Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 7 juin 1995

.1534

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte.

À l'ordre du jour, l'étude du projet de loi C-91, Loi visant à maintenir la Banque fédérale de développement sous la dénomination de Banque de développement du Canada.

Je souhaite la bienvenue aujourd'hui au président de la Banque fédérale de développement, François Beaudoin, et à Don Layne, vice-président principal, Affaires générales.

.1535

Messieurs, soyez les bienvenus.

Chers collègues, je vous rappelle que j'ai pris la décision d'inviter les représentants de la BFD afin de faciliter l'étude article par article du projet de loi la semaine prochaine. Nous ne procéderons pas aujourd'hui à l'étude «officielle» article par article, mais presque, étant donné que M. Beaudoin va nous livrer un bref exposé. Nous allons aborder les questions qui vous intéressent et faire beaucoup de déblayage avant l'étude article par article. Voilà l'avantage de pouvoir étudier le projet de loi à cette étape: nous pouvons le faire de façon plus décontractée.

On m'informe que l'Association des banquiers du Canada, qui devait comparaître, ne le fera pas pour des raisons liées au calendrier. Par conséquent, l'Association transmettra ses commentaires par écrit à notre attachée de recherche. Si nous les recevons à temps, nous en saisirons les représentants de la BFD la semaine prochaine.

Y a-t-il des questions de procédure? D'après ce que j'ai compris, nous allons nous réunir mardi prochain pour l'étude article par article. Ensuite, notre attachée de recherche préparera un rapport à la Chambre pour jeudi.

Est-ce exact?

Le greffier du Comité: Oui.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Cela veut dire qu'aucun témoin ne comparaîtra devant le comité, si ce n'est par le truchement d'une lettre.

Le président: C'est exact.

M. Schmidt: Et nous allons discuter de cette lettre ici?

Le président: La lettre sera transmise aux membres du comité. Elle vous sera disponible si nous la recevons avant l'étude article par article.

Je suppose que vous allez être ici au moment de l'étude article par article, de sorte que nous allons aborder la question deux fois. L'étude article par article aura lieu officiellement la semaine prochaine mais, aujourd'hui, notre réunion peut être assimilée à cette étude. Nous voudrons peut-être utiliser les renseignements obtenus pour poser des questions à l'étape de l'étude article par article.

Évidemment, nous aimerions avoir dès mardi tout amendement ou tout changement proposé par un député. Vous travaillerez avec l'attachée de recherche.

N'y a-t-il pas un conseiller législatif pour la rédaction des amendements?

Le greffier: Non, mais le Bureau est là pour ça.

Le président: Le Bureau des conseillers législatifs est à la disposition des députés qui souhaitent se faire aider dans la rédaction d'amendements au projet de loi qui leur semblent constructifs ou pertinents.

M. Schmidt: Il semble qu'il y ait un arriéré et que les conseillers législatifs fassent leur travail dans un certain ordre, ce qui veut dire que, compte tenu de l'expérience à ce jour, ils n'auraient pas le temps d'aborder ce sujet avant mardi prochain. A-t-on pris les dispositions voulues pour sauter la queue d'une façon ou d'une autre et avoir ainsi accès aux services du conseiller législatif?

Le président: Excellente question.

Le greffier a-t-il la réponse?

Le greffier: Non. Je vais vérifier.

M. Schmidt: C'est plutôt critique.

Le président: Oui.

Le greffier pourrait peut-être vérifier dès maintenant. Le Bureau du leader parlementaire m'avise que ce projet de loi figure en priorité...

M. Schmidt: Alors, il faudrait certainement nous occuper des autres.

Le président: ...que des discussions ont eu lieu avec les autres partis, et qu'il est convenu que ce projet de loi est...

Monsieur Mills, est-ce exact?

M. Mills (Broadview - Greenwood): Oui. Nous devons faire avancer ce projet de loi sans tarder, sinon la banque devra fermer ses portes.

Le président: Un instant. Je crois que M. Schmidt est d'accord, mais s'il a des amendements, il lui faut quelqu'un pour l'aider. Nous devons donc veiller à ce que...

M. Schmidt: Oui. Voilà. Il va probablement falloir sauter la queue, puisque...

Le président: Alors, nous la sauterons.

[Français]

M. Rocheleau (Trois-Rivières): Il faut comprendre, monsieur le président, qu'il n'y aura pas de témoins des banques traditionnelles, par exemple. Les gens ne viendront pas témoigner parce que...

[Traduction]

Le président: Non. Tous les témoins possibles ont été joints par notre greffier. Le greffier ou l'attachée de recherche ont eu des rapports avec un certain nombre de témoins, y compris certains témoins potentiels proposés par le Parti réformiste la semaine dernière. Tous ont refusé. La seule manifestation d'intérêt nous est venue de l'Association des banquiers du Canada, qui n'est cependant pas en mesure de comparaître aux dates ou aux heures que nous avons proposées.

.1540

[Français]

M. Rocheleau: Est-ce qu'il faut comprendre qu'on n'aura pas la réaction de ces gens-là face au projet de loi avant l'étude article par article?

[Traduction]

Le président: Il faut reconnaître, monsieur Rocheleau, que s'ils ne font aucun commentaire, on peut supposer qu'ils n'ont rien d'important à contribuer. Qui ne dit mot consent, dois-je conclure, comme disent les juristes.

[Français]

M. Rocheleau: Oui.

[Traduction]

Le président: Les intéressés ont été encouragés, et même invités à faire connaître leur point de vue au sujet des changements proposés. Or, aucun d'entre eux n'a eu de propositions à formuler, si ce n'est l'Association des banquiers du Canada.

À l'occasion d'une conversation que j'ai eue avec M. McInnes, le président, l'ABC nous a fait savoir qu'une lettre nous parviendrait. Nous devrions la recevoir au cours des prochains jours. Cette lettre contiendrait les conseils et les recommandations de l'ABC concernant certains changements proposés pour la banque.

Les représentants de l'ABC ont rencontré notre attachée de recherche et lui ont donné une idée des aspects qui les intéressaient. Elle pourra peut-être nous aider à formuler des questions aux représentants de la banque, soit aujourd'hui, soit la semaine prochaine au moment de l'étude article par article.

[Français]

M. Rocheleau: D'accord.

[Traduction]

M. Mitchell (Parry Sound - Muskoka): Je m'excuse de mon retard, monsieur le président. J'ai peut-être manqué quelque chose, mais êtes-vous en train de dire que l'ABC ne comparaîtra pas?

Le président: C'est bien cela.

M. Mitchell: Pourtant, l'ABC offre des recommandations et des propositions. Je n'aime pas cela. Si l'ABC souhaite offrir des recommandations et des propositions, j'estime qu'elle doit le faire publiquement, devant le comité, et non pas derrière des portes closes, en rencontrant l'attachée de recherche.

Le président: Cela ne se passe pas derrière des portes closes, monsieur Mitchell. La lettre de l'ABC sera un document public. C'est comme si un rapport était déposé. Le document sera public puisqu'il aura été présenté très ouvertement à notre comité.

M. Mitchell: Je croyais vous avoir entendu dire qu'ils rencontraient le personnel de recherche.

Le président: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit qu'ils ont eu une discussion préliminaire avec l'attachée de recherche. J'ai parlé à certains représentants de l'ABC et j'ai donc pu me faire une idée de ce qui intéressait l'Association. Cependant, comme vous vous en doutez bien, il s'agit d'une organisation qui compte de nombreux membres et elle doit notamment obtenir des renseignements auprès de ses membres de Toronto.

M. Thomas m'a dit que les représentants de l'Association lui avaient donné une certaine idée des questions qui les intéressaient, mais nous n'avons rien de concret. Je n'ai rien d'autre à proposer que ce que je sais. Et c'est de cela que je vous informe.

M. Mitchell: D'accord, dans la mesure où les recommandations et propositions sont formulées publiquement, que ce soit sous forme de lettre ou de témoignage.

Le président: C'est bien ce que je vous ai dit.

M. Mitchell: D'accord.

Mme Bethel (Edmonton-Est): Je me demande s'il n'y aurait pas lieu de poser des questions pour obtenir des précisions. Il se peut que nous souhaitions les rencontrer. Viendraient-ils s'ils étaient invités?

Le président: Ils l'ont été, pour deux semaines distinctes.

Mme Bethel: D'habitude, ils comparaissent et nous les interrogeons pour obtenir des précisions.

Le président: Leur calendrier ne concorde pas avec celui que nous a imposé le ministre par rapport aux diverses étapes en Chambre du projet de loi. Je ne puis que leur demander de participer.

Ils sont en mesure de fournir des propositions qui, d'après eux, pourront améliorer la qualité du projet de loi ou le modifier.

Puis-je proposer, madame Bethel, que les députés intéressés rencontrent l'ABC en privé, s'ils le souhaitent, pour être mis au courant de leur point de vue?

Mme Bethel: Nous avons toujours eu cette possibilité.

Le président: La possibilité vous est offerte. Il se peut que certains membres du comité souhaitent le faire et posent alors aux représentants de la BFD toutes les questions qui intéressent l'ABC.

Puisque nous n'avons pas de témoins, je suppose que tous les intéressés sont essentiellement satisfaits du projet de loi. C'est la seule hypothèse que je suis en mesure de formuler.

M. Schmidt: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Si l'ABC a un problème de calendrier et que notre comité ait manifesté toute la souplesse possible pour ce qui est d'entendre des témoins dans la mesure du possible, il me semble que vous avez tort de laisser entendre que cette organisation est d'accord sur toute la ligne, du simple fait que son calendrier ne concorde pas avec le nôtre. Je tiens à dire que je n'accepte pas votre commentaire.

Le président: Non, monsieur Schmidt, en toute justice à mon égard, je crois que vous déformez mes propos. Je parlais de tous les intéressés, sauf l'ABC. L'ABC a bien fait savoir que certains aspects l'intéressaient. Cependant, je ne suis pas en mesure de faire quoi que ce soit au sujet du calendrier.

.1545

M. McClelland (Edmonton-Sud-Ouest): Je tiens à dire clairement que le fait que l'ABC n'est pas en mesure de trouver le temps voulu pour comparaître constitue une dérobade de sa part. L'association ne souhaite tout simplement pas répondre à des questions. Je tiens à ce que ce soit inscrit au procès-verbal puisque, si j'étais en affaires, et si je voyais se profiler à l'horizon une entité qui risquerait de devenir un concurrent important - bien que son rôle puisse être complémentaire et non pas concurrentiel - je voudrais tout au moins avoir l'occasion de faire porter quelques commentaires au procès-verbal.

Le président: Chers collègues, il s'agit, me semble-t-il, d'une tempête dans un verre d'eau. Les gens de l'ABC n'ont jamais eu peur de dire ce qu'ils pensaient, à ma connaissance.

M. Mills: D'après ce que je sais, l'ABC est présente sur la Colline parlementaire à peu près en tout temps, dans le bureau d'un député. Je crois que son équipe de lobbyistes est la meilleure du pays. Je n'arrive donc pas à comprendre pourquoi l'ABC n'a pas su trouver quelqu'un qui pourrait comparaître une heure devant le comité. Je suis d'accord avec le Parti réformiste à ce sujet. C'est une farce, d'après moi.

Le président: J'en prends bonne note. Monsieur Beaudoin.

M. François Beaudoin (président et chef de la direction, Banque fédérale de développement): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier encore une fois le comité de nous avoir invités à comparaÎtre aujourd'hui.

[Français]

Je remercie les membres du Comité de nous offrir, encore une fois, l'occasion de comparaître devant eux aujourd'hui.

[Traduction]

En tout premier lieu, monsieur le président, permettez-moi de déposer, au nom du ministre de l'Industrie, une série de réponses à des questions qui ont été soulevées la semaine dernière par divers membres du comité mais que nous n'avions pas eu l'occasion de traiter à fond à cause du manque de temps ou de leur nature très particulière. J'espère que les membres du comité trouveront ces réponses utiles et informatives.

Le ministre responsable de la Banque, l'honorable John Manley, a déjà traité la semaine dernière de certains aspects politiques du projet de loi C-91. Il a souligné l'importance du projet, qui vise à soutenir la petite et moyenne entreprise au Canada.

[Français]

Pour ma part, j'ai aussi eu l'occasion la semaine dernière, lors de la comparution du ministre, d'aborder quelques-unes des questions techniques et des conséquences opérationnelles de ce projet de loi sur la Banque de développement du Canada.

Aujourd'hui, mon collègue Don Layne, qui est vice-président principal, Affaires générales, et moi-même sommes à votre disposition pour compléter l'examen technique des sujets qui vous intéressent dans ce projet de loi, plus spécialement quant à leurs répercussions opérationnelles.

