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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 31 octobre 1995

.0925

[Traduction]

Le président: À l'ordre! Nous voilà partis.

Nous entendez-vous monsieur Shurman?

M. Laurence Shurman (ombudsman chargé de la surveillance des pratiques bancaires, Royaume-Uni): Je vous entends très bien. M'entendez-vous?

Le président: Tout à fait.

Je m'appelle John Godfrey et j'assume la présidence du comité. C'est un peu comme dans l'église primitive, lorsque deux ou trois personnes sont rassemblées nous pouvons amorcer nos délibérations.

Mes collègues du Parti libéral se sont réunis en caucus ce matin, comme vous pourriez le deviner, et entrent dans la pièce. Comme d'habitude, ils ont probablement oublié la salle dans laquelle se tient la réunion de sorte qu'il y aura un peu de va et bien.

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Nous pourrions au moins échanger quelques mots pour nous assurer que tout fonctionne. Je crois comprendre que le signal audio vous provient de votre télévision et non d'un écouteur. On me dit aussi qu'avec de la chance, s'il y a des interventions en français, vous les entendrez en anglais à la télévision également de sorte que vous n'entendrez que de l'anglais. Bien sûr, si vous préférez entendre les interventions en français, vous n'avez qu'à nous le dire. Nous pourrions probablement satisfaire à votre demande.

M. Shurman: Il serait utile que j'entende l'intervention en anglais. Mon français est plutôt rudimentaire. Mais je ferai de mon mieux.

Le président: Pour commencer simplement de façon informelle, vous pourriez peut-être nous dire combien de gens travaillent au Bureau de l'ombudsman. Quelle est l'envergure de votre Bureau?

M. Shurman: À l'heure actuelle nous avons environ une quarantaine d'employés en tout. Certains d'entre eux travaillent à temps partiel, mais il s'agit pour la plupart d'employés à temps plein. À peu près la moitié d'entre eux sont des avocats en titre.

Le président: Quelle est leur expérience en général? Ont-ils travaillé dans le milieu bancaire? D'où viennent ces 40 personnes?

M. Shurman: Il s'agit dans bien des cas de gens comme moi qui viennent d'un autre milieu et qui entreprennent une deuxième ou une nouvelle carrière. J'ai pratiqué le droit en cabinet privé pendant plus de 30 ans avant d'accepter ce poste, mais je n'étais pas spécialisé dans le domaine bancaire. Je pense que c'est assez important.

Nous avons bien une ou deux personnes possédant une expérience du milieu bancaire au bureau, mais pour que l'on continue à nous percevoir comme un organisme indépendant, nous avons cru bon de maintenir ce nombre à un niveau assez bas.

Je compte parmi mon effectif un véritable banquier que l'on appelle le conseiller bancaire résident. Il est affecté chez nous provisoirement pour une année par l'une des principales banques, pour l'instant la Lloyds Bank. Il se joint à nous comme expert possédant les toutes dernières connaissances, tant techniques que bancaires. Il ne participe aucunement au processus de décision mais il est une source spécialisée que nous pouvons consulter sans aller à l'extérieur.

Le président: Pouvez-vous au besoin obtenir de l'aide technique des banques? Comment obtenez-vous de l'aide pour les questions techniques? J'ose dire qu'il y en a beaucoup.

M. Shurman: Il n'y en a pas autant que vous pourriez l'imaginer. Vu que nous sommes un tribunal spécialisé, nous avons nous-mêmes à l'heure actuelle beaucoup plus de connaissances spécialisées que pourrait par exemple en avoir un tribunal vu que nous nous occupons constamment d'affaires à caractère bancaire. Nous avons donc beaucoup de savoir-faire.

Il arrive parfois que nous fassions appel à un spécialiste de l'extérieur. Par exemple, il nous arrive à l'occasion de recourir aux services de la police scientifique dans les cas de falsification de signatures. Nous ne prétendons pas avoir cette compétence. De même, dans le domaine de l'électronique, il nous arrive de faire appel à des spécialistes de l'extérieur.

Le président: Merci.

Je crois que nous avons maintenant suffisamment de collègues pour commencer d'une manière un peu plus officielle. On nous a fourni certains renseignements généraux, mais je soupçonne que nous ne fonctionnons pas tous avec les mêmes renseignements de base.

Quant à moi, comme je viens tout juste de me voir confier la présidence de ce comité, je trouverais très utile si pour commencer, d'une façon un peu plus officielle, vous nous faisiez un bref historique du poste que vous occupez. Pour quelle raison l'a-t-on créé au départ? Depuis combien de temps occupez-vous ce poste? Etes-vous le premier ombudsman chargé de la surveillance des pratiques bancaires? Peut-être pourriez-vous nous parler de la création du poste, si vous n'y voyez pas d'inconvénients.

M. Shurman: Je vais prendre cinq ou dix minutes pour vous faire l'historique du bureau.

Le président: Parfait.

M. Shurman: Je tiens d'abord à dire que, compte tenu du petit incident qui s'est produit ici récemment, vous ne savez pas si je suis le bon ombudsman.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Nous avons une photo de vous. Nous savons également que n'êtes pas la Reine.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Nous réagissons très vite ici.

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M. Shurman: Excellent.

D'abord, le bureau de l'ombudsman existe depuis dix ans environ, soit depuis le 1er janvier 1986. Mon prédécesseur a occupé le poste pendant trois ans. Je l'occupe depuis près de sept ans.

De manière générale, nous n'étions pas tellement satisfaits des mécanismes qui avaient été mis en place pour régler les plaintes et les différends entre, d'une part, le public, les particuliers et les petites entreprises, et, d'autre part, les banques. Le pouvoir de négociation entre les deux était inégal.

Les tribunaux, bien entendu, peuvent trancher les différends, mais ce système encourage la confrontation en plus d'être lent, formaliste et surtout coûteux. C'est le besoin d'équilibrer le pouvoir de négociation qui nous a poussés à créer un bureau de l'ombudsman. Ce dernier s'occupe maintenant de plus de 99 p. 100 des particuliers et des petites entreprises qui utilisent des services bancaires.

Le bureau procède par enquêtes et sa démarche est très informelle. Il n'est pas nécessaire pour les parties d'être représentées par un avocat; elles peuvent toutefois l'être si elles le désirent. Nous sommes, comme je l'ai déjà dit, un tribunal spécialisé. Par conséquent, contrairement aux tribunaux, nous avons une meilleure idée des questions qu'il convient de poser aux deux parties et, peut-être plus important encore, nous sommes mieux en mesure d'évaluer les réponses que nous recevons. Nous misons sur la conciliation et nous cherchons si possible à parvenir à une entente qui est juste. Nous adoptons, lorsque possible, une approche proactive.

Lorsque l'enquête démontre qu'une banque a tort, l'ombudsman peut prendre des mesures concrètes. En effet, je peux obliger une banque à verser jusqu'à 100 000 livres en guise de dédommagement. De plus, ma décision est exécutoire. Le plaignant, s'il n'est pas satisfait de la décision rendue, peut s'adresser aux tribunaux par la voie réglementaire, mais la banque n'a pas cette option. Toutefois, très peu de gens le font, compte tenu du fait qu'une enquête approfondie a déjà été menée et qu'une décision défavorable a été rendue. Rares sont les gens qui veulent entreprendre le processus une deuxième fois et aboutir aux mêmes résultats, car cette fois, ce sont eux qui doivent payer.

Il est important de souligner que le champ d'action de l'ombudsman est plus vaste que celui des tribunaux. Je dois rendre des décisions justes dans toutes les circonstances. Je dois pour cela tenir compte, bien entendu, des principes du droit et du Code de pratiques bancaires - j'y reviendrai plus tard - un code auquel toutes les banques souscrivent.

