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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 8 juin 1995

.1143

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Nous accueillons aujourd'hui le ministre M. Marcel Massé. Il est ici à la demande du Bloc québécois, l'opposition officielle. En vertu du Règlement de la Chambre, l'opposition officielle a le droit de demander un prolongement de dix jours pour l'étude du Budget des dépenses d'un ministère. Le Bloc a exercé ce droit accordé à l'Opposition officielle; par conséquent, M. Massé est ici aujourd'hui dans le cadre du prolongement accordé pour l'étude du Budget des dépenses.

Je ne crois pas que M. Massé désire faire des remarques liminaires. Je crois que nous savons tous ce dont M. Marchand va parler. Il peut donc nous donner sa perspective sur la question, à savoir que la province du Québec paie deux fois les factures pour la crise d'Oka, l'éducation des Cris dans le Nord du Québec et des cotisations à un programme de stabilisation du revenu qui remontent à environ quatre ans.

Mais avant de passer à M. Marchand, j'aimerais que le ministre nous donne brièvement son point de vue sur ces questions. Ensuite, nous allons donner la parole au Bloc.

L'honorable Marcel Massé (président, Conseil privé de la Reine du Canada, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable pour le renouveau de la Fonction publique): Merci, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir l'occasion de rencontrer le Comité encore une fois afin d'apporter d'autres explications sur des questions qui sont importantes aujourd'hui et le seront également à l'avenir.

.1145

[Français]

Monsieur le président, j'aimerais d'abord vous présenter ceux qui m'accompagnent. Ce sont Ronald Bilodeau, mon sous-ministre et secrétaire associé au Cabinet pour les relations intergouvernementales, Bill Pratt, sous-ministre adjoint pour les services ministériels, et Eileen Boyd, directrice des services financiers.

Vous avez posé des questions sur trois réclamations dont l'une avait à voir avec certains coûts associés aux opérations à Oka.

[Traduction]

Comme vous le savez, on a demandé, à un certain moment, l'intervention de la Sûreté du Québec, ainsi que l'intervention des Services canadiens, notamment les Forces de défense canadiennes. En fait, les forces de défense canadiennes ont dépensé plus de 122 millions de dollars à l'époque pour contrôler la situation et la résoudre sans violence, ce qui était l'objectif de l'opération.

À l'époque, on a eu recours à une loi fédérale autorisant le gouvernement fédéral à octroyer de l'aide, normalement dans des cas de dommages physiques subis par une propriété ou par une personne, dans des cas d'urgence physique ou naturelle, tels des inondations ou des tremblements de terre, afin de permettre au gouvernement fédéral de payer certains coûts encourus par la province du Québec au cours de la Crise d'Oka. Jusqu'à présent, nous avons payé environ 5 millions de dollars, et on a reçu des revendications pour d'autres montants additionnels importants.

Le gouvernement fédéral a étudié ces revendications, mais la question est controversée, et d'aucuns se demandent si elles tombent sous la Loi sur les mesures d'urgence.

Puisque nous voulons être absolument justes envers les contribuables canadiens, y compris les contribuables québécois, nous ne pouvons pas payer les sommes revendiquées à moins d'être certains qu'elles sont légitimes. Je crois que nous avons bien fait en demandant à une tierce partie reconnue pour sa crédibilité à travers le pays, le vérificateur général, d'étudier les diverses revendications et factures afin de déterminer lesquelles sont légitimes et lesquelles ne le sont pas, et de nous conseiller en la matière. Nous nous attendons à recevoir son rapport en juin ou juillet.

Les montants revendiqués ne seront pas considérés légitimes d'être déclarés justifiables. Par conséquent, il serait illogique de payer la note à moins d'être certain que les revendications sont fondées.

Dans le deuxième cas, l'éducation des peuples autochtones dans le nord du Québec, vous vous souviendrez sans doute de la convention de la Baie James et du Nord québécois, adoptée en 1975 ou 1976. En vertu de la convention, le gouvernement fédéral doit payer pour l'éducation des peuples d'origine autochtone et la province du Québec doit payer pour l'éducation des personnes d'origine non autochtone. De plus, les budgets pour l'éducation doivent être présentés afin que le gouvernement fédéral puisse déterminer si les sommes réclamées sont conformes aux règles et règlement. C'est un processus tout à fait normal, comme vous le voyez, qui nous permet d'être responsables des sommes que nous payons.

Au cours de la période en question, nous n'avons pas reçu l'information nécessaire de la province du Québec, et par conséquent, nous avons payé la somme que nous croyons était due, qui, d'ailleurs, représente une somme considérable, soit environ 464 millions de dollars.

.1150

N'oubliez pas que dans cette région, dépendamment de la commission scolaire, jusqu'à 25 p. 100 des étudiants peuvent être d'origine non autochtone et, par conséquent, ils relèvent de la province du Québec, puisque l'éducation est de compétence provinciale. Dans ce cas-ci, nous avons indiqué très clairement que nous allons payer notre part, mais nous avons une responsabilité envers les contribuables canadiens, soit d'obtenir des preuves, tel que stipulé dans la convention signée par le gouvernement fédéral et la province du Québec.

Lorsque j'ai rencontré mon homologue, Mme Beaudoin, il y a quelques semaines, nous en avons parlé.

Il y a environ une semaine, j'ai envoyé une lettre indiquant que, malheureusement, nous ne pouvons pas simplement payer un montant qui semblerait représenter un compromis, puisque nous devons montrer aux contribuables canadiens que nous avons respecté la disposition pertinente contenue dans la Convention e la Baie James, et que nous devons avoir l'information nécessaire nous permettant de déterminer si nous devons l'argent ou pas.

Ceci ne représente évidemment pas le comportement d'un gouvernement qui veut se défiler de ses obligations; c'est plutôt le comportement d'un gouverement qui sait pertinemment que ses contribuables, y compris les contribuables québécois, veulent qu'ils paient une facture qui est justifiée et légitime.

Le troisième cas concerne le programme des paiements de stabilisation, qui est régi par une loi établissant les critères de paiement de stabilisation dus à une province. Nous avons envoyé des paiements de stabilisation à certaines provinces, y compris, plus de 100 millions de dollars en 1992-93. Donc, il est évident que nous ne cherchons pas à retarder les paiements. Notre position est que nous effectuons les paiements selon les critères établis. Le ministre des Finances est le ministre fédéral autorisé à déterminer quels paiements doivent être faits.

