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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 31 mai 1995

.1534

[Traduction]

Le président: Bonjour mesdames et messieurs, soyez les bienvenues. Nous examinons cet après-midi le projet de loi C-91, Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada.

Nous accueillons aujourd'hui l'honorable John Manley, ministre de l'Industrie. Je crois qu'il est accompagné de M. Beaudoin, PDG de la Banque fédérale de développement.

Soyez les bienvenus, messieurs.

Je crois, monsieur le ministre, que vous avez un exposé préliminaire à vous faire.

L'honorable John Manley (ministre de l'Industrie): J'ai effectivement un exposé préliminaire à vous présenter qui, je l'espère, vous aidera à mieux comprendre le cadre dans lequel s'inscrit le projet de loi dont vous êtes saisis. Comme vous l'avez dit,

[Français]

M. Beaudoin est avec moi ce matin et cet après-midi pour répondre aux questions de nature technique.

[Traduction]

Le projet de loi à l'étude est à mon avis un élément important des mesures tendant à créer un environnement positif dans lequel les petites et moyennes entreprises pourront contribuer à rétablir une prospérité durable.

Les membres du Comité savent bien que la petite entreprise emploie plus de la moitié des salariés du secteur privé. Depuis le début des années 1980, elle a créé 87 p. 100 de tous les nouveaux emplois au Canada. Les PME continueront à offrir des emplois et à engendrer de la prospérité au Canada. Notre objectif est d'établir l'environnement dans lequel les entrepreneurs pourront continuer à créer des emplois pour les Canadiens et à contribuer à accroître la richesse du pays.

.1535

[Français]

Nous agissons sur cette base et avançons ainsi vers notre objectif. En 1994, nous avons demandé aux groupes et organismes des secteurs public et privé, y compris votre Comité, comment le gouvernement peut créer un environnement propice à la croissance de la petite entreprise.

Tout le monde a convenu que les PME ont un potentiel important et trop souvent inexploité pour créer encore plus d'emplois et de prospérité. Les groupes et les organismes que nous avons consultés ont dit que pour exploiter ce potentiel, le gouvernement devait commencer par réduire le déficit. De plus, nous devons élaborer des programmes plus efficaces, plus efficients et plus pertinents pour la petite entreprise.

Enfin, nous devons reconnaître le fait que le gouvernement ne peut à lui seul donner au secteur de la petite entreprise le dynamisme et la croissance dont le pays a besoin.

[Traduction]

En nous basant sur ces recommandations, nous avons élaboré, dans notre plan L'innovation : La clé de l'économie moderne une vaste gamme d'initiatives destinées à favoriser la croissance de la petite entreprise au Canada. Dans se secteur vital du financement nous avons insisté auprès des banques pour qu'elles améliorent leurs relations avec les PME. Nous avons pris des mesures pour faciliter l'accès au capital dans le cas des projets innovateurs et nous sommes en train de mieux cibler les programmes de financement fédéraux afin de combler les lacunes laissées par le secteur privé.

À notre demande, l'Association des banquiers canadiens a mis au point un Code de conduite visant à mieux assurer la responsabilité, à faciliter la compréhension des contrats, à améliorer le traitement des demandes de crédit et à établir des moyens efficaces de règlement des plaintes. Les banques membres de l'Association sont en train d'incorporer ces normes dans leurs propres codes de conduite.

Les organismes régionaux du gouvernement fédéral - c'est-à-dire l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, le Bureau fédéral de développement régional (Québec), le ministère de la Diversification de l'économie de l'Ouest et l'Initiative fédérale de développement économique dans la Nord de l'Ontario - ont réorienté leurs programmes pour les concentrer presque intégralement sur la petite entreprise. Aujourd'hui, les organismes offrent surtout des contributions remboursables et de l'information aux sociétés.

À la fin de l'année 1994, nous avons modifié la Loi sur les prêts aux petites entreprises (LPPE) afin de porter le plafond de crédit à 12 milliards de dollars et ainsi faire face à la demande toujours croissante dont jouit ce programme. À compter du 1er avril, nous avons mis en oeuvre d'autres modifications afin que le programme puisse recouvrer ses coûts, complétant ainsi notre objectif global de réduction du déficit. Les modifications permettront également d'identifier les entreprises qui devraient le plus bénéficier du programme.

[Français]

Au cours des prochaines semaines, nous allons déposer ces modifications supplémentaires à la LPPE pour que nous puissions poursuivre le processus de plein recouvrement des coûts du programme et apporter d'autres changements mineurs à l'égard des prêteurs et des emprunteurs.

L'examen de la politique en matière des petites entreprises a très clairement montré qu'un des problèmes les plus immédiats auxquels les PME sont confrontées est celui de l'accès au capital. La révison du rôle et du mandat de la Banque fédérale de développement a constitué l'un des principaux éléments des efforts que le gouvernement a déployés pour améliorer cet accès.

[Traduction]

Depuis qu'elle a été fondée il y a 51 ans sous le nom de Banque d'expansion industrielle, cette institution a aidé les entreprises canadiennes à s'adapter aux exigences changeantes de l'économie, grâce à des services rapides et novateurs de financement et de gestion. Maintenant que l'économie connaît à nouveau une évolution rapide, le temps est venu d'apporter certains changements à la Banque fédérale de développement.

Le Comité l'a d'ailleurs reconnu dans son rapport intitulé Pour financer le succès de la PME et a recommandé que la Banque fédérale de développement:

Le projet de loi C-91 modernise le mandat de la Banque. Il se fonde sur l'expérience et les compétences qu'elle a acquises pour offrir le leadership financier et administratif dont les PME ont besoin dans l'économie basée sur la connaissance, sans pour autant négliger les secteurs de financement traditionnels.

Le projet de loi donne à la Banque la nouvelle dénomination de Banque de développement du Canada. La Banque de développement du Canada constituera un important élément d'appui aux petites entreprises parce qu'elle sera en mesure de combler ce qu'on pourrait appeler «lacunes» auxquelles les PME doivent faire face dans toutes les régions du pays.

[Français]

Ces lacunes existent parce que la petite entreprise s'est adaptée aux exigences de l'économie basée sur la connaissance à un rythme plus rapide que les institutions financières.

.1540

Les PME ne peuvent se permettre d'attendre que les institutions les rattrapent et comblent les lacunes, pas plus d'ailleurs que l'économie canadienne ne peut se permettre d'attendre.

La première lacune, celle du risque, résulte du fait que beaucoup de prêteurs se refusent à prêter de l'argent aux petites entreprises, même à un taux d'intérêt élevé. Se basant sur la longue expérience des PME, la Banque a élaboré plusieurs programmes de financement novateurs, conçus pour aider les entreprises à risque élevé.

[Traduction]

Le projet de loi C-91 maintient l'accès des entreprises au financement offert par la Banque en accroissant son capital. Ces modifications sont nécessaires tout de suite parce que la Banque approche du plafond de 3,2 milliards de dollars prévu dans la loi et qu'elle risque donc d'être forcée, dans un avenir prochain à rationner le crédit qu'elle accorde à moins d'une intervention rapide. Cela priverait de demandeurs des prêts qu'ils méritent et qu'ils pourraient utiliser pour créer des emplois.

La deuxième lacune est liée au montant des prêts que demandent les PME. Une institution financière assume des frais lorsqu'elle doit évaluer les plans et les propositions de financement d'une société et suivre ses progrès. En gros, ces frais sont les mêmes pour un prêt de 1 million de dollars que pour un prêt de 50 000$. Souvent, les frais d'évaluation liés à un petit prêt dépassent le rendement possible de l'opération pour le prêteur ou l'investisseur.

En général, les institutions financières n'ont pas de méthode pour évaluer les risques d'une entreprise dans la nouvelle économie. Par suite de cette lacune des connaissances, elles ont de la difficulté à évaluer les risques d'une entreprise dont le principal actif est humain, qu'il s'agisse d'une aide, d'un logiciel oude connaissances spécialisées. Le projet de loi C-91 permet à la Banque de continuer à collaborer avec les petites entreprises innovatrices dans les secteurs qui se situent au seuil de la nouvelle économie.

Enfin, il y a la lacune relative à la flexibilité. En effet, les prêteurs refusent d'offrir un financement flexible aux entreprises prometteuses. La Banque a déjà commencé à combler cette lacune grâce à un programme pilote qui permet de reporter d'un délai maximum de trois ans le remboursement d'un prêt afin de laisser à une entreprise le temps voulu pour développer ses produits, ses services et ses marchés et de constituer des liquidités suffisantes pour assurer le service de sa dette. Si ce programme donne des résultats positifs, le projet de loi C-91 permettra à la Banque de l'étendre partout au pays.

[Français]

Le projet de loi C-91 donne également à la Banque le mandat d'accroître la coopération et de former des partenariats avec des organismes régionaux et des institutions financières fédérales comme la Corporation commerciale canadienne et la Société pour l'expansion des exportations. Le capital de base de la Banque serait augmenté de façon qu'elle continue à répondre aux besoins de la petite entreprise.

Des investissements du gouvernement seront convertis en actions ordinaires qui ne pourront appartenir qu'à l'État. De plus, le projet de loi permet à la Banque d'émettre de nouveaux instruments hybrides de capital en faveur d'investisseurs et d'actionnaires des secteurs public et privé, avec l'approbation du gouverneur en conseil.

[Traduction]

Je peux vous donner l'assurance que tous les aspects techniques de ce projet de loi ont été soigneusement étudiés. Le projet de loi C-91 est une partie de l'avenir que nous édifions pour les PME du Canada et pour la pospérité du pays. Ce projet de loi a été renvoyé au comité avant la deuxième lecture; je serai donc très heureux de recevoir vos suggestions en vue de l'améliorer.

Je crois que la Banque oeuvre dans un domaine où l'intervention de l'État peut efficacement se superposer à l'action du marché en assurant le leadership nécessaire pour répondre aux besoins de la petite entreprise dans l'économie basée sur la connaissance.

Monsieur Beaudoin et moi sommes maintenant prêts à écouter vos observations et à répondre à vos questions.

[Français]

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Merci, monsieur le ministre. Je voudrais d'abord vous faire part de notre surprise - terme de l'Opposition officielle - de voir ce projet de loi ainsi libellé, parce que, si on se rappelle le sens des propos tenus, des commentaires faits au sein du Comité de l'industrie, et notamment du témoignage des gens de la Banque fédérale de développement, par ailleurs fort apprécié dans le milieu, jamais il n'a été question de changements aussi en profondeur que ceux qui sont présentés dans ce projet de loi-là.

Il faut être bien conscient qu'il s'agissait d'un organisme qui avait un rôle précis à jouer en qualité d'intervenant de dernier recours reconnu par la loi, auprès d'une clientèle précise appelée la PME, en matière de développement économique, et qu'on en fait maintenant une banque à vocation complémentaire du réseau traditionnel, sans définir ce qui va caractériser dorénavant la Banque de développement du Canada, qui est, entre parenthèses, un titre très prétentieux.

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J'aimerais savoir quel est le rationnel dans cela. D'où vient la légitimité de la part du gouvernement et à quels besoins veut-il répondre dans le fonctionnement des finances en intervenant d'une telle façon face à un organisme qui avait fait ses preuves et qui était fort apprécié dans le milieu? C'est ma première question.

M. Manley: Je peux simplement citer le rapport du sous-comité qui a dit: «Le Comité recommande que la Banque fédérale de développement soit confirmée dans son rôle de prêteur complémentaire aux petites et aux moyennes entreprises, mais que ce rôle soit recentré. On devrait aussi lui permettre de recourir à de nouveaux instruments financiers pour mieux accomplir sa mission.»

M. Rocheleau: Monsieur le président, le secrétaire parlementaire, qui a été fort présent et fort précieux dans nos travaux, conviendra avec moi que quand on parlait d'un rôle complémentaire, il s'agissait vraiment d'un rôle complémentaire au rôle du réseau traditionnel des banques et des caisses populaires au Canada et au Québec et que la Banque, de par l'alinéa 20b) de la loi sur l'ancienne Banque fédérale de développement, jouait vraiment un rôle précis en qualité d'intervenant de dernier recours.

C'est ce qu'on change, sans débat, sans qu'il y ait véritablement un besoin exprimé, à tout le moins lors des travaux du Comité. Je m'explique mal cela. On a beau consulter, mais on ne voit pas à quel endroit vous avez pu trouver une forme de légitimité - je ne trouve pas de meilleur terme - à présenter ce projet de loi. Le danger, c'est qu'on s'éloigne de la mission parce qu'on abuse du mot «complémentaire». On peut avoir l'air surpris, mais on abuse du mot «complémentaire». Auparavant, la Banque fédérale était complémentaire et elle ne le sera plus, à notre avis.

