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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 24 avril 1995

.1530

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte.

Nous sommes heureux d'accueillir parmi nous cet après-midi les représentants de la National Firearms Association alors que nous poursuivons nos audiences au sujet du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. La National Firearms Association est représentée par David A. Tomlinson, son président national. Robert Morton et Linda Thom l'accompagnent.

Monsieur Tomlinson, je vais vous demander de nous présenter votre exposé. Nous avons vos noms, il est donc inutile de vous présenter. Vous pouvez commencer par votre exposé et les membres du comité vous poseront ensuite une série de questions selon la formule habituelle.

M. David A. Tomlinson (président national, National Firearms Association): C'est Linda Thom qui va faire notre exposé.

M. Robert Morton (National Firearms Association): Monsieur le président, laissez-moi vous présenter Linda Thom, qui a obtenu la médaille d'or au tir au pistolet aux Jeux olympiques de 1984 et qui est membre de l'Ordre du Canada.

Mme Linda Thom (National Firearms Association): Monsieur le président, honorables députés, chers invités, mesdames et messieurs. Je tiens à vous remercier tout d'abord sincèrement de nous avoir donné la possibilité de vous rencontrer aujourd'hui.

Les Canadiens ont à coeur les principes de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement; ces principes, les Canadiens tiennent à les respecter et à vivre dans une société de droit. Comme les citoyens d'autres sociétés démocratiques, les Canadiens, eux aussi, tiennent aux droits et aux libertés qui leur sont garantis. Ils chérissent ces acquis précieux, acquis pour lesquels nos ancêtres, et parmi eux mon père et mon grand-père, ont lutté au cours des deux guerres mondiales afin de les préserver. Ils se félicitent de voir que ces libertés et ces droits précieux sont protégés par la charte.

Les droits individuels peuvent exister et existent effectivement au sein de notre société et sont compatibles avec le bien-être de tous, un équilibre devant être fait entre les droits collectifs et les personnes, l'ordre d'un côté et la liberté de l'autre. Cet équilibre est fondamental et il exige de la confiance; il faut que la collectivité, le gouvernement, ait confiance que la personne exerce ses droits de manière responsable, et il faut que les personnes aient confiance que les règles sont équitables et établies en bonne et due forme en fonction de principes sains qui résistent à l'examen le plus rigoureux.

Honorables membres du Comité de la justice, c'est à cet examen du projet de loi C-68 que vous êtes convoqués aujourd'hui, un examen des nouvelles propositions que le gouvernement veut imposer à la population. Le gouvernement veut rajouter d'un seul coup une épaisse couche de réglementation à la pyramide déjà considérable des contrôles des armes à feu au Canada. Les contrôles existants sont déjà très étendus et exhaustifs. Ils viennent juste d'être étendus et renforcés par l'intermédiaire du projet de loi C-17 qui a été adopté au Canada lors des dernières années du gouvernement précédent. Pourtant, nombre des lois existantes ne sont ni utilisées, ni appliquées. On peut vraiment se demander si les principes de paix, d'ordre et de bon gouvernement vont être améliorés si l'on ajoute des contrôles inutiles de la manière proposée.

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Nous affirmons que les dispositions du projet de loi C-68 n'apporteront rien de positif; qu'elles ne visent pas la bonne cible; qu'elles sont bien trop coûteuses; enfin, qu'elles détournent les regards et les énergies des responsables de l'application des lois des véritables problèmes de notre société - problèmes liés à l'usage à des fins criminelles d'armes à feu et d'autres armes. Parallèlement, les nouvelles mesures de contrôle proposées remettent bien évidemment en cause, comme cela n'avait encore jamais été fait, les droits individuels et les libertés civiles.

Le projet de loi C-68 n'a rien à voir avec le contrôle de la criminalité, la protection des femmes, la diminution du nombre d'accidents ou la prévention du suicide. Le projet de loi C-17, par contre, abordait ces questions sociales importantes et le faisait en profondeur. Le projet de loi C-68 n'est une attaque contre les utilisateurs d'armes à feu à des fins sportives qui vise à obtenir une bonne couverture de presse.

Le projet de loi C-68 prévoit la confiscation sans compensation de centaines de millions de dollars de biens privés. Il fait perdre toute valeur à des objets historiques et à des collections précieuses. Il balaye en fait les économies faites pendant toute une vie par nombre de Canadiens, soit en rendant leurs collections sans valeur, soit en entraînant une sévère diminution de cette valeur.

Le projet de loi C-68 ne prévoit aucune indemnisation pour ceux qui en pâtissent. Il s'efforce d'éviter complètement le problème. Il est peu probable, toutefois, que les tribunaux aillent dans le même sens.

La confiscation que prévoit le projet de loi C-68 est tout à fait contraire à la loi. Peter W. Hogg nous dit que dans le droit constitutionnel canadien il y a une règle d'interprétation des lois dans le droit anglo-canadien qui fait qu'une loi qui confisque une propriété privée doit être interprétée comme exigeant implicitement qu'une indemnisation soit versée au propriétaire privé. Il convient que les députés se penchent sur ce problème avant qu'un préjudice irrévocable ne soit commis. Si vous n'en tenez pas compte, il se pourrait très bien que le Parlement ait une très lourde facture à payer lorsque les tribunaux se seront finalement prononcés sur la question.

Le projet de loi C-68 nous rappelle terriblement la mentalité de l'état autoritaire. Si vous pensez que nous exagérons, nous vous avons rapporté à titre de preuve des images tout à fait choquantes de scènes qui ont eu lieu tout dernièrement en Ontario.

Les personnes qui ont rédigé ce projet de loi semblent considérer les Canadiens comme des gens dangereux que l'on ne peut provisoirement tenir en respect que par des menaces. Ce projet de loi enfreint de toute évidence les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et il ne tient pas compte des droits dont jouissent traditionnellement les Canadiens dans une société libre. La plupart des coups portés par le projet de loi le sont à des gens qui n'ont rien fait de mal. Je le répète, ils n'ont rien fait de mal.

Le projet de loi C-68 renverse la charge de la preuve, une caractéristique fondamentale du droit pénal dans toute véritable démocratie, le Canada y compris. Contrairement à la législation précédente, le projet de loi C-68 exige que le citoyen fasse la preuve que la décision du fonctionnaire est erronée au lieu d'exiger que le fonctionnaire prouve qu'il a raison. Dans bien des cas, il n'y a même pas de droit d'appel. Le pouvoir des fonctionnaires est absolu.

Le projet de loi C-68 confère à la police et aux agents responsables des armes à feu des pouvoirs de perquisition et de saisie extrêmement étendus, les autorisant à perquisitionner le domicile privé de tout Canadien qui possède une arme à feu ou des munitions ou qui est enregistré à ce titre. Cela englobe les situations dans lesquelles aucun crime n'a été commis et où aucun crime n'est soupçonné.

Pensez-y un instant. Ce pouvoir de perquisition et de saisie permet d'entrer dans une maison, y compris lorsqu'aucun crime n'a été commis ou n'est soupçonné, pour la simple raison qu'une personne possède une arme à feu ou des munitions, ou est enregistrée à ce titre.

Le projet de loi C-68 autorise l'emprisonnement de toute personne qui refuse d'aider les autorités à perquisitionner sa maison ou de répondre à une question pertinente; et cela avant qu'elle ait pu avoir accès à un avocat. Qu'est devenu le droit de garder le silence?

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Le projet de loi C-68 autorise l'imposition d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement pour avoir exprimé un avis, même si cet avis n'est pas admissible à titre de preuve devant une cour de justice. Qu'est devenu le droit à la libre expression?

Le projet de loi C-68 enlève au Parlement presque toutes ses compétences en matière d'armes à feu, plaçant à l'avenir l'ensemble de la réglementation et des lois entre les mains du seul ministre de la Justice. Le pouvoir délégué au ministre est énorme. Oui, nous comprenons bien que selon la façon dont est formulée ce pouvoir, il appartient en réalité au gouverneur en conseil, mais vous êtes des parlementaires suffisamment expérimentés pour comprendre que le gouverneur en conseil ne fait pratiquement qu'entériner les souhaits du ministre. Même le contrôle des actions du ministre par le Parlement va disparaître si l'on adopte le projet de loi C-68. Certes, ce contrôle parlementaire est exigé par l'un des articles du projet de loi, l'article 111, mais il est immédiatement annulé par l'article suivant, article 112.

Ce projet de loi est en fait une invitation à se mêler de tout sans aucune limite. Il vise à contrôler les activités d'honnêtes citoyens exerçant au Canada des loisirs en faisant usage de biens privés. À ce titre, il pourrait bien échapper à la compétence du Parlement étant donné que ce type de pouvoir législatif appartient aux provinces.

Lorsque le contrôle des armes à feu a été inséré au départ dans le Code criminel, il s'agissait de toute évidence d'une question liée à la sécurité publique. L'expression: «en vue de la sécurité de leur titulaire ou d'autrui» revenait constamment dans toutes les situations. Les documents étaient peu nombreux, permanents et gratuits. Ce n'est plus le cas. Désormais, les documents sont nombreux, ils arrivent souvent à expiration et ils peuvent coûter plusieurs centaines de dollars. La sécurité du public n'est plus la priorité. En fait, cela ressemble plutôt à une ponction fiscale.

Même si le système de contrôle des armes à feu a été validé par le passé, il est probable que l'abandon de l'orientation en faveur de la sécurité publique s'accompagnant d'une dérive réglementaire ne passera pas le critère établi par la Cour suprême du Canada lorsqu'on légifère sur des questions de fond. Plusieurs provinces ont déjà fait savoir qu'elles allaient s'engager dans cette voie.

Les responsabilités financières qu'encoure le gouvernement sont déjà très lourdes. Lorsque la situation du projet de loi C-68 du point de vue du droit sera finalement résolue, ces responsabilités pourraient être encore bien plus grandes. Si il faut à la fois rembourser des droits de licence perçus illégalement et indemniser les possesseurs de biens privés confisqués ou détruits en vertu de lois et de décrets invalides, l'indemnisation devant être payée pourrait s'élever à des centaines de millions de dollars. C'est une question qui mérite d'être étudiée de près par tous ceux qui se préoccupent du déficit.

Le Canada ne peut plus se permettre de dépenser des centaines de millions de dollars en vertu de théories qui n'ont pas fait leurs preuves. Le coût de ce système va être supérieur à 600 millions de dollars. Ce chiffre est d'ailleurs tiré des statistiques fournies par le ministre de la Justice et par le commissaire de la GRC.

Le Canada peut-il se permettre de dépenser 600 millions de dollars au sujet du projet de loi C-68? Oui, nous savons bien que le ministre prétend qu'il ne va coûter que 85 millions de dollars, mais il faut lui demander de nous expliquer où nous avons commis une erreur en effectuant certaines parties de notre analyse ou en retenant un certain nombre de ses propres chiffres.

Il serait peut-être bon de mettre les choses en perspective. En 1991-1992, 69 Canadiennes ont été tuées par une arme à feu alors que 4 038 Canadiennes sont mortes d'un cancer du sein, soit 58 fois plus. Elles sont encore plus nombreuses, comme vous le savez probablement, à être mortes d'une maladie ou d'une crise cardiaque.

Le gouvernement a affecté 30 millions de dollars à des dépenses visant à réduire le nombre de décès dûs au cancer du sein. On se demande, à partir du moment où il dispose de 600 millions de dollars, pourquoi il ne s'est pas attaqué à ce problème de plus grande envergure, où même une réussite minime entraînerait de meilleurs résultats. Ainsi, une diminution de 2 p. 100 - une simple diminution de 2 p. 100 - du nombre de décès dus à des cancers du sein permettrait de sauver80 femmes, soit plus que la disparition totale des décès dus à des armes à feu. Peut-on dire en réalité que le projet de loi C-68 fait une bonne utilisation de nos ressources?

Pour limiter les coûts, le ministre déclare que l'enregistrement sera fait par les propriétaires à l'aide de cartes postales. On peut prévoir les résultats. Le nombre d'erreurs sera très élevé et un système déjà entaché d'erreurs croûlera sous le nombre. Aux termes de ce projet de loi, quiconque commet une erreur en remplissant une carte postale peut être jeté en prison pendant une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans.

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Alors de plus, le fait d'entrer les données en utilisant une carte postale empêchera de sélectionner les requérants. L'enregistrement des armes à feu a apparemment pour but d'éviter que ces armes se trouvent entre les mains de personnes qui ne devraient pas en avoir, ce qui veut dire que le véritable motif du gouvernement n'est pas celui qui a été mis de l'avant.

Le gouvernement affirme qu'il n'a pas l'intention d'utiliser le système d'enregistrement pour confisquer les armes à feu. Dans le même temps, il propose de confisquer près de 600 000 armes à feu qui ont déjà été enregistrées, le tout sans aucune compensation ou presque. Dans les circonstances, il est facile d'entretenir des soupçons sur ces intentions véritables.

La disposition qu'ajoute le projet de loi C-68 au Code criminel, le projet d'alinéa 84(1)d) autorise le ministre à transformer toutes les armes qui existent au Canada en armes à feu prohibées, et ce en des termes qui empêcheraient l'intervention des tribunaux. Si le gouvernement n'a pas l'intention de confisquer toutes ces armes, pourquoi avoir mis cet article dans le projet de loi C-68? Pourquoi accorder au ministre des pouvoirs qu'il promet de ne jamais utiliser?

Le ministère de la Justice a commandé une étude intitulée Examen du système d'enregistrement des armes à feu. Cette étude démontre que les dossiers d'enregistrement contiennent souvent des renseignements inexacts et ne sont plus d'aucune utilité. Cette conclusion semble indiquer que le système d'enregistrement proposé ne pourra constituer un outil efficace de lutte contre le crime à long terme. Il en résulte qu'un système d'enregistrement ne peut être de quelque utilité qu'à court terme.

Nous disposons de suffisamment de renseignements aujourd'hui pour démontrer qu'il n'est pas possible de se fier à un système d'enregistrement. Nous prévoyons qu'avant la fin de 1995, les renseignements provenant de ce système - c'est-à-dire le système en place actuellement - ne seront pas admissibles devant les tribunaux, si c'est bien la conclusion à laquelle en arrive un juge qui est saisi de cette question. C'est un autre exemple de loi qui s'inspire de principes tout en écartant soigneusement les preuves scientifiques. Au lieu de vous fournir des faits et des chiffres bien détaillés, on vous demande de juger le système d'enregistrement proposé par le projet C-68 à partir d'anecdotes et de procédés conçus pour vous faire peur.

Dans son rapport de 1993, le vérificateur général critiquait le ministère de la Justice parce que la recherche qu'il avait effectuée dans le domaine du contrôle des armes à feu laissait à désirer. Il signalait que les quelques études partiales qui avaient été effectuées étaient à la fois insuffisantes et inexactes. Le vérificateur général demandait que l'on poursuive les recherches. Cela n'a pas été fait.

Terence Wade, l'auteur de l'Examen du système d'enregistrement des armes à feu, dont les services ont été retenus par le ministère de la Justice pour qu'il effectue cette recherche, n'a pas été invité à comparaître. On peut se demander pourquoi.

William Bartlett de la Bibliothèque du Parlement a écrit d'excellentes études au sujet du contrôle des armes à feu. Il n'a pas été invité à comparaître ici. On peut se demander pourquoi.

Le professeur H. Taylor Buckner, de l'Université Concordia, a beaucoup travaillé dans le domaine du droit du contrôle des armes à feu. Il n'a pas été invité à comparaître ici, bien qu'il ait demandé une invitation. Là encore, on peut se demander pourquoi.

Le professeur Garry Mauser, de l'Université Simon Fraser, a fait des recherches sur le droit du contrôle des armes à feu. Il a été invité à comparaître et il avait également demandé à être invité. On peut se demander pourquoi.