Je dois vous signaler aussi qu'il existe des dispositions, par exemple, régissant les paiements faits par le gouvernement fédéral à l'intention d'une province qui éprouve des difficultés financières à cause d'une baisse de revenus. Nous sommes, évidemment, prêts à compenser une province pour des événements imprévus, surtout s'ils échappent au contrôle du gouvernement provincial. Mais si, par exemple, un gouvernement provincial décide de réduire ses impôts, ou son taux d'imposition, et s'il nous demande ensuite de l'indemniser, c'est évidemment inacceptable. La loi prévoit ce genre de règle.

Dans le cas qui nous concerne, nous avons conclu que nous ne devons pas payer les montants réclamés. Il ne nous incombe pas de les payer. Par contre, nous avons peut-être fait une mauvaise interprétation de la loi, et nous avons indiqué à la province du Québec que si elle croit que nous avons tort, elle peut toujours s'adresser aux tribunaux. Si ces derniers jugent que notre interprétation de la loi est mauvaise, évidemment nous payerons.

Mais à notre avis, nous ne devons pas cet argent. Nous ne cherchons donc pas à reporter le paiement; nous avons simplement décidé que nous ne devons rien, et que nous n'allons pas payer. Je crois que les contribuables canadiens partageraient notre avis.

Le président: Merci.

Monsieur Marchand, vous avez huit minutes.

[Français]

M. Marchand (Québec-Est): J'espère que la coopération entre le Parti libéral et le Bloc va continuer comme elle s'est manifestée ce matin en Chambre et que nous obtiendrons des réponses à nos questions sur cette somme due au Québec.

Comme vous le savez, monsieur Massé, il s'agit d'une somme considérable. Elle dépasse les 300 millions de dollars. Pour ce qui est d'Oka, des autochtones dans le Nord et de la stabilisation, ce sont trois cas relativement complexes, mais il y a aussi des ententes qui ont bel et bien été signées.

C'est aussi une question de temps, d'années. Cela fait longtemps que le Québec réclame ces sommes-là. C'est vrai que le fédéral a contribué, dans le cas d'Oka, environ 5 millions de dollars sur une dette d'environ 84 millions de dollars. Il reste quand même des sommes considérables à payer et j'ai l'impression que le gouvernement fédéral est en train de mettre des bâtons dans les roues du dossier des revendications québécoises.

.1155

Il y a vraiment un manque de bonne volonté de la part du fédéral. C'est peut-être rattaché au même esprit qui a prévalu dans le cas de la dette due au Québec pour le référendum de 1992. Finalement, le fédéral a dû payer 35 millions de dollars. On a même dû faire des pressions et un député, en Chambre, a accusé le premier ministre du Canada de mentir dans cette affaire et d'avoir délibérément empêché le règlement de ce dossier. Selon vous, cette attitude de non-coopération et cette volonté de punir le Québec se manifestent-elles encore dans les trois dossiers qui traînent depuis un bon moment?

M. Massé: Il y a ici une différence d'interprétation de la substance du dossier. L'explication que j'ai donnée indique très clairement que nous ne considérons pas qu'il y ait une dette due. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un délai. Nous contestons clairement, pour les raisons que j'ai indiquées, qu'il s'agit d'une dette due au Québec. Ce sont des sommes considérables: le total est de 300 millions de dollars environ.

Mais le total pourrait être de 400 ou 500 millions de dollars et la question serait la même: le montant est-il dû? J'ai indiqué, dans chacun des trois cas, les procédures que nous suivrons et le processus que nous avons mis en place pour régler le problème.

Dans le cas d'Oka, nous ne croyons pas que ce sont des sommes dues et, par conséquent, nous avons demandé à une tierce partie crédible de déterminer si les sommes sont dues. Je pense que c'est le processus correct et qu'aucune personne de bonne foi ne peut nous reprocher de ne pas remplir nos obligations.

M. Marchand: Vous savez, monsieur le ministre...

M. Massé: Attendez, je n'ai pas fini.

Dans le deuxième cas, celui de la dette des autochtones, il est vrai que des accords ont été signées par les deux parties. Mais il faut voir également que la province de Québec n'a pas argumenté qu'elle avait rempli sa partie du contrat. Elle ne nous a pas donné l'information qui nous permettrait de déterminer si les 464 millions de dollars que nous avons payés constituent notre part de la dette ou s'il reste un résidu.

J'ai indiqué très clairement, publiquement et dans mes lettres à Louise Beaudoin, que si la province de Québec nous fournissait les documents qu'elle est obligée de nous fournir d'après les accords de la Baie de James qu'elle a signés, nous serions tout à fait prêts à régler ce dossier suivant les informations données.

Dans le troisième cas, celui des paiements pour les compensations financières, encore une fois, notre interprétation de la loi nous semble très claire: nous ne devons pas cet argent.

Il y a une différence claire entre ces cas et la dette du référendum. Il est devenu clair, pendant le processus, que M. Mulroney avait fait des promesses qui n'avaient pas été tenues par son gouvernement. Si vous vous rappelez, il ne s'est pas écoulé 24 heures entre le moment oùM. Mulroney a fait parvenir son message et celui où nous avons payé l'argent. Dans ce cas-là également, nous avions indiqué clairement que nous paierions une fois la preuve faite et, une fois la preuve faite, nous avons payé.

M. Marchand: Il y a peut-être des différences par rapport au temps et à la longueur des efforts nécessaires pour obliger le gouvernement à rembourser une dette. On sait que le premier ministre a fait traîner cela en longueur

.1200

Je reviens à la crise d'Oka. Vous savez que le gouvernement fédéral a une responsabilité toute particulière envers les autochtones. On sait aussi que la crise d'Oka a été passablement sérieuse. Le fédéral a payé une partie de cette dette, soit 5 millions de dollars sur un total de 84 millions de dollars. Pourquoi s'arrête-t-il là? Pourquoi le fédéral n'a-t-il pas contribué plus d'argent, au moins la moitié ou plus des sommes dues?

C'est dû. C'est cela, la question. Même si vous dites que ce n'est pas dû, on a déjà prouvé, dans le cas du référendum de 1992, que le gouvernement fédéral devait des sommes au provincial. Dans les cas d'Oka et de l'entente pour l'éducation des jeunes autochtones dans le nord du Québec, c'est la même chose.

