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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 28 novembre 1995

.1104

[Traduction]

Le vice-président (M. Mitchell): La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Comme le président est en route, je me propose d'ouvrir la séance et d'accueillir nos témoins de l'Association des comptables généraux agréés du Canada.

Pouvez-vous vous présenter, messieurs?

M. Jean Précourt (président du conseil et chef de la direction, Association des comptables généraux agréés du Canada): Je suis président du conseil de CGA-Canada.

M. Mark Boudreau (directeur, Relations gouvernementales, Association des comptables généraux agréés du Canada): Je suis directeur des relations gouvernementales.

M. George Lozano (directeur adjoint, Relations gouvernementales, Association des comptables généraux agréés du Canada): Je suis directeur adjoint des relations gouvernementales.

Le vice-président (M. Mitchell): Eh bien, nous pourrions commencer par entendre votre exposé après quoi nous inviterons les membres du comité à vous poser des questions. Allez-y.

M. Précourt: Merci.

[Français]

Monsieur le président, j'aimerais tout d'abord vous adresser, ainsi qu'aux membres du comité, mes remerciements pour avoir donné à la Certified General Accountants' Association of Canada l'occasion de pouvoir vous communiquer ses vues sur l'Accord sur le commerce intérieur et sur le projet de loi C-88 portant sur la mise en oeuvre de l'Accord.

CGA-Canada et les 12 associations provinciales et territoriales qui lui sont affiliées représentent plus de 47 000 c.g.a. et étudiants au Canada et à l'étranger.

.1105

Au total, les c.g.a. constituent le quart de la profession comptable au Canada. Ils occupent des postes clés dans les domaines de la gestion financière, de la comptabilité au sein de l'industrie, du commerce, de l'administration et dans des cabinets privés.

[Traduction]

Plus de 20 000 experts-comptables, y compris des c.g.a, des comptables agréés et des comptables en management accrédités, exercent en cabinet privé. Pour eux, le libre accès au marché canadien des services comptables est essentiel pour assurer la continuité de l'expansion et l'amélioration des services. Cependant, un grand nombre de c.g.a ne jouissent pas du droit de pratiquer en privé, dans certaines parties du Canada, ce qui les empêche d'offrir au grand public toute la gamme de leurs compétences et connaissances professionnelles.

Dans certaines provinces, la loi accorde en fait aux comptables agréés le monopole en matière de vérifications externes et d'autres fonctions d'attestation. Ces lois provinciales restrictives ont été adoptées il y a longtemps et confèrent un certain privilège à un titre comptable professionnel en particulier, même si les c.g.a sont tout aussi compétents et sont reconnus comme tels dans la plupart des provinces.

C'est pourquoi CGA-Canada accueille favorablement l'Accord sur le commerce intérieur parce que celui-ci a notamment pour objet d'éliminer les obstacles injustes qui s'opposent au commerce et qu'il pave la voie à l'instauration d'un marché ou prévalent la compétence et la capacité de fournir des biens et des services. C'est le public canadien qui en ressortira gagnant, parce qu'il aura un choix plus vaste et qu'il devra payer moins. Dès lors, CGA-Canada accorde tout son appui aux signataires pour aider à assurer le succès de la mise en oeuvre de l'Accord.

[Français]

CGA-Canada accueille favorablement le projet de loi C-88, parce qu'il permettra la mise en oeuvre, à l'échelle fédérale, d'un accord commercial historique instituant un cadre pour la libéralisation du commerce à l'intérieur de nos frontières.

À l'heure où le Canada planétarise son économie par le truchement de l'Accord sur le libre-échange nord-américain et de la nouvelle Organisation mondiale du commerce, le projet de loi C-88, selon nous, jette les bases qui permettront de mettre en oeuvre l'Accord sur le commerce intérieur et permettra de réduire et de supprimer avec efficacité les entraves au commerce des biens et des services qui existent actuellement dans notre pays.

CGA-Canada estime que le gouvernement fédéral doit continuer à jouer un rôle important au sein de cet accord. Il faut poursuivre les efforts décisifs qui ont abouti à l'accord et préserver cet élan pour s'assurer que les Canadiens bénéficient de la libéralisation du commerce dans les meilleurs délais.

CGA-Canada est très heureuse de l'installation du secrétariat de l'accord à Winnipeg, sous la direction de M. André Dimitrijevic. Le gouvernement fédéral doit désormais collaborer étroitement avec M. Dimitrijevic et accorder tout son soutien pour s'assurer que l'accord sera renforcé et mis en oeuvre dans les plus brefs délais. CGA-Canada se réjouit à la perspective de collaborer avec l'un et l'autre à cette fin.

Néanmoins, CGA-Canada est préoccupée par certains éléments qui affaiblissent considérablement l'accord. La notion d'«objectifs légitimes» prévue par l'accord est certes importante et nécessaire, mais la rédaction actuelle se prête à de multiples interprétations. Les vastes objectifs dits légitimes permettent aux parties de justifier toutes sortes de règlements qui font obstacle à la libre circulation des biens et services entre les provinces. Nous demandons instamment au gouvernement fédéral d'amorcer immédiatement une révision, de concert avec les provinces, pour resserrer certaines dispositions de l'accord et d'y apporter des améliorations pour assurer le succès de sa mise en oeuvre.

.1110

[Traduction]

Pour la profession comptable, le Chapitre 7 est l'un des éléments les plus importants de l'Accord, car il concerne la mobilité géographique des travailleurs. À l'heure actuelle, de nombreuses entraves empêchent les comptables professionnels de proposer leurs services à l'échelle du pays. Les c.g.a ne sont habilités à exercer que dans huit provinces et territoires.

L'ouverture totale du marché canadien de la vérification des comptes et de la comptabilité à des professionnels qualifiés n'est que justice et elle bénéficiera aux consommateurs qui auront un plus grand choix.

Le Chapitre 7 de l'Accord le reconnaît à son article 701. Ce chapitre constate que, nonobstant les réglementations provinciales concernant l'octroi de licence, la certification ou l'inscription, il appartient aux Parties d'aplanir les différences qui peuvent exister entre les normes professionnelles et de faire reposer leurs futures réglementations, le cas échéant, sur les compétences plutôt que sur les différences dans les formations.

Les annexes 708 et 712.2 prévoient une méthode pour homologuer les qualifications et les normes professionnelles et déclinent les priorités des plans de travail pour les actions à réaliser. Notre principale préoccupation à cet égard, c'est que l'Accord ne prévoit pas de calendrier pour les actions précisées dans les annexes 708 et 712.2. À défaut de date-butoir et si le gouvernement ne joue pas un rôle dynamique, dans la meilleure des hypothèses ces mesures importantes pour la mise en oeuvre de l'Accord seront retardées et, dans la pire des hypothèses, elles ne seront pas prises du tout.

CGA-Canada demande instamment au gouvernement fédéral d'insister auprès du Forum des ministres du Travail pour qu'il précise le calendrier, en vue de s'assurer que les travaux importants visant à concilier les différences professionnelles, et donc à supprimer des entraves au commerce, débutante dans les meilleurs délais. Qui plus est, le gouvernement doit donner le ton en animant et en orientant les discussions entre les associations professionnelles dans le but de concilier les différences.

Les marchés publics constituent une part importante du commerce canadien. À son article 501, l'Accord sur le commerce intérieur institue

Cependant, l'annexe 502.1B exclut la comptabilité de la liste des services visés par le Chapitre 5 de l'Accord.

Nous recommandons vivement au gouvernement fédéral d'encourager les parties à supprimer l'annexe 502.1B dans sa totalité ainsi que l'annexe 502.2A qui contient une longue liste des organismes n'étant pas visés par le Chapitre 5.

[Français]

Les procédures de règlement des différends prévues par l'Accord sur le commerce intérieur sont certes équilibrées et répondent à la nécessité de maintenir des relations cordiales entre les parties, mais elles sont entachées de lourdeur et de lenteur. Il faut rationaliser le mécanisme de règlement des différends afin de supprimer, dans les meilleurs délais, les obstacles au commerce.

Les décisions doivent être nettes et sans équivoque, pour que toutes les parties concernées puissent prendre des mesures immédiates. Nous demandons instamment au gouvernement fédéral de contribuer puissamment à améliorer la procédure de règlement des différends en abordant prioritairement cette question dans le cadre de la révision de l'accord.

.1115

CGA-Canada croit fermement que la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, le 1er juillet 1995, est davantage un coup d'envoi que la fin du processus. L'accord laisse de nombreuses questions en suspens.

CGA-Canada est favorable aussi à l'idée que l'Accord sur le commerce intérieur n'est pas immuable. C'est un document dynamique qui évoluera au fil des ans. À notre avis, cet accord est susceptible de grandes améliorations. CGA-Canada pense que les gouvernements et les autres parties intéressées doivent concerter leurs efforts pour améliorer et renforcer sans cesse l'Accord sur le commerce intérieur.

CGA-Canada reconnaît qu'il n'appartient plus au seul gouvernement de faire progresser la libéralisation du commerce intérieur. C'est là une responsabilité qui incombe à tous les Canadiens. CGA-Canada continuera de mobiliser ses ressources pour promouvoir l'accord. Dans cet ordre d'idées, CGA-Canada a proposé au secrétariat interne de l'accord auprès du ministre fédéral de l'Industrie une table ronde ayant pour thème l'Accord sur le commerce intérieur. Cette table ronde, qui se tiendrait sous les auspices de CGA-Canada au printemps de 1996, aurait pour objectif de favoriser une réflexion dans les secteurs public et privé sur les moyens d'améliorer et de promouvoir l'accord.

En plus de collaborer avec ses partenaires dans les secteurs public et privé pour donner toute son efficacité à cet outil de libéralisation des échanges, CGA-Canada coopérera avec le secrétariat de l'accord à Winnipeg pour faire la promotion de l'accord et diffuser des informations sur sa mise en oeuvre, son importance et les mécanisme de règlement des différends auprès des c.g.a. et des autres professionnels à l'échelle nationale. De hauts responsables de CGA-Canada ainsi que des volontaires se rendront disponibles pour participer à des forums, à des comités ou à d'autres instances découlant de l'accord qui nécessitent l'avis d'experts sur les services professionnels, notamment la vérification des comptes et la comptabilité. Enfin, le magazine CGA Canada et d'autres documents publics publiés par CGA-Canada et ses associations provinciales feront la promotion de l'accord.

Pour terminer, CGA-Canada est extrêmement heureuse des vastes débouchés que fait entrevoir l'accord. Voilà qui revitalisera l'économie et améliorera la qualité des biens et des services et abaissera leur prix, pour tous les Canadiens. Qui plus est, la réduction des obstacles au commerce et l'harmonisation des normes au Canada accroîtra notre productivité et nous rendra plus compétitifs au pays et à l'étranger. Cela sera d'autant plus bénéfique que les marchés internationaux s'ouvrent en vertu de l'ALENA et de l'Accord général sur le commerce des services. À notre avis, l'Accord sur le commerce intérieur est un outil de la politique commerciale nationale qui peut être amélioré et optimisé, et le gouvernement fédéral doit jouer un rôle de premier plan à cet égard.