Lorsque nous avons demandé au greffier du Comité pourquoi, il a répondu qu'il pensait que nous allions inclure le professeur Mauser dans notre délégation. On espère ainsi apparemment brouiller les cartes en obligeant les spécialistes indépendants à soit comparaître avec des groupes partisans soit à ne pas comparaître.

Ce Comité a pour rôle, je crois, d'améliorer le projet de loi. Il est difficile de voir comment il pourra le faire s'il ne dispose pas d'éléments essentiels. Dans son rapport, Terence Wade faisait remarquer qu'après 60 ans, la GRC n'avait toujours pas réussi à modifier le système d'enregistrement en place pour qu'il soit efficace et précis. Il est bourré d'errreurs involontaires. Le rapport de M. Wade na pas été largement diffusé.

En fait, je me souviens que lorsque je faisais partie du Conseil consultatif canadien sur les armes à feu en 1989-1991, un inspecteur de la GRC qui était responsable du système d'enregistrement répétait aux représentants du ministère de la Justice et à qui voulait l'entendre, par exemple, les chefs provinciaux des préposés aux armes à feu, que ce système ne fonctionnait pas et que l'enregistrement des armes à feu n'était pas une bonne idée parce que cela ne fonctionnait pas. Ce qui est incroyable c'est qu'aujourd'hui avec le projet de loi C-68, on constate que si le système ne fonctionne pas, il faut simplement l'étendre et lui consacrer davantage d'argent.

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La NFA a décrit dans son document 6 deux tests très simples qu'il faudrait effectuer avant d'élargir le système d'enregistrement. Nous demandons que l'on procède à ces tests depuis des années, mais le ministère de la Justice refuse de le faire. Il refuse de les effectuer parce que cela démontrerait ce que nous affirmons: 25 p. 100 au moins des dossiers relatifs aux armes enregistrées, (il y en a plus de 300 000 à l'heure actuelle) ne sont d'aucune utilité. Par exemple, la police et les autres organismes autorisés ne présentent annuellement que 100 demandes en vue de faire retracer certaines armes et la moitié seulement de ces demandes donnent un résultat positif. Il y a environ1,2 million d'armes qui sont consignées dans ce registre.

Wade signale également dans son rapport que les pratiques utilisées pour les armes à autorisation restreinte varient tellement d'une région à l'autre et même à l'intérieur d'une même province qu'il est pratiquement impossible de décrire ce qui est le processus habituel d'enregistrement. Le projet C-68 ne résout pas ce problème. Il ouvre la voie à plusieurs interprétations. Le gouvernement espère faire oublier les parties du projet de loi qui prêtent le flanc à la critique en faisant ressortir les parties de ce projet qui jouissent de la faveur populaire.

Les dispositions de ce projet de loi qui bénéficient de l'appui du public visent en fait à imposer une peine d'emprisonnement supplémentaire dans les cas de possession d'une arme à feu au cours de la perpétration d'une infraction. Mais cette idée est très mal concrétisée dans le projet de loi C-68 et je tiens à indiquer très clairement que nous sommes en faveur d'imposer une peine supplémentaire aux personnes qui utilisent des armes à feu pour commettre des crimes.

L'article 85 du Code criminel est rarement utilisé. en 1991-1992, il y a eu 12 287 condamnations pour des crimes comportant de la violence. Cinquante-deux seulement de ces condamnations ont entraîné l'application de l'article 85. Dans 100 p. 100 de ces affaires, le tribunal a imposé la peine minimale.

Il est évident que le système de justice pénale se refuse à donner effet à l'article 85. Avant d'adopter le projet de loi C-68, il faudrait mieux se demander pourquoi les trois principaux niveaux du système pénal, la police, les procureurs de la Couronne et les juges, évitent d'appliquer l'article 85.

Entre 1988 et 1991, 28,8 p. 100 de tous les vols à main armée ont été commis avec une arme à feu. Cependant, 5,4 p. 100 seulement des personnes qui ont été blessées ou tuées au cours de ces vols à main armée l'ont été à cause de l'emploi d'une arme à feu. Cela paraît difficile à croire, mais c'est ce qui ressort des statistiques judiciaires canadiennes.

Le problème ce sont les crimes violents et non les armes à feu. Si l'on remplaçait dans le projet de loi C-68 l'expression «arme à feu» par le mot «arme», cela serait plus logique. Sous sa forme actuelle, s'il permet de réduire le nombre des armes à feu utilisées au cours des vols à main armée, cela ne peut toucher qu'un petit nombre de vinctimes parce que, comme nous l'avons mentionné,5,4 p. 100 seulement des victimes de vols à main armée qui ont été blessées ou tuées l'ont été par des armes à feu.

Et même si le projet de loi C-68 utilisait le mot «arme», il manquerait une deuxième condition. Il faudrait que cette infraction comporte plusieurs niveaux: présence d'une arme; utilisation d'une arme pour menacer; utilisation d'une arme pour blesser; et utilisation d'une arme pour tuer.

Nous estimons que les propositions que contient le projet de loi C-68 vont avoir pour effet d'augmenter le nombre des morts et des blessés parmi les victimes de crimes violents.

L'enregistrement informatisé obligatoire des armes à feu va certainement amener des criminels spécialistes de l'informatique à utiliser le système à leurs fins personnelles. Ils pourraient se servir des listes des noms des propriétaires d'armes à feu pour aller leur voler leurs armes ou pour s'armer avant de pénétrer chez eux.

Le gouvernement prétend que le système d'enregistrement permettra de retracer les armes à feu. Cela est peu probable. Dans une étude effectuée par la police de l'Ontario intitulée Project Gun Runner, on constate que 86 p. 100 de toutes les armes de poing utilisées pour commettre des crimes n'avaient jamais été déclarées comme l'exige le système d'enregistrement, qu'il est donc d'aucune utilité pour retracer les armes.

Le droit en vigueur est bien souvent difficile à interpréter et à appliquer. Par exemple, même les laboratoires de recherche criminelle de la GRC n'arrivent pas à dire quelles sont les armes et les cartouches qui sont prohibées et quelles sont celles qui ne le sont pas. Et je parle ici de la loi telle qu'elle est actuellement. Le projet de loi C-68 ne fait qu'empirer les choses; de plus, c'est une loi oppressive. Ce projet de loi ne repose pas sur des recherches suffisantes et ne semble guère devoir apporter d'avantages sensibles au public. Il serait beaucoup plus simple et plus facile de repartir à zéro. Nous ne voulons pas que l'on modifie le projet de loi C-68; il faut le supprimer.

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Lorsqu'on examine ce qu'est vraiment le projet de loi C-68, on est forcé de conclure que c'est un texte qui traite des droits civils et politiques d'une façon négative, et non pas d'un projet destiné à renforcer la sécurité de la population. Il donne au public un faux espoir, l'espoir que le public sera davantage en sécurité. Ce n'est tout simplement pas le cas.

Mesdames et messieurs, je vous demande instamment d'examiner très soigneusement le projet de loi C-68 et de le voir tel qu'il est. C'est un projet de loi ridicule. Pensez également à ce qui va se produire si ce projet est adopté: cela portera un coup aux libertés civiles et à la Charte des droits et libertés dont bénéficient tous les Canadiens, et pas simplement les propriétaires d'armes à feu. Lorsqu'on réduit les droits et libertés d'une personne, on porte atteinte aux droits et libertés de tous.

Nous vous remercions encore une fois de nous avoir donné l'occasion d'aborder ces questions devant le Comité.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant passer aux rondes habituelles de questions, en commençant par donner dix minutes à chacun des partis, et ensuite des rondes de cinq minutes accordées successivement au gouvernement et à l'opposition.

[Français]

On commence avec Mme Venne, pour 10 minutes.

Mme Venne (Saint-Hubert): Merci, monsieur le président.

Je voudrais d'abord demander à M. Tomlinson si c'est lui qui est venu comparaître devant le Comité de la justice en 1991.

[Traduction]

M. Tomlinson: Oui, c'était moi.

[Français]

Mme Venne: C'est bien vous.

À ce moment-là, vous aviez dit que n'importe quel citoyen pouvait posséder une AK-47 si bon lui semblait. Vous avez même comparé la possession d'une arme d'assaut paramilitaire à la possession d'une motocyclette et d'un petit avion de récréation. Pensez-vous toujours la même chose, dans un premier ordre d'idées, et comment pouvez-vous soutenir qu'une arme comme la AK-47 peut être utile, sinon pour mettre en danger des vies humaines?

Deuxièmement, vous avez soutenu que les propriétaires de ce genre d'armes étaient soit des étudiants en design d'armes à feu, soit des historiens ou des collectionneurs. Où avez-vous pris ces statistiques-là puisqu'on sait que bon nombre de ces propriétaires de AK-47 disent eux-mêmes qu'ils possèdent ce type d'armes pour faire du tir à la cible, à la mitraillette?

Ce sont les deux premières questions que j'aimerais vous poser.

[Traduction]

M. Tomlinson: Il n'est pas possible d'utiliser au Canada un AK-47 pour faire du tir à la cible à la mitraillette parce que les AK-47 que possèdent les gens au Canada, à quelques rares exceptions près, ne sont pas des armes entièrement automatiques. Ce sont des fusils semi-automatiques.

Une voix: Ils sont modifiés.

M. Tomlinson: Ils ne sont pas tous modifiés. La majorité des AK-47 qui ont été importés au Canada étaient des fusils semi-automatiques qui sont utilisés pour faire du tir à la cible militaire, qui sont détenus par les collectionneurs ou par des étudiants en design d'armes à feu, comme je l'ai dit en 1991.

Pour ce qui est du nombre des AK-47 qui sont utilisés pour commettre des crimes, je pense que le Comité devrait demander des chiffres là-dessus et qu'il constaterait que ces armes ne sont pratiquement jamais utilisées pour commettre des crimes au Canada.

[Français]

Mme Venne: Quant au fait que n'importe qui pourrait ou devrait en posséder si bon lui semble et que ça se compare à une motocyclette, à un petit avion ou même à un jouet, êtes-vous toujours d'accord sur cela?

[Traduction]

M. Tomlinson: C'est la même chose que pour tout ce qui est dangereux si on l'utilise mal.

Pour ce qui de l'AK-47 ou des autres types de carabines, on pense souvent que ce sont des armes à feu particulièrement dangereuses, parce que l'armée s'en sert. En fait, l'AK-47 utilise une cartouche de puissance assez faible et est une arme beaucoup moins dangereuse que le fusil de chasse ordinaire.

L'AK-47 tire une balle qui pèse 130 grains à une vitesse de 2 500 pieds par seconde. La carabine .30-06 tire une balle qui pèse 130 grains à une vitesse de 3 000 pieds par seconde. C'est une arme beaucoup plus dangereuse, beaucoup plus puissante et précise que l'AK-47. Il est donc tout à fait faux de penser que les armes à feu utilisées par l'armée sont particulièrement dangereuses.

.1600

[Français]

Mme Venne: Je veux passer à une autre question et n'importe lequel d'entre vous pourra me répondre. Dans le bulletin de votre association intitulé Point Blank, ce qui doit vouloir dire «À bout portant», daté de juillet 1994, vous affirmez que votre groupement est national et se spécialise «en droit et en politique, domaines trop complexes pour que l'amateur moyen puisse les saisir».

En passant, j'aimerais dire que ce n'est pas très flatteur pour vos membres et également que vous colportez malheureusement quelques faussetés à vos membres en leur disant que la prochaine étape sera la confiscation pure et simple de leurs armes. Est-ce que c'est trop complexe d'expliquer vraiment à vos amateurs et à vos membres les vraies dispositions législatives et non pas le produit de votre imagination? J'aimerais également vous demander ce que vous pensez de la Michigan Militia, qui a dit à ses membres, à propos d'un gouvernement qui s'ingère de plus en plus dans les affaires des honnêtes citoyens, qu'ils devaient intervenir. Quelquefois, j'y vois quelques similitudes, mais c'est un commentaire personnel. Pour l'instant, j'aimerais que vous me donniez vos commentaires au sujet de ce que vous mentionnez dans votre Point Blank.

[Traduction]

M. Tomlinson: Comme je l'ai dit, il semble que la prochaine étape soit la confiscation et j'estime que M. Allan Rock a clairement confirmé ce que nous avons dit. Il a proposé, avec le projet de loi C-68, dont vous êtes saisi, de confisquer 58 p. 100 de toutes les armes de poing qui ont été légalement achetées au Canada. Il a proposé que l'on confisque toutes les armes à feu que Kim Campbell a fait passer de la catégorie des armes sans restriction à celle des armes à autorisation restreinte. Il fait maintenant passer ces armes dans la catégorie des armes prohibées et propose qu'on les consisque sans indemniser les propriétaires.

Pour ce qui est de la Michigan Militia, je dirais que ce que font les Américains chez eux est très différent de ce que font les Canadiens ici. Chez nous, dans la National Firearms Association, nous recommandons à nos membres de devenir membres du parti politique qu'ils préfèrent et qu'ils deviennent actifs au sein de ce parti politique. Nous tentons d'amener un grand nombre de Canadiens à participer directement au processus politique parce qu'à l'heure actuelle aux États-Unis, 38 p. 100 des électeurs sont membres d'un parti politique et ont leur mot à dire dans ce qui se passe à l'intérieur de leur parti. Au Canada, ce chiffre est inférieur à 3 p. 100 et cette minorité très restreinte contrôle de façon absolue tous les noms qui figurent sur tous les bulletins de vote de toutes les élections ainsi que sur toutes les politiques de tous les partis politiques. C'est un groupe beaucoup trop restreint pour qu'on lui permette d'avoir autant de pouvoir.

[Français]

Mme Venne: Vous affirmez toujours que les propriétaires d'armes à feu sont des gens responsables. Une personne responsable, selon moi, se tient au courant de la réglementation de son sport favori, normalement. Or, les propriétaires d'armes à feu ignorent souvent jusqu'à l'existence même du règlement sur l'entreposage sécuritaire des armes à feu. D'ailleurs, c'est dans un sondage Léger et Léger que nous avons pu le constater, spécialement au Québec, et on peut certainement l'élargir à la grandeur du Canada, je n'en doute pas. Alors, on a demandé aux propriétaires d'armes à feu s'ils connaissaient les règlements qui sont entrés en vigueur en 1993 sur l'entreposage sécuritaire des armes à feu. Cinquante-trois pour cent des propriétaires croient qu'il y a une loi sur l'entreposage et 31 p. 100 affirment le contraire, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de loi du tout sur l'entreposage sécuritaire, et 15 p. 100 sont indécis. Alors, si vous appelez ça des gens consciencieux, je me pose beaucoup de questions.

[Traduction]

M. Tomlinson: Je me pose aussi beaucoup de questions, madame Venne. Par exemple, pourquoi une loi de ce genre doit être adoptée par arrêté en conseil de sorte que la seule façon que l'on puisse savoir qu'elle existe est de s'abonner à La Gazette du Canada? Il n'est pas possible de savoir ce qui se trouve dans les nouvelles lois et les nouveaux règlements en demandant ces renseignements au gouvernement, parce que nous avons constaté que les brochures que distribue la gouvernement ne reflètent pas vraiment le droit en vigueur.

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En fait, le gouvernement vient d'élaborer un cours canadien de sécurité dans le maniement des armes à feu. Tous ceux qui utilisent des armes à feu sont maintenant tenus de suivre de cours de formation, même s'il est bourré d'erreurs au sujet du droit en vigueur actuellement.