Deuxièmement, quand on parle des instruments hybrides, ce qui est une autre belle façon de dire que, dorénavant, la Banque ne s'alimentera plus seulement de fonds gouvernementaux, mais aussi de fonds privés, on ne prévoit pas dans la loi - et on trouve cela très dangereux, monsieur le ministre - que le taux d'intérêt, c'est-à-dire la rémunération qui va être donnée à ces prêts du secteur privé au secteur public, sera un taux fixe. On peut donc penser que la Banque devra donner le taux le plus intéressant, le plus alléchant pour intéresser les investisseurs privés, s'éloignant ainsi de sa mission de banque de développement économique pour avoir une mission dorénavant commerciale, comme les autres banques traditionnelles du secteur privé.

Quelle garantie nous donnez-vous que la Banque, dans sa gestion quotidienne, et là j'interpelle le président directement, ne sera pas forcée assez sournoisement par le gouvernement non seulement de s'autofinancer, mais aussi de faire des profits qui lui permettront d'être la plus intéressante possible pour le secteur privé?

M. François Beaudoin (président et chef de la direction, Banque fédérale de développement): Il faut mettre les choses en perspective sur une première base. Avec l'utilisation de capitaux du secteur privé, la Banque a aujourd'hui 3,2 milliards de dollars d'actifs. Les seuls montants qui ne proviennent pas du secteur privé en ce moment sont les 300 millions de dollars d'actifs qui représentent l'avoir national, en l'occurrence du gouvernement du Canada. Donc, déjà, sur 3,2 milliards de dollars d'actifs, la Banque utilise de façon majoritaire le secteur privé pour se financer.

En ce qui a trait à l'utilisation du secteur privé, il n'y aura rien de nouveau. Comme vous le savez, la Banque, contrairement aux agences, au lieu de recevoir des crédits annuels du gouvernement, se finance sur les marchés financiers à travers le monde et paie les intérêts exigibles pour obtenir ses fonds du secteur privé.

Ce qui est proposé dans le projet de loi, c'est d'avoir la possibilité de continuer cette tendance, qui a été populaire au cours des années, de recourir au secteur privé, mais de le faire avec une catégorie de capital qui va servir de base d'opérations, d'avoir de capital pour la Banque. Comme dans toute entreprise, il doit y avoir une relation entre les fonds empruntés et les fonds propres. Il est important de maintenir cette relation.

.1550

Comme je l'ai déjà dit au Comité, au cours des cinq dernières années, la Banque a réussi à prêter plus de quatre milliards de dollars aux PME du Canada, sans qu'il n'y ait aucun fonds injecté par le gouvernement du Canada. On se dit qu'il faut recapitaliser l'avoir des actionnaires et l'actif de la Banque. On voudrait, comme on l'a fait avec notre dette, avoir la possibilité d'utiliser le secteur privé, de payer un intérêt qui va être en relation avec ce que le marché va évaluer comme risque d'opérations de la Banque et, finalement, permettre aux opérations de la Banque de soutenir encore plus d'entreprises qu'elle n'a pu le faire dans le passé.

M. Rocheleau: Un taux d'intérêt basé sur les profits?

M. Beaudoin: Un taux d'intérêt qui va être basé sur l'évaluation que le marché va faire du risque que constitue un placement à l'intérieur de la Banque fédérale. Ce sont les règles du marché. Vous me demandiez quel montant on va payer et quel sera les taux d'intérêt. Au moment où on se parle, c'est le marché qui, une fois la loi adoptée, va évaluer nos opérations et dire qu'il faudrait payer tel taux au-dessus de celui des obligations du gouvernement du Canada. Il y a toujours une marge qui se paie, et c'est plus ou moins le taux des obligations du gouvernement du Canada. Ce serait la base d'évaluation du risque.

M. Rocheleau: Pourquoi est-ce que ces aspects ne sont pas mentionnés dans la loi en matière de rémunération sur placement et de taux d'intérêt?

M. Beaudoin: C'est parce que, sur une base préliminaire, dans un projet de loi, on nous donne, un peu comme les lois permettent à des entreprises d'émettre des actions, l'autorité d'émettre des obligations sur la dette, mais on ne peut pas en prévoir à l'avance le montant et la forme, non plus que la base sur laquelle cela sera octroyé.

M. Rocheleau: Je désire poser une troisième question, monsieur le président. On sait, d'après le rapport du Comité, que les prêts de 50 000$ ou moins à la petite entreprise comptent pour 30 p. 100 des activités de la Banque fédérale de développement; si on monte cela à 100 000$, on est rendu à 52 p. 100 des prêts de la BFD. On voit le contexte où la Banque fédérale de développement oublierait son mandat de développement de la PME pour privilégier le développement du Canada. À l'article 4, on dit:

On dit au paragraphe 4(2):

À l'article 21, on dit:

Donc, comment, dans un contexte semblable, allez-vous combler les 52 p. 100 de vos activités qui sont axées actuellement vers la petite entreprise, qui comblent un besoin évident et qui sont reconnues comme étant fort utiles dans la société québécoise et canadienne? Comment allez-vous faire cela? C'est un vrai défi, à mon avis.

M. Manley: Si j'ai bien compris la question, il m'est un peu difficile de comprendre la plainte qui a été faite ici. Je voudrais dire premièrement que nous avons essayé, en donnant un nouveau mandat à la Banque, de mettre aussi l'accent sur l'importance des petites entreprises. L'ancienne façon de régler les prêts aux entreprises, qui était basée sur le dernier recours, avait pour effet de donner aux entreprises la capacité de refuser comme clients celles qui n'étaient peut-être pas capables de recevoir leur premier prêt. Il y avait donc une tendance à augmenter le niveau des prêts.

.1555

Avec cette nouvelle façon d'expliquer le mandat, on peut mettre davantage l'accent sur l'importance des petites entreprises. Les petites et moyennes entreprises vont certainement en bénéficier, ce qui aidera le Canada. Quand nous avons un système où 97 p. 100 des nouveaux emplois sont créés par des petites et moyennes entreprises, c'est certain que ce sera d'abord le pays qui en bénéficiera. Il faut se rappeler qu'une PME sur cinq au Québec a fait appel aux services de la BFD. Je crois qu'il était très important pour les PME partout au Canada d'avoir l'option d'y aller pour essayer d'obtenir des prêts.

[Traduction]

M. Mills (Broadview - Greenwood): Monsieur le ministre et monsieur Beaudoin, nous vous remercions de nous avoir donné cette nouvelle Banque de développement rééquipée et reciblée.

Contrairement à ce qu'a dit M. Rocheleau, j'ai cru que nous étions assez ouverts dans notre engagement pour utiliser la BDF pour stimuler l'activité, non seulement dans son propre domaine, mais également dans le domaine des autres institutions financières. Je suis surpris que M. Rocheleau ne vous demande pas combien de ces nouvelles succursales de la Banque de développement du Canada pourraient être établies au Québec tout de suite, avec tous les nouveaux pouvoirs et tous les nouveaux instruments dont elle dispose.

Ceci étant dit, avec tous les nouveaux pouvoirs qui vous permettent d'élargir le champ d'activités de votre banque, j'espère qu'il y a un asepct que vous n'oublierez pas. Il s'agit du programme de consultation au service des entreprises. Plusieurs propriétaires de nouvelles petites entreprises, surtout des femmes, m'ont dit que ce programme de consultation leur a été très utile pour se lancer en affaires, pour préparer des plans d'affaires et pour passer au prochain niveau. J'espère que vous n'allez pas vous éloigner de votre engagement vis-à-vis ce programme de consultation du simple fait que vous avez tous ces nouveaux pouvoirs.

Pourriez-vous rassurer le comité aujourd'hui en lui disant que vous allez maintenir votre engagement vis-à-vis de ce programme et lui accorder le même niveau d'énergie et d'attention?

M. Manley: Permettez-moi de faire quelques commentaires pour commencer et ensuite M. Beaudoin voudra peut-être ajouter quelque chose.

Une chose qui est ressortie de l'étude Baldwin réalisée pour Statistique Canada sur la croissance des petites entreprises - et je sais que le comité a examiné cette étude l'an dernier lorsqu'il préparait son rapport - c'était que les petites entreprises en croissance ont tendance à avoir de bonnes compétences en gestion, entre autres. Je crois que c'est un domaine où la Banque de développement peut contribuer à la croissance de ces petites entreprises.

Il est très difficile, voire impossible, pour les banques à charte de participer de cette façon. Le programme CASE a servi de modèle et illustre bien comment on peut le faire à un coût peu élevé, à titre de complément aux autres services fournis par la banque.

On pourrait dire qu'il s'agit de prévention au lieu d'une analyse des problèmes après coup, parce que ce programme permet à la banque de fournir des conseils aux entreprises au tout début - lorsqu'elles préparent leur plan d'affaires et lorsqu'elles utilisent leur financement. Donc je crois qu'il est très important pour la banque de maintenir cette fonction.

.1600

Le programme constitue également un excellent complément - encore ce mot - aux autres services que nous essayons de fournir en matière d'information stratégique et de conseils à l'intention des entreprises, tant par l'entremise d'Industrie Canada que, dans certains cas, par les organismes de développement régional.

Les agents du Programme CASE seront bien renseignés sur les informations pouvant être obtenues des centres de services aux entreprises du Canada, d'Industrie Canada et des organismes de développement régional, de manière qu'ils puissent aider les entrepreneurs à établir leurs plans d'action futurs.

M. Beaudoin: Il ne fait aucun doute que le programme CASE jouera un rôle important dans la nouvelle Banque de développement du Canada.

Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un programme important. Mentionnons, par exemple, que l'an dernier nous avons réalisé plus de 5 000 mandats de consultation. Quand on compare ce niveau d'activité à celui d'autres entreprises de consultation, on constate que la BFD est sans doute la plus importante entreprise de consultation du Canada en raison du nombre d'entreprises et de particuliers que nous avons conseillé dans le cadre de ce programme.

Par ailleurs, le programme rejoint la micro-entreprise. Ainsi, les mandats de consultation CASE visaient dans 40 p. 100 des cas des entreprises ayant un chiffre d'affaires inférieur à 250 000$. C'est donc un programme qui sert vraiment les petites entreprises qui ont besoin d'appui et de conseils.

Le programme prendra d'autant plus d'importance à l'avenir du fait qu'il est tout à fait inhabituel qu'une institution financière puisse offrir les services de financement de même que les services de consultation. La Banque est unique en son genre au Canada.

C'est également là une caractéristique qui distingue la Banque des autres banques de développement du monde. Aucun autre pays ne possède une institution semblable à la Banque de développement du Canada.

En quoi la Banque de développement du Canada est-elle si distincte? Nous constatons que, de plus en plus, la PME fait appel à nous pour obtenir non seulement des capitaux mais aussi des instructions et des conseils.

J'ai une fille de 16 ans qui suit des cours de conduite. Jamais il ne nous viendrait à l'esprit de la laisser conduire sans qu'elle ait d'abord suivi des cours. S'agissant des petites entreprises, si elle ne pouvait pas compter sur les instructions et les conseils de nos agents, ce serait comme de les laisser prendre le volant sans avoir d'abord reçu la formation nécessaire.

De plus en plus, au fur et à mesure que nous offrons de nouveaux produits, nous constatons le besoin d'offrir à la fois les capitaux et les instructions nécessaires. Les conseils que nous donnons feront partie intégrante des services de financement que nous offrons aux petites entreprises. Dès qu'elles feront appel à nous pour financer leurs activités, elles recevront instructions et conseils. Il s'agit donc d'une approche intégrée destinée à aider les petites entreprises.

Auparavant, nous avions plutôt tendance à dire: «Vous avez besoin de capitaux ou de conseils? Nous pouvons vous fournir l'un ou l'autre.» Maintenant, nous cherchons à intégrer les deux types de services.

Le vice-président (M. Mitchell): Il reste trois minutes sur les dix minutes qui vous étaient accordées.

