[Enregistrement électronique]
Le mardi 25 avril 1995
[Traduction]
Le président: Il y a quorum. Vu notre emploi du temps très chargé, nous allons commencé. Je tiens à vous rappeler que nous devons terminer l'examen du budget des dépenses du Service correctionnel à 11h30. Ensuite, nous passerons à l'examen du projet de loi C-68. Nous avons prévu un témoin de 11h30 à 13h30. Comme vous le savez, cet après-midi, nous nous réunissons à nouveau avec les représentants de la GRC pour l'étude du projet de loi sur le contrôle des armes à feu.
Je tiens également à vous prévenir que nous tiendrons une réunion du comité directeur jeudi, à midi. C'est le seul temps disponible. À cette réunion, il sera question de l'opportunité de tenir des séances additionnelles sur le contrôle des armes à feu suite à de nombreuses lettres que j'ai reçues en ce sens. Nous discuterons également de la possibilité d'ajouter d'autres catégories de témoins.
Je veux que vous sachiez aussi que je vais m'entretenir avec le président du Conseil du Trésor pour voir si je peux vous obtenir une augmentation de salaire - ceux uniquement qui font partie de ce Comité.
Nous sommes heureux d'accueillir ce matin, M. John Edwards, commissaire de Service correctionnel Canada. Il est accompagné de quelques uns de ses collaborateurs qu'ils nous présentera. De 9h30 à 11h30, nous examinerons le budget des dépenses principal pour l'exercice financier 1995-1996: crédits 15 et 20, Service correctionnel Canada sous la rubrique Solliciteur général.
Monsieur Edwards, je pense que vous avez une brève déclaration qui a été, je le présume, distribuée. Vous avez donc la parole. Vous pouvez nous présenter vos collaborateurs et faire votre exposé. Ensuite nous passerons aux questions.
Le commissaire John Edwards (Service correctionnel du Canada): Merci, monsieur le président. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Andrew Graham, sous-commissaire principal; de M. Jean-Claude Perron, sous-commissaire, région du Québec; et de Mme Dyane Dufresne, conseillère nationale des Ressources humaines.
Mesdames et messieurs, comme vous le savez tous, nous avons connu une année fertile en événements. Nous avons beaucoup retenu l'attention du public et des médias, le point culminant étant la télédiffusion de certaines parties d'une bande vidéo tournée par une équipe d'intervention d'urgence à la Prison des femmes.
Comme vous, je suis heureux du choix de Mme le juge Arbour pour diriger une enquête indépendante, comme l'a annoncé le Solliciteur général. Lorsque l'enquête sera terminée, je suis persuadé que les Canadiens se verront communiquer tous les faits de cet incident.
Vers la même époque l'an prochain, nous serons aux prises avec la fermeture de la Prison des femmes, que de nombreuses personnes salueront par de grands soupirs de soulagement et par des manifestations d'espoir du fait de l'ouverture des nouvelles installations régionales de taille restreinte.
Au cours de la dernière année, bon nombre d'entre vous avez eu l'occasion de visiter certains de nos établissements. J'encourage cette initiative et nous serons heureux de prendre les dipsositions voulues pour vous permettre de continuer cette pratique. Ces visites vous auront sans doute permis de voir de façon bien concrète comment nous gérons les défis que nous avons à relever.
Lors de ma présence ici l'année dernière, je vous ai donné un bref aperçu des services correctionnels fédéraux et je vous ai fait part de certains des principaux problèmes auxquels nous faisions face. Aujourd'hui, j'aimerais profiter de l'occasion pour faire le point sur les deux principaux défis dont je vous ai parlé l'année dernière. J'aimerais aussi vous exposer certaines des nouvelles initiatives que nous mettrons en place au cours de l'année à venir et vous fournir des renseignements sur le nombre d'incidents survenus au cours de l'année du point de vue de la sécurité et des activités criminelles.
Les deux grandes questions qui préoccupent le Service et que j'avais soulevées l'année dernière étaient le surpeuplement carcéral et l'usage de la drogue.
Le surpeuplement carcéral continue d'être un grand sujet de préoccupation au sein du SCC. On estime que la population carcérale a augmenté de 5,5 p. 100 l'année dernière. Par ailleurs, le nombre de délinquants mis sous surveillance dans la collectivité a diminué par rapport à l'année précédente.
À l'heure actuelle, la population carcérale dépasse notre capacité d'accueil de 18 p. 100 en moyenne, mais ce pourcentage est beaucoup plus élevé dans certains établissements, d'où la nécessité de recourir à la double occupation des cellules dans de nombreux cas.
Selon les prévisions, la population carcérale augmentera de près de 25 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Bien que je demeure convaincu que le Canada ne devrait pas s'embarquer dans un vaste programme de construction pour régler le problème du surpeuplement, nous prenons des mesures qui devraient empêcher que le problème ne s'aggrave.
Dans la mesure où nos prévisions s'avèrent fondées, nous prévoyons l'expansion de notre capacité d'accueil d'environ 3 500 places au cours des cinq prochaines années en louant des installations provinciales de surplus, comme l'établissement de Grande Cache en Alberta; nous tenterons de placer plus de détenus dans des établissements provinciaux en vertu d'accords d'échange de services; nous adopterons des mesures à court terme comme l'utilisation de dortoirs et de roulottes; nous étudierons également, de concert avec les dirigeants autochtones, la possibilité de voir si certaines collectivités seraient disposées à assumer une plus grande responsabilité face à la garde de délinquants autochtones.
Nous essayons également de réduire au minimum les répercussions défavorables du surpeuplement en appliquant les mesures suivantes: le transfèrement de détenus dans des établissements moins bondés - par exemple un transfèrement de l'Ontario au Québec de certains détenus dits à sécurité maximale - ; l'adoption d'une nouvelle politique de logement - pour mettre fin à la pratique de double occupation dans les cellules les plus petites, pour décourager cette pratique dans l'aire d'isolement et pour l'éviter dans le cas des peines de longue durée - ; la rationalisation de la gestion des cas de manière à favoriser la mise en liberté des détenus à faible risque à la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale; le lancement de notre campagne de prévention de la drogue; la poursuite des efforts visant à multiplier les emplois pour les détenus; l'augmentation des programmes par la mise à contribution de bénévoles provenant de la collectivité et de la population carcérale.
Cependant, en dernière analyse, pour réduire sensiblement le problème du surpeuplement carcéral à long terme, il faudra procéder à des changements très fondamentaux, comme une diminution du recours à l'incarcération dans le cas des délinquants non violents; ou un recours accru aux solutions de rechange au niveau de la détermination de la peine; ou des progrès dans les stratégies de prévention de la criminalité afin de soustraire les jeunes au système de justice pénale.
Toutefois, certaines initiatives législatives en cours auront sans doute un impact direct sur l'augmentation de la population carcérale. Il s'agit de propositions en vue de la création d'une nouvelle catégorie de «délinquants visés par la surveillance de longue durée», qui prévoient une longue période de surveillance dans le cas des délinquants qui ont commis une infraction de violence et qui représentent un risque grave pour la collectivité; un projet de modification de la Loi sur les jeunes contrevenants qui prévoit le transfert d'office devant un tribunal pour adultes des dossiers des jeunes contrevenants accusés d'une infraction grave contre la personne; des dispositions législatives prévoyant l'imposition de peines d'une durée minimale de quatre ans pour les infractions graves contre la personne commises avec une arme à feu; des modifications de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition influant sur la définition de dommages graves afin de maintenir les détenus en incarcération au-delà de la date prévue pour leur libération d'office. Collectivement, ces propositions législatives entraîneront une augmentation de la population carcérale dans les établissements fédéraux.
La deuxième grande question que j'ai soulevée l'année dernière était le niveau de consommation et de trafic de la drogue. Peu après ma visite ici l'année dernière, nous avons lancé, comme je l'ai mentionné, une stratégie nationale antidrogue qui permettait d'axer nos efforts sur des mesures plus efficaces de détection, de dissuasion et de traitement de la toxicomanie. Bien que nous ayons encore du chemin à faire, je suis heureux de dire que les mesures en question produisent d'excellents résultats. Les personnes parmi vous qui avez visité des établissements au cours des derniers mois auront déjà, j'en suis sûr, commencé à voir la différence. Les employés sont nettement en faveur de cette initiative, ils sont enthousiastes et confiants de régler le problème. Ils ont les outils voulus et la volonté d'y arriver.
Nous avons renforcé nos procédures de présélection et de fouille des visiteurs, nous avons pris des mesures pour collaborer avec la police locale et avec la GRC. L'application de sanctions, comme la suppression ou la limitation des privilèges de visite, commence à produire l'effet voulu; de nouveaux types de techniques pour dépister et tester l'usage de drogue sont mis à l'essai dans divers établissements.
Depuis ma dernière visite ici, la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendu deux décisions favorables à la prise d'échantillons d'urine au hasard pour tester les détenus. Un nombre élevé de détenus eux-mêmes nous ont dit, à l'occasion de visites dans les établissements, avoir constaté une différence marquée et être soulagés du fait que les menaces et les tactiques d'intimidation propres à la culture de la drogue en milieu carcéral commencent à disparaître.
Monsieur le président, je ne veux pas donner l'impression que le problème de la drogue a disparu, car tel n'est pas le cas. Il se peut bien d'ailleurs qu'il ne disparaisse jamais tout à fait. Lorsqu'on met ensemble entre quatre murs un grand nombre de consommateurs de drogue invétérés et certains des plus gros trafiquants au Canada, il n'y a pas de quoi s'étonner qu'ils continuenent d'essayer de poursuivre leur petit commerce. Mais nous leur avons certes rendu la tâche beaucoup plus difficile.
Au cours de la dernière année, nous avons également enregistré une augmentation soudaine du nombre de détenus dans la région de l'Ontario dont les résultats des tests de dépistage de la tuberculose ont été positifs, surtout au pénitencier de Kingston. Jusqu'à maintenant, aucun cas de tuberculose active n'a été recensé, mais nous avons fait tout le nécessaire pour prendre la situation en main.
De concert avec Santé Canada, le SCC a récemment élaboré une entente nationale complète visant à enrayer et à prévenir la tuberculose. En vertu de cette entente, nous offrirons des tests de dépistage de la tuberculose à tous les employés des établissements et des bureaux de libération conditionnelle; nous offrirons des tests de dépistage de la tuberculose à tous les délinquants à leur arrivée dans l'établissement; nous offrirons aux employés et aux détenus la possibilité de subir des tests chaque année; nous soignerons tous les délinquants souffrant de tuberculose active et nous signalerons sans tarder tous les cas de tuberculose active aux autorités locales de l'hygiène publique; nous évaluerons et surveillerons l'environnement physique dans nos établissements afin d'éliminer tous les facteurs de risque qui peuvent contribuer à la propagation de la tuberculose.
[Français]
J'aimerais maintenant faire le point sur une autre question touchant à la santé, à savoir le VIH et le SIDA. En décembre 1994, 120 cas d'infection à VIH avaient été déclarés dans la population carcérale sous notre responsabilité. Vous vous souviendrez qu'en mars de l'an dernier nous avons publié le rapport final du Comité d'experts sur le SIDA et les prisons (CESP).
Cette année, nous allons appliquer la recommandation du CESP selon laquelle les détenus devraient avoir la possibilité de subir des tests anonymes.
En effet, nous allons créer dans nos établissements une clinique à temps partiel pour les maladies transmises sexuellement et cette clinique sera dirigée par un membre du personnel infirmier des services de santé communautaires. Certains établissements provinciaux ont déjà adopté une telle approche.
De plus, nous allons probablement donner suite à une autre recommandation, qui est de distribuer de l'eau de javel. Je dis probablement, parce que le syndicat des employés du Solliciteur général, qui représente une bonne partie de nos membres, craint que l'eau de javel ne serve d'arme contre le personnel.
J'ai accepté de porter à leur connaissance comment cela se passe dans d'autres systèmes correctionnels où cette pratique existe, par exemple en Colombie-Britannique.
Nous ne connaissons pas exactement l'ampleur de la transmission du VIH attribuable à des comportements à risque dans les établissements, comme l'échange d'aiguilles, le tatouage et les relations sexuelles non protégées.
C'est pourquoi le SCC a décidé de mener, en collaboration avec Santé Canada, un programme de recherche afin de déterminer dans quelle mesure les détenus ont régulièrement des comportements à risque élevé.
[Traduction]
Nous nous proposons de combiner cette étude à un sondage plus général auprès des détenus. Ce sondage nous permettrait alors de donner suite à la recommandation du CESP de faire une étude approfondie sur les comportements à risque des détenus et sur les moyens de les prévenir; de répondre également à une exigence contenue dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui est de demander l'avis des détenus sur divers aspects de leur incarcération, comme la qualité et l'accessibilité des programmes, la double occupation des cellules, les rapports avec le personnel, la gestion des cas et l'usage du tabac; également, il nous permettrait de constituer une solide base de données qui serait utile pour l'élaboration des politiques et des programmes.
À notre connaissance, il n'y a jamais eu d'étude de ce genre au Canada. Le Federal Bureau of Prisons aux États-Unis, sonde régulièrement l'opinion de sa population carcérale, et le British Prison Service a commencé à faire de même récemment.
Le SCC ferait faire le sondage par une entreprise privée afin d'assurer l'emploi d'une méthode uniforme, l'anonymat des délinquants et la fiabilité des résultats. Nous allons vraisemblablement lancer l'enquête d'ici quelques mois.
Permettez-moi maintenant d'aborder, très brièvement, un certain nombre d'autres questions.
Depuis un certain nombre d'années, le SCC fait une étude sur le genre d'armes employés par le personnel correctionnel dans les établissements, et sur leur pertinence. Cet examen a été entrepris après que l'utilisation d'armes à feu lors d'incidents dans un établissement eut causé des blessures à des détenus qui étaient de simples spectateurs.