Le gouvernement aussi devrait faire quelque chose parce qu'il publie tellement de renseignements contradictoires qu'il est immpossible de savoir ce qu'il en est. Il y a un tel désordre dans les lois dans ce domaine que je m'occupe actuellement de quatre rapports préparés par l'Edmonton Crime Detection Laboratory dans une affaire d'armes à feu et dans lesquelles les policiers reconnaissent qu'ils sont tout à fait incapables de dire si certaines armes sont des armes prohibées ou à autorisation restreinte. La situation est tout à fait confuse à l'heure actuelle et il est très difficile de savoir quelles sont les lois applicables. Cela n'est pas facile.

[Français]

Mme Venne: C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Avant de donner la parole au Parti réformiste, je voudrais apporter une précision. Nous avons invité le représentant du Bureau du vérificateur général à comparaître devant le comité il y a quatre semaines et des personnes ont en fait comparu, non pas au sujet de ce projet de loi mais au sujet du rapport concernant le Bureau du solliciteur général et le ministère de la Justice. Les membres du comité ont eu l'occasion de poser toutes les questions qu'ils voulaient sur leur rapport. Il est exact de dire qu'ils n'ont pas été invités à témoigner au sujet du projet de loi, mais ils l'ont été au sujet de leur rapport.

Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci, monsieur le président.

Je crois pouvoir déduire des questions que l'on vous a posées jusqu'ici que vous avez comparu devant le comité lorsqu'il était saisi du projet de loi C-17. Est-ce bien cela?

M. Tomlinson: C'est exact.

M. Ramsay: Pourriez-vous dire au Comité quelles sont vos compétences en matière d'armes à feu?

M. Tomlinson: Je suis un témoin expert reconnu pour ce qui est des armes à feu. J'ai été reconnu à ce titre par des tribunaux de Terre-Neuve jusqu'en Colombie-Britannique. Je fournis des conseils et informe les avocats sur des questions reliées aux armes à feu dans des affaires entendues dans toutes les régions du Canada.

Depuis 1975, j'essaie de comprendre les personnes qui sont chargées d'élaborer les lois dans ce domaine et de travailler avec elles. Je suis devenu, comme certain l'ont dit, l'un des principaux experts canadiens des lois relatives aux armes à feu.

M. Ramsay: Merci.

De ce point de vue, voulez-vous présenter au Comité votre opinion sur les obstacles qu'il faudrait franchir si l'on voulait mettre sur pied un système universel d'enregistrement des armes à feu qui permettrait d'identifier chaque arme à feu sur les 6 à 20 millions d'armes d'épaule qui existeraient au Canada?

M. Tomlinson: Je dois vous dire très franchement que ce problème me paraît insolvable. Le problème est que le système d'enregistrement tel qu'il est conçu à l'heure actuelle - et je ne vois pas comment on pourrait l'améliorer - fonctionne à partir de sept caractéristiques descriptives de l'arme à feu - la marque, le modèle, le nombre de balles, la longueur du canon, le calibre, etc., éléments que nous enregistrons. Nous savons donc en ce moment que l'arme à feu en question fait partie d'un groupe qui possède sept caractéristiques. Si l'on ajoute ensuite le numéro de série comme huitième carctéristique, cela permet d'identifier l'arme à feu qui fait partie de ce groupe.

Malheureusement, cela n'est pas vrai. Même pour une arme de poing aussi courante que le Luger allemand, que des milliers de Canadiens ont rapporté après la Première Guerre et la Seconde Guerre mondiales, le système de numérotation allemande devait commencer au numéro 1 au début de l'année et aller jusqu'à 9 999, pour reprendre ensuite avec le numéro 1A jusqu'au numéro 9 999A, pour ensuite passer à 1B, et ainsi de suite.

Le premier problème est qu'ils ont placé la lettre sur une ligne et le numéro sur une autre ligne. La plupart des enregistrements canadiens ne mentionnent que les chiffres et non pas la lettre, ce qui limite quelque peu l'utilité de ce système pour ce qui est de l'identification de l'arme.

Pire encore, après avoir produit des armes pendant un an, à la fin du mois de décembre, les Allemands ont arrêté le système de numérotation et sont repartis l'année suivante avec le numéro 1.

.1610

Ainsi, entre 1908 et 1945, les Allemands ont utilisé les mêmes numéros de série pour toutes ces années de production. Ils ont fait la même chose avec le P.38 Walther.

La Société Iver Johnson des États-Unis a fabriqué près de 9 millions de revolvers assez bon marché, et seuls de véritables experts - et il y en n'a pas beaucoup, en particulier pour ce qui est des armes comme les Iver Johnson, peuvent reconnaître les différents modèles. Ils ont gravé sur ces armes des numéros de série à l'aide d'une machine qui ne comportait que cinq chiffres, de sorte que les numéros de série se répètent tous les 100 000 unités, et ce pour 9 millions d'armes à feu.

La plupart des armes que l'on fabrique à l'heure actuelle n'ont pas de numéro de série. Même lorsque l'arme à feu porte un numéro de série, il arrive souvent qu'à cause du manque de compétence des personnes chargées d'enregistrer les armes localement, que l'on constate que l'arme a été enregistrée et que le numéro de série qui figure sur le formulaire est le numéro du modèle, le numéro du brevet, la date du brevet, l'année de la fabrication ou un autre renseignement sans aucun intérêt.

De plus, le gouvernement a créé une situation où la différence qui existe entre une arme prohibée et une arme à autorisation restreinte est le statut qu'avait cette arme à une certaine date, qui remonte à près de 20 ans. Le système de contrôle qu'utilise le gouvernement, son mécanisme d'enregistrement, est tellement mauvais qu'il est impossible d'affirmer qu'une arme faisait partie d'une catégorie ou d'une autre en 1978. Avec la conséquence qu'il est impossible de dire quel est son statut à l'heure actuelle. Je m'occupe d'une affaire judiciaire qui va être entendue aujourd'hui et qui porte précisément sur ce point.

J'ai été appelé à témoigner dans toutes sortes d'affaires et dans toutes les régions du Canada en quête d'expert, pour la simple raison que les avocats ne peuvent expliquer ce que veut dire la loi. Ils ne peuvent dire si une arme à feu donnée appartient à une catégorie ou à une autre. La situation est extrêmement confuse, je dois l'avouer.

M. Ramsay: Si je pouvais vous poser une deuxième question pendant que j'en ai le temps, que pensez-vous du mécanisme d'enregistrement des armes à feu que propose le ministre de la Justice dans lequel le propriétaire d'une arme va uniquement devoir ramasser une carte dans un magasin et inscrire la marque, le modèle et le numéro de série et l'envoyer par la poste? Que pensez-vous d'un tel procédé pour enregistrer les carabines et les fusils?

M. Tomlinson: Le système est déjà bourré d'erreurs, et comprend d'après nous de 25 à 30 p. 100 de dossiers qui ne sont d'aucune utilité. Nous allons maintenant ajouter un nombre impressionnant de dossiers sans aucune utilité, parce que les renseignements que nous allons obtenir avec ce procédé seront loin de se comparer à ce que pourrait faire un expert. Il peut donc se demander à quoi cela va-t-il servir.

Il y a une règle de base en informatique, la qualité des résultats dépend de celles des données. Cela veut dire que si vous entrez dans votre ordinateur des données de mauvaise qualité, imprécises, ou fausses, vous pouvez toujours achter un ordinateur plus gros et plus rapide et lui fournir ces données, mais vous ne pourrez toujours pas obtenir les bonnes réponses. C'est ce qui se passe avec le système d'enregistrement actuel.

M. Ramsay: J'ai visité un des laboratoires médico-légaux de la GRC et ils m'ont donné un chiffre qui m'a fait sursauter lorsqu'ils m'ont parlé d'une collection unique qu'ils possèdent. Chaque fois qu'ils obtiennent une arme à feu, ils la placent dans leur collection si elle n'y figure pas déjà. Ils ont une collection d'armes à feu qui comprend un peu moins de 1 000 armes d'épaule. L'un des scientifiques m'a appris que 1,7 p. 100 de ces armes d'épaule n'étaient pas identifiables. Avez-vous déjà rencontré ce problème et si c'est le cas, que veut-on dire lorsqu'on dit qu'une arme à feu n'est pas identifiable?

M. Tomlinson: Je vais vous donner un exemple. Un homme avait été accusé de possession d'une arme à autorisation restreinte non enregistrée. Le Laboratoire de recherche criminelle de la GRC avait déclaré qu'il s'agissait d'un revolver .44-.40, probablement fabriqué en Belgique. J'ai été convoqué à titre de témoin expert pour examiner l'arme et j'ai y jeté un coup d'oeil et j'ai éclaté de rire. Il s'agissait d'un Gasser Montenegrin 11,75 millimètres fabriqué en Autriche, mais c'est un révolver tellement ancien et tellement rare que je ne critiqurai pas les laboratoires de recherche criminelle de la GRC parce qu'ils n'ont pas réussi à l'identifier. Il arrive très souvent de ne pas pouvoir identifier une arme à feu, particulièrement lorsqu'elle a été modifiée.

J'ai par exemple dans ma collection un fusil Remington 870. Si vous interrogez n'importe quel expert en armes à feu, il vous dira qu'un fusil Remington 870 est un fusil de chasse à mécanisme à pompe. Le mien est un semi-automatique, parce qu'un armurier en Suède a ajouté des pièces provenant d'un autre modèle qui était semi-automatique et a transformé le fusil de chasse à mécanisme à pompe en un fusil semi-automatique. C'est une opération très difficile et très coûteuse, mais il l'a faite.

.1615

M. Ramsay: D'après ce que vous dites, est-il alors possible de déterminer l'origine de ce 1,7 p. 100 des armes à feu qui figurent dans la collection de base et dont les scientifiques ont dit que cela n'était pas possible?

M. Tomlinson: Je dirais que non. J'ai vu beaucoup d'armes à feu que je n'ai pu identifier et j'étudie le sujet depuis que j'ai 12 ans.

M. Ramsay: Mais dites-moi pourquoi il vous arrive de ne pouvoir identifier une arme à feu?

M. Tomlinson: Pour la simple raison qu'il est maintenant impossible de retrouver aucune archive ou document concernant l'arme. Prenons le cas d'une société qui a commencé à fabriquer une arme en 1923. En 1925, cette société cesse ses activités et disons que parmi toutes les armes à feu qu'elle a fabriquées, il en reste que quelque centaines en circulation. Mais il n'existe aucune documentation concernant cette société. L'arme à feu est utilisée dans une région qui n'intéresse pas particulièrement les collectionneurs et donc personne n'a eu envie de fouiller le sujet et par conséquent, il n'existe aucun renseignement concernant cette arme.

M. Ramsay: Est-ce parce que ces armes ne comportent aucun élément qui permette de les identifier? Est-ce bien là ce que vous dites?

M. Tomlinson: Par exemple, Sears et Roebuck aux États-Unis ont vendu des armes pendant des années et un nombre de ces armes portent des noms comme J.C. Higgins et A.J. Aubrey. Ces deux entreprises n'ont aucune existence. La seule identification que porte l'arme est celle de cette entreprise qui n'existe pas. C'est ce qu'on appelle un nom-maison. La compagnie qui vend ces armes appose son nom-maison sur le fusil. Il peut être extrêmement difficile d'essayer d'identifier des armes qui ont été vendues sous un nom-maison.

M. Ramsay: Je n'ai pas d'autres questions, monsieur le président.

Le président: Monsieur Bodnar, vous avez 10 minutes.

M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Merci, monsieur le président.

Monsieur Tomlinson, vous avez déclaré qu'il était impossible de se retrouver avec notre système actuel. Cela veut-il dire que le moment est venu de mettre sur pied un nouveau système d'enregistrement des armes?

M. Tomlinson: Je ne pense pas qu'il soit possible de concevoir un système d'enregistrement des armes qui puisse fournir des preuves qui seraient recevables devant un tribunal. S'il n'est pas possible d'obtenir ce résultat, ce serait un peu comme si l'on constatait que les empreintes digitales ne sont pas uniques. Cela nuit beaucoup à l'intérêt du système

M. Bodnar: Ne serait-il pas possible d'apposer sur les armes un nouveau numéro de série, comme on le fait pour les motos Harley-Davidson?

M. Tomlinson: Je suis désolé, mais ce n'est pas possible dans le cas des armes à feu.

M. Bodnar: Peut-être pas pour toutes, mais pour certaines.

M. Tomlinson: Par arme à feu on entend une arme complète ou la boîte de culasse de l'arme. La plupart des boîtes de culasse modernes sont fabriquées en plastique. Cela veut dire qu'il n'est pas possible de graver un numéro, ou si vous le faites, celui-ci risque de s'effacer.

Le 30 mars 1994, le ministère de la Justice a émis un document dans lequel on affirmait qu'on fixerait sur toutes les armes à feu un numéro d'identification d'arme à feu qui serait absoluement unique. Cette idée n'a même pas duré jusqu'à la présentation du projet de loi C-68. Elle a été mise de côté et il a fallu l'abandonner parce qu'il était impossible d'y donner suite.

M. Bodnar: Madame Thom, pensez-vous qu'une femme a besoin de posséder une arme pour se protéger?

Mme Thom: Je n'ai jamais pensé qu'il était bon d'avoir une arme pour se protéger. Je pense principalement à la situation que l'on retrouve dans les villes, parce que j'habite dans la ville d'Ottawa. Les gens me posent la question de temps en temps parce que je crois que dans leur esprit ils voient une arme chargée sur une table de nuit, et cela n'est pas une bonne idée. Il n'est jamais bon d'avoir une arme chargée près de soi, à moins qu'on se trouve dans un club de tir et que l'on s'apprête à faire du tir à la cible, ou alors pour chasser ou quelque chose du genre. Je ne suis pas favorable à ce genre de chose, mais je peux comprendre que certains le soient parce que depuis cette époque j'ai parlé à des gens qui vivent dans les régions rurales et des régions isolées et ils ont parfois des armes pour se protéger, parfois contre des animaux... ce qui est fort intéressant. Je pensais que c'était un mythe la première fois que j'en ai entendu parler. Je me disais oui, bien sûr.

Une voix: C'est un mythe.

Mme Thom: Non, ce n'est pas vrai. En fait, c'est ce qu'a découvert, je crois, le professeur Mauser - je ne suis pas très sûre. Quoi qu'il en soit, on a fait une étude de la question dans l'Ouest du Canada, et on a communiqué les résultats au ministère de la Justice en disant qu'il fallait faire d'autres études dans ce domaine parce qu'une étude seule ne prouve rien. Il aurait fallu faire d'autres études pour savoir si cela était vrai et dans quel cas.

M. Bodnar: Eh bien je me demande quelles sont d'après vous les régions du Canada de l'Ouest où cela se justifierait. Je viens de l'ouest du Canada et je ne sais pas où cela pourrait bien être nécessaire, à moins que l'on aille dans le Nord, dans les régions isolées, si on pense en particulier à des animaux comme les ours. Il n'y a pas beaucoup de gens qui vivent dans ces régions particulièrement isolées où une arme peut ou ne peut pas être utile. Mais cela n'est très probablement pas nécessaire dans les autres régions de l'ouest du Canada.

.1620

M. Tomlinson: J'aimerais attirer votre attention sur quelque chose qui se produit en Californie, parce que...

M. Bodnar: Excusez-moi.

Monsieur le président, j'aimerais pouvoir poser mes questions sans être interrompu par des interventions sur d'autres sujets.

Le président: Je regrette, mais le Comité comprend 15 autres membres et notre temps est limité, je vais donc laisser les membres poser les questions qu'ils veulent.

Mme Thom: Monsieur Bodnar, je n'ai pas effectué personnellement cette étude.

M. Bodnar: Je vois.

Mme Thom: Au début j'étais septique moi aussi, jusqu'à ce que j'approfondisse la question.