M. Mills: Je cède le reste de mon temps de parole à M. Ianno. Ça va, Ian?

M. McClelland (Edmonton Sud-Ouest): Oui.

M. Ianno (Trinity - Spadina): Merci beaucoup d'être venu nous rencontrer. Je tiens tout d'abord à féliciter M. Manley et la BFD pour les efforts qu'ils font afin d'être plus proactifs à l'égard de certaines des questions sur lesquelles nous nous penchons, notamment en ce qui concerne l'accès des petites entreprises au capital. Je suis heureux de voir que vous avez entrepris d'apporter des changements qui vous permettront de produire des recettes, selon le principe de l'équilibre des revenus et des dépenses, de manière que les petites entreprises y trouvent leur compte.

J'ai deux ou trois questions à poser; elles s'adressent plutôt à M. Manley, mais M. Beaudoin pourrait compléter les réponses du ministre.

La première concerne la LPPE et, bien entendu, la hausse considérable du plafond de la LPPE. Bien des banques ne demandent pas mieux que d'accorder des prêts garantis à 100 p. 100 par le Trésor public et sur lesquelles elles sont sûres de réaliser un bénéfice. La BFD ne pourrait-elle pas se substituer encore davantage aux banques à charte pour prêter directement aux petites entreprises et accroître son effet de levier, étant donné qu'elle est financée à même les deniers publics et qu'elle joue déjà un rôle très efficace à cet égard?

.1605

Deuxièmement, nous savons à tout le moins que certains changements qui ont été apportés à la formule de recouvrement des coûts aideront les petites entreprises du fait que les frais seront calculés en fonction de l'importance du montant prêté - je suis d'ailleurs entièrement d'accord avec cette formule - mais existe-t-il une certaine complimentarité entre l'organisme de développement régional, que ce soit l'APÉCA, le BFDRQ ou je ne sais trop quoi encore, et la BFD, avec son programme CASE et tous ces autres programmes, de façon que nous soyons assurés d'en obtenir plus pour notre argent? Les deux organismes travaillent-ils en collaboration de manière que les Canadiens y trouvent leur avantage?

Enfin, le montant des prêts répondra-t-il davantage aux besoins des petites entreprises? Il faut bien sûr tenir compte des frais d'administration, mais il n'y a qu'à voir comment la Banque de Montréal, qui consacre 33 p. 100 de son portefeuille de prêts aux petites entreprises, accroît son taux de profit, plus rapidement que les autres banques. Il doit donc y avoir un moyen d'administrer des prêts plus petits tout en obtenant un bon taux de rendement.

M. Manley: Merci pour ces questions.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous espérons, et c'est ce que nous visons, qu'il y aura de plus en plus de prêts plus petits. Nous voulons réorienter notre mandat en ce sens. Nous considérons qu'il s'agit-là d'une des lacunes du système actuel. Étant donné les frais minimums liés à la bonne gestion des petits placements ou les petits prêts, nous considérons qu'il s'agit d'une lacune que la Banque de développement pourra contribuer à combler.

Pour ce qui est des organismes régionaux, nous cherchons effectivement à assurer une plus grande collaboration avec chacun d'eux. Des protocoles d'entente sont en voie d'être ou ont déjà été négociés, qui permettront une plus grande collaboration avec les organismes.

Je crois que M. Martin vous a peut-être parlé hier des rapports entre le BFDRQ et la BFD au Québec, car nous pouvons avoir un effet de levier dans la mesure où nous utilisons la formule du remboursement. En tout cas, c'est une voie prometteuse tant pour la Banque que pour les organismes régionaux.

Il reste encore du travail à faire à ce sujet, mais c'est une voie qui nous paraît prometteuse et que nous entendons poursuivre.

Quant à la LPPE, elle joue un rôle différent. Elle continue à être un élément clé de notre stratégie d'aide à la petite entreprise. Comme vous le savez, nous avons adopté la formule de l'autofinancement. Vous devriez d'ailleurs être saisi sous peu du projet de loi visant à mettre en oeuvre cette nouvelle formule. Les prêts consentis aux termes de la LPPE visent des objectifs bien précis et restreints; ces prêts font partie intégrante des services financiers qu'un client peut s'attendre de recevoir de sa banque.

Je ne pense pas que ces prêts fassent vraiment partie de la gamme des services que nous voulons offrir par l'entremise de la Banque de développement, mais je suis certainement d'accord avec vous sur les autres points que vous avez soulevés.

M. Ianno: Peut-on envisager qu'à l'avenir la Banque pourrait prendre des dépôts des clients actuels de la LPPE?

M. Manley: Nous n'avons rien prévu à cet effet dans le projet de loi. Il faudrait que la loi soit modifiée pour faire de la Banque de développement du Canada une institution de dépôt.

Or nous cherchons par ce projet de loi à faire de la Banque un prêteur complémentaire dont l'activité serait surtout concentrée sur le services dont nous avons parlé. Le fait qu'il ne s'agisse pas d'une institution de dépôt signifie que la banque travaillera avec les institutions financières qui font affaire avec ses clients. Chaque client de la Banque de développement du Canada deviendra automatiquement client d'une autre institution financière.

.1610

M. McClelland: La toute première question qu'il faudrait se poser au sujet de la Banque fédérale de développement sous sa nouvelle dénomination est de savoir si c'est nécessaire. Quelles nouvelles activités va-t-on entreprendre qui ne peuvent pas l'être à l'heure actuelle sur le marché? Pourquoi le gouvernement devrait-il participer à l'établissement d'une autre société d'État, faisant concurrence cette fois au secteur privé alors qu'il est en train d'essayer de se débarrasser de sociétés d'État, comme le CN?

Il ne semble pas logique que le gouvernement soit davantage impliqué dans le secteur privé. Il s'agit là d'une question fondamentale auquelle il faut trouver une réponse. Le gouvernement a-t-il pour rôle de faire concurrence aux entreprises du secteur privé?

M. Manley: Pas du tout. C'est la raison pour laquelle la loi prévoit qu'il s'agira d'une banque qui n'entrera pas en concurrence avec les institutions financières mais elle servira de complément à celles-ci. Je vous signale également que nous ne sommes pas en train d'établir une société d'État. Nous modifions la perspective d'une société d'État actuelle, qui existe depuis 50 ans et qui a fait la preuve de son utilité.

Si nous essayions de faire concurrence aux institutions financières existantes, nous aurions besoin de beaucoup plus de capital que celui que nous comptons pouvoir attirer, même avec les instruments financiers hybrides. Il s'agirait alors d'une institution de dépôt et l'on pourrait dire qu'elle fait concurrence aux institutions financières existantes. Ce qui n'est pas le cas du tout.

Bien au contraire, comme j'ai essayé de le dire, nous avons relevé certaines lacunes sur le marché. Les marchés ne fonctionnent pas toujours avec une efficacité parfaite dans un pays aussi diversifié que le Canada. Nous avons de véritables obstacles à la création d'emploi dans le secteur de la petite entreprise. Notamment à cause des lacunes en matière de prêts aux petites entreprises; de plus, il nous a fallu du temps avant de pouvoir combler les lacunes qui existent en matière de prêts aux industries axées sur la connaissance.

Ces lacunes existent donc et cette banque pourra les colmater utilement. Elle a donc un rôle à jouer parmi les services financiers dont peuvent se prévaloir les entreprises canadiennes.

M. McClelland: Merci. Pourrais-je poser une autre question?

Des voix: Oh!

M. McClelland: Si nous avons une banque de développement nationale, pourquoi avoir des organismes gouvernementaux qui lui fait concurrence comme la diversification de l'économie de l'Ouest Canada, l'APK, Fednor, etc.? A-t-on prévu de faire relever les activités de développement régional du gouvernement de la Banque de développement? Sinon, pourquoi pas?

M. Manley: La réponse à cette question est non, pour la simple raison que ces organismes de développement régional jouent un rôle différent de la banque. Dans de nombreux cas, il s'agit d'organismes qui sont véritablement catalyseurs de l'activité économique au niveau local. Parfois aussi il s'agit d'organismes par le truchement desquels les petites entreprises ont accès aux différents programmes du gouvernement fédéral.

Ces organismes sont très présents dans les régions où ils se trouvent. Leur financement est également tout à fait différent puisqu'il provient de crédits parlementaires alors que la Banque est financée par ses propres opérations.

M. McClelland: Mais ces organismes s'autofinancent de plus en plus puisque la source de financement est en train de se tarir. Ainsi, il s'agit d'organismes qui mettront eux-mêmes fin à leurs propres activités.

.1615

Mais je n'en dirai pas plus long. Je donne le reste de mon temps à collègue.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Merci à nos deux témoins.

J'aimerais avoir quelques précisions au sujet de certaines dispositions du projet de loi. Peu importe qui me donne la réponse. Je veux des réponses d'ordre technique.

Une d'entre elles porte notamment sur la définition des intruments de fonds propres hybrides. De quoi s'agit-il?

M. Beaudoin: Je vais vous donner une définition.

M. Schmidt: J'ai beaucoup de définitions et j'aimerais savoir quelle est la bonne.

M. Beaudoin: Il s'agit d'une définition tout à fait officielle. Le bureau du surintendant des Institutions financières décrit un instrument de fonds propres hybrides comme un instrument qui n'est pas garanti, qui est subordonné et intégralement libéré. Les instruments hybrides ne sont pas rachetables à la demande du détenteur mais peuvent être rachetés par l'émetteur après une période initiale de cinq ans, avec le consentement préalable du surintendant des institutions financières. Ils peuvent servir à combler des pertes sans entraîner la cessation des opérations courantes ou déclencher des procédures d'insolvabilité. Ils permettent de reporter le versement des intérêts, comme dans le cas des actions privilégiés à dividendes cumulatifs lorsqu'il en va de la rentabilité de la banque.

Il s'agit là d'un nouveau concept qui commence à être reconnu sur le marché. Le bureau du surintendant des Institutions financières a donné cette définition officielle des instruments. Ceux-ci sont utilisés de façon importante par les banques à charte du secteur privé. Il s'agit en fait de dettes subordonnées ou d'actions privilégiées. Ils sont considérés comme des fonds propres de catégorie 2 aux fins de capitalisation par la Banque des règlements internationaux. Des fonds propres de catégorie 1 sont d'une espèce différente, il s'agit en fait d'actions ordinaires.

Telle donc la définition générale d'un instrument hybride.

M. Schmidt: Cela ne répond pas complètement à la question car il y a, si je ne me trompe, six instruments financiers différents qui entrent dans la capitalisation de la banque: des actions ordinaires, des actions privilégiées, des instruments hybrides, des crédits parlementaires, le capital non réparti et l'excédent provenant des apports de capital. Vous avez établi une différence entre les actions privilégiées et les instruments financiers hybrides; il doit donc y avoir une différence, c'est évident. Vous dites qu'on les utilise de la même façon, et pourtant il ne s'agit pas d'une seule et même chose puisque vous avez établi une distinction entre les deux.

M. Beaudoin: Tout cela fait partie de la capitalisation, mais dans le cas de la Banque de développement, les actions privilégiées seraient détenues par le gouvernement.

M. Schmidt: Quel est l'ordre de priorité en cas de distribution des bénéfices? Le conseil a le pouvoir de déterminer qui se verra verser des dividendes sur les bénéfices de même que le taux de ces dividendes et des actions privilégiées. Je suppose que ces instruments hybrides produisent des dividendes?

M. Beaudoin: Habituellement, les dettes subordonnées ne sont pas assorties de bénéfices, mais bien d'un taux d'intérêt fixe.

M. Schmidt: Très bien. Et si la banque ne réalise pas de profits, qui remboursera-t-on d'abord?

M. Beaudoin: L'intérêt sur la dette subordonnée devra être remboursée avant le gouvernement. C'est une question de priorité.

M. Schmidt: Je comprends.

Il y a également la question des contrats dans le cas d'options et de marchés à terme. Le projet de loi ne prévoit aucune limite sur les transactions d'instruments dérivés. Cela signifie que les deniers publics pourraient faire l'objet de spéculation.

M. Beaudoin: J'aimerais préciser quelque chose. L'activité de la banque dans le domaine des instruments dérivés n'est pas nouvelle; en effet, à l'heure actuelle, nous avons besoin d'avoir recours à ces instruments de façon régulière pour nous conformer à une politique qui veut que nous établissions une contrepartie entre l'actif et le passif.

.1620

En d'autres termes, quand la banque offre un prêt à un client à un taux flottant, elle emprunte à un taux flottant également. Pour des emprunts d'une année nous empruntons pendant une année, parfois en dollars américains ou en livres sterling.

