[Enregistrement électronique]
Le lundi 1er mai 1995
[Traduction]
Le président: À l'ordre.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.
Cet après-midi, de 14 heures à 17 h 30, nous avons prévu de recevoir les diverses associations de pourvoyeurs. Nous recevons donc la Yukon Outfitters Association, représentée par Lee Bolster et Cliff Hanna. Nous entendrons également Jim Grayston, de la Northern Ontario tourist Outfitters Association, et Len Romanuik de la Saskatchewan Outfitter Association.
Vous remarquerez sur notre avis que vous avions invité la Fédération des pourvoyeurs du Québec, c'est-à-dire l'association québécoise. Je ne vois aucun de ses membres devant nous.
Le greffier pourrait peut-être dire au comité ce qui s'est passé dans leur cas. Le greffier nous apprend qu'ils n'ont pas eu assez de temps pour se préparer aujourd'hui. Nous n'en avons eu des nouvelles qu'assez tard dans le processus. Nous avons tâché de communiquer avec eux pour les inviter à se présenter avec les autres associations de pourvoyeurs, mais ils n'ont pas réussi à s'organiser pour le faire. Quoi qu'il en soit, cela n'a pas été possible. Le greffier dit qu'ils adresseront un mémoire au comité.
Avant de commencer à entendre les témoins, je vais donner la parole à Mme Venne, qui désire faire un rappel au Règlement.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Je voudrais demander à nos deux témoins s'il leur serait possible d'enlever leur chapeau. Je pense que la politesse, quand on est dans un endroit public, est d'enlever son chapeau. Je me demande, monsieur le président, s'il serait de mise, ici, de procéder d'une façon civilisée et normale.
C'est mon premier point. J'en aurais un deuxième.
Le président: On va commencer par celui-là.
Madame Venne demande à certains de nos témoins d'enlever leur chapeau. À cet égard, elle fait un rappel au Règlement. Malheureusement, que je sache, il n'y a pas de règle. À la Chambre des communes, vous pouvez porter un chapeau. Il faut porter une cravate et vous pouvez porter un chapeau. Personnellement, je me suis fait jeter hors de la Chambre parce que je n'avais pas de cravate.
Bon, le témoin a décidé d'accéder au désir de Mme Venne.
Je ne voulais pas rendre de décision à ce sujet-là. Mme Venne a un autre rappel au Règlement.
Mme Venne: J'aimerais savoir s'il y a eu une entente entre les membres du Comité pour commencer à 14 heures aujourd'hui.
Le président: Oui, nous avons justement... Si les députés étaient d'accord pour...
Mme Venne: Vous avez dû demander cela lors d'une séance antérieure.
Le président: Oui.
Mme Venne: Je n'étais pas là, donc je voulais savoir si c'était maintenant une règle établie.
Le président: C'est une exception. Nous avons demandé cette exception parce qu'il y avait un grand nombre de pourvoyeurs non prévus pour cet après-midi. M. Dupuis me dit que c'était stipulé dans le dixième rapport et que le comité plénier a accepté cela.
Mme Venne: C'est important.
Le président: Si vous lisez le dixième rapport, il est dit que le Comité a accepté de siéger à 14 heures.
Mme Venne: Ah bon, n'importe quand. Donc, on n'est pas prévenu...
Le président: Non. Quand c'est nécessaire, mais pas... C'est prévu pour aujourd'hui et lundi prochain.
Mme Venne: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Nous sommes ici pour vous entendre, messieurs. Vous pouvez chacun faire un exposé préliminaire. Nous recevons des représentants de trois groupes, de la Saskatchewan, du Yukon et du nord de l'Ontario. Je vais leur donner la parole dans l'ordre où ils figurent sur l'avis. Le Yukon vient en premier, suivi du nord de l'Ontario et ensuite de la Saskatchewan. Je ne sais pas si c'est juste ou non, mais vous disposerez tous du même temps de parole et aurez donc parfaitement l'occasion d'exprimer votre point de vue. L'exposé de chacun des groupes sera suivi d'une période réservée aux questions et observations de la part des membres du Comité. Comme vous travaillez tous dans le secteur de la pourvoirie, certaines questions pourront vous être adressées à titre individuel et d'autres à titre collectif. Vous aurez tous l'occasion de répondre.
Nous vous avons convoqués ensemble parce qu'en tant que pourvoyeurs, vous représentez des intérêts similaires.
J'inviterais les représentants de l'association du Yukon à nous faire les premiers leur exposé préliminaire, suivis de ceux du nord de l'Ontario et ensuite de la Saskatchewan, et nous aurons une période des questions après les trois exposés.
Je donne la parole à M. Bolster ou à M. Hanna.
M. Lee Bolster (président, Yukon Outfitters Association): Merci, mesdames et messieurs, de nous donner l'occasion de vous présenter notre point de vue au sujet du projet de loi C-68. Je fais appel à votre patience, car je ne suis pas très à l'aise dans ce rôle.
Le président: Détendez-vous.
M. Bolster: L'industrie de la pourvoirie au Yukon a plus de 70 ans, ayant débuté avec des aînés autochtones bien connus comme Johny Johns, un des pionniers des revendications territoriales des Autochtones du Yukon. Notre industrie compte une forte proportion d'Autochtones, qui, dans certains cas, y travaillent de père en fils depuis trois générations.
Le secteur de la pourvoirie fait entrer chaque année au Yukon plus de 20 p. 100 des recettes touristiques totales. Cet argent est dépensé presque entièrement dans des régions isolées où il existe peu d'emplois ou aucune autre source d'emplois que notre industrie, et où le taux de chômage peut être trois ou quatre fois supérieur à la moyenne nationale.
Les pourvoyeurs se font concurrence sur un marché mondial pour attirer des clients dans de nombreuses régions qui viennent de sortir de la récession économique. Il y a de nombreux autres endroits dans le monde qui offrent des possibilités de chasse similaires - l'Alaska, la Russie, la Roumanie et ainsi de suite - avec moins de restrictions.
Depuis 70 ans, nous tâchons de nous bâtir une excellente réputation de services de qualité auprès d'une clientèle stable. Il est inacceptable d'adopter des lois injustifiées qui pourraient compromettre cette industrie utile aux régions rurales du Canada.
Nos employés vivent surtout dans les régions rurales ou les villages du nord et de l'ouest du Canada, où ces emplois constituent une importante source de revenu et définissent un mode de vie particulier. Dans bien des localités isolées, la pourvoirie représente presque la seule source d'emplois du secteur privé. Les armes à feu y sont un instrument de travail nécessaire.
Les pourvoiries sont des entreprises de type familial, pas bien différentes de celles de l'industrie agricole ou de celles de l'élevage et de la pêche, qui sont exploitées dans notre vaste et beau pays. La force de ces familles a joué un rôle important dans l'édification de notre grand pays.
Les pourvoiries procurent de fortes injections d'argent dans leurs localités et provinces respectives. Comme cet argent vient de l'étranger, il représente une infusion de sang neuf dans notre économie canadienne. Le projet de loi C-68 fait peser une menace sur cette source de revenu pour le Canada, surtout pour ses régions rurales et isolées, et il pourrait bien faire perdre à notre pays un milliard de dollars de revenu neuf par année.
Il suffirait que 25 ou 30 p. 100 des clients des pourvoiries refusent de venir au Canada à cause de l'enregistrement des armes à feu pour que notre industrie s'effondre. En perdant cette proportion de leurs clients, les entreprises de pouvoirie deviendraient non rentables et devraient fermer. On ne saurait trop souligner le caractère fragile de l'industrie de la pouvoirie.
Comme l'ont démontré des études effectuées pour le compte du Frase Institute, le coût pour les contribuables pourrait atteindre le milliard de dollars. La mise en application du système après son implantation entraînera des coûts terribles. Des hausses d'impôt importantes vont s'ensuivre. Si l'on ajoute à ces chiffres énormes la propension inhérente de l'État aux dépassements de budget et à l'inflation des coûts en quoi que ce soit qu'il entreprenne, il est très clair que les dépenses liées à l'application du projet de loi C-68 rendent la tâche impossible.