Nous avons donc décidé que, plus tard cette année, nous allions retirer tous les fusils des postes armés dans les établissements à sécurité maximale et les remplacer par des carabines 9 mm. Le changement est déjà en cours. Le fusil de calibre 12 a peut-être un effet dissuasif qui peut contribuer à désamorcer des situations explosives, mais nous considérons qu'il est dangereux de l'utiliser dans l'espace restreint d'un établissement où le risque de blesser des tiers est très élevé. Il convient de signaler ici qu'à notre connaissance, aucun service carcéral d'envergure aux États-Unis ou en Europe n'a retenu l'utilisation du fusil, comme c'est le cas chez nous à l'heure actuelle.
Deuxièmement, le fait de retirer près 500 fusils des gros établissements se traduira par une diminution substantielle de la quantité de munitions à acheter, au coût d'environ 500$ par 1 000 cartouches. De plus, en réduisant l'éventail d'armes utilisées, nous réaliserons des économies annuelles d'environ 300 000$ au chapitre de la formation et de l'attestation des compétences. Enfin, nous économiserons les quelque 100 000$ par deux ans que nous coûtent l'entretion, l'inspection et la réparation des fusils.
En terminant, puisque l'année financière vient tout juste de se terminer, je suis en mesure de fournir au Comité des données générales sur les incidents qui se sont produits durant le dernier exercice.
Il n'y a pas eu de changements importants dans l'ensemble, sauf dans les domaines suivants. Commençons par les mauvaises nouvelles: le nombre de vols qualifiés commis par des délinquants en liberté sous condition a continué d'augmenter. Par contre, le nombre de suicides a nettement baissé par rapport à l'année précédente, passant de 24 à 14.
Toutefois le changement le plus marqué s'est produit dans le nombre d'évasions enregistré dans les établissements à sécurité minimale, qui est passé de 202 à 98. Ce chiffre n'a jamais été aussi bas depuis au moins 10 ans; aussi espérons-nous pouvoir le maintenir, et même le réduire davantage.
Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir permis de prononcer ces brèves remarques liminaires, mes collègues et moi-même seront maintenant heureux de répondre aux questions des membres du Comité.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Edwards.
[Français]
Nous commencerons avec le Bloc Québécois. Monsieur St-Laurent, vous avez dix minutes.
M. St-Laurent (Manicouagan): Merci, monsieur le président.
Monsieur Edwards, je tiens à vous féliciter, ainsi que votre organisme, de la réduction des évasions. En effet, comme il est mentionné dans l'avant-dernier paragraphe, elles sont passées de 208 à 98.
Le paragraphe qui précède traite des vols qualifiés commis par les délinquants en liberté en regard du nombre de suicides passé de 24 à 14. Peut-on avoir une idée du degré d'augmentation du nombre de vols qualifiés, en pourcentage par exemple?
[Traduction]
Comm. Edwards: Monsieur le président, je ne suis pas en mesure de donner un chiffre en pourcentage, mais je puis donner un chiffre absolu.
Le nombre de vols qualifiés commis par des délinquants en 1994 et 1995 a été de 113. L'année précédente, il se chiffrait à 102. Voilà qui vous donne une idée de l'augmentation d'une année à l'autre.
[Français]
M. St-Laurent: À la page 3 de la version française du document, à laquelle je vais souvent faire référence, vous parlez, entre autres, d'augmenter la capacité d'accueil d'environ 3 500 places au cours des cinq prochaines années. Pourriez-vous ventiler ce chiffre selon les provinces, le type d'établissements à sécurité minimale, maximale, moyenne, etc.?
[Traduction]
Comm. Edwards: En effet. Pour ce qui est des établissements nouveaux, les seuls que nous allons construire sont déjà prévus depuis longtemps. Il s'agit d'un établissement à sécurité moyenne dans l'ouest de l'Ontario, près de Gravenhurst. Cinq petits établissements pour femmes sont en construction: à Joliette, à Truro, à Kitchener, à Edmonton et à Maple Creek. Pour le reste, il s'agit essentiellement de l'expansion d'établissements existants.
Nous avons un tableau illustratif. Je ne suis pas certain que nous l'ayons ici, mais je suis certainement en mesure de vous fournir un tableau qui illustre les changements prévus, province par province, pour les cinq prochaines années. Nous pouvons certainement le faire parvenir au Comité.
[Français]
M. St-Laurent: Quand vous parlez d'augmenter la capacité d'accueil de 3 500 places, est-ce que vous englobez la double occupation des cellules?
[Traduction]
Le sous-commissaire principal Andrew Graham (Service correctionnel du Canada): Laissez-moi vous donner des exemples d'expansion.
Par exemple, il est prévu d'augmenter de trente lits l'établissement à sécurité minimum de la Montée Saint-François. Nous avons prévu un nombre important d'agrandissements des établissements à sécurité moyenne un peu partout au pays. Dans l'année qui vient, le gros de l'expansion se fera dans les Prairies, où l'augmentation a été la plus forte au pays. Par exemple, cela se traduira par l'ajout de 80 lits à Drumheller. Je n'ai pas le tableau sous la main.
Le chiffre est de 216 lits, ce qui est donc beaucoup. De même, le nombre de places à l'établissement de Bowdin passera à 120.
Dans la plupart des cas, l'augmentation se fera dans les bâtiments existants.
[Français]
M. St-Laurent: On parle d'une augmentation constante de l'ordre d'environ 5,5 p. 100 l'année dernière et de 25 p. 100 dans ce document-ci. Vous dites «dans les cinq prochaines années». Je lisais la semaine dernière un document qui parlait de 50 p. 100. Dans les prévisions budgétaires, il n'y a aucune mention d'embauche d'effectifs de cet ordre. On ne prévoit pas, au Service correctionnel, embaucher 5,5 p. 100 de personnel additionnel. On n'en a pas embauché 5,5 p. 100 de plus l'année dernière, on en a embauché 5 p. 100 sur 2 800 au Québec et on parle de 25 p. 100 dans les cinq prochaines années. Est-ce qu'on prévoit embaucher 25 p. 100 de personnel supplémentaire aux quelque 10 000 employés actuels, ce qui donnerait 2 500 personnes?
[Traduction]
Comm. Edwards: Monsieur le président, ce n'est pas 25 p. 100. Normalement, vu la double occupation et le surpeuplement, on peut faire des économies de personnel. Il est certain qu'il y aura plus de personnel.
Nous avons même une entente avec le Conseil du Trésor qui nous donne droit à une certaine aide financière en fonction de l'augmentation du nombre des détenus. Une bonne partie de cette somme sert à obtenir du personnel.
[Français]
M. St-Laurent: Le transfert de détenus de l'Ontario au Québec, ou probablement d'autres provinces aussi au Québec, est assez marqué depuis le mois de septembre de l'année dernière. On m'a fait beaucoup d'observations sur cet état de fait qui vient carrément surpeupler les prisons québécoises.
Port-Cartier, pour vous donner un exemple, a une capacité initiale de 258 détenus. Vendredi, il y en avait 351 d'inscrits. Il y avait donc un surpeuplement dont la majorité provenait de l'Ontario. On parle ici de plus de 80 détenus à sécurité maximum, qui, naturellement, ne sont pas tous des enfants de choeur! Donc, de quelle manière entend-on continuer la chose? J'aimerais aussi savoir si cela se produit à l'extérieur. Est-ce qu'on transfère des détenus de la Saskatchewan en Alberta? Comment cela se passe-t-il?
[Traduction]
Comm. Edwards: Il faut savoir que de toutes les régions du pays, c'est le Québec qui est la moins surpeuplée. Je ne sais pas si nous avons les chiffres, mais ils figurent quelque part dans les documents que nous avons apportés. Je serai heureux de vous les communiquer. M. Jean-Claude Perron peut peut-être vous dire de combien il s'agit.
[Français]
Le sous-commissaire Jean-Claude Perron (région du Québec, Service correctionnel du Canada): Monsieur St-Laurent, je crois qu'on vous a envoyé dernièrement les statistiques de transferts de la région de l'Ontario.
Il y a eu exactement 82 transferts au Québec, dont une quarantaine à Port-Cartier. Les autres ont été faits soit à Donnacona, soit dans les autres établissements à sécurité moyenne. Les 82 détenus qui sont venus de l'extérieur n'ont donc pas nécessairement été envoyés à Port-Cartier. Nous n'avons pas non plus l'intention de transférer automatiquement à Port-Cartier les détenus des autres provinces.
Par contre, nous en avons aussi envoyé 34 du Québec vers les autres régions. Si on compare, c'est un transfert net de 50 détenus.
M. St-Laurent: Dans tout le Québec?
S.-comm. Perron: Oui, dans tout le Québec.
M. St-Laurent: Quand je parle de détenus transférés, moi je me base sur l'adresse de la résidence initiale de l'individu plutôt que sur l'endroit où il se trouve. Donc, il ne s'agit pas nécessairement de l'endroit où il a été arrêté pour son crime car, à ce compte-là, il y a des Québécois qui sont en Saskatchewan parce qu'ils ont commis des crimes en Saskatchewan.
S.-comm. Perron: Ou parce qu'ils ne sont pas compatibles non plus avec certains détenus.
M. St-Laurent: Oui, probablement.
S.-comm. Perron: Alors le nombre est moins...
M. St-Laurent: Mais ce sont les mêmes barèmes.
S.-comm. Perron: Oui.
M. St-Laurent: D'accord. Revenons à M. Edwards. Vous dites que vous avez mis beaucoup de choses de l'avant dans les pénitenciers pour contrer la drogue. Les tests d'urine semblent finalement satisfaire toutes les parties. C'est parfait.
Maintenant, il y a un sérieux problème auquel font face le ministère de la Justice et le Solliciteur général - je pense que nous en avons parlé à M. Gray, et vous étiez aussi présent, avant de quitter pour notre période de relâche - et c'est la fameuse Loi anti-gang.
Je parlais hier à une agente qui représente le syndicat et elle me disait que c'est carrément le «grand patron» des Hell's Angels - je ne me souviens pas de son nom - qui dirige, à toutes fins pratiques, la prison. Les bancs du pénitencier sont peints aux couleurs des Hell's Angels pour démontrer leur suprématie sur un autre gang, probablement. On parle ici des Hell's Angels mais il ne s'agit pas de faire une loi contre eux mais contre les gangs.
Le président: Veuillez poser votre question parce que le temps achève.
M. St-Laurent: Oui, d'accord. Monsieur Edwards, qu'avez-vous prévu pour contrer ce genre de chose? Il faut acheter la paix, c'est bien certain, mais il y a des limites à cela à l'intérieur des prisons. Est-ce que votre niveau de tolérance est saturé ou si vous entendez aller plus loin?
Le président: Nous avons une minute.
[Traduction]
Comm. Edwards: Je vais faire une observation générale et mon collègue répondra.
Partout les services pénitenciers doivent lutter contre la domination possible de l'établissement par les gangs. C'est arrivé très souvent aux États-Unis: les gangs ont commencé à exercer beaucoup de pouvoir dans l'établissement. Chez nous, je connais deux cas de problèmes importants de ce genre. Finalement, nous n'avons pas trop d'ennuis. Nous les transférons rapidement ailleurs et nous essayons de tuer dans l'oeuf toute tentative de prise de contrôle par le gang.
S.-comm. pal Graham: Le commissaire vous a répondu pour ce qui est de la situation à l'interne. Nous collaborons de très près avec la GRC pour avoir plus d'information plus tôt. Vous avez tout à fait raison, les gangs essaient de s'organiser en prison que ce soit pour imposer leur suprématie ou pour dominer le trafic de la drogue. Plus nous en savons sur ce qu'ils font à l'extérieur, mieux c'est. Nous sommes d'ailleurs sur le point de signer une entente sur la communication de ces renseignements.
Comm. Edwards: Monsieur le président, nous ne permettons pas non plus le port d'insignes ou de vêtements caractéristiques des gangs. Si des cas de ce genre vous ont été signalés, faites-en nous part et nous allons intervenir.
[Français]
S.-comm. Perron:Vous avez raison, monsieur St-Laurent. Dernièrement, nous avons eu des problèmes dans un établissement que je ne nommerai pas. Et nous avons transféré cinq détenus, dont deux à l'intérieur du Québec, pour diminuer l'influence de ces gangs-là et pour leur enlever du pouvoir. Alors nous faisons tous nos efforts.
De plus, nous avons actuellement un projet pilote à l'établissement Archambault pour nous permettre, avec les chiens détecteurs, de repérer l'entrée de la drogue parmi les visiteurs, etc. La proposition est maintenant devant le commissaire; il doit en décider.
Ce que nous préconisons, c'est d'avoir une entente avec Immigration Canada ou un autre ministère, pour qu'il prête des chiens à tous les établissements qui en ont besoin, que ce soit au Québec ou ailleurs.
[Traduction]
Le président: Monsieur Thompson.
M. Thompson (Wild Rose): J'examinais un article que nous avons analyé et je me demande, monsieur Edwards, si vous pourriez nous dire ce que vous en pensez. Il s'agit d'un rapport sur la situation dans les prisons américaines, dans chaque État, qui renferme certaines comparaisons. Il montre clairement que le coût national moyen par détenu dans une prison d'État, y compris les frais de santé, est de moitié inférieur au chiffre donné dans le budget des dépenses.
Le président: Citez-vous un journal?
M. Thompson: Le numéro du vendredi 17 mars 1995 du U.S.A. Today.
Toutes choses étant égales par ailleurs, le coût moyen par détenu dans tous les États-Unis varie entre un maximum de 21 816 en Californie et un minimum d'environ 11 000$ dans l'Ohio, soit une moyenne de 14 456$. Quand on voit le coût moyen par détenu dont on parle sans cesse au Canada, on constate une grande différence. En quoi la sitution est-elle si différente? Ce n'est pas le taux de change. Il n'y a pas de problème de change dans le cas présent, car tous les dépenses sont effectuées au Canada. Pourquoi ce coût est-il beaucoup plus élevé chez nous? Comment se fait-il que notre système soit beaucoup plus coûteux que le système américain?