L'ombudsman doit également tenir compte de toute pratique de mauvaise gestion ou de traitement injuste. S'il constate qu'il y a eu mauvaise gestion ou traitement injuste, il peut conclure qu'il y a eu violation d'obligation.

De plus, l'ombudsman peut attribuer des dommages-intérêts pour tous les ennuis causés - «tracas» serait peut-être un meilleur terme - , ce que ne peuvent toujours faire les tribunaux.

L'aspect le plus important de ce système, c'est qu'il est entièrement gratuit. Et comme il n'y a pas d'avocats, il n'y a pas non plus de frais juridiques, que l'on soit gagnant ou perdant.

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J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de notre structure tripartite. D'abord, ce sont les banques elles-mêmes qui financent le bureau parce que quelqu'un doit le faire. Je dispose à l'heure actuelle d'un budget d'environ 2 millions de livres sterling par année. Les banques réunissent les fonds nécessaires et le bureau devient ainsi une société privée à responsabilité limitée. Celle-ci se compose d'une commission dont les membres proviennent de dix banques. Ces dernières approuvent, par l'entremise des membres de la commission, le mandat de l'ombudsman.

Pour éviter de donner l'impression que se sont les banques qui tirent toutes les ficelles, il y a entre l'ombudsman et les banques un conseil de huit membres, donc cinq, y compris le président, sont indépendants. Ces cinq personnes sont des personnalités publiques fort distinguées, et certaines sont de grands défenseurs des intérêts des consommateurs. Trois membres sont nommés par les banques.

Le conseil a pour mandat de préserver l'autonomie du bureau de l'ombudsman et de trouver, entre autres, les fonds dont il a besoin pour mener à bien ses activités. Le conseil nomme l'ombudsman, qui fait rapport de manière générale au conseil. Ce dernier ne participe pas aux décisions de l'ombudsman, cette responsabilité relevant uniquement de l'ombudsman.

J'ai un adjoint de même qu'un assistant, parce que je ne peux évidemment m'occuper de tous les dossiers. Le bureau compte également une quarantaine d'employés de soutien.

L'année dernière - c'est-à-dire l'année se terminant le 30 septembre 1994 - nous avons reçu environ 18 500 plaintes et demandes par téléphone, et environ 9 000 plaintes préliminaires, dont 900 environ ont fait l'objet d'une enquête approfondie. Si je mentionne ces chiffres, c'est pour souligner l'importance du bureau de l'ombudsman. Par exemple, la présence d'un policier sur une autoroute contribue de façon remarquable à ralentir les conducteurs. L'ombudsman, lui, produit un effet tout aussi remarquable puisqu'il cherche d'abord à empêcher les problèmes de surgir et, ensuite, à les régler lorsqu'ils se manifestent.

Ainsi, lorsqu'une plainte parvient à mon bureau, nous expliquons au plaignant qu'il doit d'abord recourir au mécanisme de révision interne de la banque. Dans neuf cas sur dix, le client ne l'a pas fait de sorte que nous le renvoyons à la banque. Si la plainte nous est d'abord soumise par écrit, nous conseillons au plaignant de recourir au mécanisme de révision de la banque en prenant soin de lui fournir le nom des autorités qu'il doit consulter au siège social ou au bureau régional. Nous écrivons en même temps à la banque pour l'informer du fait que nous avons reçu une plainte. Nous lui faisons parvenir une copie de la plainte et nous l'informons qu'elle a six semaines pour régler le problème ou déclarer qu'il y a impasse. En fait, il y a dix jours, j'ai ramené ce délai à quatre semaines.

Tout cela a un effet remarquable. La grande majorité des plaintes que nous recevons sont réglées à l'intérieur de ce délai. Un petit nombre fait l'objet d'une enquête. L'année dernière, il y en a eu 883 qui ont fait l'objet d'une enquête.

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Les enquêtes que nous menons sont très approfondies. Nous examinons surtout sur les documents. Nous posons un grand nombre de questions aux deux parties avant de rendre une décision.

Environ 20 p. cent des plaintes proviennent d'entreprises, et environ 80 p. cent de particuliers. Parce que les plaintes des entreprises sont plus complexes, elles accaparent environ 40 p. cent de notre temps.

La plus grande part des plaintes sont liées aux prêts et aux hypothèques. Elles comptaient pour 20 p. cent des plaintes reçues l'année dernière. Les plaintes les plus fréquentes qui font l'objet d'une enquête ont trait aux guichets automatiques. Elles représentaient 16 p. cent des plaintes l'année dernière. Toutefois, elles diminuent rapidement, gr'ce à notre code de pratiques bancaires. Je ne pense pas révéler de secret si je dis que les chiffres publiés sous peu seront nettement inférieurs à ce pourcentage.

Je tiens à ajouter que l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Irlande se sont dotés de bureaux similaires. Plusieurs autres pays ont mis sur pied des bureaux de l'ombudsman, et bon nombre d'entre eux se sont inspirés de notre expérience. Il convient aussi de mentionner que le Royaume-Uni compte 19 bureaux d'ombudsmans aussi bien dans le secteur public que privé. Mais il s'agit pour moi d'une initiative essentiellement privée.

Il s'agit d'une initiative très utile. Nous collaborons ensemble de façon très étroite. Nous avons créé ce qu'on appelle l'association des ombudsmans britanniques et irlandais, dont j'ai l'honneur d'être le président. Cet organisme est important en ce sens qu'il promulgue les normes favorisant la reconnaissance des bureaux d'ombudsmans. Parmi celles-ci figurent les critères d'autonomie, d'efficacité, ainsi de suite.

Au Royaume-Uni, bien qu'ils n'aient pas la réponse à tous les différents qui opposent le consommateur ou la petite entreprise aux sociétés plus grandes, les ombudsmans sont maintenant perçus dans tous les secteurs - bancaires, assurances, ainsi de suite - comme un élément important de la solution, ce qui n'est pas le cas des tribunaux, en tout cas dans ce pays.

Le président: Merci beaucoup. Je dois dire que vous nous avez présenté un exposé fort instructif. Je pense qu'il répond à bon nombre de nos questions.

Habituellement, monsieur Shurman, c'est l'opposition qui commence à poser les questions. Normalement, nous avons deux partis de l'opposition. L'opposition officielle qui n'est pas présente aujourd'hui... et le troisième parti, soit le Parti réformiste. Le premier intervenant dispose d'un temps de parole de dix minutes, qu'il peut partager avec un collègue. Nous passons ensuite au parti ministériel qui dispose à son tour de dix minutes. Et nous alternons ensuite entre les deux. Cette fois-ci, nous allons être un peu plus informels. Si certains membres souhaitent poser des questions, et pourvu qu'ils ne prennent pas la place de quelqu'un d'autre, j'essaierai d'être un peu plus souple, de ne pas appliquer le Règlement de façon trop rigoureuse.

Cela dit, je cède la parole à M. Schmidt, du Parti réformiste.

M. Schmidt (Okanagan-Centre): Bonjour.

M. Shurman: J'aimerais demander à l'adjoint de fermer les rideaux. Le soleil est éblouissant.

M. Schmidt: Il est fort éblouissant de ce côté-ci aussi, parce que le Canada, ce matin, est uni. Je crois que c'est merveilleux.

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Je tiens à vous remercier pour votre bref résumé. C'était un excellent exposé et vous avez anticipé bon nombre des questions que j'allais vous poser. J'aimerais, si vous me le permettez, vous parler du bureau lui-même.

Quels critères utilisez-vous pour déterminer qu'une plainte est parvenue à maturité, outre celui qui consiste à examiner la procédure utilisée par la banque? Je présume que vous avez d'autres critères qui vous permettent de déterminer si une plainte en particulier est prête à faire l'objet d'une enquête approfondie.