Un examen de la réalité s'impose en ce moment. La bureaucratie qu'exigera l'implantation du système d'enregistrement des armes à feu proposé par le projet de loi C-68 atteindra une ampleur désastreuse. Il faudra former tous les effectifs des douanes, des corps policiers et des services de garde-chasse, et compter sur eux pour accélérer ce processus. Nos clients, dont beaucoup ne parlent ni anglais ni français auront beaucoup de mal à s'y retrouver dans ce labyrinthe bureaucratique, alors qu'une légère erreur pourrait suffire à les empêcher d'entrer au Canada.
Ces problèmes seront souvent amplifiés à cause des communications limitées. Dans des régions isolées comme le nord du Canada, il n'y a même pas de communications téléphoniques satisfaisantes, sans parler de télécopieurs. Beaucoup de nos clients doivent se rendre dans des localités comme Mayo ou Ross River pour monter à bord d'un avion de brousse à une heure prédéterminée. S'ils ratent cette correspondance, ils risquent de rater toute leur expédition; ce qui pourrait coûter à l'économie canadienne environ 10 000$ par client. Ce genre de démêlés pourraient ternir énormément l'excellente réputation de l'industrie canadienne de la pouvoirie.
Pour les habitants des régions isolées, une arme à feu est un outil. Les guides, les trappeurs et les randonneurs en milieu sauvage emportent toujours une arme pour fins de protection et de subsistance. C'est un droit que les Canadiens ont toujous eu.
Beaucoup de gens qui travaillent dans cette industrie et d'autres du même genre n'ont ni l'instruction ni les capacités pour affronter plus de complications qu'ils en éprouvent déjà dans leur vie de tous les jours. Ces travailleurs parcourent souvent plusieurs régions en passant de leur domicile à leur travail au Yukon, et parfois d'un emploi à l'autre, avant de rentrer chez eux à la fin de la saison. Leurs déplacements exigeraient maintenant un permis, et même plusieurs dans certains cas, à travers des régions isolées où il n'existe que peu ou pas du tout de services gouvernementaux.
Même les pilotes de brousse sont tenus par la loi canadienne d'avoir une arme à feu dans leur avion quand ils volent dans le nord, car cela fait partie de leur trousse de survie. Comme il s'agit d'une exigence du ministère fédéral des Transports, nous ne sommes pas les seuls à penser que les armes à feu sont importantes pour notre mode de vie. Aux termes du projet de loi C-68, les guides ou les pilotes ayant un casier judiciaire, ne serait-ce que pour conduite en état d'ébriété, ne seront pas employables, ce qui créera des problèmes personnels, plus de chômage et une perte de revenu dans ces localités qui n'ont pas grand-chose d'autre pour faire vivre leurs habitants.
Beaucoup de vielles armes à feu n'ont pas de numéro de série. Certains de nos clients viennent au Canada avec des carabines fabriquées sur commande, et donc sans numéro de série. D'après le projet de loi, il ne leur serait pas permis de les apporter au Canada; par conséquent, nous perdrions plus de clients qui venaient volontiers dépenser leur argent au Canada.
Nos employés ont souvent eux aussi de vieilles armes à feu ou des carabines fabriquées sur commande. Ces travailleurs ne peuvent guère se permettre de voir le gouvernement rendre illégales les armes à feu qu'ils possèdent et dont ils ont besoin.
Étant donné que plusieurs fabricants produisent le même modèle d'arme à feu, il peut y avoir jusqu'à 200 armes en circulation portant le même numéro de série. Ce problème de numérotation et d'autres complications de ce genre ont de quoi faire de l'enregistrement des armes à feu par ordinateur un véritable cauchemar bureaucratique. Q'arrivera-t-il quand nous essaierons de produire des avis d'annulation de chasse dans de brefs délais alors qu'il faut des semaines ou des mois pour enregistrer une arme à feu étrangère?
Nous n'avons pas réussi à découvrir dans notre travail de recherche en quoi ce projet de loi pourrait réussir à réduire la criminalité. Comment le gouvernement peut-il en justifier le coût d'application? Les chasseurs américains menacent de garder chez eux les millions de dollars qu'ils dépensaient auparavant chaque année en expéditions de chasse au Canada. Beaucoup ne voudront pas enregistrer leurs armes à feu à la frontière parce que la constitution de leur pays leur garantit le droit de porter des armes. Ils ne veulent pas voir des bureaucrates canadiens communiquer leurs données d'enregistrement à leurs homologues américains.
Si ces clients étrangers refusent de venir au Canada à cause de l'enregistrement des armes à feu, cela constituera une très grave menace pour notre industrie. Étant donné que les chasseurs américains forment environ 85 p. 100 de notre clientèle étrangère, une réduction de 25 p. 100 de leur nombre suffirait à faire fermer la plupart des entreprises de pourvoirie.
À en juger par la correspondance que nous avons échangée avec d'autres associations de pourvoyeurs de l'ouest et du nord du Canada, tous s'accordent à dire que cela pourrait détruire l'industrie qui fait entrer chaque année des centaines de millions de dollars dans notre pays et qui y emploie des milliers de personnes. Dans le contexte économique actuel, cela n'a pas de bon sens à notre avis. Il est ridicule que les Canadiens des régions urbaines, dont l'économie est diversifiée et qui éprouvent de sérieux problèmes de criminalité, veuillent imposer les difficultés inhérentes au projet de loi C-68 aux Canadiens des régions rurales qui n'éprouvent pas ces problèmes de criminalité mais dont l'économie n'est pas florissante.
La loi sur le contrôle des armes à feu concoctée par le ministre de la Justice Allan Rock, et que les Libéraux ont fait adopter de force à l'étape de la deuxième lecture, va saper au moins quatre libertés fondamentales dont les Canadiens jouissent depuis des siècles. Les juristes et les propriétaires d'armes à feu soutiennent, entre autres choses, que la Loi sur les armes à feu permettra aux policiers de perquisitionner sans mandat dans les maisons particulières. Elle suspendra le droit des citoyens de refuser de coopérer avec la police et les forcera peut-être à s'incriminer ou à risquer la prison s'ils s'y refusent. Elle permet la confiscation de la propriété privée par l'État sans indemnisation. Elle fera retomber le fardeau de la preuve sur les personnes accusées d'infractions aux termes de plusieurs de ses dispositions; autrement dit, elle obligera les accusés à prouver leur innocence plutôt que de les présumer innocents jusqu'à ce que leur culpabilité ait été établie.
Le projet de loi C-68 n'a pas sa place dans les recueils de lois canadiennes. Une telle mesure législative est injustifiable. Essayer de la mettre véritablement en oeuvre représente une tâche ahurissante. Elle posera un énorme problème inacceptable aux contribuables canadiens. La menace qu'elle représente pour les droits et libertés des Canadiens de posséder et de porter des armes ou de posséder quelque autre bien que ce soit est inconcevable. La perte directe d'emplois et de millions de dollars d'argent neuf dans des régions comme le Yukon et d'autres régions isolées du Canada est intolérable. Il serait impraticable et contre-productif de mettre en oeuvre une loi visant à enregistrer les armes à feu au Canada.
Nous sommes en possession de plusieurs lettres que nous avons reçues lorsque nous avons communiqué avec les autres associations du nord et de l'ouest; M. Hanna pourrait peut-être en lire une ou deux pour moi.
Le président: D'accord.
M. Cliff Hanna (vice-président, Yukon Outfitters Association): Nous avons annexé ces lettres à la fin de notre mémoire. Je vais les passer brièvement en revue. Pour être bref, je n'en lirai probablement qu'une. Elles se passent vraiment d'explication. L'Alberta Outfitters Association est au nombre de nos correspondants. Nous avons également reçu de la Mackenzie Mountains Outfitters Association une lettre d'appui exprimant son point de vue. Il y en a une autre de l'association des Territoires du Nord-Ouest, la Barrenground Outfitters, et une lettre de son président. Il y en a une également de la Northern British Columbia Guides and Outfitters, signée par son président, Ray Jackson. Je me contenterai de lire celle-là. Leur teneur est très similaire.