Comm. Edwards: Monsieur le président, cela pourrait conduire à une réponse très longue. Permettez-moi d'essayer d'être bref et de m'attarder sur les choses les plus essentielles.
D'abord, nous comparons des pommes et des oranges en comparant notre population, c'est-à-dire généralement parlant, les criminels les plus dangereux, à la population carcérale de prisons où la durée d'incarcération est courte puisqu'elles accueillent des délinquants coupables de voies de faits simples, etc. Il faut comparer nos établissements à sécurité maximale à ceux des États-Unis, nos établissements à sécurié moyenne aux établissements de même type aux États-Unis, etc.
Une autre chose importante au Canada, c'est que nos coûts de personnel sont beaucoup plus élevés, dans une large mesure, parce que nous avons davantage d'employés. Le ratio employés-détenus est supérieur à celui qu'on retrouve aux États-Unis et je crois que de ce fait, nous nous occupons mieux de nos détenus au Canada.
De plus, bon nombre des établissements américains n'ont pratiquement aucun programme. Le nombre de programmes que nous offrons se compare probablement très bien à ce qui se fait dans les autres payx occidentaux. Si nous comparions nos coûts par rapport à ceux des Européens, nous nous apercevrions qu'il sont plutôt semblables.
Il y a un certain nombre d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte. Je vais en mentionner un, c'est-à-dire la taille des établissements. Nous suivons la tendance européenne qui consiste à avoir des établissements relativement petits. La plupart de nos établissements sont prévus pour environ 350 personnes. Aux États-Unis, on trouve des milliers de détenus dans certains établissements. On réalise ainsi, sans aucun doute, des économies d'échelle, surtout que les Américains n'offrent pas beaucoup de programmes. Ce qui arrive alors, c'est qu'on a un périmètre de sécurité très important et une population carcérale très dense.
Je pourrais vous parler encore longtemps des coûts de santé ou d'un éventail d'autres coûts. Nous serons peut-être en mesure de préparer un document plus fouillé que la réponse immédiate que je vous donne maintenant, un document que nous pourrions vous faire parvenir par l'entremise du comité.
M. Thompson: Je pense que ce serait une bonne idée, monsieur le président, car la différence est énorme et on doit l'expliquer.
J'aimerais parler des tests de dépistage du VIH et du problème de tuberculose auquel l'établissement de Kingston a été confronté. Vous vous rappelez sûrement, monsieur Edwards, que vous vous êtes joint à moi à Edmonton avec deux... au centre de recherche de l'université de l'Alberta. Il est ressorti de cette rencontre que si nous ne prenions pas très bientôt certaines mesures au sujet des tests obligatoires, non seulement pour le VIH mais également pour l'hépatite B et l'hépatite C il y aurait d'autres épidémies. Il y a deux ou trois ans, on a prédit qu'à l'avenir on serait confronté à une épidémie comme celle de la tuberculose.
Vous avez entendu le message et pourtant votre ministère ne semble pas vouloir y donner suite et je voudrais savoir pourquoi. Je pense que ce type de renseignement est utile et pourrait nous aider à empêcher que ce type de choses se produisent à Kingston. Cela me semble évident.
Je me demande pourquoi vous ne semblez pas pressé de donner suite à cela et pourquoi vous ne l'avez pas fait jusqu'à maintenant. Je vais certes le faire à l'avenir et j'espère que le comité sera en mesure d'entendre ce qui s'est dit cette journée-là.
Je voudrais connaître votre réponse à cela.
Comm. Edwards: Monsieur le président, je suppose qu'on va consacrer beaucoup de temps à cette question quand je vais témoigner devant le Sous-comité sur le SIDA du Comité de la santé de la Chambre, dans une dizaine ou une quinzaine de jours, si je ne m'abuse.
Après cette séance extrêmement intéressante que vous et moi et Art Hanger avons eue à Edmonton, je suis revenu et je me suis entretenu avec nos principaux experts ainsi qu'avec le docteur Norbert Gilmore, qui a présidé le Comité d'experts sur le SIDA et les prisons. De l'avis général, le docteur Pagliaro défend un point de vue tout à fait minoritaire. À l'heure actuelle, on croit surtout qu'il faut poursuivre dans la voie dans laquelle nous sommes maintenant engagés, c'est-à-dire prendre des précautions universelles, donner accès à des tests à participation volontaire, etc.
Nous surveillons la situation de près. Nous avons été quelque peu pris par surprise dans le cas de la tuberculose, mais il faut reconnaître que pratiquement tous les médecins du pays l'ont été. Il y a quelques années, la tuberculose avait fondamentalement disparu de notre lexique, mais maintenant elle revient en force.
Je m'attends à ce que nous discutions de ces questions pendant encore longtemps. À l'heure actuelle, les mesures que nous prenons sont conformes à la position des experts en général.
M. Thompson: Je tiens à vous rappeler qu'à mon avis, le docteur Pagliaro et son épouse n'ont pas été pris par surprise. Si vous vous souvenez bien, on avait prévu cela il y a deux ou trois ans. Je pense que ce seul fait devrait nous amener à nous intéresser à la recherche qui découle de leurs travaux. Nous ne devrions pas laisser cela en suspens parce que, selon certains, il s'agit d'une opinion minoritaire. Toute personne capable de faire cela peut apporter une contribution utile. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de suivi au sujet de ces questions essentielles? Je vous encourage à vous pencher là-dessus. Je pense que ce serait utile.
Comm. Edwards: J'en conviens. Le sondage auprès des détenus est l'une des mesures que j'ai mentionnées. Nous pourrions ainsi peut-être obtenir beaucoup de renseignements sur ce qui se passe, du moins dans le cas de maladies infectieuses transmises autrement que par voie aérienne. La situation est tout à fait différente dans le cas des maladies transmises de cette façon, comme la tuberculose.
M. Thompson: Je connais également certains établissements au Canada qui cherchent désespérément à obtenir de meilleurs résultats dans le domaine des drogues. Certains font de l'excellent travail. Cependant, on semble hésiter, aux échelons supérieurs, à fournir des chiens détecteurs de drogue ou d'autres outils. Je reçois des plaintes à ce sujet de divers types de prisons. Les intéressés voudraient faire davantage, mais ils semblent se heurter à la résistance des échelons supérieurs. Pouvez-vous répondre à cela?
M. Graham: Il n'y a aucune résistance en ce qui concerne les chiens-détecteurs de drogue ou la nouvelle technologie. Le problème réside dans la façon de faire fonctionner le système et d'obtenir des résultats. Ainsi, en ce qui concerne les chiens-détecteurs de drogue, l'établissement d'Archambault mène un projet-pilote. En Colombie-Britannique, on a lancé à ce sujet un projet auquel est affectée à temps plein une personne dans tous les établissements. L'établissement d'Edmonton se sert également de ces chiens, surtout dans le cas des visites. Nous encourageons cela.
Ce qui nous préoccupe avec les chiens-détecteurs de drogue, c'est de trouver des façons de les rendre les plus efficaces possibles, et nous essayons ici d'en apprendre davantage sur eux, car dans le passé, on ne les a pas utilisés de façon efficace et on n'a pas obtenu beaucoup de résultats. Les expériences que nous menons à l'heure actuelle nous montrent de meilleures façons de s'en servir et de les former.
On procède également à un certain nombre d'expériences relatives à la nouvelle technologie, en plus de celles touchant les chiens. À l'établissement de Collins Bay, nous mettons à l'essai ce qu'on appelle un scanner ionique qui permet de dépister les drogues sans contact. À plusieurs endroits, nous mettons également à l'essai des détecteurs CO2 qui nous aident à trouver l'alcool de fabrication artisanale et nous avons décidé la semaine dernière de faire en sorte que toutes les régions puissent compter sur ces appareils. La mise à l'essai de ces dispositif à l'établissement de Millhaven à été une grande réussite.
Un comité examine toutes ces idées venant de tout le pays. Cette fois-ci, nous voulons nous assurer que le cadre est parfaitement juridique et efficace et qu'en fin de compte, nous allons obtenir des résultats. Nous avons vraiment de bonnes raisons d'aller de l'avant avec ce projet.
M. Thompson: Il semble que ces processus soient très longs. Je peux comprendre l'exaspération des employés de ces établissements. Pourquoi faut-il 16 mois, par exemple, pour obtenir une chose aussi simple qu'un chien-détecteur de drogue, par exemple, alors qu'on sait que cela va avoir un effet positif? Les intéressés en sont tout à fait persuadés. Ce sont eux qui font le travail sur place. Le facteur temps est vraiment un problème à bien des égards et dans de nombreuses régions... je ne peux tout simplement pas comprendre que nous ne puissions régler les questions qu'après avoir procédé pendant des mois à diverses études, au lieu de prendre des mesures concrètes. Quel est le problème?
S.-comm. pal Graham: Fondamentalement, nous fonctionnons dans un cadre juridique très restreint dans le cas présent. Croyez-moi, il est unique au monde. On s'en aperçoit quand on parle à nos collègues des autres pays. Les difficultés qu'on a eues à faire accepter par les tribunaux les échantillons d'urine pris au hasard comme un outil acceptable, illustrent bien, selon moi, le problème. Nous voulons procéder de la bonne façon, et ce faisant, si des gens ont des initiatives locales qui peuvent cadrer avec ce que nous faisons légalement.... Si nous procédons comme il se doit, nous pouvons aller plus loin, comme nous l'avons constaté dans le cas des échantillons d'urine pris au hasard.
En toute franchise, en ce qui concerne les chiffres, plusieurs des initiatives étaient d'excellents projets locaux que les gens ont entrepris, et nous les encourageons. Ainsi, on ne met pas la pédale douce, mais il faut respecter le cadre juridique actuel.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Monsieur Edwards, en ce qui concerne toute la question soulevée par M. Thompson au sujet des tests obligatoires, à l'heure actuelle, vous exigez la prise d'échantillons d'urine probablement pour détecter l'usage de drogue. Si un détenu consomme des drogues, cela ne touche en rien les autres détenus, et pourtant nous n'avons aucun test obligatoire pour la tuberculose, pourtant transmise très facilement. Il y a également des gens porteurs du VIH, qu'on peut transmettre dans certaines circonstances, mais vous n'avez pourtant pas de test obligatoire. Je trouve plutôt curieux dans le cas du dépistage de la consommation de drogues, que vous ayez recours à la prise d'échantillons d'urine et que vous passiez par les tribunaux, alors que rien n'est fait au sujet de tests obligatoires pour des maladies facilement transmissibles à d'autres détenus qui, selon moi, ont le droit d'être protégés contre ces maladies dans le système pénitenciaire.
Comm. Edwards: Monsieur le président, je suis tout à fait d'accord. Nous avons, en fait, une politique exigeant des tests obligatoires, nous n'avons pas recours à la force physique si une personne refuse de s'y soumettre. Nous n'allons pas tenir fermement une personne pour effectuer un prélèvement sanguin, la même chose s'applique aux échantillons d'urine. Si une personne refuse de nous donner un échantillon, on la punira, mais on n'utilisera pas des instruments chirurgicaux pour obtenir cet échantillon.
Quoi qu'il en soit, lorsque nous croyons qu'il y a danger, nous ferons tout en notre pouvoir pour neutraliser ce danger et nous allons être certains de souligner aux gens l'importance des tests, comme dans le cas de la tuberculose.
En fait, je crois que ma collègue, Mme Dufresne, aura des chiffres sur le très fort pourcentage de tests auquels les gens participent volontairement à l'heure actuelle, en Ontario.
Mme Dyane Dufresne (conseillère juridique, Ressources humaines, Service correctionnel du Canada): Oui, nous avons presque terminé les tests en Ontario pour les détenus et les employés. Nous les administrons en étroite collaboration avec le syndicat, les employés et les détenus. Pour vous donner un exemple, deux détenus ont refusé de se soumettre à des tests.
S.-comm. pal Graham: Sur 3 500.
Mme Dufresne: Dans ce cas-là, ces détenus sont soumis à un examen médical ou nous leur offrons des solutions de rechange. Il y a diverses façons de détecter la tuberculose. On peut avoir recours à un test cutané ou à une radiographie. Ainsi, nous nous occupons de ces deux cas. Dans l'ensemble, les résultats sont très positifs.
M. Bodnar: Deux détenus ont refusé. Or, deux détenus peuvent problament infecter une bonne partie de la population carcérale. Prend-on des mesures au sujet des détenus qui refusent de se soumettre à des tests, les isole-t-on du reste de la population carcérale?
Comm. Edwards: Exactement.
M. Bodnar: On agit ainsi pour protéger le reste de la population carcérale?
Comm. Edwards: En effet. Ils sont tous deux en isolement.
M. Bodnar: Est-il question du VIH également?
Comm. Edwards: Ces tests sont anonymes.
M. Bodnar: Ainsi, vous effectuez des tests anonymes pour une maladie mortelle alors que vous procédez d'une façon différente dans le cas d'une maladie qui n'est pas nécessairement mortelle et qu'on peut guérir. Ne trouvez-vous pas cela un peu hypocrite, si je peux m'exprimer ainsi?
Comm. Edwards: Comme c'est si souvent le cas dans le secteur public, monsieur le président, nous essayons de concilier deux objectifs contradictoires. Chose certaine, on se préoccupe, et c'était certes le cas du Comité d'experts sur le SIDA et les prisons, de la santé de la population carcérale. Les intéressés se sont prononcés contre les tests obligatoires et ils ont plutôt proposé qu'on facilite le plus possible l'accès à ces tests et qu'on encourage les détenus, dans le cadre de programmes de sensibilisation, à subir des tests, ainsi qu'à prendre les précautions qui s'imposent pour limiter les risques.