CGA-Canada est disposée à soutenir les efforts que déploie le gouvernement du Canada pour assurer le succès de la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur et en révéler toutes les possibilités, au profit de tous les Canadiens. Merci beaucoup.

[Traduction]

Le vice-président (M. Mitchell): Merci beaucoup, monsieur Précourt.

Nous allons débuter nos questions par M. Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

Je tiens à vous remercier pour votre exposé. Le genre d'aspects dont vous avez parlé correspond précisément à ce qui me préoccupe. Je me propose de vous poser une question tout à fait fondamentale, qui nous servira de base et à partir de laquelle nous pourrons entrer plus dans les détails.

Vous semblez tout à fait favorable à l'Accord sur le commerce intérieur et vous précisez même que vous souhaitez être appelé à collaborer dans toute la mesure du possible pour vous assurer que l'intention visée par l'Accord sera respectée. Mais pensez-vous que cet Accord soit suffisamment solide pour qu'on aille jusqu'à envisager d'entamer un tel processus? Il me semble en effet que vous avez mentionné énormément d'aspects qui, selon moi, en sont à peine au stade des balbutiements. Existe-t-il suffisamment de matière sur laquelle travailler et pour vous permettre de progresser par rapport à la situation actuelle?

.1120

M. Précourt: Je pense qu'il faut voir dans le projet de loi C-88 un moyen de résoudre les désaccords entre les parties. Il faut plus d'une année pour régler un problème et je ne crois pas que le Canada parviendra à être concurrentiel un jour si nous devons systématiquement consacrer une année, voire une année et demie, à chaque problème. Pour ce qui est des spécialistes, et plus particulièrement ceux de mon groupe, il faudrait que l'Accord soit plus précis.

M. Schmidt: Il ne vise pas que votre organisation et il concerne de nombreux autres domaines d'activité. Quoi qu'il en soit, vous êtes ici pour représenter vos intérêts. Je constate d'ailleurs que les c.g.a ont déjà recommandé certains amendements qu'on devrait apporter au projet de loi. J'apprécie tout à fait le sérieux que vous avez consacré à l'examen de ce projet de loi et l'effort que vous y avez investi.

Peut-être pourrions-nous vous demander - maintenant que nous entrons dans les détails - de nous donner une idée des délais qu'il faudrait prévoir dans le projet de loi. À plusieurs reprises, vous avez indiqué qu'il faudrait resserrer les définitions du projet de loi et les assortir de délais de réalisation. Avez-vous des suggestions à nous faire relativement à ces délais, à ces dates-butoirs?

M. Lozano: Je vous répondrai en vous disant que la première étape devrait consister à examiner l'Accord et à préciser des délais dans tous les cas où ce n'est pas fait, surtout en matière de résolution des différends, où l'on dit simplement que les parties entameront des consultations qui s'étendront sur une période prolongée. En outre, une mention préciserait que les négociations pourront être poursuivies au-delà de la date limite, si les parties le désirent.

M. Schmidt: Tout à fait, et c'est ce qui confère tout son sens à l'Accord.

M. Lozano: Exactement. Comme nous sommes très intéressés par la mise en oeuvre des différentes dispositions de l'Accord, notamment de celles traitant de la mobilité de la main-d'oeuvre, nous sommes tout à fait conscients de la nécessité de respecter le délai du mois de juillet 1996, puisque c'est à ce moment-là que les parties sont censées déposer leur plan précisant la façon dont elles envisagent de mettre l'Accord en oeuvre. Ce qui m'inquiète, c'est qu'il n'est actuellement précisé nulle part de quel genre de plan il doit s'agir. Comment déterminera-t-on si ces plans sont satisfaisants? Les parties ne sont soumises à aucune pression véritable pour en arriver à quelque chose de substantiel en 1996. Ce que nous craignons, c'est qu'on se retrouve encore, en 1996, avec des documents proposant un prolongement des délais; mais cela ne peut se faire éternellement.

M. Schmidt: C'est tout à fait là où je voulais en venir. À quel moment doit-on conclure? Il est évident qu'on doit au moins faire ces petites choses, mais à la façon dont le tout se présente actuellement, tout étant tellement ouvert que je ne vois pas quand nous conclurons.

J'aimerais revenir sur un aspect assez important que vous avez soulevé, à savoir qu'on parle d'une durée indéfinie au terme de laquelle tout cela devra être conclu, mais qu'on ne précise aucune date. Faut-il fixer le délai à un an, ou à deux ans? Vous vous êtes certainement fait une idée de la question, autour d'une tasse de café.

M. Lozano: Je ne pense pas qu'il faille envisager un délai général. Il faut, pour chaque aspect...

M. Schmidt: Peut-être pourriez-vous nous citer deux ou trois exemples.

M. Lozano: Eh bien, par exemple, pour en revenir au Chapitre 7, aucune date n'a été fixée pour entamer le processus d'harmonisation des normes professionnelles. Personnellement, j'estime que ce devrait être maintenant, qu'il faudrait commencer tout de suite.

M. Schmidt: Pourquoi, selon vous, cela n'a-t-il pas été précisé d'emblée dans le projet de loi? J'aimerais que vous risquiez une hypothèse.

M. Boudreau: Cet accord a été difficile à conclure. Vous devez vous rappeler que les provinces et le gouvernement fédéral y travaillent depuis vingt ou vingt-cinq ans.

Vous devez, dans l'ensemble, l'analyser tout comme vous l'auriez fait au sujet de l'Accord de libre-échange canado-américain ou du GATT, quand ils en étaient à leurs balbutiements. C'est pour cela que nous disons qu'il s'agit d'un document vivant, et que nous reconnaissons qu'il faut, au moins... Nous aimerions que le gouvernement fédéral commence à promouvoir une deuxième série de négociations, parce qu'il ne pourra imposer ce genre de délai sans obtenir préalablement l'accord des autres parties sur cette entente particulière. Nous avons donc conclu, au vu de ces travers...

.1125

Pour en revenir à votre question originelle, je dirais que cet accord constitue effectivement une fondation sur laquelle nous pouvons bâtir l'édifice. Mais pour cela, il faut que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral reconnaissent l'existence des travers dont je viens de parler et admettent la nécessité d'une deuxième série de négociations.

M. Schmidt: Je vais changer un peu l'orientation de mes questions... Je veux vous parler de votre association qui représente des spécialistes. En travaillant avec d'autres groupes de spécialistes, j'ai constaté que, très souvent, ces barrières interprovinciales qui bloquent la mobilité des spécialistes sont tout autant dues aux professions qu'aux gouvernements provinciaux ou au pouvoir politique. Je me demande donc ce que fait votre association professionnelle pour mettre de l'ordre dans ses affaires et amener les politiciens à suivre son exemple.

M. Précourt: Le vrai problème, c'est que les membres de notre groupe sont maintenant pleinement reconnus par d'autres pays, notamment dans les Antilles. Nous sommes aussi très présents à Hong Kong et en Chine où nous venons d'avoir notre tout premier c.g.a. Et pourtant, nous ne sommes pas reconnus dans des provinces comme l'Ontario. Nous n'y avons pas la pleine capacité d'exercer notre profession. C'est ridicule!

Les CPA américains peuvent exercer en Ontario. Ils ne sont pas Canadiens et pourtant, ils peuvent venir ici. Ils bénéficient de la réciprocité. D'ici un an, peut-être, nous allons conclure un accord avec le Mexique. Mais nous ne pouvons même pas travailler dans notre propre pays. Les CPA, eux, viennent exercer en Ontario, au Québec, parce qu'à l'ouest de l'Ontario nous bénéficions de la pleine capacité d'exercer. Donc, des étrangers peuvent concurrencer les Canadiens, parce que nous ne sommes pas reconnus partout dans notre propre pays et que nous ne pouvons pas passer d'une province à l'autre.

M. Schmidt: Je comprends tout à fait cela. Je ne sais que trop bien quel est le problème. Ce que j'essaie de savoir, c'est pourquoi. Est-ce parce que le lobby organisé contre vous en Ontario est tellement fort que vous ne pouvez pas exercer dans cette province, ou est-ce parce que quelqu'un dans un bureau, quelque part, a décrété qu'il ne voulait pas de c.g.a. en Ontario? Toutes les lois au Canada, et partout ailleurs dans le monde, ont leur raison d'être. Alors, à quoi ce phénomène est-il dû?

M. Précourt: Bien sûr, le lobby a été très fort...

M. Schmidt: Le lobby exercé par qui?

M. Précourt: Quand on essaie de briser un monopole...

M. Schmidt: Le monopole de qui?

M. Précourt: Des comptables agréés.

Dans une situation de libre-échange, si on estime que le groupe auquel on appartient est plus fort que l'autre, il n'y a pas à s'inquiéter de la concurrence; mais si les gens sont sur un pied d'égalité, alors il y a lieu de redouter les conséquences d'une perte de monopole. C'est ce qui se passe au Canada.

Maintenant, pour ce qui est du programme de mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange, je ne pense pas que nous puissions nous permettre, au Canada, d'attendre deux ou trois ans de plus pour autoriser le libre mouvement de spécialiste entre les provinces. Et nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. La situation ne vaut pas uniquement pour la profession comptable.

M. Schmidt: Non, je le comprends. Je suis au fait de la situation.

Mais voilà où je veux en venir. Y a-t-il espoir que les c.g.a. puissent s'asseoir avec les c.a. pour leur dire: Écoutez, nous nous faisons concurrence et pourtant nous sommes aussi compétents les uns que les autres; qu'avez-vous donc à nous reprocher, pourquoi ne nous laissez-vous pas exercer notre profession?

M. Précourt: Je vous dirais que ça n'a pas fonctionné jusqu'ici.

M. Boudreau: Nous avons essayé cette solution à plusieurs reprises, mais cela n'a rien donné. Il s'agit d'un dossier relevant des provinces.

Vous nous avez demandé ce que nous faisions sur le côté. Eh bien, l'Accord sur le commerce intérieur est une chose, mais nous avons entamé, par ailleurs, des discussions avec le gouvernement de l'Ontario et d'autres interlocuteurs pour essayer de leur démontrer qu'il serait tout à fait raisonnable de nous conférer le droit à la mobilité, partout au pays.

M. Schmidt: Donc, selon vous, les barrières actuelles auraient pour objet de protéger des monopoles?

M. Précourt: Oui.

M. Schmidt: Merci.

.1130

Le président: Excusez-moi d'être arrivé en retard, mais une certaine pagaille règne à l'aéroport d'Ottawa ce matin.

Monsieur Mitchell.

M. Mitchell (Parry Sound - Muskoka): Merci, monsieur le président.

Merci encore, messieurs.

J'ai une question à vous poser au sujet d'une recommandation contenue dans votre mémoire, plus précisément sur le resserrement, que vous jugez nécessaire, de la notion d'«objectifs légitimes». Vous vous dites très préoccupés par le fait que cette porte est assez grande ouverte pour permettre le passage d'un camion et que d'aucuns pourraient invoquer ces objectifs pour contourner l'esprit du projet de loi.