Il a adressé cette lettre à M. Rock et nous en a transmis une copie.
- Au nom de la Northern B.C. Guides Association, je voudrais vous faire part de notre
opposition au projet de loi C-68. L'adoption de cette mesure risque de détruire notre industrie,
étant donné que la très grande majorité de nos clients vient de pays autre que le Canada. Dans le
nord-est de la Colombie-Britannique seulement, l'industrie des pourvoiries représente 31
entreprises et plus de 500 employés et contribue ainsi pour plus de 10 millions de dollars à
l'économie locale chaque année. Nous n'avons probablement pas à vous rappeler que ces
dollars sont non seulement des dollars canadiens recyclés, mais de l'argent frais apporté au
Canada par les chasseurs étrangers, ce qui est bon pour notre balance commerciale.
- Il est regrettable que les règlements actuels, qui sont restrictifs pour les chasseurs étrangers
et empêchent qu'on commette des délits avec des armes à feu, du moins dans le nord de la
Colombie-Britannique, puissent demeurer en vigueur.
- Si on les force à enregistrer leurs armes à feu, les chasseurs étrangers chercheront d'autres
endroits que le Canada pour aller chasser.
- En terminant, les restrictions proposées en ce qui concerne les armes à feu ne devraient pas
toucher un segment de la population qui fait preuve d'un grand respect pour les armes à feu et les
dangers qu'elles peuvent représenter. Je vous prie de bien vouloir nous aider en modifiant ces
dispositions du projet de loi C-68 ou en empêchant leur adoption.
Je vais maintenant donner la parole à M. Grayston, de la Northern Ontario Tourist Outfitters Association.
M. Jim Grayston (directeur exécutif, Northern Ontario Tourist Outfitters Association): Je vous remercie de me donner l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui.
La NOTO est une association commerciale et militante, sans but lucratif, qui représente les intérêt de l'industrie du tourisme et de chasse, de pêche et de plein air au Nord de l'Ontario depuis sa formation en 1929. C'est la plus importante association de ce genre au Canada.
L'industrie regroupe 1 600 entreprises, au nombre desquelles figurent des camps et des pavillons de chasse et de pêche, des centres de villégiature offrant l'hébergement dans des chalets tout équipés, des services de transport par avion et des camps avant-postes isolés, des terrains de camping et des parcs pour caravanes, ainsi que des fournisseurs d'équipement de canotage.
Ce qui m'amène devant vous aujourd'hui, ce sont les effets que risque d'avoir sur la chasse sportive le reserrement de la Loi sur le contrôle des armes à feu et les conséquences néfastes qui s'ensuivront nécessairement pour notre industrie. Je voudrais également vous donner un aperçu des avantages que les économies du Canada et de l'Ontario retirent de la chasse.
Le Canada est mondialement reconnu pour être le lieu de prédilection de ceux qui désirent goûter aux plaisirs de la chasse au gibier de toutes sortes n'est plus à faire. Selon une étude du Service canadien de la faune réalisée en 1991 et intitulée «L'importance de la faune pour les Canadiens», plus de 1,5 million de Canadiens s'adonnent chaque année à la chasse aux animaux sauvages au Canada. Près de 40 000 résidents des États-Unis viennent également chasser le gibier au Canada.
Cette activité est à l'origine de dépenses de l'ordre de 1,2 milliard de dollars par année au Canada par les chasseurs, dépenses qui se répartissent comme suit: 500 millions de dollars en équipement; 300 millions de dollars en services de transport; 150 millions de dollars pour la restauration; 66 millions de dollars en frais d'hébergement; et 190 millions de dollars consacrés à d'autres articles et services, notamment l'obtention de services de guides, qui sont souvent des autochtones.
Il ne faut pas négliger non plus les sommes investies par les chasseurs provenant des États-Unis. Il importe de se rappeler que les 100 millions de dollars que les chasseurs américains dépensent chez nous représentent de l'argent «neuf» injecté dans notre économie.
Selon l'étude effectuée par le SCF, plus de 415 000 résidents de l'Ontario s'adonnent chaque année à la chasse dans cette province. Seul le Québec compte un plus grand nombre de chasseurs résidents. Les chasseurs ontariens dépensent chaque année 325 millions de dollars pour chasser le gibier, soit plus que dans toute autre province.
L'industrie du tourisme en Ontario, et plus particulièrement celle du nord de la province que la NOTO représente, s'est développée au fil des ans afin d'offrir aux différents amateurs de plein air diverses possibilités de capture, allant du gros gibier aux petits animaux, en passant par le gibier d'eau et les autres espèces d'oiseaux. Grâce à cette variété de gibier offert aux chasseurs, les propriétés touristiques du nord de l'Ontario touchent des revenus importants, surtout de la part des chasseurs non résidents, qui doivent passer par un pourvoyeur détenteur d'un permis pour chasser certaines espèces (l'orignal et l'ours). Les revenus tirés de la chasse sont d'autant plus importants qu'ils suscitent une activité commerciale nécessaire pendant les saisons intermédiaires que sont le printemps et l'automne.
Vous ne devriez avoir aucun doute sur le fait que les revenus de la chasse représentent une part considérable des activités économiques du Canada et des provinces. Pour l'industrie du tourisme, la chasse signifie le maintien de milliers d'emplois et la présence d'entreprises saines dans bon nombre de petites collectivités nordiques dont l'assise économique est fragilisée par la régression de l'industrie forestière, des mines et d'autres entreprises tributaires de l'exploitation des richesses naturelles. Ces collectivités profitent aussi des dépenses des touristes.
Un reserrement de la Loi sur les armes à feu risque de porter un dur coup à ces dépenses, de même qu'aux emplois et aux avantages économiques qui en découlent. Les propriétaires d'armes à feu qui respectent la loi ne devraient pas être tenus de se soumettre à des contrôles bureaucratiques toujours plus nombreux pour s'adonner à une activité que leurs ancêtres ont pratiquée pendant des siècles.
Le gouvernement ne devrait pas essayer de réduire l'incidence des crimes violents commis avec une arme au détriment des propriétaires d'armes à feu respectueux des lois.
Les lois canadiennes actuelles en matière d'armes à feu figurent parmi les plus sévères au monde. Les citoyens respectueux des lois doivent déjà se procurer un permis pour acheter une arme. Il leur faut suivre un cours ou réussir un examen du gouvernement portant sur tous les aspects de la sécurité des armes à feu. Ils sont tenus de présenter des références personnelles, et les vendeurs d'armes à feu ont l'obligation de tenir un registre dans lequel ils doivent consigner tous les achats d'armes à feu. En outre, les propriétaires d'armes à feu doivent satisfaire aux normes gouvernementales en matière de transport et d'entreposage sécuritaires des armes à feu.
C'est pourquoi il est insensé d'exiger, comme on le fait à l'heure actuelle, un système national d'enregistrement des armes à feu. Ce sont les criminels qu'il faut pourchasser, pas les honnêtes citoyens.
L'enregistrement de toutes les armes à feu ne fera pas du Canada un endroit plus sûr. Ce n'est pas en reserrant les contrôles sur les armes à feu que l'on viendra à bout de la criminalité. Les criminels n'iront certainement pas déclarer leurs armes. La mise en place d'un régime national des armes à feu ne réussira qu'à rendre le Canada moins sûr.
Les spécialistes du piratage informatique peuvent s'introduire dans n'importe quel système, où qu'ils soient. Ils ont déjà réussi à s'infiltrer dans des réseaux informatiques gouvernementaux et militaires du Canada et des États-Unis. Réfléchissez bien à la question. Voudriez-vous que les criminels connaissent chaque endroit au Canada où une arme à feu est entreposée? Ne serait-ce pas leur fournir une liste d'approvisionnement incroyablement dangereuse?