M. Bodnar: Pour passer à un autre sujet, vous précisez à la page 9 de votre rapport, que vous faites disparaître certaines choses, comme les fusils, des pénitenciers, des postes armés dans les établissements à sécurité maximale. Vous êtes probablement au courant de ce qui s'est passé il y a quelques années, au pénitencier de Prince Albert, lorsque deux détenus ont été abattus à l'aide de fusils, à la suite d'une prise d'otage.
Comm. Edwards: Oui.
M. Bodnar: Affirmez-vous maintenant que cela ne pourrait pas se reproduire? Est-ce toujours possible?
Comm. Edwards: C'est toujours possible. Nous retirons ces fusils des postes fixes à l'intérieur de l'établissement, mais les équipes d'intervention d'urgence auraient encore accès à tout l'arsenal. C'est une équipe de ce genre qui est entrée dans l'établissement et a mis fin à cette prise d'otage.
M. Bodnar: Vous ajoutez qu'un fusil de calibre 12 a peut-être un effet dissuasif qui peut contribuer à désamorcer une situation explosive, ce que vous considérez comme une bonne chose, je le suppose. Vous ajoutez ensuite qu'on considère qu'il est dangereux de l'utiliser dans l'espace restreint d'un établissement. Cela s'est-il produit?
Comm. Edwards: Oui. Il y a eu des blessés.
M. Bodnar: Y a-t-il eu des blessés dans ces circonstances?
Comm. Edwards: Oui, par ricochet.
M. Bodnar: C'est la raison pour laquelle on retire ces fusils?
Comm. Edwards: En effet. Je pourrais ajouter, monsieur le président, de façon plus détaillée, que le Federal Bureau of Prisons, a retiré ses fusils il y a quelques années déjà. Il n'y en n'a pas en Californie. C'est aussi vrai dans l'État de New York. Les services pénitenciers d'aucun pays d'Europe, du moins d'Europe occidentale, utilisent des fusils à l'intérieur du périmètre, si ce n'est dans les situations d'urgence que nous venons de décrire.
M. Bodnar: En général, au Canada, le taux de criminalité a-t-il baissé au cours des dernières années ou est-il demeuré constant?
Comm. Edwards: Il est plutôt stable.
M. Bodnar: Pourtant, la population carcérale augmente d'environ 5 p. 100 par année.
Comm. Edwards: En effet.
M. Bodnar: Cela ne semble pas être une bonne nouvelle, surtout que vous projetez une augmentation d'environ 25 p. 100 au cours des prochaines années.
Comm. Edwards: Ce n'est pas une bonne nouvelle, monsieur le président.
M. Bodnar: À quoi cette augmentation est-elle attribuable principalement? Comment l'expliquer alors que le taux de criminalité demeure stable? La criminalité n'augmente pas, mais la population carcérale s'accroît.
Comm. Edwards: Il y a de nombreux facteurs, monsieur le président. Cette augmentation s'explique, en partie, par les interventions des tribunaux. On impose, dans certains cas, des peines plus longues, il est évident que la population carcérale s'accroît alors davantage que si on imposait des peines plus courtes.
Il y a également les pressions de l'opinion publique qui font que les détenus ne peuvent pas profiter d'une libération conditionnelle aussi rapidement et qui ont aussi des répercussions sur la probabilité qu'on annule ou suspende une libération conditionnelle, lorsqu'un détenu viole certaines des conditions qui y sont attachées.
Cela se fait en partie par le jeu de divers changements législatifs. La loi sur les Services correctionnels et la libération sous condition, par exemple, stipule que vous ne pouvez pas accorder de semi-liberté à moins que l'intéressé ne soit déjà à six mois de la liberté conditionnelle totale. Cela limitait le nombre des semi-libertés.
Un grand nombre de facteurs entrent donc en jeu et ils ne sont pas nécessairement liés au taux de criminalité.
M. Bodnar: La population carcérale augmente et pourtant le taux de criminalité demeure constant. Peut-on dire que l'augmentation du nombre de détenus se traduit par une diminution du taux de criminalité?
Comm. Edwards: Non. Ce n'est pas prouvé. De l'autre côté de la frontière, par exemple, on a le cas parfait de reductio ad absurdum car la population carcérale augmente énormément, mais les taux de criminalité aussi.
M. Bodnar: Il est donc probablement indispensable d'instituer un certain nombre de changements fondamentaux à long terme en réduisant au minimum la période d'incarcération des contrevenants non violents, en augmentant le recours aux solutions de rechange, et aussi en mettant l'accent sur les stratégies de prévention du crime dont l'objet est d'épargner aux jeunes le système de justice pénale afin de réduire le taux de criminalité.
Comm. Edwards: Le troisième point, en particulier, est d'une importance cruciale. Nos dossiers pullulent de cas de détenus qui ont commencé à boire à l'âge de neuf ans, à se droguer à onze ans, à voler des voitures à douze ans, à faire quelques petits cambriolages à quatorze ans avant de commencer à commettre des infractions plus graves. Si nous avions pu faire quelque chose dès le début, nous aurions peut-être pu détourner cette personne d'une vie de crimes. N'oubliez pas, en effet, que c'est dans nos établissements que beaucoup de ces gens-là apprennent à devenir des criminels au lieu de se tenir à l'écart de ces activités.
M. Bodnar: Vous évoquez également la possibilité d'une étude sur certains de ces points. Vous le mentionnez au bas de la page 7 et en haut de la page 8. Ces études sont parfois intéressantes, car pour réduire l'incidence du Sida dans les prisons et pour diminuer... c'est évident. Si les tests sont obligatoires, vous pouvez isoler les sujets séropositifs, et si vous pouvez faire régresser l'usage des drogues, une étude n'est plus vraiment nécessaire; il suffit de commencer à travailler dans ces domaines. Réclamer une étude ne sert bien souvent qu'à retarder les choses et à dépenser de l'argent en pure perte.
Comm. Edwards: Je ne le pense pas. Ce n'est là qu'un des éléments de l'étude. Même si nous n'étudions pas les comportements présentant des risques élevées sur le plan de l'infection, je n'en réclamerais pas moins une étude.
Les membres du Comité spécial d'étude du Sida dans les prisons avaient tout à fait l'impression que nous agissions beaucoup au hasard. En fait, nous ne savons pas grand chose de ces comportements dans les établissements carcéraux. Je suis certain que si l'on demandait à chacun d'entre nous, à cette table, d'inscrire sur un bout de papier le pourcentage des détenus qui, selon eux, se piquent, les résultats iraient de 3 p. 100 à 30 p. 100. À mon avis, c'est le premier pourcentage qui est probablement le plus près de la vérité, mais je n'en suis pas absolument certain et j'aimerais bien savoir ce qu'il est en réalité.
Nous avons fait une sorte d'enquête-pilote auprès des détenus et nous avons constaté qu'il était possible d'obtenir des informations très utiles. Ces détenus étaient tout à fait disposés à prendre l'expérience au sérieux. Je pense donc que nous pourrions finir par recueillir une foule de renseignements très intéressants.
Le président: Monsieur Langlois.
M. Langlois (Bellechasse): À la page 8, paragraphe 2, vous dites que nous ne savons pas exactement dans quelle mesure le Sida est transmis à cause de comportements à risque élevé tel que le tatouage, les relations sexuelles sans protection, l'utilisation d'aiguilles pour se piquer, etc. Vous avez parlé d'activités sexuelles non protégées, non désirées, de viols au sens de la loi, qui semble être très répandus en Amérique du Nord et peut-être sur d'autres continents. Avez-vous des chiffres ou certaines impressions au sujet des détenus qui, à cause de la loi du silence, sont obligés de se soumettre à des relations sexuelles avec d'autres détenus parce qu'ils sont menacés de toutes sortes de représailles ou de contraintes physiques? Quelles mesures prenez-vous dans de tels cas?
Comm. Edwards: Commençons par les mesures que nous prenons.
Nous surveillons d'aussi près que possible ce qui se passe. En général, nous n'avons pas nécessairement connaissance de ce genre de situation, à moins qu'il n'y ait une plainte. Je le répète, si l'enquête est bien faite, nous devrions en apprendre plus sur ce phénomène. Ce que nous savons cependant, c'est que le nombre de viols est probablement assez faible.
Je me permets d'attirer l'attention du comité sur un rapport d'avril 1992 intitulé Victimization behind the walls: social control in male federal prisons fait par un professeur de l'Université du Manitoba. Dans le cadre de ce rapport, une petite enquête a révélé que les cas d'agressions sexuelles étaient très rares. Par exemple, il y avait 188 agressions par 1 000 détenus, et 8 agressions sexuelles sur 1 000 seulement, ce qui est, en fait, l'observation d'une victime.
Apparemment, le pourcentage est donc très faible, mais c'était une enquête limitée et cette autre enquête devrait apporter plus de lumière sur la situation.
Les agressions sexuelles sont relativement difficiles, étant donné l'absence de vie privée dans ces établissements. Elles sont probablement plus faciles à commettre dans les établissements à sécurité minimum, mais dans un établissement à sécurité maximum, la surveillance est très étroite. Il est rare que les détenus se retrouvent seuls avec d'autres personnes, et certainement pas hors de portée de voix. Il y a toujours beaucoup de gens tout près, même lorsque les détenus sont dans leur cellule, sans même parler des autres endroits.
À mon avis, il y a peu de cas d'agressions sexuelles, mais il y en a. Les activités homosexuelles imposées constituent un risque inhérent dans les pénitenciers. Nous le craignons. Nous ne pensons pas qu'elles soient très répandues, mais nous n'en sommes pas certains. Ce dont nous sommes certains, c'est qu'elles se produisent de temps à autre.
[Français]
M. Langlois: Vous nous donnez des chiffres d'avril 1992 sur un taux de huit pour 1 000. Si je comprends bien, les gens sont plus à l'abri du harcèlement sexuel dans les pénitenciers que dans la vie publique en général. Il faudrait peut-être penser à établir les mêmes mesures ailleurs.
D'un autre côté, il faut se rendre compte qu'il y a une règle du milieu qui fait que les gens ne vont pas nécessairement se plaindre à l'officier responsable qu'ils ont été victimes de harcèlement. Il peut arriver aussi, à l'occasion, que certains aient intérêt à se fermer les yeux pour tous actes qui ne sont pas prévus dans les textes de loi, mais qui sont plutôt régis par les comportements humains. Alors je vous invite, lorsque vous aurez de nouveaux chiffres et une nouvelle perception, à nous en faire part. Je vous remercie.
[Traduction]
Comm. Edwards: J'ajouterai simplement qu'une des principales constatations de ce rapport de 1992 était le vieux «code des détenus» - le code du silence observé par les détenus à l'égard du personnel - était sérieusement battu en brèche. Il n'est plus aussi fort qu'autrefois. On le constate dans divers domaines.
Il y a peu de temps de cela, je me trouvais dans un de nos plus grands établissements à sécurité moyenne. J'ai rencontré le comité des détenus et découvert que son président était un délinquant sexuel. Il y a dix ans, c'eut été impossible car, conformément à ce «code», ces gens étaient au bas de l'échelle, alors que dans cet établissement l'un d'entre eux était président du comité des détenus.
Mme Torsney (Burlington): Je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir fait parvenir l'information demandée. Les politiques et les normes de logement étaient particulièrement intéressantes.
Je crois que j'en ai déjà discuté avec vous la dernière fois. Je laisserai cela de côté car je ne tiens pas vraiment à en parler longtemps. Comme certaines préoccupations avaient été exprimées à la prison de Kingston au sujet du vidéo sur les femmes et comme l'on ne savait pas exactement si des serviettes hygiéniques, des tampons et des sous-vêtements étaient disponibles, je vous avez demandé s'il vous serait possible de donner une nouvelle directive à tous vos subordonnés de cet établissement pour préciser que c'est là notre pratique, comme vous l'avez fait avec ce document et que l'on s'assure que dans l'intérim, il n'y ait pas d'autre incident dans lequel on refuse à des femmes des produits d'hygiène de première nécessité. Qu'on les ait refusés ou non, n'est pas vraiment la question; ce qui est important, c'est de veiller à ce que cela ne se reproduise pas.
Il y a un point dont je tenais absolument à discuter avec vous aujourd'hui. Je crois l'avoir soulevé la dernière fois que vous avez comparu devant nous, mais il y a bien longtemps de cela, et je voudrais savoir ce qui arrive à nos détenus lorsqu'ils sont libérés.
Dans notre collectivité, je répète constamment qu'il faut que nous trouvions de meilleurs moyens d'assurer la réinsertion de ces personnes, de leur trouver du travail, etc. D'après notre Bureau régional de Halton, qui organise des programmes d'aide sociale et maintenant, d'après les organisateurs d'une banque d'alimentation dans notre collectivité, les anciens détenus arrivent chez eux sans un sou, sans aucune perspective d'emploi. J'ai ici une lettre qui décrit quelqu'un qui n'a même pas de numéro d'assurance sociale ni de numéro d'OHIP, et qui a été libéré avec 20$ en poche et les vêtements qu'il avait sur le dos - pas de gros manteau en plein hiver - et qui suit un traitement contre le cancer.
Je voudrais savoir comment de telles choses peuvent continuer à se produire. Si nous ne faisons pas plus d'effort pour assurer la réinsertition de ces personnes, il est bien évident que le taux de récidive augmentera pour les vols. Ces gens-là n'ont pas le choix.
Nous avons reçu des lettres d'un détenu du Nouveau-Brunswick qui nous interrogeait là-dessus et qui précisait qu'à leur libération on donne aux détenus 50$, un billet d'autocar et une paire d'espadrilles neuves. Je me demande ce que beaucoup d'entre nous feraient si on nous abandonnait à nous-mêmes avec si peu de compétences, sans programme de formation, et sans perspective d'emploi. Je sais que l'Armée du Salut, la Société John Howard et la Société Elizabeth Fry font un travail remarquable.