Voici d'ailleurs comment les «objectifs légitimes» sont définis dans l'Accord:

Vous avez dit, je crois, que vous étiez d'accord en principe avec la nécessité de disposer d'une clause de ce genre. J'aimerais que vous nous disiez, plus précisément, comment elle pourrait être resserrée, selon vous.

M. Lozano: La formulation doit être plus ferme. À l'heure actuelle, la notion de protection du public en ce qui a trait à la sécurité et à la santé est largement ouverte à interprétation; pour éviter cela, il faudrait énumérer de façon très précise, éventuellement en annexe, tous les aspects ou toutes les situations qui constitueraient des objectifs légitimes. Sinon, je ne vois pas en quoi ce genre de libellé généreux est conforme avec nos engagements internationaux qui sont d'appliquer des règles neutres, des règles du jeu équitables.

Cela revient à dire que les règles du jeu ne sont pas équitables dans notre propre pays. D'une certaine façon, cette situation rappelle le protectionnisme, l'instauration de petits régimes ici et là destinés à protéger des secteurs d'activités naissants.

L'esprit de cet accord, comme celui de l'ALÉNA et du GATT, revient à dire qu'on opte résolument pour le libre marché où tout le monde pourra se livrer concurrence à condition d'en avoir la chance. Personne n'a besoin de protections spéciales. Ce genre de protections, sous des apparences d'objectifs légitimes, ne font qu'introduire des distorsions dans le marché.

Je ramènerai donc tout cela à quelques cas seulement.

M. Mitchell: On dirait que vous n'êtes pas d'accord avec la notion d'objectifs légitimes.

M. Lozano: Il peut y avoir des cas où cette notion s'impose et où, en fait, elle confère une certaine souplesse à l'Accord; sinon, il convient de la rejeter en bloc. En fait, j'estime que tout cela va beaucoup trop loin. On va l'invoquer à tour de bras pour ne pas respecter les engagements pris.

M. Mitchell: Ne serait-il pas plus approprié d'améliorer le système de règlement des différends plutôt que de réécrire littéralement des centaines de pages pour essayer de bien expliciter ce dont vous parlez? Si nous disposions d'un système de règlement des différends efficace, permettant de régler les désaccords en soixante jours par exemple, je pense que cette question vous préoccuperait beaucoup moins.

M. Boudreau: Vous avez raison, mais vous devez envisager ces deux aspects dans le même contexte. Comme le mécanisme de règlement des différends actuellement prévu est plutôt défaillant, je suis porté à croire que les gouvernements invoqueront la clause des objectifs légitimes pour ériger des obstacles, et que vous n'aurez aucun pouvoir d'imposer des sanctions pour équilibrer les choses.

Un mécanisme de règlement des différends exécutoire pourrait, avec le temps, amener les commissions à devoir définir ce genre de choses. Mais à l'heure actuelle, nous n'avons rien de cela. En fait, les mécanismes de règlement des différends du GATT et de l'ALÉNA sont plus contraignants que celui de cet accord, et il va bien falloir se pencher sur la chose.

.1135

M. Mitchell: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Bethel.

Mme Bethel (Edmonton-Est): Messieurs, je vous félicite pour votre initiative au sujet de la table ronde sur l'Accord sur le commerce intérieur. Je pense que ce sera fantastique. Il est évident qu'il faut promouvoir auprès de tous les Canadiens et de toutes les Canadiennes les avantages que représente la suppression des barrières au commerce interprovincial, et amener nos compatriotes à mieux comprendre ce dont il en retourne exactement et comment ces mécanismes seront mis en oeuvre. Je vous félicite chaudement pour votre action.

J'aimerais savoir comment les différents secteurs ont réagi à votre proposition.

M. Boudreau: Très bien. Nous avons travaillé en collaboration avec le bureau de M. Manley et le nouveau secrétariat, à Winnipeg, de même qu'avec le milieu des affaires là-bas. Nous avons convenu de la nécessité de mettre cet accord en oeuvre et de tenir des discussions pour savoir comment faire progresser les choses. Qu'adviendrait-il si nous tenions une deuxième série de négociations? Notre initiative a aussi pour objet de promouvoir d'autres négociations.

Au début, la table ronde permettra notamment de mieux comprendre en quoi cet accord pourra aider les petites et moyennes entreprises, en particulier.

Mme Bethel: S'agira-t-il d'une table ronde ouverte ou d'une table ronde à représentation essentiellement provinciale?

M. Boudreau: D'une table ronde nationale, et à laquelle le secteur public et le secteur privé pourront participer.

Mme Bethel: À vous entendre, j'ai l'impression qu'un de vos objectifs est de faire pression sur les gouvernements provinciaux qui résistent. Ne serait-il pas plus sage, avant cela, d'organiser des mini tables rondes dans chaque province pour amener le public à mieux comprendre le dossier et à faire lui-même pression sur les gouvernements provinciaux?

M. Boudreau: Nous y penserons. Ce pourrait être une façon de faire. Nous avons appris, et nous en sommes conscients, que les provinces sont très réticentes à aller dans le sens que nous voulons. Certaines traînent de la patte relativement à cet accord.

Mme Bethel: Je pense que la seule façon de parvenir à changer cela consisterait à amener les résidents de ces provinces à faire pression sur leur gouvernement.

M. Boudreau: Effectivement, mais il faut d'abord informer les gens.

Certaines professions y sont parvenues. Par exemple, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada a mis sur pied un groupe de travail sur l'Accord sur le commerce intérieur. L'Association du Barreau canadien, avec qui nous nous sommes entretenus, commence à se pencher sur l'Accord. L'Association médicale canadienne...

Mme Bethel: Si toutes les associations ayant des groupes de travail provinciaux se rencontraient autour de la même table ronde, vous pourriez avoir un effet incroyable sur les gouvernements provinciaux.

M. Précourt: Nous en ferons la suggestion à nos membres provinciaux. Vous devez comprendre que je représente ici CGA-Canada et que, pour agir à l'échelle provinciale, nous devons nous entendre avec nos associations affiliées ou nos membres provinciaux. Mais votre suggestion est excellente.

Mme Bethel: Quel rôle, selon vous, notre comité devrait-il jouer relativement à ces objectifs? En quoi un comité permanent peut-il faire avancer les choses?

M. Précourt: Je crois que vous pouvez accélérer la mise en oeuvre de l'Accord. J'espère que le public, en général, sera plus au courant de ce qui se passe. Dans une certaine mesure, les journaux se chargeront de faire connaître cet accord et de contraindre le gouvernement à le faire passer en tête de son programme et à le mettre en oeuvre.

Mme Bethel: Merci.

Le président: J'ai simplement deux choses à dire.

.1140

Puisque vous avez fini par reconnaître officiellement que le problème est essentiellement lié aux c.a., savez-vous comment ces gens-là réagissent face aux étrangers qui peuvent faire, dans leur province, ce que vous, vous ne pouvez pas faire? Ça me semble être une contradiction flagrante. Ont-ils essayé d'arrêter cela? Comment les c.a. réagissent-ils à l'arrivée, chez eux, de gens venant de...?

M. Précourt: Les c.a. font la même chose que nous; ils s'affairent à conclure des accords de réciprocité avec d'autres pays pour conférer aux membres de la profession à l'étranger le droit de venir pratiquer, de plein droit, en Ontario et au Québec.

Le président: Si je comprends bien, ils sont disposés à respecter les c.a. venant de l'étranger.

M. Précourt: Pas forcément des c.a., parce qu'il y a 120 groupes différents de comptables dans le monde. Je suis également membre de la Fédération internationale des comptables qui cherche à faire établir des accords de réciprocité avec les principaux pays, surtout en Europe, en Australie et en Angleterre, et qui en a d'ailleurs déjà conclu certains.

Le président: Accords qui, grosso modo, concerneraient les deux groupes. Il s'agirait de l'équivalent de nos deux groupes au Canada, les c.g.a. et les c.a.

M. Précourt: Oui.

Le président: J'ai l'impression que c'est un peu contradictoire.

M. Précourt: Les c.a. n'ont aucune objection à ce que des étrangers viennent travailler au Canada dans le cadre d'un mandat particulier, mais ils veulent conserver leur monopole. C'est évident.

Par exemple, nos membres au Nouveau-Brunswick jouissent de la pleine capacité d'exercer leur profession. Certains signeront un accord et pourront exercer aux États-Unis, mais ce n'est pas le cas de nos membres en Ontario ni au Québec; ceux-ci ne peuvent pas pratiquer à New York ni ailleurs aux États-Unis. Ils ne jouissent pas de la pleine capacité d'exercer ni au Québec ni en Ontario.

Nous appliquons tous les mêmes normes et avons les mêmes examens partout au pays. Je suis Québécois et si je veux aller en Colombie-Britannique, j'y aurais la pleine capacité d'exercice. C'est ridicule. Mais ce n'est peut-être pas la seule situation qui est ridicule dans ce pays, quand on parle de libéralisation du commerce.

Le président: Pour en revenir à ce que disait Mme Bethel, au sujet de l'aide réciproque que nous pouvons nous apporter dans ce dossier, il est évident que la partie se joue à 11. Vous, vous nous parlez d'un joueur sur les 11, certes important, mais néanmoins minoritaire.

N'avez-vous pas dit que vous alliez inviter vos sections provinciales à communiquer avec leurs gouvernements provinciaux respectifs, ou que cette démarche était déjà enclenchée?

M. Précourt: Nos associations membres provinciales font déjà cela.

Le président: Grosso modo, combien de provinces vous sont sympathiques au point d'être disposées à faire quelque chose pour vous aider, et quels sont les points durs auxquels vous vous heurtez?

M. Précourt: Je pense que la plupart des provinces sont... Bien sûr, la motivation est plus grande en Ontario et au Québec et elle n'est pas la même en Colombie-Britannique. Les spécialistes qui résident en Colombie-Britannique n'ont pas envie de déménager dans l'Est. Tout dépend de là où vous voulez travailler, de là où vous voulez exercer au Canada.

Mais si un résident de la Colombie-Britannique veut déménager en Ontario, alors il risque d'éprouver des problèmes. Il ne pourra pas y exercer, il ne pourra pas y faire de vérification. Bien sûr, les gens sont mécontents, mais l'intérêt est beaucoup plus grand dans les provinces de l'Est que dans les provinces de l'Ouest, c'est évident.

Le président: Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Monsieur Précourt, j'ai seulement deux questions à vous poser.

Premièrement, vous proposez de modifier la rédaction des articles 8, 10, 12 et 13 du projet de loi en substituant les mots «Le gouverneur en conseil doit» aux mots «Le gouverneur en conseil peut».

J'ai vérifié très rapidement ce dont il s'agissait dans chaque cas et je vous avoue que je partage votre sentiment. Mais j'ai de la difficulté à comprendre le sens même de cet amendement, tel qu'il est suggéré. Par exemple, à l'article 8 de la loi, on dit:

8. Le gouverneur en conseil peut, par décret, désigner tout membre du Conseil privé...

Si l'on dit: «doit désigner, par décret, tout membre du Conseil privé», cela ne va plus. Cela se lit mal et n'a plus le sens que vous voulez lui donner. Me suivez-vous? Êtes-vous d'accord?

