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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 5 décembre 1995

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[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Nous sommes enchantés d'accueillir nos témoins. Je suis tout particulièrement heureux d'accueillir Stephen Van Houten, dont la qualité la plus importante est d'être résident de la circonscription de Don Valley-Ouest, à Toronto. Comme d'habitude, je fais de mon mieux pour le présenter sous un faux jour. Il y a aussi Jayson Myers, économiste en chef de l'Association des manufacturiers canadiens.

Inutile de rappeler aux membres du comité que l'Association des manufacturiers canadiens est l'un des groupes qui contestent le plus vigoureusement les barrières au commerce intérieur au Canada. En fait, je crois me souvenir qu'ils ont été les premiers à tenter d'en évaluer le coût - vous pourrez me rappeler ce qu'il en est - mais je crois que c'est l'organisme que l'on associe en général avec l'idée de tenter de calculer le coût de ces barrières.

Cela dit, je vous souhaite la bienvenue à tous deux et je vous invite à nous faire un bref exposé.

M. Stephen Van Houten (président, Association des manufacturiers canadiens): Merci beaucoup, monsieur le président.

Au départ, j'aimerais vous présenter un autre membre de l'équipe de l'AMC qui comparaît ici aujourd'hui. Il s'agit de Goldie Shea, de nos bureaux d'Ottawa. Elle a participé au travail analytique qui a précédé notre mémoire.

J'ai une autre chose à dire dès le départ. Puisque je suis un commettant du président de ce comité, je ne sais pas si cela signifie que je suis en conflit d'intérêts ou qu'il l'est. Il faudra donc prendre ce que nous dirons tous les deux avec un grain de sel.

Monsieur le président, vous avez parfaitement raison. L'AMC a été, je pense, la première association commerciale nationale à tenter d'évaluer les coûts des nombreuses barrières tarifaires qui existent d'une province canadienne à l'autre.

Permettez-moi de vous dire quelques mots au sujet de notre association. Nous considérons que nous sommes le plus important réseau d'entreprises au Canada. Nous sommes la plus grande association industrielle au Canada et, en fait, la plus ancienne. Nous existons depuis 1871, et ce, en vertu d'une loi spéciale du Parlement.

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Nos membres représentent tous les secteurs de la fabrication, de toutes les tailles et de toutes les catégories, dans toutes les provinces. Nos membres se retrouvent dans tous les secteurs: de la transformation des richesses naturelles à la fabrication secondaire et à l'assemblage, et des logiciels aux technologies de pointe de tous genres. Ils comptent pour quelque 80 p. 100 de toute la production industrielle du pays.

De nombreuses personnes ont l'impression que le Canada demeure une économie fondée sur les ressources naturelles qui se dirige vers une économie de services. Or, ce ne sont pas les faits. À bien des égards, le Canada est un pays industriel. Il y a quelque 30 000 installations de fabrication au Canada qui auront produit à la fin de 1995 des biens d'une valeur annuelle de 380 milliards de dollars, dont plus de la moitié sont exportés.

En fait, à la fin de cette année, je pense que nous pourrons affirmer que le plus grand marché pour les produits de fabrication canadienne, ce n'est plus le Canada, mais bien les États-Unis. Le Canada en fait est notre deuxième marché. Il est important de se rappeler ce fait lorsque l'on considère l'importance que nous attachons à la nécessité d'avoir un seul marché canadien. À notre avis, il n'est pas du tout raisonnable de diviser notre deuxième marché pour les produits de fabrication canadienne en 10 ou 12 petits marchés.

Comme l'a dit le président du comité, nous appuyons fortement, et ce, depuis de nombreuses années, la libéralisation de notre marché intérieur, que ce soit pour les produits, les services, la main-d'oeuvre ou les capitaux.

Depuis 35 ans, l'AMC clame que les entraves au commerce interprovincial n'ont guère de sens dans un pays où le commerce international prend de plus en plus d'importance. Dans le sillage de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis et de l'ALENA, ces barrières n'ont plus aucun sens aujourd'hui, dans un contexte où il est souvent plus facile pour des compagnies canadiennes de faire affaire avec l'étranger plutôt que d'une province à l'autre.

Il est insensé de maintenir une situation où le marché canadien est plus ouvert aux sociétés étrangères qu'aux entreprises canadiennes. Une situation où les titres de compétence technique et professionnelle des gens sont reconnus plus volontiers en dehors du pays que dans les autres parties du Canada n'a pas plus de sens.

Dans un monde où le Canada fait face chaque jour à une vive concurrence pour attirer et conserver des capitaux, il est insensé de limiter le potentiel de croissance des entreprises en imposant des restrictions sur le commerce et les investissements internes.

Et dans un climat d'austérité, les chevauchements, doubles emplois, contradictions et incohérences que présente la réglementation des administrations fédérales et provinciales, des municipalités, des collèges, des universités et d'autres organismes gouvernementaux n'ont strictement pas de sens.

Il y a quelques années, l'association estimait à plus de six milliards de dollars le coût des barrières commerciales interprovinciales. En fait, annualisé, c'était environ 6,5 milliards de dollars. On peut répartir ces coûts de la façon suivante: manque d'efficacité qu'entraînent les politiques d'approvisionnement préférentiel, fédérales et provinciales, environ 2,5 milliards de dollars; perte d'efficacité dans l'achat de services, encore 2,5 milliards de dollars; inefficacités dans le secteur agricole, environ un milliard de dollars; barrières tarifaires dans le secteur de la bière et du vin, environ 500 millions de dollars.

Voilà donc 6,5 milliards de dollars, ce qui ne tient pas compte de l'absence de liberté de mouvement des travailleurs d'une province à l'autre. Ce chiffre ne tient pas compte non plus des gains que nous aurions pu réaliser si nous avions pu rendre nos entreprises plus productives et si nous n'avions pas perdu des débouchés, ni des gains que nous aurions pu réaliser grâce à un commerce plus soutenu dans un pays unifié en un seul marché. Donc, ces 6,5 milliards de dollars constituent, à notre avis, une évaluation conservatrice. De nombreux autres commentateurs le reconnaissent d'ailleurs.

Au cours des dernières années, depuis notre première évaluation, nos membres se sont restructurés pour survivre à la récession et poursuivre leur croissance.

Il est évident que le coût des restrictions du commerce interprovincial a été grandement sous-évalué. On n'a pas tenu compte ni du coût qu'entraînent les économies d'échelle sous-optimales et les manques d'efficacité créés dans les entreprises limitées à des marchés provinciaux précis. On n'a pas tenu compte non plus des occasions ratées sur le plan de l'innovation, des nouvelles technologies, de la mise au point de nouveaux produits, de la qualité, de la formation, de la productivité et de la souplesse chez des entreprises qu'on empêche, en limitant leurs activités de commercialisation, de distribution et d'investissement, de s'étendre à l'ensemble du pays.

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Des pertes en découlent sur le plan des ventes, des investissements et de l'emploi. De nos jours, les fabricants doivent concurrencer en s'appuyant sur la spécialisation, l'innovation et les idées. Voilà ce que l'on entend par la plus-value.

La croissance exige l'accès à des marchés plus étendus. L'économie canadienne est trop petite, en soi, pour assurer la survie de l'industrie manufacturière dont dépend notre prospérité nationale.

Le marché américain, voire le marché mondial, est bien plus attrayant pour beaucoup de sociétés canadiennes que les marchés provinciaux, pris séparément, de notre pays. Des investissements industriels délaissent le Canada, en faveur des États-Unis, de l'Europe, de l'Asie, du Mexique, etc., parce que beaucoup de fabricants canadiens n'ont pas la taille nécessaire pour innover avec succès et produire à des prix compétitifs.

Les barrières commerciales interprovinciales constituent un énorme obstacle aux investissements et à la croissance industrielle au Canada. Toutes les restrictions, que les politiques d'approvisionnement et la réglementation imposent au mouvement de marchandises et de services, de personnes et de capitaux d'une province à l'autre à l'intérieur du marché canadien, entraînent des coûts dont l'industrie pourrait se passer. Nous croyons qu'il faut les éliminer, et non pas uniquement les atténuer.

Dans ce contexte, j'aimerais faire quelques commentaires au sujet de l'Accord sur le commerce intérieur signé en 1994. À notre avis, il s'agit là d'un premier pas vers la réduction et, finalement, l'élimination des barrières au commerce interprovincial. Ce n'est toutefois qu'un premier pas, plutôt timide par surcroît.

L'accord ne va pas aussi loin que l'AMC l'aurait souhaité dans l'élimination des entraves au commerce interprovincial, surtout du côté des sociétés d'État, des municipalités, des établissements d'enseignement, des hôpitaux, et d'autres organismes gouvernementaux.

L'AMC craint en outre que l'interprétation et l'application de certaines modalités ne dégénèrent en querelles sans fin.

Nous estimons que l'accord, dont peu de dispositions ont pour but d'encourager les parties à résoudre leurs divergences actuelles, n'oblige pas assez les parties à harmoniser leurs réglementations et leurs normes techniques, leurs exigences environnementales, ou leurs mesures et normes de protection des consommateurs. Outre l'absence de mécanisme efficace de règlement des différends, les décisions des groupes spéciaux ne sont pas exécutoires.

Le succès de tout accord commercial dépend de l'efficacité de ses mécanismes de règlement des différends. Extrêmement bureaucratique et donc très coûteux, celui établi par l'accord offre aux entreprises lésées peu de chances d'avoir gain de cause et aucune possibilité de dédommagement.

Il fait piètre figure par rapport aux mécanismes de l'ALENA et de l'Organisation mondiale du commerce. Le consentement du procureur général, dont les décisions sont sans appel et qui n'est pas tenu de fournir d'explications en cas de refus, est requis pour intenter des poursuites.

Il y a en outre, dans la mesure où il n'est pas nécessaire de saisir le Parlement ou les assemblées législatives provinciales du rapport que le Comité du commerce intérieur doit produire chaque année sur le fonctionnement de l'accord, un problème de reddition de comptes pour tous les gouvernements auquel il faudrait remédier.

Il importe d'aller plus loin, et rapidement, dans la libéralisation du marché intérieur du Canada. À cet égard, nous avons quelques propositions précises à vous soumettre.

Nous exhortons tous les gouvernements parties à l'accord à étendre les dispositions de celui-ci aux sociétés d'État, aux municipalités, aux universités, aux collèges, aux conseils scolaires, aux hôpitaux, et aux autres organismes gouvernementaux.

Nous les encourageons à harmoniser leurs réglementations ou à adopter la reconnaissance mutuelle des normes afin d'y réduire les chevauchements, les doubles emplois, les incohérences et les contradictions. Nous les exhortons à renforcer les mécanismes de règlement des différends de l'Accord sur le commerce intérieur pour en optimaliser le coût.

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Plus précisément, tous les gouvernements devraient reconnaître un droit privé d'action afin de forcer les parties à remplir leurs obligations aux termes de l'accord. Nous recommandons également que l'accord prévoie des dommages-intérêts, ainsi que des dépens, pour les entreprises auxquelles nuisent les restrictions sur le commerce interprovincial.

Ces mesures entraîneraient forcément de nouvelles négociations entre les administrations fédérale et provinciales. Toutefois, il existe d'autres mesures que le gouvernement fédéral - que vous représentez, mesdames et messieurs - pourrait et devrait prendre de son propre chef.

Nous recommandons en particulier que le gouvernement du Canada adopte le projet de loi C-88 pour mettre en oeuvre l'Accord sur le commerce intérieur, assorti d'une modification prévoyant que le Comité sur le commerce intérieur doit déposer un rapport annuel devant le Parlement; étende les principes de l'Accord sur le commerce intérieur à l'ensemble des sociétés d'État, des organismes gouvernementaux et des institutions qui relèvent de sa compétence ou qu'il contribue à financer; et procède sans tarder à l'élimination d'autres restrictions au commerce interprovincial.

Voilà, mesdames et messieurs, notre mémoire écrit. Nous serions heureux d'entendre vos commentaires et de répondre à vos questions, et M. Myers ou Mme Shea ou moi-même serons heureux d'y répondre de notre mieux.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Van Houten.

Nous commencerons tout de suite par M. Schmidt.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas réussi à tout noter, mais j'ai constaté que vous citiez un autre document en parlant de la ventilation des 6,5 milliards de dollars.

M. Van Houten: Oui.

M. Schmidt: Les 2,5 premiers milliards de dollars, c'était pour quoi exactement?

M. Van Houten: Les 2,5 premiers milliards de dollars représentaient les pertes d'efficacité dans les achats de biens du gouvernement. Le deuxième 2,5 milliards de dollars représente la même chose, mais pour les services.

M. Schmidt: Très bien.

M. Van Houten: En fait, il s'agit des coûts excessifs que les politiques ont entraînés.

M. Schmidt: Merci beaucoup. S'agit-il de 6,5 milliards de dollars en coûts directs, ou est-ce que ce chiffre comprend un facteur de multiplication? Quelles seraient les retombées de ces 6,5 milliards de dollars si, en fait...? Le facteur serait deux, trois, ou peut-être même huit fois.