M. Bodnar: Et qui l'a faite?

Mme Thom: C'est le professeur Mauser, de l'université Simon Fraser.

M. Bodnar: Dans le rapport que vous nous avez remis aujourd'hui, vous mentionnez ceci aux paragraphes 102(1) et (3):

Mme Thom: C'est dans le cas où ils commettent une erreur... Mais comment...

M. Bodnar: Il ne s'agit pas d'erreur; il s'agit de fournir sciemment un renseignement faux ou trompeur.

Mme Thom: Comment allez-vous faire pour reconnaître la personne qui commet une erreur de bonne foi et celle qui fournit sciemment un faux renseignement?

M. Bodnar: N'est-ce pas pour cette raison que nous avons des juges qui tirent des conclusions à partir des faits qui leur sont soumis et que c'est à eux de prendre ce genre de décision?

Mme Thom: Je crains que les tribunaux ne soient inondés par ce genre d'affaire.

M. Bodnar: Madame Thom, ils le font tous les jours. Ils tirent des conclusions des faits qui leur sont présentés dans les affaires de meurtre et ils déclarent les accusés coupables de meurtre ou ils les acquittent en fonction des conclusions qu'ils tirent des faits et ce n'est pas une opération différente.

Mme Thom: Il est si facile de commettre des erreurs lorsque l'on remplit ces cartes, que cela est tout simplement étonnant. Je crois qu'il serait difficile de faire la différence. On pourrait facilement accuser quelqu'un faussement ou d'avoir fait une erreur volontaire alors qu'en fait il s'agissait d'une erreur commise de bonne foi.

M. Bodnar: Habituellement, comme le disent les juges, c'est possible de tirer deux sortes de conclusions et que l'une d'entre elles est favorable à l'accusé, c'est elle que l'on choisit.

Mme Thom: Je suis ravie de l'entendre.

Le président: Mais il y a plus, vous avez été un procureur de la Couronne, je crois. Est-ce qu'un procureur de la Couronne porterait ce genre d'accusation aux termes de l'article proposé en alléguant que l'accusé a agi sciemment même si, dans la plupart des cas, il est évident que ce n'était pas le cas?

M. Bodnar: Si le procureur de la Couronne n'est pas en mesure d'établir ce fait, il ne porterait pas d'accusation.

Le président: C'est exact.

M. Bodnar: Vous mentionnez aussi à la page 8 de votre mémoire qu'entre 1988 et 1991, 28,8 p. 100 de tous les crimes violents étaient des vols qualifiés commis avec une arme à feu mais que seuls 5,4 p. 100 de ces vols ont entraîné des blessures ou la mort.

Mme Thom: Non.

M. Bodnar: C'est pourtant ce qui est écrit: 28 p. 100 de tous les crimes violents étaient des vols qualifiés commis avec une arme à feu.

Mme Thom: Oui. Vous avez raison.

M. Bodnar: De sorte que 28 p. 100 de ces crimes ont été commis avec des armes à feu?

M. Tomlinson: Non, il faudrait lire «armes à feu» au lieu de «crimes violents». Nous avons fait la correction ce matin, mais nous ne l'avons pas distribuée.

Mme Thom: Nous avons fait une correction ce matin qui ne vous a pas été transmise.

M. Bodnar: Eh bien, j'ai reçu cela ce matin. Cela m'a été remis ce matin.

Le président: Nous allons corriger le texte. Veuillez nous indiquer où est le passage fautif.

Mme Thom: À quelle page êtes-vous...?

M. Bodnar: À la page 8, au troisième paragraphe en partant du bas.

Mme Thom: Entre 1988 et 1991, 28,8 p. cent de tous les vols qualifiés...

M. Bodnar: De tous les vols qualifiés?

Mme Thom: Oui. Nous avons remarqué cette erreur et nous l'avons corrigée sur les exemplaires que nous avons distribués. Nous les avons apportés ce matin.

M. Bodnar: Donc, 28,8 p. 100 de tous les vols qualifiés ont été commis avec une arme à feu?

Mme Thom: C'est exact. Sur ce nombre...

M. Bodnar: ...5,4 p. 100 ont entraîné des blessures ou la mort.

Mme Thom: Exact.

M. Bodnar: Mais 28,8 p. 100 de tous les vols qualifiés ont été commis avec une arme à feu. Les vols qualifiés commis avec une arme à feu représentent une proportion très élevée. Cela représente plus du quart.

Mme Thom: Cela représente plus du quart, mais par contre, parmi ces vols qualifiés... Je ne suis pas en train de dire qu'il faut commettre les vols qualifiés avec des armes à feu.

M. Bodnar: Non, non, je le sais.

.1625

M. Bodnar: Non, je le sais.

Mme Thom: Mais de ce nombre, il y n'y en a que 5,4 p. 100 où il y a eu des blessés ou des morts. Les cas où la victime...

M. Bodnar: Oui oui.

Mme Thom: C'est donc dans tous les cas où il y a eu des blessures ou des morts, 5,4 p. 100...

M. Bodnar: Ont entraîné des blessures ou la mort.

Mme Thom: Oui, avec des armes à feu.

M. Bodnar: Il est probable que toutes ces victimes étaient mortes de peur lorsqu'elles se sont vues menacées d'une arme au cours de ce vol.

Mme Thom: Oui, il y a la menace. C'est pourquoi nous disons que quelle que soit l'arme utilisée...

Ce n'est pas que je veuille défendre ce genre de chose mais par exemple, prenons le cas d'une personne qui se rend chez un bijoutier avec une arme non chargée, qui dévalise le magasin et qui s'en va. À côté, il y a une épicerie, et quelqu'un entre avec une machette, frappe le propriétaire, assomme un client, donne des coups de machette et blesse quelqu'un. Il y a une différence entre ces deux crimes. Avec le projet de loi C-68, la personne qui a utilisé l'arme à feu est automatiquement...

M. Bodnar: Condamnée à quatre années de plus.

Mme Thom: ...à quatre années de plus alors que l'homme à la machette est traité différemment.

M. Bodnar: Cela est laissé à la discrétion du juge.

Mme Thom: C'est exact; c'est une décision discrétionnaire alors que dans le cas des armes à feu, ce n'est pas discrétionnaire.

Nous disons que cette disposition serait plus efficace, à cause des statistiques, si l'on remplaçait le mot «arme à feu» par «arme», pour que l'homme à la machette soit traité de la même façon, puisqu'il est évident qu'il y a beaucoup plus de gens...

M. Bodnar: Eh bien, vous êtes donc en faveur de cette partie du projet de loi.

Mme Thom: Nous l'avons toujours été. Nous appuyons le renforcement des peines.

M. Bodnar: C'est pourquoi nous ne devrions pas supprimer ce projet de loi mais nous devrions l'améliorer.

Mme Thom: Il serait facile de mettre de côté la partie qui a pour effet d'augmenter les peines et de supprimer le reste du projet de loi ou de le supprimer entièrement, parce qu'il a plus de trous qu'une tranche de gruyère. Il serait préférable de préparer un projet de loi qui reprendrait les peines auxquelles vous pensez.

Le président: J'aimerais demander aux membres du comité et aux témoins de ne pas s'interrompre mutuellement, parce que nous essayons d'établir le procès-verbal de la séance, et si l'on interrompt le témoin qui est en train de répondre à la question qu'on lui a posée, on ne comprend pas très bien ce qui a été dit. De la même façon, si un membre du comité qui pose une question est interrompu par un témoin, il se produit la même chose. Nous voulons être sûrs d'avoir un procès-verbal clair.

Madame Venne, vous avez cinq minutes.

[Français]

Mme Venne: Monsieur Tomlinson, je crois que vous avez dit tout à l'heure que 58 p. 100 des armes de poing seront confisquées en vertu de la Loi C-68, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Tomlinson: ... [Inaudible - Éditeur]...

[Français]

Mme Venne: J'aimerais dire que c'est malheureusement une fausseté, ce que vous nous dites là, car 58 p. 100 des petits calibres seront déclarés des armes prohibées, mais ces armes continueront quand même d'être gardées par les propriétaires; vous le savez très bien. Elles pourront même être échangées entre propriétaires de la même catégorie. Je voulais quand même que l'on fasse cette correction pour les lectures futures du Comité.

Deuxièmement, j'ai ici une citation de 1991; je veux toujours savoir si vous pensez la même chose et si vous avez évolué dans un autre sens. Vous disiez à l'époque, et vous étiez avec M. Michael Martinoff, que si le Canada est plus sûr que les États-Unis, c'est parce que, je traduis au fur et à mesure:

[Traduction]

des pauvres noirs et hispaniques qui y vivent, et non pas parce que nos lois concernant les armes sont plus sévères.

M. Tomlinson: Au sujet de votre premier commentaire sur la confiscation des armes, ce que je dis est exact et je crains que ce ne soit ce que vous affirmez qui ne soit pas exact. Le projet de loi C-68 va permettre de confisquer 58 p. 100 de toutes les armes de poing enregistrées.

Il est dangereux de soutenir que ces armes à feu auront encore une valeur parce que on va les prendre à mes héritiers plutôt qu'à moi. Il n'est pas exact de dire que le gouvernement ne prend rien. Il est en train de voler l'héritage de mes enfants.

Deuxièmement, à propos de ce qui a été dit en 1991, nous n'avons jamais dit et nous ne dirons jamais qu'il existe un rapport entre l'origine raciale et la criminalité.

.1630

En fait, notre recherche indique très clairement... Je vous renvoie à l'étude de M. Cinterwall, qui a effectué une recherche sur la ville d'Atlanta. Il a constaté qu'à Atlanta, il y avait six fois plus d'homicides chez les noirs que chez les blancs. Lorsqu'il a réparti Atlanta en districts et qu'il a examiné chacun de ces districts, il a constaté que dans les districts où vivaient des noirs pauvres - et il y en avait beaucoup - le taux d'homicide était très élevé. Dans les districts où vivaient des blancs pauvres, le taux d'homicide était le même que celui des districts où vivaient les noirs pauvres. Dans les districts où vivaient des noirs et des blancs de classe moyenne, le taux des homicides était beaucoup plus faible, mais il était identique dans les secteurs où vivaient les noirs et les blancs. Dans les groupes socio-économiques favorisés, la catégorie des gens très riches, les secteurs où vivaient les blancs avaient un taux d'homicide très faible mais il n'a pu le comparer à celui des groupes de noirs parce qu'il n'y avait pas de noirs riches, ou pas suffisamment pour obtenir des résultats significatifs.

Le crime n'a pas grand-chose à voir avec la race ou la couleur. Il dépend beaucoup de la catégorie socio-économique...

[Français]

Mme Venne: De toute façon, j'ai ici devant moi votre citation. Si vous me dites qu'elle n'est pas juste, il faudrait peut-être faire corriger certains journaux de l'époque.

Également, je voulais vous poser une dernière question. En 1992, il y a eu 732 homicides enregistrés au Canada. Deux cent quarante-six, soit 34 p. 100, ont été commis à l'aide d'une arme à feu. Au cours des dix dernières années, la majorité des homicides ont été commis avec des fusils ou des carabines de chasse. Trois fois sur quatre, la conjointe - puisqu'il s'agit la plupart du temps de femmes victimes de meurtres - est abattue par une carabine ou un fusil de chasse.

Au Québec, de 1990 à 1992, en a enregistré 1 293 décès attribuables à une décharge d'armes à feu, soit en moyenne 425 décès annuellement. Toujours au Québec, trois décès sur quatre, par armes à feu, sont des suicides, pour un total d'environ 300 suicides annuellement.

Comment pouvez-vous maintenir que les homicides et les suicides sont si négligeables qu'il n'est pas nécessaire de légiférer sur les armes à feu?

[Traduction]

M. Tomlinson: En fait, c'est parce qu'il faut examiner le nombre de décès attribués à d'autres facteurs. Comme je l'ai dit, le nombre des cancers du sein est de 4 000 par année, comparé à69 femmes qui sont tuées par des décharges d'armes à feu. Je crois que l'on prévoit que 5 500 personnes mourront cette année du cancer du sein.

Pour ce qui est des suicides, les lois sur les armes à feu n'ont aucun effet sur ce phénomène. En 1978, on a adopté le projet de loi C-17 pour tenter de lutter contre le phénomène du suicide en créant l'autorisation d'acquisition d'armes à feu, qui aurait pour effet d'empêcher une personne suicidaire de s'acheter une arme en l'obligeant à des démarches prenant beaucoup de temps. En fait, on a constaté, au cours des trois années qui ont suivi l'adoption de ce projet de loi, que le nombre de suicides avait augmenté. Le nombre de suicides commis à l'aide d'une arme à feu est demeuré pratiquement inchangé mais celui des suicides commis par un autre moyen a augmenté.

Si quelqu'un est suffisamment décidé à se tuer pour placer le canon d'un fusil dans sa bouche et pour appuyer sur la gâchette, il est pratiquement certain qu'il sera suffisamment décidé pour utiliser une autre méthode tout aussi mortelle et plus facile d'accès comme la pendaison, sauter d'un pont ou d'un édifice. Il existe de nombreuses façons de se suicider et le contrôle des armes à feu n'est pas le moyen qui permettra de réduire le nombre des suicides. Cela ne fonctionnera pas.

[Français]

Mme Venne: Ce n'est pas ce que le coroner David a dit au Québec.

[Traduction]

M. Thompson (Wild Rose): Une question de règlement, monsieur le président. Je veux simplement vérifier, pour le procès-verbal, que je vous ai bien entendu dire que le vérificateur général avait comparu devant le comité pour parler des armes à feu.

Le président: Non, je ne l'ai pas dit.

M. Thompson: Je voulais simplement vérifier que ce n'était pas...

Le président: Non. J'ai dit que nous avions invité le vérificateur général à comparaître devant le comité pour parler de son rapport, qui traite de divers aspects du ministère de la Justice et du solliciteur général. Les membres du comité ont eu l'occasion de poser des questions au personnel du vérificateur général mais pas au sujet du projet de loi sur les armes à feu.

.1635

M. Thompson: Merci.

Le président: Ils auraient pu poser des questions ce jour-là.

Madame Barnes, vous avez cinq minutes.

Mme Barnes (London-Ouest): Je remarque que les gens qui ne comprennent pas les questions qui intéressent les femmes ont tendance à minimiser ce qu'ils ne comprennent pas. C'est l'impression que je retire de vos déclarations au sujet de la violence faite aux femmes.

Je vais commencer par vous dire que je suis disposée à consacrer beaucoup de temps pour comprendre ce projet de loi. Je travaille avec des groupes pour essayer de l'améliorer. Je crois qu'il s'agit là d'un objectif valide.

Je tiens à vous dire que je trouve votre attitude tout à fait choquante. J'examine votre mémoire, je regarde la dernière page et je vois «À bas la Loi sur le contrôle des armes à feu que proposent les Libéraux - Des cibles pour fléchettes, de fausses balles de fusils - Appuyez le Parti réformiste du Canada». C'est mal servir les gens que vous essayez de représenter.

Je vais commencer maintenant.

Vous citez dans votre mémoire le professeur Peter Hogg. Il est évident que vous reconnaissez, je crois que tout le monde serait d'accord avec cela, que M. Hogg est un des grands experts canadiens en droit constitutionnel. C'est ce que reconnaît la Cour suprême du Canada, si on en juge par le nombre de fois qu'elle le cite dans ses décisions. Vous affirmez également à la page 2 du mémoire, au paragraphe 9, que le Parlement fédéral n'a peut-être pas le pouvoir d'adopter une loi sur le contrôle des armes à feu, ce qui revient à dire que la Constitution ne lui permet pas de légiférer dans le domaine du contrôle des armes à feu.