M. Shurman: Une plainte qui parvient à maturité est une plainte qui réunit tous les critères. D'abord, elle vise une banque ou un service bancaire; deuxièmement, tous les recours prévus par le mécanisme de révision interne de la banque ont été épuisés.

Nous disposons, pour chacune des banques, d'une liste des cas qui sont dans une impasse. Il peut y en avoir un comme il peut y en avoir dix. Toutefois, comme il est déjà arrivé qu'une banque refuse d'émettre une lettre reconnaissant qu'il y a impasse, il m'arrive parfois, si une personne a été lésée, de considérer que le dossier est dans une impasse et de passer à l'étape suivante.

Celle-ci consiste à instituer une enquête approfondie. À ce moment-là, nous demandons à la banque de nous fournir tous les documents. Il s'agit là d'un aspect important de mon mandat. J'ai le pouvoir d'exiger de la banque qu'elle me fournisse tous les documents qu'elle possède, et...[Difficulté technique - éditeur]... dans chaque cas, les documents que je compte recevoir, tous les dossiers de la banque, les déclarations d'employés concernés, ainsi de suite.

M. Schmidt: Pouvez-vous les obliger à vous fournir ces documents? Est-ce que les banques sont tenues de...?

M. Shurman: C'est une des conditions qu'il faut remplir pour être membre de la structure. Le mandat m'autorise à exiger - c'est obligatoire - de la banque qu'elle me fournisse des documents.

La banque peut, si elle le désire, stipuler que certains des documents sont fournis à titre confidentiel. Ce qui est tout à fait raisonnable si, pour des raisons de sécurité, on veut éviter que les renseignements divulgués ne soient utilisés par des criminels ou des faussaires. Mais, en général, j'indique à la banque que si elle désire déclarer ces renseignements confidentiels, je risque d'y attacher très peu d'importance, sinon aucune. Il n'est donc pas dans l'intérêt de la banque d'agir ainsi, et c'est pourquoi nous acceptons le moins de renseignements confidentiels possible.

M. Schmidt: C'est très bien. Merci.

J'ai une autre question à vous poser. Il y a deux équipes dans votre bureau qui vous aident à enquêter les plaintes. Comment décidez-vous qui va s'occuper d'une plainte en particulier? Allez-vous la confier aux services juridiques ou aux services administratifs? Est-ce qu'ils collaborent ensemble?

M. Shurman: Mis à part le personnel de soutien, j'ai une équipe qui s'occupe de vérifier les plaintes reçues par téléphone. Les gens nous transmettent de plus en plus leurs plaintes par téléphone et souvent, nous pouvons en 20 minutes trouver une solution au problème.

Les personnes qui s'occupent des plaintes faites par téléphone, des plaintes préliminaires et de la vérification n'ont pas, sauf une, de formation juridique. Certaines ont déjà travaillé pour des banques. Pour ce qui est des enquêtes approfondies, toutes les personnes affectées au dossier, sauf deux, sont des avocats.

Il est préférable de confier les enquêtes approfondies à des avocats dans presque tous les cas parce que la banque, très souvent, dispose de ses propres avocats. Pour que le pouvoir de négociation entre les deux parties soit plus équilibré, nous posons à la banque - en tant qu'avocats - des questions que le plaignant, lui, n'est pas en mesure de poser. Nous pouvons au besoin, comme cela s'est déjà produit, obliger les avocats d'une banque à faire marche arrière.

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M. Schmidt: Avez-vous souvent réussi à le faire?

M. Shurman: Si vous me permettez de répondre à une question légèrement différente, pour ce qui est des cas qui ont fait l'objet d'une enquête approfondie, l'année dernière, 44,3 p. 100 des décisions ont été prises en faveur des clients. C'est un pourcentage fort élevé parce que la banque essaie de régler un grand nombre des cas à l'étape préliminaire. Tous les cas évidents sont réglés, sauf lorsqu'il y a mésentente au sujet du montant. Il me semble que 44,3 p. 100, c'est très bon.

Les dommages-intérêts versés l'année dernière variaient entre 5 et 70 000 livres sterling. Nous n'avons pas atteint le chiffre de 100 000 livres. La moyenne des dommages versés l'année dernière était de 1 452 livres.

M. Schmidt: C'est très intéressant.

J'aimerais, monsieur Shurman, que vous nous donniez des exemples du genre de plaintes que vous traitez - un cas type, sans mentionner les noms ou autre chose de ce genre. La nature de la plainte, son origine, la façon dont elle a été réglée. Il nous serait utile d'avoir ce genre de renseignements.

Le président: Nous aimerions entendre parler des cas où des dommages-intérêts de 70 000 livres ont été accordés.

M. Shurman: Les plaintes portent sur l'ensemble des services bancaires -

M. Schmidt: Parlez-nous du dédommagement de 70 000 livres.

M. Shurman: Je ne sais pas si vous avez reçu un exemplaire de mon dernier rapport annuel, qui comprend une vingtaine de cas. En voici un par exemple. Il s'agit du cas d'un négociant qui exigeait d'être payé en argent comptant. Il est arrivé à la banque avec un sac rempli d'argent qu'il a voulu remettre à la caissière.

C'est littéralement quand il s'apprêtait à le remettre, mais avant même qu'il n'ait pu le faire, qu'un voleur a surgi dans la banque, a braqué son fusil sur lui et s'est enfui avec l'argent. C'était vraiment spectaculaire.

En vertu de la loi en vigueur au Royaume-Uni, en Angleterre, au pays de Galles et en Écosse, la banque n'est pas tenue légalement responsable, lorsque, en pareilles circonstances, le client a toujours l'argent en sa possession. Il n'avait pas matériellement remis l'argent au caissier si bien qu'à strictement parler, la banque n'était pas légalement responsable.

Ce n'est toutefois pas exactement ce que j'en ai conclu. Au cours de mon enquête, je me suis rapidement rendu compte que pour commencer, la caméra vidéo n'avait pas été mise en marche dans le hall de la banque, si bien qu'il était impossible ou, dans tous les cas, quasiment impossible, d'attraper et d'identifier le voleur qui ne portait pas de masque. J'ai également fait remarquer que toute cette situation n'était pas particulièrement saine d'un point de vue bancaire.

Bref, j'ai agi proactivement dans ce cas précis et j'ai persuadé la banque de rembourser une partie du montant en question. Sur 9 000 livres environ, 3 000 avaient été perdues. Voilà donc un exemple.

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D'autres cas sont fort différents. Parfois, ce ne sont pas des cas exceptionnels, comme celui-ci, mais plutôt des cas types. Par exemple, nous avons eu une série de cas au Royaume-Uni, liés à des comptes de dépôt que je qualifierais de démodés. Certains clients ont leur argent dans ce que nous appelons des comptes de dépôt à taux élevé. Pour obtenir une nouvelle part du marché, la banque lance ce qu'elle appelle un nouveau produit; un nouveau compte, appelons-le compte diamant.

Le compte diamant permet tout d'abord d'offrir un intérêt à peine plus élevé que le compte à taux élevé. Les clients de la banque qui surveillent la situation transfèrent leur argent du compte à taux élevé au compte diamant. Ce compte diamant sert essentiellement à gagner une part du marché sur les concurrents.

Les responsables de la commercialisation à la banque ont remarqué que beaucoup de clients ne suivaient pas vraiment la situation et qu'ils n'avaient pas opté pour le compte diamant. Ils se sont dit alors qu'il suffisait de diminuer l'intérêt du compte à intérêt élevé pour voir ce qui allait se passer. Quelques clients s'en sont rendu compte et ont opté pour le nouveau compte ou encore, ont changé d'institution bancaire. La plupart des clients n'ont rien fait.