M. Précourt: Je vais demander à Georges de répondre à la question.

M. Bélanger: Vous pouvez répondre en anglais si le vous voulez.

.1145

M. Lozano: Peut-être que dans la traduction...

M. Bélanger: C'est la même chose en anglais.

M. Lozano: En anglais, on veut simplement dire que «may» donne au gouverneur en conseil, au gouvernement ou au ministre l'option d'être représenté à ces comités-là. Nous pensons qu'il faut un mot plus puissant.

[Traduction]

M. Bélanger: L'article 8 dit:

Autrement dit, le cabinet peut nommer n'importe qui à titre de ministre responsable et vous, vous voulez changer «peut» pour «doit».

M. Lozano: L'emploi de «peut» donne la possibilité de ne pas le faire.

M. Bélanger: Et si vous dites «Le gouverneur en conseil doit, par décret, désigner tout membre du Conseil privé de la Reine... ». Quelle différence cela fait-il?

M. Lozano: On a la certitude que cela sera fait et, comme ce n'est plus une simple possibilité, on se trouve à renforcer cette disposition.

M. Bélanger: Certes, mais la question n'est pas que le gouverneur en conseil nommera quelqu'un, c'est qu'il pourra nommer n'importe quel ministre. Voilà ce qui est dit, pas qu'il aura la liberté de nommer ou de ne pas nommer quelqu'un, mais qu'il pourra nommer n'importe quel ministre.

Il est possible que vous jouiez sur les mots, mais je trouve la même chose aux articles 10, 12 et 13, autrement dit qu'il n'est pas nécessaire de... Votre recommandation ne se soldera pas forcément par le résultat que vous recherchez. Je me rappellerai ces articles, au cas où l'on nous demanderait de modifier le projet de loi...

Le président: Ce que nous pourrions faire - et je demanderais à notre greffier de nous donner un coup de main - c'est de vérifier auprès du Ministère s'il y a effectivement ambiguïté à ce propos. En effet, s'il s'avère que l'interprétation est entièrement... À la façon dont M. Bélanger lit cet article, la possibilité concerne uniquement le choix des ministres et pas le fait de désigner ou non quelqu'un.

M. Bélanger: C'est la même chose dans le cas de l'article 12, monsieur le président:

Devrait-on préciser que le gouverneur en conseil «doit» nommer les personnes? Honnêtement, je ne le pense pas.

Le président: Avant que nous ne nous fassions trop de noeuds, cherchons d'abord à comprendre, d'un point de vue strictement juridique, le sens à donner à ce libellé pour voir s'il y a effectivement l'ambiguïté que vous croyez avoir décelée ou si, dans le langage des rédacteurs de loi, l'interprétation à donner est celle de M. Bélanger. Comme je ne sais pas...

M. Bélanger: Je voulais aussi revenir sur la question de la mobilité. Je veux m'assurer que je comprends bien ce dont il est question et je cite d'ailleurs votre document:

Où n'avez-vous pas le droit d'exercer?

[Français]

M. Précourt: Le Québec, l'Ontario, Terre-Neuve, la Nouvelle-Écosse et l'Île-du-Prince- Édouard sont celles qui n'en ont pas.

M. Bélanger: Qu'est-ce que cela veut dire?

M. Précourt: Cela veut dire que les gens ne peuvent pas pas vérifier les états financiers et dire que ces états financiers présentent fidèlement la situation financière de l'entreprise.

M. Bélanger: Seuls les comptables agréés peuvent le faire?

M. Précourt: C'est cela.

M. Bélanger: Mais qu'est-ce que cela a à voir avec ce que vous présentez?

M. Précourt: On pourrait exercer notre profession dans ces provinces. Dans d'autres provinces, au Canada, on bénéficie de ces pleins droits.

M. Bélanger: Comme quelqu'un qui est...

M. Précourt: Par exemple, nos membres peuvent faire des rapports de ce genre au Nouveau-Brunswick, mais ne peuvent en faire à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est ce que nous voulons dire. Lorsque le pont reliant l'Île-du-Prince-Édouard au Nouveau-Brunswick sera complété, nous ne pourrons même pas traverser ce pont pour aller faire une vérification sur l'Île.

Au Québec, la situation est encore plus bizarre. Les c.g.a. peuvent faire des vérifications pour les municipalités, les coopératives et les commissions scolaires, mais ils ne peuvent en faire pour un dépanneur incorporé.

M. Bélanger: Ce sont des choses qui sont régies par les lois de la province?

M. Précourt: Exactement.

M. Bélanger: Les lois provinciales limitent-elles ce qu'un c.g.a. peut faire au Québec, en Ontario, à Terre-Neuve, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard ou dans les territoires?

M. Précourt: Non. Dans les territoires, nous avons plein droit d'exercer.

M. Bélanger: Alors, il faudrait peut-être enlever les territoires de votre discours. Ah, vous pouvez exercer dans les territoires.

M. Précourt: Oui, c'est cela.

M. Bélanger: Si je comprends bien, au Québec, un c.g.a. peut faire la vérification des livres des conseils scolaires.

M. Précourt: Oui.

M. Bélanger: Un c.g.a. de la Colombie-Britannique peut-il faire la vérification des livres des conseils scolaires au Québec?

M. Précourt: Oui, il le pourra s'il vient au Québec. Il sera alors assujetti aux lois du Québec.

M. Bélanger: Donc, la mobilité existe. Là où il y a des restrictions, s'appliquent-elles à tous?

M. Précourt: Oui, à tous ceux qui résident dans cette province-là.

.1150

M. Bélanger: Vous demandez donc que le fédéral impose aux provinces de régir les c.g.a. de telle façon.

M. Précourt: Les professionnels en général, oui.

M. Bélanger: Savez-vous si le fédéral a le droit de faire cela?

M. Précourt: Le fédéral ne peut légiférer, mais il peut influencer les provinces afin qu'elles permettent le libre-échange entre les professionnels.

M. Bélanger: Il y a deux notions ici. Vous venez de me dire que le libre-échange entre les professionnels existe en dépit des restrictions imposées par les provinces.

M. Précourt: Oui.

M. Bélanger: Donc, une restriction en Ontario ne s'applique pas seulement aux c.g.a. de l'Ontario, mais à tout le monde.

M. Précourt: C'est exact.

M. Bélanger: Et inversement, le manque de restrictions au Manitoba, par exemple, s'applique à tout le monde. Il n'y a pas de restrictions.

M. Précourt: Oui. Cependant, je n'appellerais pas cela des restrictions, mais plutôt une situation équitable pour tous les professionnels.

M. Bélanger: Donc, l'accord respecte le libre-échange.

M. Précourt: Oui.

[Traduction]

M. Boudreau: Nous ne demanderons pas au gouvernement fédéral d'imposer quoi que ce soit aux provinces. Le gouvernement fédéral est simplement une des parties à cet accord particulier. Nous reconnaissons que certaines de ces remarques ne s'adressent pas au palier fédéral, mais plutôt au palier provincial. Voilà pourquoi l'Accord...

M. Bélanger: C'était juste pour me renseigner, mais je crois savoir que le gouvernement fédéral ne réglemente pas la profession.

M. Boudreau: Effectivement pas.

M. Bélanger: Cette responsabilité incombe aux provinces.

M. Boudreau: Il revient aux provinces de régler cela, mais le gouvernement fédéral peut au moins leur demander de se pencher sur ce dossier s'il veut vraiment favoriser la mobilité de la main-d'oeuvre au Canada.

M. Bélanger: Et c'est ce que permet cet accord.

M. Boudreau: Effectivement.

M. Bélanger: Merci.

Le président: Je me dois de vous poser une question dans la foulée.

J'ai cru entendre M. Précourt nous déclarer qu'un c.g.a. de la Colombie-Britannique déménageant au Québec serait sujet aux mêmes restrictions qu'un c.g.a. du Québec. Il pourrait s'occuper des commissions scolaires, mais pas des dépanneurs et autres. Qu'advient-il dans le cas d'une personne venant d'un autre pays avec qui on aurait conclu une sorte d'accord général de libre-échange? Donc, est-ce que ce comptable venant de l'étranger - des États-Unis, du Mexique ou d'ailleurs, et qui s'apparenterait beaucoup plus, selon vous, à un c.g.a. qu'à un c.a. - aurait la possibilité de faire plus de choses au Québec qu'un c.g.a. de la province? Vous voyez où je veux en venir?

M. Précourt: Dans ce cas, les CPA désireux d'exercer en Ontario et au Québec ne s'adresseraient pas aux c.g.a. pour conclure un accord de réciprocité. Ils s'adresseraient aux c.a., parce que c'est eux qui jouissent de la pleine capacité d'exercer. Ils ne s'adresseraient pas à nous. Mais dans l'Ouest, les choses sont différentes.

Si j'étais un CPA travaillant à New York et que je désire déménager à Toronto, j'essaierais de conclure un accord avec les c.a. Je devrais alors passer un examen de droit et un examen fiscal, ou je devrais peut-être participer à un séminaire, à moins que je n'aie aucun examen à passer. Eh bien, le CPA en question, qui n'est pas Canadien, aurait la pleine capacité d'exercer au Canada alors qu'un c.g.a. ne peut pas changer de province. Un Américain peut venir en Ontario, mais pas un Canadien.

Le président: Donc, si je comprends bien, à l'heure actuelle un comptable américain, éventuellement un CPA, qui est appelé...

M. Précourt: Il n'y a qu'un seul groupe aux États-Unis, celui des CPA. Ils sont 300 000.

Le président: Donc, pour prendre les couleurs avantageuses de c.a., un CPA doit réussir à deux ou trois épreuves auxquelles, soit dit en passant, vous ne pouvez même pas vous présenter; vous ne pourriez pas vous présenter aux mêmes petites épreuves en Ontario et au Québec et être traité du jour au lendemain comme un c.a. parce que ces gens-là ne l'accepteraient pas; en revanche, ils le tolèrent pour un Américain, parce qu'ils ne pourraient pas empêcher la réciproque aux États-Unis. Ainsi, grâce à deux ou trois cours, un CPA pourrait faire, au Canada, la même chose qu'un c.a.

M. Précourt: Et cela ne vaut pas uniquement pour l'Ontario et le Québec. McGill offre un programme aux c.a. désireux de déménager aux États-Unis. Je ne sais pas combien de cours sont prévus au programme. Peut-être cinq, essentiellement en fiscalité et en droit. Grâce à ces cours, les gens peuvent aller aux États-Unis, mais les c.g.a. du Québec et de l'Ontario auraient des difficultés à faire la même chose et à jouir de la pleine capacité d'exercer aux États-Unis, parce qu'ils n'ont même pas cette pleine capacité dans leur propre province.

.1155

Par contre, s'ils viennent de Colombie-Britannique, les choses sont différentes. En fait, nos membres devraient déménager au Nouveau-Brunswick ou en Colombie-Britannique, y suivre des cours et aller ensuite aux États-Unis. C'est ridicule, mais c'est comme cela.