Je voudrais savoir ce que le Service correctionnel a l'intention de faire pour éviter que ces anciens détenus ne se retrouvent dans une situation inextricable. Je suis certaine que beaucoup d'entre nous seraient incapables de s'en sortir.
Comm. Edwards: Monsieur le président, j'invite mes collègues à ajouter un commentaire à ce que je vais dire.
Notre instrument de base est un programme de sortie que nous partageons avec la Commission nationale des libérations conditionnelles et que nous utilisons avant une mise en liberté conditionnelle. Grâce à ce programme, les détenus savent où ils vont vivre, le type de collectivité et d'aide familiale qu'ils y trouveront, les possibilités d'accès à un programme de prévention de la récidive, et les possibilités d'emploi ou des promesses d'emploi.
Ces personnes ont également accès aux avantages sociaux normaux offerts par leur province de résidence. Je crois que nous leur offrons toute l'aide dont nous sommes capables, grâce à nos surveillants de libérés conditionnels qui les mettent en contact avec les personnes qui peuvent les aider à obtenir plus rapidement de l'argent.
Il est vrai que nous ne leur en donnons pas beaucoup au moment de leur départ. N'oubliez pas que la plupart des détenus de nos établissements fédéraux y ont passé un temps assez long. Il est très probable qu'ils ont pu y gagner de l'argent qui a servi à constituer des dépôts et qu'ils peuvent alimenter. En dehors des vêtements qu'ils ont sur le dos, je crois que nous leur donnons... combien, 100$ environ?
S.-comm. pal Graham: Oui, nous leur donnons 100$.
Comm. Edwards: Et nous faisons le nécessaire pour qu'ils arrivent à destination. J'imagine qu'ils peuvent accéder très rapidement aux avantages sociaux.
De plus en plus, depuis un an environ, nous les aidons aussi à avoir accès aux activités d'aumônerie communautaire, c'est-à-dire, en fait, à des centres d'hébergement et de dépannage dirigés par des groupements religieux ou oecuméniques, où ils ne seront pas jugés et où ils trouveront un refuge bien chauffé et un peu d'aide.
Je reconnais que lorsqu'on sort de prison sans pouvoir compter sur un solide soutien familial ou sur les autres moyens dont vous avez parlé, tels qu'un emploi, etc. - en particulier après de nombreuses années de prison - on est bien seul. Je suis convaincu que certains se retrouvent en prison simplement parce qu'ils ne sont pas capables de survivre à l'extérieur.
Mme Torsney: Commissaire, vous avez un projet de sortie. Vous savez exactement où ces gens-là vont aller. Avant qu'ils ne quittent votre établissement, pourquoi n'ont-ils pas déjà entre les mains tous les documents nécessaires de ma région ou de n'importe quelle autre région au Canada?
Pourquoi ont-ils tous besoin d'une aide financière d'urgence? Dans ma collectivité, cela demande encore pas mal de temps. Je ne comprends pas que nous détruisions l'estime de soi de ces personnes - à supposer qu'elle existe encore - en les plaçant de force dans une situation aussi difficile.
[Français]
S.-comm. Perron: Le commissaire l'a dit tout à l'heure: on paie aussi les voyages des gens de l'établissement au lieu de résidence.
Ensuite ils ont un minimum de 80$ et ils peuvent en avoir davantage, s'ils ont réussi à économiser à l'intérieur.
Le point le plus important, à mon avis, est qu'on a des centres correctionnels communautaires et des centres résidentiels communautaires. Les gens qui sont dans la misère et qui n'ont pas de lieu de résidence, sont envoyés dans nos maisons de transition où ils sont nourris et logés. Lorsqu'il s'agit d'un centre correctionnel communautaire qui appartient au Service correctionnel, ils reçoivent une allocation pour les repas. Aussi, nos agents de libérations peuvent faire des prêts aux libérés conditionnels.
[Traduction]
Mme Torsney: Combien?
[Français]
On pense souvent que les détenus ne travaillent pas. Cependant, il y a 66 p. 100 des gens en libération conditionnelle qui travaillent ou qui sont aux études. Je pense que c'est très bien pour des gens qui ont un dossier criminel et qui n'ont pas eu de chance dans la vie, surtout quand on compare leur taux de chômage et celui de la population régulière. Vous parlez quand même d'une minorité.
[Traduction]
Le président: Madame Meredith.
Mme Meredith: Merci, monsieur le président. Je suis heureuse de pouvoir poser quelques questions.
Cela ne vous surprendra sans doute pas car elles ont trait aux délinquants dangereux et à la supervision, existante ou non, des libérés conditionnels. Je vais utiliser l'exemple de Fernand Auger.
Lorsque Mélanie Carpenter a été tuée le 6 janvier dernier, on a très rapidement disposé d'une photo prise par une caméra de la banque, et qui a été diffusée dans tout le pays, le 7 janvier. Ce n'est que le 9 janvier que la violation des conditions de liberté conditionnelle a été signalée et qu'un bulletin a été diffusé tout azimut. D'après la GRC, celle-ci ne savait pas que cet individu figurait sur la liste des personnes dangereuses et qu'il circulait librement.
Pourquoi a-t-il fallu cinq ou six jours avant que Fernand Auger ne soit identifié? Pourquoi ce retard? Trouvez-vous que le Service correctionnel a traité cette affaire aussi rapidement qu'il l'aurait pu ou aurait dû le faire?
S.-comm. pal Graham: Quelle date?
Mme Meredith: Elle a été tuée le 6 janvier. Le 7 janvier, la photo prise par la caméra de la banque a été diffusée dans tout le pays. Le 9 janvier, un mandat d'arrêt a été émis et le 12 janvier, il a été identifié. Étant donné que tout le monde, au Canada, avait une photo de cet individu dès le lendemain, comment se fait-il qu'il a fallu cinq ou six jours pour que le Service correctionnel parviennne à l'identifier?
Comm. Edwards: Monsieur le président, mes collègues ont peut-être une réponse à cette question, mais pas moi. Nous pourrons cependant obtenir une explication sur les raisons de ce retard.
Mme Meredith: Je vous en serais reconnaissante.
Ce qui m'inquiète aussi, c'est que le 23 novembre 1993, M. Auger a vu sa libération conditionnelle refusée parce qu'il était considéré comme un criminel dangereux. Pourtant le 29 août, quelques mois plus tard seulement, il a été libéré sous réserve d'un contrôle rigoureux qui l'obligeait à se présenter une fois par semaine devant l'agent des libérations conditionnelles. Voulez-vous qu'une rencontre hebdomadaire constitue une surveillance rigoureuse.
Comm. Edwards: Monsieur le président, je ne pense pas qu'au sens technique du terme,M. Auger ait jamais été considéré comme un criminel dangereux. Il avait été emprisonné pour vol. On lui avait plutôt refusé sa libération conditionnelle, mais il a ensuite été libéré d'office parce qu'il n'était pas considéré comme suffisamment dangereux pour commettre un crime de violence. Manifestement, on s'est trompé, à en juger par la suite.
Une enquête est en cours et le rapport devrait être déposé très prochainement. Elle a commencé le 23 janvier. Dès que nous aurons ce rapport, nous le mettrons, comme toujours, à la disposition de ceux qui désirent voir, sous réserve des prélèvements obligatoires au titre de l'accès à l'information.
Mme Meredith: Je vous en serais reconnaissante. J'aimerais également que vous me disiez ce que vous pensez d'un commentaire fait par l'un de vos cadres: celui-ci a en effet déclaré qu'il était possible qu'un individu coupable d'avoir brutalement violé et sodomisé deux très jeunes prostituées ne soit pas considéré comme dangereux, et que si cette information vous était accessible, elle n'entrerait pas dans l'établissement du profil de cet individul. Selon les remarques faites publiquement par ce gestionnaire, il s'agissait de prostituées, un certain élément de consentement entrait en jeu, ce qui réduisait la gravité du crime.
Êtes-vous d'accord avec lui? Est-ce ainsi que vous voyez les choses: vous considérez uniquement l'événement?
Comm. Edwards: Monsieur le président, dans ma réponse, je voudrais parler de deux choses, ce qui a conduit à la question elle-même.
La décision de considérer quelqu'un comme dangereux dépend de la façon dont nous jugeons cette personne à un moment donné. À l'époque, nous aurions examiné tous ses antécédents comprenant notamment le fait qu'il avait commis des infractions sexuelles graves 10 ans plus tôt. Il était emprisonné pour vol. Ces infractions sexuelles n'avaient pas été répétées.
Je ne connais pas l'affaire suffisamment - et je n'en saurais pas plus jusqu'à ce que l'enquête soit terminée - qui a abouti, au départ, à son incarcération dans un établissement provincial, mais de prime abord, il semble fort étrange qu'il ait été condamné à une peine de moins de deux ans pour avoir commis des viols accompagnés de violence, comme vous le dites. D'autres circonstances ont donc peut-être influencé le juge, quelles aient été appropriées ou non, je n'en sais rien.
Cela m'amène au second point. Je ne suis pas du tout d'accord pour dire que le mode de vie des victimes soit un facteur dans la manière dont nous traitons le contrevenant - pas du tout d'accord.
Mme Barnes (London-Ouest): Soyez le bienvenu.
Premièrement, je suis très heureuse d'apprendre que des tests anonymes sont maintenant possibles. Lors des échanges d'aiguilles, je voulais savoir quelles recommandations du rapport du Comité spécial sur le VIH et le SIDA en prison n'ont pas encore été mises en oeuvre.
Comm. Edwards: Dans ma déclaration préliminaire, j'ai mentionné le fait que nous étudions l'utilisation possible de blanchisseur liquide, mais notre personnel craint que de petits contenants de ce produit ne puisse être utilisé contre lui.
Mme Barnes: N'avez-vous pas déjà de petits contenants d'eau de javel dans certaines prisons?
Comm. Edwards: Non. Nous avons de l'eau de javel à plusieurs étages de beaucoup de nos bâtiments mais il est utilisé pour laver le linge, etc. Ce dont nous parlons maintenant, c'est de fournir de petits contenants de ce produit qui pourraient être ramenés dans les cellules.
Dans une démonstration qui se déroule actuellement à l'établissement de Matsqui, on utilise de petites bouteilles, mais compte tenu de l'expérience déjà acquise ailleurs dans ce domaine, ce genre de démonstration ne nous paraît pas nécessaire et nous sommes prêts à accepter la recommandation, à condition de pouvoir convaincre notre personnel qu'il n'y a pas là de danger grave.
Mes collègues viennent d'attirer mon attention sur le fait que nous n'avons pas donné suite à une autre recommandation et que nous n'avons pas l'intention de le faire, du moins dans un avenir prévisible - je suis presque tenté d'ajouter, tant que je serai commissaire; ou que cela dépend de moi - il s'agit des activités sexuelles consensuelles dans les cellules. Cela s'explique par les commentaires que l'honorable député a faits plus tôt. Il est très difficile de faire la distinction entre une activité sexuelle et imposée dans un établissement pénitencier où l'on peut être soumis à toutes sortes de pressions. Nous l'interdirons donc.
Mme Barnes: Dans votre rapport, vous dites que la capacité des prisons est dépassée d'environ 18 p. 100, en moyenne. Quel est l'établissement le plus surpeuplé, et quel est le pourcentage? Qu'y fait-on pour améliorer la situation?
Comm. Edwards: Je vais me renseigner. Dans beaucoup de mes établissements à sécurité moyenne, le pourcentage est très supérieur à 18 p. 100, mais je n'ai pas les chiffres exacts.
Le président: Quelle est la norme? Autrefois, c'était 450, dans des établissements tels que Joyceville et Warkworth.
Comm. Edwards: J'imagine qu'il y en a près de 25 p. 100 de plus en ce moment.
Le président: La norme est-elle d'environ 450 places dans ces établissements?
S.-comm. pal Graham: Ils ont été construits en fonction de cette norme, monsieur.
Le président: En effet.
S.-comm. pal Graham: Par exemple, à Warkworth, grâce aux travaux d'agrandissement, la capacité est d'environ 550, mais il y a près de 700 détenus.
Le président: Quel est l'établissement le plus surpeuplé?
Mme Barnes: Le plus surpeuplé? Vous ne le savez pas?
Comm. Edwards: Il est difficile de répondre. Par exemple, dans un établissement où arrivent de nouveaux détenus, il est fréquent qu'ils soient logés à deux dans la même cellule pendant les huit premières semaines auxquelles ils sont soumis à des tests, avant d'être envoyés dans un autre établissement. C'est en partie pour cette raison que le pourcentage, dans un établissement tel que celui d'Edmonton, serait très élevé.
Mme Barnes: Si vous êtes capable de me dire que la moyenne est de 18 p. 100, vous devriez être capable de me dire quel est le pourcentage le plus élevé.
Comm. Edwards: Monsieur le président, dans moins d'une heure après notre départ de cette réunion, nous pourrons vous faire parvenir une photocopie de tous les chiffres concernant chaque établissement au Canada.
Mme Barnes: Bien, très bien. C'est ce que je voudrais avoir. Merci.
Comm. Edwards: Je vous en prie. Croyez-moi, nous avons ces chiffres, et nous les suivons de près.
Le président: Il faudra les envoyer au greffier de ce comité.
Comm. Edwards: Toute correspondance ou autre information fournie à la suite de la séance d'ajourd'hui ou de toute autre séance, vous sera communiquée par l'intermédiaire du président ou du greffier.
Mme Barnes: Cela ne sert pas à grand-chose de vous répéter encore une fois combien je suis contre cette double occupation des cellules, et je tiens à ce que cela soit noté. Vous connaissez mes raisons.