Je comprends que vous ou votre organisation voulez soutenir que le contrôle des armes à feu est un sujet qui relève de la compétence exclusive des provinces aux termes du paragraphe 92(13) de l'Acte constitutionnel... le paragraphe qui traite de la propriété et des droits civils. Je comprends votre raisonnement.

J'ai également lu les ouvrages du professeur Hogg et je note qu'il ne semble pas être du tout d'accord avec vous. En fait, il dit exactement le contraire. J'ai amené avec moi, pour le cas où vous penseriez que je ne fais qu'imaginer ces choses, la troisième édition de son ouvrage sur ce point. Il déclare à la page 485

J'aimerais vous demander si vous connaissez les arrêts «Attorney General of Canada v. Pattison», qui portait sur le contrôle des armes à feu, un arrêt de la Cour d'appel de l'Alberta et «Goodyear Tire and Rubber» de la Cour suprême du Canada. Vous connaissez peut-être mieux le cas «Martinoff v. Dawson» de la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Vous vous souvenez peut-être que dans cette affaire, le vice-président de votre propre organisation - ou peut-être l'ancien vice-président, je n'en sais rien, compte tenu du fait qu'il a été déclaré coupable d'un certain nombre d'infractions relatives aux armes à feu - contestait le droit du gouvernement d'adopter une loi sur le contrôle des armes à feu. La Cour a jugé dans cette affaire que le Parlement avait le pouvoir d'adopter des dispositions prévoyant le contrôle des armes à feu.

Il me paraît difficile de croire que vous ne connaissez pas ces décisions judiciaires, monsieur Tomlinson.

J'aimerais savoir si la National Firearms Association a donné des fonds pour ces affaires judiciaires et si vous avez jamais obtenu gain de cause sans perdre en appel et à quel niveau.

M. Tomlinson: Nous finançons en partie ou en totalité certaines affaires concernant les armes à feu; nous n'avons toutefois pas financé les affaires que vous avez citées. Nous sommes au courant de ces affaires. Nous connaissons également un certain nombre de décisions qui vont dans un sens opposé. C'est un domaine du droit très compliqué et un domaine des compétences législatives très incertain.

Lorsque la loi sur le contrôle des armes à feu a été introduite dans le Code criminel, il était manifeste qu'il s'agissait d'une loi concernant la sécurité publique. En tant que loi sur la sécurité publique, elle relève de toute évidence des pouvoirs du Parlement.

Cependant, j'étais ici ce matin et j'ai entendu le ministre de la Justice dire à certaines personnes qui lui posaient des questions que cette loi concernait l'administration et la réglementation de la propriété, qu'elle n'avait rien à voir avec le droit pénal, et qu'il envisageait même d'en supprimer les aspects pénaux. Si l'on ne rattache plus cette loi aux pouvoirs du Parlement fédéral en matière de droit pénal, cela revient à dire qu'il s'agit d'une loi de réglementation et elle réglemente la propriété. C'est ce qu'il a dit expressément ce matin.

Je vous demande alors, madame, s'il s'agit bien d'une loi de réglementation...

Mme Barnes: Pourriez-vous simplement répondre à mes questions s'il vous plaît?

Je veux revenir à votre mémoire. Il y a tant de déclarations que... À la deuxième page seulement, je trouve que vous affirmez des choses fausses à quatre reprises au moins. Cela me met en colère, je dois vous le dire, parce que je pense que vous avez un rôle à jouer. Je pense que votre rôle est de venir devant le comité et de nous fournir des renseignements exacts et non pas de faire des déclarations fausses qui vont susciter la crainte dans la population... parce que je sais que les gens s'inquiètent de ce projet de loi et c'est à nous de l'améliorer là où il est possible de le faire.

.1640

Ma question porte sur le passage où vous parlez d'entrer dans les résidences privées, il s'agit du deuxième paragraphe de la page 2. Si vous lisez l'article 101, vous constaterez que cette disposition dit clairement qu'il n'est pas permis de pénétrer dans une résidence privée sans a) le consentement de l'occupant ou b) un mandat. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Tomlinson: Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut un mandat, mais pour obtenir ce mandat...

Mme Barnes: Très bien. Si vous êtes d'accord avec cela, monsieur...

Le président: Laissez-le répondre s'il vous plaît.

Un témoin: [Inaudible]

Mme Barnes: Eh bien, c'est bien le moins, lorsque vous faites une affirmation aussi trompeuse.

M. Tomlinson: Pour que cette personne obtienne ce mandat... on parle ici de policier mais d'après l'article 90, il est possible que cette personne ne soit pas un policier. Pour obtenir ce mandat, tout ce que cette personne a à faire est de se présenter devant un juge et d'affirmer qu'elle est d'avis qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'il y a une arme à feu, des munitions, ou un registre indiquant la présence d'une arme à feu ou de munitions dans ce logement, sans que cette personne ait à indiquer qu'il s'agit d'une activité criminelle.

Mme Barnes: Je cite votre mémoire, voici ce qu'on peut y lire:

Vous citez les articles. Ce n'est pas ce que vous venez de dire; pas du tout.

M. Tomlinson: C'est exactement ce que je viens de dire, madame.

Mme Barnes: Non, ce n'est pas ce qu'il a dit.

Le président: Je note qu'il y a ici une différence d'opinion sur le sens du projet de loi.

Je donnerai la parole à Mme Meredith, pour cinq minutes.

Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): J'aimerais aborder quelques sujets qui m'intéressent, principalement ceux de la partie III du projet de loi et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je crois que vous avez déjà témoigné devant les tribunaux dans des affaires d'armes à feu.

D'après ce que je comprends de ce projet de loi, il existe un certain fardeau de la preuve pour ce qui est des armes à feu et d'après l'article qui contient les définitions, ou d'après le projet d'article 84, on énumère les objets qui ne sont pas des armes à feu en donnant toute une liste de choses que l'on ne considère pas comme des armes à feu. À l'alinéa d)(ii) on lit «pour tirer du plomb, des balles ou tout autre projectile à une vitesse initiale de plus de 152,4 mètres par seconde».

Y a-t-il dans ce passage la définition de ce qu'est une arme à feu, à savoir qu'il faut qu'elle soit capable d'envoyer un projectile à cette vitesse-là?

M. Tomlinson: Non, ce n'est pas cela. Si vous lisez tout l'article, vous allez constater que l'on y définit l'«arme à feu» qui est visée par le projet d'article 84. Ensuite, il y a un résumé et l'on modifie la définition de «arme à feu» tel que cela est précisé à l'article 2. Cette modification a pour effet de restreindre la définition du mot «arme à feu» mais cette définition restreinte s'applique uniquement à certains articles du Code criminel et à l'ensemble de la loi sur les armes à feu. Il y a ainsi deux définitions du mot «arme à feu», une définition large et une définition étroite.

Ainsi, par exemple, on ne pourrait pas vous déclarer coupable de possession d'un pistolet à peinture sans avoir de permis parce qu'aux fins de cet article cela ne constitue pas une arme à feu. Par contre, on pourrait vous accuser de plusieurs autres infractions relatives aux armes à feu, parce que vous avez un pistolet à peinture, pour la raison qu'en vertu de ces articles, ce pistolet constitue une arme à feu.

Mme Meredith: Voulez-vous parler de l'article qui traite de «répliques» ou...?

M. Tomlinson: Non, je parle du mot «arme à feu». Le mot «arme à feu» a deux sens tout à fait différents dans ce projet de loi.

Mme Meredith: Très bien, cela ne fait qu'ajouter à mon inquiétude, parce que j'ai noté qu'il existe une autre infraction pour le fait d'utiliser une réplique, infraction distincte de l'utilisation d'une arme à feu. J'ai retenu de ma conversation avec le procureur de la Couronne qu'il y a tellement d'accusations d'utilisation d'armes à feu qui ne sont pas retenues ou que l'on ne tente pas d'établir devant les tribunaux parce qu'il est impossible de prouver que c'est véritablement une arme à feu que l'on avait utilisé et qu'il est donc plus facile de marchander un plaidoyer ou de ne pas retenir cette accusation.

Ce que me disent les gens de la rue c'est qu'ils veulent que le gouvernement adopte un projet de loi qui va pénaliser les criminels lorsqu'ils utilisent un objet qui ressemble à une arme à feu au moment où ils commettent une infraction, pour que les gens qui décident de dévaliser une banque préfèrent ne pas avoir d'arme à feu avec eux ou du moins pour réduire le nombre d'armes à feu en circulation.

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D'après moi, ce sont deux infractions différentes. Serait-il possible de porter des accusations, par exemple, l'utilisation d'unr arme à feu ou d'une réplique, malgré les changements qui seront apportés à la partie III?

M. Tomlinson: C'est extrêmement complexe. Il y a la notion de réplique. La loi répartit les armes à feu en sept catégories: les armes non interdites, les armes à autorisation restreinte et cinq catégories distinctes et séparées d'armes prohibées qui peuvent toutes être achetées, vendues et échangées à l'intérieur de groupes jouissant du droit acquis.

Il y a les répliques d'armes à feu qui restent sans définition. Je ne sais absolument pas ce que le gouvernement entend par réplique d'arme à feu. Par exemple, les amateurs d'armes à feu considèrent comme des répliques les armes à poudre noire et les fusils à balle qui sont des reproductions d'armes utilisées pendant la Guerre civile américaine et auparavant.

Mme Meredith: Peu importe de quoi ces répliques ont l'air. Ce qui m'importe, c'est qu'elles soient utilisées pour commettre un crime. Peu importe que ce soit un pistolet qui projette de l'eau plutôt qu'une balle. Que ce soit un pistolet à eau ou une arme véritable, le traumatisme est le même pour la caissière qui se fait attaquer.

Ce qui m'intéresse, c'est de savoir si la loi sera suffisante pour faire interpeler les auteurs de telles infractions ou si les criminels ne pourront pas échapper à la justice en reconnaissant leur culpabilité à une infraction mineure ou tout simplement grâce au manque de preuves. Avez-vous déjà examiné cet aspect de la Loi?

M. Tomlinson: Nous l'avons fait et nous estimons que ce serait très difficile. De plus, nous pensons que le système de justice pénale s'opposerait à ce genre de chose, pour la même raison qu'il a rejeté l'article 85. La défense s'est servie de l'article 85 dans 52 condamnations sur 12 287.

En voici une des raisons principales.... Supposons que vous êtes agent de police, juge ou procureur de la Couronne et que vous êtes saisi des deux affaires suivantes. Dans le premier cas, un cambrioleur s'est présenté dans une bijouterie avec un pistolet non chargé qui ne fonctionnait pas vraiment. Il a tenu tout le monde en respect et, après avoir terminé sa besogne, il a quitté tranquillement les lieux. Dans l'autre cas, le criminel s'est servi d'une batte de baseball pour assommer plusieurs personnes; il a fracturé le crâne du propriétaire de l'épicerie et est parti avec la caisse. À notre avis, il est absolument injuste que le premier criminel soit plus pénalisé que le deuxième alors qu'il n'a pas vraiment utilisé son arme.

À notre avis, le véritable problème ce n'est pas les armes à feu, mais la violence.

Regardez ce qui se passe avec le projet de loi C-68. Il amène les criminels à se désintéresser des armes de poing de calibre .25 et .32 qui sont les armes les moins puissantes. Les criminels se détournent des fusils à canon court au profit des armes à feu longues qui sont plus puissantes. En imposant une pénalité supplémentaire pour l'utilisation d'un objet complètement inoffensif, le projet de loi ainsi que les criminels ont délaissé les répliques au profit d'armes véritables et plus meurtrières.

Mme Meredith: Permettez-moi d'apporter un rectificatif. Il ne s'agit pas d'une peine supplémentaire, mais d'une peine imposée pour avoir commis un crime grave à main armée. Le minimum est de quatre ans. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui soient d'avis que la peine imposée soit suffisante. À mon avis, il faudrait que la peine soit plus sévère. Est-ce que vous partagez mon avis?

M. Tomlinson: Les peines sont beaucoup trop légères; je suis tout à fait de votre avis, surtout quand on sait que les détenus peuvent être libérés avant d'avoir purgé leurs quatre années d'emprisonnement.

Mais il faut bien savoir que c'est l'augmentation de la violence qui inquiète le plus la population. Les gens n'ont rien à faire de l'arme qu'utilisait le criminel. Par conséquent, la loi serait bien meilleure si, au lieu d'imposer une pénalité supplémentaire en raison de l'utilisation d'une arme à feu, elle en imposait une pour usage d'arme et une autre supplémentaire si cette arme a servi à infliger des blessures, et que la pénalité serait beaucoup plus sévère si l'agression avait entraîné la mort d'une personne. Mais il ne faudrait pas lier la peine à l'utilisation d'une arme en particulier....

Il ne nous paraît pas logique que la sévérité de la peine soit liée à l'utilisation d'une réplique d'arme à feu à feu absolument inoffensive.

.1650

Si vous étiez juge, procureur de la Couronne ou agent de police et que vous étiez saisi de ces deux cas, le premier qui ne se traduit par aucun dommage et le deuxième qui occasionne des blessures graves - est-ce que vous imposeriez des peines plus sévères au criminel qui a perpétré son crime à l'aide d'une arme à feu? Ou au contraire, est-ce que vous choisiriez l'autre possibilité, celle qui consiste à le juger pour la simple infraction de cambriolage?

C'est ce qui s'est produit avec l'article 85. Le système de justice pénale refuse de l'utiliser parce qu'il est illogique.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Madame Thom, on vous a vue l'an dernier aux Nouvelles nationales ou dans une émissions d'affaires publiques en compagnie du chef de la police de Halifax, je crois.

Mme Thom: C'est exact.

M. Gallaway: Je l'ai vue, c'était une très bonne émission.

Au cours de cette émission, vous avez déclaré qu'à votre avis le fonctionnement du système national d'enregistrement coûterait entre 250 et 300 millions de dollars. Je pense que les chiffres sont exacts, mais je n'ai pas les transcription avec moi.

Mme Thom: J'avais dit qu'il coûterait de 300 à 500 millions de dollars, en m'appuyant sur les statistiques disponibles à l'époque.

M. Gallaway: Très bien.

Vous êtes une ancienne championne Médaillée d'or aux Jeux olympiques. Je suppose que cela vous donne énormément de crédibilité auprès de la population. Les gens vous connaissent.

Mme Thom: Oui, ils savent qui je suis.

M. Gallaway: Dans vos remarques préliminaires, au nom de la National Firearms Association, vous avez également présenté le projet de loi comme un ramassis d'erreurs.

Mme Thom: C'est exact.

M. Gallaway: L'été dernier, des publicités semblables à celle-ci ont paru dans de nombreux journaux de l'Ouest, à Saskatoon et à Regina. Ces publicités étaient parrainées par un certain nombre de groupes réunis sous la bannière de la National Firearms Association. Je suppose que l'Association a payé cette publicité, puisque son nom y figure. Votre nom est également mentionné.

Je ne comprends pas très bien pourquoi vous mentionnez, au cours d'une émission de télévision sur le réseau national, que le coût du système d'enregistrement serait de 500 millions de dollars, alors que cette publicité parrainée par un groupe dont vous êtes le porte-parole annonce un coût de 1,7 à2 milliards de dollars. Ne pensez-vous pas que cela est trompeur ou contradictoire?

Mme Thom: Je n'ai pas eu l'occasion de lire le document ni de vérifier ces chiffres.

M. Gallaway: Mais alors, quels sont donc les chiffres que nous pouvons vérifier nous-mêmes?

Mme Thom: Je préfère m'en tenir aux chiffres que je vous ai donnés aujourd'hui, c'est-à-dire 600 millions de dollars.

M. Gallaway: Très bien, c'est donc 600 millions de dollars aujourd'hui.

Vous parlez au nom de la National Firearms Association qui a signé une publicité évaluant les coûts entre 1,7 et 2 milliards de dollars. Ne pensez-vous pas que cela est faux ou trompeur?