Pourquoi, dans le cas d'Oka, là où vous avez une responsabilité envers les autochtones, avez-vous contribué une petite somme, alors que les dépenses associées à cette crise ont été considérables? Vous avez une responsabilité fédérale. Les autochtones sont une responsabilité fédérale. Pourquoi n'avoir payé qu'une aussi petite somme et pourquoi, dans ce cas-là, passez-vous par le vérificateur général? C'est une chose inusitée et anormale. N'est-ce pas là une autre façon de ralentir le processus de règlement dans ce dossier?

[Traduction]

Le président: Je tiens à vous rappeler que lorsqu'on fait des discours, cela prend du temps. Nous avons déjà dépassé la limite de temps pour ce tour de questions, mais je vais tout de même vous permettre de répondre à la question, monsieur Massé.

M. Massé: Merci, monsieur le président.

[Français]

D'abord, il n'est pas entièrement logique de dire qu'une somme était due dans le cas du référendum de 1992. Par conséquent, cela veut dire que la dette est due dans d'autres dossiers tout à fait différents. Il y a là une logique qui m'échappe légèrement.

D'autre part, dans le cas d'Oka, c'est une question autochtone, mais il faut se rappeler que l'administration de la justice est une responsabilité provinciale. C'est la raison pour laquelle ce sont les autorités provinciales, la Sûreté du Québec, qui avaient commencé à s'occuper de ce qui se passait à Oka sans demander l'intervention du fédéral parce que c'était de compétence provinciale.

Nous veillons à respecter à la lettre les compétences provinciales. Nous sommes tout à fait respectueux de ces questions-là. Ce n'est que lorsque le Québec lui-même a demandé au fédéral d'intervenir que nous sommes intervenus. Également, Oka n'est pas une réserve. Ces points-la ont été signalés pour indiquer qu'il s'agit d'un dossier où le fédéral a sûrement fait preuve d'une compréhension extraordinaire. Nous avons payé 5 millions de dollars parce que c'était la facture qui correspondait aux règlements de Loi sur les mesures d'urgence. Les autres factures, à notre avis, ne correspondent pas de façon claire aux règlements de la loi.

Nous avons fait appel au vérificateur général pour que notre jugement ne soit pas final. Nous voulions obtenir le jugement d'une tierce partie crédible et spécialiste de ces questions-là. Cela nous permettra de respecter à la fois les droits du Québec, s'il y en a, et les droits des contribuables canadiens, y compris les contribuables québécois.

[Traduction]

Le président: Merci.

Je donne la parole à M. Strahl pour huit minutes.

M. Strahl (Fraser Valley-Est): J'aimerais vous remercier de votre présence, monsieur le ministre.

Je voudrais prendre quelques minutes pour vous interroger au sujet d'une question à laquelle on consacre énormément de paragraphes, non seulement dans votre document Perspectives mais dans les prévisions budgétaires en général. Comme vous le savez, c'est une question qui m'intéresse beaucoup - l'examen des programmes et tout ce qui l'entoure.

L'examen des programmes s'est déclenché avec deux petites phrases qu'on retrouve dans le premier budget du gouvernement. À l'époque, aucun projet précis ni aucun détail n'a été fourni au sujet de l'ampleur ou du coût de cette initiative. Tout ce processus a été déclenché en raison d'une observation peu réfléchie faite lors du dépôt du premier budget libéral. Or, cette question domine à présent le programme du gouvernement à bien des égards, y compris sur le plan du budget, etc.

.1205

Je tiens à vous dire aujourd'hui à quel point je suis frustré de ne pouvoir obtenir un exemplaire du moindre document portant sur l'examen des programmes. Je pourrais d'ailleurs vous citer deux ou trois extraits d'articles récemment publiés dans des journaux locaux qui décrivent bien les conséquences du manque de documentation à ce sujet: «La crainte et le dégoût de plusieurs milliers de fonctionnaires, qui ignorent toujours leur sort, s'intensifient», ou encore «Travailleurs industriels outrés d'apprendre que Harry Swain, sous-ministre de Manley, venait de tenir des séances d'information pour les employés». Même si je ne suis pas sûr de comprendre pourquoi ils étaient «outrés», j'ai tout de même l'impression que tout cela n'aide pas tellement à établir de bons rapports avec les fonctionnaires.

En mai de cette année, le nombre de ministères qui seraient le plus touchés par ces mesures est passé de 11 à 15. Tout d'un coup, on a décidé d'ajouter quatre autres ministères à la liste. Je ne sais pas s'il s'agissait d'une décision spontanée ou non, mais je sais que quatre autres organismes ont obtenu le droit d'offrir le programme d'incitation au départ.

Il y a quelques semaines, on a annoncé que les deux- tiers des Centres d'emploi du Canada pourraient fermer leurs portes. Je suppose que c'est en raison de l'examen des programmes, mais un porte-parole du ministère a dit qu'aucune décision n'a encore été prise quant à la procédure à suivre dans ce contexte.

Ce sont les fonctionnaires qui subissent les conséquences de toute cette indécision, et il est toujours impossible d'obtenir le moindre document de votre ministère concernant l'examen des programmes. Tout ce que j'ai pu obtenir - et je pourrais vous montrer toute une pile de documents, y compris les lettres et les demandes d'accès à l'information que j'ai envoyées à droite et à gauche - c'est qu'on donne suite à une demande particulière qui est passée par la Bibliothèque du Parlement dans le contexte d'une demande d'accès à l'information. On m'a dit qu'il serait possible de me fournir des extraits du document en question si j'étais disposé à payer 550$. Ils ne savaient pas au juste combien cela pourrait coûter, mais ils m'ont bien dit que cela coûterait au moins cette somme pour en obtenir des extraits.

Donc, ma préoccupation concerne l'impossibilité d'obtenir des documents. Est-ce parce qu'il n'y en a pas à obtenir? Est-ce qu'on continue à les rédiger, peut-être? Ou est-ce simplement parce que tout ce processus a été improvisé? Existe-t-il vraiment des documents au sujet de l'examen des programmes ou non? Voilà donc ma première question.