Ce qui se produit, c'est que progressivement le taux d'intérêt, fort respectable pour le compte à intérêt élevé, soit le vieux compte dont la banque ne fait plus la promotion, est rabaissé à un taux d'intérêt purement nominal. Beaucoup des clients qui ont leurs économies dans ce compte sont des personnes 'gées ou des personnes qui ne sont pas très futées et qui dépendent fortement du revenu qu'elles tirent de ce compte. Elles auraient pu faire beaucoup mieux dans ce nouveau compte équivalent - c'est ce qui importe ici; le nouveau compte est comparable.

J'ai été en mesure de promouvoir de meilleures normes de pratiques bancaires tant et si bien que ceci n'est plus considéré comme une bonne pratique bancaire, même si ce n'est pas illégal et ne peut faire l'objet de poursuites au tribunal. Par suite de plusieurs décisions que j'ai prises, il est maintenant admis en 1995 que tout d'abord et à tout le moins, le fait qu'une banque envoie à son client une lettre personnelle, non pas une publicité-rebut, pour lui indiquer qu'il ferait mieux de transférer son argent du compte à taux élevé au compte diamant, constitue une bonne pratique bancaire.

Mieux encore, j'ai encouragé les banques à tout simplement transférer l'argent au compte diamant, car aucun client ne va s'opposer à un intérêt plus élevé dans un compte identique; beaucoup de banques l'ont fait.

Étant donné que j'ai réglé plusieurs cas à cet égard, je n'ai plus à le faire, car la banque règle immédiatement la situation quand elle se présente.

Je dois dire que je n'ai pas toujours accordé au plaignant le montant complet de la différence entre les deux comptes. J'ai parfois dit qu'en tant que client, la personne aurait dû être plus vigilante. Je peux diviser le montant de la différence en deux, par exemple, entre la banque et le plaignant.

Il s'agit, à mon avis, d'un bon exemple de la façon dont, gr'ce à ce bureau, nous avons non seulement été en mesure de résoudre les cas particuliers, mais aussi d'aider les banques à améliorer leurs pratiques bancaires. Après tout, tout ce que les banquiers disent, et je suis prêt à le croire, c'est qu'en fait, ils s'efforcent d'offrir de meilleures pratiques bancaires par rapport à leurs concurrents.

Le président: Poursuivons, si vous le voulez bien. Je pense que ces cas sont fort intéressants; j'ai bien apprécié l'histoire du voleur. En général, il se passe toujours des histoires formidables en Grande-Bretagne. C'est pour cela que nous regardons tous les émissions Masterpiece Theatre.

J'aimerais dire à mes collègues que nous avons également au moins une copie du Code britannique des pratiques bancaires que vous nous avez montré - la télévision n'est-elle pas merveilleuse - et des copies du rapport annuel renfermant certains des cas dont vous avez fait mention.

Alex.

M. Shepherd (Durham): Durham est le nom de ma circonscription; nous avons donc des attaches avec le Royaume-Uni.

Vous avez parlé de l'injustice du pouvoir de négociation. Pour beaucoup de nos petites entreprises au Canada, c'est quelque chose qui suscite beaucoup de réactions. Je me demande ce que vous pensez de la titralisation des prêts. Beaucoup de petites entreprises au Canada se plaignent de l'excès de la titralisation de leurs prêts. Autrement dit, si quelqu'un veut acheter du matériel qui coûte 50 000 livres, par exemple, les institutions financières examinent pratiquement tout ce que possède cette personne.

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L'injustice du pouvoir de négociation dont vous parlez s'applique-t-elle ici?

M. Shurman: Ce n'est pas un secteur auquel nous nous intéressons. Lorsque vous parlez de «titralisation», voulez-vous parler de la vente de l'hypothèque, du prêt, à un tiers, ou plutôt des garanties excessives que doit donner l'emprunteur?

M. Shepherd: Je veux parler des garanties excessives, j'imagine, qui se présentent sous deux formes : la garantie particulière, qu'il s'agisse d'hypothèque ou d'autre chose; et, en ce qui concerne nos pratiques bancaires, les garanties personnelles illimitées. On se demande s'il faudrait limiter de telles garanties.

M. Shurman: Permettez-moi de répondre partiellement. Tout d'abord, je veux être très clair; ce n'est pas à moi d'anticiper les décisions commerciales que pourrait prendre une banque en matière de prêts. Je pense que c'est bien ainsi et j'en suis fort satisfait. Je ne suis pas chargé de la réglementation des banques. Cela relève peut-être de la compétence du gouvernement, mais ce n'est pas à moi de décider de la façon dont les banques doivent fonctionner.

Toutefois, si une banque offre des prêts au grand public ou à une petite entreprise en particulier, elle doit le faire de manière juste et convenable. Ainsi, même si je ne me mêle pas d'une décision commerciale en matière de prêts, je peux intervenir en cas de mauvaise gestion ou de discrimination, et j'interviens. Par exemple, si un prêt est refusé pour des motifs de race, de sexe ou autre chose du genre, je peux intervenir immédiatement. Par contre, si les motifs sont de nature purement commerciale, je ne peux pas intervenir et je n'interviens pas.

J'interviens également si par exemple, - cela se passe souvent - un client rencontre un directeur de banque au club de golf et ce dernier lui fait comprendre qu'il n'aura aucune difficulté à obtenir un prêt pour la création d'une petite entreprise. Il se présente alors à la banque où on lui dit que le prêt est approuvé et qu'il suffit de le faire approuver au siège social. L'entrepreneur se fie à ces bonnes paroles et engage des dépenses. Puis, des semaines ou même des mois plus tard, lorsque la décision officielle est finalement prise, on lui dit que le prêt n'est plus disponible.

À mon avis, il s'agit d'un cas de mauvaise gestion. On lui a fait croire qu'il obtiendrait ce prêt. Il s'y est fié, même si techniquement, sa demande devait être officiellement approuvée. J'accorderais donc probablement un dédommagement dans ce cas-là.

Quant à l'autre point que vous avez soulevé, celui des garanties, il s'agit d'un sujet très brûlant ici. Je crois que les pratiques se sont bien améliorées. Je me suis toujours complètement opposé aux garanties illimitées. La plupart des banques du Royaume-Uni ne demandent plus de garanties illimitées, ce qui, à mon avis, est une sage décision de leur part et ce qui, par ailleurs, est plus acceptable socialement. Je veux parler ici cependant des garanties illimitées demandées à des gens qui n'ont pas véritablement de participation dans l'entreprise.

Prenons l'exemple précis de deux conjoints. C'est l'entreprise du mari où la femme détient une ou deux actions symboliques. Elle porte le titre symbolique de directrice. Elle ne s'occupe absolument pas de l'entreprise. A mon avis, il est tout à fait déraisonnable de demander une garantie illimitée à l'épouse en pareil cas. On peut lui avoir demandé - et nous avons déjà eu des cas comme celui-ci - : «Pouvez-vous garantir le prêt de 20 000 livres de votre mari?». C'est le montant du prêt; or, cinq ans plus tard, il se trouve que c'est un prêt de maintenant 95 000 livres, que l'entreprise a fait faillite, que le mariage est en train de craquer et que le seul élément d'actif qui reste est la maison familiale, laquelle appartient à l'épouse et sert de nantissement à la banque.

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Je m'oppose entièrement à ce genre de situation qui ne se présente d'ailleurs quasiment plus, étant donné que l'on ne demande normalement plus de garanties illimitées et qu'il existe également des mécanismes de protection des conjoints en pareilles circonstances.

M. Shepherd: Pourquoi donc les banques se sont-elles débarrassées des garanties illimitées? Est-ce le résultat d'un processus législatif?