M. Van Houten: Je comprends ce que vous voulez dire. En fait, il ne s'agit que des coûts directs.

M. Schmidt: Il ne s'agit que des coûts directs.

M. Van Houten: On n'y tient pas compte des retombées ou de l'effet de multiplication. Il faudrait également compter la perte de dynamisme de l'économie, les pertes associées à l'utilisation sous-optimale des installations, et la baisse de l'innovation et de la recherche-développement qu'entraînerait un marché unique et unifié pour le mouvement des biens et des services au Canada.

M. Schmidt: Pourrait-on dire...

M. Van Houten: C'est pourquoi certains considèrent que notre estimation est plutôt conservatrice.

M. Schmidt: Oui, si ce ne sont que les coûts directs, je le comprends.

Donc, l'incidence sur le PIB serait assez importante. Ce serait donc probablement plutôt 20 milliards de dollars, ou peut-être entre 20 et 30 milliards de dollars, n'est-ce pas?

M. Van Houten: Jayson, voulez-vous répondre?

M. Jayson Myers (économiste en chef, Association des manufacturiers canadiens): Si vous cherchez l'effet de multiplication, ces 6,5 milliards de dollars représentent environ 1 p. 100 du PIB. Vous pourriez sans doute, en introduisant l'effet de multiplication, grimper jusqu'à 15 ou 20 milliards de dollars.

Un aspect qui n'a pas été examiné dans ce contexte, c'est le problème de la réglementation, celui des pertes d'efficacité, des chevauchements et des contradictions. Une étude effectuée par le Conseil du Trésor, à laquelle nous avons participé, sous-estime, à mon avis, les coûts de certaines exigences réglementaires, mais en arrive tout de même à un chiffre se situant entre 30 et 50 milliards de dollars, qui découle en grande partie aussi du problème de la réglementation interprovinciale.

M. Schmidt: Je tiens vraiment à vous remercier, messieurs, et... excusez-moi, j'ai oublié votre nom.

M. Van Houten: Goldie Shea.

M. Schmidt: ...et madame Shea, de votre exposé de ce matin. Je pense que c'est probablement l'un des exposés les plus concis que nous ayons entendus ces derniers temps, et il touche à certaines de mes principales préoccupations. En fait, lorsque j'ai regardé ce texte, je me suis dit : «Ils ont dû jeter un coup d'oeil sur mon bureau hier soir et relever mes préoccupations en ce qui concerne l'accord sur le commerce interprovincial.»

J'aimerais aussi vous demander pourquoi nous ne pouvons pas aller plus vite. Vous encouragez le gouvernement à agir plus vite, et je vous appuie entièrement. Pouvez-vous vous arrêter un instant à formuler des hypothèses qui expliquent pourquoi cela va si lentement?

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M. Van Houten: Tout ce que je peux faire, c'est dresser des hypothèses, car, justement, monsieur Schmidt, nous nous posons la même question depuis environ 35 ans maintenant.

Merci d'avoir souligné la consision de notre exposé. C'était à dessein. C'est nous également qui, en plus d'évaluer de façon conservatrice à 6,5 milliards de dollars le coût des barrières, avons évalué à au moins 500 le nombre de barrières au commerce interprovincial au Canada.

Voici notre analyse de ces 500 barrières. Il s'agit de barrières réelles, véritables et actuelles. Un certain nombre d'entre elles, évidemment, ont été éliminées ou sont en voie de l'être à la suite de l'accord de l'an dernier, mais il y en a encore baucoup.

Pourquoi? Tout ce qui me vient à l'esprit, je suppose, ce sont des raisons ou des questions de chauvinisme et d'intérêt local ou régional. Le gouvernement provincial en Colombie-Britannique, par exemple, ne veut pas vraiment démanteler ces barrières, du moins dans la mesure où nous avons pu le constater au fil des ans. Je pense que cette attitude prévaut, quelle que soit la couleur politique du gouvernement en place en Colombie-Britannique.

Il semblerait que l'on veut beaucoup plus récompenser et encourager les entreprises locales et la production locale qu'avancer vers un objectif plus vaste, celui d'une économie nationale qui fonctionne de façon plus efficace. C'est déplorable, mais il semblerait que ce soit la réalité dans notre pays.

Pour conclure, j'aimerais ajouter qu'évidemment nous faisons connaître nos opinions au palier fédéral sur cette question, tout comme nous le faisons au palier provincial, avec plus ou moins de succès, vous vous l'imaginez bien.

M. Schmidt: Je suis au courant. La situation est très claire, et j'en suis très conscient. Ce qui m'ennuie justement, c'est de voir que les mécanismes de règlement des différends sont aussi faibles dans cet accord.

C'est une chose que d'avoir fait, comme vous le mentionnez, un tout petit pas en avant, ce que nous appuyons. Mais même dans ce contexte, le mécanisme de règlement des différends est en fait inutile, puisqu'il faudra des années et des années pour résoudre tout différend, et ensuite on pourra quand même en revenir aux dispositions qui existaient avant l'Accord sur le commerce intérieur. Vous êtes donc en pire posture après avoir suivi les étapes du règlement de différends que vous ne l'étiez auparavant.

Quel genre d'accord permet ce genre de chose?

M. Van Houten: Les faiblesses des dispositions sur le règlement des différends s'expliquent par les raisons mêmes pour lesquelles il a fallu autant de temps pour conclure cet accord, c'est-à-dire que certains gouvernements estiment qu'il n'est pas dans leur intérêt d'avoir un tel accord ou un accord efficace ou un accord dont le mécanisme de règlement des différends est efficace et exécutoire. Cela fait partie de ce même point de vue chauvin sur le fonctionnement de l'économie.

M. Schmidt: Monsieur le président, je vais maintenant poser la question que cette réponse entraîne. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique, plus précisément aux articles 121 et 91, prévoit le mouvement libre des biens et des services d'une province à l'autre et confère au gouvernement fédéral la responsabilité de s'assurer de l'application de ces dispositions. Le libre mouvement vise le commerce en tout genre.

Je vous demande donc pourquoi le gouvernement fédéral limite volontairement, me semble-t-il, l'application des dispositions actuelles de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, notre Constitution.

M. Van Houten: Monsieur Schmidt, je ne peux pas vous dire pourquoi le gouvernement fédéral fait les choix qu'il fait. Nous connaissons les dispositions sur le commerce de la Constitution canadienne. Évidemment, avant les négociations qui ont donné lieu à l'accord de 1994, nous avions certes exhorté le gouvernement fédéral à songer à utiliser de façon plus ferme ses pouvoirs aux termes de la Constitution.

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Je pense que le gouvernement fédéral estime qu'il est préférable de conclure volontairement des ententes entre gouvernements que de devoir les imposer par des recours judiciaires. Je partage cet avis. Toutefois, jusqu'à quel point c'est préférable - et je pense que c'est ce à quoi vous voulez en venir - cela dépend des résultats.

À notre avis, nous n'avons franchi qu'un tout petit premier pas. Je ne pense pas que le moment soit venu de laisser tomber l'accord ou le processus de négociation volontaire. Je ne propose pas que nous rejetions l'accord et que nous recommencions en adoptant une approche judiciaire ou litigieuse. Toutefois, si nous ne réalisons pas de progrès considérables bientôt, je pense qu'il faudra songer à cette option.

M. Schmidt: Voilà qui est fort intéressant. Puis-je vous poser une autre question, qui relève de celle-là?

Vous avez fait une autre observation, dans laquelle je décèle des répercussions pour l'unité canadienne. S'il est exact, comme vous le dites dans votre mémoire, qu'il est plus facile à certaines entreprises de faire des affaires avec d'autres pays qu'il ne l'est entre provinces, je vois là une vraie pierre d'achoppement à l'unité canadienne. Pourquoi ne nous tournerions-nous pas vers un pays avec lequel nous faisons des affaires plutôt que vers nos propres compatriotes?

M. Van Houten: Je suis d'accord. Je disais simplement que c'est un élément que nous n'avons pas quantifié, et nous ne nous sentons pas en mesure de le faire, mais nous sommes persuadés que c'est un facteur dont il faut tenir compte.

M. Schmidt: Cela me paraît très grave; en particulier quand on considère cela dans le contexte d'une diminution, mettons, de 20 milliards de dollars pour notre PIB, cela influe sur l'ensemble de nos recettes, sur tout notre...

M. Van Houten: Vous avez absolument raison. Jayson, parlant tout à l'heure des coûts associés aux règlements, coûts assumés en fait par les entreprises, disait qu'ils étaient de l'ordre de 50 milliards de dollars par an.

Nous aimerions que notre gouvernement fasse tout ce qui est en son pouvoir pour pallier ce problème, et qu'il se fixe et s'impose l'objectif de réduire ces coûts de 10 p. 100 par an. Je ne vois rien d'excessif à une réduction de cinq milliards par an; ce serait là un objectif d'une importance considérable et dont les retombées seraient fort bénéfiques pour l'économie.

M. Schmidt: Voilà une proposition qui me convient fort bien: lançons-nous dans cette entreprise.

Le président: Nous le ferons peut-être à la fin de la réunion, mais, entre-temps, je vois que j'ai encore Mme Bethel et M. Discepola sur ma liste.

Madame Bethel.

Mme Bethel (Edmonton-Est): Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Van Houten, merci pour un exposé aussi limpide que concis. Vous avez tout à fait raison de dire que le coût des restrictions au commerce interprovincial est de beaucoup supérieur aux six milliards de dollars auxquels il a été évalué.

Quand nous constatons toutes les occasions perdues, et l'importance primordiale de faire concurrence sur la base des spécialisations, des innovations et des idées, et sur la nécessité d'avoir accès à de grands marchés, nous savons que nous avons beaucoup de pain sur la planche.

Pourriez-vous me dire comment vous envisageriez un règlement idéal des différends? J'ai besoin de vous pour me faire une idée de l'appui des provinces, et également pour mieux comprendre qui sont vos alliés, et ce que nous devons faire à propos des changements que cela ne manquera pas de susciter sur une longue durée.

M. Van Houten: Oui, c'est vrai.

Tout d'abord, en ce qui concerne la disposition de règlement des différends, cela me ramène à une réflexion que je me faisais tout à l'heure à propos d'une des questions de M. Schmidt.

Il est étrange et regrettable, en un sens, que nous devions avoir un ALENA, autrement dit un traité de commerce, au sein même de notre pays. Nous n'avons jamais demandé cela, nous n'avons jamais recommandé qu'il y ait un accord sur le commerce intérieur. Tout ce que nous recommandions, c'était l'élimination des barrières commerciales, ce qui peut se faire soit par un accord, un traité ou un ALENA interne, soit par l'intervention intelligente des gouvernements de tous niveaux. Pour ne rien vous cacher, c'est cette dernière option que nous aurions préférée.

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Nous trouvons déplorable qu'il y ait un système de règlement des différends commerciaux au sein même du pays, mais nous sommes bien obligés de l'accepter. S'il faut qu'il y ait un accord là-dessus et que nous ayons une procédure de règlement des différends dans cet accord, nos recommandations principales seraient les suivantes: la procédure devrait être exécutoire et devrait donner un droit privé d'action, car ceux sur qui pèsent le plus lourdement les coûts qui découlent de ces barrières, ce sont les entreprises ainsi que, dans la foulée, leurs clients au Canada et dans le monde. Cela concerne donc également ces derniers.

Mais même si l'on ne s'en tient pour le moment qu'aux entreprises, puisque c'est nous qui supportons le coût, nous avons tout intérêt à ce que cet accord fonctionne de façon satisfaisante, et il nous paraît important que ces entreprises aient un droit privé d'action qui ait une utilité. L'accord devrait donc être exécutoire, prévoir un droit privé d'action et sa mise en application aussi simple et rapide que possible.

Ce que nous avons à l'heure actuelle avec les groupes spéciaux et les révisions, c'est qu'il y a, de toute façon, des restrictions et des contraintes à ce qu'il est possible de faire, et tout cela débouche sur des recommandations qui, pour la plupart, ne sont pas exécutoires. C'est loin d'être idéal.

Vous me posiez une question sur...

Mme Bethel: Quelles sont donc les provinces qui réexaminent leurs procédures? Qui sont vos alliés, et comment pouvons-nous intervenir?

M. Van Houten: La Colombie-Britannique en particulier. Il y a un an, à l'époque où l'accord a été négocié, on s'inquiétait un peu de l'engagement de la Saskatchewan, ainsi que de celui de l'Ontario, encore que cette inquiétude ait été un peu exagérée dans le cas de cette dernière province et que c'était un peu injuste envers elle. Les provinces de l'Atlantique dans l'ensemble, et en particulier le Nouveau-Brunswick, nous ont vigoureusement appuyés.