Comm. Edwards: Oui.
Mme Barnes: Je crois comprendre qu'il a été décidé que l'on utiliserait des hommes comme travailleurs de première ligne dans la prison pour femmes de Kingston et dans les établissements régionaux. Cela m'inquiète. Dans l'affaire Weatherall portée devant la Cour suprême en 1993, on affirmait que c'était une bonne idée d'utiliser des femmes en première ligne. Bien que ce ne soit pas inconstitutionnel, le Canada a signé des traités internationaux dans lesquels il était dit que les travailleurs de première ligne devraient être des femmes. Je voudrais savoir pour quelles raisons vous avez l'intention de recommencer à utiliser des hommes.
Comm. Edwards: Une précision, pour commencer. Nous n'avons pas l'intention d'en mettre à P4W. Rien n'y changera jusqu'à sa fermeture.
Mme Barnes: Et les cinq nouveaux établissements?
Comm. Edwards: En ce qui concerne les cinq nouveaux établissements, nous avons fait une enquête partielle auprès des détenus de FSW pour recueillir leurs avis, qui n'étaient pas particulièrement négatifs. Quelques réserves ont été exprimées, mais l'idée n'a certainement pas provoqué une forte opposition. Nous ne voulons pas isoler de tout contact avec des hommes les délinquantes qui vont être coupées de la société pendant longtemps. Nous croyons pouvoir choisir des hommes qui comprendront très bien les problèmes et la sensibilité propre aux délinquantes. De toute façon, je crois que très peu ont envie de travailler dans cet établissement.
Mme Barnes: Je me contenterai de rappeler que 80 p. 100 des femmes condamnées à la détention dans un établissement fédéral, ont subi des agressions physiques ou sexuelles. Je ne réussis vraiment pas à comprendre que vous puissiez envisager une directive autre que celle de l'utilisation exclusive de femmes en première ligne, et j'espère que vous considérerez cela comme une critique constructive et que vous lutterez contre ce que je considère comme une mauvaise politique.
Comm. Edwards: Oui.
Mme Barnes: Je voudrais maintenant parler des programmes de prévention de la victimisation sexuelle et du pourcentage de détenus dans des établissements fédéraux qui ont suivi un traitement. Je voudrais savoir combien ont été laissés sans traitement, combien voudraient en suivre un, et quel pourcentage ceux qui ont besoin d'être traités sont remis en liberté sans l'avoir été. Si vous ne pouvez pas me fournir ces chiffres aujourd'hui - je sais que c'est beaucoup demander - je vous saurais gré de me les faire parvenir.
Comm. Edwards: Monsieur le président, je pourrais peut-être commencer par apporter quelques éclaircissements sur la question et je vous fournirai ensuite plus de précisions.
Nous avons été témoins d'une augmentation rapide du nombre des délinquants sexuels dans nos établissements. Si nous essayons de compter ceux qui ont été directement incarcérés pour agression sexuelle ou pour d'autres crimes plus graves - un meurtre, par exemple - comportant un élément sexuel... Il y en a probablement 4 900 dans nos établissements. Notre capacité de traitement interne s'est beaucoup améliorée: alors que nous ne pouvions traiter que 200 personnes il y a quelques années, nous pouvons maintenant nous occuper de 1 100 personnes, sans compter une capacité supplémentaire de 600 dans la collectivité.
Tous les délinquants sexuels n'ont pas nécessairement besoin d'un traitement. Il y a d'énormes différences entre les membres de cette population. Certains ont besoin de soins intensifs, d'autres modérés, d'autres légers, et d'autres qui ont été incarcérés pour avoir commis une agression sexuelle, n'ont pas vraiment besoin de traitement.
Certaines formes de traitement peuvent être tout aussi bien dispensées à l'extérieur. En fait, en général, les traitements internes n'ont probablement pas besoin d'être répétés lorsque ces personnes réintègrent la société.
Manifestement, certains refusent tout traitement. Nous avons quelques cas bien connus pour cela. Certains veulent le traitement, mais sont obligés d'attendre parce qu'on manque de place et qu'ils doivent laisser passer ceux qui doivent être libérés avant eux. Il y en a d'autres qui n'obtiennent certainement pas le genre de traitement qu'ils recherchent, mais ce ne serait peut-être pas non plus nécessairement le bon.
Nous essayons d'augmenter notre capacité le plus rapidement possible. Nous avons tenu récemment un colloque très important sur le traitement des délinquants sexuels et nous essayons de déterminer les traitements qui conviennent aux divers types de délinquants. Il n'y a pas de solution miracle, valable pour tous; nous avons 4 900 cas à régler et nous nous y employons.
[Français]
M. Langlois: En ce qui a trait aux roulottes ou aux maisonnettes qui sont dans les cours de prisons ou attenantes à des prisons et qui permettent les visites contacts, est-ce que vous êtes au courant que, dans certains pénitenciers, les autorités carcérales en ont complètement perdu le contrôle parce qu'elles ont été littéralement réquisitionnées par des groupes de prisonniers qui exigent des détenus de payer le haut prix pour y avoir accès?
[Traduction]
Comm. Edwards: Monsieur le président, j'aimerais beaucoup avoir des précisions à ce sujet. Je n'en sais rien, et je ne pense pas que le commissaire responsable du Québec en sache plus, mais si c'était prouvé, nous agirions très vite. Le maintien des contacts avec les familles est un élément très important de nos programmes, et nous ne tenons manifestement pas à ce que ce genre de manipulation ait lieu.
Je me demande d'ailleurs dans quelle mesure cela pourrait se faire, étant donné que c'est le personnel qui détermine la fréquence d'utilisation de ces unités, en général, selon une formule de rotation de trois mois environ.
Mais si vous avez des précisions là-dessus, veuillez nous les communiquer - je le dis très sincèrement - et nous mettrons fin à ces agissements. Mais plutôt que de faits réels, je crois qu'il s'agit sans doute plutôt d'une rumeur qui est parvenue à vos oreilles. En tout cas, si vous avez des précisions, faites-nous les connaître.
[Français]
S.-comm. Perron: Moi aussi, je serais très intéressé de savoir si c'est dans une région du Québec. Je serais surpris, mais j'aimerais savoir quel est l'endroit.
M. Langlois: Je vous demanderais de vérifier à l'Établissement Leclerc la façon de procéder pour avoir accès à ces roulottes.
S.-comm. Perron: Je suis au courant de ce qui se passe à l'Établissement Leclerc. J'ai rencontré les détenus ayant écopé de longues sentences, des sentences à vie. Je les rencontre une fois par année et je sais que l'institut suit le rapport du groupe de travail sur les longues sentences, que je présidais.
Les détenus avec une longue sentence doivent avoir le privilège d'avoir plus de visites familiales que les autres parce qu'ils n'ont pas d'occasions de sortir temporairement, alors que les détenus ayant une courte sentence ont droit à des absences temporaires et aux mêmes avantages que lorsqu'ils sont en communauté.
Cela ne veut toutefois pas dire que le système est organisé dans le sens dont vous l'entendez. Il y a un élément rationnel derrière cela: les détenus purgeant de longues sentences sont privilégiés pour les visites familiales, car il est très important pour eux de garder le contact avec la famille.
M. Langlois: Êtes-vous au courant qu'au même pénitencier, il y aurait des procédures qui permettraient d'utiliser la production de détenus pour des fins de blanchiment d'argent? La production de poterie, par exemple.
S.-comm. Perron: Non, je n'ai jamais entendu parler de ce système-là.
M. Langlois: Si vous mettez le nez à l'Établissement Leclerc, vous pourrez prendre note de ma question. Je vous remercie.
[Traduction]
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Je voudrais en savoir un peu plus au sujet des établissements pour femmes qui vont s'ouvrir. Et j'ai aussi une question à poser au sujet de la criminelle la plus dangereuse que nous ayons. Ces établissements seront-ils capables d'accueillir ce genre de personne ou devra-t-elle être isolée dans une prison pour hommes? Comment cela va-t-il fonctionner?
Comm. Edwards: Monsieur le président, chacun de ces petits pénitenciers pour femmes disposera d'un bloc sécuritaire, ce qui nous permettra de nous occuper des criminelles dangereuses, s'il y en a. Ces unités n'ont rien à envier à nos établissements les plus sécuritaires, donc, il ne devrait pas y avoir problème.
Mme Phinney: À quels dates allez-vous ouvrir ces autres centres? Le savez-vous?
Comm. Edwards: Oui. Voyons un peu: Truro, pour commencer, en juillet 1995. Est-ce que ce sera le même mois pour Joliette?
S.-comm. Perron: Ce sera en 1996.
Comm. Edwards: En 1996. C'est mieux.
Mme Phinney: En 1996 pour quel établissement?
Comm. Edwards: Truro, en juillet 1995. Joliette, un an plus tard environ. Selon les chiffres que j'ai, on parle du printemps 1996, mais mon collègue me dit que la date est reportée. Kitchener s'ouvrira au printemps 1996; Edmonton beaucoup plus tôt, à l'automne de 1995; et la loge de guérison en août de cette année.
Mme Phinney: Une autre question. À la page 4 vous expliquez comment vous allez essayer de minimiser l'effet négatif du surpeuplement et que vous allez, pour cela, poursuivre vos efforts afin d'augmenter l'emploi des détenus. Il a juste suffi d'une année, à cause des réductions budgétaires, pour tout couper dans ce domaine, ce qui est hélas, ce qui se passe lorsque les grosses sociétés et le gouvernement ont brusquement la brillante idée de tout supprimer pour faire des économies et s'apercevoir au bout de cinq ans, que l'idée n'était pas bonne.
Vous n'avez plus d'argent. Une des principales plaintes que nous avons entendue au cours de notre visite dans les prisons - et c'est logique, tout le monde peut le voir - était que si les détenus ne sont pas occupés, s'ils ne font rien, ils auront bien du mal à réintégrer la société avec une estime de soi renforcée. Qu'allez-vous faire? Allez-vous trouver des entreprises qui sont prêtes à payer? Y a-t-il un moyen de les convaincre de s'installer dans cet établissement et de laisser travailler les gens? Bien sûr, vous continuerez à assurer la sécurité, etc., mais que vous proposez-vous de faire sans argent?
Comm. Edwards: Madame la présidente, tous les moyens seront bons. Vous avez raison, certaines de nos gammes de produits les plus importantes ont beaucoup diminué. Manifestement, il n'y a pas beaucoup de demande de mobilier pour la fonction publique à cause des importantes réductions des effectifs. Peut-être pourrons-nous convaincre des entreprises du secteur privé, à Springhill par exemple, de s'implanter chez-nous. Scott a une usine de fabrication de papier installée dans nos murs, et cela fonctionne très bien depuis très longtemps.
En fait, ce que nous pouvons espérer de mieux c'est de revenir à une tradition qui a malheureusement été abandonnée il y a bien des années et qui consistait à faire travailler les détenus dans le domaine de la construction. Comme l'indiquent les notes que j'ai ici, nous continuons à construire. À notre avis, le travail des détenus pourrait atteindre 35 millions de dollars dans ce secteur. Nous avons commencé l'an dernier, et nous avons déjà gagné des millions de dollars, et je crois que cela va se développer rapidement.
Il n'y a vraiment aucune raison pour que de petites unités telles que les aires réservées aux visites familiales, l'aménagement paysager des établissements, et toutes les petites unités utilisées dans les prisons modernes ne soient pas construites ou effectuées par les détenus. Ils acquièrent là un savoir-faire professionnel et de bonnes habitudes de travail qu'ils pourront probablement utiliser à l'extérieur, au moins lorsque le secteur de la construction est relativement actif. C'est là-dessus que nous fondons nos plus grands espoirs.
Mme Phinney: Avez-vous, dans vos établissements, des locaux qui sont vides et qui étaient autrefois utilisés par des entreprises privées? Je crois que nous en avons vu un où l'on fabriquait des boîtes à lettres ou quelque chose du même genre, mais je n'en suis pas certaine. Disposez-vous de tels locaux? Si vous trouviez une entreprise prête à s'implanter chez vous, auriez-vous de la place pour elle?
Comm. Edwards: Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de locaux vides. Il y en a cependant beaucoup qui ne sont pas aussi bien utilisés qu'ils pourraient l'être. Vous voyez, par exemle, l'établissement de Stony Mountain, où il y a deux postes de travail. En ce moment, la charge de travail est élevée et deux équipes se succèdent donc dans les mêmes locaux. Par contre, ailleurs, nous avons parfois affaire à une main-d'oeuvre très réduite, infiniment plus qu'il y a quelques années. On continue donc à utiliser les locaux, mais pas aussi intensivement qu'on le pourrait.
Mme Phinney: Faites-vous de la publicité et dites-vous aux petites entreprises que vous les aiderez à s'installer dans vos locaux?
Comm. Edwards: Oui. Nous avons également un conseil d'administration composé de divers représentants du secteur privé au Canada - je serais très heureux de vous en fournir la liste avec le détail de leurs occupations - qui nous fournit des conseils. Nous nous réunissons tous les deux mois environ, et leur aide nous est très précieuse.
Nous faisons de la publicité sur nos gammes de produits. J'en ai une devant moi, en français, sur les lits. C'est un produit tout nouveau que nous fabriquons pour les personnes qui ont besoin de soins à domicile, pour celles qui vivent en maison de repos, etc. Il s'agit de lits offrant une grande flexibilité, que l'on peut faire monter et descendre. Je me ferai un plaisir de vous fournir des copies de nos listes de produits, avec photos et tout.
M. Ramsay (Crowfoot): Revenons aux tests de dépistage des maladies. J'ai été très intéressé par la question posée par mon collègue d'en face au sujet des tests obligatoires de dépistage du VIH et cela d'autant plus que nous n'en avons pas pour les immigrants au Canada. C'était intéressant, car Art Hanger a préenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui aurait imposé cela, mais il a été rejeté par le gouvernement. Lorsque cela se produit, c'est habituellement parce qu'il veut présenter son propre projet de loi, mais nous attendons toujours.