M. Schmidt: Je vous ferai remarquer qu'il ne s'agit pas là d'instruments dérivés, mais d'emprunts ouverts...

M. Beaudoin: Pas du tout, il s'agit d'instruments dérivés.

M. Schmidt: Il ne s'agit pas là d'options. Parlons d'options et de marchés à terme. Ce que vous décrivez n'est ni l'un ni l'autre.

M. Beaudoin: En ce qui concerne les emprunts en devises étrangères, quand on procède à un échange financier en convertissant à nouveau la devise en dollars canadiens, il s'agit bel et bien d'un instrument dérivé. Quand nous protégeons le remboursement de la dette en devises étrangères en procédant par un contrat à terme, il s'agit bel et bien là...

M. Schmidt: J'ai parlé quant à moi d'instruments dérivés. Dans le projet de loi on parle d'options et de contrats à terme. Pourriez-vous donc vous limiter à ces deux termes?

M. Beaudoin: Un contrat à terme est en quelque sorte est une option. Les opérations de change se font à un taux fixe, cela fait partie des opérations de trésorerie. À l'heure actuelle, il y a ces instruments dérivés que l'on utilise uniquement pour la gestion de nos actifs et passifs. La situation ne va pas changer.

M. Schmidt: Mais c'est très différent si l'on se sert de ces instruments comme garantie. Vous parlez des options et des contrats à terme qui sont des garanties contre les fluctuations du taux de change et des taux d'intérêt.

M. Beaudoin: Précisément.

M. Schmidt: Cela n'est pas un problème pour moi, pour autant que le projet de loi n'empêche la négociation de ces contrats. C'est ce que je veux dire. Le projet de loi permet que l'on prenne des garanties, mais il va beaucoup plus loin que cela puisqu'il permet les transactions dans le domaine des instruments dérivés, c'est-à-dire la spéculation. Cela n'est pas interdit.

M. Beaudoin: Non.

M. Schmidt: C'est la raison pour laquelle ce projet de loi présente une lacune. En tant que contribuable, je ne pense pas qu'il est bon de donner ce pouvoir à la banque. Je ne veux pas que vous puissiez jouer avec mon argent.

Et je crois que vous pouvez le faire, d'après le projet de loi.

M. Beaudoin: Non, car la banque est soumise à un plan d'emprunt qu'examine annuellement le ministre des Finances. Toutes les activités de la banque, en matière d'échanges financiers, d'options et d'instrumens dérivés en général sont examinés chaque année dans le cadre du plan d'emprunt de la banque. Le ministre des Finances a dès le départ décidé que la banque ne pourrait agir à des fins spéculatives.

M. Schmidt: Pourtant il n'y a rien dans ce projet de loi, en tout cas dans son libellé actuel, qui empêche la banque de spéculer.

Vous dites que vous ne voulez pas le faire. Très bien. Je comprends bien ce que vous dites, mais je voudrais en être sûr. Ainsi donc, ça devrait figurer dans la loi si vous voulez vraiment que cela se passe comme cela. C'est tout ce que je veux dire.

M. Mills: Comment définissez-vous le mot «spéculatif».

M. Schmidt: Il ne faut pas que cela relève des dispositions concernant la garantie.

M. Manley: Le problème en fait est qu'il n'y a qu'un seul actionnaire dans cette institution.

Quel est le but de la spéculation dans le cas dont vous parlez?

M. Schmidt: C'est très simple.

M. Manley: Le but est de faire des profits.

M. Schmidt: Évidemment.

M. Manley: Le but de la banque est de s'autofinancer; elle n'a pas d'actionnaires qui veuillent augmenter les bénéfices. La banque suit les instructions directes de son actionnaire - en fait il ne s'agit pas vraiment d'un actionnaire, mais du ministre des Finances - et c'est comme cela qu'elle gère son portefeuille financier.

Si vous songez aux événements qui se sont produits au Royaume Uni, je vous signale qu'il s'agit là d'un exemple qui ne ressemble pas à celui d'une institution privée. Dans ce cas, les problèmes étaient dus au fait que le but de l'institution était non seulement de réaliser des bénéfices, mais que les contrepartistes étaient incités pour procéder à des transactions simplement parce qu'ils travaillaient à commission sur les transactions.

La situation en est pas la même ici. Le pouvoir de la banque existe seulement pour garantir les transaction financières légitimes de celle-ci.

Le président: Je vais devoir intervenir, je vous ai donné deux minutes et demie de plus qu'à tous les autres membres.

M. Schmidt: Merci monsieur le président. N'est-ce pas magnifique!

Le président: J'ai un nouveau jouet qui me donne le temps précis à la seconde, car vous m'avez fait la vie dure chers collègues.

.1625

M. Mitchell (Parry Sound - Muskoka): Je ne partage pas la préoccupation de l'Opposition, à savoir que vous puissiez faire de l'argent. Ce n'est pas en réalité une véritable préoccupation.

Je voudrais cependant vous demander ceci. En vertu des dispositions de cette mesure législative, pour la première fois, vous paierez pour vos capitaux propres. Si ces capitaux viennent du secteur privé ou même s'ils viennent du gouvernement, vous devrez payer pour les obtenir. Cela signifie-t-il que le taux d'intérêt que vous devrez imposer aux petites entreprises utilisant vos services devra augmenter pour couvrir le coût de vos capitaux?

M. Beaudoin: Pas nécessairement, je pense qu'il s'agira tout simplement de balancer nos comptes. Nous devrons prévoir des sommes pour payer le coût de ces capitaux. Que nous les optenions du gouvernement ou du secteur privé, nous devrons indirectement prévoir le paiement du rendement sur ces capitaux. Cela revient vraiment au même.

M. Mitchell: Oui, mais si je comprends bien, en vertu de l'ancienne loi, la partie dette- capitaux propres pas la partie de vos interventions sur le marché mais la capitalisation - provenait du gouvernement qui n'en retirerait aucun revenu. Cela va cependant changer.

M. Beaudoin: Notre rapport dette-capitaux propres était anormal. Toutes choses étant égales par ailleurs, la recapitalisation va nous permettre de réduire notre dette et de l'inscrire sous la rubrique capitaux. Nous faisons donc en réalité passer la somme que nous payons de la rubrique dette à la rubrique capitaux. L'augmentation sera marginale.

M. Mitchell: Bien. Vous parlez d'avoir plus d'argent à prêter aux petites entreprises. Supposons que ce projet de loi entre en vigueur le ler juillet. Quand estimez-vous que l'augmentation des prêts se produira au cours des douze prochains mois? Avez-vous une idée des sommes supplémentaires que vous pourriez prêter?

M. Beaudoin: Toud dépend de la demande. Pour respecter notre rôle de prêteur complémentaire, nous devrons...

Tout dépend de la réaction du secteur privé. Les délibérations du comité produisent déjà leur effet. Nous voyons augmenter l'appui du secteur privé aux petites entreprises. Notre rôle sera de combler les lacunes.

Voilà pourquoi il est difficile de vous donner un montant précis, car tout dépendra de la mesure dans laquelle le secteur privé appuiera les petites entreprises. Nous prévoyons que dans l'année qui vient nous consacrerons probablement près de 900 millions de dollars au financement des petites entreprises au Canada.

M. Mitchell: Serez-vous en mesure de fournir des capitaux de mise de fonds aux petites entreprises pour des montants inférieurs à 500 000$?

L'une des lacunes se trouve actuellement dans les prêts de capitaux de mise de fonds aux petites entreprises qui ont besoin de sommes inférieures à 500 000$. C'est cette lacune que la banque a comblée dans une certaine mesure dans le passé. Pourrez-vous accroître cette partie de vos activités? Un entrepreneur pourra-t-il s'adresser à la BFD pour obtenir une injection de capitaux de 100 000$ ou 75 000$, disons? Serez-vous en mesure de prêter de telles sommes?

M. Beaudoin: Nous allons lancer deux initiatives. Nous sommes en train d'en faire l'essai.

Nous avons d'une part l'initiate relative aux micro-prêts, c'est-à-dire de très petits prêts - des prêts inférieurs à 25 000$. Nous allons donc assurer des services à ce niveau grâce à ce nouveau produit et comme partie intégrante de notre aide aux petites entreprises, nous associerons les conseils et le financement.

La deuxième initiative porte sur les capitaux patients, concernant les sommes dont vous parlez. La véritable lacune se situe à moins de un million de dollars, parce que le secteur des capitaux à risque n'est pas vraiment adapté à des transactions inférieures à ce niveau. Les transactions portant sur les capitaux patients commencent d'après nous autour de 75 000$ et peuvent aller jusqu'à 500 000$. C'est là le marché visé.

M. Mitchell: Entreprenez-vous des activités particulières visant à accroître l'accessibilité des capitaux dans les régions rurales du Canada? Faites-vous quelque chose de particulier pour le secteur rural au Canada?

M. Beaudoin: Le secteur rural du Canada continuera d'avoir une grande priorité pour la banque. Soixante pour cent de nos activités portent actuellement sur le Canada rural, mais nous voyons qu'on ne satisfait pas entièrement à la demande, les lacunes persistent. Peut-être diminuent-elles dans les villes, mais elles sont encore importantes dans les régions rurales, et la banque devra continuer à porter une attention particulière à ce problème pour servir ce marché.

.1630

[Français]

M. Leroux (Richmond - Wolfe): Vous savez que le Québec est le seul territoire où le Bureau fédéral de développement régional a 13 bureaux. Il est très éclaté sur le territoire et cela n'existe pas ailleurs. Il se veut, dans sa nouvelle mission, coordonnateur des services, ministères et organismes fédéraux. Il veut être le bras livreur. À ce chapitre-là, il y a une entente de signée entre le BFDR et la Banque fédérale de développement.

Il existe, dans le développement régional au Québec, une structure sectorielle de décentralisation qui est à la fois administrative et, dans d'autres secteurs, politique. Les pouvoirs touchant le développement régional ont été confiés à des organismes par le gouvernement, et ces organismes relèvent du gouvernement du Québec.

Parmi toutes ces structures, on compte les municipalités, les municipalités régionales de comté, les commissions scolaires, les cégeps, les universités, les régies régionales de la santé, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, les conseils régionaux de développement et les conseils régionaux de la main-d'oeuvre. Tous ces organismes relèvent directement du gouvernement, et seul le gouvernement est habilité à signer des ententes.

Or, depuis le début de la 35e législature, dans tous les projets de loi, le ministre ou ses organismes se donnent le pouvoir de signer ou de faire des accords ou des ententes directement avec des organismes du milieu sans dire que ceci peut être fait après entente avec le gouvernement du Québec. On se donne toujours, dans les projets de loi, le pouvoir d'aller signer des ententes directement dans les milieux.

Comment expliquez-vous cette décision de dire ceci dans la loi alors que cela contrevient carrément à la façon de faire du gouvernement du Québec qui, lui, doit autoriser toute entente avec les organismes de développement régional qui relèvent directement de lui?

[Traduction]

M. Manley: Monsieur le président, on a soulevé cette question à la Chambre à quelques reprises. Je ne la comprends pas. Le député parle d'organismes qui sont des créatures d'un autre palier de gouvernement. Le gouvernement n'a aucun pouvoir, dans aucune loi, d'autoriser ces créatures à signer des ententes ou prendre d'autres mesures que leurs parents ne veulent pas. Je ne comprends pas pourquoi il s'en préoccupe.

[Français]

M. Leroux: À l'article 20, très précisément, vous donnez à la Banque le droit de signer directement avec les organismes ou les personnes et même d'agir comme mandataire. Vous vous donnez ce pouvoir dans le projet de loi. Dans la réforme de la Loi sur l'industrie, vous vous êtes même donné le pouvoir de conclure des ententes directement avec les organismes du milieu du développement régional, sans parler de l'autorité qu'a le Québec de signer seul des ententes par l'intermédiaire de son ministère des Affaires intergouvernementales. Je ne sais pas pourquoi vous ne comprenez pas. Cela me semble assez clair.

[Traduction]

M. Manley: Je ne comprends pas cette observation ridicule. Ces organismes ne peuvent pas signer des ententes de leur propre gré. Si le gouvernement du Québec ne veut pas qu'ils signent, ils ne signent pas. Je ne comprends par les gens qui cherchent toujours des façons d'être offensés tout le temps. Ce projet de loi n'a rien à voir avec le pouvoir des organismes dans la province du Québec.