M. Bélanger: De toutes ces provinces, laquelle est la plus susceptible de changer?

M. Précourt: Terre-Neuve. Vous savez peut-être que nous sommes allés jusqu'à la Cour suprême du Canada avec une cause concernant l'Île-du-Prince-Édouard. Notre demande a été accueillie par la Cour suprême du Canada. C'est à présent le tour de Terre-Neuve. Mais je pense que M. Clyde Wells s'efforce de rendre la situation plus équitable pour les c.g.a. et les c.m.a. de sa province. Pendant de nombreuses années, les c.a. du Québec et de l'Ontario ont exercé un important lobbying auprès de leur gouvernement. La plupart des politiciens sont d'accord avec nous, mais c'est une question de lobbying.

M. Boudreau: Il ne faut pas perdre de vue, ici, que notre cas n'est qu'un exemple. Si vous voyiez ce qui se passe dans les autres professions, vous vous rendriez compte qu'il y a des situations tout à fait ridicules. On retrouve même des anomalies dans les corps de métier, comme dans le cas des électriciens, entre l'Ontario et le Québec, des briqueteurs et de bien d'autres. Voilà pourquoi nous voulons vraiment aller au fond des choses, parce que le chapitre sur la mobilité de la main-d'oeuvre est essentiel à cet accord, parce que, peu importe son lieu de résidence, un Canadien doit pouvoir changer de province pour exercer sa profession et gagner sa vie.

Et puis, il y a le fait que, dès qu'on parle de mobilité de la main-d'oeuvre avec d'autres pays, il est question de l'AGCS et d'autres accords. Nous vous avons donc simplement donné un exemple aujourd'hui et je suis certain qu'en entendant d'autres groupes, vous vous rendrez compte à quel point ce chapitre est essentiel pour l'Accord.

Le président: Et cela vous donne peut-être plus de poids.

Je crois que c'est maintenant au tour de M. Schmidt.

M. Schmidt: Je pense que vous avez ressortir deux choses. D'abord que le gouvernement fédéral n'est qu'une des parties à cette entente. En outre, j'ai cru vous entendre dire que vous ne voulez pas que le gouvernement impose un quelconque cadre. Et pourtant, je crois vous avoir entendu déclarer, dans le même souffle, que vous ne parvenez pas à contraindre les c.a. à conclure un accord avec vous, et que votre profession n'est qu'un exemple de ce qui se passe plus généralement.

J'ai l'impression que cette situation est très complexe et très difficile. Avec toutes ces belles idées de table ronde, peut-on espérer parvenir à une solution ou devra-t-on en venir au point où le gouvernement devra imposer la mobilité de la main-d'oeuvre?

M. Précourt: J'estime que le gouvernement devra prendre les rênes et déclarer que la mobilité de la main-d'oeuvre s'impose au Canada. C'est le gouvernement fédéral qui peut faire le genre de déclarations susceptibles d'influencer les provinces, mais je ne pense pas qu'à l'heure actuelle, l'autre groupe ait assez de maturité pour résoudre ce problème.

La communauté européenne, elle, a réglé la question. Même s'il y a 22 groupes de comptables dans les 12 pays de la CEE, un accord a été conclu pour permettre à ces gens de passer de Belgique en France, etc. Ce ne sont pas des pays aussi vastes que le Canada, mais ils ont tout de même conclu un accord. Pour l'instant, ils n'ont pas assez de maturité pour régler ce dossier.

M. Schmidt: Qui «ils»?

M. Précourt: Les c.a.

M. Boudreau: Je crois aussi que c'est de l'extérieur que viendront les véritables pressions. À chaque étape de la mise en oeuvre l'ALÉNA et de l'AGCS, nous nous trouvons à contraindre le Canada à mettre de l'ordre dans ses affaires. Je crois que c'est de là que viendront les véritables pressions.

Nous sommes vraiment en retard dans ce domaine. Il est délicat, pour le gouvernement fédéral, de participer à toutes ces négociations à Genève sur la libéralisation du commerce et des services et sur les questions de reconnaissance mutuelle avec les autres pays, alors que nous n'avons même pas nettoyé notre pas de porte.

.1200

Le président: À vous entendre, j'ai l'impression que toutes ces pressions, externes et internes, agissent en fait dans le bon sens. Le problème semble tenir au choix du moment, au degré d'intervention et à tout le reste. En un sens, on ne reviendra pas en arrière et l'on va dans la bonne direction. Nous devons faire notre part pour accélérer le processus, mais vous devez aussi faire votre part pour ranger les provinces à vos côtés.

Voilà, je pense, qui conclut ce premier témoignage. Nous vous remercions tous de votre visite.

[Français]

Merci bien. C'était fort intéressant, même pour ceux qui sont arrivés en retard.

[Traduction]

Bonne chance. Continuez de faire pression sur nos homologues provinciaux.

Notre prochain témoin est M. Schwanen, du C.D. Howe Institute. On nous a remis un bref document, un communiqué du C.D. Howe daté du 14 septembre, qui résume certainement la position de M. Schwanen...

Je ne sais jamais si... Est-ce que les gens qui font des recherches pour l'institut parlent ex cathedra au nom du C.D. Howe?

M. Daniel Schwanen (analyste de politique principal, C.D. Howe Institute): Si l'on travaille pour l'Institut, on parle en son nom. Comme il nous arrive de confier des recherches à contrat, il peut y avoir confusion.

Le président: Eh bien, je vous souhaite la bienvenue, monsieur Schwanen.

M. Schwanen: Merci beaucoup. Veuillez excuser le caractère laconique du document qui vous a été remis.

Le président: C'est parfait. Nous souhaiterions qu'il y ait plus de gens comme vous. En fait, nous aurions aimé l'avoir en haïku, mais ça n'arrive jamais.

M. Schwanen: Je m'en souviendrai pour l'avenir.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, merci de votre invitation. Comme vous le savez, la question des obstacles au déplacement des produits, des services et des personnes ainsi que des capitaux, revient régulièrement dans le programme de politique économique du Canada. Depuis la fin des années soixante-dix, notre principal défi consiste à veiller à ce que le rôle joué par les gouvernements provinciaux dans notre économie, surtout en ce qui a trait aux différentes activités réglementées et au service d'approvisionnement du secteur public, n'entrave pas indûment le marché des produits et des services destinés aux Canadiens ainsi que le déplacement de la main-d'oeuvre et des capitaux. L'Accord sur le commerce intérieur conclut l'année dernière représente, jusqu'ici, la plus importante tentative déployée en ce sens.

[Français]

Il est important de se rappeler qu'actuellement, l'accès au marché intérieur canadien est de beaucoup supérieur à celui dont les Canadiens peuvent se prévaloir lorsqu'ils font affaire dans d'autres pays, même avec la conclusion d'accords commerciaux clés tels que l'ALENA et l'Organisation mondiale du commerce.

Cependant, même là, presque tous les autres pays industrialisés offrent à leurs citoyens un meilleur accès à leur marché interne que celui auquel les Canadiens ont droit chez eux. Il est frappant de constater un bon nombre de cas où l'Union européenne, composée de 15 pays souverains, offre à ses entreprises et citoyens un meilleur accès à son marché intérieur que celui dont les Canadiens peuvent se prévaloir à domicile.

Un des meilleurs moyens par lesquels le Canada peut générer des industries concurrentielles sur le plan global, que ce soit dans le secteur des biens ou dans celui des services, est de s'assurer que l'accès au marché intérieur pour les firmes canadiennes soit inutilement empêtré le moins possible.

De plus, un marché canadien qui peut être desservi dans sa totalité à partir de n'importe quelle localité intérieure rend notre économie plus attrayante pour les investisseurs étrangers et rend le Canada plus fort dans ses négociations commerciales avec d'autres pays. Bien que les évaluations des réductions de prix pour les consommateurs et de coûts pour les acheteurs publics qui résulteraient d'une réduction ou d'une élimination des obstacles intérieurs au commerce diffèrent sensiblement, on prédit généralement des économies significatives dans les deux cas.

[Traduction]

Pour certains, la phrase «retrait des barrières commerciales» est synonyme d'uniformisation obligatoire des normes et des politiques provinciales, à un niveau éventuellement inférieur à celui souhaité par les résidents des provinces, et cela, au nom de la libéralisation maximale du commerce interprovincial.

.1205

Ce n'est pas l'interprétation que nous donnons, à l'Institut, d'un marché intérieur plus ouvert et ce n'est pas, non plus, l'interprétation qui a été retenue dans l'Accord sur le commerce intérieur.

Il est évident que si les différences dans les politiques provinciales - et même dans les politiques fédérales relativement à une province ou à une région - , sources d'entraves au commerce interprovincial, découlaient des préférences des résidents des provinces en question ou de l'optique particulière des gouvernements, le retrait de telles barrières dans le seul dessein de faciliter le commerce donnerait lieu à une altération et non à une amélioration du bien-être des habitants.

Un marché intérieur fort ne tient donc pas au retrait ni à l'aplanissement des différences; il est plutôt question de savoir si une politique ou une pratique, provinciale ou fédérale, qui prévaut dans une partie du pays est discriminatoire envers les autres Canadiens ou les oblige à subir des coûts inutiles au regard de l'objectif que cette même politique doit permettre d'atteindre à l'échelle locale.

Il y a quelques semaines, notre institut a publié un ouvrage contenant plusieurs articles rédigés par de grands noms de spécialistes du commerce intérieur, qui se sont interrogés à propos de l'Accord sur le commerce intérieur signé l'année dernière. J'en ai un exemplaire avec moi et je serais heureux d'en faire envoyer d'autres aux membres du comité, s'ils n'en ont pas déjà reçus.

Comme les co-auteurs de ce volume divergent radicalement d'opinions, par exemple sur les avantages que présente l'intervention du gouvernement pour l'économie en général, on pourrait s'étonner de l'incroyable cohésion dont ils font preuve, dans leurs différents articles, sur le sens à donner à l'Accord sur le commerce intérieur et sur les avantages qu'il comporte.

Mon intervention d'aujourd'hui consistera à vous communiquer l'essentiel des conclusions de ces auteurs. En outre, je tiens à attirer votre attention sur la nécessité de poursuivre le travail entrepris à l'occasion de cet accord et de renforcer certains des mécanismes qu'il a mis en place, pour que nous puissions en retirer tous les bénéfices.

Dans ses principes généraux, l'Accord confère un droit raisonnable aux différentes parties signataires, c'est-à-dire les gouvernements, de prendre des mesures visant à leur permettre d'atteindre certains objectifs dans leurs champs de compétences respectifs, tout en garantissant que ces mesures ne seront pas discriminatoires et ne feront pas inutilement obstacle au commerce interprovincial.

Par exemple, certaines mesures très nettement discriminatoires dans le domaine des achats gouvernementaux ou des boissons alcooliques ont été supprimées ou devraient l'être, semble-t-il, d'ici un certain temps.

Dans d'autres domaines, les parties se sont engagées à harmoniser leurs normes, comme dans le domaine des qualifications professionnelles et à en arriver à une reconnaissance réciproque, dans d'autres domaines, comme dans celui des normes de formation.