M. Shurman: Non, cela n'a pas fait l'objet d'une loi, mais comme bonne pratique bancaire, la plupart des grandes banques du Royaume-Uni ne demandent plus de garanties illimitées à ceux qui n'ont pas de participation importante dans l'entreprise.

M. Shepherd: Merci.

Le président: Je suis sûr que s'ils ont des questions à poser, mes collègues ne manqueront pas de me le faire savoir. J'en ai personnellement quelques-unes à vous poser.

La première porte sur la séparation entre un plaignant particulier et un plaignant représentant une petite entreprise. Je siège depuis peu au sein de ce comité et je ne suis pas sûr si dès les débuts des débats sur le sujet de l'ombudsman, nous avions décidé de nous limiter aux fonctions d'un ombudsman dans la petite entreprise ou d'examiner également la question des plaintes de particuliers, soit 80 p. cent des cas que vous avez à traiter.

Peut-être que mes collègues pourraient m'aider à cet égard.

Outre le fait que 20 p. cent des cas de nature commerciale ou qui traitent de la petite entreprise prennent 40 p. cent de votre temps, pensez-vous qu'ils représentent quasiment un travail distinct au sein de vos fonctions globales? En d'autres termes, pensez-vous pouvoir séparer les plaintes émanant de la petite entreprise de celles émanant de particuliers?

M. Shurman: Non. C'est de plus en plus le contraire qui se produit. En règle générale, une plainte émanant d'une entreprise met en jeu tout un ensemble de comptes personnels et d'affaires. Habituellement, des particuliers sont mis en cause. Ils ont leur compte personnel et leur comptes d'affaires et il est probable que leur entreprise et leur domicile sont garantis. Il faut donc envisager la plainte dans son ensemble.

Il n'y a pas à mon avis de séparation artificielle. De plus en plus, des gens exploitent une petite entreprise de chez eux, travaillent à mi-temps dans un domaine, dirigent une entreprise, etc. C'est à mon avis typique de la situation actuelle. Nous ne voyons pas de grande différence.

Depuis le début, il s'agissait de traiter des particuliers; particuliers et partenaires sont inclus depuis le début.

Bien sûr, un partenariat pourrait correspondre à une très vaste entreprise. La limite est fixée à 100 000 livres. Ainsi par exemple, un grand cabinet d'avocats qui aurait à se plaindre d'une banque, ne me confierait pas cette t'che, car le montant contesté serait probablement bien supérieur à 100 000 livres.

La distinction faite entre les partenariats d'une part et les petites entreprises à l'origine constituées en société, d'autre part, était artificielle. Il se peut très bien qu'une entreprise soit constituée en société au Royaume-Uni, sur les conseils du comptable, pour des raisons fiscales. La même entreprise pourrait être aussi bien exploitée sous un nom personnel.

C'est en fait par suite de pressions exercées par le gouvernement que la structure a été modifiée afin d'y englober les petites entreprises. Une petite entreprise affiche un chiffre d'affaires inférieur à un million de livres par an. C'est un chiffre relativement peu élevé, mais cela permet d'englober le petit magasin ou la petite entreprise du coin constituée en société.

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Le président: Dans notre pays, je pense que par suite des travaux effectués par ce comité avant que je n'y arrive, nous voyons non pas une bousculade de la part des banques pour créer un «bureau de l'ombudsman» à l'intérieur de leur propre structure, mais, à tout le moins, une tentative assez marquée dans ce sens. Nous avons l'impression qu'il est possible que les grandes banques dont nous rencontrerons les représentants d'ici la semaine prochaine, nous annoncent qu'un poste officiel d'ombudsman figure dans leur organigramme.

À l'intérieur de la structure des banques ou de celle des membres qui vous appuient, pour ainsi dire, donne-t-on un tel titre à ceux qui s'occupent initialement des plaintes? Si tel est le cas, les banques sont-elles autorisées à utiliser ce terme à la légère ou doivent-elles également respecter le genre de règles fondamentales de l'association que vous aviez et dont vous avez fait mention? En d'autres termes, peut-on s'approprier le terme?

M. Shurman: Permettez-moi de répondre à cette question. Les habitants de la Nouvelle-Zélande sont les plus sages de la terre. Dans ce pays, personne ne peut utiliser le terme «ombudsman», sauf s'il s'agit de l'ombudsman parlementaire ou de ceux pour lesquels ce titre est approuvé. En Nouvelle-Zélande, seulement trois personnes sont désignées ombudsmen - l'ombudsman parlementaire, l'ombudsman des banques et maintenant, l'ombudsman de l'assurance. Je crois que c'est préférable.

Au Royaume-Uni, le terme «ombudsman» n'a pas de protection prévue par la loi. Si nous avons créé l'association, c'était pour identifier ceux qui étaient indépendants et répondaient aux autres critères; aucun ombudsman interne, propre à la société - s'il était appelé ainsi - ne répondrait aux critères pour cette même raison. En fait, certains journaux au Royaume-Uni ont créé des postes de soi-disant ombudsmen qui en fait s'appelaient «amis du lecteur»; la même chose s'applique à certaines autorités locales.

J'ai le plaisir de dire qu'au Royaume-Uni, aucune banque n'a d'employé appelé ombudsman, et je pense pouvoir exercer suffisamment de pressions sur les banques pour empêcher que cela se produise. Toutefois, chaque banque possède sa propre procédure interne de règlement des plaintes, pour ainsi dire, habituellement dirigée par un employé appelé «directeur des services à la clientèle» - c'est habituellement un titre comme celui-ci - et le chef des services à la clientèle est habituellement une personne qui peut émettre une lettre confirmant qu'il y a impasse. Mais je crois que pour gagner la confiance du public, il est absolument essentiel d'être perçu comme indépendant et en fait, de l'être.

Même si la procédure interne de règlement des plaintes de la banque est bonne, elle n'est pas indépendante. Il est utile pour les banques qu'une personne de l'extérieur examine ce qu'elles font, parce qu'elles ont alors la possibilité de savoir ce qui ne va pas, ainsi que le démontre leur expérience de l'ombudsman.

Même si - surtout dans les premiers temps de la création du bureau de l'ombudsman - les banques n'aiment pas beaucoup se faire critiquer et peuvent offrir pas mal de résistance, elles finissent par s'y habituer et jugent, comme la plupart de nos banques le font maintenant, qu'il s'agit-là d'une expérience d'apprentissage. Elles découvrent en fait ce qui ne va pas, car il est très facile à l'interne de camoufler ou de passer sous silence certaines choses qui ne devraient pas l'être; il faut un examen externe. À mon avis, le public pense qu'un examen externe s'impose; c'est ce dont le bureau de l'ombudsman peut se charger.

Le président: Avez-vous décelé - bien entendu, cela précède votre administration - au moment de la création de ce bureau tripartite, un certain scepticisme de la part du public à l'égard d'un tel bureau financé par les banques, malgré la présence du conseil qui, d'après ce que je peux comprendre, est le mécanisme essentiel qui garantit l'indépendance? Pensez-vous que ce scepticisme ne s'est dissipé qu'après quelques décisions sévères?

M. Shurman: Je pense que le public était quelque peu sceptique. Notre bureau d'ombudsman n'était pas le premier du genre dans le secteur privé. Il y avait d'abord eu celui de l'ombudsman de l'assurance, qui a fait oeuvre de pionnier. Nous étions le premier bureau d'ombudsman des banques dans le monde.

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Il est intéressant de noter que selon un récent sondage, le sondage Mori, la moitié à peine de la population connaît l'existence du bureau de l'ombudsman des banques après 10 ans. C'était exactement la même chose dans le cas de l'ombudsman parlementaire, ce qui, à mon avis, est fort encourageant. Cela ne signifie pas nécessairement une confiance totale, point qu'il est impossible de vérifier, parce que ceux qui ont obtenu gain de cause diront toujours que c'est un bureau merveilleux, tandis que les autres diront qu'il est financé par les banques et que même en présence d'un tel conseil, il n'est pas objectif. Cela est toutefois assez rare.