Deuxièmement, a-t-on l'intention d'élargir cet examen? Va-t-il viser davantage de ministères et d'activités? Nous ne savons toujours pas combien va coûter l'examen des programmes ni combien de ministères en seront touchés. Au lieu de rassurer les fonctionnaires, tout cela commence à les inquiéter gravement. Le gouvernement semble peu disposé à publier des documents qui nous permettraient de savoir quelle và être la nouvelle orientation.

Voilà donc pour mes questions.

M. Massé: Monsieur le président, on vient de me poser plusieurs questions auxquelles je vais essayer de répondre au mieux de mes compétences.

D'abord, il n'y a pas d'observation peu réfléchie dans un budget. Mon expérience à la tête d'un ministère m'a appris qu'il faut bien choisir tous les mots. En l'occurence, deux lignes ont en effet déclenché un processus extrêmement important en ce qui concerne le deuxième budget.

Quant à l'examen des programmes et les documents qui sont à la base de ce dernier, vous vous souviendrez que le premier document rédigé par les ministères était un plan d'action stratégique. Peut-être conviendrait-il que je remonte un peu en arrière pour vous expliquer l'évolution du projet.

L'objet de l'examen des programmes était d'étudier les programmes gouvernementaux et de déterminer, ministère par ministère, quels étaient les rôles et les responsabilités fondamentaux de chaque ministère; dans quelle mesure les services fournis par ces ministères correspondaient à l'intérêt national; dans quelle mesure ils répondaient à six critères différents y compris le critère du fédéralisme; dans quelle mesure ils pourraient être plus efficaces, etc. Tout cela a été rendu public, et vous avez d'ailleurs obtenu le document en question.

.1210

Chacun des 22 ministères a rédigé un plan d'action stratégique, et j'ai voulu savoir pourquoi ces plans d'action stratégiques ne pourraient pas être rendus publics. On m'a dit qu'il s'agissait de documents confidentiels du Cabinet et c'est exact en ce sens qu'ils sont à la base même du processus décisionnel, puiqu'un ministre a proposé un certain budget qui était ensuite soumis à l'approbation du comité chargé de l'examen des programmes pour le ministère en question. Dans plusieurs cas, la décision collégiale qui a été prise était différente de la proposition.

Si nous respectons le principe de la solidarité du Cabinet, c'est pour que tous les ministres puissent compter sur cette solidarité même quand les avis sont partagés. Ainsi il s'agit de documents confidentiels du Cabinet qui sont considérés comme des documents protégés.

Puisqu'il fallait que chaque ministère précise ses perspectives - autrement dit, éliminer les secteurs les plus difficiles et tenir compte des décisions présentées dans le budget - chaque ministère a dû préparer un document pour indiquer en quoi consisteraient ses principaux rôles et responsabilités. Ce document de perspectives va donc orienter les activités futures de chaque ministère.

Nous ne sommes pas en mesure de mettre à la disposition du public l'ensemble des documents en question, mais nous essayons de rendre public un maximum d'informations.

Vous m'avez également demandé s'il était possible que cette initiative prenne encore de l'ampleur. Comme je viens de vous l'expliquer, le principal objectif de l'examen des programme était d'ordre administratif, c'est-à-dire d'examiner les rôles et responsabilités du gouvernement dans son ensemble, mais il fallait aussi que les besoins budgétaires des ministères cadrent avec le plan financier du gouvernement.

À l'heure actuelle, comme nous l'avons indiqué l'année dernière... À la page 36 du document d'accompagnement qui présente les résultats de l'examen des programmes et une comparaison de l'année 1994-1995 et de l'année 1996-1997, etc - et ce même tableau figure dans le budget - vous pouvez voir vous même les résultats du point de vue du budget global de chaque ministère. Ony indique, par exmeple, que sur trois ans, le ministère des Transports va réduire ses dépenses de50 p. 100 en chiffres absolus. Le document «Perspectives» va vous apprendre que le ministère des Transports a changé ses principaux rôles et responsabiltiés, puique au lieu d'être un ministère qui administre les réseaux de transport, tels que Canadian National, il se charge à présent d'élaborer des politiques et des règlements et de s'occuper de questions de sécurité. Autrement dit, ses rôles et objectifs ont été réduits, et nous avons voulu faire en sorte que le ministère des Transports puisse se concentrer sur des activités essentielles dans le contexte d'une économie moderne; voilà pourquoi nous avons réduit de moitié son budget sur une période de trois ans.

Il va sans dire que nous devons suivre de très près l'évolution de l'examen des programmes pour nous assurer que la mise en oeuvre se fait de façon efficace. Il est clair qu'il reste encore un certain nombre de questions à régler. Un certain nombre de postes indiqués dans le budget n'ont pas encore fait l'objet d'une décision finale, et nous devons donc passer par l'examen des programmes pour nous assurer que la mise en oeuvre suit son cours normal, que toutes les questions que nous n'avons pas pu régler pendant le processus budgétaire vont l'être maintenant, et que nous prenions des mesures qui s'imposent pour faire face aux nouveaux problèmes qui se présentent, surtout s'il y a des fluctuations mineures au niveau de la somme requise pour le programme financier du gouvernement.

Donc, l'initiative se poursuit, mais il n'est pas question cette année de revoir en profondeur les activités ministérielles, ministère par ministère. Le rôle est différent à présent. Nous devons nous assurer de la bonne mise en oeuvre du programme triennal.

Le président: Je pense qu'il va falloir y revenir plus tard. Nous avons déjà épuisé le temps prévu pour ce tour de question.

Comme personne à ma droite ne m'a indiqué son désir de prendre la parole, je passe tout de suite à M. Marchand du Bloc québécois pour cinq minutes.

[Français]

M. Marchand: Monsieur le ministre, vous avez dit que le fédéral respectait toujours la juridiction provinciale. Je trouve cette remarque plutôt cynique. Avec tout le respect que je vous dois, je vous dirai que l'on sait que le fédéral n'a jamais respecté les compétences provinciales, non plus que la Constitution canadienne d'ailleurs.

M. Bellemare (Carleton - Gloucester): Un instant. Je n'accepte pas que vous disiez que le gouvernement du Canada ne respecte pas la Constitution canadienne.

M. Marchand: Eh bien, c'est cela. Il est bien connu qu'il n'a pas respecté les compétences provinciales. C'est par son pouvoir de dépenser qu'il a occupé les champs de compétence provinciaux. Personne ne peut contester cela.