L'Accord renferme également des innovations institutionnelles intéressantes, comme le mécanisme de règlement des différends auquel les entreprises et les particuliers pourront avoir recours, contrairement au genre de mécanismes prévus dans les accords internationaux, même si l'accès demeure quelque peu difficile.

On y retrouve également des sanctions s'adressant aux gouvernements qui seraient tentés d'invoquer ou d'appliquer le principe du développement régional comme excuse pour refuser l'accès de leurs marchés à d'autres Canadiens. Il renferme aussi un code de conduite relativement aux mesures d'incitation, afin d'empêcher qu'un gouvernement n'ait recours à des subventions qui causeraient un tort évident à une autre région.

Vu qu'on a réalisé quelques progrès en matière de retrait des barrières dans plusieurs secteurs, il convient, dans presque tous les cas, de temporiser son jugement quant aux effets de l'Accord sur la libéralisation du commerce. Cela ne tient pas aux principes autour desquels il s'articule, ni à la façon dont il est bâti, mais au fait que trop de choses, beaucoup trop, dépendent de l'issue de négociations à venir.

[Français]

Quoique les gouvernements fédéral et provinciaux soient tenus, en termes très précis, de s'entendre pour enlever ces obstacles, plusieurs analystes doutent que ces promesses soient réalisées, du moins dans les délais et selon les plans annoncés, d'autant plus qu'elles requièrent un accord unanime des divers gouvernements.

Des échéances ont déjà été manquées au chapitre des négociations visant à inclure les municipalités, les écoles et les hôpitaux dans la partie de l'entente qui concerne les marchés publics et également en ce qui concerne l'ouverture du marché des produits énergétiques.

.1210

[Traduction]

Donc, à cet égard, l'Accord sur le commerce intérieur est incomplet, mais, je le répète, le cadre est sain. Autrement dit, il y a place, dans cet accord, pour parvenir à une meilleure union économique.

Son principal défaut - et il est possible que je me répète - c'est qu'il laisse beaucoup trop de choses en suspens; mais il n'en demeure pas moins que, contrairement aux tentatives antérieures dans ce domaine, rien dans cet accord ne risque de gêner la réalisation de progrès ultérieurs. Cela étant, notre institut y est favorable.

Mais cela étant posé, il me semble qu'il est nécessaire d'apporter certains changements à la portée de l'Accord afin d'en améliorer les chances d'aboutissement. J'ai l'impression que si l'on permettait aux Canadiens et aux Canadiennes ainsi qu'aux entreprises d'avoir plus facilement accès au mécanisme de règlement des différends, en simplifiant les procédures qui sont actuellement assez compliquées, on ferait en sorte que les décisions rendues par le groupe spécial de règlement des différends ne pourraient pas facilement être négligées par les gouvernements, même s'il n'existe pas vraiment de moyens juridiques de faire respecter ces décisions.

Il semble particulièrement important de maintenir la pression sur les gouvernements afin de les contraindre à honorer l'engagement qu'ils ont pris, surtout en matière de libéralisation des contrats d'approvisionnement du secteur public, à négocier un accord sur l'énergie et à harmoniser ou à reconnaître réciproquement leurs normes et les mesures relatives à ces normes.

À l'heure actuelle, on envisage de parvenir à ce résultat par le truchement de comités sectoriels composés de représentants du gouvernement fédéral ou des gouvernements provinciaux travaillant indépendamment les uns des autres. Mais il se peut que cette façon de faire ne soit pas la meilleure pour réaliser des progrès dans le cadre de l'Accord. Je pense même que ces comités n'y parviendraient pas, parce qu'ils seraient constitués des mêmes personnes chargées d'administrer les programmes faisant obstacle au commerce, dans leur secteur respectif et pour leur gouvernement respectif.

Si l'on veut parvenir à de bons résultats, il faut envisager de renforcer le rôle du Secrétariat au commerce intérieur.

S'inspirant du processus qui a conduit à l'instauration du marché européen entre 1986 et 1992, les parties à l'Accord canadien devraient habiliter le Secrétariat au commerce intérieur - qui semble être actuellement confiné à un rôle de facilitateur - , à inviter le gouvernement, l'industrie et les spécialistes indépendants à élaborer, par le truchement du Comité sur le commerce intérieur, un ensemble exhaustif de mesures techniques devant permettre la réalisation des objectifs d'harmonisation et de reconnaissance mutuelle des normes existantes, le tout devant ensuite être approuvé par les gouvernements; il s'agit exactement des mêmes objectifs que ceux énoncés dans l'Accord, mais sur lesquels nous ne nous sommes pas encore entendus.

Avec le temps, le Secrétariat pourrait également devenir un organisme chargé d'élaborer des politiques et d'explorer les moyens de parvenir à faire passer sous le coup de l'Accord les secteurs laissés de côté, comme celui des services financiers, et même d'évaluer si d'autres formes de coopération intergouvernementale sont envisageables. Par exemple, est-ce qu'une collaboration sur les questions fiscales améliorerait l'union économique?

Je ne suis pas sûr que votre comité puisse recommander de tels changements dans le cadre du présent projet de loi. Cependant, je vous invite à faire tout ce que vous pourrez pour garantir l'aboutissement des futures négociations qui découleront de l'Accord et la mise sur pied des institutions qu'il prévoit.

Merci beaucoup.

Le président: Avez-vous des questions à poser, monsieur Schmidt?

M. Schmidt: Oui, j'en ai beaucoup.

D'abord, je tiens à vous remercier pour la façon très concise et assez exhaustive dont vous avez traité des préoccupations soulevées par le projet de loi et par l'Accord en découlant.

Je veux avoir votre avis sur l'élargissement du rôle du comité neutre, si vous voulez, qui était censé permettre la réalisation de l'Accord, parce que vous avez très bien fait remarquer que les comités sectoriels sont constitués des personnes chargées d'appliquer les programmes constituant des obstacles au commerce. Donc, il est fort possible que ces gens ne feraient rien, parce que, sinon, ils seraient obligés de travailler contre eux-mêmes.

Quel est le mécanisme en question, à quoi correspond cet autre comité ou cet autre groupe? De qui serait-il composé? Comment fonctionnerait-il? À quelles directives obéirait-il, et ainsi de suite? Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Votre suggestion a piqué ma curiosité.

M. Schwanen: Il y a déjà un Secrétariat, mais le rôle qui lui a été confié est trop étriqué. Il y a place, dans l'Accord, pour lui en demander plus. La tâche que nous pourrions confier à ce comité n'est pas restreinte.

Ce que j'envisage ressemble un peu - bien qu'il faille nous montrer prudent, parce qu'il n'est pas question de créer un autre ordre de gouvernement ou une autre bureaucratie pour cela - à la Commission européenne qui n'est ni l'instrument des différents gouvernements nationaux, ni un organisme central imposant des décisions venant du sommet. C'est plutôt un outil indépendant, constitué de membres et d'experts des différents pays membres. Cependant, ces derniers n'agissent pas à titre de porte-parole de leur gouvernement respectif. Ils sont là pour essayer de trouver des solutions allant dans le sens d'un renforcement de l'union économique, dans le cas de l'Europe.

.1215

Ils procèdent élément par élément: politique en matière de concurrence, politique en matière de télécommunications, et ainsi de suite. Puis, ils soumettent leurs propositions aux gouvernements membres. Ils n'ont aucun pouvoir de décision, mais ils ont toute la latitude voulue dans l'exercice de leur évaluation et dans le choix des mesures jugées nécessaires. Ils soumettent ensuite au vote des différents gouvernements membres, par l'intermédiaire du Conseil européen, l'ensemble des mesures concernant les différents secteurs d'activité.

Comme je le disais, il est trop facile, pour ceux qui administrent les barrières érigées par les divers ministères, et donc par leur gouvernement respectif, d'invoquer de multiples raisons pour lesquelles les principes généraux de libéralisation des échanges ne peuvent fonctionner dans les domaines de compétence dont ils ont la charge.

M. Schmidt: Voilà qui nous aide beaucoup.

Alors, une fois que ces propositions sont soumises... les groupes membres... ils ne représentent pas leur gouvernement respectif, mais si c'est dans un secteur - parce qu'il est évident qu'il y a des secteurs d'activités dans ces pays et qu'il y en aurait dans les provinces, dans le cas du Canada... Est-ce que ces soi-disant experts des domaines en question, les personnes qui seraient nommées pour siéger au Secrétariat afin de régler le problème de la mobilité de la main-d'oeuvre - prenons cela comme exemple - représenteraient les syndicats et les divers secteurs d'activités, les différents métiers et professions, comme celui d'électricien, par exemple? S'agirait-il de ces gens-là ou ce groupe serait-il constitué de personnes connaissant très bien ces milieux et les problèmes qu'aurait engendré le manque de mobilité de la main-d'oeuvre?

M. Schwanen: En fait, on les consulterait, comme en Europe.

Nous étudions ces questions depuis la fin des années quatre-vingts... Nous avons constaté, par exemple, qu'il est très rare qu'on propose à un gouvernement d'adopter une norme dans un domaine qui le... quand les principaux concernés, comme le secteur des télécommunications dans le cas des normes de télécommunications, se disent d'accord avec la norme en partant du principe qu'il ne doit y en avoir qu'une seule, universelle; ils s'entendent alors entre eux et le gouvernement approuve par la suite.

M. Schmidt: Ce ne sont pas tant les normes qui me préoccupent, surtout pas dans le domaine des télécommunications où elles seront sans doute élaborées par le secteur privé parce que les choses vont tellement vite dans ce domaine qu'on ne peut tenir le rythme. Donc, ce n'est pas ça qui m'inquiète. Ce qui m'intéresse, c'est qu'une personne qualifiée dans le domaine des télécommunications puisse travailler à l'Île-du-Prince-Édouard, en Colombie-Britannique, en Ontario, et ainsi de suite. Voilà ce qui m'intéresse, et aussi qu'un comptable professionnel, à qui l'on permet de vérifier les livres d'une société, ait également la possibilité de vérifier les livres d'une commission scolaire, par exemple. Mais voilà, il y a des barrières interprovinciales, et c'est de cela dont nous parlons ici.

Les propositions qui seraient formulées, seraient faites au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux. C'est cela?

M. Schwanen: Oui, tel que les choses se présentent actuellement.

M. Schmidt: Donc, les différents gouvernements adopteraient ces propositions avant qu'elles ne...

M. Schwanen: Oh, je vois ce que vous voulez dire. Vous parlez de mobilité de la main-d'oeuvre... Je me rends compte que c'est un modèle auquel j'aurais dû mieux réfléchir.

La mobilité de la main-d'oeuvre est un aspect où cette formule pourrait très bien fonctionner, parce que les gouvernements se sont déjà unanimement entendus sur un processus ou un cheminement très détaillé. Ils se sont dit: dans les domaines, par exemple, où nos normes sont presque compatibles, nous allons essayer de parvenir à des accords de reconnaissance réciproque, etc. Ils s'étaient déjà entendus, en principe, sur le retrait des obstacles à la mobilité de la main-d'oeuvre, dans toute la mesure du possible, du moins sur le retrait des obstacles donnant lieu à des normes professionnelles et à des normes de formation différentes, et ainsi de suite.