Nous recevons assez souvent des lettres de personnes qui nous remercient pour le caractère minutieux de nos enquêtes. Hostiles envers nous, elles nous disent que nous avons pris la mauvaise décision, mais elles nous remercient d'avoir mené une enquête aussi détaillée et approfondie. Je le répète, c'est un élément du mandat de tout bureau d'ombudsman: susciter la confiance et se soumettre à un examen minutieux.

Le président: Voici la dernière question que je souhaite poser avant de céder de nouveau la parole à M. Schmidt et à mes collègues. Même si le mécanisme à l'intérieur des banques ne s'appelle pas bureau de l'«ombudsman», mais peut-être bureau du «directeur des relations avec la clientèle», pensez-vous qu'officiellement ou non, ou gr'ce à vos décisions, vous tentez, avec ces bureaux, lesquels doivent varier d'une banque à l'autre, d'améliorer les pratiques bancaires? Ou leur faites-vous remarquer, publiquement ou en privé, que même s'ils croient disposer d'une procédure d'appel, ils se trompent lourdement et de façon ridicule? Quels sont vos rapports avec eux et ont-ils évolué depuis la création du bureau?

M. Shurman: Tout d'abord, je ne peux pas donner à toutes les banques des conseils sur leurs procédures, puisque ces procédures varient d'une banque à l'autre. Je me suis efforcé par contre d'accélérer les choses et de faire en sorte qu'il y ait le moins de paliers de règlement des plaintes que possible.

Jusqu'à tout récemment, une de nos grandes banques comptait quatre paliers de règlement des plaintes. De toute évidence, que cela ait été intentionnel ou non, le fait qu'un particulier, ou qu'une entreprise ait à passer par quatre paliers de règlement de plaintes... semblait être calculé pour l'inciter à abandonner la partie. J'ai donc dit à la plupart des banques qu'elles devraient idéalement n'avoir que deux paliers de règlement des plaintes. Telle est actuellement la situation dans la plupart des cas.

Ainsi que je le disais plus tôt, je crois, aucun délai n'était fixé au moment où j'ai pris mes fonctions. J'ai imposé un délai de six semaines pour résoudre une plainte ou en confirmer l'impasse afin de précipiter la crise et de faire en sorte que tout le monde y pense. J'ai simplement accéléré les choses et ramené le délai à quatre semaines. C'est ainsi que l'on serre la vis et c'est également ce que permet de faire le code des pratiques bancaires.

L'élément le plus important du code est le principe cité au paragraphe 2.1(b), en vertu duquel les banques doivent agir de manière juste et raisonnable dans toutes les affaires qu'elles traitent avec leurs clients. Cela va beaucoup plus loin que la transparence et l'ouverture que l'on retrouve dans le petit document canadien sur le code de conduite pour les relations des banques avec les petites et moyennes entreprises. Il traite non seulement du fond, mais aussi des procédures, puisqu'il exige que les procédures soient justes et rapides. Cela figure en particulier au principe 7.1 sur les plaintes de la clientèle qui prévoit que les banques doivent donner suite aux plaintes justement et promptement. C'est très important.

Dans les cas où une banque ne respecte pas ce principe, il m'est arrivé à l'occasion d'accorder une indemnisation, même si la plainte n'était pas fondée.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Schmidt.

M. Schmidt: Merci, monsieur le président.

J'aimerais revenir à l'administration proprement dite du bureau de l'ombudsman, notamment aux rapports entre la société - la commission, si vous voulez - et le conseil lui-même; en quoi diffèrent-ils et quels sont leurs rapports?

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Pourriez-vous indiquer brièvement quelles personnes sont choisies comme représentants, membres ou directeurs de cette commission et quelles personnes sont choisies pour le conseil? Y a-t-il chevauchement de postes d'administrateurs entre ces deux organes?

M. Shurman: Oui, il y en a. Deux des trois membres des banques du conseil sont également membres de la commission. On est en droit de se demander si cela convient ou non. Cela présente un avantage certain, puisque cela permet d'établir la communication entre les deux organes. Vous pourriez dire qu'il vaudrait mieux ne pas porter deux chapeaux.

Ce qui importe bien sûr, c'est que ces deux membres font partie d'un petit groupe de trois. À toutes fins pratiques, les personnes qui sont nommées sont des personnalités fort responsables et je n'ai certainement pas lieu de m'en plaindre.

Quant au conseil lui-même, il serait peut-être utile de vous indiquer d'où viennent les cinq membres indépendants.

Le président actuel, Sir David Calcutt, c.r., est un avocat fort distingué qui, entre autres choses, était responsable de deux rapports sur la presse, sur les commissions des plaintes sur la presse, etc. Il est également président du panel de prise de contrôle de la bourse. C'est une personnalité très respectée de la vie publique.

Sir Alastair Burnet, l'un des membres du conseil, est un ancien journaliste fort distingué. Il était rédacteur du magazine The Economist et récemment, présentateur de The News at Ten. Il s'agit de l'une des plus importantes émissions de nouvelles télévisées.

Marie Patterson, entre autres choses, était présidente du Trades Union Congress.

Richard Thomas a d'abord été directeur des affaires des consommateurs au National Consumer Council. Par la suite, il a été directeur des affaires des consommateurs à l'Office of Fair Trading.

Dame Rachel Waterhouse, dont le nom figure dans le rapport que vous avez peut-être, était présidente de la Consumers' Association. Les deux principaux organes des consommateurs au Royaume-Uni sont la Consumers' Association et le National Consumer Council. Elle est en fait maintenant remplacée - elle a pris sa retraite - par Ann Scully, vice-présidente du National Consumers Council.

Il s'agit donc d'un groupe assez solide. Cette force, ainsi que l'appui accordé au bureau par les banques, font en sorte que la question de l'indépendance n'est pas vraiment mise en doute.

M. Schmidt: Qui est chargé de la nomination de ces personnes?

M. Shurman: Elles sont nommées par le conseil lui-même, à l'exception du président, lequel est nommé par la commission, sur approbation du conseil.

La commission a le droit d'approuver - j'imagine, d'exercer son droit de veto, si vous voulez - les nominations au conseil. Je dirais qu'il est fort improbable qu'elle ne cherche jamais à prendre d'autres mesures que celle d'approuver toute personne nommée. Ce qui est maintenant essentiellement prévu, c'est que les membres du conseil doivent provenir de ces milieux et, comme vous le voyez, il semble qu'il s'agisse des médias, des syndicats et des organisations de consommateurs.

M. Schmidt: Comment les membres de la commission sont-ils nommés?

M. Shurman: Par les banques. La commission est principalement dominée par les grandes banques, mais certains de ses membres proviennent de banques moins importantes.

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M. Schmidt: Est-ce que la loi qui régit toute cette structure est une loi nationale qui porte création du bureau de l'ombudsman et également de ses commissions et conseils?

M. Shurman: Non, pour l'instant, il s'agit d'une structure facultative, non prévue par la loi.

Le Parti travailliste a proposé que la structure soit assujettie à une loi. Personnellement, je préfère qu'elle soit facultative. En effet, en pareil cas, mes décisions doivent être acceptées par les banques et, à toutes fins pratiques, celles-ci ne disposent pas vraiment de droit d'appel. Je pense que c'est important, car si elles pouvaient facilement interjeter appel, cela ferait pencher la balance du côté des plus fortes.

On pourrait le contester. Je ne pense pas que la différence serait énorme si la structure était prévue par la loi. La structure serait plus ou moins équivalente à celle que nous connaissons actuellement.