[Traduction]

Je suis accompagné aujourd'hui du vice-président de la Banque pour les affaires générales, Don Layne, et nous venons poursuivre l'examen du projet de loi, en discuter avec vous et répondre à vos questions et commentaires au sujet des aspects opérationnels et techniques.

Comme je l'ai dit la semaine dernière, nous estimons, à la banque, que si le projet de loi est adopté par la Chambre des communes et par le Sénat, il nous donnera la structure législative moderne qui nous permettra de répondre aux besoins des entreprises de la nouvelle économie et des entreprises axées sur la connaissance.

De plus, la mesure nous permettra de nous intéresser davantage aux plus petits prêts tout en continuant à améliorer nos services à la clientèle traditionnelle des PME dans les domaines du financement et de la gestion.

[Français]

La démonstration de la contribution du secteur de la petite entreprise à l'économie du pays n'est plus à faire. Je puis vous assurer, mesdames et messieurs et membres du Comité, que le personnel de la Banque est prêt à relever avec enthousiasme les défis que pose la mise en place d'une structure législative modernisée pour mieux servir les besoins de la PME et des entrepreneurs canadiens.

Sans plus de préambule, mon collègue et moi-même sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions et entendre vos commentaires. Merci.

[Traduction]

Le président: Merci, monsieur Beaudoin.

Chers collègues, je tiens à vous rappeler une fois de plus qu'il s'agira d'une discussion à bâtons rompus, étant donné que nous n'avons pas de témoins. Je vous prie de travailler avec sérieux et de vous en tenir au projet de loi.

Bien que le comité soit maître de son temps et de son programme, je m'efforce en tant que président de faire en sorte que les membres du comité se penchent essentiellement sur le projet de loi à l'étude et sur les modifications qui y sont proposées. Je vous prie donc de faire des commentaires pertinents, dans la mesure du possible. Je n'ai pas l'intention de déclarer vos interventions irrecevables. En effet, c'est votre comité et vous en êtes les maîtres.

[Français]

M. Rocheleau: Ma première question va porter sur le raisonnement qui fait que la Banque change sa vocation.

.1550

Cela semble être une décision carrément politique, téléguidée par le bureau du ministre ou du premier ministre. Vous étiez une banque bien perçue dans son milieu, une banque de dernier recours qui jouait un rôle précis face aux intervenants traditionnels, et on change ça complètement pour se donner maintenant une philosophie qui tourne autour de l'esprit d'entreprise. S'il est un terme vague, c'est bien celui-là. Donc, quel est le «rationnel», comme on dit, qui est derrière cela? Pour ma part, je refuse qu'on invoque les travaux du Comité.

Le Comité n'a pas recommandé, ni lors de vos témoignages, ni au plan des débats qu'on a eus ici, que la Banque fédérale de développement cesse d'être une banque de dernier recours. Je regrette, mais j'ai été présent à toutes les réunions, sauf exception, et il n'a jamais été question de cela. On arrive avec le mot «complémentaire», alors que ce mot, tel qu'utilisé à l'époque et mis sur la table par l'entremise de l'Opposition officielle, soit le Bloc Québécois, visait à reconnaître tout simplement le fait que la Banque en était une de dernier recours.

Donc, j'aimerais qu'on me précise la raison pour laquelle on change de façon aussi fondamentale la mission de la banque.

M. Beaudoin: Il y a un an, lors de ma première comparution au Comité, on avait eu l'occasion de discuter de cette question-là, de cette connotation de «dernier recours». Si vous vous souvenez bien, je parlais du fait que cette connotation de dernier recours, pour les entrepreneurs, les clients de la banque... Vous connaissez, monsieur Rocheleau, l'importance du Québec au sein du portefeuille de la banque. Il y a un tiers des actifs de la Banque qui sont, en ce moment, au Québec.

Pour les entrepreneurs, le terme «banque de dernier recours» avait la connotation d'une banque pour les perdants, ceux qui sont à la veille de mourir. C'était la banque pour eux. Mais dans les faits, on appuie de plus en plus des entreprises de la nouvelle technologie, de la nouvelle économie. Elles n'ont peut-être pas de garanties collatérales à offrir pour supporter leurs frais, mais ce sont souvent des leaders dans leurs domaines respectifs.

On a appuyé des entreprises au cours des années, au Québec. Je veux parler de noms qu'on connaît, d'entreprises qui sont aujourd'hui très importantes. Je pense, par exemple, aux industries Lassonde qu'on a appuyées au cours des années et qui sont aujourd'hui une entreprise très importante.

Je vais vous donner des exemples d'appui dans d'autres secteurs. Je vais vous nommer une entreprise qui, finalement, affiche son affiliation avec la Banque fédérale. C'est le Mont Saint-Sauveur, dans le domaine touristique, qui a besoin de soutien, parce que c'est un domaine qui subit des variations saisonnières.

Coller à ces entreprises l'expression «dernier recours» ou «banque pour les gens qui sont à la veille de mourir» ne correspondait plus à la réalité. On avait cette réaction-là de la part de notre clientèle.

De plus, la connotation «dernier recours» et le processus de dernier recours auquel on soumettait nos entreprises faisaient en sorte qu'elles venaient chez nous pour être refusées. Quelqu'un venait chez nous pour faire affaire avec nous, et nous devions dire: On ne peut pas traiter votre dossier, car vous n'avez pas été refusé par deux institutions financières.

Aujourd'hui, dans le contexte moderne, que signifie faire passer une PME à travers ce processus de refus? Ça veut dire non seulement du temps, mais aussi de l'argent, parce qu'il faut aller voir une première entreprise, une banque à charte dans la plupart des cas, et dire: J'ai ce projet-là et j'aurais besoin de financement. Ça veut dire également qu'il y a des frais d'évaluation du dossier; ça veut dire qu'il y a des analyses, des évaluations; ça veut dire qu'il faut du temps pour regarder cela. Disons que ça ne fonctionne pas avec la première institution financière. Il faut alors que l'entreprise subisse un deuxième refus pour confirmer que nous jouons notre rôle de dernier recours et là, on recommence tout le processus.

Aujourd'hui, dans le contexte moderne, l'entreprise qui passe à travers ce processus risque de faire faillite deux fois et d'encourir beaucoup de frais.

.1555

C'est pour cela qu'on disait - je le disais déjà au mois de mai - qu'on voulait dépasser cette connotation de «dernier recours». Avouer qu'on faisait affaire avec la Banque fédérale de développement, c'était quasiment une note de crédit négative. On voulait passer à la notion de «complémentarité», dans la mesure où on dit que la Banque ne doit pas faire concurrence au secteur privé.

Jouer un rôle complémentaire ne veut pas dire concurrencer le secteur privé. D'ailleurs, avec 3 milliards de dollars d'actif par rapport aux 750 milliards de dollars d'actif des banques à charte, je ne vois pas comment on pourrait prétendre concurrencer le secteur privé.

De plus, on a besoin, au Canada, d'une entreprise de marché du secteur privé pour faire fonctionner l'économie. C'est une valeur à laquelle on souscrit à la Banque fédérale.

On a besoin de donner un service. Les PME du Canada et du Québec ont besoin d'avoir accès à un service de premier ordre quand elles font affaire avec la Banque. Lorsqu'elles vont venir nous voir, vu la notion de complémentarité, on va accepter tout de suite leur demande. On ne leur dira pas: Allez vous faire refuser à deux endroits avant de faire affaire avec nous.

Cependant, une fois qu'on aura reçu la demande, on va se charger d'aviser la banque à charte que cette entreprise veut obtenir du financement parce qu'elle a un projet. On va dire à la banque à charte: Voici une entreprise qui veut du financement. Si vous êtes intéressés, prenez-la. Mais on ne retardera pas le processus pour aider cette entreprise-là.

C'est ce que les PME canadiennes et québécoises nous disent sur nos modes d'opération. Je pense que c'est un député du Bloc québécois - j'écoutais les débats lors de la première lecture - qui disait à juste titre: Il faut que la Banque de développement du Canada améliore son service. L'amélioration du service, c'est une valeur à laquelle la Banque souscrit. C'est pour cela qu'il est essentiel de passer de cette connotation de dernier recours à une connotation de complémentarité, qui n'implique pas la concurrence, mais plutôt un service à la clientèle, un service aux entreprises qui génèrent les emplois dont on a besoin au Canada.

M. Rocheleau: En matière de garanties face aux PME, je sens que, dans le discours, la préoccupation de développement économique par le biais des PME disparaît graduellement sans qu'on en fasse état officiellement. Il s'agit de lire l'article 4 sur la mission:

À l'article 21, on ne parle plus des PME. On dit:

Quelles garanties avons-nous, dans un contexte semblable, que 51 p. 100 de vos prêts qui sont accordés aux PME le sont en fonction de montants de 100 000$ ou moins, donc à la très petite entreprise, et c'est là votre vocation initiale de banque de dernier recours, quelles garanties avons-nous que ces activités-là vont être maintenues pour le vrai développement économique de la petite entreprise auquel les grandes banques ne sont pas intéressées, comme tout le monde le sait, parce que ça coûte trop cher?

M. Beaudoin: Ce que vous avez décrit dans les grandes lignes, c'est le soutien à la PME qui ne change pas. Quand on regarde l'ancien texte de loi par rapport au nouveau, on voit que l'accent est toujours mis sur les petites et moyennes entreprises.

Dans les orientations qui vont découler de l'adoption du projet de loi, la Banque a clairement indiqué qu'elle devait continuer à appuyer de façon exemplaire le secteur des prêts de moins de 100 000$. La Banque a testé, et j'en parlais la semaine dernière, des concepts comme celui du microprêt, c'est-à-dire un prêt de moins de 25 000$. Vous voyez déjà notre orientation.

.1600

On est à l'étape pilote, à travers le Canada, pour tester des marchés qui vont nous permettre de servir ces entreprises avec des sommes de moins de 25 000$, en utilisant les particularités de la Banque de développement du Canada, c'est-à-dire offrir autant du financement que des services de consultation et de formation. C'est le fait que nous mettions ensemble ces deux forces, ce qui est unique au monde, qui nous porte à croire que nous réussirons à appuyer de façon efficace la petite entreprise et à le faire de façon que nous puissions, nous aussi, atteindre notre objectif de recouvrement des coûts. On ne veut pas que la Banque devienne un fardeau fiscal. Cela a été indiqué dans les orientations que la Banque doit poursuivre. On pense pouvoir servir les plus petits segments en agençant consultation, formation et financement.

Quelle garantie avez-vous? C'est dans la loi, comme ce l'était précédemment. Vous verrez chaque année notre plan corporatif qui va préciser le genre d'implications que nous allons avoir. Il y a les vérifications annuelles qui sont effectuées par nos vérificateurs. Il y a l'examen spécial qui est prescrit par la Loi sur l'administration publique, qui, avec les rapports du vérificateur général et des vérificateurs externes, va vous donner l'assurance que la mission de la Banque, telle que prescrite dans la loi, est vraiment remplie.

Vous recevez chaque année notre rapport annuel. Lorsque je regarde la ventilation, je vois qu'on a une longueur d'avance sur plusieurs institutions financières quant aux détails donnés au sujet des prêts par catégories et par montants. Vous aurez toute l'information et vous verrez s'il y a une détérioration à ce niveau-là. Notre objectif avec les nouveaux produits tels que le microprêt, c'est d'aller plus loin qu'en ce moment.

M. Rocheleau: Ma dernière question portera sur l'article 20, où on prévoit que la Banque pourra transiger directement avec des organismes provinciaux. Vous savez combien nous sommes chatouilleux et frileux là-dessus, messieurs les présidents.

J'aimerais savoir quel respect vous avez envers toute la structure québécoise de développement et possiblement toute autre structure provinciale qui peut exister. J'imagine qu'en Ontario aussi, on a des prétentions dans ce sens-là et même des préoccupations.

Vous savez combien on est chatouilleux au Québec. Est-ce que vous évacuez, dans votre esprit, le gouvernement du Québec? Est-ce que vous êtes en faveur du développement, reconnaissant que le gouvernement du Québec est le promoteur du développement régional?

Vous me disiez tantôt, et le ministre en a fait état récemment, qu'il y a maintenant signature d'une entente entre le BFDR(Q) et la Banque de développement du Canada. Où situez-vous le gouvernement du Québec? On sait qu'avec cela, la Banque aura le bras long sur le plan financier. Elle aura une puissance qu'elle n'avait pas auparavant, qu'elle avait complètement perdue sur le plan financier. On sait qu'elle n'avait plus de budget et qu'elle était devenue une coquille vide. Avec l'appui financier de la Banque, désormais, on peut prévoir combien de place prendra possiblement le BFDR(Q). Donc, quel cas faites-vous du gouvernement du Québec en matière de développement régional?