Je pense que vous pouvez à présent demander au Secrétariat, sur la base de ces engagements antérieurs, de nous dire exactement comment passer à la mise en oeuvre. Il pourrait ensuite entreprendre des consultations beaucoup plus vastes que celles qui se limiteraient aux fonctionnaires provinciaux et fédéraux, lesquels décideraient de ce qu'il faudrait ou non libéraliser.

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M. Schmidt: C'est qu'on est sans doute aller plus loin avec cette formule qu'avec n'importe quelle autre.

Pourrait-on aussi appliquer ce modèle à d'autres secteurs? C'est votre idée? J'essaie de comprendre votre concept.

M. Schwanen: Il faut dire que des engagements ont été pris à l'occasion de cet Accord, mais qu'ils n'ont pas encore été mis en oeuvre.

M. Schmidt: D'un autre côté, compte tenu de la façon dont ils sont énoncés, je ne trouve pas qu'ils soient applicables.

M. Schwanen: Disons que la mise en oeuvre est peut être un autre sujet.

M. Schmidt: Oui.

M. Schwanen: Mettons sur pied un organisme indépendant, comme le Secrétariat, qui pourrait se pencher sur ces questions et proposer des mesures concrètes. Le gouvernement serait ainsi contraint de s'en tenir à ses engagements, parce qu'il est trop facile de dire «nous étions d'accord pour faire cela, mais nous nous sommes finalement rendu compte que ce n'est pas possible».

M. Schmidt: Tout à fait.

M. Schwanen: Maintenant qu'il existe un accord sur papier - qui a été adopté unanimement - il est temps de vous tourner vers un organisme plus indépendant qui consultera très largement le gouvernement, mais aussi les autres intervenants, et qui leur indiquera la façon de réaliser les engagements pris, sur un plan purement technique.

J'en reviens aux directives de l'Union européenne qui correspondent en fait à des mesures tout à fait techniques. Les fonctionnaires européens ne sont appelés à prendre aucune décision quant aux principes. Ceux-ci sont énoncés par les gouvernements et ce sont les gouvernements qui leur demandent de trouver les moyens de les appliquer.

L'Accord en question instaure d'excellents principes mais il est temps de demander à un organisme jouissant d'un peu plus d'indépendance qu'un organisme gouvernemental, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'un certain ministère, de travailler sur les détails et de produire des directives pouvant être appliquées.

M. Schmidt: Pour les besoins du procès-verbal, je tiens à m'assurer que je vous ai bien compris. Selon vous, l'Accord comporte des fondations suffisamment solides et les principes, aussi, sont assez solides et assez clairs pour qu'on puisse éliminer les barrières au commerce interprovincial?

M. Schwanen: Oui, si vous faites ce qui a été promis dans l'Accord.

M. Schmidt: Pourquoi pondérez-vous votre réponse? C'est oui ou c'est non.

M. Schwanen: Les principes sont excellents. La structure est là. Mais il faut encore élaborer d'autres programmes et fixer des délais, et bien d'autres choses encore. Comme je le disais, certaines échéances sont déjà passées et l'on peut se montrer sceptique.

M. Schmidt: Tout à fait.

M. Schwanen: Cependant, même si tout n'est pas là, l'Accord est relativement complet. C'est un accord excellent, dans les quatre premiers chapitres. Je suis sûr que vous l'avez déjà lu.

Dans le cas du chapitre détaillé, je crois que le problème est très évident. Les gens ont tout consigné sur papier et il convient de les en féliciter. Ils ont même énoncé dans quelles conditions on pourrait parvenir à la reconnaissance mutuelle, et que sais-je encore. Ils ont aussi précisé des délais et le fait que la mise en oeuvre serait confiée au comité sur la main-d'oeuvre, et ainsi de suite.

Encore une fois, c'est là où il faut préciser le travail de mise en oeuvre qui est nécessaire, ou les mesures techniques qu'il faudra adopter pour mettre cet accord en oeuvre. Personnellement, j'estime que vous pouvez confier cette tâche à un organe plus indépendant, conduisant des consultations plus ouvertes, pour faire avancer les choses.

Le président: Tout cela, je pense, nous ramène au processus de changement et à la vitesse avec laquelle nous pouvons progresser. Avec les témoins précédents - je suis heureux de voir qu'ils sont encore ici - , nous avons parlé de la possibilité de faire intervenir différents secteurs, comme ceux des c.g.a., pour faire pression sur les gouvernements.

Mais je pense que la publicité - que permet du moins en partie le mécanisme de règlement des différends - pourrait être un autre moyen. J'imagine un organisme indépendant comme le C.D. Howe Institute se chargeant de cela. Vous pourriez tenir un concours annuel, comme on le fait dans le cas de la personne la plus mal habillée, pour attribuer le prix de la province la plus protectionniste.

Vous êtes un organisme indépendant, ce qui vous donne le droit de dire ce que vous voulez. Si l'on devait décerner le prix de la province la plus protectionniste, qui serait la gagnante? Y a-t-il des provinces en tête de peloton pour cet honneur douteux?

Je reconnais que ma question est tendancieuse.

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M. Schwanen: Et je dois vous répondre, n'est-ce pas?

Le président: Vous êtes un indépendant, pas comme nous.

M. Schwanen: J'ai envie de vous dire que ça dépend du genre de barrière.

Le président: Et si l'on prend la chose dans l'ensemble?

M. Schwanen: Je dirais que c'est principalement dans le Centre du pays et dans les Maritimes que se trouvent les coupables. Vous avez vu, par exemple, ce qui se passe en Ontario.

D'ailleurs, je m'aperçois que mon député, M. Mills, n'est pas là aujourd'hui.

Le président: Il est sans doute en train de parler en Chambre.

M. Schwanen: Oui.

En Ontario, les gouvernements précédents ont exigé des municipalités qu'elles achètent leurs autobus auprès d'une compagnie particulière, faute de quoi elles perdraient leurs subventions. J'imagine mal comment une telle mesure peut ne pas porter tort à d'éventuels soumissionnaires d'autres provinces.

Aujourd'hui, dans l'avion, j'étais à côté d'une personne travaillant pour une entreprise dont je tairai le nom. Il s'agit d'une grande entreprise manufacturière. Eh bien, ce monsieur me disait que dans toutes ses soumissions au gouvernement du Québec, en vertu des règles actuelles et si le produit en question n'est pas fabriqué au Québec, l'entreprise se fait dire qu'elle part avec un handicap. La compagnie en question a fini par faire remarquer au gouvernement du Québec qu'elle emploie x milliers de personnes dans la province, à d'autres chaînes de produits, et qu'elle aimerait bien ne pas avoir à tout fabriquer au Québec et à pouvoir importer certaines gammes de produits d'autres provinces pour participer au programme d'approvisionnement du gouvernement.

Mais cela ne se produit pas qu'au Québec. Après tout, ce sont les résidents des provinces qui élisent leurs gouvernements et il est normal que ceux-ci aient tendances, dans de nombreuses provinces, à s'assurer que la personne ou la société à qui on confie des contrats crée des emplois sur place. Mais quand un gouvernement fait cela, il oublie que, du même coup, il retire à une entreprise manufacturière ou de service la possibilité de bénéficier de contrats ailleurs au Canada, parce que les autres provinces font la même chose.

Je me rends compte que ma façon de répondre à une question pourtant très claire est convolutée, mais je ne pense pas que, dans ce cas, on puisse vraiment désigner un coupable en particulier.

Le président: Mais vous avez semblé sous-entendre, dans votre réponse, que les provinces les plus importantes ont la capacité de vivre en autarcie, si je puis dire, en ce qui a trait à la production des biens qu'elles consomment. C'est donc sur ces provinces que d'aucuns peuvent faire pression en prétendant que ce qui est produit sur place doit être acheté sur place, et c'est ce qui est le plus susceptible de se produire dans les grandes provinces.

Est-ce que l'Accord, tel que nous l'envisageons, traite de ces questions gênantes que sont l'achat d'autobus, d'ordinateurs et de tout le reste dont nous avons entendu parler? Avez-vous espoir qu'il sera possible de régler ces problèmes tenaces en appliquant le bon genre de mécanisme, ou ne s'agit-il que d'exemples criards?

M. Schwanen: Ce serait possible. La thèse relative aux contrats d'approvisionnement gouvernementaux est en fait une des plus solide de l'Accord. Elle impose à un grand nombre de ministères toutes sortes de nouvelles conditions en matière de transparence et d'équité pour l'octroi de contrats. Dans l'Accord, il est question d'étendre cette disposition aux municipalités et aux hôpitaux, par exemple, et plus particulièrement aux entreprises de service et à d'autres. Ça n'a pas encore été fait, mais c'est prévu.

Cette partie de l'Accord fait l'objet d'un mécanisme de règlement des différends particulier. Celui-ci reprend essentiellement le modèle des mécanismes de règlement des différends contenus dans l'OMC ou de mécanismes antérieurs, comme ceux de l'ALE et de l'ALÉNA. Comme il semble bien fonctionner, je soupçonne les gouvernements d'avoir exclu un certain nombre de secteurs. Mais pour les secteurs restant, rien ne nous porte à croire que les choses ne fonctionneront pas très bien.

La question des subventions est délicate. Nous savons qu'il n'y a pas que les grandes provinces qui essaient d'attirer des entreprises en ayant recours à diverses subventions mais, je le répète, l'Accord renferme un code de conduite à ce sujet. De nombreux spécialistes estiment que, même s'il n'y a pas de mécanismes d'application, le fait que des gouvernements imposent certaines politiques à leurs municipalités - par exemple l'obligation d'acheter des autobus fabriqués en Ontario dans le cas de cette province, faute de quoi les subventions sont interrompues - est totalement contraire à l'esprit de l'Accord. C'est en partie, je crois, la raison pour laquelle le gouvernement de l'Ontario est en train de réévaluer sa position.

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On en revient toujours à la question de savoir si le mécanisme d'application sera assez exigeant et si la publicisation des problèmes par le truchement des rapports du comité et ainsi de suite sera suffisante pour contraindre les parties - pas uniquement les provinces, mais parfois aussi le gouvernement fédéral - à revoir leurs politiques. Mais tel qu'il est rédigé actuellement, je pense que l'Accord règle une grande partie de ces problèmes.

Le président: J'ai été très intéressé, tout comme M. Schmidt d'ailleurs, de vous entendre dire que si le Secrétariat s'acquittait correctement de sa fonction dans le cadre de l'Accord actuel - à condition qu'il dispose des ressources pour ce faire, ce qui implique, je suppose, la capacité d'effectuer des recherches blindées et donc incontestables; ce qui veut dire aussi qu'il ferait correctement son travail de recherche et que les pratiques scandaleuses ou douteuses seraient soumises à une analyse soigneuse - , le Secrétariat, donc, parviendrait à prendre les rênes du processus administratif et, en un certain sens, à déjouer les astuces des gens. Si ce mécanisme donnait régulièrement lieu à la formulation de propositions au Conseil ou aux différents gouvernements à qui l'on dirait: «conformément à la volonté que vous avez exprimée, nous avons élaboré un accord pour réaliser ceci ou cela», on se trouverait à créer une dynamique très puissante fondée sur le modèle européen.