[Français]

M. Leroux: Je crois que c'est loin d'être ridicule. Si vous qualifiez cela de ridicule, vous qualifiez la loi de ridicule puisque vous vous donnez ce pouvoir-là. Pourquoi ne pas mettre un libellé différent? Il est clair que vous voulez vous donner le pouvoir d'agir directement. Pourquoi ne pas mentionner l'existence du pouvoir du Québec qui, entre autres en vertu de la Loi sur le Conseil exécutif, se dit le seul mandataire et le seul signataire des ententes interprovinciales? Pourquoi faites-vous un article semblable si c'est ridicule? Qu'est-ce que cela vous donne de le faire?

[Traduction]

M. Manley: Le but de ce projet de loi est de créer la Banque de développement du Canada et de déterminer ses pouvoirs. Elle a le pouvoir de conclure des ententes, mais seulement avec des organismes qui ont le pouvoir de conclure des ententes avec elles.

.1635

Monsieur le président, si M. Leroux trouve à redire aux instances qui créent ces bureaux de développement régional dans la province du Québec, je lui suggère de s'adresser au gouvernement de Québec, parce que si ces méchants organismes vont signer des ententes avec la Banque de développement du Canada, sans l'autorisation du gouvernement provincial, il faudrait les remettre à leur place.

Nous n'avons aucune intention de signer des contrats avec des organismes qui n'ont pas cette autorisation.

[Français]

M. Rocheleau: Je ne pense pas que ce soit M. Leroux qui ait un problème. Notre appréhension est de nature historique. On sait que le gouvernement fédéral du Canada ne s'est jamais gêné, compte tenu de son pouvoir de dépenser, pour intervenir dans les champs de juridiction provinciale, notamment au Québec, en offrant des candies. Vu qu'il y a une dérogation de prévue dans l'organisation québécoise des choses, où on dit aux créatures québécoises qu'elles peuvent, avec l'autorisation du gouvernement du Québec, déroger à la réglementation, on sait parfaitement comment ça va fonctionner, monsieur le ministre. Vous allez offrir 200 000$, 500 000$ ou un million de dollars à un organisme à condition que le gouvernement du Québec en fasse autant. On a déjà vu ça dans le passé et c'est ce qu'on appréhende avec le pouvoir que vous vous donnez. Vous ne vous restreignez pas vous-même dans la loi. Vous ne dites pas: Ayant conclu au préalable une entente avec le gouvernement du Québec ou autre, on conclura des ententes avec des organismes du gouvernement du Québec, mais en respectant d'abord la juridiction de ce dernier. C'est cela, la question, monsieur le ministre.

M. Manley: Nous avons, je crois, démontré pendant cette législature notre capacité de travailler avec les deux gouvernements qui ont été élus au Québec. Ils ont tous les deux signé des accords avec notre gouvernement. Nous avons un processus qui existe avec le Bureau fédéral de développement régional (Québec). Nous avons fait beaucoup de progrès, même au Québec, avec la Banque fédérale de développement.

Si l'objectif est de créer un cadre clair, les députés bloquistes pourront peut-être persuader les autres députés que c'est nécessaire. Pour ma part, je trouve que ce n'est pas nécessaire du tout. Il est clair que nous créons ici une société au niveau fédéral. Selon la Constitution, les banques sont clairement la responsabilité du gouvernement fédéral, et je trouve donc qu'il n'y a pas de problème.

Le fait est que M. Rocheleau, M. Leroux et leurs collègues ne veulent pas que le gouvernement fédéral soit présent au Québec parce qu'ils ont d'autres objectifs. Parmi toutes les PME au Québec, une sur cent a trouvé l'aide de cette banque importante pour sa croissance. Les PME sont prêtes à accepter la présence de cette banque.

M. Leroux: On doit nous aimer beaucoup, parce que dans l'Ouest, en questionnant le ministre Axworthy....

[Traduction]

Le président: Monsieur Discepola, s'il vous plaît.

M. Discepola (Vaudreuil): Quant à moi, monsieur le ministre, s'il n'en tenait qu'à eux, ils érigeraient une clôture autour du Québec pour le garder à l'abri. Ils nous reprochent de centraliser les pouvoirs. Eux, ils veulent les décentraliser pour les donner au Québec afin de pouvoir le recentraliser à un autre palier de gouvernement qui s'appelle le gouvernement du Québec. Voilà ce qu'ils veulent.

Monsieur le ministre, comme j'ai entendu les témoignages des six grandes banques, je suppose que je suis un plus pessimiste quant à certaines approches suggérées. Comme vous avez dit en répondant à la question de M. Ianno, j'avais espéré que la Banque fédérale de développement serait capable de remplir le vide que les banques ne peuvent pas remplir, ou ne veulent pas remplir. Je pourrais trouver d'autres adjectifs qui seraient prérérables, mais je vais m'en tenir là.

.1640

Quand j'ai entendu la réponse que vous avez faite à M. Ianno au sujet des prêts au titre de la LPPE, je me suis dit que, si le nouveau mandat de la Banque doit s'écarter tout d'abord d'une formule de recouvrement des coûts, vous devrez sans doute mettre davantage l'accent sur la rentabilité - c'est une éventualité qui me fait peur et sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. Je me suis dit que vous auriez peut-être pu envisager d'autres instruments, comme les prêts au titre de la LPPE qui, de toute façon, sont garantis par le gouvernement.

Toujours est-il qu'il nous a fallu presque trois mois pour persuader les banques, sans parler du temps qu'il a fallu pour leur faire comprendre ce qui nous motivait, de consentir des prêts de l'ordre de 100 000$. Dans leurs témoignagnes, elles se disaient invariablement prêtes à consentir des prêts de 500 000$, de 1 million de dollars ou plus. Nous voulions les amener à consentir des prêts de 50 000$ ou de 100 000$. Je crois que nous y arriverons.

Cette expérience m'amène à croire qu'elles ne veulent pas ou ne peuvent pas peut-être à cause des frais d'administration dont vous avez parlés tout à l'heure, prêter à de petits emprunteurs. Dans votre exposé, vous avez dit que c'était là le noeud du problème.

J'avais espéré, par ce projet de loi, que nous pourrions répondre aux attentes de ces entrepreneurs qui ont désespérément besoin de prêts variant entre 50 000$ et 100 000$. Aussi je suis préoccupé de voir que la Banque fédérale de développement passera de la formule du simple recouvrement des coûts à des méthodes hybrides de capitalisation qui, directement ou indirectement - même M. Mitchell y a fait allusion - vous obligeront à assurer à vos investisseurs un rendement sur leur capital.

Cela m'amène à vous parler d'un autre problème donc il a été question quand les banques qui sont venues témoigner devant nous, à savoir que les petites entreprises veulent absolument avoir accès au capital et qu'elles sont prêtes à payer une prime un peu plus élevée s'il le faut. Les propriétaires de petites entreprises ne trouvent pas impensables de payer 1 ou 2 p. 100 de plus, ou des taux encore plus élevés, pour obtenir un prêt.

Vous aviez auparavant la possibilité de leur consentir un prêt à un taux plus élevé parce qu'on appliquait simplement la formule de recouvrement des coûts. Vous n'étiez pas tenu de réaliser des milliards de dollars de bénéfices pour satisfaire vos actionnaires, comme le font les six grandes banques depuis deux ou trois ans.

Si toutefois vous optez pour une nouvelle structure de capital avec de nouveaux instruments pour financer vos activités, comment pouvez-vous nous donner l'assurance que vous n'allez pas laisser tomber avec un préavis très court... comme le font actuellement les banques, que vous n'allez pas vous retirer d'un secteur où d'une activité parce que tout d'un coup vous faites la fine bouche? C'est ce qui se produit à l'heure actuelle d'après ce que me disent les propriétaires des petites entreprises de ma circonscription.

Voyez-vous où je veux en venir? Vous serez motivé par le souci de produire un bénéfice pour votre actionnaire. Peu importe que cet actionnaire soit le gouvernement, vous vous sentirez obligé de produire un bénéfice. Vous aurez peut-être donc à augmenter les frais exigés en conséquence. Considération encore plus importante, les prêts aux petites entreprises, que j'espèrais obtenir par ce projet de loi, pourraient ne pas vous paraître assez intéressants, puisque vous devrez également obtenir un certain rendement sur vos investissements.

M. Manley: Nous n'avons pas vraiment besoin d'obtenir un rendement sur nos investissement dans le sens où l'entendent les actionnaires des banques. Après tout, les actions des banques font concurrence avec d'autres actions et d'autres instruments financiers pour ce qui est d'assurer à un investisseur un rendement suffisant.

M. Mills: Si vous n'êtes pas compétitif, les investisseurs iront ailleurs.

M. Manley: Nous n'y sommes pas obligés. Il suffit que nous ayons des revenus suffisants pour nous permettre de payer nos dépenses. D'où les pressions pour que nous limitions nos dépenses. Nous n'avons pas besoin de produire un rendement de 12 ou de 11 p. 100 sur les investissements, comme doivent le faire les institutions financières privées. Nous avons donc un marge de manoeuvre bien plus grande au départ.

Nous devrons toutefois payer le coût des capitaux que nous emprunterons sur les marchés. Comme vous l'a expliqué M. Beaudoin, la nouvelle mesure nous permet de faire appel à un plus vaste éventail d'instruments, et je crois que l'effet de levier ainsi obtenu nous permettra de prêter...

M. Discepola: Finalement, ce qui m'inquiète, c'est de savoir si la nouvelle banque privilégiera les prêts de 50 000$ à 100 000$.

M. Manley: Ce sera un de ses objectifs.

Le gouvernement invite effectivement la banque à consacrer une part importante de son portefeuille à ces prêts. La mesure proposée a notamment pour but de permettre à la Banque de se doter d'une structure de capital plus souple, en élargissant la gamme des instruments auxquels elle peut faire appel, pour qu'elle puisse justement servir les petits emprunteurs.

Les limites existantes, combinées aux autres restrictions auxquelles la Banque était assujettie, étaient-elles sans compter que nos coffres étaient presqu'à sec - qu'il était impossible d'accroître considérablement la part des prêts d'importance moindre tout en appliquant la formule du recouvrement des coûts. Grâce à sa nouvelle structure de capital plus souple, la Banque devrait pouvoir réaliser ces deux objectifs.

.1645

Mme Bethel (Edmonton-Est): Monsieur le ministre, la BFD a-t-elle fait une étude pour déterminer les lacunes qui touchent particulièrement certaines provinces, les PME rurales, les autochtones, les réserves urbaines, le Nord, les personnes handicapées et les femmes?

M. Beaudoin: Nous n'avons pas fait d'études comme telles. Nous constatons simplement dans l'exercice de nos activités que ces lacunes existent. Elles sont très considérables dans les divers secteurs que vous avez énumérés.

Mme Bethel: Si vous n'avez pas fait d'études approfondies, comment faites-vous pour décider des changements ou des programmes dont vous avez besoin sur le plan des services de consultation ou de financement, ou les deux?

M. Beaudoin: Nous sommes essentiellement guidés par la demande. Nous déterminons les besoins à combler à partir des demandes que nous recevons. C'est ainsi que nous avons pu déterminer, par exemple, que certaines entreprises de la nouvelle économie dont tout le monde pensait qu'elles pourraient être financées par le capital de risque avaient difficilement accès à ce capital pour qui les prêts de moins d'un million de dollars n'étaient pas suffisamment attrayants. Cette constatation nous a amenés à créer de nouveaux instruments, comme des capitaux patients et des prêts à l'innovation. Cette façon de faire est conforme au modus operandi de la banque. Nous cherchons à répondre à tous les besoins de nos clients.

Mme Bethel: Nous avons eu la même discussion avec les banques sur la façon dont elles répondent aux besoins de leurs clients. Tous les groupes que j'ai énumérés sont des clients. Tous ces groupes souffrent des lacunes qui existent dans le système. Comment pensez-vous évaluer vos programmes sur le plan du service au client?

M. Beaudoin: Le service au client est un souci primordial de la banque. Qu'ils fassent appel à nous pour des services de gestion ou des services financiers, nous écrivons à nos clients tous les trimestres pour vérifier leur degré de satisfaction, pour leur demander quels sont nos points forts et quels sont les points qui pourraient être améliorés.

Ainsi, j'ai eu l'occasion de présenter au comité les résultats des sondages des trois dernières années qui indiquent un degré de satisfaction élevé. Plus de 90 p. 100 des clients de la BFD sont très satisfaits ou satisfaits de nos services. Dans ces sondages, nos clients nous ont indiqué les points qui devraient être améliorés, et pour donner suite à leurs suggestions, nous avons mis sur pied notre programme tous azimuts, qui inclura l'élaboration d'une charte des droits, la création d'un poste d'ombudsman et la mise au point de diverses initiatives qui seront soumises au comité. Voilà donc le processus que nous suivons afin...