M. Schmidt: Est-il difficile de faire exécuter vos décisions?

M. Shurman: Non, car pour être membre de cette structure, la banque doit respecter mes décisions. Si elle ne le faisait pas, elle cesserait d'être membre. Cela aurait des répercussions si désastreuses en matière de publicité que je ne crois pas qu'une banque puisse envisager une telle option.

Je pourrais dire que les banques disposent d'une très petite échappatoire, pour ainsi dire, qui leur permet de se soustraire au caractère obligatoire des décisions; j'en suis d'ailleurs assez satisfait. Nous avons ce que nous appelons la disposition de cause type. Si une banque n'est pas satisfaite de la décision que j'ai prise et croit que la question en jeu est importante en raison de sa nouveauté, qu'il s'agit d'une nouvelle question de droit de grande envergure - ou quelque chose du genre - elle peut me demander que la cause en question serve de cause type. Si je juge cette demande raisonnable, j'y donne alors suite, sous réserve d'une importante clause conditionnelle: la banque doit supporter tous les frais juridiques, qu'elle gagne ou qu'elle perde, frais encourus par elle-même ainsi que par le plaignant. La cause est alors entendue devant un tribunal supérieur, lequel doit la juger comme cause type.

Il me suffit de vous dire qu'en l'espace de dix ans, nous venons juste d'avoir notre première cause type, ce qui montre qu'il ne s'agit pas d'une échappatoire fréquemment utilisée. Je n'ai aucun problème à ce sujet, étant donné que les ombudsmen ne sont pas plus infaillibles que quiconque. Dans ce cas particulier, la question légale qui se pose est très technique et j'attends avec beaucoup d'intérêt la décision du tribunal.

J'aimerais soulever un autre point dont je n'ai pas encore traité. Il pourrait vous intéresser au Canada. Je m'occupe à la fois de l'Écosse et de l'Irlande du Nord, ainsi que de l'Angleterre et du Pays de Galles. Si je le précise, c'est que les pouvoirs juridiques en Écosse sont distincts, de même qu'en Irlande du Nord, si bien que la loi est en fait légèrement différente. Cela pourrait s'appliquer au contexte fédéral canadien.

Le président: Pas encore.

Ce qui m'intrigue, c'est que d'une part, vous avez la deuxième version d'un code de pratiques. C'est un code des banques, des sociétés de construction, etc. D'autre part, si je comprends bien, vous n'avez pas encore pu y intégrer un code de pratiques applicable notamment aux petites et moyennes entreprises. Par ailleurs, nous - et je crois que vous en avez fait mention plus tôt - et par «nous», je veux parler de l'Association des banquiers canadiens et non pas du comité - nous avons publié un code de conduite pour les relations des banques avec les petites et moyennes entreprises.

Voici donc la façon dont j'aimerais poser ces questions qui sont étroitement liées entre elles. Premièrement, pourquoi la petite entreprise n'est-elle pas encore englobée dans le code? Deuxièmement, j'imagine que vous avez un projet ou une certaine idée de ce que le code devrait renfermer. Peut-être existe-t-il un autre pays, l'admirable Nouvelle-Zélande ou encore un autre pays, qui a déjà réglé cette question.

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Troisièmement, quel que soit votre idéal pour nous, que pensez-vous du modèle que nous vous avons envoyé? C'est un peu paradoxal, étant donné que vous n'avez pas pris vous-même une telle mesure; vous voyez sans doute où je veux en venir.

M. Shurman: Oui, effectivement.

Tout d'abord, revenons à mon mandat. En vertu de mon mandat, je dois prendre des décisions conformément à ce qui, à mon avis, est juste dans toutes les circonstances. Je respecte les principes du droit et tout autre code de bonnes pratiques bancaires et je peux également examiner les cas de mauvaise gestion et d'injustice.

Bien que ce document-ci n'englobe pas les petites entreprises en tant que telles, la plupart des banques ont un code qui s'applique aux petites entreprises qu'elles comptent parmi leurs clients. Voilà pour le premier point. Donc, si je suis saisi d'une plainte d'une petite entreprise, je peux jeter un coup d'oeil sur le code de la banque et déterminer si cette dernière s'y est conformée.

Deuxièmement, même si le code ne s'applique pas, à strictement parler, aux petites entreprises, lorsque je détermine ce qui est juste dans toutes les circonstances, je le fais non seulement pour les clients personnels, mais également pour la petite entreprise. Il serait inconcevable qu'une banque puisse dire «Nous appliquons des normes moins rigoureuses à l'égard des petites entreprises». Toute banque qui ferait pareille déclaration se rendrait un bien mauvais service. La question ne se pose donc pas. Il serait tout simplement préférable que le code s'applique également aux petites entreprises.

J'ai demandé qu'on l'étende aux petites entreprises lors de la révision de la première édition du code. J'ai proposé beaucoup de changements et bon nombre d'entre eux ont été acceptés. Toutefois, cette proposition-ci n'a pas été prise en compte. Mais comme je l'ai déjà dit, dans la pratique, cela ne change pas grand chose.

Cela dit, le code ne va pas aussi loin que je le souhaiterais. Il ne va pas aussi loin que ce code-ci, qui semble mettre davantage l'accent sur l'ouverture, la transparence, ainsi de suite. Il n'exige pas que les banques agissent de manière juste et raisonnable dans toutes les affaires qu'elles traitent avec les petites entreprises.

Je tiens à dire qu'au Royaume-Uni, les clients personnels sont maintenant assujettis, en vertu d'un règlement européen, à des clauses et conditions injustes en ce qui concerne les contrats. Ces conditions injustes sont également susceptibles de s'appliquer aux contrats-types qui visent les petites entreprises.

Le président: Merci beaucoup. Ces renseignements pourraient être utiles à l'Association des banquiers canadiens qui assiste aujourd'hui à notre réunion. Elle pourrait prendre note des observations positives que vous avez formulées au sujet de son code.

Y a-t-il d'autres questions ou interventions?

M. Shepherd: J'aimerais poser une question d'ordre général parce que je sais que le concept de l'ombudsman vous intéresse. J'ai ici avec moi des projets de loi d'initiative parlementaire qui proposent la création d'un poste d'ombudsman dans le domaine de l'impôt. Ce serait l'équivalent de votre ombudsman parlementaire.

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Le sous-ministre du Revenu estime qu'il n'y a pas lieu de créer un tel poste, parce que les députés peuvent agir en qualité d'ombudsmans. Que pensez-vous de tout cela?

M. Shurman: J'ai quelques observations à formuler là-dessus. D'abord, nous avons au Royaume-Uni un arbitre qui se charge de trancher les différends en matière de revenu. Il agit un peu comme un ombudsman. Ce poste est occupé par une femme qui est très compétente et qui a accompli de l'excellent travail en très peu de temps.

Son mandat, comme vous le laissez entendre, est assujetti à l'examen des parlementaires. Toutefois, on pourrait dire que son rôle s'apparente à celui d'un ombudsman. On pourrait également dire qu'elle fait partie du processus de révision interne du ministère du Revenu.

Pour ce qui est de la question de savoir s'il faut créer ou non des postes d'ombudsmans, je crois que les députés jouent un rôle essentiel puisque ce sont eux qui reçoivent les diverses plaintes de leurs électeurs. Toutefois, il n'est pas nécessaire que tout se fasse par l'entremise du député. Si le député pouvait soumettre une plainte à l'ombudsman, ce serait à l'avantage de tout le monde.

Je dirais qu'un député me transmet environ une plainte par jour. Je trouve cela très utile, tout comme les députés d'ailleurs. J'ai eu l'occasion de discuter de cette question avec bon nombre d'entre eux à plusieurs occasions. Je sais qu'un député voudrait parfois s'occuper seul d'un dossier, mais je ne pense pas que ce soit l'opinion générale.