M. Beaudoin: Je suis content que vous me posiez cette question-là parce qu'on en a parlé beaucoup à la Chambre. À certains moments, j'aurais voulu faire des commentaires à mesure que ça sortait, parce que les intentions de la Banque dans ce domaine-là sont très simples.

Premièrement, il s'agit de refléter ce qu'on fait depuis 50 ans, c'est-à-dire travailler avec les partenaires provinciaux, municipaux ou de quelqu'autre niveau que ce soit, à travers le Canada. Cependant, dans la loi précédente, cette capacité de transiger avec des entités provinciales n'était pas précisée. Donc, les avocats disaient souvent: «Votre mission est d'appuyer la PME. Est-ce que vous pouvez conclure des ententes avec d'autres organismes fédéraux ou d'autres organismes provinciaux?» C'était flou.

.1605

Aujourd'hui, comme c'était le cas depuis 50 ans, on a besoin de travailler en partenariat. L'accès au capital, comme votre Comité l'a souligné dans son rapport, est déficient au niveau de la PME. Il s'agit de travailler en partenariat à tous les niveaux, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial.

De plus en plus, pour appuyer une PME et pour éviter la duplication dans nos services, nous devons mettre sur pied, quand on appuie une entreprise, un apport du Fonds de solidarité. Vous avez parlé du Fonds de solidarité.

La Banque travaille de façon étroite avec le Fonds de solidarité dans plusieurs dossiers, mais ce dernier est intéressé à un type de financement. La Banque joue un rôle complémentaire: elle vient compléter le financement. À certains moments, le Fonds s'occupera de l'actif; nous, nous prendrons une portion du financement à plus long terme. Donc, il est important de préciser dans notre loi qu'on est encouragés à travailler en partenariat.

Il n'y a rien dans notre loi qui va faire déroger les agences provinciales à l'obligation qu'elles ont d'aller vérifier auprès du gouvernement provincial si elles peuvent transiger avec nous. Ça va demeurer. C'est de juridiction provinciale et ça va le demeurer. L'agence provinciale va devoir s'assurer qu'elle peut transiger avec nous. On le fait. Il y a de multiples programmes.

Je regarde les programmes de soutien aux exportateurs. Je pense à la formation qu'on donne aux exportateurs par notre Programme pour les nouveaux exportateurs. On travaille avec le ministère de l'Industrie du Québec qui, finalement, nous donne les marchés cibles qui apportent des contributions financières à ce programme, aux entrepreneurs. La Banque travaille à former ces gens et va les amener à certains moments dans des marchés étrangers, mais avec le concours de partenaires fédéraux et provinciaux, parce que les ressources sont limitées aujourd'hui.

Si on ne s'associe pas pour mettre ensemble ces ressources, on va risquer de manquer le bateau au niveau du soutien qu'on doit donner à nos PME. C'est tout ça qui est derrière cet article 20, qui fait couler beaucoup d'encre, mais qui est finalement une disposition opérationnelle qui ne modifie pas du tout la façon de fonctionner de la Banque, qui a été de travailler en partenariat.

M. Rocheleau: Merci, monsieur Beaudoin.

[Traduction]

Le président: Si les collègues sont d'accord, la parole peut aussi bien rester avec l'Opposition.

Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Je vous remercie de comparaître une deuxième fois et de nous avoir envoyé quelques-uns de vos fonctionnaires hier pour des consultations officieuses.

J'ai la même question que j'avais au début, qui porte sur la définition du mot «complementary». Mon collègue du Bloc québécois a posé cette question, lui aussi, mais je ne suis pas tout à fait satisfait de la réponse que vous avez donnée.

D'une part, vous ne voulez pas être la banque de dernier recours, d'autre part, il me semble que vos clients auront un taux d'intérêt supérieur. Si vous êtes une banque de premier recours, si les gens viennent vous voir en premier, comment évitez-vous de devenir une banque de dernier recours étant donné que vous demandez un point de pourcentage de plus? Les gens se présenteront automatiquement à une autre institution financière en premier.

M. Beaudoin: C'est un élément de base. Essentiellement, la banque doit exiger un taux d'intérêt supérieur pour ses prêts afin de respecter son objectif de recouvrement des coûts. Mais quand une petite entreprise vient nous voir pour chercher du financement, nous allons accepter la demande; ensuite, nous informerons la banque à charte que nous avons reçu cette demande et que nous l'examinons, mais nous dirons à la banque: «Si cela vous intéresse, on vous donne ce client». Cette démarche sera avantageuse pour l'entreprise en question, car si elle fait affaire avec une banque à charte, il est très probable qu'elle aura un taux d'intérêt inférieur au nôtre.

Nous ne voulons pas obliger les petites entreprises à faire des demandes auprès des institutions financières pour être refusées et ensuite nous revenir en disant: «On m'a refusé. Je ne suis plus en affaire, et vous devez me fournir une réponse dans quelques jours». Cette façon de faire était longue, et elle donnait l'impression que notre banque était pour les perdants, et les petites entreprises ne sont pas des perdantes.

Les petites entreprises sont essentielles à l'avenir du pays, parce qu'elles créent des emplois. Voilà ce que veut vraiment dire «complémentaire».

.1610

M. Schmidt: C'est une question de processus. C'est la façon de faire et non la définition qui est en cause. Il me semble que d'après cette définition, on ajoute quelque chose à quelqu'un, or ce n'est pas ce qui se produira. Il me semble que ce que vous êtes, de par vos activités, c'est une banque de dernier recours; que vous le vouliez ou non, voilà ce que vous êtes.

Par ailleurs, si vous voulez vous lancer dans le recouvrement des coûts, ce qui est clairement le cas, il vous faudra tout d'abord emprunter de l'argent sur le marché, à un taux d'intérêt préférentiel dans la plupart des cas, si vous voulez faire des affaires. N'êtez-vous pas alors en situation de concurrence directe pour l'obtention des plus gros clients, au risque de réduire au minimum... En effet, vous pourriez être en conflit direct avec certaines banques à charte ou d'autres institutions financières.

M. Beaudoin: Il n'est pas prouvé que les prêts les plus importants soient moins risqués pour les banques à charte. Si l'on considère la participation...

M. Schmidt: Mais c'est ainsi qu'on interprète les choses.

M. Beaudoin: Non, pas à la BFD. Nous avons prouvé que nous pouvons servir les petites entreprises en recouvrant nos coûts. Je ne suis pas convaincu, même si nous avions le mandat de servir de grandes entreprises immobilières, que quelqu'un d'autre... En fait, pour nous, il n'est pas prouvé que les prêts plus importants soient nécessairement moins risqués.

M. Schmidt: C'est peut-être un faux-fuyant, mais si vous vous tournez vers les clients que préfèrent les banques, qu'ils soient grands ou petits, ceux que tout le monde veut pour soi, il y aura de la concurrence.

Au sujet de l'aspect complémentaire, je pense que vous aurez bien des problèmes si vous ne dites pas clairement de quoi il retourne. Je ne pense pas que vous l'ayez fait. Vous vous y êtes efforcés, je le reconnais, mais les résultats ne sont pas satisfaisants.

M. Don Layne (vice-président principal, Affaires générales, Banque fédérale de développement): Comme vous le savez, les banques à charte font surtout du financement à court terme; or, depuis 50 ans, la BFD et la BID s'occupent plutôt de financement à long terme. Voilà essentiellement la relation complémentaire.

M. Schmidt: Pourquoi ne pas le dire dans la définition, alors?

M. Layne: Je pense que le terme «complémentaire» est défini. En termes juridiques, il est bien connu que faute de jurisprudence, on se tourne vers le dictionnaire. On l'a déjà expliqué. On peut ajouter une définition dans la loi, on y retrouverait essentiellement...

M. Mills: Il y a une différence importante.

M. Layne: Oui, il y a une disposition relative à la complémentarité dans cette loi. Elle ne se trouve pas dans la Loi sur le crédit agricole ni dans la Loi sur l'expansion des exportations. Évidemment, notre présence sur le marché ne sera pas aussi marquée que celle du crédit agricole et de la SEE. En fait, les petites entreprises seront un peu désavantagées lorsqu'elles s'adresseront à la BFD par rapport à l'agriculteur ou à l'exportateur qui fera affaire avec la SCA et la SEE.

M. Schmidt: Vous avez répondu à la deuxième question que je voulais vous poser.

M. Layne: Oui, l'agriculteur et l'exportateur ont un meilleur accès au financement que le propriétaire d'une petite entreprise, même avec cette disposition relative à la complémentarité. Il est clair que la banque livrera maintenant concurrence, sans quoi, cet article n'aurait pas été intégré à la loi. On l'aurait enlevé, comme on l'a fait pour la SCA et la SEE. La réalité veut que les clients du secteur privé préféreront faire affaire avec le secteur privé si les conditions y sont favorables. Ils ne se tourneront vers la Banque fédérale de développement que s'ils ont eu de la difficulté à trouver du financement. Dans tous les cas, nos clients faisaient affaire avec une banque ou une caisse de crédit, d'où le concept du financement complémentaire.

M. Schmidt: D'après votre réponse, surtout la dernière partie, on comprend bien que vos clients ont été confrontés à des problèmes ailleurs; vous êtes donc vraiment une banque de dernier recours. Je ne m'appesantirai pas là-dessus. Mais je vous suggère de définir cela un peu plus clairement.

.1615

Je vais maintenant parler de deux autres sujets qui se rapportent à un autre article.

Le président: M. Mills demande s'il peut vous poser une question.

M. Mills: Avant que vous passiez à votre deuxième question, monsieur le président, j'aimerais en poser une autre.

Le président: Disons que c'est un Rappel au Règlement.

M. Mills: J'aimerais savoir en quoi l'usage du mot «complémentaire» vous préoccupe. Préféreriez-vous le mot «concurrentiel»?

M. Schmidt: La réponse à cette question est liée rapporte à d'autres dispositions de la loi, monsieur le président, et j'aimerais poser une question sur l'acquisition de certaines filiales par la banque.

D'autres dispositions de ce projet de loi permettent à la Banque de développement du Canada qui y est constituée ou, du moins, envisagée, d'acheter des filiales et de les laisser faire ce qu'elles veulent. Du moins en théorie, on pourrait ainsi acquérir d'autres institutions financières.

M. Mills: C'est exact.

M. Schmidt: Par conséquent, on pourrait, par exemple, acheter une société d'État...

M. Mills: ...ou une autre banque...

M. Schmidt: ...ou une autre banque, ou une compagnie d'assurance, une entreprise d'investissement ou une fiducie.

M. Mills: On pourrait acheter toutes les banques et redresser la situation. Est-ce ce qui vous préoccupe?

M. Schmidt: Non, ce n'est pas ce que je crains. Je demande simplement si c'est le genre d'autorité et de pouvoir conféré par cette loi. Je crois que oui. Je crois qu'il est possible pour cette banque d'oeuvrer dans ces domaines si elle le souhaite. Ce n'est pas exclu.

Voilà ma question. Ces domaines sont-ils exclus? S'ils ne le sont pas, il y a manifestement concurrence et le mot complémentaire perd tout son sens.

M. Mills: Vous opposez-vous à ce que la banque fasse concurrence à d'autres institutions financières?

M. Schmidt: Absolument, oui, en principe, parce qu'il s'agit d'une société d'État, ce qui signifie que les autres institutions sont en concurrence avec le gouvernement du Canada.

M. Mills: Sauf que nous leur nuisons avec ces taux d'intérêt élevés.

M. Schmidt: Je voulais poser cette question : pouvons-nous acheter ces autres filiales?

M. Mills: Ça va. Je voulais simplement un éclaircissement.

Le président: Poursuivez.

M. Beaudoin: La possibilité d'avoir des filiales n'est pas nouvelle. Elle se trouvait dans l'ancienne loi. Cela devait nous permettre d'agir si notre intervention devenait nécessaire. D'après l'interprétation qu'on nous a donnée par le passé, et qui serait sans doute encore en vigueur en vertu de la nouvelle loi, si vous acquérez une filiale, elle doit respecter les mêmes principes que l'entreprise-mère. Par conséquent, ces principes doivent être appliqués en plus aux activités de la filiale. C'est dans la Loi sur la gestion des finances publiques.

M. Layne: D'après cette loi, la filiale ne peut pas avoir davantage de pouvoirs que la société d'État dont elle dépend. Le projet de loi C-91 doit être interprété dans une grande mesure à la lumière de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui a préséance sur cette loi, à moins qu'Ottawa n'en soit explicitement exclue.

M. Schmidt: Le cas échéant, cela signifie-t-il qu'une filiale pourrait avoir les mêmes pouvoirs que la BDC, auquel cas les possibilités de prêts pour toute filiale pourraient aller jusqu'à 18 milliards de dollars?