Mme Bethel: Ma dernière question, monsieur le président, concerne les banques, la BFD étant de ce nombre. La BFD est-elle prête à fournir les critères et les informations que nous demandons aux banques?

M. Beaudoin: Comme nous l'avons indiqué, la banque joue un rôle de chef de file dans la fourniture d'informations, et je crois qu'elle a ainsi donné l'exemple aux autres banques pour ce qui est de répondre aux exigences, notamment aux exigences de votre comité.

Mme Bethel: Pouvons-nous compter que vous viendrez devant nous en même temps que les représentants des banques pour nous fournir ces informations?

M. Beaudoin: Par le passé, nous avons toujours fourni au comité les informations qu'il disait souhaiter obtenir des banques à charte.

M. Murray (Lanark - Carleton): Monsieur le ministre et monsieur Beaudoin, je crois savoir pourquoi on veut changer le nom de la banque. On inverse souvent l'ordre des lettres dans le sigle de la banque. Nous en avons justement été témoins cet après-midi.

J'ai une question d'ordre pratico-pratique, pratique en tout cas du point de vue de l'homme politique que je suis. Je voudrais savoir ce que je devrais répondre aux entrepreneurs parmi mes électeurs qui me demandent quelles améliorations ils pourront constater quand ils se présenteront à une succursale de la BFD. Quels changements la nouvelle loi apportera-t-elle, qu'ils seront à même de constater quand ils se présenteront à une succursale de la banque pour demander un prêt?

M. Manley: Permettez-moi de vous donner un premier élément de réponse. La différence tient surtout au changement de mandat. Parce qu'elle était considérée comme un prêteur de dernier ressort, la banque était perçue comme la banque des perdants: si vous trouviez encore la force de vous traîner jusqu'à la porte après avoir été passé à tabac par les banques à charte, nous regardions votre demande d'un oeil favorable - et, si vous aviez en plus la documentation voulue pour prouver que vous aviez été matraqué par les banques à charte, c'était encore mieux. Naturellement, vous étiez alors marqué au fer dans les milieux financiers; sans vouloir reprendre le mot de Stephen Leacock, vous traîniez alors dans votre dossier le fait que le sort ou la mauvaise fortune vous avait contraint de vous adresser à la BFD pour obtenir le capital dont vous aviez besoin.

.1650

Cela, je pense, va changer, car la banque va clairement jouer le rôle de prêteur complémentaire pour des entreprises qui peuvent réussir et qui le feront, et adopter des procédures de prêt beaucoup moins bureaucratiques que celles qui existaient nécessairement auparavant pour remplir ce mandat limité. Je pense que les gens vont découvrir que l'on s'occupe d'eux de façon beaucoup plus efficace et positive que ce n'était le cas auparavant.

François.

M. Beaudoin: Je pense que se mettre au service d'une nouvelle économie, répondre aux besoins financiers des petits exportateurs et faciliter l'apprentissage et la formation qui leur permettront de se tourner vers des marchés à l'exportation seront des éléments clés. Des produits et des services qui entrent dans le contexte de mini-prêts et la combinaison de services de counselling et de financement sont certains des éléments qui vont caractériser la BFD.

D'après ce que nous ont dit nos clients, ce qui les préoccupait au plus haut point, c'était le temps de réaction. J'ai écouté les discussions qui ont eu lieu il y a un ou deux jours, et l'un des députés a mentionné que cela prend trop de temps pour arriver à soumettre une demande à la BFD. Le ministre a fait allusion à cela. Il faut généralement avoir essuyé deux refus avant de pouvoir transiger avec la BFD. De nos jours, les contribuables demandent à être traités un peu mieux que cela, et la BFD sera capable de fournir ce service dans le cadre de son nouveau mandat.

M. Murray: Le ministre a apporté des éclaircissements sur la question de la structure des coûts en réponse à une question de M. Discepola. En ce qui concerne le coût de la diligence raisonnable pour les petits prêts dont vous avez parlé plus tôt, je me disais que les banques commerciales essaient d'avoir la clientèle des gens d'affaires pour leurs services aux particuliers afin de compenser le coût de ces petits prêts. Elles espèrent fournir plus de services bancaires aux particuliers. Je me demande si vous pouvez jouer assez avec cette marge de profit que la banque n'a pas besoin de faire pour offrir des prêts sans imposer aux emprunteurs des coûts beaucoup plus élevés. Cela a été abordé plus tôt, je sais, mais c'est un sujet de préoccupation.

M. Beaudoin: La BFD est différente, et c'est quelque chose que nous devons tous admettre. Je l'ai dit auparavant. Je n'ai rien caché à ce sujet. Lorsqu'elles traitent avec la BFD, les petites entreprises paient davantage que si elles traitaient avec une banque à charte. C'est la nature même de notre mandat d'organisme complémentaire. Nous n'offrons pas de services bancaires aux particuliers, mais nous avons d'autres moyens. Les nouveaux produits que nous avons lancés sont destinés à permettre une participation aux entreprises plutôt que le paiement d'intérêts, ou une combinaison des deux. Donc, si l'entreprise réussit, nous obtenons une part des profits. Ce que nous mettons en place, c'est en fait un partenariat avec l'entreprise.

Dans son rapport, le comité a souligné qu'au Canada les coûts étaient en général beaucoup plus favorables aux petites entreprises qu'aux États-Unis. Ce qui pose un problème au Canada, c'est que c'est noir ou blanc. Soit votre demande est acceptée, soit elle est rejetée. Ce que la BFD est capable de faire, c'est d'aider les entreprises à plus hauts risques, mais nous les faisons payer en conséquence. C'est comme cela que nous arrivons à joindre les deux bouts.

[Français]

M. Rocheleau: Avant de poser ma question, j'aimerais faire une remarque à l'intention du secrétaire parlementaire pour lui rappeler simplement que c'est le Bloc québécois qui a pondu le texte où on mentionne que le rapport fait état du fait que le Banque fédérale de développement devrait être confirmée dans son rôle de prêteur complémentaire aux petites et moyennes entreprises. On n'avait certainement pas à l'esprit l'idée de voir disparaître le rôle de dernier recours de la Banque quand on a suggéré cela au Comité, monsieur Mills.

.1655

Monsieur le ministre, à deux reprises dans le texte de la loi, aux articles 4 et 21, vous employez les mots «esprit d'entreprise». Pouvez-vous nous dire ce que vous avez en tête lorsque vous utilisez cette expression très vague, très floue, qui prête à interprétation et qui peut attirer beaucoup de critiques de notre part, ouvrant la porte à tout le procès qu'on vous a fait tantôt? Qu'est-ce que vous avez à l'esprit? Ce n'est pas exprimé dans la loi.

M. Manley: «De programmes favorables à l'esprit d'entreprise au Canada»?

M. Rocheleau: On est loin de la PME. Quand on utilise une expression aussi large que celle-là, on est loin de l'aide financière à la PME en tant que préoccupation.

M. Manley: Je pense que la meilleure approche est de commencer par les mots utilisés à l'article 4:

Les mots «esprit d'entreprise» sont d'ordre général, mais les façons d'employer les pouvoirs de la Banque sont limitées par la mission telle qu'exprimée à l'article 4 du projet de loi.

M. Rocheleau: Monsieur le président, c'est relativement précis à l'article 4, mais à l'article 21, on dit:

C'est pas mal plus large. C'est là qu'on peut vous faire des procès. De plus, vous intervenez directement auprès des organismes provinciaux. Il ne faut pas se surprendre...

M. Manley: Je suis un peu surpris. Je connais des entrepreneurs partout au Canada, même au Québec. Ils sont tous d'accord, même les Chambres de commerce, sur le rôle que le gouvernement peut jouer en encourageant l'esprit d'entreprise. Le problème de tout le monde au Canada, où qu'on soit, est d'établir un moyen de créer de la richesse. Pour ma part, je crois qu'il est primordial d'avoir l'esprit d'entreprise pour faire cela.

M. Leroux semble avoir un problème très particulier en ce qui concerne le pouvoir de conclure des accords avec les agences provinciales. Comme je le disais tantôt, le gouvernement fédéral n'a pas le pouvoir de créer des pouvoirs pour les agences provinciales. Nous pouvons sûrement donner à notre instrument de développement économique, la Banque fédérale de développement, le pouvoir de travailler avec n'importe quelle agence ou n'importe quel gouvernement, cela dans un esprit de collaboration. Je ne comprends pas pourquoi les députés du Bloc québécois voient un problème dans une agence qui peut vraiment aider à la création d'emplois pour les Québécois et Québécoises.

.1700

M. Rocheleau: Monsieur le ministre, à l'article 21, vous vous accordez le pouvoir spécial d'exiger que la Banque de développement du Canada se préoccupe de tel ou tel programme spécifique.

M. Manley: Monsieur Rocheleau, c'est un fruit de votre imagination. Il faut en discuter avec des spécialistes. Vous voyez des problèmes partout.

[Traduction]

M. McClelland: J'aimerais poser une courte question, puis, avec votre permission, je passerai la parole à mon collègue, M. Schmidt.

Ma question porte sur les instruments hybrides que pourra utiliser la banque pour constituer son capital de 1,5 milliard de dollars. Vous avez déjà dit qu'ils seraient sensibles aux taux d'intérêt. Ces instruments hybrides seront-ils la principale source de capitalisation de la banque?

M. Beaudoin: Il y aura plus d'un mécanisme. Nous espérons convaincre le gouvernement du Canada d'investir dans les actions ordinaires et les actions privilégiées de...

M. McClelland: Vous espérez donc que le gouvernement du Canada investira dans ces instruments.

M. Beaudoin: Bien sûr - pas dans les instruments hybrides, mais dans les actions ordinaires et privilégiées.

M. McClelland: Très bien. Et dans les instruments hybrides.

M. Beaudoin: Non, pas dans les instruments hybrides.

M. McClelland: Alors nous parlons uniquement des instruments hybrides. Si ces actions sont sensibles aux taux d'intérêt, pourront-elles être investies dans des REÉR?

M. Beaudoin: Nous ne nous sommes pas encore posé cette question. Nous devons examiner cette possibilité.

M. McClelland: Nous aimerions que ces instruments hybrides soient largement distribués dans la population plutôt que ce soit uniquement les banques qui les achètent. Si les entrepreneurs pouvaient être incités à acheter ces instruments, cela forcerait peut-être la BFD, ou la nouvelle banque, à rester vigilante.

Envisage-t-on d'offrir d'autres genres d'incitatifs pour que les gens achètent ces actions, comme des exonérations d'impôt ou autres avantages de ce genre, puisqu'il s'agit d'actions patientes? Je sais que c'est un peu obscur, mais si ces actions pouvaient être placées dans un REÉR et qu'on offrait en même temps des avantages semblables à ceux des obligations à coupon zéro, elles pourraient être très intéressantes pour ceux qui veulent investir dans un REÉR.

M. Beaudoin: Tout d'abord, je vous signale que les instruments hybrides ne seront probablement pas des actions; il s'agira plutôt d'une dette subordonnée. Il y aura donc des unités.

M. McClelland: Bien.

M. Beaudoin: Pour ce qui est de la question des incitatifs, ce qui rendra ces instruments intéressants, ce sera leur taux de rendement, un taux d'intérêt en proportion du risque que semble impliquer l'achat de ces instruments.

M. McClelland: Mais nous ne savons pas pour l'instant s'ils pourront être placés dans des REÉR.

M. Manley: Je suis un peu rouillé, car il y a assez longtemps que je n'ai pas exercé, mais je ne vois pas pour quelle raison ces instruments financiers canadiens ne pourraient pas être placés dans un REÉR.

Si vous voulez savoir ce que je pense maintenant, je ne serais pas en faveur d'un incitatif ou d'un encouragement spécial de quelque genre que ce soit. Pour reprendre votre expression, j'aimerais mieux forcer la banque à rester vigilante pour être sûr également qu'elle respectera les critères financiers lors de l'émission de ces instruments, afin que les gens les achètent parce qu'ils constituent un bon investissement, et non pas parce que nous les avons enjolivés.