Néanmoins, voici la question que je voudrais vous poser. Lorsqu'un détenu arrive dans un établissement, est-il soumis à des tests de dépistage de maladies? Subit-il une visite médicale, avec analyse sanguine, radiopulmonaire, etc.?
Comm. Edwards: Nous faisons effectivement des tests de dépistage de la tuberculose.
Mme Dufresne: Au moment de l'accueil.
Comm. Edwards: Oui. Dès leur arrivée, les détenus sont soumis à une double réaction de Mantoux, je crois.
Mme Dufresne: C'est exact.
Comm. Edwards: Je ne pense cependant pas que nous fassions d'analyse sanguine ni de tests de dé pistage du VIH.
S.-comm. pal Graham: Ils passent un examen médical, mais je ne sais pas s'il y a une analyse sanguine. Il y a longtemps que je ne suis plus directeur de pénitencier. Mais puisqu'il existe une procédure d'admission normalisée, nous pourrions nous renseigner sur les tests exacts effectués. Nous pourrons alors vous dire ce qui est exactement testé. Comptez sur nous.
M. Ramsay: Effectue-t-on des tests psychologiques en même temps?
S.-comm. pal Graham: Oui. Toute une batterie de tests. C'est ce que l'on appelle l'évaluation d'accueil, qui comprend des tests psychologiques et l'établissement du passé criminel de l'intéressé. On regroupe toute l'information. Il y a également ce que l'on appelle un mode de vie informatisé - terme bien ambigu à mon avis - destiné à vérifier les antécédents familiaux et la tendance à l'usage des drogues et de l'alcool. On soumet donc le détenu à une batterie complète de tests; c'est ce que l'on appelle l'évaluation initiale du délinquant.
Comm. Edwards: Nous consacrons environ huit semaines, je crois, à évaluer les nouveaux détenus avant de les transférer à l'établissement approprié.
M. Ramsay: J'ai du mal à comprendre comment il y a un problème de tuberculose, de VIH, de maladies contagieuses dans les établissements, puisqu'à leur arrivée, les détenus passent une visite afin de déterminer s'ils sont malades, s'ils sont porteurs de virus qui pourraient se répandre dans la population carcérale. De tous les endroits qui existent, on pourrait penser qu'un établissement carcéral est celui où il serait le plus facile de contrôler cela.
Je le comprendrais, s'il n'y avait pas de tests. Mais pourquoi avons-nous tous ces problèmes dans nos établissements si c'est une simple question de tests? Nous faisons passer une visite aux personnes qui entrent dans les Forces armées. Lorsque je suis entré à la GRC, j'ai subi une visite médicale complète, avec analyse sanguine et tout. N'y a-t-il pas de tests obligtoires des détenus à leur arrivée dans les établissements fédéraux?
Comm. Edwards: Monsieur le président, nous pourrons obtenir des détails sur les tests auxquels sont soumis les détenus à leur arrivée, mais permettez-moi de revenir à la question de la tuberculose. Nous utilisons les meilleurs tests disponibles pour cela, mais n'oubliez qu'il y a aussi des visiteurs. Nous avons 9 000 bénévoles qui entrent et sortent constamment de nos établissements. Nous avons des psychologues, toutes sortes de personnes travaillant à contrat, qui en font autant. N'oublions pas non plus les policiers. Dans le cas de la tuberculose, tout ce qu'il faut, si je comprends bien, c'est de respirer le même air qu'une personne déjà contaminée. Dans le cas de la tuberculose, il faut très peu de choses.
Je crois que vos arguments sont beaucoup plus valables lorsqu'on parle du VIH. Si nous savions qui sont les porteurs, nous pourrions probablement les isoler. Mais ce n'est pas la politique en vigueur pour le moment.
M. Ramsay: Je le comprends. Ce que je veux montrer c'est que s'il existe une visite médicale normalisée pour le détenu à son arrivée - et en particulier lorsqu'il est transféré d'un établissement à un autre - j'estime que l'on devrait en faire autant pour tous ceux qui entrent dans un établissement, qu'il s'agisse d'un transfert ou qu'il vienne directement du tribunal. Évidemment, certaines maladies pourront être importées par des visiteurs, mais ne devrions-nous pas pouvoir compter sur une politique qui permet de s'assurer que tous ceux qui arrivent dans un établissement carcéral sont en assez bonne santé, ne sont pas porteurs du VIH ni ne présentent de danger pour les autres détenus qui sont obligés de vivre à leur contact?
Comm. Edwards: Je vous entends bien, mais je ne suis pas sûr que pouvoir ajouter quoi que ce soit à ce que j'ai déjà dit.
Le président: Si je comprends bien, c'est une question de politique qui relève du ministre.
Comm. Edwards: Non, je ne le pense pas. Je crois qu'il s'agit d'une question de politique pour laquelle il n'est pas facile de donner une réponse. Ces gens-là ne viennent pas volontairement chez nous. Ils subissent une batterie de tests médicaux normaux mais je ne suis pas certain que le dépistage du VIH en fasse partie.
Le président: Ne s'agit-il pas précisément là d'une question de politique?
Comm. Edwards: Absolument; tout à fait. Mais il y a un autre aspect de la question: les contrevenants ont terriblement peur que l'on apprenne qu'ils sont porteur du VIH et qu'ils soient terriblement maltraités par les autres détenus. En eux-mêmes, ils ne sont pas dangereux; ils ne le sont que s'ils ont des rapports sexuels sans protection, s'ils échangent des aiguilles pour se piquer ou s'ils se donnent aux autres types de comportement dangereux qui permettent de répandre ce virus.
Donc lorsqu'un porteur de VIH arrive, si nous utilisons les précautions consacrées en cas d'altercation avec eux, si nous portons des gants, nous n'avons pas grand-chose à craindre et c'est bien ce que nous disons à notre personnel: il faut prendre les mêmes précautions avec tout le monde et prendre pour principe que tout le monde est porteur du VIH. Si vous vous trouvez dans une situation grave, mettez vos gants et prenez d'autres précautions pour vous protéger.
Le président: J'ai moi-même quelques questions à poser.
Récemment, certains de mes mandataires, qui sont anglophones, ont été envoyés dans des établissements au Québec où il n'existe pas de programme en langue anglaise. Comme vous le savez, il y a de 800 000 à un million d'anglophones au Québec...ou du moins, l'anglais est la langue canadienne qu'ils ont adoptée. Le même problème se produit probablement pour les francophones en Ontario et dans les provinces de l'Atlantique.
Par exemple, je vous ai récemment écrit à propos d'un détenu à l'établissement de Drummonville. C'était une personne qui avait des problèmes d'abus d'alcool et de drogues qui l'avaient conduit à commettre des vols et d'autres délits. Il s'était retrouvé en prison sans aucun programme auquel participer. Les programmes n'existaient qu'en français.
Je voudrais savoir quelle est votre politique à ce sujet et ce que vous faites pour offrir des programmes aux détenus anglophones au Québec, et aux détenus francophones en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
Ce sont là des problèmes auxquels je me heurte depuis de nombreuses années. Lorsqu'ils étaient particulièrement graves, j'ai demandé au Commissaire aux langues officielles de faire enquête, et je crois que chaque année, celui-ci a donné suite à certaines de mes requêtes. N'y aurait-il pas un moyen quelconque d'envoyer les détenus anglophones au Québec dans un établissement... Cowansville, par exemple - où il y aurait des programmes à leur intention plutôt que de les disperser un peu partout? Qulle est la réponse?
Comm. Edwards: Monsieur le président, je vais demander à Jean-Claude Perron de vous donner des précisions en ce qui concerne le Québec. Notre politique générale, comme vous le savez tous trop bien, est de fournir un traitement lorsque le nombre des détenus le justifie. Dans le cas auquel vous faites allusion, je crois qu'à Drummonville, le détenu a commencé à suivre un programme de lutte contre la toxicomanie en anglais, le 3 avril.
Le président: Enfin. Cela a pris du temps.
Comm. Edwards: C'est vrai. Lorsque j'ai visité nos établissements du Québec, j'ai rencontré un membre important de...
Le président: S'il n'avait pas fait appel à moi... je ne sais pas. Il a fallu remuer ciel et terre, et la question est enfin réglée.
Comm. Edwards: Quelle est votre politique générale? Avez-vous de nombreux programmes?
Le président: Je me fais autant de souci pour les francophones des autres provinces que pour les anglophones au Québec.
Comm. Edwards: Je le sais. ... Jean-Claude.
[Français]
S.-comm. Perron: Les anglophones ont moins de problèmes au Québec dans les établissements que les francophones en ont ailleurs.
Le président: Je ne le sais pas. De temps à autre, je reçois des lettres de détenus provenant de partout au Canada.
S.-comm. Perron: Pour ce qui est de la région du Québec, il est évident que nous avons essayé de corriger les problèmes qu'on éprouvait à Drummondville. Nous en éprouvons aussi à Port-Cartier parce qu'il y a beaucoup d'anglophones qui viennent de la région de l'Ontario et des autres régions. Nous sommes en train de régler ces problèmes.
Il est évident que dans une région comme Port-Cartier, c'est plus complexe parce que, même dans la population, il est difficile d'obtenir des contractuels ou des personnes ressources bilingues.
Le président: Je comprends pour ce qui est de Port-Cartier parce que les familles sont très loin, mais Drummondville, Cowansville, l'Établissement Leclerc, c'est dans la région de Montréal où on trouve beaucoup des familles.
S.-comm. Perron: C'est à l'Établissement Leclerc qu'on a le plus de programmes pour les anglophones. Il y a beaucoup de Jamaïcains, d'anglophones de différentes origines. On a des programmes pour la toxicomanie, la délinquance, etc. À Cowansville et à Drummondville, on a réglé une partie du problème. S'il y a des cas particuliers, ils seront traités individuellement, mais règle générale, la politique s'applique à tout le monde. C'est la loi. On ne peut pas aller contre la loi.
[Traduction]
Le président: Je voudrais passer à une autre question, celle des nouvelles prisons pour femmes. J'ai ici un dossier de correspondance échangée entre la Société Elizabeth Fry et Service correctionnel Canada.
Je m'intéresse surtout à la construction des nouveaux pénitenciers. Pour les hommes, nous avions auparavant, comme vous le savez, les diverses catégories de sécurité, soit une sécurité maximale, moyenne et minimale, les foyers de transition, etc. À la prison des femmes, toutes les catégories ont toujours été regroupées, ce qui a donné lieu à divers problèmes quant à la sécurité et à la réalisation des programmes. En fait, je crois que certains des problèmes survenus récemment à la prison des femmes sont dus au regroupement, dans un même lieu d'incarcération, de contrevenantes requérant une sécurité maximale, moyenne et minimale.
Malgré la construction des cinq nouveaux pénitenciers, toutes les catégories seront encore regroupées dans une même institution. L'une des lettres de la Société Elizabeth Fry félicite le directeur et le personnel du Programme des femmes purgeant une peine fédérale pour leurs efforts en vue d'établir un autre système de classification pour les femmes purgeant une peine fédérale. L'auteur de cette lettre mentionne ensuite toutes les recommandations du groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale.
Nous dépensons des sommes considérables pour la brique, les murs et le mortier de cinq nouvelles institutions. Allons-nous reproduire, dans ces nouveaux pénitenciers, les difficultés rencontrées à la Prison des femmes, en adoptant le même genre de classification de sécurité et les mêmes approches que celles employées à l'égard des hommes?
Le groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, la Société Elizabeth Fry ainsi que d'autres organisations ont proposé diverses solutions de rechange. Que faisons-nous dès maintenant afin de prévenir, avant même que ces nouvelles institutions ouvrent leurs portes, ce qui s'est produit année après année à la Prison des femmes?
S.-comm. pal Graham: Lorsque nous avons examiné la population actuelle du pénitencier, la grande majorité...
Le président: Vous voulez dire la Prison des femmes.
S.-comm. pal Graham: Oui. À la prison actuelle, la grande majorité des détenues ne requièrent pas une sécurité maximale. La plupart des cas demandent une sécurité minimale ou moyenne. C'est là une réalité qui devrait constituer un élément de référence.
Le président: Alors des contrevenantes requérant une sécurité minimale sont incarcérées dans cette institution à sécurité maximale.
S.-comm. pal Graham: C'est pourquoi, il y a quelques années, nous avons ouvert, en face de la prison, la Maison Isabel McNeil qui héberge 11 détenues. Vous avez entièrement raison, la situation n'était pas idéale.
De même, comme vous le savez, le bâtiment actuel forme une seule grande prison tandis que les nouveaux pénitenciers seront constitués de maisons pouvant abriter jusqu'à huit personnes qui devront évidemment vivre en commun, préparer leur propre nourriture, etc. Les quelques rares détenues qui requièrent une sécurité maximale ou ont un comportement nuisible, seront incarcérées dans une unité spéciale appelée «unité à sécurité accrue»; il faut cependant bien faire la différence entre la sécurité requise et le comportement car nous avons constaté à la Prison des femmes que c'est le comportement nuisible et non la durée de la peine, qui fait problème. En outre, dorénavant, nous n'utiliserons plus le système de classification appliqué aux hommes, c'est-à-dire sécurité maximale, moyenne ou minimale.
Dans notre service, nous avons récemment accepté une proposition découlant en partie, je dois le préciser, des propositions initiales de la Société Elizabeth Fry auxquelles nous avons pu ajouter certains élément grâce à la recherche et à l'analyse des procédures employées ailleurs par exemple à Shakopee, aux États-Unis, où le système de classification est mieux gradué et davantage adapté à la situation des femmes; il est fondé sur les besoins de chaque détenue et sur le danger que chacune présente.