Mme Thom: Comme je vous l'ai dit, je n'ai pas eu l'occasion de me renseigner sur ce qui les a amené à produire ces chiffres. Je suis désolée, mais...

M. Gallaway: Mais alors, dites-nous comment vous arrivez au chiffre de 600 millions de dollars.

Mme Thom: Nous utilisons les évaluations du ministère de la Justice concernant le nombre d'armes à feu et nous multiplions ce nombre par le coût d'enregistrement de chaque arme.

M. Gallaway: Deuxièmement, vous avez parlé du projet de loi C-68 au cours de vos remarques préliminaires. Je vous prierai de bien vouloir m'excuser car je vais vous paraphraser. N'hésitez pas à me reprendre si je fais erreur. Vous avez dit que le projet de loi C-68 est un texte législatif émanant d'un État autoritaire. J'ai pris des notes et...

Mme Thom: Mentalité.

M. Gallaway: Vous avez parlé de mentalité. Très bien.

Vous avez également parlé d'anecdotes et de tactiques alarmistes. Ne pensez-vous pas qu'il s'agit-là d'une tactique alarmiste?

Mme Thom: Excusez-moi, monsieur Gallaway. Je n'ai pas d'exemplaire sous les yeux. Si vous m'en donnez un, je serai ravie de le lire et de vous présenter mes commentaires.

M. Gallaway: Avec plaisir.

Je dois vous demander pourquoi, puisque vous posez ces questions dans votre mémoire.

Mme Thom: En effet.

M. Gallaway: J'aimerais vous demander pourquoi une telle annonce a été publiée.

Mme Thom: Je suppose que...

M. Gallaway: Elle a été publiée l'été dernier. Est-ce que vous disposez actuellement de renseignements plus récents?

Mme Thom: Je vais demander à M. Tomlinson de répondre, puisqu'il a des notes sur le sujet.

M. Gallaway: Je suppose qu'en tant que porte-parole de votre groupe, vous devriez pouvoir répondre, mais je veux bien entendre les commentaires de M. Tomlinson.

M. Tomlinson: Les chiffres cités dans la publicité représentent le coût total de mise en place du système. Le chiffre de 600 millions de dollars représente uniquement le coût de fonctionnement et d'enregistrement des 7 millions d'armes à feu. Cela ne comprend pas les immobilisations alors que le chiffre global tient compte de l'achat de nouveaux ordinateurs, de nouveaux logiciels, des essais et de la mise en route des systèmes informatiques et de toutes les autres dépenses inhérentes au système d'enregistrement, en plus des coûts de 600 millions de dollars calculés à partir des chiffres fournis par le ministre lui-même relativement au nombre d'armes à feu à enregistrer. Et pourtant, nous savons que ce nombre est vraiment en-deçà de la réalité.

.1655

M. Gallaway: Monsieur Tomlinson, vous dites que vous étiez ici ce matin. Le ministre a présenté au Comité...je suis certain que vous avez eu le temps de consulter ses estimations et de comprendre comment il y était parvenu. Êtes-vous en train de nous dire que le ministère fait une erreur d'environ 800 p. 100?

M. Tomlinson: Je vous invite à jeter un coup d'oeil sur notre document numéro 3 qui utilise uniquement des chiffres fournis par le ministère de la Justice et le Bureau du commissaire de la GRC, puis vous demanderez au ministre pourquoi les résultats auxquels il aboutit sont si différents des nôtres.

M. Gallaway: Eh bien, le ministre nous a donné ces chiffres.

M. Tomlinson: Je n'en ai pas pris connaissance, mais j'ai vu les chiffres qu'il avait présentés antérieurement. Ce sont ces chiffres qui nous ont permis d'aboutir au coût minimal de base de600 millions de dollars. Il en coûte en moyenne 82,69$ pour émettre un certificat d'enregistrement. Ce chiffre provient du rapport qu'a rédigé M. Wade pour le compte du ministère de la Justice.

M. Rock a dit et il l'a encore répété ce matin, qu'il y a sept millions d'armes à feu au Canada;1,2 million sont enregistrées et 5,8 millions ne le sont pas.

Le rapport Wade recommande d'adopter le système d'enregistrement du Québec, ce qui aura pour effet de porter le coût d'émission d'un certificat à 104,02$. D'après le rapport Wade, le coût est encore plus élevé au Québec. À raison de 5,8 millions d'armes à feu et de 100$ par certificat d'enregistrement, chiffre inférieur à ce qu'il en coûte au Québec et qui ne tient pas compte des coûts supplémentaires d'émission de cartes plastifiées plutôt que de simples certificats sur papier, on aboutit au chiffre total de 580 millions de dollars.

Le président: Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: C'est terminé pour moi.

[Traduction]

M. Thompson: J'aimerais poser une question à Mme Thom. Mon attention a été attirée par un commentaire formulé de l'autre côté de la table et j'aimerais avoir un peu plus de précisions à ce sujet. Je ne veux absolument pas donner l'impression que nous voulons banaliser l'idée de violence contre les femmes et si certains de nos commentaires ont été interprétés de la sorte, j'aimerais rétablir les faits.

Madame Thom, j'aimerais savoir pour commencer combien de femmes sont membres de votre association et si vous avez l'impression que votre association banalise la violence dont sont victimes les femmes. Faites-moi vos commentaires. Que pensez-vous de cette question?

Mme Thom: Bien entendu, je suis tout à fait contre la violence faite aux femmes. Je suis femme et je me sens solidaire des autres femmes. Cependant, je pense qu'il est très important de remettre les choses en perspective. Il y a aussi énormément de violence qui s'exerce contre les hommes et, en fait, il y en a beaucoup plus.

Si j'ai comparé le nombre de femmes qui meurent du cancer du sein et celles qui sont victimes d'armes à feu, c'est justement pour mettre les choses en perspective et rétablir un certain équilibre. Je me suis rendu compte, en étudiant la question, que si l'on ne garde pas un point de comparaison pour examiner toutes ces statistiques, on a tendance à oublier que le problème est beaucoup vaste et beaucoup plus grave qu'il ne l'est actuellement. Cependant, je n'ai jamais, au grand jamais, eu l'intention de banaliser le décès d'une seule femme par suicide ou aux mains d'un mari violent. Ce n'était absolument pas mon intention.

M. Thompson: Combien de femmes y a-t-il dans votre organisation? Connaissez-vous le nombre?

Mme Thom: Non, je ne le connais pas. Il y a deux ou trois organisations.

Le président: Vous parlez de la National Firearms Association?

M. Thompson: Oui. la National Firearms Association.

M. Tomlinson: Nous ne faisons pas de distinction entre les hommes et les femmes.

M. Thompson: Bravo, je suis content de vous l'entendre dire.

Votre association a-t-elle personnellement effectué une analyse des systèmes d'enregistrement des armes à feu qui ont déjà été imposés, en particulier ceux qui ont été mis en place au Canada depuis 1934 ou bien utilisez-vous les rapports émanant d'autres chercheurs tel que Mauser pour le Fraser Institute?

M. Tomlinson: Nous nous servons de nos propres recherches. Les documents 17 et 18 relatifs aux erreurs d'enregistrement des armes à feu font partie du lot de documents que nous vous avons remis.

.1700

Nous obtenons également de la documentation auprès d'autres sources, par exemple d'Australie et de Nouvelle-Zélande, comme dans le cas des documents 19 et 20. Notre documentation ne se limite pas à ce que nous vous avons présenté. Nous nous sommes contentés de vous remettre des données prouvant l'inutilité de l'enregistrement.

M. Thompson: Ce qui revient constamment dans le témoignage de vos membres, c'est que le ministre de la Justice a le soutien de tous les services de police et de toutes les commissions de police du pays.

Je crois qu'il y a 17 détachements de la GRC et un ou deux services de police municipale dans ma circonscription. J'ai accompagné plusieurs policiers au cours de leur patrouille. J'ai parlé à des sergents, au personnel de première ligne, pourrait-on dire. Aucun d'entre eux n'était favorable au projet de loi. Avez-vous des preuves qui vous permettent d'affirmer que la police est pour ou contre le projet de loi et sur quoi vous fondez-vous?

Le président: Nous allons justement entendre des témoins de la police demain après-midi.

M. Thompson: Je serais bien content d'en trouver un qui soit en faveur du projet de loi.

M. Tomlinson: Pour bien comprendre la position de l'Association canadienne des chefs de police, il faut se mettre dans l'esprit d'un chef de police. Un chef de police qui se prononce contre l'enregistrement serait également contre l'établissement d'un bureau d'enregistrement dans son propre service. Cela veut dire une diminution du personnel, une réduction du budget et une plus grande difficulté à contrôler les armes à feu dans la ville.

Par contre, du point de vue du personnel... Nous avons remarqué que la plupart des agents de police estiment que l'enregistrement des armes à feu ne serait pas très utile. C'est particulièrement le cas chez les agents de police qui ont de longues années de service, car ils se sont rendu compte, au cours de leur longue expérience, que le système d'enregistrement ne leur a pas été d'une grande utilité.

La preuve en est que le rapport Wade relate que sur 100 recherches effectuées chaque année, la plupart sont des échecs. Nous ne savons pas si «la plupart» signifie 90 p. 100 ou 51 p. 100. Aussi, dans notre troisième document, nous retenons le chiffre de 51 p. 100 d'échec. Nous ne pensons pas que le système d'enregistrement serait très rentable si sa raison d'être était de retracer des armes à feu et qu'il en coûte 141 000$ pour chaque recherche positive.

À cela, il faut ajouter que le rapport Wade ne définit pas ce qu'est une recherche fructueuse. Nous supposons qu'une recherche est considérée fructueuse dans la mesure où elle permet de conclure que telle arme a été volée à Pierre Tremblay il y a huit ans. Nous pensons que cela serait considéré comme une recherche fructueuse, mais le comité pourra toujours poser la question aux personnes qui détiennent ces informations privilégiées.

Par ailleurs, nous ignorons combien de ces 100 recherches sont menées pour les besoins internes afin de vérifier la fiabilité du système.

Le président: Je rappelle à l'intention des membres du comité que nous entendrons demain à la fois l'Association canadienne des policiers et l'Association canadienne des chefs de police. Je crois que nous pourrons demander aux témoins eux-mêmes s'ils sont en faveur du projet de loi. Autrement dit, ils donneront leur opinion tout comme vous vous donnez la vôtre.

M. Gagnon (Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine): J'aimerais dire clairement quelque chose aux représentants de la NFA - j'allais dire la NRA. Les deux associations sont tellement semblables qu'il m'arrive de mélanger les deux.

Monsieur le président, je viens d'une région rurale du Québec où pratiquement tout le monde a son fusil. Dans ma famille, nous avons cinq ou six carabines. Mon grand-père, mon père et moi-même, nous chassons le gros gibier.

Cependant, je suis tout à fait en faveur du projet de loi C-68. En effet, nous avons vu aujourd'hui et nous avions déjà entendu d'autres témoignages à cet effet, que beaucoup de femmes sont victimes de violence et que tous les six jours une femme est assassinée soit par son mari soit par quelqu'un qui était légalement en possession d'une arme enregistrée, dans un nombre très grand de cas actuellement à l'étude.

Le président: Une fusil, c'est une arme.

M. Gagnon: Une carabine aussi. Ce sont des armes, quel que soit le nom que vous leur donniez. Nous n'allons pas nous lancer dans une discussion afin de déterminer quelle est la meilleure arme pour chasser le chevreuil ou le lapin, mais je pense que nous pourrions avoir une discussion intéressante.

Le président: Un couteau, c'est une arme.

M. Gagnon: Étant à la foi Gaspésien et Madelineau, je pense que nous pourrions échanger des renseignements intéressants.

.1705

Je m'étonne également de vous entendre qualifier d'autoritaire le gouvernement fédéral. J'ai l'impression que votre association ne partage pas du tout la philosophie du gouvernement et du Parlement et qu'elle ne se sent pas d'affinité avec le notion de paix, d'ordre et de bon gouvernement. Je crois qu'un grand nombre des exemples que vous citez s'appliquent à ce qui se passe aux États-Unis, mais pas à ce qui se passe ici.

On ne peut comparer le nombre de meurtres commis au Canada avec ceux qui se commettent aux États-Unis. La société canadienne est sûre. C'est là une des caractéristiques de notre pays et nous voulons qu'il continue d'en être ainsi.

Cependant, je ne voudrais pas trop m'éloigner du sujet, car je n'ai pas beaucoup de temps. J'aimerais vous demander ce que pense le gouvernement amécicain du projet de loi. D'après les échos que j'ai eus, le gouvernement américain et ses organismes d'application de la loi sont en faveur de notre projet de loi qu'ils considèrent comme un bon exemple.

Quant à vous, monsieur, j'aimerais entendre votre point de vue sur la prolifération des armes de toutes sortes et du désarroi actuel de la société américaine. Ne pensez-vous pas que si la société américaine disposait d'une loi analogue au projet de loi C-68 ou à la législation qui était en vigueur jusqu'à présent, elle ne connaîtrait pas les tribulations et la véritable anarchie qui règnent dans ce pays, si l'on en juge par les récents événements? J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

M. Tomlinson: Je crois en fait que vous faites erreur en ce sens que vous considérez les États-Unis comme une société monolithique où les problèmes sont les mêmes partout. Or, ce n'est absolument pas le cas.

M. Cinterwall a effectué une étude dans l'American Journal of Epidemiology dans laquelle il compare les états des États-Unis proches de la frontière du Canada avec les provinces et territoires canadiens contigus comme étant sociologiquement les plus semblables. Cette comparaison est extrêmement intéressante puisqu'elle révèle que les taux les plus élevés d'homicide et d'agressions graves ont lieu de notre côté de la frontière, dans le territoire du Yukon. Du côté américain, les taux les moins élevés d'homicides et d'agressions graves ont été constatés dans le Dakota du Nord où ils sont environ deux fois moins élevés que dans n'importe quelle province candienne.

Aux États-Unis, d'ailleurs, la législation concernant les armes à feu est le plus souvent locale et varie générale d'un État ou d'une ville à l'autre. Les taux de crimes violents sont beaucoup moins élevés dans les régions où l'utilisation des armes à feu est réglementée.

M. Gagnon: Vous n'y êtes pas du tout! Sur une base par habitant cela permettrait d'épargner 100 000 personnes. Êtes-vous en train de nous dire que la criminalité est moins élevée aux États-Unis qu'au Canada?

M. Tomlinson: Dans le Dakota du Nord, oui.

M. Gagnon: Peut-être, mais ce n'est que l'État du Dakota du Nord qui a une population d'un million ou un million et demi d'habitants.

M. Tomlinson: Nous citons des chiffres...

M. Gagnon: Mais je parle de la situation d'ensemble, de statistiques que l'on peut utiliser à travers le monde si l'on compare les États-Unis au Canada, à l'Europe, à l'Asie, etc.

Prétendez-vous que la société américaine soit plus sûre, que Détroit soit moins dangereux que Toronto, que Washington soit plus sûre que Montréal et que les armes à feu ne posent aucun problème aux États-Unis où les gens peuvent se procurer toutes sortes d'armes que nous n'avons pas au Canada? Avez-vous des preuves?

M. Tomlinson: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'il s'agit d'un problème local. Aux États-Unis, le taux de criminalité est extrêmement élevé dans les endroits où les conditions socio-économiques sont très mauvaises, comme dans les ghettos des grandes villes.