Le gouvernement fédéral estime à plus de 2 millions le nombre de ménages canadiens qui détiennent des armes à feu, pour un total de 6 millions d'armes. La National Firearms Association conteste ces chiffres et situe plutôt à 21 millions le nombre des fusils de chasse et de carabines détenus légalement par des Canadiens. C'est là tout un supermarché pour les criminels et une somme énorme de travail en perspective pour les agents chargés d'exécuter la loi.
Le gouvernement aura-t-il les ressources nécessaires pour exercer un contrôle sur les armes à feu? La sécurité du public pourrait être compromise encore davantage si les autorités policières se voyaient contraintes d'étaler de façon excessive leurs ressources afin d'appliquer la nouvelle loi sur les armes à feu et les nouveaux programmes de réglementation qui s'y rattachent.
La NOTO ne partage pas l'opinion selon laquelle le durcissement des mesures de contrôle permettra de réduire le nombre de suicides au Canada. Il n'y a pas de lien logique entre la vente d'armes à feu au public et les suicides. La disposition actuelle du règlement fédéral concernant l'entreposage sécuritaire pourrait réduire l'utilisation de l'arme à feu comme mode de suicide, et ne contribuera en rien à diminuer le nombre des suicides au pays.
En outre, toutes nouvelles mesures de contrôle sur les ventes de munitions est inutile. Les propriétaires légitimes d'armes à feu font déjà l'objet de mesures de contrôle suffisantes grâce aux dispositions du Code criminel relatives aux armes à feu. La mise en vigueur de nouvelles mesures n'est pas nécessaire, car celles-ci ne réduiraient pas l'usage criminel des armes à feu et n'amélioreraient pas la sécurité de la population.
La création d'un registre national des armes à feu constituerait un dangereux gaspillage de fonds publics. M. Garry Mauser de l'université Simon Fraser estime que le système prévu d'enregistrement des armes à feu coûtera 500 millions de dollars sur une période de cinq ans. Il y a, je crois, de meilleures façons de dépenser une telle somme. Imaginons un instant que cet argent soit consacré à la mise en valeur des stocks de poisson et de la faune ou la commercialisation du tourisme aux États-Unis et en Europe.
La NOTO craint que l'imposition d'une nouvelle restriction n'incite de nombreux amateurs de plein air à remettre en question leur participation aux activités liées à la chasse et les sommes qu'ils y consacrent - et cette remise en question ne se produirait pas que chez les chasseurs canadiens, mais aussi chez les chasseurs américains.
Si elle devait se concrétiser, cette situation ne ferait qu'aggraver les difficultés économiques de notre industrie, qui vient de traverser une dure période de trois à quatre années. La dernière dépression a entraîné une réduction considérable des dépenses discrétionnaires, dans la mesure où les pertes d'emplois et l'incertitude économique ont prélevé leur tribut sur les finances de nombreuses familles. Les entreprises de tourisme qui ont survécu à cette difficile période voient maintenant pointer une lueur d'espoir à l'horizon économique de 1995. La demande est forte et l'avenir est prometteur.
Le moment ne peut être plus mal choisi pour adopter une loi qui incitera les touristes américains à bouder le Canada.
J'ai reçu, dernièrement, une lettre de la Kentucky Outdoor Association, qui est l'équivalent de notre Ontario Federation of Anglers and Hunters. Cette association représente 75 000 membres de l'État du Kentuky et elle leur a recommandé de boycotter le Canada et de ne pas y prendre leurs vacances si le contrôle des armes à feu est adopté.
Et ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg. Je connais au moins cinq autres États dans lesquels circulent des lettres de menaces semblables. La Virginie, le Texas, la Pennsylvanie, le New Hampshire et le Dakota du Nord nous disent que, si la loi est adoptée, les membres de leurs associations ne viendront plus chasser au Canada. Les clubs sportifs des États américains sont extrêmement contrariés par ce projet de loi et il se pourrait bien que nous soyons les victimes de leur frustration.
Nous savons par expérience que les touristes américains évitent les régions où existent des controverses. Nous avons même connu une situation de ce genre à nos portes. Lorsque l'Ontario a adopté une réglementation fondée sur la notion de conservation pour gérer ses propres ressources, un État voisin, le Minnesota, n'a pas tardé à réagir en prenant des mesures de rétorsion, ce qui a créé un différend.
Le Canada ne peut se permettre cette sorte d'influence négative de l'autre côté de ses frontières. Les frontières du Canada doivent demeurer accueillantes pour le tourisme.
Les renseignements qui ont été diffusés jusqu'à présent sur les mesures qui seront prises à l'égard des non-résidents qui entrent au Canada avec des armes à feu afin d'y chasser sont extrêmement vagues, et la première réaction est de ne pas se rendre tout bonnement au Canada si l'enregistrement des armes y devient obligatoire.
Nous sommes déjà dans une situation où les chasseurs qui viennent au Canada doivent subir une fouille minutieuse. Quels autres obstacles devront-ils franchir aux frontières et quel prix devront-ils payer pour pouvoir venir chasser au Canada avec leurs armes à feu?
Cela pourrait nous coûter leur clientèle.
La Loi sur le contrôle des armes à feu porte en elle la possibilité réelle de restreindre la croissance du tourisme et pourrait bien signifier pour bon nombre de gens du nord de l'Ontario, des pertes d'emplois et même des fermetures d'entreprises. La NOTO ne peut demeurer passive devant ces événements, et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui.
Le président: Nous allons maintenant donner la parole à M. Romanuik, président de la Saskatchewan Outfitters Association pour qu'il puisse faire son exposé.
M. Len Romanuik (président, Saskatchewan Outfitters Association): Je vous remercie de me donner la possibilité d'intervenir aujourd'hui.
Il n'y a pas si longtemps, le Canada était un pays très lointain, inconnu, que des hommes et des femmes sont venus explorer et coloniser couteaux et fusils à la main. Les Canadiens sont venus dans l'Ouest pour chasser le bison, le castor, l'orignal, le chevreuil et l'ours pour subsister et gagner leur vie. Depuis ces débuts, le couteau et le fusil font partie intégrante de notre culture. Notre société a survécu et grandi pendant tout ce temps grâce à la capacité des premiers colons d'utiliser une arme à feu pour chasser, trapper et se protéger. Dans les campagnes canadiennes d'aujourd'hui, nous gardons toujours cet amour de nos couteaux et de nos armes à feu.
Nous aimons les posséder, les prendre, les nettoyer, les toucher, les regarder; nous sommes aussi fiers qu'un collectionneur de tableaux peut l'être d'une belle toile. Nous aiguisons nos couteaux pour qu'ils restent affûtés et nous déchargeons nos fusils pour le plaisir, pour le sport et pour gagner notre vie. Les armes à feu ont toujours fait partie de notre culture.
Un homme, Allan Rock, a déclaré qu'il a l'intention de changer notre culture.
Joseph Stalin et Adolph Hitler ont aussi transformé la culture de leurs pays.
Les pourvoiries de la Saskatchewan et sans doute de tout le Canada trouvent presque tous leurs clients aux États-Unis. Rien qu'en Saskatchewan, elles produisent environ 39 millions de dollars de revenus annuels d'exportation. Les chasseurs américains, qui ont le droit de porter des armes en vertu de la constitution de leur pays, sont contre toute forme d'enregistrement. Étant donné les liens étroits entre les Douanes canadiennes, le F.B.I. et le Bureau of Alcohol, Tabacco and Firearms, les Américains estiment qu'un enregistrement temporaire au Canada deviendra permanent chez eux, aux États-Unis.
Dans la conjoncture économique actuelle, la Saskatchewan et le Canada ne peuvent pas se permettre la moindre perte de revenu à cause d'un programme mal conçu dont il n'est absolument pas prouvé qu'il aura les résultats escomptés. Rien ne montre que les chasseurs vivant à l'étranger ont déjà fait augmenter les statistiques sur la violence criminelle au Canada ou sur la criminalité en général, ni qu'ils le feront un jour.
Alors, à quoi cela sert-il?
Il existe déjà des règles sévères relativement aux types d'armes à feu, au nombre d'armes, à la quantité de munitions et à l'importation et l'exportation d'armes à feu au Canada. Augmenter les paperasseries dont doivent s'occuper les honnêtes citoyens ne fera rien pour empêcher le crime.