M. Layne: Non.

M. Schmidt: C'est le pouvoir dont dispose la BDC.

M. Layne: Il y aurait une limite. Il y aurait une limite pour la BDC.

M. Schmidt: Il y a une limite de 18 milliards de dollars. Si la filiale...

M. Beaudoin: Du point de vue comptable, la filiale serait consolidée. Les états dressés pour l'ensemble serviraient de repère par rapport au plafond prévu.

M. Schmidt: La BDC pourrait donc faire toutes ses affaires par l'intermédiaire d'une filiale, si elle le souhaitait.

M. Beaudoin: Je ne vois pas pourquoi on agirait ainsi.

M. Schmidt: Je veux savoir exactement de quoi il retourne. Il faut savoir que nous avons un certain nombre de sociétés d'État qui font des choses semblables. Il y a la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la Société du crédit agricole et la Société pour l'expansion des exportations, par l'entremise de la Corporation commerciale canadienne. Elles sont toutes dans le même domaine que la BDC, chacune dans son secteur.

M. Beaudoin: Je vais vous donner un exemple. Ce n'est pas quelque chose qu'on a prévu de faire à court terme, mais nous pourrions l'envisager plus tard.

L'an dernier, nous avons parlé des besoins en fonds de roulement, du fait que les lignes de crédit sont souvent insuffisantes pour permettre la croissance des petites entreprises. Nous n'allons pas nous mettre à offrir des lignes de crédit par suite de cette révision de la loi. Nous n'allons pas non plus accepter des dépôts, on l'a dit clairement. En revanche, nous allons continuer à bonifier les lignes de crédit offertes par les banques à charte.

.1620

Il est possible que, plus tard, on offre aux petites entreprises des services d'affacturage. C'est très limité pour l'instant. C'est une industrie qui n'a pas encore beaucoup d'applications au Canada. Or, ce serait une façon de répondre aux besoins des petites entreprises en fonds de roulement. La BDC pourrait se lancer dans l'affacturage et créer une filiale qui offrirait des services complémentaires aux PME.

M. Schmidt: Dans la même veine, la BDC, si elle voulait offrir des lignes de crédit, pourrait-elle simplement acheter une fiducie qui a des services de dépôt et, par conséquent, se mettre à recevoir des dépôts?

M. Beaudoin: Pour des raisons semblables à celles que nous avons déjà fournies, d'après notre interprétation, non. D'après la Loi sur la gestion des finances publiques, les pouvoirs d'une filiale dépendent de ceux de l'entreprise-mère. Il faudrait sans doute modifier la loi pour permettre à la banque d'acquérir une société, comme une fiducie, qui reçoit des dépôts.

M. Layne: Je dois préciser que la banque ne pourrait pas créer des filiales de son propre chef. Il faut l'approbation du gouverneur en conseil. Nous ne pouvons pas, du jour au lendemain... Encore une fois, cela relève de la Loi sur la gestion des finances publiques.

M. Schmidt: Oui, il faut l'approbation du gouverneur en conseil. Je comprends que ce soit nécessaire. Mais il reste que la loi permet que cela se fasse avec approbation du gouverneur en conseil, sans celle du Parlement.

M. Layne: Mais en respectant les pouvoirs conférés à la société-mère.

M. Mitchell: Je vais revenir à ce que disait l'Opposition; je vais poser quelques questions pour bien comprendre moi-même.

La BFD aurait-elle l'intention d'offrir des services de gestion de trésorerie à ses clients?

M. Beaudoin: Oui, dans le cadre des services de gestion, qui comprennent des services de formation et de conseil, si la formation en gestion de trésorerie est nécessaire. Mais nous ne nous occuperions pas nous-mêmes de la gestion de trésorerie, parce que nous ne sommes pas habilités à le faire.

M. Mitchell: Vous ne pourriez donc pas non plus offrir des services de préparation de la paie, par exemple.

M. Beaudoin: Non.

M. Mitchell: Vous ne pourriez pas offrir de...

M. Beaudoin: Services de feuilles de paie. Dans la mesure où...

M. Bélanger (Ottawa - Vanier): Mais ils sont complémentaires.

M. Beaudoin: Je sais que là n'est pas la question. Les dépôts seraient-ils permis? En vertu des pouvoirs que nous conférerait le projet de loi au paragraphe 14 (2), nous ne pouvons nous occuper que de prêts, d'investissements et de garanties. Vous parlez maintenant de services qui ne font pas partie de la mission de la banque.

M. Mitchell: Vous pensez donc que ce projet de loi ne vous permet pas d'offrir des services de gestion de trésorerie.

M. Beaudoin: Sauf dans le cadre de conseils.

M. Mitchell: Mais vous savez de quel type de services je parle.

M. Beaudoin: Oui, tout à fait.

M. Mitchell: Ce n'est donc pas possible?

M. Beaudoin: D'après mon interprétation, non.

M. Mitchell: Ma seconde question porte sur l'une des réponses que vous nous avez fournies. Vous dites qu'en vertu d'une procédure administrative, la banque sera tenue d'aviser l'institution financière d'un client potentiel avant de consentir un prêt. Cela signifie-t-il que si j'ai une entreprise et que je demande un prêt à terme de 100 000$ à la BFD, celle-ci en informera ma banque, que je le veuille ou non? Cela sera-t-il une des conditions du prêt?

M. Beaudoin: C'est exactement la contrainte que nous imposons aux PME, avec ce concept de complémentarité.

M. Mitchell: Cela sera-t-il mentionné dans vos documents?

M. Beaudoin: Oui, puisqu'il faut respecter notre mission de complémentarité. Autrement, nous serions en concurrence avec les autres institutions financières, comme la SEE ou la Société du crédit agricole, pour leur clientèle respective.

M. Mitchell: Et cela vaut même pour les entrepreneurs qui n'ont pas d'emprunt ailleurs?

M. Beaudoin: Que voulez-vous dire?

M. Layne: Même s'ils n'ont pas d'emprunt ailleurs, vous devez tout de même aviser la principale institution de crédit.

Une voix: Et s'il n'y en a pas?

.1625

M. Mitchell: S'ils n'ont pas d'emprunt et qu'ils n'aient qu'un compte courant. Vous allez informer cette banque que vous leur consentez un prêt à long terme.

M. Beaudoin: S'ils n'ont pas...

M. Mitchell: S'ils n'ont pas d'opérations avec une banque, s'ils n'ont pas d'autres prêts à terme, seulement un compte courant à la banque A, et qu'ils demandent un prêt à long terme à la BFD, vous allez aviser la banque A qu'un prêt à terme leur sera consenti.

M. Beaudoin: Oui, c'est ce que nous ferons.

M. Mitchell: Bien.

Si j'ai bien compris, vous n'avisez pas de nouveau les banques à charte des clients actuels de la BFD qui veulent emprunter des fonds supplémentaires.

M. Beaudoin: Non. Il nous faut toutefois confirmer que les fonds ne sont pas disponibles ailleurs, pour les clients actuels comme pour les nouveaux. Nous devons vérifier la disponibilité des fonds, même pour les clients actuels.

M. Mitchell: J'aimerais en reparler... peut-être pas ici. Je soupçonne qu'en pratique, cela ne se fait pas, mais nous en reparlerons plus tard.

Je voulais parler des changements à la structure du capital. En gros, la restriction de 12:1, qui peut être majorée à 15:1 est maintenue, mais aucune restriction ne s'applique à la base de capitaux. Il y a une limite de 1,5 milliard de dollars, mais pour les actions ordinaires, c'est illimité, à condition qu'elles soient au prix de 100$. C'est bien cela?

M. Beaudoin: Le montant total est précisé dans la loi. Il comprend les actions ordinaires et tout le reste.

M. Mitchell: Mais il n'y a pas de maximum pour le nombre d'actions ordinaires que le gouvernement peut acheter, n'est-ce pas?

M. Beaudoin: La limite est la somme précisée dans la loi, qui restreindra ce qui peut être injecté, soit un milliard de dollars...

M. Layne: Il s'agit de la somme de 1,5 milliard de dollars.

M. Mitchell: Si je lis bien mes notes, le 1,5 milliard de dollars comprend les actions ordinaires illimitées évaluées à 100$ chacune et les actions privilégiées illimitées comprises dans le capital provenant de la vente des actions ordinaires de plus de 100$. Avec le reste des instruments, on ne peut dépasser 1,5 milliard de dollars.

Je voulais qu'il soit clair que le gouvernement ne peut investir plus de 1,5 milliard de dollars.

M. Beaudoin: C'est en effet ce qui est prévu.

M. Mitchell: J'avais l'impression que le gouvernement pouvait investir autant qu'il le voulait dans les actions ordinaires.

Il y a donc une limite de 18 milliards de dollars, essentiellement.

M. Beaudoin: Exact. C'est la structure prévue.

M. Schmidt: J'aimerais une autre précision. Cela signifie-t-il que la valeur des six instruments, soit les instruments hybrides, les surplus, les surplus d'apport, les bénéfices non répartis, tout cela, quelle qu'en soit la somme, y compris les crédits parlementaires, dans quelque combinaison que ce soit, ne doit jamais dépasser 1,5 milliard de dollars?

M. Beaudoin: Exactement. C'est la structure qui a été choisie.

M. Schmidt: Cette somme pourrait donc exister uniquement sous forme d'actions ordinaires, ou de bénéfices non répartis, ou toute combinaison de ces instruments, à condition de ne pas dépasser le plafond.

M. Beaudoin: Oui. Nous voulons quelque chose de simple, qui peut être facilement suivi et pas de...

M. Schmidt: Je voulais simplement que cela soit très clair. C'est tout, je voulais être sûr de bien comprendre.

M. Mitchell: J'ai une courte question, si vous n'avez pas d'objection.

Si une agence de développement régional voulait établir un fonds de capitaux patients, ou quelque chose du genre, je crois que vous pourriez y participer. Participeriez-vous à un appel d'offres, si l'agence de développement choisit d'en faire un auprès des banques, ou le feriez-vous uniquement si les autres banques décident de ne pas y participer?

M. Beaudoin: Nous avons vécu récemment ce processus avec la diversification de l'économie de l'Ouest. Là-bas, on a fait des démarches auprès de divers intervenants, pour diverses raisons. Comme on l'a déjà dit à ce comité, il en est résulté une entente entre la Banque royale et l'agence de diversification de l'économie de l'Ouest pour constituer des capitaux d'exploitation dans certains secteurs. Nous mettons la dernière main à une entente avec cette agence pour fournir des capitaux patients. Nous avons traité directement avec l'agence, sachant que les capitaux n'étaient offerts par personne d'autre sur le marché. Nous sommes en fait les premiers à avoir présenté un produit qui réponde à cette demande du marché.

Le processus est peut-être...

M. Mitchell: Je vais poser la question plus clairement. À votre avis, la BFD ne conclura pas d'entente avec une agence de développement régional auquel voudrait également participer une banque à charte, n'est-ce pas?

.1630

M. Beaudoin: Avez-vous un commentaire, Don?

M. Layne: Il est peu probable que l'agence conclue une entente avec la BFD si une banque à charte est également intéressée. Ce n'est pas qu'il faille choisir entre la BFD et une banque à charte; les marchés de la BFD et ceux des banques à charte sont complètement différents. Là aussi, nous ne sommes que complémentaires; nous ne sommes pas en compétition pour les meilleurs clients. En général, les divers ministères ont eu pour politique de traiter avec les banques à charte, comme on l'a vu dans le cadre de l'Administration des prêts aux petites entreprises.

M. Mitchell: Par conséquent, quand des responsables du Fonds de diversification de l'économie de l'Ouest ont fait des démarches auprès de vous, vous leur avez d'abord demandé s'ils s'étaient adressés aux banques à charte.

M. Beaudoin: Non, dans ce cas-là, tout était très clair. Les capitaux patients ne sont tout simplement pas disponibles sur le marché. C'est un parfait exemple de complémentarité. Nous présentons un produit qui n'est pas disponible ailleurs et nous collaborons avec notre partenaire, l'agence de développement régional. Nous n'avons donc pas eu à vérifier auprès des banques à charte.

Mais si elles veulent participer au fonds, c'est possible. C'est le modèle que nous avons adopté dans les Maritimes, avec le Fonds d'investissement pour le Canada atlantique, où il y aura une mise en commun des efforts. Les banques envisagent de participer à ce fonds, tout comme les gouvernements provinciaux. La BFD et l'APECA seront partenaires. Il s'agit de secteurs où il y a un manque de fonds. Tout le secteur du capital de risque et des capitaux patients, par définition, est un complément aux fonds déjà offerts sur le marché.

M. Mitchell: En résumé, le problème, c'est que c'est à la BFD de définir cette complémentarité. C'est du moins ce qui me semble être la préoccupation des gens ici. Je soupçonne qu'avec le temps, quand vous définirez la complémentarité, le secteur privé qui sera touché par cette définition aura peut-être une toute autre définition à nous fournir. Je pense que c'est ce que nous redoutons.