Quant aux alliés en dehors du gouvernement, nous en avons beaucoup, en particulier dans le monde des affaires et aussi parmi les groupes de consommateurs, mais malheureusement pas, dans l'ensemble, parmi les syndicats. J'ai même entendu des chefs syndicaux me déclarer que le libre-échange étant mauvais au niveau international, il s'ensuivait qu'il devait être également mauvais au niveau interne, et qu'ils étaient donc contre.

Mme Bethel: Qui sont donc vos alliés, et quelles actions avez-vous entreprises? Vous devez avoir une stratégie de travail avec la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, l'Ontario ainsi que les groupes syndicaux pour parvenir à trouver un terrain d'entente.

M. Van Houten: Nous n'avons pas vraiment de stratégie avec les groupes syndicaux, qui refusent tout simplement de nous donner leur appui, et nous ne voyons guère à quoi il servirait d'essayer de faire tomber cette forteresse.

En ce qui concerne la Colombie-Britannique, nous y avons une section très active de l'AMC qui défend constamment et avec beaucoup de dynamisme notre position auprès du gouvernement provincial, mais nous ne sommes pas encore parvenus à le faire changer d'opinion. Nous ne renonçons toutefois pas et continuons à avoir des contacts fréquents, et à un niveau élevé. Il y aura, sous peu, changement de leadership en Colombie-Britannique, ce qui nous ouvrira peut-être de nouvelles perspectives.

Le président: Il y aura peut-être plus que des changements de leadership.

M. Myers: Monsieur le président, permettez-moi d'ajouter quelques points à ce que disait M. Van Houten. Quand nous avons, il y a cinq ans, commencé à examiner cette question pour essayer d'en quantifier le coût, l'accent portait surtout sur les restrictions réelles, en particulier sur les marchés publics et les acquisitions par le secteur «MUSH» (municipalités, universités, écoles et hôpitaux).

L'un des problèmes majeurs devant lesquels nous nous trouvons actuellement, pour faire des affaires dans le pays, ce sont les différences, contradictions, chevauchements et doubles emplois en raison des règlements. Sur ce point, l'Accord sur le commerce intérieur ne va probablement pas assez loin, et il faudrait l'étoffer et le compléter. La seule façon de procéder est de réunir, espérons-le, les provinces et le gouvernement fédéral pour identifier les problèmes et trouver moyen de les résoudre facilement, efficacement et à bas prix en présentant une meilleure formule d'harmonisation. Il y a une vaste gamme de problèmes, allant de l'électricité, de la pose de canalisations électriques en Saskatchewan, périmées depuis 30 ans, au code de la route en Ontario, etc.

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Mme Bethel: Comment allez-vous donc faire se rallier à vous la main-d'oeuvre et ceux qui renâclent à la libéralisation du commerce?

M. Myers: Le plus difficile, pour rallier les provinces à notre point de vue - ce qui est la priorité - , c'est de montrer qu'il y va de l'intérêt commun d'avoir des normes plus efficaces. C'est là-dessus que nous nous concentrons, en particulier au plan de la réglementation, ce qui est actuellement la façon la plus efficace de procéder.

Mme Bethel: Il me reste d'autres questions, et j'espère avoir l'occasion de vous les poser.

Le président: Je l'espère également, mais il ne nous reste que 20 minutes.

Monsieur Discepola.

M. Discepola (Vaudreuil): Merci, monsieur le président. Je vous avoue que je suis stupéfait, car j'ai l'impression que nous sommes en désaccord sur ce point. Nous ne semblons pas avoir la collaboration de nos homologues des provinces. Je sais, d'expérience personnelle, qu'il y a des gouvernements régionaux, des municipalités et des conseils de santé qui, dans leurs appels d'offres, imposent des restrictions empêchant les sociétés canadiennes de soumissionner un grand nombre de services.

Nous en avons eu un exemple, dans tout le Canada, lors des audiences du Comité des finances: en raison de certaines restrictions des conseils de santé, aucune société canadienne ne peut fournir ce qui est demandé, de sorte qu'il faut l'acheter aux États-Unis. S'il était toutefois possible, pour réaliser des économies d'échelle, de regrouper les conseils de santé des dix provinces, vous rendriez possible la création, pour l'approvisionnement de ce secteur, d'une économie canadienne viable.

Je trouve cela accablant et, en toute franchise, je ne sais ce que peut faire le gouvernement. En effet, chaque fois que nous essayons, ces jours-ci, de négocier avec les provinces, nous avons l'impression de faire deux pas en avant et parfois ensuite trois pas en arrière.

Votre association a-t-elle fait faire des études d'impact négatif pour voir quelles seraient les répercussions sur toutes les provinces si nous parvenions à éliminer certaines barrières interprovinciales? Il doit y avoir des éléments communs qui représenteraient un avantage pour la plupart des provinces, et si vous pouviez donc prouver au premier ministre de ces provinces que l'élimination de certaines barrières serait à l'avantage de tous... C'est là que nous devons faire notre première brèche.

Je sais bien qu'il nous a fallu près de sept ou huit ans pour en arriver où nous en sommes. Je ne suis pas très optimiste quant à nos chances de succès, mais - cela crève les yeux - l'union fait la force. Si nous nous demandons comment réduire nos dépenses, c'est là une façon d'améliorer notre PIB de un à deux p. 100. Pourquoi hésitons-nous tant à nous associer pour oeuvrer dans ce sens? Que peut faire le gouvernement fédéral pour donner le coup d'envoi?

M. Van Houten: Je ne crois pas que nous ayons fait les études d'impact négatif. Vous pourrez peut-être nous renseigner là-dessus.

Je crois toutefois savoir pourquoi certains gouvernements provinciaux ne sont pas en notre faveur. En effet, pour rencontrer nos membres, je voyage beaucoup dans ce pays et je constate, fait singulier, que dans chaque province il existe une petite usine de câblage pas très efficace, certainement pas à l'échelle mondiale ou selon les normes mondiales, qui est la propriété de Northen Telecom. Il y en a une à St. John's, à Terre-Neuve; il y en a une à Charlottetown, dans l'Île-du-Prince-Édouard. Ces usines n'ont pas de raison d'être, et pas de justification.

La production de ces usines est coûteuse et, faut-il le dire, de qualité inférieure à la moyenne. Elles sont cependant là pour une bonne raison: c'était le prix à payer pour obtenir d'être admis comme fournisseur du gouvernement provincial pour d'autres produits, mais cette usine, qui emploie de 12 à 20 personnes, est un employeur local; elle arbore, sur les côtés, un emblème bien connu au Canada et dans le monde. Existe-t-il un maire d'une ville de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard ou d'ailleurs qui n'aime pas voir un de ces emblèmes? Bien sûr que non.

M. Discepola: Mais n'existe-t-il pas un danger, de nos jours, que cet emblème se retrouve au Mexique?

M. Van Houten: Mais le coût à court terme, c'est que vous perdez l'usine et cette poignée d'emplois.

Dans tous les cas de ce genre, le problème, au plan politique, c'est que - et vous, comme politiciens, en savez davantage là-dessus que moi, qui ne le suis pas - , très souvent le prix à payer, ou l'inconvénient ainsi causé, est visible et immédiat: cette petite usine ferme ses portes, et l'emblème disparaît en même temps qu'une dizaine d'emplois.

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Quant à l'autre terme de l'équation, soit Northern Telecom, la société plus concurrentielle, qui a probablement deux ou trois usines au Canada dont la production est à l'échelle internationale, pour elle les effets sont moins visibles et les avantages ne sont pas nécesasirement immédiats. Il lui faut du temps pour réorienter son profil de coûts et pour utiliser ses économies de coûts pour devenir plus concurrentielle, par exemple, sur le terrain de l'exportation.

Je suppose que c'est là ce qui explique cet état de choses. Ce qu'on peut faire au niveau fédéral? Nous avons mentionné certaines options.

Vous pouvez certainement élargir les dispositions de l'accord, sans exception, aux organismes réglementés ou financés par le gouvernement fédéral. Cela n'a pas été fait, et pourrait l'être. Vous pourriez veiller à ce que le rapport annuel du comité soit déposé devant le Parlement, où il peut faire l'objet de débats et où l'occasion est donnée de continuer dans la voie du progrès. Ce sont là certaines options que vous avez, et qui devraient être mises à exécution.

M. Myers: Permettez-moi d'ajouter quelques exemples de cas où les provinces et le gouvernement fédéral se sont réunis pour évaluer l'impact négatif de certaines de ces restrictions, en particulier dans le domaine des pâtes et papiers, pour faire adopter des ententes administratives dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Au Nouveau-Brunswick des efforts remarquables ont été faits pour harmoniser les règlements, de sorte que les sociétés ne relèvent que d'un seul règlement cadre, et une évaluation des coûts a été faite, sous la direction d'Industrie Canada, en même temps qu'un essai d'impact sur les entreprises. Tout cela, à ma connaissance, fonctionne très bien. Les sociétés et les provinces y collaborent, mais le problème, c'est qu'il faut d'une certaine façon...

Nous sommes conscients nous-mêmes de ce problème. À la seule évocation d'un règlement et de l'application de celui-ci, les gens semblent se dérober. Cela entraîne des coûts élevés. Il n'y a pas de quoi en tirer gloire pour les gouvernements, mais ce sont là des exemples de cas où cela fonctionne.

Ce qu'il faut peut-être, c'est quelqu'un pour se faire le champion de cette cause, qu'il s'agisse d'un organisme intergouvernemental qui propose les meilleures pratiques, montre les effets néfastes de certaines restrictions, mais également les avantages d'une restructuration.

Il existe un grand nombre d'usines peu rentables. Je ne suis pas certain que beaucoup d'entre elles fermeraient leurs portes. En se débarrassant de certaines de ces restrictions, on donnerait à ces entreprises l'occasion de se restructurer, de se spécialiser et de prendre la marché interne comme tremplin de croissance. Je ne crois pas que vous assisteriez aux fermetures évoquées par beaucoup d'opposants au projet.

Il y a peut-être encore deux autres domaines dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait prendre l'initiative, ou, sinon l'initiative, du moins une petite poussée dans la bonne direction.

Certaines des restrictions qui fonctionnent au niveau local - il y en a beaucoup au niveau des universités - traduisent le fait que ces administrations ont de l'argent à dépenser. C'est là un luxe, et les choses vont rapidement changer, je l'espère, car les institutions de niveau local vont devoir se restructurer en réaction aux coupures budgétaires imposées par tous les niveaux de gouvernement. J'espère que, ce faisant, les administrations locales vont se restructurer pour assurer la meilleure qualité de service possible au client, et pour veiller à ce que ce dernier soit un client national.

Le second moyen d'intervention, ce serait peut-être de donner l'exemple dans d'autres domaines. Dans le commerce interprovincial, les marchés publics constituent une question d'importance, et il a souvent été dit que les provinces et le gouvernement fédéral pourraient utiliser ceux-ci pour aider au développement des petites entreprises. Permettez-moi de faire une remarque à propos des marchés publics provinciaux aussi bien que fédéraux: la meilleure façon d'aider les petites entreprises avec les marchés publics, c'est d'assurer au système un meilleur fonctionnement à moindre coût.

Tous les gouvernements de notre pays sont notoires pour la complexité et la rigidité, le changement des conditions des contrats, les paiements différés... Tout cela fait partie des marchés publics gouvernementaux. La meilleure façon, de nos jours, d'aider les entreprises, aux niveaux local et fédéral, par l'entremise des marchés publics, c'est d'en améliorer le processus. Si le gouvernement fédéral donnait l'exemple, cela aurait un effet d'entraînement dont les petites entreprises de tout le pays profiteraient considérablement.

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Le président: Monsieur Bélanger.

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Monsieur le président, les questions que j'avais ont déjà reçu leurs réponses. Je vous remercie.

Le président: Nous continuons donc. À vous, monsieur Collins.

M. Collins (Souris - Moose Mountain): Votre exposé est fort intéressant, messieurs, mais venant d'une petite ville de la Saskatchewan, je ne voudrais pas être l'une des années-personnes que vous allez éliminer. Quand vous fermerez cette usine, je souhaite que vous soyez le maire, parce que les gens de l'endroit ne vont pas vous porter aux nues pour cet acte.

M. Van Houten: C'est exact.

M. Collins: Il y a aussi un effet multiplicateur: avec le départ de ces 12 personnes...

M. Van Houten: Je sais.

M. Collins: ...nous venions justement de parler des effets multiplicateurs - il y en a quatre ou cinq qui en dépendent, de sorte que de 12 on passe à une cinquantaine. Chacun a donc son fief à protéger.

J'ai constaté que quand vous vouliez proposer... Cette loi ne vous plaît peut-être pas, mais dans votre exposé vous disiez que vous vouliez avoir ce groupe ici, que nous devrions avoir un autre niveau ici, un autre niveau là. Savez-vous à quoi tout cela aboutira? Pour résoudre le problème en question, à savoir le libre-échange des biens et services, cause que j'appuie de tout coeur, nous allons nous trouver pris dans un autre dédale bureaucratique.