On voit déjà poindre un terrible boycottage de tout le Canada par les organismes de chasse et de pêche. Les pourvoyeurs de la Saskatchewan ont commencé à recevoir des avis d'annulation des chasseurs américains à cause du projet de loi et les réservations se font attendre en comparaison des années antérieures. Les pourvoiries ont d'importantes retombées sur les régions rurales et septentrionales de la Saskatchewan. L'effet préjudiciable de la loi leur crée des difficultés insurmontables.
Cette loi contre les armes à feu peut être qualifiée d'antichasseurs, puisqu'elle compliquerait énormément l'accès aux armes à feu pour les jeunes chasseurs et qu'à cause d'elle, ceux qui font du tir ou de la chasse uniquement à l'occasion n'auront plus les moyens de garder des armes à feu. S'il n'y a plus de jeunes chasseurs pour assurer la relève, la chasse et les pourvoiries finiront par disparaître.
Tout cela à cause d'une loi qui, selon tous les faits indéniables, ne sera qu'une façon de créer des emplois d'une façon ponctuelle.
Nous émettons de sérieux doutes quant au but du projet de loi.
Allan Rock déclare qu'une réglementation s'impose afin de connaître toutes les armes à feu en circulation, qu'elles aient servi à perpétrer des crimes ou non, de protéger la population et de lutter contre la criminalité.
Au paragraphe 3(2), on précise que cette loi ne s'applique pas au Forces armées canadiennes. L'article 15 prévoit une exception pour les armes à feu appartenant au gouvernement fédéral, aux provinces ou aux forces policières. Est-ce que ces dispositions signifient que les armes à feu possédées ou utilisées par l'armée, les gouvernements et la police ne seront pas volées, vendues illégalement ni utilisées pour commettre des crimes et qu'elles ne pourront jamais l'être?
Il paraît plus vraisemblable que ces exemptions servent à nourrir la crainte d'une confiscation inévitable et donne de la crédibilité à la déclaration faite par Allan Rock en décembre 1994:
- J'imagine un Canada où seuls les militaires et les policiers auront des armes à feu.
Cela rappelle énormément les nazis et la Russie communiste, entre autres.
Les articles 34 à 41 concernent l'importation et l'exportation des armes à feu. Ils s'appliqueront surtout aux chasseurs et aux tireurs sur cible. Leur seul effet sera de multiplier les paperasseries et de donner plus de travail aux douaniers, car rien ne prouve que ces armes à feu sont perdues ou volées, ni que ceux qui les portent représentent une menace pour la sécurité publique ou contribuent à la criminalité.
Les articles 67 à 71 ont trait à la délivrance et la révocation des certificats d'enregistrement, des autorisations d'exportation ou d'importation et des autorisations de port ou de transport. La délivrance ou la révocation de tout permis ou de toute autorisation est laissée à l'entière discrétion du directeur ou du contrôleur des armes à feu.
Le paragraphe 73(3) et l'article 117.11 précisent tous deux que la preuve est à la charge du requérant ou du prévenu et non de la Couronne. Ces deux dispositions suppriment le droit d'être considéré comme innocent jusqu'à preuve du contraire.
L'article 99 confère à un policier le droit de procéder à la visite de tous lieux sauf d'une maison d'habitation à n'importe quelle heure si, à son avis, il s'y trouve des armes à feu. Il permet aussi au policier d'y effectuer des essais, d'y utiliser des appareils de reprographie ou des systèmes informatiques, de faire des copies ou de prendre des échantillons et d'en disposer de la façon qu'il estime indiquée. Le tout peut se faire sans mandat.
L'article 100 oblige quiconque se trouve sur les lieux à accorder assistance au policier pendant qu'il effectue son inspection à la suite de l'article 99. Qu'est-il est advenu de l'obligation de prouver qu'un individu est dans son tort, ainsi que de la loi exigeant l'obtention d'un mandat de perquisition?
Au paragraphe 117.15(2), on précise que le gouverneur en conseil décidera quelles armes à feu, à son avis, peuvent être raisonnablement utilisées ou non pour la chasse ou le sport et faire l'objet de règlements. De quel droit le gouvernement se fonde-t-il sur son avis pour adopter des lois ou édicter des règlements régissant la propriété privée des électeurs?
Les modifications au Code criminel exposées dans le projet de loi C-68 ont un net parti pris contre les armes à feu. Manifestement, le ministre de la Justice a une idée fixe et un but bien arrêtés. Il estime qu'un crime violent perpétré avec une arme à feu est plus grave que s'il est commis avec un couteau. Pour les Canadiens, un meurtre est un meurtre, un viol est un viol, et tous les criminels qui ont commis un crime avec violence devraient être punis sévèrement, quel que soit l'objet utilisé lors du crime.
Ce projet de loi n'est rien d'autre qu'une piètre tentative du gouvernement en vue de calmer les groupes de pression. Au mieux, ce projet de loi ne peut que restreindre les droits de propriété des honnêtes citoyens et pousser certains criminels à employer un type d'arme différent.
La lutte contre le crime devrait se concentrer sur la prévention. Si l'on n'adopte aucune mesure législative permettant de tuer dans l'oeuf les projets criminels, on ne pourra rien faire pour empêcher leur réalisation. Le gouvernement fait erreur en ciblant l'issue inévitable ou le mode de perpétration des crimes. À quoi cela peut-il bien servir de déterminer dans quelles mesures une arme à feu est mortelle?
La réaction instinctive d'Allan Rock contre le crime ne semble pas avoir été mûrement réfléchie. Elle paraît viser les armes à feu et leurs propriétaires tout simplement parce que Allan Rock et Wendy Cukier ne possèdent pas eux-mêmes d'armes à feu et ne les aiment pas.
Après avoir entendu les déclarations faites par M. Rock la semaine dernière, les agriculteurs ont peur d'être obligés d'enregistrer leurs engrais et leur carburant diesel.
On dit que le projet de loi est essentiel à la lutte contre le crime et à la protection de la population canadienne. Il est fort étrange que le projet de loi C-42 adopté récemment renferme une modification au Code criminel qui porte de 1 000$ à 5 000$ le montant d'un vol pouvant donner lieu à une mise en accusation. Grâce à M. Rock, les larcins deviennent bien plus lucratifs. Pourtant, il passe son temps à nous dire que nous n'avons pas besoin de nos armes à feu pour nous défendre ni pour défendre nos biens; il nous demande de lui faire confiance.
On nous raconte que l'application du projet de loi n'alourdira pas la charge de travail des forces policières et n'entraînera pas une diminution du nombre de policiers qui patrouillent dans les rues. Comment l'enregistrement obligatoire de plus de 20 millions d'armes à feu appartenant à leurs propriétaires légitimes et les inspections pourraient-ils ne pas surcharger nos policiers et nos douaniers déjà débordés?
Dans son rapport de 1992, le vérificateur général a recommandé que le système d'enregistrement actuel soit démantelé à cause de ses défauts flagrants, de son coût faramineux pour les contribuables canadiens et du fait qu'il n'est indéniablement d'aucun secours dans la prévention du crime ou de la lutte contre la criminalité. Le vérificateur général a aussi recommandé de ne pas adopter d'autres mesures de contrôle des armes à feu tant qu'une étude sérieuse ne serait pas réalisée pour démontrer leur efficacité et leur utilité dans la lutte contre le crime.
Mais sans étude, sans preuve, le gouvernement opte encore une fois pour l'autoritarisme et le gaspillage de fonds publics.
Les statistiques montrent que, la plupart du temps, l'alcool acheté légalement est à l'origine de la perprétation des crimes. Il serait donc bien plus fructueux et économique de prévenir les crimes au lieu de contrôler les armes à feu. En se concentrant sur la prévention des crimes liés à la drogue et à l'alcool, le gouvernement aurait un objectif plus susceptible d'être atteint et de porter fruit que s'il contrôlait les armes à feu.