Votre argument quant au regroupement en un même lieu de détenues de diverses catégories est très valable et nous tentons de remédier à cette situation de deux façons. Nous isolons les détenues à comportement nuisible afin que les autres puissent poursuivre leur vie quotidienne et purger leur peine et nous avons adopté une nouvelle classification beaucoup mieux adaptée aux femmes. Nous sommes très sensibilisées à la question et nous tentons de remédier au problème.
Le président: Comme je me limite moi-même, je dois aussi limiter la durée d'intervention des membres. Je donnerai donc la parole à Russell puis ensuite à Mme Meredith.
M. McLellan (Edmonton Nord-Ouest): M. Edwards, je voudrais poser une question au sujet du Rapport du vérificateur général. À moins que je ne fasse erreur, c'est la troisième fois que le vérificateur général commente dans son rapport l'insuffisance des informations recueillies par Service correctionnel Canada et transmises à la Commission nationale des libérations conditionnelles qui doit faire enquête. Il me semble que ce problème est chronique. Je ne voudrais pas dénigrer le travail accompli et dire que rien n'a été amélioré. Je sais que ce n'est pas facile, mais il est important de régler ce problème car il a un impact énorme... Il ne s'agit pas uniquement de la quantité d'information, mais aussi de l'exactitude de celles-ci. La Commission nationale des libérations conditionnelles ne doit pas recevoir une grande quantité de renseignements inutiles, mais plutôt des données adéquates qui peuvent être facilement transmises à ses membres et être utilisées lors de ses audiences. Quelles mesures seront prises pour que ce problème ne soit pas à nouveau mentionné dans le Rapport du vérificateur général?
S.-comm. pal Graham: J'ai consacré beaucoup de temps à cette question. Vous avez entièrement raison, si les informations ne sont adéquatement acheminées et s'il ne s'agit pas des informations requises, nous rencontrons toujours des difficultés. Vous avez raison aussi de dire que ce problème est chronique, mais nous pouvons implanter des systèmes et tous les systèmes doivent fonctionner adéquatement. Bien entendu, nous consacrons des efforts aux deux aspects de cette question.
Des améliorations ont été mises en oeuvre. Grâce aux communications électroniques, la Commission a maintenant entièrement accès à nos dossiers par le truchement du Système de gestion des détenus. La Commission possède exactement les mêmes données que nous et ce que vous appelez l'acheminement des documents n'est donc plus nécessaire. Elle ne reçoit pas uniquement nos rapports, elle peut aussi consulter électroniquement toutes les données au dossier et cette possibilité devrait faciliter grandement son travail.
Nous avons mis en place un processus permanent. Les cinq directeurs régionaux de la Commission nationale des libérations conditionnelles et les sous-adjoints aux commissaires dans chaque région travaillent depuis huit mois à la rationalisation et à la recherche des failles dans l'acheminement des informations afin d'améliorer le système. La semaine dernière, j'ai participé à une réunion de ce groupe. J'ai assisté à une demi-journée de travail durant laquelle nous avons examiné quelques grandes questions courantes.
Nos relations sont scellées par un accord administratif dans lequel nous nous engageons à remettre les informations à la Commission. Nos rapports sont continuellement revus et mis jour. En fait, l'un des principaux rapports que nous fournissons à la Commission, anciennement intitulé le «Résumé des progrès», s'appelle maintenant le «Rapport sur l'évaluation des risques» et traite des véritables questions. Nous avons demandé à la Commission quelles données elle voulait obtenir, et selon quel format, pour prendre des décisions aussi judicieuses que possible et si nous pouvions répondre à ses attentes, nous le ferons. La Commission nous a présenté certaines propositions que je transmettrai à notre groupe exécutif sous peu et je crois que nous en serons tous très satisfaits. Voilà donc quel est le processus permanent.
Nous sommes très fiers des résultats d'un projet réalisé dernièrement. Nous avons présenté un nouveau programme de formation en évaluation des risques, élaboré à partir des recherches les plus récentes. Il s'agissait d'un programme de formation commun de sorte que tous les intervenants ont appris les mêmes méthodes de travail.
Nous avons aussi pris d'autres mesures, mais il ne fait aucun doute que l'amélioration du système constitue un défi permanent pour nous et nous tentons de le relever par tous les moyens possibles.
M. McLellan: Monsieur le président, je crois qu'il ne s'agit pas uniquement de la quantité d'informations, il faut aussi prévoir quelles données seront pertinentes et utiles. Ce n'est pas toujours facile, mais vous conviendrez, monsieur le président, que c'est très important.
S.-comm. pal Graham: Absolument.
Mme Meredith: Je voudrais aborder un autre point soulevé dans le Rapport du vérificateur général, soit l'absence de surveillance communautaire des contrevenants profitant d'une libération d'office ou d'une libération conditionnelle et l'orientation très institutionnelle de Service correctionnel Canada.
Si nous prenons encore une fois le cas de M. Auger à titre d'exemple, M. Auger avait été libéré d'office, mais il n'a pas commis son crime alors qu'il profitait d'une libération d'office. Néanmoins, tout a été fait selon la procédure habituelle.
Un autre cas a été porté à mon attention, celui de Paul Butler. Sa libération d'office a été révoquée, mais il a profité d'une semi-liberté dans une maison de transition. La surveillance était tout à fait inadéquate et rien ne l'a empêché d'assassiner une autre personne. Dans le cas deM. Auger, il semble qu'aucune surveillance n'ait été exercée... Mais était-il sage de le libérer?
Je me demande si vous considérez certaines personnes comme des criminels dangereux qui ne devraient pas être remis en liberté étant donné qu'il n'existe aucune surveillance, ou que celle-ci ne peut être suffisamment efficace pour prévenir les gestes que vous savez probables. Que pensez-vous de la libération d'office et des criminels dangereux remis en liberté simplement parce qu'ils ont purgé la partie prévue de leur peine?
Comm. Edwards: Monsieur le président, ce sont-là des questions profondes.
D'abord en ma qualité de chef de Service correctionnel Canada, j'admets, comme le mentionne le Rapport du vérificateur général, que nous consacrons une part disproportionnée de notre temps aux dossiers institutionnels ce qui est quasiment inévitable étant donné leur prépondérance. Ils requièrent environ 80 p. 100 de nos ressources comparativement aux dossiers des libérations.
En outre, le Service des libérations conditionnelles a toujours fonctionné de façon autonome en quelque sorte; chaque intervenant est un professionnel compétent qui fait son travail et prend en charge un certain nombre de cas. Nous avons, notamment à cause des commentaires du vérificateur général, créé un conseil qui regroupe une bonne partie des principaux agents de libération conditionnelle au pays, qui devra examiner tous les aspects du système, depuis la doctrine de leur profession, si tant est qu'ils pratiquent une profession, quels outils ils devraient employer, quels critères pourraient mener à la meilleure répartition possible des ressources entre les différentes régions du pays, quels sont les avantages d'une surveillance intensive d'équipe par opposition à la surveillance générale, c'est-à-dire l'attribution à un même agent de liberté conditionnelle de cas exigeants une surveillance intensive et de cas moins lourds.
On peut faire beaucoup à mon avis, du moins pour faciliter les inspections du côté des libérations conditionnelles, au lieu de laisser les professionnels exécuter leurs tâches individuellement. Cette mesure devrait donner lieu à des améliorations notables.
Ceci dit, passons au point le plus crucial de vos questions. Malgré l'expiration de leur mandat, certains contrevenants ne devraient-ils pas demeurer incarcérés étant donné les dangers qu'ils représentent? Je suis convaincu qu'il existe des cas de ce genre. J'ai été troublé parfois de voir arriver la date d'expiration du mandat de certains détenus. Ils avaient purgé leur peine, n'étaient pas considérés comme des déficients en vertu de la Loi sur la santé mentale de notre pays et ils devaient être remis en liberté. Les cas de ce genre sont rares, mais nous connaissons trop bien certains d'entre eux qui nous inquiètent énormément. Nous avisons alors les services de police en disant qu'à notre avis, ces personnes créent une situation dangereuse et que nous espérons qu'ils pourront faire de leur mieux pour y remédier.
À l'exception de ces cas, je crois tout compte fait que la libération d'office a donné de bons résultats, mais elle fait toujours l'objet d'un débat au sein du Service correctionnel du Canada et à la Commission nationale des libérations conditionnelles et ce débat va certainement se poursuivre à mon avis. La mesure est assez radicale puisque si nous ne pouvons démontrer un risque de violence, tout détenu doit être automatiquement libéré dès qu'il a purgé les deux tiers de sa peine. L'écueil, c'est que sans la libération d'office, nous devrons garder tous les détenus en prison pendant plus longtemps et que nous nous éloignerons ainsi de l'objectif qui est de mieux différencier les détenus à risque élevé des autres.
Mme Meredith: Vous pourriez peut-être être plus sélectifs dans l'application de la libération d'office.
Vous avez procédé à une enquête interne dans le dossier de Paul Butler; est-il possible d'obtenir un exemplaire du rapport d'enquête?
Comm. Edwards: Je crois que le rapport sera publié d'ici une semaine ou deux.
Mme Meredith: Pourrons-nous l'obtenir à ce moment-là?
Le président: Certainement.
Madame Torsney, vous désirez poser une brève question. Nous devrons ensuite ajourner notre séance pendant quelques minutes afin d'accueillir d'autres témoins avant 11h30.
Mme Torsney: Je voulais simplement avoir des éclaircissements sur la situation des détenus libérés et sur leur accès aux maisons de transition. Ils reçoivent 80$, un billet d'autobus ou un moyen de transport quelconque jusqu'à leur destination, et un veston. Ils ont aussi droit à une allocation de repas s'ils sont hébergés dans une maison de transition. Quel est le montant de l'allocation quotidienne exactement?
[Français]
S.-comm. Perron: Aux centres correctionnels communautaires, je crois que c'est 12$ ou 15$ par jour. Et dans les maisons de transition, les trois repas sont fournis par la maison.
[Traduction]
Mme Torsney: Si j'ai droit à une libération conditionnelle, j'ai accès à toutes ces ressources, mais si ma période de libération condidionnelle est terminée et si Service correctionnel Canada considère que j'ai purgé toute ma peine, ai-je encore accès à ces centres correctionnels communautaires? Dans certains cas, le système est donc entièrement libre de ses responsabilités à l'égard des personnes?
Comm. Edwards: Après la date d'expiration du mandat, très certainement.
Mme Torsney: À quel pourcentage correspondent ces cas?
Comm. Edwards: Je dirais 10 p. 100 environ. Je vous donnerai un chiffre exact, mais je peux vous affirmer que le pourcentage est minime, peut-être même inférieur à 10 p. 100.
Mme Torsney: La plupart des détenus dans ce cas ont purgé toute leur peine en détention, ce sont justement ceux qui soulèvent le plus d'inquiétudes n'est-ce pas?
Comm. Edwards: C'est exact.
S.-comm. pal Graham: Et ce sont aussi ceux qui coopèrent le moins.
Mme Torsney: Ce sont les moins coopératifs, et peut-être aussi les plus dangereux selon certaines personnes. Et pourtant nous confions ces ex-détenus aux différents systèmes de services sociaux du pays et nous les laissons livrés à eux-mêmes sans autre forme d'aide.
Comm. Edwards: Nous les confions aux services sociaux et aux services de police, car on avise aussi les corps policiers.
Mme Torsney: Ne voyez-vous pas que c'est le pire scénario possible en ce qui concerne la confiance de la population à l'égard du système correctionnel du Canada?
Comm. Edwards: Permettez-moi de vous corriger. Il ne s'agit plus du système correctionnel du Canada. Lorsqu'un contrevenant a entièrement purgé sa peine, il ne fait plus partie de nos responsabilités. Il appartient à la société en général et devient, comme vous le savez, une responsabilité des services sociaux et policiers de sa collectivité.
Mme Torsney: Lorsque l'un de vos anciens clients commet à nouveau des infractions, je ne crois pas que ce soit favorable à votre réputation.
Comm. Edwards: Je suis entièrement d'accord.
Mme Torsney: Les gens ne font pas la différence; ils considèrent le gouvernement comme un tout et pensent que nous devons prendre ces gens en charge.
Comm. Edwards: Je suis absolument de cet avis. Je connais un ou deux détenus qui ont entièrement purgé leur peine, qui ont réintégré la société et qui continuent pourtant de participer à certains de nos programmes. D'un point de vue financier, nous ne pouvons justifier cela; notre seul argument, c'est que ces ex-délinquants seraient entièrement privés de programmes de ce genre autrement. Bien entendu, ils sont libres de participer ou non aux programmes.
Le président: Service correctionnel Canada, c'est-à-dire le gouvernement fédéral, est responsable de toute personne purgeant une peine fédérale. Une fois la peine purgée, la société en général devient responsable de la personne en cause. Le gouvernement, le Parlement, demeurent responsables de cette personne mais pas par le truchement de Service correctionnel Canada.
En posant ces questions, M. Thompson a parlé du coût comparatif du fonctionnement des prisons aux États-Unis et au Canada. Vous avez alors promis de fournir un court document qui préciserait vos réponses. Ce serait très utile car de nombreuses questions nous sont posées à ce sujet. J'aimerais bien que vous nous fassiez parvenir ce document.
Je tiens à vous remercier sincèrement. Nous devons étudier la question du contrôle des armes à feu, l'intoxication comme motif de défense, la Loi sur les jeunes contrevenants et bien d'autres sujets, de sorte que nous n'avons pu vous consacrer, cette année, autant de temps que l'année dernière, mais nous tiendrons peut-être des réunions spéciales s'il y a lieu.
Le comité s'ajourne pour deux minutes au maximum. Nous allons accueillir les témoins dans le dossier du tir à l'arbalète et reprendre immédiatement les travaux.
La séance est levée.