.1215

Je voudrais revenir sur la question litigieuse des trois dossiers que Mme Beaudoin vous avait soumis. En ce qui a trait à la crise d'Oka, je peux conclure qu'il va y aura une décision finale à la suite du rapport du vérificateur général, possiblement au mois de juillet, si j'ai bien compris. Dans les deux autres cas, je me demande si les décisions sont prises, s'il y a des négociations qui se poursuivent et pourquoi ces deux cas n'ont pas également été soumis à une vérification ou à une décision d'une tierce partie.

M. Massé: D'abord, la question de respecter les compétences provinciales doit être interprétée d'une certaine façon, parce qu'au point de vue juridique, le gouvernement fédéral ne peut agir que si ce qu'il fait est constitutionnel. Par conséquent, toutes nos actions respectent la Constitution. Autrement, elles auraient été mises de côté par la Cour suprême. Cela étant dit, cela fera peut-être l'objet d'une discussion ultérieure.

Sur la première question, vous avez raison. Nous attendons le rapport du vérificateur général au mois de juillet et cela devrait nous permettre de clore ce dossier.

Sur la question des autochtones, nous attendons actuellement de l'information du gouvernement du Québec. J'ai indiqué dans ma lettre à Louise Beaudoin quels étaient les points d'information spécifiques dont nous avions besoin, y compris le nombre d'élèves, les budgets, les immobilisations d'écoles, etc. Quand nous aurons eu cette information et que les fonctionnaires en auront discuté, on pourra probablement en arriver à un accord qui correspondra aux faits. Comme dans toute négociation fédérale-provinciale, cela fait partie du rôle de mon ministère que de régler de tels problèmes jour après jour. C'est ce que nous faisons.

Dans le cas du programme de stabilisation, le jugement a été rendu par le ministre des Finances, ce qui lui appartient selon la loi, selon l'interprétation des critères. Nous avons indiqué que le processus d'appel en est un qui passe par les cours de justice. Nous avons indiqué très clairement que si la province de Québec croit que nous avons mal interprété les conditions, elle peut se prévaloir du recours normal qui existe, soit les cours de justice.

Par conséquent, pour nous, ce dossier est clos. Nous sommes convaincus que nous ne devons pas un cent. Nous avons élaboré un processus qui, je crois, est équitable et qui permet à n'importe quelle province, si elle juge que nous avons eu tort, d'essayer de le prouver devant une cour de justice.

M. Marchand: Donc, dans le dossier de l'éducation des autochtones dans le nord du Québec - vous savez qu'il traîne depuis presque 1986, depuis presque dix ans - vous n'avez pas de données. Est-ce parce que le gouvernement fédéral est préoccupé par le fait que le gouvernement du Québec contribue plus que sa part à assurer une éducation de bonne qualité aux autochtones du nord du Québec?

M. Massé: Je ne sais évidemment pas ce que le Québec a dépensé dans ces cas-là et si cela correspond à une norme quelconque, parce que le gouvernement du Québec ne nous a pas donné suffisamment d'information pour que nous puissions tirer une conclusion. Dans ce cas-là, on a essayé à plusieurs reprises d'en arriver à des ententes. La dernière a été faite en 1989, si je me rappelle bien, par le gouvernement fédéral.

Nous sommes arrivés à une entente possible que la province de Québec a refusée parce qu'elle a dit que nous avions incorrectement interprété les données, etc. Cela veut dire qu'à présent, il faut que les fonctionnaires se rencontrent et que de l'information supplémentaire soit donnée. Dans ce cas-là, mon opinion, qui est peut-être biaisée, est que la province de Québec n'a pas donné l'information qui devait nous être donnée selon l'entente de la Baie James. Je suis convaincu que lorsque cette information aura été donnée, analysée, etc., il sera possible d'en arriver à une entente raisonnable.

.1220

[Traduction]

Le président: Merci.

Monsieur Epp, vous avez cinq minutes.

M. Epp (Elk Island): Merci, monsieur le ministre, de votre présence. J'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord, je voudrais faire quelques observations concernant votre réponse à mon honorable collègue au sujet de l'ingérence par le gouvernement fédéral dans les questions relevant de la responsabilité des provinces.

Je ne veux pas débattre longuement la question, car je suis convaincu que nous ne serons jamais du même avis à ce sujet. En réalité, ce que vous avez fait est probablement conforme à la Constitution, mais le résultat reste inconstitutionnel. Autrement dit, en exerçant de cette façon son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral prélève des impôts auprès des citoyens du pays, qui sont à la fois résidents de la province et résidents du Canada, et décide ensuite de façon tout à fait arbitraire quelle somme sera transférée aux provinces, et dans quelles conditions.

Dans le secteur de la santé, par exemple, le gouvernement fédéral s'est bel et bien ingéré dans un domaine de responsabilité provinciale exclusive sans vraiment enfreindre la Constitution, en tant que telle, car dire aux provinces: «Nous allons vous donner un coup de main» semble assez anodin. Donc, on commence par leur offrir des crédits dans ce secteur sans conditions, mais on finit, évidemment, par prévoir toutes sortes de restrictions.

Autrement dit, le gouvernement nous prend notre argent et c'est lui qui décide ensuite de nous le rendre ou non, tout cela conformément à la Constitution, bien qu'il s'agisse dans la pratique d'une ingérence réelle dans un domaine de compétence qui est exclusivement provincial, d'après la Constitution.

Si vous voulez y répondre, je suis disposé à vous donner l'occasion de le faire. Ce n'est pas vraiment cette question que je voulais aborder avec vous aujourd'hui, mais je suppose qu'il serait injuste que je fasse ces commentaires sans vous laisser l'occasion de répondre.

M. Massé: Monsieur le président, cette question revêt évidemment une question capitale, car elle est à la base même du régime qui lie les gouvernements fédéral et provinciaux. A ce sujet, je tiens à soulever quelques questions importantes.

Le gouvernement fédéral ne pourrait jamais s'occuper de ces questions - de questions de santé, par exemple - si ce droit ne lui était pas reconnu dans la Constitution. Eh bien, toute une série d'affaires réglées devant les tribunaux indique qu'au terme de la Constitution, le gouvernement fédéral a le droit d'intervenir dans ces domaines.