La violence familiale résulte presque toujours du stress créé par les obligations financières d'aujourd'hui et l'alcoolisme. Rien ne prouve qu'en enregistrant les armes à feu, la violence familiale connaîtra une issue différente. Il semblerait que la gestion du stress et le traitement de l'alcoolisme et de la toxicomanie permettent de lutter efficacement contre le suicide et la violence familiale. C'est donc la clé du contrôle de la criminalité!
En résumé, je tiens à dire que le projet de loi portera sans doute atteinte aux droits et libertés individuels. Il y a lieu de se demander ce qu'il adviendra du droit de posséder des armes à feu. D'après nous, la loi aura des répercussions terribles sur tous les droits et libertés individuels au Canada. Ce n'est plus une simple question de contrôle des armes à feu; il faut s'interroger sur l'importance que le gouvernement accordera aux droits individuels par rapport aux droits de l'État.
L'histoire nous a appris qu'en restreignant les droits individuels sous prétexte d'accroître la sécurité de la nation, on sape les principes démocratiques. De multiples dispositions du projet de loi devraient nous faire craindre le pire.
De plus, qu'on ne se méprenne pas sur la stratégie à long terme du Parti libéral eu égard à la propriété d'armes à feu. Ceux qui se souviennent des débats de 1978 sur le contrôle des armes à feu connaissent le contexte de la situation actuelle. Je le répète, Allan Rock a déclaré publiquement qu'il imagine un Canada où seuls militaires et policiers auront des armes à feu.
La prochaine fois, le Parti libéral appliquera la troisième solution, la solution définitive: confisquer toutes les armes. Il faut en être conscient et s'attaquer au problème maintenant. Tous les participants jugent extrêmement grave l'effet dévastateur que le contrôle des armes à feu aura sur la Saskatchewan et sur les pourvoyeurs. Les clients américains annulent déjà leurs voyages de chasse et de pêche. Un sondage auprès de nos membres révèle que les pourvoiries en chasse s'attendent à ce que la moitié des réservations seront annulées dans un avenir prévisible.
Ces difficultés économiques conjuguées aux répercussions à long terme pourraient affaiblir considérablement l'industrie, voire peut-être l'anéantir. On s'attend à une perte immédiate de 10 à 20 millions de dollars chez les pourvoyeurs.
Évidemment, la Saskatchewan sera beaucoup plus durement touchée que les autres régions par ce problème étant donné sa situation. Ses pourvoiries rapportent des revenus d'exportation proportionnellement plus élevés que dans les autres provinces. Elles forment l'un des rares segments viables de l'industrie touristique de la Saskatchewan.
Je veux déclarer en terminant que le Canada a fait plusieurs guerres pour défendre des principes démocratiques. Des milliers de Canadiens sont morts pour protéger les droits individuels contre les droits de l'État. Les Canadiens constatent que leurs droits et libertés inhérents diminuent. «In Memoriam».
Le président: Nous allons poursuivre avec la période de questions. Nous accorderons tout d'abord 10 minutes à chacun des trois partis puis accorderons des périodes de 5 minutes au cours desquelles nous échangerons des points de vue avec le parti du gouvernement et le parti de l'opposition.
[Français]
Mme Venne: Bonjour messieurs. Je crois que c'est M. Bolster qui a dit que les pilotes de brousse devaient transporter des armes à feu dans leurs avions en vertu d'un règlement de Transports Canada.
J'ai ici les règlements de Transports Canada et AIP Canada. Il est indiqué dans le kit de survie que le pilote doit avoir une hache d'au moins deux livres et demie. Pour ce qui est de l'arme à feu, ce n'est pas une obligation dans l'équipement de survie. Transporter des armes à feu est laissé à la discrétion de l'exploitant. Il faut quand même faire une différence et je voulais la noter, puisque j'ai les règlements devant moi.
J'ai parlé aux fonctionnaires de Transports Canada qui m'ont dit que, dans les prochains règlements, on va même suggérer aux pilotes de ne pas transporter une hache de deux livres et demie parce que c'est plus dangereux qu'autre chose lorsqu'on est dans une situation de panique, comme lors d'un écrasement d'avion. Je voulais vous le mentionner pour faire une mise au point quant à votre allégation selon laquelle cela faisait partie d'un équipement de survie en vertu des règlements de Transports Canada.
Deuxièmement, pourriez-vous me dire quels sont les règlements pour un étranger, un Américain - puisque c'est le cas dont on parle ici - qui vient chasser au Canada? Quelle déclaration doit-il faire actuellement quand il passe à la douane?
Je veux la poser à M. Bolster parce qu'il semble être très au courant de la situation.
[Traduction]
M. Bolster: Lorsque les chasseurs américains arrivent à la frontière - j'ai fait passer la douane à des chasseur américains à Dawson City - avec leurs armes à feu dans leur étui, on leur demande pourquoi ils entrent au Canada. Ils répondent qu'ils vont chasser à tel endroit. Leurs armes sont dans leur étui, les munitions sont censées être dans un autre étui. Ils ouvrent leur étui pour montrer leurs fusils de chasse, et c'est tout. Il n'y a pas d'enregistrement. Si on leur demande, ils doivent montrer le contenu de leurs étuis. Mais ils n'ont pas à enregistrer le numéro de série ni la marque des armes à feu ou quoi que ce soit de ce genre.
En ce qui concerne le règlement de Transport Canada, ce que vous dites est tout à fait possible. Je sais que pour la région au nord d'Edmonton, on recommande au pilote d'inclure une arme à feu dans la trousse de survie. J'ignorais que cela ne faisait pas partie de la loi, parce que c'est ce qu'on m'a toujours dit de faire. Je suis aussi pilote. Quand je n'apporte pas de fusil avec moi, j'ai l'impression d'enfreindre la loi.
[Français]
Mme Venne: Je vous dis que selon les règlements, c'est facultatif. C'est ce que je dis. C'est le même règlement à travers tout le Canada.
Deuxièmement, vous me dites que lorsqu'un Américain arrive au Canada, actuellement, il n'est pas dans l'obligation d'enregistrer son arme. Je le sais et ce sera nouveau. Il doit quand même faire une déclaration et la signer. Si vous ne pouvez répondre, je vais demander à votre voisin,M. Romanuik, de me répondre.
[Traduction]
M. Romanuik: Lorsque les Américains arrivent à la frontière, on leur demande pourquoi ils viennent au Canada. Souvent, ils doivent prouver qu'ils vont bien à la chasse en présentant un permis de chasse ou un contrat. On leur demande s'ils ont des armes à feu. Ces armes sont inspectées. Le nombre de munitions est limité. Ces touristes ne peuvent entrer au Canada avec quelque arme à autorisation restreinte que ce soit, que ce soient des armes de poing, des armes semi-automatiques avec un chargeur à grande capacité ou d'autres armes de ce genre. Ils doivent se conformer aux règlements actuels - ils n'ont pas le droit d'entrer au Canada avec des armes à autorisation restreinte.
Souvent, pas toujours, ils doivent remplir une déclaration où figure le numéro de série de leur arme - un peu comme on le fait lorsque on va skier - pour qu'ils puissent prouver, à leur sortie du pays, qu'ils rapportent bien la même arme qu'ils avaient lorsqu'ils sont entrés au Canada. C'est à peu près tout. Et ils ne sont même pas toujours obligés de remplir cette formule.
[Français]
Mme Venne: Dites-nous quelle sera la différence. On va ajouter des chiffres et un paiement qui, selon Revenu Canada, sera de 50$ pour un permis temporaire que l'Américain devra acheter lorsqu'il viendra chasser au Canada. Tout ce qu'il y aura de différent, c'est qu'il devra payer 50$ et donner le numéro de série de son arme à feu. Ce sera à peu près la seule différence.
Ces gens-là, comme vous le dites vous-même, viennent ici pour dépenser des millions de dollars. chacun doit certainement dépenser 1 000$ et plus. Vous n'allez tout de même pas me dire qu'un montant de 50$ va le faire tomber en bas de sa chaise.