Qu'arrive-t-il avec les marchés publics? Je siégeais comme président dans un comité chargé des acquisitions d'un grand hôpital, et nous avons essayé de...et nous avons travaillé collectivement, par l'intermédiaire de quatre provinces.

J'approuve de tout coeur vos efforts. Il est regrettable que nous ne parvenions pas à amener les dix provinces à dire: comment allons-nous procéder?

Mais il y a certaines retombées pour les gens qui sont sur les lieux et qui disent: je suis ici, moi; comment se fait-il que je n'en profite pas? Tous ces marchés publics finissent à Toronto, et la Saskatchewan trouve la pilule amère. Nous nous évertuons donc à travailler à ce projet, mais dans ma province on se demande: qu'est-ce que j'en retire, moi? Quel est mon avantage dans tout cela? Je ne sais pas comment arranger les choses, mais je comprends que vous êtes devant une tâche herculéenne.

Passons maintenant aux impacts négatifs dont parlait M. Schmidt: si nous confortons l'égocentrisme de ceux qui pensent que seul compte leur intérêt, nous faisons alors nos affaires avec le Sud, et sous peu ce sera l'exode dans cette direction - au sud d'ici, au sud de là - et là, du coup, nous serons dans la panade. C'est pourquoi nous avons ce problème.

M. Van Houten: Vous avez tout à fait raison.

M. Collins: Nous avons des provinces qui pensent qu'il est plutôt de leur intérêt de partir plutôt que de rester.

C'est donc facile de dire au gouvernement: tirez-nous d'affaire, mais le gouvernement vous rétorque que vous êtes dans le jeu, que vous devriez faire cause commune et lui dire comment se sortir de là.

Je vous félicite donc, car ce n'est pas seulement la Colombie-Britannique qui résiste. Ma propre province, elle aussi, porte des oeillères; elle devrait les enlever et se secouer.

Je félicite ce comité, monsieur le président; je donnerais beaucoup pour y être venu plus souvent, parce que vous faites du travail intéressant et nécessaire.

Comment nous frayer un chemin à travers cette montagne de paperasserie? La pile baisse, mais tous les matins, quand on arrive au bureau, elle s'est reconstituée.

M. Bélanger: Le papier, ça se recycle, vous savez.

Un témoin: Nous comprenons très bien ce que vous voulez dire.

M. Collins: En résumé, je voudrais simplement vous dire que nous avons bien besoin de votre aide et que vous nous guidiez; nous vous soutiendrons dans toute la mesure de nos moyens, mais il faut que cette bonne volonté soit manifeste de part et d'autre. Il ne s'agit pas que de la Colombie-Britannique; nous aussi devons étudier la question. Je ne sais pas comment nous allons rallier à cette cause les gens des provinces...

Voyez ce qui se passe au Québec. Chacun maintenant revendique des droits pour lui seul: donnez-moi un veto, donnez-moi ceci ou cela. Pourquoi ne pas se serrer les coudes...et résoudre certains de ces problèmes? Nous y arriverons.

Le président: Quelle est votre réponse à tout cela?

M. Van Houten: Je ne suis pas sûr de la question.

Des voix: Oui ou non?

M. Van Houten: Non; nous sommes contre, quelle que soit la chose dont il s'agisse.

Votre observation me semble fort valable. Il faut lutter, et vous nous avez bien expliqué pourquoi. Le maire d'une petite ville de la Saskatchewan s'intéresse évidemment au sort de ses concitoyens.

Si l'usine de douze personnes dont j'ai parlé ferme dans votre petite ville de la Saskatchewan, cela est certainement néfaste pour l'économie locale. Par contre, si la société nationale, et même multinationale, à qui appartient l'usine et qui la subventionne, et qui en subventionne vraisemblablement plusieurs autres qui sont de trop petite taille, devient moins rentable et moins concurrentielle, il se peut que ses dirigeants décident de déménager toute l'entreprise vers des cieux plus cléments, au Mexique, par exemple. Alors, c'est non seulement votre ville qui y perd, mais aussi la mienne - Toronto. Or, tout le monde déteste Toronto.

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Le président: Aimez-vous Toronto? John aussi. Personne d'autre n'aime Toronto, pas vrai?

M. Van Houten: Ce n'est pas un jeu qui en vaut la chandelle. Le problème, de notre point de vue - et c'est ce qui explique qu'il faut lutter - , c'est que les enjeux se situent dans une perspective à long terme, quelque peu imprécise par rapport à toutes les préoccupations immédiates qu'ont les gens à l'échelle locale.

Ce qui nous importe vraiment - et ce qui importe également au comité, j'ose le croire - , c'est de ne pas dormir sur nos lauriers par rapport à ce qui s'est passé il y a un an. Un accord a été négocié après des efforts considérables. Comme tout accord, il est loin de la perfection - peut-être davantage que d'autres - , mais c'est un début. L'accord comporte même un engagement à poursuivre les négociations, à progresser. Mais pour qu'il y ait progrès, il faut que les gens surveillent leurs intérêts et continuent à exercer des pressions.

Nous allons le faire. Nous aurons peut-être l'occasion de comparaître à nouveau devant vous pour discuter de façon plus détaillée de certaines des répercussions négatives dont il a été question. Nous avons certainement l'intention de le faire à l'échelle provinciale, de même que dans tout le pays. J'espère que votre comité saura adopter le même genre de démarche et d'attitude. Des pressions constantes sont nécessaires.

Le président: La dernière question sera posée par Mme Bethel.

Mme Bethel: Merci, monsieur le président.

Monsieur Van Houten, monsieur Myers, vous avez déclaré que l'accord contient peu de dispositions qui incitent les parties à résoudre les différends qui les opposent. Quelles mesures prévoyez-vous à cet égard?

M. Van Houten: Nous en avons déjà mentionné certaines.

Mme Bethel: Mis à part le processus de règlement des différends, quelles autres mesures peuvent être prises?

M. Myers: Je crois qu'il importe dès maintenant de renforcer les institutions qui correspondent à cette entente commerciale, de sorte que les entreprises et les autres parties travaillent très activement non seulement à régler les différends, mais aussi à poser les problèmes et à proposer des solutions pertinentes. À cet égard, comme l'a souligné M. Van Houten, il serait constructif de veiller à ce que le rapport du Comité du commerce intérieur soit déposé devant le Parlement et soit largement diffusé dans le public.

Il serait constructif également de veiller à ce qu'il existe un mécanisme très simple et peu coûteux qui permettrait aux milieux d'affaires de soumettre tout problème et toute solution pertinente à un groupe d'experts en matières commerciales ou au Comité du commerce intérieur. L'entreprise de produits de l'acier de la Saskatchewan, par exemple, qui fait câbler ses installations d'après des normes de câblage vieilles de 30 ou 40 ans et qui est en mesure de proposer une norme de câblage améliorée devrait, en principe, bénéficier de l'accord du gouvernement provincial, de manière à ce que ce genre d'amélioration puisse devenir la norme dans tout le pays.

Il me semble donc important qu'un cadre institutionnel se développe. Je ne crois pas qu'on puisse formuler des règles à cet égard, mais il faut renforcer le rôle des provinces - de ceux qui participent au processus - et faire en sorte que les entreprises mettent la main à la pâte.

Cette question en est une qui perdure. Au cours des cinq dernières années, les milieux d'affaires ont connu des changements tout à fait fondamentaux. Les entreprises se sont spécialisées. Leur taille a augmenté, et cela ne s'est pas toujours fait au Canada.

Pour ce qui est des différends commerciaux ou de leur règlement, quelle est donc l'entreprise qui voudrait comparaître devant le comité et subir un tel processus? Évidemment, si elle avait gain de cause on lui accorderait les frais, mais la plupart des entreprises jugeraient tout simplement que le jeu n'en vaut pas la chandelle.

M. Van Houten: Elles déplaceraient tout simplement leur usine.

M. Myers: En effet, et nous parlons en connaissance de cause.

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Je pense à une entreprise d'Oshawa dont les premiers clients ont été les gouvernements provinciaux, dans le secteur de la construction non résidentielle. Aujourd'hui, elle exporte 97 p. 100 de sa production. Elle a cinq usines à l'extérieur du pays, toutes aux États-Unis. Elle a commencé dans le secteur des achats gouvernementaux, et si elle avait été en mesure de trouver des débouchés dans tout le Canada son expansion aurait vraisemblablement eu lieu ici au Canada.

Aujourd'hui, elle va sur tous les marchés. Elle ne se limite pas au marché du secteur public, mais c'est le marché américain qui a le plus d'importance pour elle, et c'est donc en fonction de ce marché qu'elle déploie le plus d'efforts. L'usine d'Oshawa fonctionne toujours, puisque le propriétaire habite Oshawa et aime l'endroit comme lieu d'affaires. En réalité, c'est la seule raison pour laquelle l'entreprise y est encore située, puisque la plupart de ses marchés sont à l'étranger.

Il faut trouver le moyen de faire en sorte que les entreprises de ce genre et toutes les entreprises de pointe - les entreprises de biotechnologie de la Saskatchewan - se préoccupent non seulement de problèmes ou de différends, mais aussi de solutions. Et les gouvernements doivent être disposés à accueillir favorablement de telles solutions par des mesures de reconnaissance réciproques par des protocoles en matière de réglementation et d'achats qui visent l'ensemble du pays, etc.

Je ne crois pas que cela puisse se faire sans la participation des milieux d'affaires et d'autres parties intéressées. Il est également nécessaire que les autorités provinciales et fédérales reconnaissent la grande importance du processus et s'engagent à y contribuer. C'est donc une question que la réforme de la réglementation doit englober.

Mme Bethel: Estimez-vous que le secrétariat peut jouer un rôle utile...

M. Myers: J'estime qu'il est nécessaire.

Mme Bethel: ...comme catalyseur du processus dans l'intérêt des entreprises?

M. Myers: En effet. Un processus centralisé de ce genre est nécessaire.

Mme Bethel: Merci.

Le président: Merci beaucoup. Permettez-moi de partager avec vous certaines réflexions. Tout d'abord, j'espère que vous avez pu constater que tous, ici - tout au moins pour ce qui est des deux partis politiques représentés ici - nous sommes tout à fait d'accord avec vous.

J'espère que personne n'a l'impression que le gouvernement fédéral se traîne les pieds. Dans la mesure où vous pouvez constater que nous ne souhaitons pas imposer nos volontés - du fait que nous souhaitons, ce qui est tout à notre honneur, négocier avec les provinces - il faut par ailleurs reconnaître que le gouvernement du Canada n'a aucun intérêt à favoriser quelque entrave que ce soit au commerce interprovincial. Nous sommes donc gagnés à votre cause, et il est évident que nous souhaitons collaborer avec vous dès maintenant et dans l'avenir.

Il est évident que nous devons conspirer avec nos alliés de toutes appartenances, dans tout le pays, pour faire pencher certains des récalcitrants. Il n'est certainement pas facile de convaincre les gens d'adopter une perspective qui dépasse les limites de leurs villages, et j'espère que grâce à votre aide nous serons en mesure de le faire.

Assez paradoxalement, dans le secteur de la santé par exemple, nous sommes, parmi les pays de l'OCDE, celui qui est le moins en mesure de répondre aux besoins de son propre marché, un marché qui a été tellement morcelé qu'aucun chef de file canadien n'est en mesure de l'exploiter. Nous nous tirons dans le pied.

Mon dernier commentaire est en réalité une question. Vous avez noté que l'entreprise privée n'est pas en mesure de participer au processus de règlement des différends ou d'en contester les résultats. À votre connaissance, des entreprises ou des individus pourraient-ils, aux termes des dispositions de la Constitution en matière de commerce - dont il semble ressortir assez nettement que de tels obstacles ne sont pas souhaitables - contester tel ou tel obstacle au commerce? L'a-t-on déjà fait?

M. Van Houten: Pas à ma connaissance.

Le président: Pourquoi?

M. Van Houten: Je n'en sais rien.

Le président: Seriez-vous en mesure de le savoir?

M. Van Houten: Oui. Certainement.

Le président: La question coule de source, me semble-t-il. Si c'est anticonstitutionnel...

M. Van Houten: Elle comporte deux volets, selon moi. Premièrement, la chose est-elle possible? Et, deuxièmement, y a-t-il quelqu'un qui soit disposé à consentir les dépenses et les efforts nécessaires...

Le président: Avec l'aide d'une organisation sympathique à sa cause?

M. Van Houten: Tout à fait.

Le président: Auriez-vous donc l'amabilité de nous fournir une réponse à ce sujet?

M. Van Houten: En effet, je le ferai avec plaisir.

Le président: Merci beaucoup.

M. Van Houten: Merci.

Le président: Nous allons prendre une pause de deux minutes pendant que les témoins suivants se préparent. De toute évidence, nous allons poursuivre le dialogue.

M. Van Houten: Je suis impatient de le faire, John.

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Le président: Nous accueillons maintenant des témoins qui représentent le secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux. Lorsque j'ai entendu la première fois en anglais le sigle «MUSH», je croyais qu'il s'agissait du commerce interprovincial des attelages de chiens, mais nous savons bien que c'est une tout autre chose. Nous savons que vous représentez un secteur extrêmement important de notre société et de notre économie, soit celui de l'éducation. Nous accueillons des représentants de l'Association des collèges communautaires du Canada et de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires.