M. Schmidt: Je suis sûr que nous pourrions en discuter longtemps, mais j'aimerais vous poser une courte question.

Le mot «complément» est utilisé à maintes reprises, et j'aimerais que vous m'en donniez la définition. Je vous ai entendu parler de taux d'intérêt plus élevés, par exemple. Que faut-il entendre exactement par «complément»? J'aimerais savoir, par exemple, ce que cela veut dire au juste dans le paragraphe 14(4), qui dit que «les prêts, investissements et garanties doivent servir de compléments à ceux qui sont offerts par les institutions financières commerciales».

Un complément, c'est ce qu'il faut ajouter pour rendre une chose complète, ou cela pourrait être un supplément. Il semble y avoir plus d'une définition; je vous demanderais donc de préciser exactement ce que complément veut dire dans ce contexte.

M. Beaudoin: Je suppose que le Larousse...

M. Schmidt: Je sais ce que dit le dictionnaire.

M. Beaudoin: ...dit: «Ce qu'il faut ajouter à une chose pour la rendre complète.»

M. Schmidt: Très bien, il y a donc une lacune?

M. Beaudoin: Le Petit Robert dit: «Ce qui s'ajoute ou doit s'ajouter à une chose pour qu'elle soit complète.» Voilà ce que l'on sous-entend lorsque l'on parle d'un complément. Il y a quelque chose d'incomplet. C'est clair.

.1705

M. Schmidt: Oui, c'est exact.

M. Beaudoin: Il s'agit donc de combler des lacunes. Il s'agit d'aider les entreprises qui ne peuvent pas trouver de financement parce qu'elles sont perçues comme étant trop risquées pour les raisons que nous avons mentionnées, soit à cause de leur taille, ou du genre d'entreprise. C'est essentiellement pour combler ces lacunes que nous offrons ces compléments.

M. Schmidt: En d'autres mots, il s'agit de prêts qui seront accordés à ces entreprises qui ne réussissent pas à obtenir de prêts ailleurs.

M. Beaudoin: Aux entreprises qui sont perçues comme étant trop risquées.

M. Schmidt: Cela veut dire que la banque sera en fait un prêteur de dernier recours, comme auparavant.

M. Beaudoin: Non, c'est différent. Je vais vous donner un exemple.

Les nouveaux instruments qui seront émis s'ajouteront aux marges de crédit offertes par les banques à charte. Il s'agit donc d'un complément. Ce n'est pas parce qu'elles...

M. Schmidt: Il s'ajoute.

M. Beaudoin: Oui.

M. Schmidt: Très bien, je comprends. C'est important, car j'estime que nous devons préciser certaines de ces choses.

M. Manley: Pour revenir à ce que disait M. Schmidt, je pense que certains emprunteurs de dernier recours trouveront dans cette institution des facilités d'emprunt dont ils ont besoin. Notre intention n'est pas de cesser de répondre à ces besoins, mais plutôt d'éliminer les processus bureaucratiques qui ont été établis afin de nous assurer qu'ils s'adresseront à la banque en dernier recours. Je pense que c'est un changement d'orientation qui sera utile.

M. Schmidt: L'autre conséquence évidente, c'est que ces compléments ne seront pas offerts uniquement aux petites entreprises. De grandes entreprises pourront également en profiter.

M. Manley: En effet.

M. Beaudoin: Ce projet de loi précise très clairement que la banque doit attacher une importance particulière aux besoins des petites et moyennes entreprises. Cette mission est semblable à celle qu'avait déjà la banque en vertu de l'ancienne loi.

M. Bélanger (Ottawa-Vanier): Monsieur le président, j'ai environ une dizaine de questions, en plus de celles qui ont déjà été posées, mais je suppose que je ne pourrai pas toutes les poser. J'essaierai d'en éliminer certaines de ma liste.

Les dirigeants de la banque seront-ils présents lors de l'étude article par article pour répondre à nos questions?

Le président: Nous essayons d'organiser des audiences pour entendre d'autres témoins qui ont demandé à comparaître. Monsieur Bélanger, je m'en remets à vous, mais nous pourrions peut-être inviter le président et ses dirigeants à revenir pour nous donner plus de détails... Certains d'entre vous m'ont envoyé des notes, et plusieurs d'entre vous ont encore des questions. Le ministre est ici en tant que principal représentant de cet organisme; je pense qu'il y a donc une possibilité. Je m'en remets à vous. Je n'ai pas encore invité de représentants de la banque comme tels.

M. Bélanger: Je vais poser quelques questions rapidement.

L'alinéa 13(5)e) du projet de loi prévoit que le conseil peut prendre des règlements administratifs concernant le placement des fonds d'une caisse de retraite. Y aura-t-il des restrictions, ou y a-t-il déjà des restrictions qui s'appliquent aux règlements administratifs afin d'éviter les conflits d'intérêts?

M. Beaudoin: Nous avons des directives claires.

M. Bélanger: J'aimerais mieux poser toutes mes questions avant que vous ne répondiez, sinon je vais manquer de temps.

Est-ce que la banque a déjà versé des dividendes? Quel est son capital-actions à l'heure actuelle?

Vous vous rappellerez peut-être que certains investissements ou prêts douteux de la banque ont causé tout un émoi il y a quelques années. Je crois que les règlements administratifs de la banque ont été modifiés afin de restreindre certains investissements. Serait-il possible de refléter ces changements dans le projet de loi? Quelles dispositions du projet de loi rehaussent la possibilité d'utiliser les connaissances comme nantissement? Comment le ratio d'endettement se compare-t-il à celui des banques privées?

Enfin, serait-il possible de limiter davantage le nombre d'administrateurs? Je n'ai pas vérifié la structure actuelle. Si cela a déjà été fait, très bien. Sinon, serait-il possible de limiter le nombre d'administrateurs?

Une voix: Qui nomme les administrateurs?

Une voix: Les actionnaires...

Le président: Je m'excuse, je n'ai pas bien saisi; est-ce que vous demandez aux témoins de répondre maintenant ou de fournir ces réponses lorsqu'ils reviendront?

M. Bélanger: Comme ils voudront.

Le président: Que préférez-vous? Monsieur Beaudoin, je me suis permis d'interrompre, mais l'attaché de recherche m'informe que vous comparaîtrez à nouveau avec vos dirigeants.

M. Beaudoin: C'est exact.

.1710

Le président: Monsieur Bélanger, si M. Manley veut répondre à certaines de ces questions...

M. Bélanger: Oui, et laisser les autres...

M. Manley: La plupart d'entre elles ne sont pas vraiment des questions politiques, sauf peut-être celles qui portent sur les prêts à certains types d'entreprises et sur les restrictions que nous pourrions inclure dans le projet de loi.

Ma première réaction est de dire que si nous essayons d'établir une liste et de définir le genre d'entreprises que nous voulons inclure et celles que nous voulons exclure, nous risquons de nous trouver dans une situation assez délicate.

Ces dernières années, dans la plupart des cas, il semble que ces questions aient été réglées surtout par des directives internes et les pratiques de la banque en matière de prêts. Nous n'avons pas eu trop de situations gênantes récemment, quoique nous ayons été obligés de fournir des explications au sujet d'un placement immobilier. Mais je pense que ces explications ont été satisfaisantes et qu'elles ont été comprises. Je ne suis pas convaincu qu'il convient d'inclure une telle disposition dans la loi, quoique ce projet de loi ait été renvoyé à votre comité avant l'étape de la deuxième lecture. Si cette suggestion mérite d'être examinée avec les représentants de la banque, je suis sûr qu'ils seront disposés à en discuter avec vous.

Le nombre d'administrateurs est la seule autre question politique soulevée par M. Bélanger, je crois. Comme vous le savez, nous avons examiné tous les conseils d'administration des organismes et sociétés d'État. L'article 5 prévoit que le conseil d'administration se composera de trois à treize administrateurs. Je pense que les administrateurs n'ont pas tous été nommés, mais nous avons essayé de faire en sorte que toutes les régions du pays soient représentées par des gens qui ont de l'expérience dans divers domaines.

Cet objectif sera difficilement réalisable s'il y a beaucoup moins que treize administrateurs. Nous pourrions peut-être y arriver avec dix ou neuf administrateurs, mais alors la représentation des provinces et des différents secteurs de l'économie serait assez limitée. Pour ma part, je pense que le nombre prévu est proportionnel à la tâche. J'aurais tendance à conserver ce nombre.

La plupart des autres questions sont plus techniques. Vous pourriez peut-être les poser soit...

Le président: D'accord.

Chers collègues, c'est la seule fois que le ministre comparaîtra pour discuter de ce projet de loi. M. Rock a comparu à quelques reprises pour certaines de ces initiatives, mais ce que nous faisons est un peu moins sujet à controverse. Mais M. Beaudoin et ses dirigeants reviendront bientôt, peut-être vers la fin de notre étude.

M. Mills voudrait poser une courte question.

M. Mills: J'aimerais profiter du fait que le ministre est là pour demander si...

Le président: Très bien. J'ai quelques questions que j'aimerais poser aux fins du compte rendu. Si le ministre veut y répondre, très bien. Sinon, les fonctionnaires sauront à quelles questions s'attendre pour la prochaine fois et pourront se préparer à y répondre.

M. McClelland: Puis-je faire la même chose et poser une question aux fins du compte rendu?

Le président: Bien sûr.

M. Mills: Monsieur le ministre, dans notre rapport nous recommandions que le nom de la banque soit remplacé par «Banque canadienne de la petite entreprise». Je remarque qu'un autre nom a été choisi. Dans quelle mesure est-ce que vous ou la banque tenez à ce nom? Est-ce quelque chose dont nous pourrons discuter lorsque nous serons rendus à l'étude article par article? Ou y a-t-il une raison pour laquelle la recommandation du comité a été...? Nous ne nous attendions pas du tout à ce changement de nom. Nous avions même reçu des indications intéressantes. Bien des gens aimaient ce nom, et je me demande si vous aviez une raison particulière de le changer.

.1715

M. Manley: Oui, il y a une ou deux raisons à cela. Tout d'abord, je dois vous dire que c'est une chose à laquelle j'ai réfléchi et que j'ai prise en considération. D'après moi, le nom «Banque de développement du Canada» représentait mieux ce que la banque essaye de faire que le nom qui était proposé, en partie parce que le nom «Banque canadienne de la petite entreprise» laissait entendre qu'il s'agissait d'une banque universelle capable de répondre à tous les besoins des petites entreprises. Lorsqu'il a été décidé, par exemple, que la banque ne serait pas une institution de dépôt, j'ai commencé à penser qu'en utilisant le nom qui était proposé on prétendait peut-être offrir davantage que nous n'avions véritablement l'intention de faire.

En outre, des réserves ont été exprimées en ce qui concerne l'utilisation de ce nom comme marque de commerce, et l'on s'est même demandé s'il serait possible de l'utiliser si l'on n'avait pas recours à une loi du Parlement. En d'autres mots, si une entité du secteur privé se présentait et voulait s'appeler la «Banque canadienne de la petite entreprise», il est peu probable qu'elle reçoive l'autorisation d'utiliser ce nom. Cela m'a donné à réfléchir.

Je vous ferai toutefois remarquer que le paragraphe 3(2) du projet de loi permet à la banque de faire usage du nom commercial que le conseil approuve; et d'ailleurs au fur et à mesure qu'elle se développe et qu'elle élargit la série de services offerts aux petites entreprises, elle peut fort bien vouloir mettre l'accent là-dessus dans le nom et la marque de commerce qu'elle pourrait utiliser.

M. Mills: Merci, monsieur le ministre.

Le président: J'ai une ou deux questions que j'aimerais faire enregistrer au compte rendu. Peut-être voudrez-vous y répondre maintenant.

Une des questions qui m'intéressent c'est celle des actions privilégiées. Les dispositions de ce projet de loi assurent que la banque est propriété de la Couronne à 100 p. 100. Il y a une référence à ce sujet dans la Loi sur la gestion des affaires publiques. Est-ce que des actions pourraient être émises au public? À ce moment-là, la banque serait-elle toujours un agent de la Couronne? Je me suis demandé quel genre de discussions a suscité la possibilité de réunir des capitaux propres ou de faire participer le public. Je remarque que vous avez choisi ce que vous appelez un instrument hybride. J'aimerais que vous me donniez une raison qui, sur le plan politique ou sur le plan technique, explique pourquoi l'on n'a pas retenu la possibilité d'émettre des actions privilégiées.

