-être vous permettre de faire quelques observations.

M. Bryden: Je voudrais intervenir brièvement. Au sujet de cette information concernant le nombre d'organismes et la rémunération de leur personnel, j'ai examiné les formulaires d'information de centaines d'organismes de bienfaisance et dans le tiers sinon la moitié des cas, la partie réservée à la rémunération n'est pas remplie. Je tiens à dire à mon voisin que leur information selon laquelle un très faible nombre d'organismes paient des traitements supérieurs à 75 000$ ou 100 000$ n'est pas valable puisque dans de nombreux cas ces renseignements ne sont communiqués. Comme je le disais je possède une liste de 100 organisations dont 48 n'ont pas fourni les renseignements à la ligne prévue à cet effet. Mais, je ne crois qu'on puisse en déduire automatiquement que les organisations ne paient pas de salaires excessifs.

.1305

Deuxièmement, on a fait état d'une certaine confusion au sujet des renseignements à fournir. Je vais vous montrer encore une fois le formulaire. Les renseignements n'y sont pas indiqués. Les gens ont peut-être pensé que les renseignements ne devraient être fournis que par les dirigeants bénévoles. Pourtant, on peut clairement lire le libellé de cette ligne: «rémunération totale versée aux cadres dirigeants», etc.

Il n'y a guère de doute que les organisations qui remplissent ces formulaires et omettent de fournir ces renseignements le font en connaissance de cause.

Enfin, pour ce qui est de la rémunération par opposition à l'échelle salariale, la fonction publique indique les échelles salariales parce qu'elle compte des dizaines de milliers d'employés. Cela permet d'assurer au système une certaine équité en ce qui concerne les catégories professionnelles.

En tant qu'auteur du projet de loi, j'ai l'intention d'obtenir des renseignements précis concernant la rémunération et les avantages sociaux. Je serais très heureux de laisser les choses à la discrétion du ministre, comme le prévoit actuellement le projet de loi, mais j'aimerais que les renseignements précis que je suis tenu de fournir en tant que député constituent le genre d'information que le public a le droit de connaître.

M. Shepherd: Je voudrais parler brièvement de la question des échelles salariales. Je ne vois pas pourquoi nous ne faisons pas comme dans l'industrie privée. Dans le cas des entreprises ouvertes, on indique essentiellement le traitement des cinq ou dix cadres supérieurs les mieux payés. On peut alors aisément diviser ce montant par dix pour obtenir une moyenne. C'est une solution.

Je voulais parler des coûts à la fois pour le gouvernement et pour le secteur public.

M. Hall nous dit que 62 p. 100 de ces organisations remplissent déjà des feuillets T-4. Elles sont déjà tenues de remplir ces feuillets une fois par année ainsi qu'un T-4 sommaire. Je ne comprends pas pourquoi il serait tellement coûteux de transférer dans un formulaire l'information contenue dans le T-4.

Monsieur Lefebvre, vous pourriez peut-être me dire pourquoi cela coûterait excessivement cher au gouvernement.

M. Lefebvre: Il ne serait pas coûteux pour le gouvernement ou les organisations d'améliorer les exigences actuelles en matière de renseignements provenant des organisations à but non lucratif et des organismes de charité dont j'ai parlé, de manière à ce que l'information à laquelle vous faites référence, c'est-à-dire des renseignements plus précis concernant la rémunération et les avantages sociaux des cadres supérieurs, soient accessibles au public. Il suffirait de modifier les formulaires de déclaration actuels.

M. Shepherd: Vous avez dit dans votre exposé que dans le cas des organisations à but non lucratif, on pourrait divulguer les renseignements concernant les salaires mais non le reste des renseignements contenus dans le formulaire. Encore une fois, si, comme le dit M. Hall, 60 p. 100 du financement de ces organisations provient du gouvernement, pourquoi ces autres renseignements demeureraient-ils confidentiels?

M. Lefebvre: C'est ce dont il est question dans le projet de loi C-224, c'est-à-dire la divulgation de la rémunération, et il s'agit de trouver le moyen le plus économique de le faire.

M. Shepherd: En ce qui concerne ce moyen le plus économique, je me rappelle l'époque de la TPS. S'il y a une leçon que les gouvernements ont apprise, c'est que les exemptions à l'échelle du système leur coûtent de l'argent. Ne serait-il pas beaucoup plus simple pour vous de retourner le formulaire actuel que vous avez plutôt que d'essayer d'en extraire des renseignements et de les communiquer autrement?

M. Lefebvre: Je ne suis pas certain que cela occasionne des coûts. Les organismes de charité produisent actuellement des déclarations de renseignements publiques et des déclarations de renseignements privées, sans problème ni coût supplémentaire. Nous pourrions facilement faire en sorte que les déclarations des organisations à but non lucratif aillent dans le même sens. Je ne crois pas que cela engendrerait des coûts supplémentaires.

Le président: Monsieur Duhamel, vous vouliez apporter une clarification.

M. Duhamel: Il s'agit simplement d'une clarification. Comme le temps passe, je me contenterai pour l'instant de soulever les points. Les réponses pourront venir plus tard.

.1310

Il serait peut-être sage, et je laisse au comité le soin d'en juger, d'obtenir une déclaration du commissaire à la protection de la vie privée sur deux aspects: il doit être établi premièrement, que le projet de loi n'empiète sur aucun droit des particuliers ou, dans le cas contraire, comment; deuxièmement, que le projet de loi n'est pas discriminatoire envers d'autres groupes. Je déplore toujours que certains groupes qui reçoivent une aide financière du gouvernement soient traités différemment.