Tout cela est réalisable dans le cadre de l'accord actuel. Combien de ressources, en plus de celles prévues, pensez-vous qu'il faudrait affecter au Secrétariat pour lui permettre d'accomplir correctement cette tâche? Avez-vous une idée de l'importance des ressources nécessaires?

M. Schwanen: Je crois que c'est faisable. Je ne suis pas avocat, mais j'ai lu l'Accord le plus attentivement possible, dans les limites de mes connaissances. J'ai cru comprendre, de ce qui est écrit à propos du Secrétariat, qu'à l'heure actuelle celui-ci n'a qu'une fonction très limitée mais que le comité sur le commerce intérieur a en fait les pouvoirs voulus pour conférer un rôle et des ressources supplémentaires au Secrétariat. Je pense que c'est dit très précisément et rien dans l'Accord n'empêcherait cela.

Quant aux ressources qui seraient nécessaires, je prêche pour que l'on évite toute dépense inutile, mais je crois qu'il est très important qu'une commission comme celle-ci soit dotée d'un solide personnel chargé de recherche, qui se pencherait sur les divers dossiers, les uns après les autres. Ces gens-là pourraient d'ailleurs être prêtés par les différents gouvernements. La dynamique est différente, mais il ne serait pas nécessaire qu'ils émanent des secteurs où l'on aura constaté l'existence de barrières. Ces gens-là n'iraient pas forcément là pour défendre la position de leurs gouvernements, car je pense que c'est cela l'idée de ce groupe. Il y a assez de talents dans les différents gouvernements pour parvenir à mettre sur pied une équipe de ce genre.

Le président: D'après ce que j'ai cru comprendre, le financement du Secrétariat serait assuré à raison de 50 p. 100 par le fédéral et de 50 p. 100 par les provinces, ce dernier pourcentage étant calculé selon la population. Les gouvernements participants pourraient alléger leurs coûts en détachant des années-personnes plutôt qu'en versant des fonds. Certes, il faudrait tout de même assumer les frais de réunion et le reste, mais ça pourrait être une façon plus économique de procéder.

M. Schwanen: Oui. Je dois avouer que je n'y ai pas vraiment pensé, mais c'est certainement ainsi que je verrais, par exemple, la composition de l'équipe de recherche.

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Le président: J'ai une dernière question tendancieuse à vous poser. A-t-on constaté si les gouvernements provinciaux d'allégeance conservatrice - je pense à ceux de l'Alberta et de l'Ontario - ont tendance à être plus ouverts à l'idée d'abattre les barrières au commerce interprovincial? Est-on déjà en position de dire - je pense ici beaucoup plus au cas de l'Ontario - si leur optique conservatrice les pousse dans ce sens?

M. Schwanen: Ils ont signé l'Accord. Il y a assez de gens, un peu partout, qui souscrivent verbalement à la nécessité d'assurer la mobilité de la main-d'oeuvre et des capitaux et qui disent à quel point cela est bon pour le Canada - je viens juste de le faire - et à quel point cela peut nous aider dans nos négociations internationales.

Le groupe qui m'a précédé vous a dit ce qu'il nous en coûte quand nous réclamons l'accès à un marché étranger mais que nous refusons l'accès au nôtre en retour.

Le récent accord sur les achats gouvernementaux, conclu dans le cadre de l'OMC, est très significatif. La Suisse et de nombreux autres pays en ont spécifiquement exclu le Canada. Ils permettent l'accès au Mexique, aux États-Unis et à la France, mais pas au Canada et nos entreprises n'ont pas le droit de soumissionner à des contrats de services publics, par exemple comme ceux offerts par les cantons suisses, parce que nous leur faisons subir la même chose.

Nos entreprises peuvent, certes, toujours soumissionner, mais elles ne bénéficient pas des mêmes conditions favorables que celles d'autres pays, parce que nous ne permettons pas l'accès à notre marché. En ce sens, j'estime que le fait que nous n'ayons pas de marché unifié ici nous porte tort à l'étranger.

Le président: Avez-vous, au-delà de la simple rhétorique, détecté un véritable courant de changements chez nos témoins précédents représentant gouvernements provinciaux, associations, groupes divers et même entreprises privées? Les gens commencent-ils à faire les liens qui s'imposent et à délier leurs bourses? Sont-ils en train de se dire: «Mince alors, dans l'univers planétaire qui est le nôtre, ces règles qui me rapportent peut-être quelque chose à court terme, mais pas à long terme, me font du tort à moi et en font à nos entreprises»? Êtes-vous optimiste?

M. Schwanen: Oui, mais je me demande si nous avons vraiment le choix. Reste à savoir si nous nous en rendons vraiment compte. Je comprends ce que vous dites. Par exemple, le gouvernement fédéral pourrait intervenir dans de nombreux domaines et user de ses pouvoirs en matière de commerce pour imposer certaines mesures, face au ridicule de la situation qui nous empêche d'être concurrentiel. Mais je ne pense pas que les gens veuillent cela.

Je crois que les provinces, dans leur champ de compétence respectif, devraient se conformer au modèle européen et admettre qu'elles seraient plus fortes si elles parvenaient à s'entendre entre elles sur l'instauration d'un marché unique pour un certain nombre d'articles. Elles pourraient s'arranger entre elles avec l'aide et l'approbation du gouvernement fédéral, sur la base de l'Accord qu'elles ont toutes signé.

Il est possible que je sois à côté de la plaque, mais j'estime pourtant que c'est là une raison suffisante. Si l'on ne parvenait pas à faire fonctionner cet accord, afin de permettre simplement le déplacement des biens, des services et des personnes partout au pays, il y aurait toujours la menace que le gouvernement fédéral intervienne ultérieurement dans certains secteurs. Sinon, nous allons tous nous appauvrir.

J'estime que les provinces, et surtout elles, ont intérêt à avaliser cet accord et cette initiative, de façon très concrète.

.1240

Le président: Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Monsieur le président, j'estime que le témoin nous a fort bien décrit la situation.

Monsieur Schwanen, j'apprécie beaucoup la candeur avec laquelle vous avez traité cette question et je me propose de vous poser une autre question qui exigera peut-être que vous fassiez preuve d'encore plus de candeur. Je veux vous parler des conséquences du référendum du 30 octobre et de la question de l'unité nationale sur l'Accord sur le commerce intérieur. Comment ces gens-là se comportent-ils maintenant autour de la table de négociations, quand il est question de retirer les obstacles au commerce interprovincial?

M. Schwanen: L'Accord du 12 juin, conclu entre les trois chefs souverainistes québécois, établit très clairement que, dans le cadre d'un partenariat avec le reste du Canada, le Québec voudrait non seulement maintenir l'actuel niveau d'intégrité économique du marché canadien, mais qu'il voudrait l'améliorer.

C'est sans doute là un aspect où je ne vois pas de véritable incompatibilité entre les parties. Je pense qu'il est toujours possible de poursuivre différentes options politiques et de chercher tout de même à adopter avec vos voisins, comme les Européens l'ont fait - et ce serait là une preuve de bonne foi - des politiques permettant d'instaurer un marché commun plus solide.

Un article du professeur Loungnarath, de l'Université de Montréal a été publié dans Le Devoir du 11 septembre 1995. Je lui parle assez régulièrement. Il fait partie d'un groupe de 250 jeunes spécialistes, professeurs d'université et autres, favorables à la souveraineté du Québec. Voici ce qu'il dit dans cet article:

[Français]

[Traduction]

- après la souveraineté -

[Français]

[Traduction]

Donc, encore une fois, je ne pense pas que ce soit là quelque chose que vous deviez chercher à éviter ou à ne plus appuyer à cause d'un risque d'indépendance politique. Je crois que nous gagnerions tous à ce que notre marché intérieur soit plus fort.

M. Schmidt: Monsieur le président, c'est indéniable. Mais la question que j'ai posée s'inscrit en fait dans la lignée de celle du président: est-ce que cela peut arriver? Qui va faire preuve d'une telle bonne volonté? Je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il s'agirait là d'un premier geste de bonne volonté. Je suis d'accord.

Mais il demeure que toutes les parties, afin de parvenir à un accord quelconque, doivent vouloir résoudre le problème qui se pose, quel qu'il soit. S'ils ne sont pas résolus à trouver une solution ou s'ils ne le veulent pas, ils n'y parviendront pas. C'est ça qui m'inquiète.

Certes, les 250 personnes appartenant à ce groupe veulent que tel soit le cas, mais est-ce que c'est elles qui vont décider du choix des gens qui iront au Secrétariat? Se trouve-t-il quelqu'un au sein de ce groupe qui cherche actuellement à abattre les barrières au commerce interprovincial?

M. Schwanen: Bien sûr, tout le monde se gratte la tête et se demande de quoi il en retourne. Personnellement, j'estime que la signature de cet accord était une étape importante. N'oublions pas que celui-ci a bel et bien été signé et que, conformément à leur adhésion, les gouvernements se sont engagés à prendre certaines mesures.

Vous m'excuserez d'être pris un peu de court, mais je pense que ce qui importe c'est de ne pas attirer l'attention du public sur ce dossier. Un comité comme celui-ci doit veiller à ce que les progrès... Si le Secrétariat ne le fait pas - même si j'estime que c'est son rôle - alors il incombera au comité de suivre les progrès accomplis, ou l'absence de progrès, et de faire rapport à ce sujet en vertu de l'Accord. C'est très certainement ce que l'Institut a l'intention de faire, mais nous ne disposons pas toujours des ressources nécessaires pour cela.

M. Schmidt: Je suis d'accord. Je pense que c'est tout à fait souhaitable.

Mais la question n'est pas de savoir si des engagements ont été pris, c'est de savoir si ceux-ci seront respectés. Voilà la question.

Comme vous l'avez dit, plusieurs échéances ont déjà été manquées. Les gouvernements s'étaient engagés à ce que cela soit maintenant réalisé, mais tel n'est pas le cas. Donc, si ces petits engagements n'ont pas été respectés, qu'adviendra-t-il de l'engagement beaucoup plus important, beaucoup plus lourd de conséquences que ces échéances ratées?

.1245

M. Schwanen: Je suis peut-être encore à court, mais la seule chose que je puis vous dire, encore une fois, c'est qu'il faut ouvrir l'accès au mécanisme de règlement des différends...

M. Schmidt: Je suis d'accord.

M. Schwanen: ...aux particuliers et aux entreprises et renforcer le rôle du Secrétariat; il faut que celui-ci soit plus indépendant, plus visible et, surtout, il faut que ce soit un organe de recherche.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup. Je pense que sur ce point - si je peux m'exprimer au nom de tout le comité - nous sommes totalement d'accord avec vous, nous trouvons que votre témoignage est très utile et qu'il est, en fait, assez encourageant quant au travail accompli jusqu'à présent. De toute évidence notre rôle consiste à pousser les choses et je vous remercie de nous avoir guidés dans ce processus.

Je remercie tous les témoins.

La séance est levée.

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