Notre participation passe, bien entendu, comme vous l'avez dit vous-même, par les transferts pour les soins de santé qui sont versés lorsque certaines conditions sont remplies, conformément à la Loi canadienne sur la santé. Mais dans ce secteur, le problème semble moins constitutionnel que politique. La question qu'il faut se poser - car nous, de même que les représentants provinciaux, sommes élus par les citoyens canadiens - est celle de savoir comment les Canadiens souhaitent que les représentants élus au niveau fédéral exercent les pouvoirs qui relèvent du gouvernement fédéral. Et j'insiste sur le fait que ces pouvoirs relèvent du gouvernement fédéral, car encore une fois, nous ne pourrions nous occuper de ces questions si nous n'en avions pas le pouvoir.

Il est clair que les gouvernements successifs, quelles que soient leurs affiliations politiques, sont tous arrivés à la conclusion que les citoyens canadiens souhaitaient que le gouvernement fédéral prélève des impôts afin de redistribuer les données publiques par le biais d'une série de programmes qui permettent de garantir que les services fournis par les provinces, que les provinces soient riches ou pauvres, soient essentiellement les mêmes. Il y a évidemment les paiements de péréquation, mais ce même arrangement existe pour d'autres services, et notamment les services sociaux.

M. Epp: Sauf votre respect, monsieur le ministre, je trouve étonnant qu'avec tous les gens très intelligents que nous avons réunis à Ottawa, non seulement au sein de la bureaucratie mais parmi les représentants élus, qu'aucun d'entre eux comprenne que ce qui arrive actuellement au Québec est un symptôme de ce même problème, et qu'il est tout à fait possible de régler ce problème. J'avoue que je trouve cela tout à fait étonnant.

Je voudrais vous poser une question sur le même sujet. C'est justement ce que j'envisageais de faire, même si je suis à peu près sûr de manquer de temps.

Nous venons d'examiner le plan de dépenses de la Chambre des communes prévu au budget. Tout cela a été approuvé hier, alors c'est un peu ridicule d'en parler maintenant, mais il me semble que ce qui manque dans les prévisions budgétaires, c'est une indication de la somme que le gouvernement compte dépenser pour le référendum qui se tiendra au Québec. Vu le nombre de députés ayant fait des déclarations à la Chambre au cours des deux ou trois dernières semaines en vue de donner un coup de pouce au Parti libéral provincial, il semble clair que le gouvernement actuellement au pouvoir s'intéresse beaucoup à la politique provinciale.

Donc, non seulement on ne déclare pas qu'il s'agit d'une dépense fiscale, mais tout va être payé par les contribuables. J'avoue que je trouve cela tout à fait inadmissible.

Mais il est tout à fait possible, j'en suis sûr... Et je pense que le gouvernement fédéral a sans doute un rôle plus légitime à jouer dans le référendum qui va se tenir au Québec si sa participation est plus ou moins constante.

.1225

J'aimerais vraiment savoir si le gouvernement envisage de dépenser certaines sommes pour le référendum au Québec et s'il compte y participer. Dans l'affirmative, combien va-t-il dépenser? Les crédits utilisés à cette fin seront-il limités, et sera-t-il posible d'examiner les décisions prises?

M. Massé: D'abord, il est clair que le gouvernement fédéral va participer au référendum au Québec. Aux termes de la loi provinciale, il existe déjà un instrument qui nous permet de le faire. Aux termes de cette loi, le comité du Oui et le comité du Non sont créés pour la durée de la période référendaire. Nous siégeons au comité du Non.

Le chef du comité du Oui est le premier ministre du Québec, et le chef du comité du Non est Daniel Johnson, chef du parti de l'opposition au Québec. Nous y sommes représentés par ma collègue, Lucienne Robillard. Il ne fait aucun doute que nous allons jouer notre rôle dans ce contexte, car il y va de l'unité canadienne.

En même temps, les comités du Oui et du Non sont d'accord pour dire que c'est aux Québécois essentiellement de faire leur choix, et les comités en question sont donc structurés de manière à garantir qu'il en soit ainsi. C'est là-dessus que va porter le vote pour l'ensemble des québécois.

M. Epp: Le Parti réformiste aura-t-il accès à la proportion des crédits qui lui revient, c'est-à-dire en fonction du nombre de députés? Aurons-nous un sixième des crédits pour nous permettre de participer à la campagne?

Le président: Ce sera votre dernière question.

M. Massé: Pour ce qui est de la participation du gouvernement fédéral à la campagne référendaire, qui passe par Mme Robillard, disons simplement que les crédits en question ne pourront pas être utilisés pour n'importe quel genre d'activité. Tout cela est régi par les comités du Oui et du non.

En ce qui concerne le gouvernement fédéral, il s'agit essentiellement des 2,5 millions de dollars dont il est question dans les prévisions budgétaires. Pour l'instant, cet argent sert à payer des gens qui font des analyses, qui suivent de près la situation et qui s'assurent de nous tenir au courant de tout ce qui se passe. De toute façon, vous avez déjà la liste de tous ceux qui font partie du groupe défendant l'unité canadienne. C'est une activité gouvernementale en bonne et due forme. C'est ainsi que l'activité en question sera financée, et c'est tout ce que nous allons dépenser.

M. Epp: Et c'est inadmissible.

Merci.

Le président: Je vous fais remarquer que le ministre n'a plus beaucoup de temps. Nous devions commencer à 11h00, mais à cause des votes à la Chambre, nous avons commencé à 11h41 seulement.

Si nous pouvons vous garder une heure, monsieur Massé, cela nous laisserait encore 10 ou 11 minutes. Cela vous conviendrait?

M. Massé: Oui.

Le président: Allez-y, monsieur Marchand, pour cinq minutes.

[Français]

M. Marchand: En ce qui a trait au référendum au Québec, vous connaissez l'histoire de 1980. Il y avait, et il y a toujours, au Québec une loi qui régit la tenue des référendums et stipule des limites très strictes ayant trait aux dépenses. En 1980, c'était limité à 0,50$ par électeur, ce qui faisait en sorte que chaque comité, le comité du Oui et le comité du Non, avait un plafond de dépenses de2,4 millions de dollars environ.