[Traduction]
M. Romanuik: Non, je ne crois pas que cette somme influence leur décision, mais je ne crois pas que ce soit aussi simple que vous le laissez croire. Ces chasseurs américains devront remplir une demande de permis d'importation et d'exportation. On leur délivrera alors un certificat d'enregistrement temporaire ainsi qu'un certificat de possession. Ces informations seront transmises à un registre central. Tous les voyageurs transportant une arme à feu devront remplir cette formule qui deviendra un document officiel et non pas un simple bout de papier indiquant que vous rapportez bien chez vous ce avec quoi vous étiez entré au pays.
Le gouvernement canadien a déjà indiqué qu'il fera des vérifications au système automatisé de surveillance à la ligne d'inspection primaire qui, grâce à l'informatique est relié aux banques de données du FBI. Celui qui a été reconnu coupable de conduite en état d'ébriété il y a 10 ou 15 ans peut se voir refuser son permis d'importation et d'exportation à la discrétion de l'agent de douane ou du directeur de l'enregistrement des armes à feu.
On sait qu'on ne réglera pas ces formalités à la frontière en cinq minutes; il faudra peut-être une ou deux heures. En fait, dans les discussions qui ont été tenues, on a parlé de la possibilité, pour les voyageurs, de faire une demande de certificat d'enregistrement d'avance par le biais du consulat afin de gagner du temps à la frontière.
Le prix et d'autres détails de ce genre ne figurent pas au projet de loi, mais, à l'article 110 on permet au législateur de régir par règlement l'importation et l'exportation d'armes à feu par les chasseurs. Or, nous ne pouvons examiner ce règlement. Il sera élaboré par suite d'un décret, il n'y aura ni débat, ni consultation, ce qui nous apparaît antidémocratique et contraire à la loi.
[Français]
Mme Venne: Là-dessus, monsieur le président, je vais peut-être avoir besoin de vos conseils, mais il me semble qu'on a déjà dit que les règlements seraient débattus en Chambre. On n'avait pas mentionné cela antérieurement?
Le président: Je ne le crois pas.
Mme Venne: Non? Il me semblait qu'on l'avait déjà dit.
Le président: Il y a, dans la loi, une disposition qui dit que le règlement doit faire l'objet d'une discussion.
Mme Venne: C'est cela. Monsieur nous dit qu'il n'y aura pas de discussion sur le règlement.
Le président: Je peux trouver l'article et vous le mentionner plus tard.
Mme Venne: Oui, s'il vous plaît. Je pense que ce serait intéressant.
[Traduction]
Le président: Pour ce qui est de savoir si le règlement devra être déposé ou débattu à la Chambre, j'indiquerai aux membres du comité qu'elle est la disposition pertinente dès que je l'aurais trouvé.
M. Romanuik: Un des paragraphes de l'article 110 indique que les modifications au décret qui sont jugées mineures par le ministre n'ont pas à être déposées ni débattues à la Chambre. Qu'entendons-nous exactement par modifications mineures au décret? Moi, je crois que, d'un trait de plume, on adoptera des lois sans consulter les Canadiens ou le gouvernement.
Le président: L'article en question c'est l'article 111, à la page 49 qui dit:
- Le ministre fédéral fait déposer tout projet de règlement devant chaque Chambre du Parlement.
Tout comité compétent, d'après le règlement de chacune des Chambres du Parlement, est
automatiquement saisi du projet de règlement et peut effectuer une enquête ou tenir des
audiences publiques à cet égard et faire rapport de ses conclusions à la Chambre en cause.
M. Lee (Scarborough - Rouge River): J'avoue que le règlement, monsieur le président, au sujet de ce que vous venez de dire, car les règlements aux termes de l'article 117.15 du Code ne sont pas déposés au Parlement.
Le président: Peût-être pas, en effet. On fait ici allusion ...
M. Lee: Peu importe l'urgence de la situation ou quoi que ce soit d'autre. Cette loi prévoit en fait deux genres de règlements.
Le président: Il s'agit du règlement qui sera établi en vertu de la future loi sur les armes à feu.
M. Lee: Oui.
[Français]
Le président: Madame Venne, vous avez encore une question à poser?
Mme Venne: Je vais simplement revenir au montant que ces Américains devront payer. Je ne pense pas que vous ayez encore fait de commentaires là-dessus, mais j'aimerais bien que vous me disiez si le montant de 50$, pour un permis temporaire, est trop élevé pour des gens qui vont venir dépenser quelques milliers de dollars ici.
Pour poursuivre dans la même veine, en ce qui a trait aux montants qui seront dépensés par les chasseurs, croyez-vous que la somme de 10$ est trop onéreuse pour l'enregistrement à vie de ces armes à feu?
[Traduction]
M. Grayston: Les cinquante dollars, ce n'est pas la question. La question, c'est d'abord que les Américains ne veulent rien savoir d'un enregistrement auprès des autorités canadiennes et ensuite que nous avons déjà reçu des lettres de groupes dans six États qui appellent au boycottage.
Ce n'est pas une question d'argent; c'est une question de ce qu'ils estiment être leurs droits et de ce que l'on en fait, sans compter qu'existent quantité d'autres destinations où ils peuvent aller dépenser leur argent. Nous voulons les attirer ici, en Ontario surtout, et sinon ici, du moins au Canada. C'est ça l'important.
Pour ce qui est des Canadiens, moi, je ne représente que les organisateurs de voyages, pas l'ensemble des Canadiens ou des Ontariens.
Non, la question, ce n'est pas les 10$. Il s'agit de droits. Ils s'estiment lésés et ne voient pas l'utilité d'une forme quelconque de répression des armes qu'ils possèdent. Ne croyez surtout pas que l'argent soit le problème; il s'agit plutôt de droits individuels.
M. Romanuik: Dans le projet de loi C-68, sauf erreur, aucun montant n'est précisé. Cela tombe sous le coup de l'article 110. Le montant des droits sera fixé par décret d'après l'article 112(1). Je lis:
- Il n'est pas nécessaire de déposer de nouveau le projet de règlement devant le Parlement même
s'il a subi des modifications.
Le président: Une fois que le Comité est saisi du règlement, celui-ci peut, en vertu de l'article 111, fixé la nature de ses travaux. Après coup, il arrivera ce que vous avez décrit, mais comme vous le savez, le Comité peut, comme il le fait maintenant, tenir des audiences sur un vaste éventail de sujets.
Est-ce que le Yukon voudrait répondre à la question des frais, soulevée par Mme Venne?
M. Bolster: Non. On a à peu près tout dit. Ces messieurs ont exprimé notre sentiment.
Le président: Très bien.
Monsieur Ramsay, vous avez 10 minutes.
M. Ramsay (Crowfoot): Moi aussi, j'ai reçu des lettres de groupes et de touristes sportifs. Le président d'une association peut bien, pour toutes sortes de raison, inviter ses membres à boycotter la chasse au Canada, mais suivront-ils ses recommandations? C'est la question qu'il faut poser.
Comme le temps était compté, il fallait faire une sélection parmi les témoins possibles, nous nous sommes dit en comité directeur que nous voulions en savoir davantage sur les répercussions financières de la loi. Malgré ce qu'on pu dire les dirigeants de ces associations à leurs membres, moi, à leur place, si je voulais aller chasser au Canada et si ça ne me dérangeait pas, j'irais quand même.
Je vous pose donc ma question: quelles seront les conséquences financières de ce règlement sur votre entreprise? Quelles preuves avez-vous?
M. Romanuik: En Saskatchewan, la menace de boycottage s'est dessinée autour du 1er avril. Entre février et mars, à cause de la prospérité aux États-Unis, j'imagine, et du taux de change favorable du dollar américain par rapport au nôtre, le nombre d'appels et de réservations a monté en flèche par rapport aux années précédentes.
Depuis le 1er avril, le nombre d'appels a baissé de moitié pour la chasse aux oiseaux, et la saison bat son plein. Les chasseurs font leurs réservations du mois de février jusqu'au mois de mai. C'est l'époque des demandes de renseignements et elles ont baissé de moitié.