M. Layne: Monsieur le président, j'aimerais formuler un commentaire. Cela ne revient pas uniquement à la BFD. Cette définition fera l'objet d'un examen public, notamment par votre comité et le Parlement.

Vous vous souviendrez que le vérificateur général fait un examen spécial. Soyez assuré que pour cette question particulière, il surveillera la mise en oeuvre et que s'il y a un problème, il en fera rapport au Parlement. On ne donne pas carte blanche à la BFD. Nous faisons l'objet d'une surveillance et tout écart par rapport à...

Le président: Je vais vous interrompre parce que j'ai une préoccupation à formuler. Pourriez-vous réfléchir à cette question et nous en reparler au moment de notre examen article par article? Vous pourriez faire un remue-méninges ou trouver des suggestions au cours des prochains jours. C'est une question importante. Notre comité peut faire quelque chose, mais nous préférons recevoir vos conseils.

Comment renforcer cette notion dans le projet de loi? En gros, c'est la question que nous vous posons et à laquelle vous et vos collaborateurs devrez réfléchir. Essayez de trouver un moyen de régler cela avant que nous procédions à l'étude article par article.

Chers collègues, ai-je bien résumé...?

M. Layne: Une mise en garde, monsieur le président. Il s'agit d'une politique gouvernementale; il faut donc poser la question au ministre plutôt qu'à la banque.

Le président: Eh bien, nous pouvons le faire, tout comme vous. Nous vous avons compris. Nous en sommes à la première lecture. Nous avons le «pouvoir». Reste à voir si le gouvernement sera d'accord. Nous préférerions travailler dans la collaboration. Mais voici le message: les membres du comité le veulent, nous voulons que vous l'ayez et nous pensons que cela améliorerait le projet de loi. Posez la question à qui vous voudrez, mais donnez-nous une réponse.

Monsieur Mills, M. Discepola était le suivant.

M. Mills: Oui, mais il s'agit d'une courte intervention, pour revenir à l'un des arguments d'Andy Mitchell.

Au sujet de l'avis donné à la banque du client: quand cela se fait-il? Est-ce avant ou après l'approbation du prêt?

M. Beaudoin: Avant de traiter une demande, le client doit nous confirmer qu'il a essuyé un refus de la part de deux institutions financières. Ensuite, nous devons en principe écrire aux deux institutions financières afin de nous assurer, sur papier, qu'elles ont refusé d'octroyer des prêts.

.1635

Nos vérificateurs internes examinent le dossier, et la chose est ensuite étudiée par le vérificateur général. C'est un processus très précis que nous devons suivre afin de déterminer que la banque est vraiment le dernier recours.

M. Mitchell: Vous ne serez plus obligés de procéder ainsi en vertu de la nouvelle loi.

M. Beaudoin: Non, mais il nous faudra envoyer un avis et avoir des documents attestant que l'avis a été signifié à la banque à charte.

Le président: Monsieur McClelland, sur le même sujet.

M. McClelland: Avant de poser ma question, j'aimerais dire que chaque fois que j'ai traité avec une banque, j'ai dû signer un contrat prévoyant que je n'irais à aucune autre institution financière sans d'abord y avoir été renvoyé par ma banque. Il fallait donc que je me fasse référer à une autre banque. Vérifiez. Pour n'importe quel compte commercial, à n'importe quelle banque à charte, n'importe où, vous devez signer une lettre d'entente - et le faire chaque année - dont un des articles stipule que vous n'avez pas le droit de faire affaire avec une autre institution financière sans y avoir été autorisé au préalable par l'institution en question.

Est-ce que cela signifie que la nouvelle BFD sera créancier de second rang?

M. Beaudoin: Oh, absolument. Cela se fait déjà. Nous sommes régulièrement au deuxième rang, cela arrive pour des hypothèques, si c'est un financement à long terme - le financement d'un édifice ou d'équipement - nous occupons la deuxième place. Si vous examinez le programme de fonds de roulement pour la croissance, qui est offert à des entreprises qui ont déjà une marge de crédit, nous sommes le deuxième créancier ayant droit aux garanties obtenues par la banque sur l'inventaire et les comptes clients. Cela ne va pas changer.

Pour ce qui est de l'article que vous avez mentionné, je crois que, littéralement, cela fait référence à la loi sur les dispositions anti-trust. Je ne crois pas que ce soit aussi restrictif que...

M. McClelland: Au contraire. J'ai signé de telles lettres, et je crois qu'elles sont restrictives. On a peut-être abusé de moi. M. Mitchell, qui a travaillé dans le domaine bancaire, pourrait peut-être...

Le président: Il en a été un des auteurs.

M. Mitchell: Ces lettres d'entente existent. Mais si cela vous inquiète trop, vous pouvez exiger que la lettre s'applique seulement si vous obtenez le prêt, et non à votre relation d'affaire avec la banque, c'est-à-dire que vous n'avez pas le droit d'emprunter ailleurs si l'institution vous octroie un prêt. C'est une clause standard dans les lettres d'engagement.

[Français]

M. Discepola (Vaudreuil): D'abord, pour le bénéfice de mon collègue, M. Rocheleau, j'aimerais le renvoyer à la neuvième recommandation de notre rapport sur le financement des PME parce que, dans son intervention, il a critiqué le nouveau mandat de la Banque.

Monsieur Rocheleau, la neuvième recommandation dit clairement que:

Dans le rapport dissident du Bloc québécois, au sujet de la Banque fédérale de développement, la seule dissidence avait trait au changement de nom. J'imagine que c'est parce qu'on proposait le nom «Canada». Je ne sais pas.

J'aimerais poser une question à M. Beaudoin.

M. Rocheleau: Monsieur Discepola, c'est justement nous qui avons utilisé le mot «complémentaire» pour confirmer l'aspect de dernier recours. Le mot «complémentaire» distinguera la Banque fédérale de développement des banques traditionnelles. C'est nous qui avons libellé la recommandation de cette façon parce qu'on ne s'entendait pas et qu'on a trouvé, vous vous en souvenez, une solution mitoyenne.

[Traduction]

Le président: Vous aimeriez donc ajouter le mot «Canada». C'est complémentaire.

[Français]

M. Rocheleau: On a vu l'évolution. C'était la banque de la petite entreprise qui est devenue la Banque de développement du Canada.

M. Discepola: Monsieur Rocheleau, le projet de loi qu'on...

[Traduction]

M. Mills: Attendez un instant, monsieur Rocheleau.

Le président: Monsieur Discepola.

[Français]

M. Discepola: Quant à moi, le projet de loi vise à mettre en action ce que notre Comité a recommandé.

M. Rocheleau: Je ne suis pas d'accord sur cela. C'est cela, la flexibilité, je suppose. C'est l'évolution de M. Mills.

M. Discepola: Monsieur Beaudoin, j'aurais une question pour vous. Avec votre nouveau mandat, serez-vous en mesure de prêter à des organismes à but non lucratif? Je ne parle pas des clubs de l'âge d'or ou de choses semblables, mais plutôt...

Au Québec, certains organismes à but non lucratif exploitent de petites et moyennes entreprises et n'ont, à ce jour, jamais eu recours au financement traditionnel.

.1640

Votre banque serait-elle en mesure, dorénavant, avec le nouveau projet de loi, de prêter à ces entreprises-là?

M. Beaudoin: Oui, dans la mesure où il y a une opération commerciale et où il ne s'agit pas, comme vous le disiez, d'un club d'âge d'or ou d'un club de motards, qui ne sont pas des entreprises qui seront financées par la Banque de développement du Canada.

[Traduction]

M. Mills: Votre argent serait entre bonnes mains. Tentez de le récupérer, pour voir!

[Français]

M. Discepola: Mais, comme je le disais plus tôt, les sociétés adaptées,

[Traduction]

les sociétés adaptées, qui gèrent de petites entreprises et emploient des personnes handicapées, constituent à peu près la seule différence.

M. Beaudoin: Dans la mesure où il s'agit d'une exploitation commerciale dirigée par des entrepreneurs, elle pourrait être appuyée aux termes de la mesure proposée.

M. Discepola: Très bien. Merci.

M. Murray (Lanark - Carleton): La question qui m'intéresse en est une que nous avons déjà abordée de diverses façons. Elle a trait à la notion de complémentarité et aussi à celle de banque de dernier recours. Je n'arrive toujours pas à saisir. Si j'ai bien compris, vous allez désormais inciter les entreprises à visiter la Banque de développement en premier lieu, si c'est ce qu'elles souhaitent faire. Il ne serait plus nécessaire qu'elles aient été refusées auparavant par une autre banque.

Par contre, en étudiant les notes d'information, je constate que vous devez aviser les clients éventuels, et les établissements financiers, avant d'effectuer un prêt. On peut y lire également que, puisque les clients de la BFD sont également les clients d'une autre succursale d'un établissement financier, ce dernier établissement aura aussi l'occasion d'accorder un prêt.

Je reviens donc, une fois de plus, sur ce que M. Mitchell a déjà soulevé à plusieurs reprises. Pourquoi les entreprises seraient-elles nécessairement les clientes d'un autre établissement financier? Je ne comprends pas pourquoi au juste.

M. Beaudoin: Quiconque exploite une entreprise doit être titulaire d'un compte courant. Ainsi, de par sa nature même, toute entreprise fait affaire avec un établissement financier. Aux termes de la nouvelle mesure législative, nous n'aurons plus la permission de tenir des comptes courants ou d'accepter des dépôts. Voilà pourquoi nous pouvons dire que toute entreprise doit faire affaire avec un établissement financier et que, selon un processus que nous allons mettre au point, cet établissement financier sera informé que nous avons reçu une demande de prêt.

M. Murray: Supposons qu'il s'agisse de quelqu'un qui emprunte pour la première fois, qui n'a jamais eu de rapport avec un autre établissement financier. Alors, il n'y a pas de problème, cet emprunteur peut venir vous voir en premier lieu.

M. Beaudoin: En effet, mais il est titulaire d'un compte courant. Si l'emprunteur s'est constitué en société pour faire démarrer l'entreprise, alors il a probablement en main le bilan d'ouverture. Il ne figurera peut-être que 100$ à ce bilan, tout simplement pour indiquer que l'entreprise a été constituée en société. Mais ces 100$, où sont-ils au juste?

M. Murray: Je ne vois toujours pas pourquoi on ne pourrait pas vous approcher tout d'abord, pourquoi la première porte où l'on viendrait frapper ne serait pas la vôtre. Il se peut que l'intéressé ait de l'argent en poche, sans avoir un compte en banque.

M. Layne: Nous ne sommes pas autorisés à créer des comptes courants ni à accepter des dépôts.

M. Murray: Je vois.

M. Layne: Nous n'avons tout simplement pas ce genre de pouvoir. Les gens devront aller ailleurs pour ouvrir un compte d'affaires. Or, dans neuf cas sur dix, c'est à sa banque qu'on demande un prêt, dans la mesure où on y est satisfait du service. Par conséquent, nous n'allons jamais être le premier guichet pour la création d'une entreprise. Nous n'avons tout simplement pas les pouvoirs voulus.

M. Mitchell: Mais oui, vous les avez. Prenons le cas de quelqu'un qui accède au marché pour la première fois, qui n'a pas encore lancé son entreprise, mais qui aurait l'intention d'en lancer une s'il pouvait joindre un emprunt aux 20 000$ de son compte d'épargne. Cette personne n'a donc pas encore ouvert de compte bancaire. Elle n'a rien fait. Elle commence par trouver du crédit. Il se peut que cette personne n'ait pas de compte d'affaires. C'est même plutôt probable.

M. Beaudoin: Mais alors, il ne s'agit pas d'une entreprise, et nous ne faisons pas affaire avec les particuliers. D'après la loi qui nous régit, nous devons faire affaire avec...

M. Mitchell: Vous n'allez donc pas faire affaire avec la personne qui lance une entreprise?

M. Layne: Eh bien, nous lui dirions tout d'abord d'aller ouvrir un compte.

M. Discepola: Je ne vois pas pourquoi la personne n'irait pas ouvrir un compte bancaire. Ce n'est quand même pas la fin du monde que de déposer 1$.

M. Bélanger: J'aimerais savoir en quoi cela a trait à notre raison d'être.

Le président: Je crois que je devrais prendre la réunion en main.

Je m'efforce de régler le problème de M. Schmidt au sujet du conseiller législatif.

M. Murray: Je lui offrirais avec plaisir le temps qui m'est imparti.

Le président: Il ne s'agit pas d'avoir du temps, mais plutôt d'éviter de faire la queue.

Allez-y, monsieur Bélanger, voulez-vous poser une question, rapidement?