Je vous proposerais de nous livrer tour à tour vos commentaires liminaires. Après quoi nous passerons aux questions. Les députés pourront, comme nous avions l'habitude de le dire à l'école, comparer vos exposés. Si j'ai bien compris, ils convergent; alors pourquoi ne pas commencer par l'Association des collèges communautaires du Canada?

M. Pierre Killeen (agent des relations gouvernementales, Services nationaux, Association des collèges communautaires du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président.

Bonjour à tous. Je m'appelle Pierre Killeen. Je suis l'agent des relations gouvernementales de l'Association des collèges communautaires du Canada. Mme Sandy Lawrence, directrice des achats et des télécommunications à Sir Sandford Fleming, de Peterborough, m'accompagne. Mme Lawrence a une connaissance très concrète des conséquences et des défis qui pourraient découler d'une extension de l'Accord sur le commerce intérieur à ce qu'on a pris l'habitude d'appeler le secteur «MUSH» en anglais, bien qu'il ait été question récemment de l'appellation «MASH». Néanmoins, les municipalités, les collèges communautaires...

Une voix: Le secteur «mishmash», peut-être.

M. Killeen: En effet.

Le président: L'initiale «a» de «academic» remplace alors l'initiale «u» de «universities». Est-ce bien cela?

M. Killeen: Je crois que c'est pour accorder leur juste place aux collèges communautaires, qui ne bénéficient jamais de la reconnaissance qu'ils méritent dans les débats publics.

Le président: Il est bien difficile de faire sa place au soleil, n'est-ce pas?

M. Killeen: Merci, monsieur le président.

L'ACCC représente 175 collèges communautaires, instituts techniques et cégeps situés dans les dix provinces et les deux territoires du Canada. Pensons par exemple à la Cité collégiale, ici même dans la région de la capitale nationale, au Collège universitaire Okanagan, en Colombie-Britannique, ou encore au Collège John Abbott, en banlieue de Montréal.

Comme je le disais plus tôt, nous sommes ici aujourd'hui pour attirer l'attention du comité sur les conséquences qu'entraînerait l'extension des dispositions relatives aux achats de l'Accord sur le commerce intérieur aux collèges communautaires. Je me bornerai à vous donner un survol de notre position et de nos objectifs en la matière. Mme Lawrence pourra donner des détails particuliers aux membres du comité au sujet des conséquences d'une telle extension pour nos membres.

D'une façon générale, nous tenons à dire que le fait d'étendre les obligations énoncées dans le chapitre cinq de l'Accord sur le commerce intérieur - il s'agit du chapitre qui traite des achats - aura pour effet d'imposer davantage d'obligations financières, de coûts, d'efforts et de temps à nos établissements, à un moment où on demande à ces mêmes établissements d'en faire toujours plus avec moins. En matière d'achats, nos membres sont disposés à adopter une approche fondée sur les principes, par opposition à une approche fondée sur les règles.

Par approche fondée sur les règles, nous entendons une optique en matière d'achat qui correspondrait au libellé actuel de l'Accord sur le commerce intérieur. Par approche fondée sur les principes, nous entendons plutôt le fait, pour les collèges communautaires, les instituts techniques et les cégeps, de se conformer à un certain nombre de principes contenus dans le chapitre sur les achats.

Je cède maintenant la parole à Sandy Lawrence, qui pourra vous parler en meilleure connaissance de cause des coûts et des problèmes qui sont attribuables aux dispositions d'achat en vigueur. Elle sera en mesure de vous expliquer mieux que moi la distinction entre l'approche fondée sur les principes et l'approche fondée sur les règles.

Mme Sandy Lawrence (Association des collèges communautaires du Canada): Merci.

L'approche fondée sur les principes - celle que nous favorisons certainement - comporterait le libre accès pour tous. Tous les fournisseurs seraient en mesure de soumettre un prix ou une proposition, quelle que soit la valeur des achats que nous souhaitons faire. Les règles seraient appliquées de façon un peu moins rigide, de sorte que nous pourrions continuer à exclure les articles de moindre valeur pour lesquels les modalités d'achat sont relativement coûteuses.

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Selon les règles telles qu'elles existent actuellement, les seuils sont trop bas. J'ai eu à établir des calculs de prix dans le cas de notre collège. En cas d'appel d'offres, la documentation doit être préparée très rigoureusement. À des fins de comparaison, il faut que les devis descriptifs soient extrêmement précis. Il faut également bien connaître la loi, de manière à ce que l'appel d'offres ait une valeur contractuelle pour les soumissionnaires.

Il faut donc consacrer beaucoup de temps à la préparation des documents. Il est important que de tels efforts ne soient déployés que pour l'achat d'articles qui ont une valeur très élevée.

À Sir Sandford Fleming, un collège de taille moyenne, nous avons effectué une petite étude à ce sujet. Nous avons tenté d'établir quel serait le temps minimum nécessaire pour rédiger un appel d'offres. Nous avons conclu qu'il fallait 12 heures. En appliquant un taux horaire moyen de 20$ l'heure, nous avons pu calculer qu'il en coûtait 4 080$ pour rédiger un appel d'offres. C'est beaucoup d'argent.

Il vaut la peine de dépenser une telle somme lorsque les enjeux sont considérables, mais, dans d'autres secteurs, nous souhaiterions pouvoir annoncer publiquement nos intentions d'achat tout en faisant connaître certaines règles générales pertinentes. Nous souhaitons pouvoir favoriser l'accès sans passer par le processus d'appel d'offres.

Je m'en tiendrai à cela pour le moment, et si vous avez des questions plus précises je me ferai un plaisir d'y répondre plus tard. Merci.

Le président: Merci.

Je vais maintenant passer à l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires et souhaiter la bienvenue à Mme Pierce.

Mme Marie Pierce (directrice générale, Association canadienne des commissions/conseils scolaires): Merci. Je m'appelle Marie Pierce et je suis directrice générale de l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires. Je tiens à vous transmettre les excuses de M. Bill Wells, de la Saskatchewan, qui devait comparaître avec moi. Malheureusement, le climat étant ce qu'il est, le blizzard en Saskatchewan l'a empêché de prendre l'avion.

Le président: Dommage que M. Collins ne soit pas ici pour recevoir nos reproches.

Mme Pierce: En effet.

M. Discepola: Il a le dos large.

Mme Pierce: L'Association canadienne des commissions/conseils scolaires représente, à l'échelle nationale, les commissions/conseils scolaires et les commissaires d'école, ou conseillers scolaires. À ce titre, nous représentons le palier local de gouvernement. L'association englobe les dix associations provinciales de commissions/conseils scolaires et représente ainsi plus de 500 commissions/conseils scolaires qui répondent aux besoins de plus de trois millions d'étudiants de l'école primaire et de l'école secondaire.

Notre association souscrit aux objectifs des parties à l'Accord sur le commerce intérieur. Cependant, nous ne sommes pas satisfaits du degré de participation du secteur des municipalités, des universités, des écoles et des hôpitaux aux négociations, et nous ne sommes pas satisfaits non plus de l'orientation générale des discussions.

Certaines provinces ont consulté de près notre secteur à mesure qu'elles élaboraient leur politique en matière de commerce intérieur. Malheureusement, d'autres ne l'ont pas fait. Nous exhortons le gouvernement fédéral à encourager tous les gouvernements provinciaux à entreprendre des consultations avec le secteur des municipalités, des établissements d'enseignement et des hôpitaux à mesure qu'ils participent aux négociations.

Nous estimons que les provinces, les territoires et le Canada doivent formuler les attentes qui correspondent aux commissions/conseils scolaires et aux autres entités du secteur, tout en favorisant l'efficacité administrative et la souplesse.

Selon nous, l'approche fondée sur les principes rejoint de tels objectifs. Le fait d'imposer des règles administratives et des procédures rigides par voie d'un accord fondé sur des règles nuirait à l'efficacité et entraînerait certainement des coûts additionnels.

Dans le cadre d'une approche fondée sur les principes, on énoncerait des principes généralement reconnus en matière d'achat pour le secteur des municipalités, des établissements d'enseignement et des hôpitaux. De tels principes auraient trait notamment à l'absence de discrimination, à la transparence, à l'accès des fournisseurs et à la concurrence.

Chaque année, les commissions/conseils scolaires dépensent des millions de dollars pour acheter des biens et des services, allant des brosses à tableaux aux bâtiments scolaires, en passant par les autobus.

Une approche fondée sur les règles leur imposerait un fardeau administratif additionnel considérable pour ce qui est de l'élaboration de devis descriptifs d'appels d'offres, de procédures d'achat et du règlement des différends. Compte tenu de leur capacité administrative de plus en plus limitée, les commissions/conseils scolaires ne sont pas en mesure de composer avec de telles exigences sans disposer de la souplesse voulue pour leur permettre d'innover dans les pratiques d'achat, de manière à réaliser les objectifs de l'accord tout en évitant des coûts additionnels. À une époque où les budgets sont de plus en plus limités, les commissions/consiels scolaires ont de moins en moins d'argent à consacrer à l'administration. Pour assumer les coûts d'un accord fondé sur des règles extrêmement rigides, il leur serait nécessaire de comprimer les budgets destinés aux salles de classe.

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Si le Canada, les provinces et les territoires décident malheureusement d'adopter une approche fondée sur les règles en vue de respecter l'accord, nous recommandons fortement que les seuils soient établis à un niveau suffisamment élevé pour que la plupart des entités du secteur des municipalités, des établissements d'enseignement et des hôpitaux soient exclues de l'accord. Pour l'achat de fournitures, le niveau annuel doit être établi à un million de dollars, et pour la construction il doit l'être à cinq millions de dollars. Pour les contrats de services, pour le transport par exemple, le niveau ne doit pas être inférieur à cinq millions de dollars.

En résumé, l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires estime que le secteur des municipalités, des établissements d'enseignement et des hôpitaux doit participer pleinement au processus d'élaboration et de mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. Nous croyons qu'il convient de retenir l'approche fondée sur les principes pour la mise en oeuvre de l'accord. Si tel n'est pas le cas, il faudra, comme je l'ai déjà précisé, modifier les seuils. Également, nous estimons que les provinces et les territoires ne doivent pas être tenus de mettre en oeuvre un processus de surveillance lourd et compliqué qui ne ferait qu'ajouter aux coûts de la prestation de services et réduire d'autant les ressources disponibles pour l'achat des biens et services nécessaires. Merci.

Le président: Merci beaucoup. Il me semble que la présence de nos amis de l'Association des manufacturiers canadiens nous serait

Je vais commencer par M. Schmidt.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

J'aimerais que vous nous donniez beaucoup plus de détails au sujet de la distinction à faire entre l'approche fondée sur les principes et l'approche fondée sur les règles. À première vue, l'approche fondée sur les principes me semble beaucoup plus avantageuse. En théorie donc, j'aurais tendance à être d'accord avec vous. Cependant, tant que je n'aurai pas compris exactement ce que vous voulez dire, je ne serai pas en mesure de vous accorder mon appui.

Je crois que c'est vous, Pierre, qui avez dit que, à votre avis, l'accord, dans son libellé, ne mettait pas vraiment l'accent sur les principes. Vous avez semblé dire que l'accord était fondé exclusivement sur les règles, et non pas sur les principes. C'est votre interprétation de l'accord. Puis-je vous demander pourquoi vous retenez cette interprétation?

Puisque les trois témoins s'intéressent aux mêmes questions, j'aimerais leur demander tour à tour de bien faire la distinction entre les deux approches: celle fondée sur les principes et celle fondée sur les règles.

La question qui vient immédiatement ensuite, bien sûr, est: comment faire respecter les principes?

M. Killeen: Merci pour la question. Je vais pouvoir rapidement répondre sur deux points, et je pourrai ensuite passer la parole à Mme Lawrence pour la deuxième question.

Pour illustrer notre propos, rappelons que l'Accord sur le commerce intérieur prévoit des seuils, dans le cadre de l'approche fondée sur les règles, de 25 000$ pour l'achat de fournitures, et de 100 000$ pour toute construction, seuils à partir desquels il faut procéder par appel d'offres.

Si l'on s'en tenait simplement à l'approche fondée sur les principes, les entités du secteur «MASH», les collèges communautaires, les établissements d'enseignement technique, les cégeps, pourraient procéder à des appels d'offres au plan national, sans qu'il leur soit automatiquement imposé de procéder à un appel d'offres à partir de 25 000$. Un collège communautaire estimant dans son intérêt de procéder à un appel d'offres, nationalement, serait tenu de respecter les grands principes des dispositions concernant l'achat de biens et services, et pourrait décider du montant du contrat.

Par opposition à cela, l'approche fondée sur les règles permettrait d'exiger qu'à partir de 25 000$ de fournitures, vous êtes obligé de lancer un appel d'offres.