M. Manley: Il s'agit véritablement d'une raison technique, les avocats nous ayant avisés que cela soulèverait des problèmes à cause de la Loi sur la gestion des affaires publiques. Cela amène la question suivante: pourquoi parler d'actions ordinaires et privilégiées dans cette mesure législative, étant donné que le gouvernement est la seule entité qui puisse détenir l'une ou l'autre sorte d'actions? La réponse à cela, c'est que s'il était jugé acceptable de modifier la politique de façon à instaurer une propriété conjointe de cette nature - en d'autres mots, des actions ordinaires détenues par le gouvernement et des actions privilégiées détenues par des investisseurs privés - la structure du capital qui nous permettrait de profiter de cette occasion existe déjà dans le projet de loi. Il suffirait de modifier la disposition afin de permettre que ces actions soient détenues par des intérêts extérieurs.

À l'heure actuelle, ces dispositions sont dans la ligne de la politique générale qui s'applique aux sociétés de la Couronne et qui dispose que seul le gouvernement doit détenir les capitaux propres.

Le président: C'est une question qui a particulièrement retenu mon attention lorsque j'ai lu ces documents. La prochaine fois que vous comparaîtrez, tenez-vous prêts à répondre à des questions de nature juridique, car j'aimerais avoir des précisions sur ces éléments techniques.

Je crois comprendre que vous avez examiné plusieurs options. Je pense que cela intéresserait le comité d'en entendre parler et de savoir s'il s'agissait de positions absolument fermes. Ce qu'il y a de bien, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu, c'est que nous en sommes à la première lecture. Par conséquent, s'il y a des changements à apporter ou des suggestions qui sont faites, on peut fort bien les prendre en considération.

M. Manley: Les avocats seront présents.

.1720

Le président: J'ai une autre question à poser avant de conclure mes observations.

Vous dites que la Banque de développement du Canada va jouer un rôle complémentaire à celui des institutions financières privées au lieu d'être un prêteur de dernier recours. C'est une question quelque peu politique, mais si les banques du Canada en venaient à ne plus consentir aucun prêt à, disons, la région de l'Atlantique, devons-nous nous attendre à ce que la Banque de développement du Canada augmente les prêts consentis à cette région?

M. Manley: Les politiciens ne devraient pas répondre à des questions hypothétiques. Je suis surpris que l'un d'entre eux en pose une.

Le président: Eh bien, c'est que pour moi, comme pour vous d'ailleurs, monsieur le ministre, il y a autre chose dans la vie que la politique.

M. Manley: Le journalisme?

Le président: Le droit.

M. Manley: La façon dont vous posez la question la rend hypothétique, mais je pense que vous vous demandez si, dans les régions où l'accès au capital n'est pas adéquat, la BFD peut jouer un rôle pour remplir les lacunes. Et c'est essentiellement l'objectif poursuivi par la réforme du mandat. La lacune en question peut concerner une région ou un secteur donné, et il se peut que ce soit la taille de l'entreprise qui soit en question, mais c'est le genre de rôle complémentaire que nous essayons de jouer. Par conséquent, qu'il s'agisse de la région de l'Atlantique ou de l'Est de l'Ontario, je suis sûr que nous pouvons trouver un moyen de répondre aux besoins lorsque les institutions financières commerciales se montrent réticentes.

M. McClelland: J'ai une question à laquelle vous pouvez répondre si vous le souhaitez. Au paragraphe 32 (1), on trouve une définition s'appliquant aux cas de conflits d'intérêts. On devrait probablement inclure une définition de «personne intéressée», étant donné que tout ce paragraphe concerne les «personnes intéressées». Donc, qu'entendons-nous par personnes interessées?

M. Manley: C'est à l'article 31.

M. McClelland: Là ou ailleurs, peu importe.

M. Manley: La définition se trouve à l'article 31.

M. McClelland: Parfait, vous avez répondu vite. Merci.

M. Manley: Cela fera 200$, s'il vous plaît.

M. McClelland: L'autre point - et c'est ce qui me préoccupe le plus - c'est que l'on ne dit pas que la banque ne peut pas avoir de relations avec une personne intéressée. Cela devrait être précisé. Ne serait-il pas préférable, lorsqu'une personne semble être une personne intéressée ou se trouver dans une situation de conflit d'intérêts éventuel ou réel, que la banque n'ait pas la possibilité de faire des transactions commerciales avec cette personne?

M. Manley: En d'autres mots, vous interdiriez tout simplement toute relation. Il ne s'agirait plus que le demandeur signale sa qualité de personne intéressée et s'abstienne de participer à la décision.

M. McClelland: C'est cela. À quoi cela sert-il de communiquer ce genre de renseignements quand les choses sont déjà en marche? Si quelqu'un est dans une situation de conflit d'intérêts et a été reconnu comme personne intéressée, on devrait lui interdire de faire affaire avec la banque. Il ne s'agit pas dans ce cas d'un arrangement privilégié.

M. Manley: C'est une question de politique qui n'a fait l'objet d'aucune objection auparavant, mais je soupçonne que cela reprend les règles qui s'appliquent à d'autres transactions institutionnelles et qui sont utilisées dans d'autres banques ou pour délimiter les relations entre les gens dont la famille est représentée au conseil d'administration d'une société et cette société elle-même. En d'autres mots, la question tourne autour de a) la communication de renseignements et b) la non-participation au processus de prise de décisions qui porte sur la transaction en question.

M. McClelland: Mais ce dont il s'agit, c'est qu'il soit clair que l'équité est respectée. De mon point de vue - et je dis cela uniquement pour que cela soit enregistré au compte rendu - cela serait bien plus évident si le mandat de la banque ou les statuts constitutifs interdisaient des transactions privilégiées.

Le président: Chers collègues, permettez-moi d'intervenir, car nous allons avoir l'occasion de poser ces questions. De toute façon, M. Beaudoin est intervenu bien souvent. Je suis sûr que lui et ses collègues répondront à nos questions.

.1725

Monsieur Manley et monsieur Beaudoin, merci d'avoir comparu aujourd'hui.

Chers collègues, il n'y aura pas de réunion demain. Nous n'avons pas eu le temps de convoquer des témoins. La prochaine réunion aura donc probablement lieu mardi. On vous appellera.

Monsieur Beaudoin, puisque vous êtes ici, autant vous dire tout de suite que c'est jeudi prochain que nous espérons vous voir ici à nouveau avec vos collègues et que vous serez le dernier témoin.

M. Mills: Ferons-nous alors l'examen article par article?

Le président: Nous ferons l'examen article par article dans l'après-midi de jeudi.

M. Schmidt: Allons-nous commencer l'étude article par article jeudi?

Le président: Oui. Je veux donc avertir tout le monde maintenant.

Si parmi les témoins qui sont sur la liste transmise par nos collègues ou dont le nom a été cité aujourd'hui il y en a qui acceptent de comparaître, on leur demandera de venir mardi, mercredi ou jeudi matin. Nous recevrons les représentants de la BFD jeudi après-midi et nous ferons l'étude article par article après cela, ou en même temps. Peut-être recevrons-nous les représentants de la BFD le matin et ferons-nous l'étude article par article...

Chers collègues, si je vous dis tout cela, c'est parce que je tiens à vous rappeler qu'il s'agit d'un projet de loi qui a déjà franchi l'étape de la première lecture et que nous avons donc les coudées franches, mais il faut bien comprendre que nous aimerions le renvoyer à la Chambre - comme je l'ai dit à tous nos collègues - d'ici le 12 ou le 13, c'est-à-dire la semaine suivante.

Si vous souhaitez soumettre des amendements à la considération des députés du gouvernement, nous aimerions les avoir par écrit. Ce n'est pas une obligation, mais ils aimeraient les recevoir par écrit. Bien évidemment, il faudra les traduire, mais il pourrait y avoir des discussions officieuses entre le secrétaire parlementaire... il sera chargé de faire passer cette information à ses collègues pour voir si le gouvernement va favorablement accueillir vos suggestions ou non.

Je tiens à vous rappeler que cela fait partie du nouveau processus. Cela n'a pas trop mal marché dans le cas du projet de loi C-43, mais au bout du compte, c'est là la question. Il pourrait y avoir de bonnes suggestions, et je veux simplement vous encourager tous à travailler en équipe.

M. Schmidt: La seule chose qui me préoccupe, monsieur le président, c'est qu'il s'agit d'une mesure législative qui, je pense, a énormément d'importance. Je tiens à remercier le ministre et M. Beaudoin d'avoir comparu cet après-midi. Par ailleurs, je pense que précipiter les choses peut...

Le président: Non. Je suis d'accord.

M. Schmidt: Je ne veux vraiment pas que nous nous sentions pressés au point de ne pas accorder à ce projet de loi la sérieuse réflexion qu'il requiert, car nous devrions traiter ce document avec tout le respect qu'il mérite.

Le président: Je vous comprends, monsieur Schmidt, et c'est pourquoi j'essaie de vous présenter ce qui, d'après ce que je crois comprendre, est le programme du gouvernement. En d'autres mots, je dis les choses ouvertement, publiquement, de façon à ce qu'il n'y ait pas de programme caché. Je sais que certaines préoccupations ont été soulevées avant la pause, ce dont la présidence n'était pas au courant. Je veux donc que cela soit dit et enregistré.

M. Manley: Si vous le permettez, monsieur le président, la seule urgence, à mon avis, c'est d'autoriser la banque à reprendre ses prêts, car nous nous approchons très rapidement de la limite. Si la loi n'est pas adoptée avant les vacances d'été, il va falloir que nous refusions de satisfaire des clients qui devraient recevoir un prêt uniquement parce que nous avons atteint nos limites.

M. Schmidt: Je comprends cela, monsieur le président. Par contre, je pense que nous pourrions envisager certaines mesures transitoires qui s'appliqueraient de façon temporaire, car, une fois que la loi sera adoptée, elle deviendra une ligne directrice déterminante qui s'appliquera longtemps. Je comprends ce qu'exige le fait d'atteindre les limites, mais peut-être serait-il possible d'obtenir la permission de modifier ces limites sans pour autant...

Le président: Une minute. Monsieur le ministre, voulez-vous répondre à cette question?

M. Manley: Je ne sais quels sont les sujets de préoccupation de M. Schmidt. J'aimerais certainement les connaître. Je ne crois pas que cette mesure législative soit aussi inquiétante qu'il semble le croire.

Le président: Désolé de vous interrompre, monsieur le ministre. Je ne pense pas qu'il prétend que cette mesure législative est inquiétante. Il dit simplement qu'il peut y avoir un autre mécanisme pour repousser les limites ou pour faire la transition. Vous voudriez peut-être répondre maintenant.

M. Mills: Qu'y a-t-il précisément dans cette mesure législative qui vous pousse à en retarder l'application?

M. Manley: Pour répondre à votre question, il n'y a pas d'autre moyen. Il faut modifier la loi afin de pouvoir reprendre les prêts.

Le président: Très bien. C'est ce que je voulais faire enregistrer au compte rendu. C'est la réponse.

.1730

M. Manley: On modifie la loi en adoptant un projet de loi.

M. Schmidt: Ce n'est pas tout simplement une question de modifier une loi. Ce projet de loi crée une toute nouvelle loi, parce qu'il remplace la loi actuelle. Il ne modifie pas une loi existante.

M. Manley: La loi vise à maintenir la banque. Elle change son nom et son mandat. Elle lui confère quelques pouvoirs supplémentaires. L'année dernière, ce comité a parlé beaucoup de ces dispositions.

Si vous entendez les témoins dont vous avez besoin et si vous étudiez le projet de loi comme vous le voulez, je serai ravi d'entendre vos observations et vos suggestions, en tant que membre du gouvernement, mais il faudrait respecter les paramètres nécessaires pour faire adopter ce projet de loi par la Chambre dans le délai nécessaire.

M. Schmidt: Je voudrais assurer au ministre que notre objectif n'est pas de mettre des bâtons dans les roues ou de vous empêcher d'atteindre votre objectif. De même, notre tâche devient plus difficile quand on nous oblige à expédier quelque chose. Dans une telle situation, nous risquons de ne pas prendre une bonne décision, la décision que mérite une question aussi importante que celle-ci.

Le président: Monsieur Discepola, je vous donne la parole pour faire une dernière remarque.

M. Discepola: Même si la Chambre nous a renvoyé ce projet de loi avant la deuxième lecture, cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas proposer des amendements...

Le président: Non. Vous avez parfaitement raison.

M. Discepola: Alors, vous aurez encore les deux occasions.

Le président: Merci. La séance est levée.

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