.1645

M. Bélanger: La réponse qui vient de nous être donnée ne correspond pas, me semble-t-il, à l'article 4 du projet de loi, selon lequel la mission de la banque consiste à soutenir l'esprit d'entreprise au Canada. L'esprit d'entreprise, par définition, c'est... celui de quelqu'un qui démarre une entreprise et vous nous dites que vous n'allez pas faire affaire avec ce genre de personnes.

M. Beaudoin: À vrai dire, nous allons nous intéresser davantage à ces gens, mais il est question ici de complémentarité et je suppose que nous allons vouloir faire affaire avec l'entreprise, en tout premier lieu. Il doit s'agir d'une entreprise et, par définition, une entreprise doit être titulaire d'un compte dans un établissement financier.

M. Bélanger: Il se peut que certains entrepreneurs ne soient pas d'accord avec vous.

M. Beaudoin: Lorsqu'on lance une entreprise, on commence par préparer un bilan. Qu'il s'agisse de 1$ ou de 10$, le capital initial de l'entreprise est déposé dans un compte bancaire.

M. McClelland: Pour continuer dans la même veine, supposons un entrepreneur, une fleur délicate sur le point de s'épanouir... qui veuille faire affaire avec la BFD ou la BDC ou que sais-je... qui vous arrive plein d'idéaux et d'espoirs et que vous avez par ailleurs pour mission de nourrir, d'alimenter en engrais, et je parle ici d'azote et non pas de cet autre type d'engrais...

Le président: Vous voudrez donc avoir de l'engrais libéral et non pas de l'engrais réformiste?

M. McClelland: La première chose que trouve à dire le représentant de la banque à l'entrepreneur, c'est de lui demander s'il a un compte dans une autre banque. Si l'entrepreneur répond que «non», il se voit fermer la porte au nez. Je sais qu'il ne se ferait pas vraiment fermer la porte au nez, mais ne pensez-vous pas qu'il y a là une sorte de barrière artificielle?

Si votre mission consiste en bonne partie à alimenter l'esprit d'entreprise, alors ne serait-il pas plus raisonnable de dire à l'aspirant entrepreneur qu'il doit être le titulaire d'un compte dans une banque à charte et qu'il doit par ailleurs adresser sa demande de prêt à la même banque à charte, puisque la BFD ne joue qu'un rôle complémentaire? Pourtant, ne serait-il pas préférable pour vous de dire aux gens que vous allez faire votre possible pour les aider?

Il me semble que la disposition dont nous parlons est artificielle et qu'il serait peut-être avantageux pour tous de pouvoir la contourner.

M. Layne: Êtes-vous en train de dire que nous ne devrions pas les envoyer ailleurs, que nous devrions traiter avec eux?

M. McClelland: En effet. Fermeriez-vous votre porte à quelqu'un qui a besoin d'aliments pour refaire ses forces?

M. Layne: Vous êtes en train de dire tout d'abord, me semble-t-il, qu'il faudrait supprimer les dispositions relatives à la complémentarité, de manière à ne pas avoir à...

M. McClelland: Il doit bien y avoir une autre façon de contourner la difficulté.

M. Layne: Deuxièmement, il nous faudrait des pouvoirs plus étendus.

M. Discepola: Il suffit d'un dollar pour ouvrir un compte.

M. McClelland: C'est tout à fait insensé. C'est un cauchemar bureaucratique.

M. Mills: Mais, Ian, la banque n'est pas habilitée à recevoir des dépôts.

M. McClelland: Il doit bien y avoir moyen d'ouvrir un dossier sans accepter de dépôt. Il faut pouvoir traiter avec les gens avant qu'ils n'ouvrent un compte d'affaires. Voilà où je voulais en venir. Dans l'état actuel des choses, les représentants de la banque ne peuvent même pas dire bonjour à quelqu'un qui n'a pas de compte d'entreprise. Or, si on attend que l'intéressé soit titulaire d'un compte d'entreprise, il se peut qu'il soit trop tard.

M. Mills: Cela risque d'arriver souvent, d'après vous?

M. McClelland: Très souvent.

M. Beaudoin: Permettez-moi un commentaire. Il s'agit essentiellement de déterminer quelle importance nous accordons à la notion de complémentarité. Or, pour nous, cette notion est importante. Nous n'allons pas être des concurrents. Nous n'allons pas chercher à avoir le beurre et l'argent du beurre. Cette notion de complémentarité, nous ne pouvons que l'embrasser ou la rejeter. Autrement, la disposition saute et nous devenons tout simplement l'un de ces établissements financiers qui font concurrence aux banques à charte et aux autres établissements financiers, ce qui ne concorde pas avec l'orientation donnée par le comité dans son rapport.

M. McClelland: Merci.

[Français]

M. Rocheleau: Monsieur le président, mon intervention sera en trois parties.

Premièrement, monsieur Beaudoin, plus tôt, sur la question du développement régional, vous avez fait un long commentaire pour nous décrire combien les relations semblaient harmonieuses entre le gouvernement fédéral, par le biais de la Banque de développement du Canada, le BFDR, et le gouvernement du Québec et ses créatures. Nous avons toujours eu des appréhensions depuis que le projet de loi a été présenté. Nous croyons que ce sera davantage une source de conflits qu'une solution.

.1650

J'aimerais simplement porter à l'attention du Comité la motion qu'a présentée à l'Assemblée nationale du Québec le ministre au développement des régions, M. Guy Chevrette, le 1er juin dernier.

Cette motion se lit comme suit:

Nous ne sommes donc pas les seuls à penser que ce libellé, qui parle explicitement des provinciaux et des créatures des gouvernements provinciaux, sera très conflictuel au Québec. Je voulais simplement vous le dire, parce que plus tôt, on disait que tout baignait dans l'huile. Au contraire, je pense qu'on s'en va vers des affrontements encore plus sérieux que ceux qu'on a vécus dans le passé.

Deuxièmement, à l'article 21, on lit:

Qu'entendez-vous par programmes, dans ce cadre-là? Qu'avez-vous en tête?

M. Beaudoin: Permettez-moi de faire un commentaire sur votre premier point. J'ose croire que les inquiétudes du ministre Chevrette diminueront peut-être à la suite des clarifications qu'on apporte et qu'on apportera sur les raisons qui sous-tendent tout cela. Je puis vous dire que pour les PME du Québec, lorsque vient le moment d'avoir accès à des capitaux, que ceux-ci soient provinciaux, fédéraux ou internationaux, ce sont les dollars qui comptent. C'est là-dessus que portent leurs besoins.

Quant au genre de programmes, je vais vous en donner un exemple.

M. Rocheleau: Je m'excuse, mais lorsqu'on parle du provincial et de ses créatures, on ne parle pas des PME. On parle des organismes relevant du gouvernement du Québec qui seront approchés bientôt par la BFD, qui seront tentés et qui forceront sans doute le gouvernement du Québec à mettre un dollar quand vous en offrirez un. C'est ce que l'on voit derrière le projet.

M. Beaudoin: Est-ce que ce serait mauvais de travailler en partenariat et de mettre chacun notre dollar pour aider la PME?

M. Rocheleau: Monsieur Beaudoin, cela pose pour le Québec, et sans doute aussi pour d'autres provinces, toute la question du leadership en matière de développement régional. Qui est le leader? Est-ce le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement du Québec, les gouvernements des Prairies et les autres? Ou bien est-ce le fédéral qui va venir, par des subterfuges, conditionner les provinces à toujours tenir le rôle le plus désagréable, soit de dire non parce que leurs finances publiques ne le leur permettent pas, alors que le gouvernement fédéral trouve toujours de l'argent?

C'est l'éternelle question, celle du pouvoir de dépenser du fédéral qui s'applique et asservit les provinces, notamment le Québec. Comme vous le savez, nous en avons assez.

M. Beaudoin: Il faut bien comprendre que la Banque ne prendra pas part au développement régional. L'activité de la Banque est commerciale. Son activité consiste à prêter de l'argent et non pas à accorder des subventions.

Quant au deuxième point, soit le genre de programmes, je vais vous donner des exemples. Nous avons le Fonds de développement des industries culturelles qui nous a été confié, à l'origine, par le ministère des Communications, lequel est devenu le ministère du Patrimoine canadien.

Il s'agissait, au départ, d'un fonds de 30 millions de dollars mis sur pied pour soutenir l'industrie de l'édition, l'industrie cinématographique et celle de l'enregistrement sonore. On a travaillé à créer ce fonds de concert avec le ministère. C'est un exemple de programme conjoint.

Lorsqu'il y a eu un problème concernant les mollusques, il y a plusieurs années, la Banque a travaillé avec le ministère des Pêches et des Océans à soutenir les entrepreneurs de ce domaine par un programme de prêts qui leur a permis de passer à travers une période de transition. Il existe des domaines comme ceux-là.

Les ententes que nous avons maintenant avec les agences de l'Ouest, du Québec et de l'Atlantique sont des exemples de partenariat. C'est ce genre d'association qu'on veut pouvoir continuer à mettre sur pied. Le travail qu'on fait avec la Société de développement industriel du Québec, dans plusieurs dossiers, se fait conjointement. La Société va investir son prêt participatif dans une entreprise et la Banque fédérale va consentir un prêt à terme ou bien un appoint à la marge de crédit de l'entreprise. C'est ce genre d'aide ou de partenariat qu'on prévoit continuer grâce au nouveau mandat qu'on se voit attribuer.

.1655

M. Rocheleau: Donc, c'est très large. On peut s'entendre là-dessus. Quand on emploie des termes aussi vagues que «la gestion de programmes favorables à l'esprit d'entreprise», c'est qu'on envisage un mandat très large quant à ses préoccupations éventuelles.

J'ai une dernière question. Confirmez-vous que la Banque pourra, par l'émission d'instruments hybrides, payer une rémunération sur les prêts qui vont lui être consentis par le secteur privé, basée sur les profits de la Banque?

M. Beaudoin: Les instruments hybrides, par définition, sont normalement les instruments par lesquels on paie un taux d'intérêt ou un dividende équivalent à un taux d'intérêt, mais qui n'est pas un pourcentage des profits générés par l'entreprise. Donc, ce serait l'équivalent d'un taux d'intérêt.

M. Rocheleau: Sur quoi serait basé ce taux d'intérêt?

M. Beaudoin: Il serait basé sur le risque que le marché va percevoir pour cet instrument-là. Il ne faut pas oublier que ces instruments ne seront pas garantis par le gouvernement du Canada. C'est donc la Banque en tant que telle qui va émettre ces instruments. La perception du marché du risque de cette activité déterminera un taux d'intérêt qui sera probablement en relation avec les obligations du gouvernement canadien. On s'attend à payer un peu plus que ce que le gouvernement canadien paie pour ses fonds, parce que ce ne sera pas garanti par le gouvernement canadien.

Cependant, le rendement sur ces instruments-là ne sera pas augmenté si les profits de la Banque augmentent. Ce sera un rendement fixe.

M. Rocheleau: Ne serez-vous pas forcés, par une saine philosophie de gestion, de vous préoccuper de faire des profits afin de rendre ce taux intéressant pour le prêteur privé?

M. Beaudoin: On va devoir générer des revenus pour payer nos obligations, comme on le fait en ce moment sur la dette qu'on encourt. On emprunte, comme je vous le disais la semaine dernière... Finalement, notre bilan comporte 2,9 milliards de dollars d'obligations empruntées sur les marchés intérieurs et internationaux. La Banque a l'obligation de rembourser ces intérêts. De la même façon, sur ces instruments hybrides, nous devrons rembourser les intérêts sur les obligations qu'on détiendra. C'est la nature même de la Banque.

Vous soulevez un point intéressant. Souvent, on ne comprend pas très clairement que la Banque ne reçoit pas de crédits annuels du gouvernement. La Banque emprunte l'argent qu'elle prête aux PME. On a le mandat, après avoir payé nos intérêts, nos salaires et nos pertes sur prêts, d'arriver au point mort. C'est un instrument unique du gouvernement canadien.

M. Rocheleau: Je vous ferai remarquer simplement que dans le document que la Banque nous a remis plus tôt et qui définit ce qu'est un instrument hybride, on parle d'une des caractéristiques émises par le Bureau du surintendant des institutions financières, soit de permettre le report du service lorsque les profits de la Banque ne suffisent pas à assurer le paiement.

Donc, on voit qu'il y a une notion de nature commerciale. C'est ce que nous dénonçons. La Banque, de par sa logique interne, va développer une ambition commerciale au lieu de conserver des préoccupations de développement économique par le biais de la PME. Vous allez avoir des préoccupations de plus en plus commerciales. C'est ce que nous appréhendons.

M. Beaudoin: Nous allons devoir continuer à avoir la responsabilité financière que nous avons toujours eue vis-à-vis de nos obligations. Cela ne changera pas. Vous avez raison, nous allons devoir payer nos intérêts. C'est indéniable. Il faut être responsable financièrement, car c'est la structure qu'on a donnée à la Banque. Elle ne changera pas parce qu'on lui aura donné des instruments financiers hybrides. La responsabilité financière va rester une tradition.