Mais si l'on s'en tient à l'approche fondée sur les principes, on impose les conditions auxquelles tout appel d'offres doit répondre, et c'est ensuite aux établissements de décider quels contrats justifient le recours à la procédure d'appel d'offres.

Pour illustrer encore les problèmes que pose l'approche fondée sur les règles, rappelons que les collèges communautaires, les cégeps et autres établissements établissent avec leurs fournisseurs des relations commerciales d'un type de plus en plus nouveau. L'accord, tel qu'il est proposé, ferait obstacle à cette marge de manoeuvre permettant aux relations d'affaires d'évoluer.

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Je vais pouvoir encore illustrer la façon dont ces relations client-fournisseur évoluent - nous en parlons au cinquième alinéa du paragraphe 3.0 de notre mémoire - en citant le cas de l'industrie automobile, et notamment la façon dont les fabricants arrivent à très bien s'entendre avec leurs fournisseurs particuliers. Ford, par exemple, a des contrats d'approvisionnement extrêmement importants, si je ne me trompe, avec Magna. Cela signifie que Ford ne lance pas un appel d'offres chaque fois qu'il lui faut de nouvelles glaces, ou tel accessoire automobile particulier. Les usines Ford discutent alors avec le fournisseur, et cela dans le cadre d'une relation client-fournisseur permettant aux deux de raisonner à long terme, de planifier, pour l'avantage de l'un et de l'autre. C'est ainsi que le secteur privé fonctionne.

Nous devrions nous inspirer de ces mêmes principes, notamment lorsque nos collèges communautaires cherchent à définir leur politique d'achat et d'appel d'offres.

M. Schmidt: Si je ne me trompe, les conseils d'administration de vos établissements, qu'il s'agisse d'écoles, d'hôpitaux ou de municipalités, etc., fixent leurs propres seuils. C'est-à-dire que la procédure d'appel d'offres, d'après ce que vous nous dites, n'est intéressante sur le plan économique qu'à partir d'une certaine somme. En deçà, ce n'est pas du tout justifiable.

La différence, ensuite, se situe entre l'appel d'offres au plan national, provincial ou local. Lorsqu'il y a appel d'offres. La question revient donc à se demander si ce ne sont pas précisément les barrières au commerce entre provinces qui sont en partie responsables de ces difficultés qui font de la procédure d'appel d'offres quelque chose de si compliqué et de si coûteux. Si ces barrières interprovinciales n'étaient pas là, la procédure d'appel d'offres serait-elle aussi complexe que vous le dites?

Mme Lawrence: Oui, cela resterait quelque chose d'assez lourd. Ce ne sont pas véritablement les obstacles au commerce interprovincial qui rendent cette procédure d'appel d'offres si compliquée. C'est plutôt les règles de...

Je vais vous donner un exemple, celui des services de nettoyage d'un établissement scolaire. Les normes et spécifications doivent être extrêmement précises, compréhensibles, pour que chaque devis porte effectivement sur le même service. Il faut donc préciser le nombre d'heures travaillées, et en même temps indiquer par exemple: «rebord des fenêtres, ampoules, etc.», pour être sûr de ce que signifie le prix que l'on indique.

Pour l'appel d'offres, j'ai besoin, la première fois que je le rédige, d'environ 15 à 20 heures pour toutes ces précisions. N'oublions pas non plus que les fournisseurs peuvent déposer une plainte, et je dois donc m'assurer que rien n'a été oublié, afin qu'un tribunal puisse effectivement juger que les documents étaient présentés comme il convient, avec des critères permettant une juste évaluation.

Mais reprenons l'exemple d'un contrat de services de nettoyage... N'oubliez pas, dans un cas comme dans l'autre, que toutes les firmes intéressées ont accès aux documents que je rédige. S'il s'agit d'une simple offre de services, je peux leur dire: «Il y a tant de pieds carrés à nettoyer, vous pouvez utiliser le nombre d'employés que vous voulez, mais un minimum de propreté doit être garanti.» Ensuite, on propose un prix, je choisis parmi les candidats ceux qui me paraissent correspondre à mes besoins, et ensuite je peux négocier. C'est différent de la procédure d'appel d'offres, où je suis obligée de m'en tenir à un prix fixé une fois pour toutes, sans pouvoir s'en écarter.

Voilà pourquoi la procédure d'appel d'offres demande beaucoup plus de temps de préparation.

M. Schmidt: Tout tient-il alors à l'utilisation du terme «appel d'offres»?

Mme Lawrence: Absolument, et notamment...

M. Schmidt: Si l'on remplaçait ce terme par un autre, est-ce que ça règlerait le problème?

Mme Lawrence: En partie.

Il y a aussi cette question des seuils que vous voulez imposer. Comme vous l'avez dit, chaque établissement décide de son seuil en fonction des budgets.

Ainsi, au collège Sir Sandford Fleming, les administrateurs se réunissent... Je fais un travail préparatoire et d'étude préalable, en fixant la barre à partir de laquelle il paraît justifié d'acheter par procédure d'appel d'offres. Cinquante mille dollars pour les fournitures, 200 000$ pour les autres contrats. Un établissement plus important, Humber, par exemple, aura 100 000$ de fournitures. Tout dépend donc de votre situation géographique, du budget dont vous disposez, etc. Dans une petite municipalité, le seuil sera peut-être à 5 000$; tout dépendra de son pouvoir d'achat.

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Vouloir imposer cela de façon systématique, comme ici, sera source de difficultés aussi bien pour ceux qui ont de gros budgets que pour ceux qui n'ont que de petits budgets. Alors que si vous donnez une certaine marge de manoeuvre permettant de s'adapter aux conditions locales, tout en laissant une certaine liberté de recours aux autres modes d'approvisionnement - coopérative d'achat, propositions de devis, négociation, etc. - je pense que cela résoudrait le problème pour les uns et pour les autres, car nous aurions alors un système fondé sur un certain nombre de principes.

Mme Pierce: Ce que nous voulons, je pense, c'est une certaine marge de manoeuvre, une certaine souplesse. Si vous avez un système rigide, fondé sur les règles, qui fixe des seuils, quelle que soit votre situation géographique dans le pays, vous êtes obligé de faire tout ce travail de spécification, pour passer ensuite par ce genre de mécanismes de règlement des différends. Je pense qu'une telle façon de procéder ne tient pas compte du fait qu'il y a de petits conseils scolaires et d'autres qui sont beaucoup plus grands; il y a les campagnes et les villes. Nous pensons que des principes auxquels tout le monde souscrirait créeraient une souplesse permettant de tenir compte des circonstances particulières de chacun.

Ainsi, beaucoup de conseils scolaires, dans certaines provinces, préfèrent lancer des appels d'offres locaux, avec une préférence pour les fournisseurs locaux, du simple fait que dans beaucoup de provinces, c'est le contribuable local et l'entreprise locale qui paient les taxes scolaires. C'est-à-dire que la part provinciale du budget scolaire reste faible. Dans certains cas, 40¢ du dollar viennent de la province, et 60¢ de l'impôt local. Il devrait donc y avoir un seuil permettant de donner la préférence aux entreprises locales, lorsque c'est la meilleure des solutions, et que cela permet de faire travailler ces entreprises. Toute démarche trop rigide ne vous donne pas ce genre de marge de manoeuvre, nécessaire si l'on veut tenir compte des différences qu'il peut y avoir d'une province à l'autre, d'un conseil scolaire à l'autre.

M. Schmidt: Exactement, monsieur le président. C'est exactement la question qui nous intéresse. La voilà posée. C'est exactement le problème qui se pose, monsieur le président, et c'est également ce que cet accord essaie de régler.

Vous êtes en train de me décrire très clairement quelles sont les entraves dont nous essayons précisément de nous débarrasser.

Mme Lawrence: En ce qui concerne les collèges communautaires - et je ne parle que pour l'Ontario, puisque je préside le groupe ontarien cette année - nous ne préconisons pas une politique de préférence locale. Personnellement, je n'en ai jamais été partisane. Je pense que les entreprises locales doivent faire face à la même concurrence que les autres. Quel que soit le prix que vous offrez, si vous avez les compétences et les moyens de fournir le produit demandé, que vous soyez du coin ou de la Colombie-Britannique, vous devriez pouvoir avoir votre chance. Ce à quoi je m'oppose, ce sont ces seuils chiffrés en dollars.

M. Schmidt: Si je vous comprends bien, vous voulez disposer d'une certaine marge de manoeuvre pour ce qui est de l'établissement de ce seuil. Ce n'est pas à proprement parler le seuil qui vous gêne; vous ne voulez tout simplement pas qu'il y ait une norme pancanadienne, 25 000$, par exemple. Cela pourrait être un peu plus, ou un peu moins.

Mme Lawrence: Vous pourrez aussi envisager une disposition demandant à chaque secteur de fixer son propre seuil, en fonction de ses besoins, sans que vous ayez à lui imposer un chiffre précis. Cela me conviendrait.

Le président: Monsieur Bélanger.

M. Bélanger: Je dois dire dès le départ que je ne suis absolument pas d'accord avec ce que proposent les uns et les autres ici présents.

Est-ce que vous avez pris connaissance des principes de l'accord, et les contestez-vous?

Mme Lawrence: Non.

M. Bélanger: Non. Tout le monde est d'accord? Comment alors demander que l'on puisse faire respecter ces principes autrement qu'en imposant des règles?

Mme Lawrence: J'ai ici un document, une proposition rédigée dans cette province, sur la façon dont on pourrait faire appliquer un certain nombre de principes sur lesquels on s'est entendu, et permettant ensuite à certains secteurs... Disons tout de suite que ce document n'a pas été approuvé par tous les secteurs intéressés de la province. Seulement les universités et collèges l'ont approuvé.

M. Bélanger: Apparemment, le gouvernement provincial non plus, puisqu'il a signé l'accord.

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Mme Lawrence: Je préfère ne pas me prononcer en ce qui concerne la province. Nous avons rencontré les responsables à plusieurs reprises, et nous nous sommes entendus sur un certain nombre de concepts généraux.

M. Bélanger: Mais vous êtes d'accord pour reconnaître que les autorités provinciales ont signé l'accord?

M. Killeen: Oui, mais la province voulait également étendre le bénéfice des dispositions du chapitre cinq à ...

Une voix: Rien n'est encore clos.

M. Killeen: Exactement, ce n'est pas fini. Les municipalités, l'ensemble du secteur «MASH», signeront le 30 juin 1996, si je ne me trompe. C'est-à-dire que les provinces sont encore en négociation pour étendre l'application de l'accord au secteur «MASH». Bien que les provinces soient elles-mêmes signataires de l'accord, elles ne sont pas encore très fixées sur la façon dont cela va s'appliquer à notre secteur. Tout est encore en suspens.

Mme Lawrence: Je pourrais peut-être vous fournir un exemplaire de ce document; cela vous donnerait une petite idée de ce qui est en cause.

M. Bélanger: À propos, si vous voulez que l'on parle de choses comparables, comme vous l'avez demandé vous-mêmes, j'aimerais vous rappeler qu'il faut alors comparer le secteur public avec le secteur public, et non pas avec l'industrie automobile.

Vous dites qu'il faut 12 heures environ, à 20$ l'heure, pour rédiger un appel d'offres. Vous avez dit que cela coûtait 4 800$. Pouvez-vous me dire comment le reste se répartit?

Mme Lawrence: Oui, excusez-moi, lorsque je vous ai cité ce chiffre, j'ai oublié de fournir les autres éléments d'information. Pour notre collège, des seuils de 25 000$ et 100 000$ signifieraient, d'après ce qui s'est passé l'an dernier, que j'aurais à rédiger 17 appels d'offres supplémentaires. Vous pouvez faire le calcul des heures et du total que cela représente.

Le président: J'ai une question à vous poser. Combien coûte la rédaction d'une offre? Il faudrait à ce moment-là déduire cette somme.

Mme Lawrence: Dans ces cas précis, je ne rédige pas d'offre.

Le président: Pas d'offre?

Mme Lawrence: Non.

Le président: Que faites-vous alors exactement et combien cela vous coûte-t-il?

Mme Lawrence: Pour ces transactions, nous proposons simplement un devis, c'est beaucoup plus facile, et beaucoup moins détaillé. Il faudrait alors environ une demi-heure de préparation, le document est ensuite expédié, et il faudrait ensuite une autre demi-heure, ou peut-être une heure, pour étudier la réponse.

M. Bélanger: Avec 17 appels d'offres, cela vous coûterait 4 800$?

Mme Lawrence: Exactement.

M. Bélanger: Et combien de fois faudrait-il faire cela?

Mme Lawrence: Dans ce cas précis, il aurait fallu répéter l'opération 17 fois l'an dernier.

M. Bélanger: Pour un budget total de dépenses de combien? Pour ces 17 opérations?

Mme Lawrence: Il s'agirait ici de contrats situés entre 25 000$ et 50 000$, certains à 25 000$, d'autres à 30 000$, et peut-être à 40 000$.