Mais pour bien analyser la situation, il faut l'examiner plus en détail. Par exemple, la réglementation des armes à feu à Washington D.C. est bien plus stricte que celle qui s'applique au Canada. Et pourtant, c'est Washington qui connaît le taux d'homicides le plus élevé des États-Unis. Le taux de criminalité est de 2 500 pour 100 000 habitants. Si vous demandez aux habitants de Washinigton D.C. pourquoi leur réglementation sur les armes à feu ne les protège pas mieux, ils vous répondront qu'il suffit de traverser le pont pour se rendre à Alexandria, en Virginie occidentale, pour pouvoir se procurer des armes sans se plier à pratiquement aucun contrôle.

Le problème, c'est que les taux d'homicides et de crimes violents à Alexandria, en Virginie occidentale, sont environ 10 fois moins élevés qu'à Washington.

.1710

Le problème n'est pas simple. Les comparaisons générales entre le Canada et les États-Unis sont si simplistes et si ridicules qu'elles ne valent même pas la peine qu'on s'y arrête.

M. Ramsay: J'ai été surpris de vous entendre dire que les armes à feu ne sont pas nécessaires pour se protéger contre les animaux. Monsieur Thompson, Mme Torsney et moi-même avons participé à Kamloops à une réunion d'information sur les armes à feu. Une femme de l'assistance nous a parlé d'un jeune garçon qui a été tué par un ours qui avait pénétré dans la cour pendant que ses parents tentaient frénétiquement d'ouvrir les placards verrouillés dans lesquels étaient enfermées leurs armes à feu.

Si vous allez dans le nord du Canada, en particulier dans les Territoires, là où des familles entières pratiquent le piégeage et la chasse, notamment à cette époque de l'année, vous constaterez qu'on a bien besoin d'une arme à feu pour se protéger quand les ours commencent à rôder. Je voulais tout simplement que cette précision soit consignée au procès-verbal.

Ma question s'adresse à M. Tomlinson. J'ai obtenu des renseignements sur le coût de traitement d'une AAAF. J'en ai parlé lors du passage du ministre de la Justice. Les chiffres que j'ai obtenus ne me paraissent pas s'appuyer sur des données suffisamment solides, mais elles proviennent d'une source que je considère assez fiable. D'après cette source, le traitement d'une seule arme AAAF coûtait, en 1994, 185$ et quelques cents à Toronto. Selon une autre source, le coût serait d'environ 150$ d'après les meilleures estimations et les données disponibles.

Il faut voir ce qu'un contrôleur chef des armes à feu a à faire avant d'émettre un permis et encore plus avant d'enregistrer une arme. En effet, pour émettre un permis avant d'enregistrer une arme en vertu du paragraphe 5(2) il faut vérifier les antécédents criminels du requérant, vérifier s'il n'a pas été traité pour maladie mentale, examiner ses antécédents sur le plan du comportement, probablement en effectuant une enquête auprès de ses voisins afin de s'assurer qu'il n'a pas des antécédents de violence, de menace ou de tentative de violence.

J'aimerais donc vous demander si vous pouvez évaluer ce qu'il en coûte aujourd'hui pour émettre une autorisation d'acquisition d'arme à feu?

M. Tomlinson: Le coût de 150$ à 185$ que vous avez cité me paraît raisonnable si j'en juge d'après ce que j'ai pu constater. Cependant, il est tout à fait impossible de savoir combien cela coûtera à l'avenir, étant donné que le contrôleur des armes à feu devra se conformer, en plus des exigences actuelles, aux décrets du Conseil que voudront bien adopter les futurs ministres.

Je veux dire par là que le bureau du ministre est rempli de bureaucrates et que ces fonctionnaires ont leurs propres intérêts. Ils veulent toujours améliorer le système. Chaque amélioration entraîne une augmentation des coûts et une augmentation de personnel, c'est-à-dire une augmentation du budget et un accroissement du pouvoir que détient le haut fonctionnaire de ce bureau.

M. Ramsay: Mais alors, j'ai une autre question pour vous. Connaissant le processus de délivrance ou de traitement pour un AAAF, et compte tenu de l'article 5, envisagez-vous une augmentation de la charge de travail du contrôleur des armes à feu par rapport aux fonctions et responsabilités qui lui incombent en vertu du paragraphe 5(2) du projet de loi? Pensez-vous qu'il y aura augmentation ou que la tâche sera pratiquement la même?

M. Tomlinson: D'après moi, tout dépend de l'interprétation. La terminologie de toute cette législation est désespérément vague. Un contrôleur pourra se croire obligé de faire telle ou telle chose alors qu'un autre ne se donnera pas la peine de tout vérifier, partant du principe que tout est en ordre.

.1715

C'est quelque chose que le rapport Wade a souligné très clairement. La variation dans la façon de traiter ces choses était si grande que le rapport Wade n'est absolument pas parvenu à dire quelle façon était la bonne. On utilisait tout simplement trop de façons différentes. Comme il l'a indiqué, cela varie d'une province à l'autre et même à l'intérieur d'une même province.

Le président: Avant de donner la parole à Mme Torsney, monsieur Tomlinson, en parlant avec M. Gagnon, vous avez fait référence à un rapport qui est paru dans une publication spécialisée, dans lequel on comparait les états frontaliers américains avec les provinces du Canada. Je me demande si, à la fin de la réunion, vous pourriez indiquer au greffier la référence exacte de ce rapport. Nous aimerions en obtenir un exemplaire pour pouvoir le consulter. Est-ce possible?

M. Tomlinson: Oui. Je pense que j'en ai un exemplaire dans ma serviette.

Le président: Sinon, dans la mesure où nous avons la référence, nous pouvons l'obtenir nous-mêmes.

Mme Torsney (Burlington): En fait, j'en ai moi aussi un exemplaire. C'est un document tout à fait intéressant, parce qu'il parle bien sûr de la nécessité d'avoir des normes nationales et non pas provinciales, comme vous le recommandez peut-être, ou des normes variant d'un état à l'autre. Il y a certainement, dans l'état de New York, 10 fois plus d'homicides par arme à feu qu'au Canada. Dans l'état de Washington, il y en a deux fois plus. Dans le Michigan, il y a sept fois et demie plus de décès par arme à feu. Ces états américains ont certainement des problèmes qu'ils doivent régler.

Pour terminer, je voudrais vous poser deux questions distinctes. D'abord, j'aimerais savoir si M. Martinoff fait toujours partie de votre bureau exécutif.

M. Tomlinson: Pas du bureau exécutif, mais il est encore membre de l'association.

Mme Torsney: Combien de membres y a-t-il en fait dans votre association, je parle des membres individuels et non pas de ceux qui sont membres d'une autre association qui fait elle-même partie de la vôtre?

M. Tomlinson: Pour le moment, je ne pourrais pas vous donner un chiffre exact. Nous connaissons une croissance explosive et nous n'avons pas eu le temps d'examiner où nous en sommes.

Mme Torsney: Combien de gens y avait-il sur votre dernière liste d'adresses, monsieur Tomlinson?

M. Tomlinson: Notre dernière liste comportait environ 7 000 noms.

Mme Torsney: Vous avez donc 7 000 membres. Vous avez également cité tout à l'heure certains chiffres intéressants au sujet du taux de participation à la vie politique comparé entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne les propriétaires d'armes à feu, ou s'agissait-il simplement des membres de la NRA?

M. Tomlinson: Je suis désolé, je ne comprends pas la question.

Mme Torsney: Vous avez comparé le taux de participation politique des possesseurs d'armes à feu Canadiens par rapport aux Américains, en disant que les membres américains de la NRA... Je crois que c'est ce dont vous parliez.

M. Tomlinson: Non. Il s'agissait de la population totale. Aux États-Unis, 38 p. 100 des électeurs sont membres d'un parti politique. Au Canada, il y en a moins de 3 p. 100. Nous recommandons donc à nos membres de militer à l'intérieur des partis politiques, car ce chiffre nous paraît beaucoup trop bas.

Mme Torsney: Espérons que cela n'entraînera pas chez nous le genre de distorsion de la vie politique que l'on connaît aux États-Unis.

L'un des documents dont j'ai également un exemplaire s'appelle Gunproofing Your Child et je pense que vous êtes peut-être l'auteur de cet article.

M. Tomlinson: Oui.

Mme Torsney: Monsieur Tomlinson, à quel âge pensez-vous que nous devrions commencer à montrer à nos enfants comment utiliser une arme à feu?

M. Tomlinson: À l'âge où ces armes peuvent être dangereuses pour les enfants. Aujourd'hui, c'est l'âge où votre enfant est dans la maison de quelqu'un d'autre et échappe à votre contrôle.

Mme Torsney: Puisque beaucoup de gens placent leurs enfants dans des garderies, ce serait à l'âge de six mois ou même avant. Vous pensez donc que l'on peut commencer à enseigner aux enfants comment utiliser les armes à feu à ce moment-là?

M. Tomlinson: Non. Je veux dire quand votre enfant se rend en visite chez des amis parce que, quand il est dans la maison d'un ami, vous n'avez aucun contrôle sur ce qui se passe avec des armes à feu dans cette maison. Si son ami en sort une, votre enfant devrait savoir quoi faire.

Mme Torsney: Si j'ai des enfants, il faut en fait que j'aie des armes et que je tire dans des barres de savon et d'autres choses pour leur faire comprendre ce message. Ne puis-je pas simplement leur en parler? Il faut vraiment que je sorte une arme et que je tire avec?

M. Tomlinson: Non. Il faut que vous luttiez contre la télévision. Quand votre enfant a six ans, la télévision lui a déjà appris à charger un révolver, un pistolet automatique, une carabine et un fusil de chasse et à tirer avec. Si la formation que la télévision a donnée à votre enfant vous convient, alors ça va.

Mme Torsney: Madame Thom, êtes-vous également d'accord avec cela?

Mme Thom: Vous parlez des statistiques?

Mme Torsney: Non, de prémunir les enfants contre les dangers de cette façon-là.

Mme Thom: J'ai appris à tirer à l'âge de huit ans. Mon père insistait sur la sécurité et toujours la sécurité. Il nous a surveillés jusqu'à ce qu'il pense que nous pouvions tirer sans danger en dehors de sa présence. Nous utilisions à l'époque un fusil à air comprimé et c'est ce qu'utilisent de très nombreux jeunes gens maintenant pour apprendre à tirer.

.1720

Mme Torsney: Vous recommanderiez donc...

Excusez-moi, monsieur le président, mais j'avais une question très précise et je voulais avoir une réponse.

Le président: Je sais, mais je veux être sûr que les réponses figurent au procès-verbal.

Mme Torsney: Je me demandais si vous recommandez que tous ceux d'entre nous qui laissons nos enfants regarder la télévision et rendre visite à d'autres enfants chez eux dont les parents ont peut-être des normes différentes des nôtres, devraient enseigner aux enfants comment utiliser une arme et utiliser des barres de savon... Et si vous recommandez de faire ce que dit cet article, c'est-à-dire de montrer en pratique à ces jeunes gens comment tirer? Répondez oui ou non.

Mme Thom: Excusez-moi, je ne peux pas répondre simplement par oui ou par non, parce que les situations peuvent varier.

Mme Torsney: Madame Thom, M. Tomlinson a publié un article destiné à tous les gens qui ont des armes à feu ou qui ont des enfants qui regardent la télévision, dans lequel il dit qu'il faut apprendre à ces enfants la sécurité en ce qui a trait aux armes à feu. Je vous demande si vous êtes d'accord avec cet article?

Mme Thom: Tous les gens qui ont des armes à feu devraient très certainement prémunir leurs enfants contre ces dangers, parce que, de la même façon que nous enseignons la sécurité routière à tous les enfants des écoles, nous veillons... C'est important et la preuve est faite que si nous leur enseignons cela quand ils sont jeunes...

Mme Torsney: Madame Thom, excusez-moi de vous interrompre à nouveau, mais cet article dit précisément que, même s'il n'y a pas d'armes à feu chez vous, vous devriez vous en procurer pour montrer à vos enfants comment les utiliser en pratiquant le tir dans des barres de savon, et qui cite l'exemple d'une personne qui n'a pas d'arme à feu dans sa maison. M. Tomlinson pense que tous ceux d'entre nous qui ont des enfants qui font des visites à d'autres enfants ou qui regardent la télévision devraient aller pratiquer le tir avec eux, apparemment dès que ceux-ci ont six mois.

Mme Thom: Je suis désolée, je crois que parler de six mois est une exagération, vraiment.

Mme Torsney: Il a dit «dès le plus jeune âge».

Le président: Nous avons dépassé le temps prévu. Avez-vous lu cet article?

Mme Thom: Non. Je suis désolée, je ne l'ai pas lu. Pour répondre plus précisément à cette question... Je pense que le principe en jeu est que nous essayons d'apprendre à nos enfants comment utiliser des armes à feu sans danger, alors que la télévision et les films leur enseignent le contraire très bien et dès un âge très tendre. Je pense qu'il serait bon que les parents soient prêts à se rendre dans un club avec un enfant d'âge raisonnable - cela dépend beaucoup de la taille de l'enfant, parce que dans certains cas il peut avoir sept ans et demi et, dans d'autres, être beaucoup plus vieux - et profiter de la possibilité d'y pratiquer le tir et d'apprendre à utiliser une arme de façon sécuritaire. Ce serait une très bonne idée parce que nous subissons beaucoup d'attaques injustifiées de la part de la société.

Mme Torsney: Puis-je faire un commentaire? Il faut que nous sachions qui est le porte-parole de la National Firearms Association, parce que ses représentants ne sont, de toute évidence, pas d'accord entre eux et je ne sais pas comment nous sommes censés savoir quel est le point de vue de l'association.

Le président: Eh bien, la seule chose dont nous disposons aujourd'hui est son mémoire. Je ne dis pas cela par plaisanterie, mais certains membres de la National Firearms Association ont peut-être un point de vue personnel, tout comme nous parfois dans les partis politiques. C'est sur le mémoire que nous devrions nous baser. Vous avez sans doute raison de dire qu'ils ont aussi probablement des points de vue différents sur des sujets différents, mais ce n'est pas inhabituel.

Mme Torsney: Il est certainement difficile de comprendre ce qu'ils recommandent.

Le président: Je pense que M. Tomlinson a certains points de vue particuliers. J'ai remarqué la même chose en ce qui concerne Mme Thom et je n'ai pas encore entendu M. Morton. Mais aujourd'hui, c'est uniquement de leur mémoire que nous nous occupons et des recommandations qu'il contient.

Mme Thom: Merci beaucoup, monsieur Allmand. J'apprécie votre intervention parce qu'il est agréable de savoir que l'on peut être membre d'une organisation et avoir des idées divergentes ou légèrement différentes. Je pense néanmoins sincèrement que c'est le principe dont il est question ici, que l'on examine ou que l'on soumet à votre examen, et non pas une notion absolue...

Mme Torsney: Madame Thom, je pense qu'il faudrait que vous lisiez cet article.

Le président: Elle est peut-être en désaccord avec cet article, qui sait?

Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Je voudrais simplement faire un commentaire très court au sujet d'une phrase dans le résumé que j'ai devant moi, qui dit que ce sont les crimes avec violence qui posent un problème et non pas les armes à feu. Alors là, je vous jure que La Palice serait tombé en bas de sa chaise. Je dirais que c'est assez profond, à un tel point que j'ajouterais que ce sont les munitions qui tuent et non pas la personne qui tient l'arme.

.1725

C'est tout ce que j'avais à dire.

[Traduction]

Mme Thom: Je serai heureuse de vous répondre en vous donnant simplement un exemple. Je connais beaucoup de gens qui en ont assez d'entendre dire que ce n'est pas l'arme à feu qui tue mais la personne qui l'utilise. Or, si vous preniez une Chevrolet et écrasiez un groupe de gens qui sont à un arrêt d'autobus, par exemple, en les tuant tous et que vous disiez qu'il serait logique d'interdire toutes les Chevrolet, je crois que cela ferait rire bien des gens. Je ne crois pas que, dans ce cas, ce soit l'auto qui ait tué ces gens-là; je crois que c'est la personne qui était au volant.