Il serait également très utile d'obtenir une évaluation des coûts du projet de loi, s'il doit être adopté. Combien cela coûterait-il? Les renseignements que nous avons ne me semblent pas suffisamment précis. Va-t-il en coûter beaucoup d'argent au gouvernement?

Le président: Faites-vous référence à ce qu'il en coûtera pour recueillir les renseignements?

M. Duhamel: Je parle des répercussions financières du projet de loi.

Enfin, il a été question de la divulgation du salaire de certains prêtres, pasteurs et peut-être aussi d'autres religieux. J'aimerais savoir si le projet de loi rendra obligatoire la divulgation de ces renseignements. Je veux bien qu'on réponde à ces questions plus tard car je sais que nous manquons de temps.

Le président: Vouliez-vous répondre?

M. Lefebvre: Je crois pouvoir répondre en ce qui concerne les coûts. Dans sa forme actuelle, le projet de loi entraînerait des coûts importants pour le gouvernement et probablement aussi pour les organisations et pour le système judiciaire. La proposition dont nous avons discuté au cours de cette séance, qui aurait pour effet d'améliorer le système actuel de déclaration de renseignements, n'entraînerait pas des coûts élevés.

En ce qui concerne les églises, elles sont toutes, ou presque, des organmes de charité et elles sont tenues de faire des déclarations de renseignements publiques. L'information porte non seulement sur l'ensemble des églises mais sur chaque église en particulier. Ce ne serait donc pas nouveau.

M. Duhamel: Vous dites presque toutes les églises.

M. Lefebvre: Certaines églises ne sont peut-être pas enregistrées en tant qu'organismes de charité, mais quelque 30 000 autres le sont.

M. Duhamel: Nous avons donc la réponse à deux de ces trois points. Il nous reste maintenant à connaître le point de vue du commissaire à la protection de la vie privée.

Le président: À ce sujet, j'ai examiné notre calendrier et je crois qu'il serait possible de recevoir le commissaire le mardi 16 mai. Je ne crois pas que son exposé sera très long. Je vais demander à ma greffière de s'informer si le commissaire à la vie privée peut comparaître dans la matinée du mardi 16 mai.

Je rappelle aux membres du comité que nous entendrons quatre organisations jeudi prochain, le 4 mai. Il s'agit de la Société canadienne des directeurs d'associations, des Médecins pour un Canada sans fumée, de l'Institut Pearson-Shoyama et de l'Organisation nationale anti-pauvreté.

Tout en remerciant les témoins, je tiens à dire en terminant que cette première ronde a été pour moi une révélation. Nous tenons tous beaucoup à la divulgation des renseignements. Toutefois, après ces deux heures de séance, je me suis vite rendu compte que la divulgation des renseignements peut être difficile à réaliser et qu'elle peut soulever des problèmes.

Sans pour autant renoncer au principe de la divulgation, je constate que sa mise en oeuvre peut être ardue. Dans une certaine mesure, et je suis certain que cela ne surprendra pas M. Bryden et les autres, notre voie est toute tracée. J'espère qu'il vous sera possible, peut-être une fois que nous aurons entendu tous les autres témoins, de revenir pour répondre à certaines questions de mes collègues.

M. Epp: Je voudrais faire un bref rappel au Règlement. M. Bryden a dit qu'il ne participerait pas aux séances du comité concernant le projet de loi. Est-ce la loi qui le veut ainsi? Dans la négative, j'aimerais qu'il soit ici. Il connaît son sujet et il peut nous être utile. Je ne vois pas pourquoi il s'absenterait du comité pendant l'étude du projet de loi. C'est mon opinion. J'ignore quels sont les aspects juridiques de cette question et quel est le désir de mes collègues.

Le président: La décision appartient en grande partie à M. Bryden. Je crois que M. Bryden s'est laissé guidé par ce que, d'après lui, il convient de faire dans un tel cas.

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C'est une chose que de lui demander à titre de collègue du comité quelles sont ses vues sur une question donnée, mais on ne peut accorder à M. Bryden la possibilité de procéder à un interrogatoire, car c'est quelque chose qu'on n'accorde généralement pas aux témoins.

Pour ce qui est de répondre à la question, je n'y vois pas grand inconvénient. Mais donner àM. Bryden la possibilité de poser des questions comme le font d'autres collègues pourrait s'avérer un peu plus épineux. Qu'en pensez-vous, monsieur Bryden? Je vous pose maintenant une question?

M. Bryden: Je remercie M. Epp pour son offre. J'estime qu'à titre d'auteur du projet de loi je suis un peu dans la position où se trouve le gouvernement. J'aurais certainement des renseignements et un thème que je souhaiterais être en mesure de fournir aux membres du comité de façon continue.

Quant à savoir si j'aurais ou non le droit de vote, c'est quelque chose que nous pourrions examiner plus tard. J'aimerais faire partie du comité, et si c'est le désir de ses membres, je n'interrogerai pas les témoins. J'aimerais pouvoir exposer mon avis sur le sujet du projet de loi et les questions qu'il soulève, et cela de façon continue, si les membres du comité le jugent acceptable.

Le président: Je suis sûr que vous serez là tout au long de l'examen. Je suis sûr que s'il se produit quelque chose, nous pourrons y faire face. Sur la question du droit de vote, je pense que c'est assez clair; je ne pense pas que ce soit possible.

M. Bryden: Oui, c'est bien.

Le président: Je ne pense pas que vous devriez voter. Je ne le dis pas du tout par dépit; je pense simplement que ce serait plus raisonnable.

La séance levée.

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