M. Bélanger: Pouvez-vous me donner un chiffre approximatif?

Mme Lawrence: Certainement. Disons, en moyenne 30 000$ 17 fois.

M. Bélanger: Soit environ 500 000$, ce qui fait donc au total moins de 1 p. 100 de votre budget. Pouvez-vous estimer quelles économies vous pourriez faire en passant par une mise en concours plus générale?

Mme Lawrence: Je n'ai pas les chiffres ici. Je les ai au bureau. Excusez-moi, j'aurais effectivement dû les apporter.

M. Bélanger: Je dirais, à tort ou à raison, que les économies compenseraient largement les coûts supplémentaires.

Mme Lawrence: Mais n'oubliez pas, je ne fais que demander des devis. Je n'ai donc pas besoin de faire de la publicité sur le plan national, et je n'ai pas besoin de prévoir toutes ces heures supplémentaires de travail comme dans le cas d'un appel d'offres. L'appel d'offres est quelque chose de très...

M. Bélanger: Mais faire passer des annonces dans tout le Canada n'est peut-être pas si coûteux que cela. Tout dépend de la façon dont vous vous y prenez. Vous pouvez le faire par le système Internet, par exemple. Je suppose que votre collège est branché.

Mme Lawrence: Oui, mais il y a très peu d'entreprises, et je pense particulièrement aux petites entreprises, qui sont branchées sur l'Internet.

M. Bélanger: Tant pis pour elles.

Mme Lawrence: Non, si nous voulons ouvrir le processus, ce genre d'inconvénient est un véritable obstacle.

M. Bélanger: Ces entrepreneurs peuvent se rendre à la bibliothèque. Les écoles du pays vont être bientôt toutes branchées sur l'Internet. Il y a donc plusieurs façons, avec un peu d'imagination, de véritablement ouvrir la procédure d'appel d'offres, sans que cela coûte trop cher. Cela n'est donc pas pour moi une véritable raison de ne pas vouloir passer par la procédure d'appel d'offres.

Mme Lawrence: Dans ce cas, je m'excuse, mais je ne sais pas quoi vous dire d'autre si ce n'est vous répéter qu'il faut beaucoup plus de temps de préparation. Si l'on passe ensuite à l'échelle nationale, il y aura beaucoup plus de soumissionnaires, et j'aurai à chaque fois à évaluer les dossiers. Cela demande également beaucoup de temps.

M. Bélanger: Il faudrait peut-être essayer, avant de baisser les bras.

Merci, monsieur le président.

Mme Pierce: Je sais ce à quoi vous pensez, et j'aimerais revenir à la question de la flexibilité. Nous avons de très grosses commissions scolaires et de très petites commissions scolaires. Nous n'avons pas tous les mêmes possibilités lorsqu'il s'agit de participer à des appels d'offres sur la scène nationale.

Notre association est convaincue des mérites de l'accord sur le commerce intérieur, mais à l'intérieur de ce cadre, nous voulons conserver une certaine flexibilité et ne pas être régis par des règles rigides, généralisées, sans aucune exception. On sous-estime facilement les connaissances et le temps requis pour donner suite à des devis extrêmement précis.

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Je sais que plusieurs de nos commissions scolaires se sont regroupées en consortiums pour pouvoir faire des offres au niveau d'une province ou à un autre palier. Lorsque les seuils sont très bas, on peut se demander si ces consortiums ne finiront pas par conclure: d'accord, des commissions scolaires peuvent le faire à titre individuel car cela permettra de réaliser des économies sur le plan administratif. Nous essayons donc à la fois de maintenir certains principes d'ordre général qui valent pour tout le Canada et de conserver une certaine flexibilité.

M. Bélanger: Cet aspect-là n'est pas un problème, mais je continue à ne pas comprendre comment un système fondé sur des appels d'offres équitables et ouverts peut supprimer cette flexibilité.

Vous dites que votre association préfère faire appel à des entrepreneurs locaux, mais j'imagine que rien ne doit les empêcher de faire des offres et le fait d'être sur place leur donne un avantage. J'imagine qu'un entrepreneur de Terre-Neuve ne fera pas une offre pour établir un service d'autobus scolaires quelque part en Ontario. Il n'a certainement pas le même avantage qu'un entrepreneur local.

Par contre, lorsqu'il s'agit de fournitures, un fabricant de Terre-Neuve pourrait fort bien faire faire des économies à vos contribuables. Bon, l'entrepreneur local n'obtiendra pas ce contrat-là, mais le contribuable, de son côté, tient aussi à l'efficacité. Il ne faut pas oublier cet aspect-là, qui est commun à tous les contribuables.

Mme Pierce: C'est exact. Les commissions scolaires ont toujours eu un processus d'appels d'offres assez ouvert. Nous ne voulons pas remplacer ce processus par autre chose. Par contre, s'il semble logique d'acheter certains articles localement, nous tenons à maintenir l'ouverture du processus et à permettre aux gens de faire des offres.

M. Bélanger: Les témoins qui vous ont précédées - et vous les avez écoutés - ne semblaient pas du tout d'accord. Ils nous encouragent à... à nous occuper de ce secteur-là pour commencer, car c'est certainement celui qui est le plus protectionniste. Et croyez-moi, voilà plusieurs années que je vis dans cette région-ci, et j'ai pu constater, entre l'Ontario et le Québec, à quel point il y avait du protectionnisme dans notre région de la capitale nationale. C'est incroyablement protectionniste, et ce sont les contribuables qui en font les frais. Vous semblez penser qu'il faut maintenir ce système, mais ce n'est pas ce que nous voulons.

Le président: Il faut que je donne la parole à M. Discepola.

M. Discepola: Au sujet des documents d'offres et des devis, j'ai commencé par travailler dans des administrations municipales. J'ai administré une petite municipalité qui avait un budget de 28 millions de dollars, et nous avions également un organisme régional qui avait un budget d'un milliard de dollars.

Il est très facile de préparer des documents d'appels d'offres. Je sais que c'est un travail laborieux, c'est épais comme ça, et cela décourage certainement le petit entrepreneur de faire une offre, rien que le volume. Cela dit, tout cela se fait sur ordinateur, avec un traitement de texte. La première fois c'est difficile, mais l'année suivante les commandes se ressemblent beaucoup, il suffit d'apporter quelques modifications. Je ne suis donc pas d'accord quand on dit que cela coûte horriblement cher.

En fait, à l'époque où j'étais maire, mes administrateurs ne sont jamais venus me dire que si nous économisions sur un plan, cela nous permettrait d'économiser tant d'heures et, avec votre raisonnement, 4 000$, et j'allais donc les voir pour leur demander de me montrer les économies sur le plan de la main-d'oeuvre. Il n'y en avait jamais. Vos gens s'occupent donc à autre chose. Peut-être faudra-t-il qu'ils l'analysent.

Quant à la rigidité du processus, j'ai vu des méthodes d'appels d'offres très ingénieuses, et je pense au fractionnement des offres. Même quand on fixe la limite à 25 000$, j'ai vu des chefs de service d'attribution de marchés séparer une offre en quatre sous-offres. L'exemple le plus ingénieux est certainement celui de la Communauté urbaine de Montréal qui a fini par adopter un critère pondéré. Le nombre d'années de service vaut tant de points; l'expérience acquise dans un domaine vaut tant de points. Si on tient compte de ces moyens ingénieux et de la flexibilité, cela suppose une énorme flexibilité, je suis sûr que vous êtes tout à fait capables de le faire.

Ma question...

Le président: Dans l'opposition, il serait une véritable vedette, n'est-ce pas? Nous aurions des préambules...

M. Discepola: Ma question porte sur les mérites respectifs d'un système fondé sur des règles et d'un système fondé sur des principes. En effet, je ne pense pas qu'un système fondé sur des principes permette de faire preuve d'impartialité, d'ouverture, d'équité, et c'est le plus important, de transparence. Après tout, nous sommes là pour administrer des fonds publics, et si vous laissez tout cela à la discrétion d'un agent d'attribution de marchés qui aura, bien sûr, tendance à favoriser l'entrepreneur local, ou même une personne de préférence à une autre, vous ne pourrez pas répondre aux questions que je viens de... Dans ces conditions, comment surmontez-vous ce problème avec un système fondé sur des principes?

Mme Lawrence: À mon avis, ce sont les fournisseurs qui sont vos chiens de garde. Ils jouent déjà ce rôle.

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Supposons, par exemple, que j'achète quelque chose dans la communauté, mais sans avoir averti les gens de mon intention. Immanquablement, je vais recevoir un appel d'une personne qui a entendu dire que j'ai fait quelque chose la semaine dernière et qui n'avait pas été prévenue. Le chien de garde existe déjà, que le système soit fondé sur des règles ou sur des principes.

Comment puis-je répondre à cette question?

M. Discepola: Je vais vous poser une question directe. Si le gouvernement fédéral fondait tout son régime d'acquisitions sur des principes, à votre avis, combien de temps notre réputation survivrait-elle aux yeux des contribuables de tout le pays?

Mme Lawrence: Le problème tient en partie au fait qu'un système exclusivement fondé sur des règles est extrêmement rigide...

M. Discepola: Mais cette rigidité est là pour protéger le contribuable.

Mme Lawrence: Mais vous entendez des fournisseurs se plaindre de cette rigidité également.

M. Discepola: Mais lorsque j'étais administrateur public, j'avais toujours une réponse. Je commençais par demander si les documents d'appels d'offres étaient équitables. Quand on me répondait qu'ils ne l'étaient pas, je leur demandais de me dire de quelle façon il y avait eu discrimination contre leur compagnie. L'année suivante, je pouvais apporter des corrections.

Lorsque les documents ne sont pas équitables, c'est là que nous avons un problème.

Mme Lawrence: Mais dans un environnement fondé sur des règles, surtout si les seuils sont trop bas, on finit par faire des appels d'offres pour beaucoup de choses qui ne valent pas le temps que cela prend.

Je ne suis pas d'accord avec vous en ce qui concerne le facteur main-d'oeuvre. Ce n'était peut-être pas un problème il y a quelques années, mais ça l'est certainement devenu. Dans notre collège, nous avons fini par utiliser des formulaires pour les petites commandes qui n'existaient pas auparavant. Nous utilisons aujourd'hui des cartes Visa. Nous avons augmenté nos limites en ce qui concerne le capital et pour nos appels d'offres, justement pour cette raison. Il m'a été impossible d'obtenir du personnel supplémentaire. En fait, on me dit que l'année prochaine je vais probablement devoir congédier une demi-année personne. Je ne sais pas comment je vais faire pour congédier une demi-personne.

Le problème de main-d'oeuvre existe sans le moindre doute. Ce n'était peut-être pas le cas il y a cinq ans, mais avec les budgets actuels, c'est certainement devenu un problème et nous sommes à la recherche de nouvelles méthodes et de nouvelles procédures pour ces achats. Cela relève d'une démarche fondée sur des règles.

M. Discepola: Mais cela ne permet pas de garantir équité, ouverture et transparence.

Mme Lawrence: Mais rien n'empêche de charger un comité d'étudier ces aspects-là. Avec un système fondé sur des principes, peut-être qu'on pourrait procéder de la façon suivante: au lieu d'imposer une limite en dollars pour les appels d'offres, nous pourrions faire passer une annonce dans les journaux et dire: «Le Collège Sir Sandford Fleming a l'intention d'acheter les articles suivants au cours des six prochains mois. Si cela vous intéresse, veuillez soumettre votre nom». Il ne s'agit pas forcément d'un appel d'offres rigide, mais les gens seront prévenus que j'ai l'intention d'acheter ces articles, et ils pourront agir. Je suis certaine qu'ils enverront leurs soumissions.

M. Discepola: Mais vous donnez trop de pouvoir discrétionnaire à la personne qui prend la décision finale.

Mme Lawrence: Mais je dois justifier ma décision devant un conseil d'administration. Je vous assure qu'il n'y a rien de discrétionnaire là-dedans. Je dois faire très attention à ce que je fais dans la communauté. Si quelqu'un n'est pas content, il n'hésitera pas à s'adresser à l'un des membres du conseil d'administration et dans ce cas, je serai sur la sellette.

M. Discepola: Et supposons qu'un membre du conseil d'administration vous dise qu'un de ses amis a une compagnie?

Mme Lawrence: Oui, c'est exact, cela m'est arrivé.

M. Discepola: D'accord, monsieur le président, je réserve mon jugement.

Le président: J'ai entendu Mme Bethel dire «exactement». Madame Bethel, allez-y.

Mme Bethel: J'ai vu dans votre mémoire que vous craignez de voir l'accord porter atteinte à un système qui a donné de bons résultats dans tout le Canada et qui a profité à tout le monde. Il faut que je vous demande comment vous savez cela. Comment pouvez-vous être certaine que vos commissions scolaires et vos collèges communautaires ont eu le meilleur rapport possible valeur/prix?

Mme Lawrence: C'était dans notre mémoire?

Une voix: C'est dans le mémoire de Marie.