Mais le comité d'information sur l'unité canadienne du gouvernement Trudeau, dirigé à l'époque par M. Jean Chrétien, a dépensé 17 et peut-être même 25 millions de dollars. On ne connaît pas exactement les chiffres parce que les archives ont été brûlées en 1986, mais on sait qu'entre le mois de janvier et le mois de mai 1980, le gouvernement fédéral a dépensé 11 millions de dollars, ce qui équivaut aujourd'hui à 22 ou 23 millions de dollars, c'est-à-dire deux millions de dollars par mois.

J'estime - on ne peut pas le prouver - qu'en 1980, le gouvernement fédéral n'a pas respecté la loi provinciale régissant les référendums et a agi de façon antidémocratique. Il n'a pas respecté la loi provinciale.

Monsieur le ministre, puisque vous dites que vous êtes du comité du Non et que vous avez utilisé le mot regulated, je suppose que vous allez vous soumettre aux exigences de la Loi référendaire au Québec, ou allez-vous pouvoir dépenser sans limites comme le gouvernement Trudeau l'a fait en 1980?

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M. Massé: Encore une fois, je ne vais pas réexaminer l'histoire et répondre aux arguments qui décrivent ce qui a pu arriver ou ce qui n'est pas arrivé en 1980. La seule chose que je dois dire, c'est qu'il est clair que le gouvernement fédéral a respecté la loi à ce moment-là parce qu'il n'aurait pas pu faire autrement.

M. Marchand: Il n'a pas respecté la loi provinciale, monsieur Massé. C'est très clair.

M. Massé: La loi provinciale, constitutionnellement, ne peut pas obliger le gouvernement fédéral et, par conséquent, la loi provinciale a été respectée.

M. Marchand: Vous vous contredisez nettement. Il y avait une loi, qui existe toujours d'ailleurs, régissant les référendums au Québec. Si le gouvernement fédéral ne respecte pas la loi provinciale qui réglemente les sommes dépensées, le gouvernement fédéral ne respecte pas la loi provinciale.

M. Massé: La situation est que la loi provinciale ne s'applique pas aux activités du gouvernement fédéral dans ce cas-là. Je suggère au député de l'opposition de vérifier auprès de ses avocats et de ceux de son parti pour faire confirmer cette opinion.

M. Marchand: Ce que vous me dites...

M. Massé: Cela étant dit, il est clair que la loi a été respectée en 1980. Il est clair également que nous respecterons la loi cette année.

M. Marchand: Vous vous contredisez, monsieur Massé.

M. Massé: Nous faisons parti du comité du Non et j'ai indiqué de quelle façon nous en faisions partie. Nous ne sommes pas en charge. Nous avons une ministre qui en fait partie, et il ne fait pas de doute que nous désirons, comme tous les Canadiens, y compris les Québécois, que le référendum se tienne le plus rapidement possible, de façon claire, sans équivoque et efficace.

Ce n'est pas nous qui faisons des annonces dans le métro de Montréal. Nous n'avons pas utilisé ce moyen qui est utilisé par le Conseil de la souveraineté du Québec et nous n'avons pas l'intention de faire quelque action que ce soit qui déroge à la loi. C'est clair et précis et je ne crois pas que cela crée un problème.

M. Marchand: Vous nous dites que le gouvernement fédéral ne respectera pas la loi du Québec sur le référendum. Vous venez de dire que le gouvernement fédéral n'est pas tenu de respecter la loi provinciale du Québec sur le référendum, qu'il est au-dessus de cette loi et donc qu'il agira selon sa bonne volonté. C'est ce que vous venez de me dire.

M. Massé: M. Marchand peut comprendre ce que je lui ai dit de la façon qu'il le désire, mais ce que j'ai dit est très clair. La loi a été respectée par le gouvernement fédéral en 1980 et elle le sera encore entièrement cette fois-ci.

Je suis convaincu que les députés du Bloc québécois ou du Parti québécois donneront une interprétation différente à certaines de nos actions, mais je suis également convaincu que pour gagner le référendum, nous n'avons pas besoin de faire quoi que ce soit qui enfreigne la loi. Au contraire, nous sommes convaincus que le bon sens des Québécois va leur permettre de décider ce qui correspond à leurs intérêts propres, c'est-à-dire un Non au référendum.

M. Marchand: Je comprends très bien le français, monsieur Massé. Je comprends que vous allez fouler la loi québécoise encore cette fois-ci, comme le gouvernement libéral l'a fait en 1980. Vous ne respecterez pas la loi québécoise sur le territoire québécois en ce qui a trait au référendum et vous dépasserez les limites établies au Québec, comme M. Trudeau l'a fait à cette époque en dépensant 2 millions de dollars par mois.

M. Massé: Ce sont des allégations.

M. Marchand: Ce ne sont pas des allégations. Ce sont des faits. Monsieur Massé, le gouvernement fédéral n'a pas respecté la loi provinciale en 1980 et là, vous êtes en train de me dire que vous ne la respecterez pas cette fois-ci non plus. Donc, pour ce qui est du gouvernement fédéral, il n'y a pas de limites de dépenses pour le prochain référendum de 1995.

M. Massé: Je ne peux pas être plus clair que je l'ai été et je vais le répéter: le gouvernement fédéral a respecté entièrement la loi en 1980 et le gouvernement fédéral respectera entièrement la loi régissant les référendums en 1995.

.1235

[Traduction]

Le président: Merci.

Il ne nous reste que cinq minutes avec le ministre. J'accorde ce temps à M. Strahl.

M. Strahl: Merci.

Passons au Budget des dépenses lui-même. Comme M. Epp l'a dit, c'est déjà adopté, mais j'ai quelques questions quand même.

Vous avez dit dans le Budget des dépenses de 1993-1994 que le cabinet du premier ministre compterait 68 personnes. En réalité, le nombre d'employés était de 83. Dans le Budget des dépenses de 1994-1995, on a prévu 68 employés une fois de plus, mais à l'heure actuelle, 77 personnes y travaillent. Selon le Budget des dépenses de cette année, 78 personnes y travailleront l'année prochaine. Comment peut-on savoir le nombre d'employés si vous vous trompez de 20 p. 100? Est-ce que cela signifie que 100 personnes y travailleront l'année prochaine, ou avez-vous augmenté ce chiffre à 77 parce que c'est le vrai nombre de personnes qui y travailleront? Comment se fait-il que vous vous trompez d'autant?