Je suis toujours très content lorsqu'un député me soumet un dossier. Habituellement, quand une enquête doit être menée, le député me confie le cas et je l'informe tout simplement des mesures qui ont été prises une fois le dossier réglé.

Le président: Merci.

Monsieur Mitchell.

M. Mitchell (Parry Sound - Muskoka): J'ai une petite question à vous poser. Combien de temps consacrez-vous en moyenne au traitement d'une plainte à partir du moment où vous constatez qu'il y a impasse et celui où il y a résolution?

M. Shurman: L'année dernière, 72 p. 100 des cas ont été réglés en 170 jours. C'est le nombre de jours qu'il a fallu pour mener une enquête approfondie.

Comme la procédure d'enquête comporte deux volets et que 28 p. 100 des cas franchissent cette étape, le délai moyen est d'un peu plus de 230 jours. C'est très long. J'ai dit plus tôt que les plaintes que nous recevons et que nous enquêtons constituent la pointe de l'iceberg. L'important, c'est que compte tenu du fait que 72 p. 100 des cas ont été réglés en 170 jours et qu'il a fallu 230 jours pour mener des enquêtes approfondies, la grande majorité des cas qui nous sont maintenant soumis seront réglés en quatre semaines. Nous essayons toujours d'adopter une approche très proactive.

Laissez-moi vous donner un exemple. Il est toujours préférable de donner des exemples concrets.

Quelqu'un nous écrit et nous constatons qu'il se fait de fausses idées au sujet des dommages-intérêts auxquels il a droit, peut-être parce qu'il regarde trop d'émissions américaines à la télé. Supposons que la personne croit qu'elle devrait obtenir 10 000 livres sterling parce qu'elle a été lésée, même si nous jugeons que le tort causé n'est pas tellement important. Toutefois, il est évident que la banque était en défaut. La banque lui a offert, disons, 100 livres. Nous examinons rapidement le dossier sans entreprendre une enquête approfondie. Nous nous formons une opinion et nous estimons qu'elle aurait droit à 350 livres sterling. Nous communiquons avec les deux parties. Dans la grande majorité des cas, nous nous entendons sur la somme de 350 livres et le dossier est clos.

Il faut donc tenir compte de ces scénarios, ainsi que des cas où nous devons faire une enquête approfondie, obtenir toutes les déclarations et tous les documents, poser toutes les questions, ainsi de suite.

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Mais il est important pour nous de rendre des décisions justes dans les cas qui font l'objet d'une enquête approfondie. Notre crédibilité dépend du bien-fondé de nos décisions, surtout si elles font jurisprudence et qu'elles servent de fondement à des centaines ou même à des milliers d'autres cas.

M. Mitchell: Donc, il serait juste de dire que les cas qui demandent beaucoup de temps sont des cas qui, si votre bureau n'existait pas - et si on le comparait au modèle canadien - ont été rejetés par les banques. Le fait d'avoir un ombudsman ne signifie pas que le processus est plus long, mais plutôt que le dossier avance. Autrement, il serait tout simplement mis de côté.

M. Shurman: Vous avez sans doute raison. C'est ce qui arriverait dans la plupart des cas, pour des raisons d'ordre pratique.

Pour ce qui est du traitement, je tiens à dire que nous encourageons les banques à s'occuper du dossier, puisqu'elles disposent après tout des outils nécessaires pour le faire. Nous lui disons donc que nous voulons une réponse dans un délai de 14 ou de 21 jours.

Nous n'exigeons pas la même chose des plaignants parce qu'ils ne disposent pas des mêmes outils que les banques. Ils travaillent peut-être à l'extérieur, ainsi de suite. En fait, je commence également à talonner un peu plus les plaignants.

C'est une question d'équilibre et si vous avez des cas compliqués, vous voulez établir des normes très élevées, permettre aux deux parties d'exprimer leurs vues, de consulter tous les documents, un point que je n'ai pas encore abordé...

Il m'arrive parfois d'envoyer au plaignant une liasse de documents que j'ai reçue de la banque. On ne peut pas s'attendre à ce qu'ils absorbent tous ces documents en cinq minutes s'ils travaillent 12 heures par jour. Il faut leur donner du temps. Il faut leur expliquer le dossier t communiquer avec les deux parties à plusieurs reprises.

Il faut du temps pour rendre une décision de qualité et acceptable. Je persiste à dire que je veux ramener le délai de 230 à 180 jours, mais je commence à me rendre compte qu'il sera très difficile d'atteindre cet objectif si je veux continuer de rendre des décisions de qualité. Et je crois que la qualité importe plus que la vitesse.

M. Mitchell: Merci beaucoup.

Le président: Lorsque vous avez un cas qui doit être réglé très rapidement parce qu'un particulier ou une entreprise risque de faire faillite, disposez-vous d'une procédure de traitement accéléré?

M. Shurman: Oui. Toutes les banques sont conscientes du fait que j'accélère le traitement du dossier lorsqu'un plaignant - et cela se produit souvent, je dois dire, dans le milieu de la petite entreprise - dépose une plainte dans le but d'éviter l'inévitable.

Il y a un autre point que j'aimerais ajouter. Il arrive parfois qu'une banque, dans les affaires qu'elle traite avec un client, commette une erreur. La plainte semble donc, à première vue, fondée. Toutefois, lorsque j'examine l'ensemble de la situation, je me rends compte que le montant des dommages-intérêts auquel le plaignant a droit ne suffira pas à couvrir la dette.

Supposons que quelqu'un doit 70 000 livres à la banque et que cette dernière menace de saisir les biens ou je ne sais quoi. Le plaignant dépose une plainte contre la banque. Nous examinons le dossier et informons la banque et le plaignant que les dommages-intérêts dans ce cas totalisent, au plus, 10 000 livres sterling. Nous leur proposons de régler le dossier en partant du principe que la banque pourra se rembourser à même les biens donnés en garantie, mais seulement jusqu'à concurrence de 60 000 livres. Les 10 000 livres qui restent seront gardés en réserve en attendant ma décision. C'est ce qui est arrivé dans de nombreux cas.

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Donc, nous essayons toujours d'être souples parce qu'il faut être juste à l'égard des deux parties, c'est-à-dire des banques et des particuliers. Sinon on risque de favoriser des clients qui ne le méritent pas au détriment de ceux qui n'ont jamais déposé de plaintes.

Le président: Merci beaucoup.

Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur Shurman, pour votre patience. Nous avons mis un peu de temps à nous organiser ce matin. Je tiens également à vous remercier pour votre exposé qui était très clair. Il nous sera très utile.

Le comité n'a pas encore décidé si le Canada doit se doter ou non d'un ombudsman. Je crois que nous avons besoin de quelqu'un comme vous, mais c'est le comité qui devra décider.

J'ai trouvé vos exemples fort intéressants et votre exposé très instructif. Le fait que d'autres pays aient mis sur pied des bureaux comme le vôtre peut aussi nous être utile. J'espère que si nous décidons d'envisager la possibilité de créer un tel bureau au Canada, nous pourrons compter sur vous et sur votre expérience pour nous guider.

M. Shurman: Je serais très heureux de vous aider et je compte vous faire parvenir des exemplaires de mon nouveau rapport annuel, qui a été envoyé chez l'imprimeur hier et qui sera publié au début de décembre.

Le président: Merci de votre patience et merci d'avoir participé à cette conférence vidéo. Je suis heureux de voir que nous n'avons pas été obligés de vous faire venir jusqu'ici et que vous pourrez retourner à votre travail et profiter aussi du soleil, puisque nous constatons qu'il fait toujours beau là-bas.

M. Shurman: En effet. Merci beaucoup et au revoir.

Le président: La séance est levée.

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