M. Rocheleau: Merci.

.1700

[Traduction]

M. Valeri (Lincoln): J'aimerais revenir à une intervention préalable. Si un entrepreneur vient vous voir, mais n'a pas encore le compte courant qui est censé ouvrir, j'espère que votre banque peut le conseiller sur la façon de le faire, et sur la façon dont la banque peut l'aider. Je pense qu'il est irréaliste de croire, comme on l'a dit plus tôt, qu'on fermerait la porte au nez d'un enterpreneur parce qu'il n'a pas encore de compte.

M. Beaudoin: Je pense utile d'expliquer ce qui arrive dans la plupart des cas, en réalité. Lorsque le futur entrepreneur celui qui va démarrer... nous avons parlé de la capacité de la banque d'aider les entrepreneurs en leur donnant une formation et en les conseillant. Habituellement, dans un premier temps, une personne qui rêve de lancer son entreprise vient nous voir. Il rencontre un de nos conseillers qui lui dira ce qu'il faut faire pour lancer une entreprise.

Le conseiller va lui demander s'il a songé à ceci, à cela. Dans bien des cas, il s'agit d'un entretien de trois heures pendant lequel on parle de tout ce que vous avez mentionné, tout en définissant l'entreprise et en donnant de l'aide pour la création d'un plan d'entreprise à présenter à une institution financière. En outre, on parle des étapes normales pour mettre en branle le processus.

M. Valeri: Voici mon autre question. Je suis entrepreneur et j'ai une société d'investissement en capital de risques. Je dois trouver du financement pour mon fonds d'expert. Je me suis adressé aux banques à charte et aux autres institutions financières. Puis-je également faire une demande à la BFD? Cette loi vous permet-elle d'envisager un investissement dans ce genre de fonds?

M. Beaudoin: Un investissement dans des fonds, des fonds de capital-risque?

M. Valeri: Oui.

M. Beaudoin: Oui.

M. Valeri: Vous pourriez faire cela?

M. Beaudoin: Oui, et nous l'avons fait. Actuellement, nous avons des investissements dans des fonds de capital-risque. Je vais vous donner des exemples. Sur la côte ouest, nous avons investi dans Ventures West, qui est l'un des rares fonds de capital-risque s'occupant des tous débuts des sociétés de haute technologie. La banque a participé au financement de ce fonds, afin de permettre un investissement continu dans ce secteur pour lequel il est difficile d'obtenir du financement auprès des sources habituelles de capital de risques.

M. Valeri: Le critère serait le même? Dois-je avoir été refusé par les banques à charte ou par d'autres institutions financières avant de pouvoir m'adresser à vous?

M. Beaudoin: Pour ce genre de fonds globaux, nous déterminons si le financement est disponible sur le marché pour... quand Ventures West s'est adressée à nous, ses dirigeants s'étaient adressés à diverses institutions financières. Ils avaient obtenu de l'aide de la Banque de Montréal, qui avait investi dans cette mise en commun, mais ils disaient qu'ils n'avaient pas suffisamment d'argent pour lancer le fonds. Ils nous ont donc demandé de compléter le financement pour avoir suffisamment d'argent afin de desservir les petites entreprises de la Colombie-britannique.

M. Valeri: Est-ce que votre gestion de cas a joué un rôle dans ce fonds, ou avez-vous simplement fourni le financement?

M. Beaudoin: Dans ce genre de cas, si nous investissons dans un fonds, c'est l'administrateur du fonds qui s'en occupe.

M. Valeri: Merci.

Le président: Collègues, sur ma liste, j'ai M. Bélanger, M. Mitchell, M. Mills, et M. MacLelland.

Monsieur Bélanger.

[Français]

M. Bélanger: Pouvez-vous me dire, monsieur Beaudoin, en quoi la Banque offre des services de consultation et de gestion qui diffèrent beaucoup de ceux que le secteur privé offre actuellement? Les maisons de courtage, les banques, les comptables offrent déjà une gamme de services de ce genre. En quoi ceux de la Banque diffèrent-ils de ceux qui sont offerts par le secteur privé?

M. Beaudoin: Tout d'abord, les banques à charte n'ont pas de services de consultation comme tels. Leurs directeurs des comptes peuvent donner un conseil ici et là aux entreprises, mais quand vient le temps de les soutenir tout au long d'un programme qui peut durer...

M. Bélanger: Il y a des banques qui seraient en désaccord avec vous.

.1705

M. Beaudoin: Notre connaissance du marché nous indique que les services de consultation peuvent donner des conseils ici et là, mais ce n'est pas une activité formelle qui est offerte par les banques à charte.

Pour ce qui est de la différence entre la Banque et autres secteurs, les services de consultation de la Banque de développement sont offerts par un personnel qui a été plus souvent qu'autrement impliqué dans le domaine des affaires. Le service a débuté avec des gens qui avaient eu des carrières dans le domaine des affaires, qui étaient à la retraite et qui voulaient mettre leur expérience au service de la PME. Au contraire, dans les banques à charte, on a des gens qui sont peut-être des diplômés universitaires, mais qui n'ont pas eu l'expérience de la gestion d'une entreprise. Nous, nous avons surtout des gens qui ont l'expérience d'entreprises.

Deuxièmement, regardons notre tarification. Selon le domaine, nos tarifs équivalent au tiers ou au quart de ce qu'il en coûterait dans le secteur privé pour avoir le soutien qu'on donne. La gestion-conseil est le seul domaine où on reçoit un certain appui du gouvernement fédéral. On reçoit 14 millions de dollars sous forme de crédit en soutien de gestion-conseil. Cela nous permet d'offrir un appui pratique à un coût abordable pour les PME, pour les aider dans leur développement d'affaires. Telle est la caractéristique de l'intervention de la Banque de développement.

M. Bélanger: Je veux revenir au capital. Si je comprends bien, la limite augmente à 1,5 milliard de dollars, donc à 18 milliards de dollars ou 22,5 milliards de dollars si on pense à un facteur de 18. J'ai cru comprendre à un moment donné que vous aviez dit qu'il était interdit pour la Banque de mettre la Couronne à risque. C'est-à-dire qu'aucun des outils que vous allez créer ou utiliser pour générer ce capital n'est garanti par la Couronne. Est-ce exact?

M. Beaudoin: Ce sont les instruments hybrides qui ne seront pas garantis par le gouvernement fédéral. La dette de la Banque va continuer d'être garantie par le gouvernement fédéral, comme elle l'est en ce moment. Les obligations que la Banque émet sur les marchés vont continuer d'être garanties par le gouvernement fédéral, mais le capital hybride, la dette subordonnée et autres...

M. Bélanger: Quelles sont les intentions de la Banque? Je suppose que vous ne passerez pas du jour au lendemain à plusieurs milliards de dollars. Quel pourcentage d'instruments hybrides aurez-vous par rapport aux instruments qui sont garantis par le gouvernement? Quelle sera la dette potentielle du gouvernement si on adopte cette loi?

M. Beaudoin: On ira chercher l'argent sous ces formes-là pour maintenir notre ratio de capital actif à 12 pour 1.

M. Bélanger: Alors, le maximum du fédéral sera 1,5 milliard de dollars.

M. Beaudoin: Cela comprend les instruments hybrides. La contribution du gouvernement fédéral et des instruments hybrides ne pourra pas dépasser 1,5 milliard de dollars, et le besoin de capital sera guidé par notre croissance d'actif.

M. Bélanger: D'accord.

M. Beaudoin: Si on augmente nos prêts de 1 milliard de dollars une année, il faudra maintenir...

M. Bélanger: À ce moment-ci, c'est environ 300 millions de dollars, je crois.

M. Beaudoin: Exactement.

M. Bélanger: Donc, on passe de 300 millions de dollars à 1,5 ou 1,2 milliard de dollars. Quel pourcentage d'instruments hybrides non garantis par la Couronne y aurait-il et quel pourcentage d'instruments garantis par le gouvernement y aurait-il?

M. Beaudoin: Tout dépendra de l'intérêt.

M. Bélanger: Quelle est votre intention?

M. Beaudoin: Nous avons l'intention de demander premièrement au gouvernement fédéral d'appuyer la Banque en faisant une injection dans les actions ordinaires. Ce sera notre première demande. Mais on connaît les difficultés fiscales que notre pays éprouve, et on voulait se doter d'une soupape de sûreté pour pouvoir avoir accès à du capital pour nous permettre de continuer notre croissance.

M. Bélanger: Combien avez-vous demandé?

M. Beaudoin: À qui?

M. Bélanger: À la Couronne.

.1710

M. Beaudoin: On a besoin de 100 millions de dollars dans les 12 prochains mois pour poursuivre notre croissance. Cela viendra soit du gouvernement, soit du marché privé.

M. Bélanger: Merci.

[Traduction]

Le président: On m'a dit que vous vous étiez informé au sujet des conseillers législatifs. Nous avons pu confirmer que quelques conseillers législatifs sont disponibles. Comme ce projet de loi est en queue de peloton en terme de priorité, ces derniers seraient disponibles si des collègues veulent faire rédiger des amendements. Bien sûr, les amendements proposés par les ministériels seront rédigés du côté gouvernemental. Ils communiqueront avec M. Rocheleau ou M. Schmidt, si vous en avez besoin.

Monsieur McClelland, vous êtes le suivant.

M. McClelland: Merci.

Monsieur Beaudoin, vous avez dit tout à l'heure que la nouvelle Banque de développement ne sera assurément pas une menace pour les banques à charte, si l'on en juge par votre capital.

Toutefois, si l'on se fonde plutôt sur le portefeuille de prêts aux petites entreprises ayant un chiffre d'affaire inférieur à 500 000$, si la banque a une limite de 18 milliards de dollars et que le total des prêts en cours des banques à charte est aujourd'hui de 26 milliards de dollars, cela veut dire que la nouvelle Banque de développement sera un intervenant d'une immense importance dans ce marché.

Je m'interroge et, encore une fois, vous n'y êtes pour rien, mais je suis quelque peu perplexe devant l'absence d'intérêt manifesté par les banques à charte dans ce dossier. Je voudrais savoir si la banque a fait l'acquisition de ces instruments hybrides ou bien si elle a entammé des discussions avec des investisseurs potentiels. La banque a-t-elle l'intention de pressentir les banques à charte dans le but de l'achat de ces instruments?

M. Beaudoin: Nous avons eu des discussions informelles avec certaines banques à charte et nous avons pu vérifier, sans avoir eu l'avantage de pouvoir consulter le projet de loi au moment où nous avons eu ces discussions, que les banques à charte envisageraient des instruments dans le cadre de leur portefeuille d'investissement et participeraient donc à la capitalisation de la Banque de développement.

M. McClelland: Compte tenu du fait qu'il n'est pas anormal à mon avis que nous soyons animés par un certain scepticisme assez sain à l'égard des motifs des banques, est-il possible de laisser entendre que peut-être les banques se réjouiraient de voir la Banque de développement se voir confier un mandat renouvelé et plus large, car cela leur donnerait une voie d'évitement leur permettant de se dérober aux gens avec lesquels elles ne veulent pas faire affaire? Les banquiers pourraient dire tout simplement que: «Écoutez, nous ne voulons rien savoir de vos histoires, pourquoi n'allez-vous pas voir nos cousins là-bas, à la Banque de développement?».

À votre avis, y a-t-il quelque chose de valable dans ce raisonnement? Pourquoi, Dieu du ciel, voudrait-elle appuyer un nouveau concurrent, si ce n'est parce qu'elles ont quelque chose à y gagner?

M. Mills: C'est une sorte de système de LPPE institutionnalisé.

M. McClelland: Exactement.

M. Beaudoin: Quand nous avons tenu ces discussions, nous voulions leur expliquer que le nouveau mandat ne constituerait nullement une menace en termes de concurrence et aussi leur expliquer le concept de complémentarité. La conclusion que les banquiers ont tirée, c'est - mais ils devront bien sûr nous l'expliquer eux-mêmes - qu'ils comprennent fort bien le programme et qu'ils l'appuient.

M. McClelland: Vous allez vous taper tous les incubateurs d'entreprises et vous assumerez toutes les dépenses et, dès que ce sera rentable, ce sont les banques à charte qui vont s'en emparer à un taux inférieur.

Quoiqu'il en soit, pourvu que ce soit au taux amortissable et pourvu que les prêts soient accordés à un taux suffisamment élevé pour que ce ne soit pas subventionné par les contribuables. Quoique, bien sûr, il y a une disposition qui permet que les contribuables viennent à la rescousse puiqu'il s'agit d'une société d'État. C'est bien beau d'invoquer toutes sortes d'arguments pour soutenir que cela n'arrivera pas, mais tout cela ne veut rien dire puisqu'en fin de compte, c'est exactement ce qui pourrait arriver.