M. William Pratt (sous-ministre adjoint, Services ministériels, Bureau du Conseil privé): Ici on parle de ETP, ce qui veut dire des équivalents temps plein. Ces chiffres n'indiquent pas forcément un nombre précis de personnes, mais en réalité, le total annuel -

M. Strahl: Mais quand même, on parle de la même chose. Soixante huit équivalents temps plein sont devenus 83 et ainsi de suite. Alors, on parle de la même chose.

M. Pratt: À mon avis, ce qui compte est le montant pour les salaires de ces équivalents temps plein, ce qui veut dire que même s'il y a peut-être plus de gens, le budget total pour les salaires n'a pas augmenté. Il y aura plus de gens à des niveaux inférieurs, et moins de gens à des niveaux supérieurs.

M. Strahl: Je sais que le temps nous presse. Comme le ministre le sait, je m'intéresse beaucoup au projet de loi C-64, le projet de loi du gouvernement sur l'équité en matière d'emploi. Je crois comprendre que le bureau du Conseil privé sera assujetti aux dispositions du projet de loi. Le ministre propose-t-il que le cabinet de premier ministre sera aussi assujetti aux dispositions du projet de loi C-64? Sera-t-il, lui aussi, assujetti à cette loi?

M. Massé: J'ignore la réponse à cette question. Je demanderais à mes fonctionnaires de répondre.

M. Pratt: Je suppose que si le projet de loi s'applique à toute la fonction publique, il s'appliquerait au cabinet du premier ministre, mais je ne sais pas exactement.

M. Strahl: Je sais que le projet de loi ne précise pas que le cabinet du premier ministre sera assujetti à la loi. Le bureau du Conseil privé est assujetti à la loi, mais on ne précise pas que le cabinet du premier ministre sera assujetti aux dispositions. Comme le personnel du cabinet du premier ministre est si nombreux, je me demandais tout simplement si un plan d'équité en matière d'emploi est en place. Vous ne savez pas?

M. Pratt: Je ne suis pas certain.

M. Strahl: Très bien, merci.

Le président: C'est tout?

[Français]

M. Marchand: Pourrais-je demander à M. le ministre de retarder son départ de deux ou trois minutes pour que je puisse lui poser une ou deux autres questions? Est-ce que je pourrais m'imposer à ce point-là, monsieur le ministre?

M. Massé: Si le président permet la question.

[Traduction]

Le président: Et bien, le ministre est venu à 11h41. Il est maintenant 12h41.

Je vous accorde deux minutes. Pourriez-vous poser votre question en vitesse? Essayez d'être bref.

[Français]

M. Marchand: Ma question porte sur le budget du Conseil privé. On sait que depuis 1990, ce budget est passé de 22 millions de dollars à 31 millions de dollars l'année dernière. À l'époque de Charlottetown, il a même atteint 36 ou 37 millions de dollars.

Vous prévoyez 29 millions de dollars pour cette année. Prévoyez-vous demander des crédits supplémentaires au cours de cette année?

M. Massé: Cela va dépendre d'un certain nombre d'événements que nous ne prévoyons évidemment pas actuellement. Par exemple, pour le groupe sur l'unité, nous avions prévu2,5 millions de dollars parce que nous espérions que le référendum se tiendrait au mois de juin 1995, tel qu'on l'avait promis, ce qui aurait voulu dire que nous n'aurions eu des dépenses spéciales que pour trois mois de l'année.

Maintenant que le référendum a été retardé jusqu'à l'automne, nous devons engager des dépenses supplémentaires que nous aurions bien espéré ne pas avoir à engager.

.1240

Évidemment, à ce moment-là, s'il y a des dépenses supplémentaires qui n'ont pas été prévues ou qui dépendent d'actions comme celles-là, c'est-à-dire des actions qui ne dépendent pas de nous, il se peut que nous ayons des dépenses supplémentaires et que nous soyons obligés de recourir à des allocations supplémentaires.

[Traduction]

Le président: La prochaine question sera la dernière.

[Français]

M. Marchand: Les 2,5 millions de dollars pour le groupe sur l'unité viennent, je pense, du ministère du Patrimoine canadien.

M. Massé: Ce sont des allocations dans les prévisions budgétaires.

M. Marchand: Pour le Conseil privé.

M. Massé: Qui sont allouées au Conseil privé.

M. Marchand: D'accord.

M. Massé: J'ai déjà donné tous les noms des personnes de ce groupe qui travaille pour moi, sous M. Bilodeau, et pour le gouvernement fédéral en général.

M. Marchand: Ce groupe est composée de 60 employés qui travaillent sur la rue Sparks. Vous avez deux ou trois étages. Quel est son budget total? Est-il de 2,5 millions de dollars?

M. Massé: Oui.

[Traduction]

Le président: Cet échange pourrait durer une éternité, monsieur Marchand. Cette réponse sera la dernière.

M. Massé: C'est une question très facile, monsieur le président.

Oui, ce budget sert à payer des gens qui analysent la situation pour nous, surtout pour ce qui est de l'unité nationale au Québec. Ces gens examinent les questions relatives aux communications, des rapports, des analyses et des examens pour que nous soyons tout à fait au courant de ce qui se passe et pour que notre gouvernement puisse réagir quand il est nécessaire de réagir.

Le président: Merci.

[Français]

M. Marchand: Peut-on considérer que cette activité-là est partisane?

[Traduction]

Le président: Je vous en prie, vous avez déjà posé la dernière question.

M. Marchand: C'était la dernière? Ah bon, je croyais avoir droit à une autre.

Le président: Non, je pense que vous exagérez. Merci beaucoup.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'être venu dans des délais relativement brefs. Nous vous en sommes très reconnaissants.

M. Bryden (Hamilton-Wentworth): Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais vous faire part des réactions des journaux de ma circonscription à la décision récente du Comité d'ajourner l'étude du projet de loi C-224. Si des membres du Comité veulent lire cet éditorial, je serais ravi de le leur faire parvenir. À mon avis, ce n'est pas le genre de chose que je devrais distribuer, mais il est très pertinent pour le travail de ce Comité. J'en ai des exemplaires ici.

Le président: Les membres du Comité seraient sans doute contents de le recevoir. Merci.

La séance est levée.

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