[Français]

Mme Venne: Une arme, c'est fait pour tuer. Une voiture, c'est fait pour voyager. Ne faites pas des associations d'idées qui n'ont pas à être.

[Traduction]

M. Tomlinson: Je voudrais répondre à ce commentaire. Vous dites, madame, qu'une arme est faite pour tuer. Il y a 1,2 million d'armes à feu dans notre pays et très peu d'entre elles, beaucoup moins de 1 p. 100, ont jamais été utilisées pour tuer un être humain.

Le président: À quoi sont-elles censées servir?

M. Tomlinson: Bien souvent, comme dans le cas des armes de Mme Thom, une arme à feu sert à faire des trous dans des morceaux de papier, et à rien d'autre. Ces armes ne peuvent absolument pas servir à autre chose.

Le président: J'allais vous poser quelques autres questions, mais je voudrais éclaircir ce point; êtes-vous en train de dire que les armes utilisées dans des compétitions internationales, même si elles sont censées servir à tirer sur des cibles, ne pourraient pas être utilisées pour tuer quelqu'un? Si, en tirant, vous ratiez la cible et m'atteigniez, est-ce que je ne mourrais pas?

M. Tomlinson: Peut-être que oui, mais ce fusil est si gros qu'on ne peut pas le cacher. Il est si difficile à manipuler, qu'on ne peut pas vraiment l'utiliser comme une vraie arme. C'est purement un instrument destiné à faire des trous dans des morceaux de papier.

Le président: C'est difficile à croire, mais de toute façon...

Je voulais vous poser d'autres questions à propos de votre organisation afin que cela puisse figurer au procès-verbal, et j'ai l'intention d'en faire autant avec toutes les organisations qui se présentent devant nous. On vous a demandé combien vous aviez de membres et vous nous avez répondu que vous ne pouviez pas nous le dire parce que ce nombre varie beaucoup. Quel était-il à la fin de l'année dernière?

M. Tomlinson: Je n'en sais rien. Nous sommes dans une période de croissance explosive depuis Kim Campbell. Nous sommes en train de passer d'un programme d'ordinateur à un autre parce que l'ancien était insuffisant pour traiter un aussi grand nombre de membres.

Je peux vous dire qu'au cours des neuf dernières journées pour lesquelles j'ai des chiffres, nous avions en banque 70 000$ de cotisations et d'assurance.

Le président: C'est ma prochaine question. Vos membres paient-ils une cotisation et à combien se monte-t-elle?

M. Tomlinson: Notre cotisation est de 30 $ par membre, 40 $ par famille, 50 $ pour une entreprise, 500 $ pour les membres à vie, à quoi il faut ajouter 4,50 $ par personne d'assurance offrant une responsabilité civile de 2 millions de dollars qui couvre toutes les activités de loisir impliquant l'usage d'armes à feu au Canada ou aux États-Unis.

Soit dit en passant, nous vendons cette assurance à tous les membres de tous les clubs de tir partout au Canada depuis cinq ans et nous avons eu en tout très exactement une réclamation concernant une automobile endommagée lorsqu'une tente a été renversée par le vent lors d'une compétition.

Le président: Il est regrettable que vous n'ayez pas de données concernant la répartition de vos membres. Avez-vous une idée approximative de cette répartition entre les entreprises membres et les membres individuels?

M. Tomlinson: Je dirais que 99,5 p. 100 de nos membres sont des particuliers ou des familles.

Le président: Savez-vous combien d'entreprises ou de sociétés vous avez parmi vos membres?

M. Tomlinson: Très peu. Ce sont surtout des petites entreprises. La plupart des gens inscrivent leur entreprise comme membre pour pouvoir déduire la cotisation de l'impôt.

Le président: Avez-vous d'autres ressources financières que les cotisations? Recevez-vous des dons ou des cadeaux?

M. Tomlinson: Oui, nous recevons des dons.

Le président: De la part de sociétés ou d'entreprises?

M. Tomlinson: Non. À l'occasion, une entreprise nous donne quelque chose. Depuis que notre association existe, je dirais que, au cours des cinq dernières années, nous avons reçu moins de 2 000 $ de la part de l'ensemble des entreprises.

Le président: Recevez-vous des dons ou des cadeaux de la part de fabricants d'armes à feu ou de revues portant sur la chasse, le tir ou les collections d'armes à feu, comme il en existe un bon nombre? J'en ai vu dans le...

M. Tomlinson: Non.

.1730

Le président: Une partie de vos ressources financières vient-elle de l'extérieur du Canada?

M. Tomlinson: Non. Oh, excusez-moi, nous avons quelques membres en Angleterre et aux États-Unis, probablement une trentaine en tout.

[Français]

Mme Venne: Monsieur le président, j'aurais une question supplémentaire à poser.

[Traduction]

Le président: On vous demande si vous êtes associé à la National Rifle Association des États-Unis.

M. Tomlinson: Non.

M. Lee (Scarborough - Rouge River): Monsieur Tomlinson, vous connaissez très bien les armes à feu et je veux aborder la question - je n'utilise peut-être pas les termes techniques corrects - des répliques ou des imitations d'armes et de la possibilité que certains propriétaires actuels d'armes à feu décident de les rendre inopérantes. Certains propriétaires d'armes peuvent considérer cela comme une hérésie mais, étant donné l'étendue du champ d'application de la législation actuelle, je pensais que certains pourraient choisir cette option et rendre leurs armes ou certaines d'entre elles inopérantes.

Premièrement, pensez-vous qu'il pourrait y avoir un nombre important de propriétaires actuels qui voudraient le faire? Deuxièmement, pensez-vous que les définitions existant actuellement dans la loi sont suffisantes face à toutes les catégories différentes qui existent depuis les armes à feu utilisables jusqu'aux armes inopérantes, aux répliques et aux imitations? Je ne sais pas très bien quoi penser quand je lis tout cela et je me demande si vous avez un commentaire à ce sujet.

M. Tomlinson: Vous n'êtes pas le seul à ne pas savoir quoi en penser. Personne ne sait ce que signifie l'expression «réplique d'arme à feu», ni l'expression «imitation d'arme à feu». C'est parce que la loi ne contient aucun renseignement à ce sujet.

En ce qui concerne les armes rendues inopérantes, le terme technique correspondant est DEWAT, qui désigne des armes de collection neutralisées. Il s'agit surtout de mitrailleuses rendues inoffensives. Celles-ci constituent un gros problème et suscitent bien des controverses parce qu'on considère comme une arme à feu l'arme entière ou sa carcasse ou sa boîte de culasse selon la définition légale du terme «arme à feu». Une arme inopérante comporte donc une carcasse ou une boîte de culasse.

Les armes désactivées peuvent l'être de nombreuses façons différentes. Une façon de procéder peut convenir à une arme mais pas à une autre. Il n'existe pas de définition d'arme désactivée ni de ce qui est ou non acceptable à cet égard.

L'un des éléments étranges de la loi est que personne n'est chargé d'établir ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas ou ce qui fait ou non passer une arme d'une catégorie à une autre. La seule personne à pouvoir donner une opinion ayant la moindre valeur est un juge de tribunal pénal, car personne n'est désigné pour prendre cette décision.

Dans la situation actuelle, nous avons donc des procès en cours dans tout le Canada pour essayer de déterminer le statut des armes à feu. C'est un domaine dans lequel règne une grande confusion.

M. Lee: Pensez-vous que si nous précisions les choses un peu mieux - je ne possède pas d'arme à feu et je ne connais pas ce domaine. Je cherche à connaître votre opinion ou celle des autres témoins ici présents - pensez-vous qu'un nombre important de possesseurs actuels d'armes à feu profiteraient des dispositions relatives aux armes désactivées?

M. Tomlinson: Je vais vous donner un exemple. Le ministère de la Justice a publié une bande vidéo expliquant comment désactiver une arme à feu. On y présente simplement une opinion individuelle qui n'a aucun statut juridique.

Les méthodes qui y sont décrites sont tout simplement inapplicables. Il est mécaniquement impossible de les réaliser et la personne qui les décrivait sur la bande vidéo n'avait, de toute évidence, jamais essayé de les mettre en pratique, parce que c'est impossible.

En outre, on y montrait comment désactiver une mitraillette Uzi, et la méthode choisie était si déficiente que j'aurais pu la contrefaire très facilement et me retrouver avec une mitraillette Uzi extérieurement conforme en tous points à ce qui était demandé mais qui aurait pu être rendue à nouveau utilisable en tout juste deux minutes.

Il y a beaucoup de confusion dans ce domaine. Si vous voulez vous pencher là-dessus, je vous en prie, consultez de meilleurs experts que ceux du bureau du ministre. C'est un domaine très technique et très complexe.

.1735

Quand on parle de désactiver une arme, cela a l'air facile, mais je connais par exemple le cas d'un entrepôt qui avait brûlé aux États-Unis; il contenait une grande quantité de mitraillettes Thompson qui avaient brûlé au point de n'être plus que de vieux objets noircis. La température du feu avait été très élevée et le métal avait été trempé; les armes étaient couvertes de rouille à cause de l'eau et un grand nombre d'entre elles ont été remises en service.

Il est donc très difficile de désactiver une arme à feu de façon à ce qu'elle ne puisse plus être remise en service. En fin de compte, il faudra que vous vous demandiez si vous acceptez que les gens puissent avoir une arme quelconque, parce qu'il est également relativement facile de transformer des armes de sport en armes entièrement automatiques.

Le président: J'aimerais recevoir un exemplaire de cette bande vidéo. Quand a-t-elle été réalisée? Vous dites qu'elle a été préparée et diffusée par le ministère de la Justice. Pouvez-vous l'identifier de façon un peu plus précise pour que nous puissions la trouver?

M. Tomlinson: Il y a eu une série de bandes vidéo et elles contiennent de graves erreurs.

Le président: En quelle année, monsieur Tomlinson?

M. Tomlinson: L'année dernière.

Le président: C'était le ministère de la Justice fédérale?

M. Tomlinson: C'est exact. Elles ont été distribuées à la police à qui elles ont fourni d'énormes quantités de renseignements qui, dans de nombreux cas, étaient terriblement erronés. Par exemple...

Le président: Très bien. J'ai entendu votre déposition. Je voulais simplement que vous les identifiiez pour que nous puissions obtenir un exemplaire de celles sur la désactivation. Merci.

M. Ramsay: Je voudrais demander à n'importe lequel des témoins présents ici aujourd'hui... Le ministre de la Justice, bien sûr, a utilisé la statistique effrayante selon laquelle une femme est assassinée par une arme à feu tous les six jours, c'est véritablement effrayant. Je me demande si l'un quelconque des témoins sait que cette statistique diminue depuis 1975? Elle a connu son niveau le plus bas pendant cette période - je crois que c'était aux alentours de 1984 - lorsque le Canada a connu un redressement économique très marqué. Connaissez-vous ces statistiques? Cela rappelle certains propos de M. Tomlinson selon lesquels le taux de criminalité semble être plus élevé dans les zones qui connaissent des difficultés économiques.

Avez-vous des commentaires à ce sujet?

Mme Thom: J'aimerais commenter la première partie de vos observations, sur les statistiques remontant à 1975. Elles indiquent une diminution du nombre des décès dus à des armes à feu par habitant au Canada et ce nombre semble être beaucoup plus influencé par l'évolution de la situation commerciale ou économique que par n'importe quel projet de loi présenté.

Le premier cas que je connaisse personnellement est celui du projet de loi présenté en 1978-1979. On disait à l'époque qu'il avait entraîné une diminution du nombre de décès dus à des armes à feu, alors qu'en fait cette diminution remontait à 1975, c'est-à-dire à une date antérieure à l'entrée en vigueur de cette loi. Il est très intéressant de noter que, en fait, comme pour le taux de suicide, cette évolution se fait en réaction à d'autres tendances et non pas aux projets de loi.

M. Ramsay: Le projet de loi C-68 vous paraît-il contenir quelque chose qui puisse régler le problème de la violence familiale?

Mme Thom: Non. Je crois qu'il y a beaucoup plus de mesures dans ce sens dans le projet de loi C-17. En fait, elles sont très complètes et vont très loin dans le projet de loi C-17 et c'est précisément l'objectif d'une bonne partie de son contenu. Il était censé tenir compte aussi bien de la violence familiale que des suicides et des accidents.

M. Ramsay: Si d'autres témoins veulent faire un commentaire là-dessus... je n'ai pas d'autre question à moins qu'un commentaire d'un témoin vienne m'en inspirer une.

.1740

Le président: Nous avons dépassé la durée prévue pour cette réunion. Mme Torsney a une dernière question, mais je ne pense pas qu'elle dispose de cinq minutes.

Mme Torsney: J'ai trouvé cela intéressant, car votre organisation a, bien entendu, combattu le projet de loi C-17. Je ne comprends donc pas très bien pourquoi vous auriez été en faveur de ces dispositions.

Au cours de vos interventions, vous avez parlé à plusieurs reprises, et vous venez de le faire à nouveau, de l'existence de problèmes reliés à la pauvreté et à la violence à la télévision et je me demande si vous distribuez de l'information. Contribuez-vous financièrement à l'une quelconque des diverses organisations qui essaient d'oeuvrer contre la violence à la télévision comme l'Organisation nationale anti-pauvreté ou le groupe de Patricia Herdman? Distribuez-vous certaines de leurs brochures ou leur fournissez-vous une aide financière?

M. Tomlinson: Nous oeuvrons dans le domaine des armes à feu parce que c'est notre mandat. Nous essayons d'apprendre aux gens à manier les armes sans danger et à veiller à leur sécurité personnelle. Nous faisons de notre mieux dans notre domaine limité. Nous ne pouvons pas nous permettre d'essayer de régler tous les autres problèmes du monde, car il y a, comme vous le savez, d'autres organisations qui s'en occupent déjà.

Mme Torsney: Vous ne ressentez pas le besoin de travailler de concert avec d'autres. Vous êtes donc simplement un groupe qui se concentre sur un seul domaine?

M. Tomlinson: Nous travaillons dans notre domaine comme les autres travaillent dans le leur. Nous rencontrons de temps à autre d'autres organisations, nous parlons de diverses choses et nous nous aidons mutuellement, mais nous travaillons surtout dans notre propre domaine, tout comme les autres le font dans le leur.

Mme Torsney: En fait, la plupart d'entre elles ne s'intéressent pas qu'à une seule question. Mais ça va. Merci.

Mme Thom: Je voudrais commenter l'observation que vous venez de me faire. J'ai été vice-présidente du Conseil consultatif canadien des armes à feu qui comprenait des représentants avec des points de vue sur les deux aspects de la question. Nous avons fait beaucoup de travail pour présenter des recommandations à la ministre, qui en a accepté quelques-unes et d'autres non.

Comme vous le savez sans doute, j'appartiens à plusieurs organisations différentes dans le pays et c'était déjà le cas à l'époque et plusieurs de ces organisations n'étaient pas d'accord avec de grandes parties du projet de loi. Cela ne m'a pas empêchée de travailler au sein de ce comité et d'aider à préparer les recommandations qui ont été présentées à la ministre.

Mme Torsney: Là encore, Madame Thom, vous parlez aujourd'hui au nom de la National Firearms Association qui s'oppose en fait au projet de loi C-17.

Mme Thom: Oui. Tout comme la FSC, dont je suis un des directeurs.

Le président: Je vous remercie d'être venue ici aujourd'hui et de nous avoir donné votre point de vue sur le projet de loi.

La séance est levée jusqu'à 19h30 ce soir quand nous entendrons les représentants du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

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