Si les instruments hybrides sont sensibles au loyer de l'argent, ils auront probablement un rendement supérieur ou à tout le moins très semblable à celui d'un certificat de placement garanti, n'est-ce pas?

.1715

M. Beaudoin: À ce qu'il nous semble, le prix en sera fixé à partir des obligations du gouvernement du Canada et une prime de risque sera ajoutée à ce taux de base.

M. McClelland: Ce sera donc un taux compétitif?

M. Beaudoin: Oh oui, absolument.

M. McClelland: Dans ce cas, ma question est celle-ci: comme les contribuables et les citoyens du Canada peuvent éventuellement être amenés à ramasser les pots cassés dans cette affaire, ne devraient-ils pas avoir la possibilité d'en bénéficier en achetant les actions hybrides dans le cadre d'un REÉR? J'ai posé la question tout à l'heure et on m'a répondu que ce n'était pas possible pour des raisons techniques. Pourquoi ces actions ne pourraient-elles pas faire partie d'un portefeuille REÉR? Pourquoi les Canadiens ne pourraient-ils pas investir et participer à la croissance de ces entreprises débutantes?

M. Beaudoin: C'est une question de politique qui a fait l'objet d'une décision et la position adoptée a été que nous devrions...

Au sujet des instruments hybrides, Don, y a-t-il des restrictions sur leurs propriétés par des particuliers ou des sociétés?

M. Layne: Non, il n'y a pas de restriction.

M. Beaudoin: Donc, pour répondre à votre question, les particuliers pourront investir dans ces instruments hybrides. Il y avait confusion dans mon esprit parce qu'à l'heure actuelle, les actions privilégiées ne pourront être détenues que par le ministre et le gouvernement. Pour la dette subordonnée, l'instrument sera à la disposition du grand public.

Votre objectif pourrait donc être réalisé. D'après les renseignements que nous possédons à ce jour, ces instruments seraient admissibles à la déduction pour REÉR. Est-ce qu'on se comprend bien?

M. McClelland: Non, car d'après les renseignements que j'ai eus, ce ne serait pas le cas.

Le président: Il y a un autre petit problème technique. Cette salle n'est réservée que jusqu'à 17h30 et nous n'avons donc que peu de temps.

Vous pouvez intervenir rapidement, monsieur Schmidt, après quoi...

Une voix: Vous pourriez donner suite à cela, car c'est très logique.

Une voix: Merci.

Le président: Monsieur Schmidt, brièvement.

M. Schmidt: Ma question porte sur le coût de revient. Si vous voulez adopter des instruments hybrides... Prenons un cas extrême et supposons que la totalité des 1,5 milliard de dollars est composée d'instruments hybrides. Je sais que c'est hypothétique, mais en supposant que cela arrive, vous auriez maintenant des intérêts à payer, à savoir le taux des Obligations du gouvernement du Canada plus une prime. Vous devez emprunter sur le marché de l'argent que vous prêtez ensuite. Vous êtes maintenant doublement frappé. Votre rentablité dépend maintenant du taux que vous devez payer sur l'instrument hybride, plus l'intérêt sur l'argent que vous avez emprunté.

Dans la mesure où vous faites appel à des instruments hybrides, et je sais que c'est un exemple extrême, vous vous trouvez à ajouter à votre coût de revient. Vous pouvez donc soutenir que vous fonctionnez selon le principe du recouvrement des coûts, mais dans le cas que je viens d'exposer, vous devenez en fait un fardeau pour les institutions financières puisque vous exigez de l'argent supplémentaire pour être rentable. Cela veut dire que pour rentabiliser votre banque, vous devrez attirer de riches clients ou bien chercher d'autres moyens de faire de l'argent.

M. Beaudoin: Premièrement, j'espère que le premier intervenant intéressé à la recapitalisation de la Banque fédérale de développement et à la création de la Banque de développement sera le gouvernement du Canada et que, selon la disponibilité des fonds, nous aurons accès aux instruments hybrides.

La question qui se pose, c'est que si le gouvernement du Canada n'a pas d'argent à nous consacrer, cela veut-il dire que nous ne pourrons plus continuer à financer les petites entreprises? Nous disons que si l'on peut se procurer des fonds grâce au mécanisme des instruments hybrides, profitons-en pour continuer de financer la petite entreprise. Si nous n'avons pas accès à ce capital, nous allons devoir cesser de prêter aux petites entreprises. Je ne pense pas que cela corresponde à ce que nous avons entendu quant au besoin d'appuyer le secteur de la petite entreprise par les temps qui courent.

M. Schmidt: Ce n'est pas vraiment pertinent, la question est...

Le président: La discussion est vraiment captivante aujourd'hui.

M. Schmidt: Elle l'est. Écoutez, ce dossier est très lourd de conséquences; c'est d'ailleurs pourquoi le ministre pousse tellement pour faire adopter le projet de loi. Allons donc, monsieur le président, nous savons tous ce qui se passe.

Le président: Non, personne ne pousse.

M. Schmidt: Oh non, personne ne pousse, voyons donc!

Le président: Prenez votre temps; nous avons toute la journée.

M. Discepola: C'est une stratégie d'aspiration.

.1720

M. Schmidt: La LPPE est administrée par diverses banques à charte et par d'autres institutions financières. Compte tenu du coût de ses opérations et de hauts taux d'intérêt, n'êtes-vous pas pratiquement en conflit direct et en concurrence directe avec les banques à charte? Vous avez dit tout à l'heure que vous n'êtes pas concurrent, mais complémentaire. En fait, si l'on considère la disposition relative à la LPPE dans l'autre article et de votre prime, l'emprunteur paie pratiquement la même chose. Vous êtes donc concurrents.

M. Beaudoin: Dans certains cas, la LPPE sera une solution de rechange. N'oubliez pas que le montant maximal est de 250 000$ et, par conséquent...

M. Schmidt: Je comprends tout cela, mais je ne suis pas d'accord quand vous dites que vous ne serez pas un concurrent. Je pense que vous serez un concurrent.

M. Beaudoin: Du programme PPE?

M. Schmidt: Des banques à charte.

M. Beaudoin: Non, pas des banques à charte. Il y aura des cas où, en comparant le programme PPE et la BFD, il faudra savoir où sont les... À un moment donné, vous m'avez demandé si le programme PPE était plus efficace que celui de la BFD. Il a été démontré que celui de la BFD est beaucoup plus efficace.

M. Schmidt: La situation est tout à fait différente, car nous avons une nouvelle loi sur le PPE. Vous ne pouvez pas l'appliquer à une situation passée, car elle et nouvelle.

M. Mitchell: Pour revenir à la question de la complémentarité, je crains vraiment que vous ne soyiez en train de créer une bureaucratie et de faire tout ce que vous pouvez pour convaincre les banques à charte que vous n'êtes pas en concurrence avec elles.

À mon avis, les choses devraient être relativement simples: vous coûtez plus cher ou vous offrez un service qu'elles n'offrent pas, un point c'est tout. Par conséquent, si quelqu'un traite avec vous et vous emprunte de l'argent, il paie plus cher. Par conséquent, c'est complémentaire. Ou alors vous offrez quelque chose que les banques n'offrent pas - par définition, sinon, cela ne ferait pas partie de vos activités.

Vous n'avez pas besoin de déployer tant d'efforts pour déterminer si vous êtes en concurrence avec elles. Cette disposition semble avoir été prévue uniquement pour les rassurer.

J'ai une deuxième observation.

Quelqu'un vient vous demander un prêt. Puis il se rend à une banque à charte. Celle-ci lui offre le prêt, mais à de meilleures conditions. Le taux d'intérêt n'est pas inférieur, mais les autres conditions sont meilleures.

Ce client est-il obligé d'aller à la banque à charte parce que celle-ci lui a offert un prêt à de meilleures conditions, ou peut-il choisir vos conditions?

M. Beaudoin: En ce qui concerne le premier volet de votre question, je crois que la notification des banques est faite en partie au profit des petites entreprises, car nous savons qu'il est plus coûteux de traiter avec la BFD.

M. Mitchell: Dites le leur.

M. Beaudoin: Si nous disons à la banque qu'il y a cette demande, si elle estime qu'il est de son intérêt de servir la petite entreprise et de lui offrir le financement, elle va le faire à un taux d'intérêt moindre.

M. Mitchell: Alors dites simplement au client que s'il traite avec vous, s'il vous emprunte de l'argent, il paiera plus cher.

Une voix: Je suis tout à fait d'accord.

M. Mitchell: Veuillez donc répondre à la deuxième question, portant sur le cas où les conditions de la banque sont meilleures, mais où c'est elle qui offre le prêt. Si vous faites le prêt, êtes-vous en concurrence avec la banque? Ferez-vous le prêt?

M. Beaudoin: Si les conditions sont vraiment dures pour la petite entreprise qui fait la demande, par rapport à ce que nous jugeons acceptable pour l'appuyer, nous lui ferons le prêt.

M. Mills: Au lieu de demander aux témoins de répondre à ma question, je vais leur demander de préparer et de m'apporter demain ou après-demain...

Quand aura lieu la prochaine réunion?

Le président: À 10 heures.

M. Mills: Avant le weekend, j'aimerais recevoir un peu plus d'information sur votre programme de prêts directs et son fonctionnement, ainsi que sur votre prêt relatif au capital de risque.

Par ailleurs, vous contentez-vous de gérer votre fonds du patrimoine culturel, ou intervenez-vous effectivement dans le choix des personnes qui en bénéficient?

Le quatrième élément qui m'intrigue dans votre document concerne le changement du nom de la BFD. Je constate que vous avez fait des recherches approfondies auprès des PME dans toutes les régions du pays. J'aimerais obtenir un exemplaire de cette étude, car ses conclusions ne correspondent certainement pas à ce que j'ai constaté moi-même. J'aimerais donc obtenir des précisions sur la méthodologie, les données et le déroulement de l'étude.

.1725

Merci, monsieur le président.

Le président: Chers collègues, je vous rappelle que nous entamerons l'étude article par article mardi à 10 heures. Nous sommes mercredi; vous avez donc le temps de vous préparer.

Messieurs Beaudoin et Layne, la révision majeure de la BFD dans le projet de loi C-91... quand devrait-on procéder au premier examen de la BFD? Actuellement, on le fait tous les dix ans. J'ai eu l'occasion d'y réfléchir un peu; je vais donc vous dire ce que j'en pense. Il me semble que ce délai est un peu trop long, et je propose que vous envisagiez la possibilité de le ramener à trois ou cinq ans. Si vous voulez vous prononcer maintenant...personnellement, je préfère que l'examen survienne tous les trois ans.

M. Layne: Je pense que le Comité peut convoquer la banque à sa convenance.

M. Mills: Oui, tous les trois mois.

Le président: Non, je parle de l'examen prévu par la loi. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous avez choisi une périodicité de 10 ans. Ce délai ne me semble pas acceptable, et je vous propose trois ou cinq ans.

M. Mills: Cela est contraire à l'esprit que nous essayons de promouvoir au sein de ce Comité.

M. Layne: Je pense que l'on s'est inspiré de la Loi sur les banques pour imposer un délai de 10 ans. Toutefois, comme l'a dit M. Mills, l'examen pourrait avoir lieu tous les trois mois.

Le président: Non, je parle d'une disposition précise de la loi.

M. Layne: Toutes les dispositions de la loi sont assujetties à l'examen... ainsi que les activités de la banque.

Le président: Très bien. Je tiens simplement à signaler que c'est une observation que j'ai faite, et je voudrais soumettre ma proposition aux députés pour savoir ce qu'ils en pensent.

La Loi sur la faillite, qui a été révisée récemment, comporte une disposition qui prévoit que, dans certaines circonstances, les syndics de faillite ne sont pas personnellement responsables des dégâts environnementaux causés par un failli. Ne faudrait-il pas inclure dans ce projet de loi une disposition semblable régissant des institutions financières comme la BFD afin que, si vous êtes un sequestre...? En tant qu'avocat, je sais que c'est l'une des choses que nous examinons toujours, et je pense que la BFD doit bénéficier du même genre de protection que les autres banques.

Nous avons parlé de la complémentarité. Je voudrais donc que vous nous donniez une définition de ce terme en vue de l'étude article par article. Nous vous reviendrons avec quelques suggestions. J'ai demandé à notre attaché de recherche - il est en train de noter les observations qui ont été formulées aujourd'hui pour la semaine prochaine, et peut-être en arriverons-nous à des ententes au cours des prochains jours sur la question.

La séance est levée jusqu'à mardi prochain, à 10 heures.

Retourner à la page principale du Comité

;