Une voix: Cela relève des commissions scolaires.

Mme Bethel: Je ne fais que supposer que vous pouvez, toutes les trois, répondre à toutes les questions.

Mme Pierce: C'est ce que nous avons essayé de faire. Un grand nombre de commissions scolaires ont établi des procédures bien précises en ce qui concerne les appels d'offres pour des projets, des services, des travaux de construction, etc. Les commissions scolaires sont des organismes dont les membres élus sont certainement responsables devant les contribuables locaux.

Nous avons eu l'occasion de nous apercevoir - et cela me ramène à un argument que j'ai déjà mentionné plusieurs fois - qu'une démarche flexible permettait aux commissions scolaires de mettre en place des procédures et de...

Mme Bethel: Je comprends bien en ce qui concerne les procédures, mais comment pouvez-vous être sûre que ce que vous faites actuellement vous donne le meilleur rapport valeur/prix? J'imagine que vous cherchez à donner aux contribuables la meilleure valeur possible.

Mme Pierce: Nous cherchons aussi les services et les produits qui sont le mieux adaptés aux besoins. Cela peut varier d'une localité à l'autre.

J'imagine que la satisfaction de notre commission scolaire en ce qui concerne les processus utilisés a également son importance. Comme je l'ai dit, le processus d'appels d'offres est déjà très ouvert.

Mme Bethel: Mais vous ne mesurez pas cela, vous n'avez aucun moyen de le faire?

Mme Pierce: Non.

M. Killeen: Permettez-moi d'intervenir. Je n'ai probablement pas très bien mesuré cela, et vous avez probablement l'impression que nous sommes deux groupes d'intérêts venus vous dire que l'accord sur le commerce intérieur est une très bonne chose, mais que nous n'en voulons pas dans notre cour. Les gens semblent avoir l'impression que nous ne rendons aucun compte de l'argent que nous dépensons.

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Mme Bethel: Non, monsieur Killeen, ce n'est pas l'impression que je veux vous donner. Je demandais seulement certaines garanties.

M. Killeen: Je ne vise pas un membre du comité en particulier, mais...

M. Bélanger: N'hésitez pas.

M. Killeen: Merci.

Les collèges communautaires sont responsables devant un conseil d'administration. Certains collèges communautaires canadiens tirent plus de 50 p. 100 de leur revenu de sources non gouvernementales. Ils livrent une concurrence active sur les marchés privés de la formation. Ils sont en concurrence avec des établissements de formation privés. Ils sont en concurrence avec d'autres établissements lorsqu'il s'agit d'attirer des étudiants.

L'idée qu'à notre époque ils sont en mesure de faire des largesses avec leurs dollars n'est tout simplement pas réaliste. Nos établissements, de plus en plus, doivent s'accommoder de ressources diminuées, et les décisions d'achat sont examinées à la loupe. Dans les collèges communautaires, nous avons plusieurs administrateurs financiers. Ce sont de très gros établissements qui tiennent absolument à obtenir le meilleur rapport valeur/prix pour chaque dollar dépensé.

Mme Bethel: Merci. J'aimerais revenir aux tendances auxquelles nous assistons actuellement, en tout cas dans le secteur de l'éducation. Dans tout le pays, on voit des districts scolaires se regrouper. Pensez-vous que ce pouvoir d'achat accru soit une bonne chose?

Mme Lawrence: Je vais répondre en ce qui concerne les collèges communautaires. Il nous arrive d'adhérer à des regroupements. Prenez l'exemple de l'Ontario, que je connais plus particulièrement. Dans ma propre région, nous faisons partie de la Coopérative d'achat Kawartha. Cette coopérative regroupe deux commissions scolaires, la municipalité, l'Université Trent, notre PUC, c'est-à-dire les services publics, et deux des comtés. Nous nous réunissons quatre ou cinq fois par année. Nous avons une constitution bien précise et des règlements et nous faisons beaucoup...

M. Bélanger: Des règles? Vous avez des règles?

Mme Lawrence: Oui, mais qui n'imposent pas de limites financières. Le système est plutôt fondé sur des principes.

M. Bélanger: Un organisme fondé sur des règles.

Mme Lawrence: Les membres du groupe doivent indiquer au départ s'ils veulent participer à un achat ou pas. Nous passons par la coopérative pour des achats qui sont suffisamment importants pour représenter des économies appréciables pour tout le monde.

Comme nous sommes un collège communautaire, notre groupe travaille également dans les régions. Nous faisons certains achats sur une base régionale, et également sur une base provinciale.

Nous faisons cela de plus en plus. Nous profitons également des contrats permanents du ministère de la province pour acheter certains articles, et à ce niveau-là, cela devient certainement très coopératif.

Ai-je répondu à votre question?

Mme Bethel: Oui. Cela nous montre jusqu'où les achats de groupe peuvent aller. Merci.

Mme Pierce: Les commissions scolaires, également, envisagent de prendre des mesures coopératives, qu'il s'agisse de l'acquisition de services de transport, de soins de santé, etc. Étant donné qu'elles emploient des effectifs importants et qu'elles font des achats très nombreux, les commissions scolaires ont souvent recours à ces méthodes à la fois dans la province et d'une commission à l'autre.

Il y a donc de plus en plus de consortium. Quand un grand nombre de commissions se regroupent, les modalités administratives, les appels d'offres, etc., deviennent plus faciles. Par contre, c'est très coûteux lorsqu'elles achètent individuellement dans les régions rurales ou lorsqu'il s'agit de petites commissions.

Beaucoup de commissions ont un responsable administratif qui est en même temps le directeur général et qui fait tout lui-même. Pour ces commissions, un appel d'offres national est une lourde charge.

Mme Bethel: Cela dit, cette situation a tendance à changer.

Le président: Il faut que je vous mette en garde. Vous avez dû remarquer que dans notre équipe, certains ont un avantage parce qu'ils ont joué dans les rangs municipaux pendant un bon bout de temps. Je pense que jusqu'à présent, c'est quatre à quatre.

Madame Brown.

Mme Brown (Oakville - Milton): Pour commencer, je précise que j'ai une certaine sympathie pour votre position. En effet, vous avez probablement l'impression que cet accord va vous imposer des normes supplémentaires, exiger plus de documentation et d'heures de travail, et justement à un moment où les collèges communautaires, en particulier, voient leur personnel de plus en plus restreint.

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Cela semble donc injuste de voir un gouvernement - en fait il s'agit de deux gouvernements puisque l'Ontario a signé cet accord également - vous dire que vous allez devoir fournir plus de détails qu'auparavant et que, soit dit en passant, comme nous ne vous donnons pas suffisamment d'argent, vous allez devoir réduire vos effectifs de moitié.

Je comprends votre position, mais avez-vous pensé que l'ACI, en réalité, allait alléger votre tâche?

Vous avez dit une chose qui m'a intéressée. Vous avez dit qu'à Sir Sanford Fleming, vous faisiez des appels d'offres à partir de 50 000$ et qu'à Humber c'est à partir de 100 000$. Si Humber fait des appels d'offres à partir de 100 000$, je ne vois pas pourquoi vous en faites à partir de 50 000$. Vous comprenez ce que je veux dire?

S'il y a un seuil qui se justifie pour tout le Canada, en ce qui concerne les appels d'offres, et lorsque l'argent du contribuable est en cause, peut-être que ce seuil est de 150 000$. Humber et vous-même éviteriez alors ce fardeau pour tout ce qui est inférieur à 150 000$.

Dans ce sens, le contenu des règles est plus important que le principe. Des règles trop sévères pourraient vous imposer des restrictions encore plus difficiles, mais en même temps, cela vous libérerait de beaucoup de démarches, et en particulier les petites institutions et les petites commissions scolaires.

En ce qui concerne les consortiums, il est certain que la plupart des achats dépasseraient probablement la limite fixée et exigeraient des appels d'offres. D'un autre côté, une commission scolaire pourrait s'occuper de l'appel d'offres, ce qui déchargerait les huit autres membres de la coopérative de ce fardeau. Autrement dit, à long terme, on continue à économiser de l'argent et des heures de travail.

Si le seuil à partir duquel on exige des appels d'offres n'est pas trop bas, il est possible que tout le monde y gagne. À mon avis, vous adoptez une position pessimiste face à une chose qui n'a pas encore été décidée. Il y a fort peu de chance que l'accord soit modifié, mais lorsque le temps sera venu d'élaborer les règles, vous pourrez toujours vous battre et réclamer des seuils plus élevés.

Je ne suis pas d'accord avec une chose que vous avez dite. Mme Pierce a dit qu'elle était d'accord avec les principes de l'ACI, mais à la page 2, le paragraphe sur la mobilité de la main-d'oeuvre contredit les idées exposées dans l'accord. Vous prétendez que la formation et l'administration provinciales des enseignants est un facteur limitatif. Un enseignant formé en Alberta et régi par cette province ne peut enseigner qu'en Alberta, et c'est la même chose dans le reste du pays.

L'idée même de ce nouvel Accord sur le commerce intérieur est de rendre les gens plus mobiles, de leur permettre d'aller s'installer dans une autre province et de faire reconnaître leurs qualifications. Je pense donc que la prochaine fois que votre conseil d'administration se réunira, un conseil dont les membres viennent de tout le pays, vous devriez réexaminer cette position qui va à l'encontre d'une position prise par tous les gouvernements provinciaux. Et ce sont ces gouvernements qui, dans une large mesure, financent l'éducation.

Votre organisation doit tenter de trouver comment rendre ses membres, les enseignants, plus mobiles. Peut-être faudrait-il élaborer des normes suffisamment élevées, et décider qu'un enseignant qui a une maîtrise en éducation et cinq ans d'expérience dans sa province d'origine doit pouvoir être autorisé à se déplacer.

L'important c'est qu'on envisage d'accorder une certaine mobilité à ces professionnels, mais pour l'instant, j'ai l'impression que votre organisation n'a même pas commencé à y penser puisque vous défendez le statu quo.

Mme Pierce: Le Conseil des ministres de l'Éducation a entrepris d'étudier toute cette question de la mobilité des enseignants, de l'accréditation, provinciale et autres, des enseignants. Ce conseil va créer un groupe de travail, un groupe au sein duquel nous serons représentés, pour essayer de démêler la question de la mobilité, et s'assurer en même temps que les enseignants se conforment à des normes provinciales. On souhaite également conserver une certaine flexibilité.

Nous allons donc participer activement à des discussions sur les niveaux d'accréditation requis. Cela dit, dans chaque province, il y a des critères, des normes et des collèges d'enseignants différents, il va donc falloir trouver un point d'équilibre entre cette volonté de mobilité et la nécessité de respecter les normes de chaque province.

Il ne faut pas oublier non plus que l'éducation est une compétence provinciale, et non pas nationale.

Mme Brown: Évidemment, un enseignant devra se conformer aux normes provinciales pour avoir la moindre chance de se faire accréditer au niveau national.

Mme Pierce: Oui, c'est exact.

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Mme Brown: Ce que je veux dire, c'est que l'énoncé de ce paragraphe témoigne d'une philosophie contraire à celle de l'accord.

Est-ce que votre organisation a préparé une prise de position à l'intention des ministres provinciaux pour leur expliquer comment vous voyez les choses?

Mme Pierce: C'est ce que nous faisons actuellement. Évidemment, comme chaque province est relativement autonome lorsqu'il s'agit d'établir les critères d'accréditation, nous essayons d'identifier les préoccupations et les critères que nous avons en commun.

Mme Brown: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Je dois dire qu'il est difficile d'ajouter quelque chose après avoir entendu un groupe aussi dynamique, des spécialistes des affaires municipales.

Mme Lawrence: J'aimerais ajouter quelque chose à l'intention de Mme Brown au sujet des seuils qu'il faudrait relever pour atteindre une norme donnée.

Effectivement, cela serait utile si la norme est suffisamment élevée. Mais en ce qui concerne les appels d'offres, il y a d'autres considérations. Peut-être faudrait-il utiliser une nouvelle expression, comme «valeur d'achat», quelque chose de ce genre. Je vais vous donner des exemples de...

Nous sommes censés accepter les offres qui nous parviennent. Par conséquent, c'est le total qui figure sur le devis du fournisseur qu'il faut accepter. On ne peut pas négocier, parce qu'un autre fournisseur pourrait se plaindre que ce n'est pas juste.

Par contre, quand on appelle cela une proposition... Dans certains cas, nous procédons par propositions. Je pense aux services de cafétéria, et dans ce cas, nous négocions quels types d'investissements ces compagnies vont faire dans notre établissement pour obtenir le contrat. Ce genre de choses doit faire l'objet d'une véritable négociation.

Par conséquent, si on pouvait changer la terminologie, ne plus parler d'appels d'offres, mais trouver un autre moyen tout en continuant à faire de la publicité à divers niveaux, je serais d'accord également.

Le président: Merci beaucoup pour une séance particulièrement vivante. Nous espérons avoir le plaisir de vous rencontrer à nouveau.

Des témoins: Merci.

Le président: La séance est levée.

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