Pour la chasse, mon téléphone a cessé de sonner peu après le 1er avril. J'ai parlé à celui qui s'occupe de mes réservations en Pennsylvanie et il m'a dit que le sien ne sonne presque plus depuis le 1er avril. Déjà plusieurs pourvoiries ont reçu des annulations. Ce sont des clients qui avaient déjà versé leurs arrhes et qui les réclament parce qu'ils vont les boycotter si la loi est adoptée.
Voilà ce qui se passe en Saskatchewan et nous prévoyons que nos activités vont baisser de moitié dans les deux prochaines années.
M. Ramsay: J'aimerais entendre ce qu'ont à dire les autres témoins.
M. Bolster: J'ignore si nos entreprises sont exactement semblables aux leurs. Les pourvoiries du Nord et de l'Ouest qui ont des concessions ont investi des centaines de milliers de dollars et nous sommes comme n'importe quelle autre entreprise au Canada. Nous gagnons un revenu brut augmenté d'une marge bénéficiaire. Ce n'est pas que l'on craigne que la totalité des Américains cessent de venir, mais si un nombre suffisant d'entre eux restent chez eux et si notre revenu baisse de 10, 20 ou 30 p. 100, cela suffira pour nous empêcher de subsister. L'exploitation ne sera plus viable.
M. Ramsay: Pouvez-vous nous montrer des preuves de ces annulations qui réduiraient votre activité normale?
M. Bolster: Je n'ai rien avec moi. Un des propriétaires de pourvoiries à qui j'ai parlé avant de partir est au Yukon depuis 30 ans. Je lui ai demandé ce qu'il pense de ceci. Comme président de son association, je lui ai dit que j'allais à Ottawa pour essayer de vous convaincre de la gravité de la chose. Il m'a dit avoir posé la question à ses clients et que 90 d'entre eux sont contre l'enregistrement des armes et vont sérieusement envisager de ne pas revenir. C'est vous dire comme ils trouvent ça grave. Quant on a une liste de clients, on communique toujours avec eux au téléphone. Je n'ai aucune raison de ne pas le croire, mais je n'ai aucune preuve avec moi.
M. Ramsay: J'aimerais que vous nous donniez une idée approximative des sommes en cause, monsieur Grayston.
M. Grayston: Je ne saurais vous dire combien d'annulations nous avons reçues. Par contre, je peux vous dire et j'en ai parlé dans ma déclaration qu'il y a un an et demi l'Ontario a adopté une loi destinée à protéger la pêche au lac des Bois et au lac à la Pluie dans le nord de l'Ontario.
Des pêcheurs du Minnesota, les principaux clients dans cette région du pays, ont très mal pris la chose. À cause de cette loi, la moitié des pêcheurs du Minnesota ont annulé leur voyage.
Nous savons qu'ils ont une perception négative de la chose et pour cette raison, ils risquent de ne pas venir. La question est de savoir si c'est le début ou la fin? Combien d'autres États vont faire la même chose? Quelles seront les conséquences? Si c'est une réduction de 20, 30 ou 15 p. 100, c'est peut-être suffisant pour faire disparaître certaines entreprises.
M. Bolster: Le gouvernement est-il prêt à jouer avec l'avenir de notre secteur? Nous pas. Nous ne voulons pas. C'est trop risqué. Mais si le gouvernement adopte la loi, il risquera des centaines de millions de dollars de dépenses au Canada. Nous ne sommes pas assez puissants pour y faire échec, mais vous pouvez être certains que ça ne nous plaît pas.
M. Ramsay: De ce côté-ci de la table, nous ne sommes pas assez puissants pour y faire échec non plus, et il semble que l'enregistrement va devenir une réalité parce que c'est une composante essentielle du projet de loi C-68.
Monsieur Romanuik, à la page 7, vous dites ceci:
- La violence au foyer est presque toujours le résultat du stress causé par le manque d'argent et
l'alcoolisme. Rien ne prouve qu'enregistrer une arme à feu changera quoi que ce soit à l'issue de
la violence au foyer. En revanche, il est démontré que la maîtrise du stress et les programmes de
lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie peuvent réduire le nombre de suicides et les cas de
violence au foyer.
M. Romanuik: Je n'ai jamais réfléchi à cette question. Il faudrait voir. Un grand nombre de nos entreprises ne fonctionnent qu'à 60 p. 100. Perdre 20 p. 100 de nos clients en un an, ce serait un coup très dur pour une entreprise qui doit rembourser une hypothèque et payer des taxes. Je pense que cela ne ferait qu'aggraver les problèmes d'origine, c'est-à-dire l'alcoolisme, la violence et la criminalité.
M. Ramsay: Est-ce que cela créerait du chômage? Et dans quelle mesure?
M. Romanuik: Dans le nord de la Saskatchewan, la plus grande partie des autochtones travaillent dans le secteur des pourvoiries au printemps en été et à l'automne. La disparition de cette activité priverait toute une population de son gagne-pain. Maintenant que le piégeage a disparu dans le nord de la Saskatchewan, beaucoup de gens n'ont aujourd'hui plus rien à faire. La disparition des pourvoiries ou d'un certain nombre d'entre elles multiplierait le nombre de chômeurs dans une région où la pauvreté, le suicide, la toxicomanie et l'alcooliseme sont déjà généralisés. C'est plutôt là-dessus qu'il faudrait travailler.
M. Ramsay: J'aimerais entendre ce que les autres témoins ont à dire là-dessus aussi pour leur région: le chômage et le stress. Commençons par le chômage. Quel effet cela aura-t-il dans votre région?
M. Bolster: Si le secteur disparaissait, on se retrouverait avec beaucoup de chômeurs qui n'ont ni l'instruction ni la formation pour faire quoi que ce soit d'autre. Je parle de trappeur, de coureurs de bois, d'autochtones dans de petites localités comme Ross River et Mayo. Il n'y a rien d'autre. Il y a bien un peu de pêche l'été, les pourvoiries à l'automne et le piégeage en hiver.
Vous, du gouvernement, devez tenir compte de ce qui est arrivé au secteur du piégeage lorsque l'Europe et d'autres pays ont boycotté les fourrures. Les habitants du grand Nord en ont beaucoup souffert. Cela revient tranquillement et maintenant vous voulez ajouter ceci.
Comment est-ce que tous ces gens vont enregistrer leur arme? Vont-ils le faire? Moi, je ne connais personne qui va le faire. Avec l'adoption de cette loi, combien de criminels allez-vous créer du jour au lendemain. C'est inconcevable. À quoi bon? Nous avons des employés chez nous qui ne savent ni lire ni écrire. Qu'est-ce qu'on va bien faire d'eux?
M. Grayston: Nos 1 600 entreprises dans le nord de l'Ontario versent environ 131 millions de dollars par année en salaires. Pour beaucoup de petites localités dans le Nord, c'est un gros revenu.
Notre ministère de l'Agriculture, du Tourisme et du Loisir a fait des études qui montre que chaque dollar américain dépensé dans l'une de ces collectivités circule cinq fois avant de repartir. Il peut s'agir du boulanger ou du quincailler ou encore du pompiste. Les touristes américains qui dépensent 100 millions de dollars en Ontario sont importants pour nous. Nous ne pouvons vraiment pas voir une partie de cet argent disparaître sans voir aussi disparaître ces entreprises et ces salaires.
Pour ce qui est de la violence familiale, je suis mal placé pour répondre. Je n'y connais pas grand-chose. Mais si on examine le suicide...
M. Ramsay: Pouvez-vous nous parler du chômage?
M. Grayston: Pour ce qui est du chômage, il n'y a pas d'autres emplois dans le nord de l'Ontario. L'exploitation forestière et minière a périclité. Nos ressources se trouvent situées dans le nord de l'Ontario. Il n'y a pas d'autre endroit où travailler. Cette forme de tourisme est donc essentielle.
La question du suicide était intéressante. Mon vice-président a évoqué le sujet lorsqu'il est venu me voir. Il y a une réserve dans le nord-ouest de l'Ontario, à environ 200 milles au nord de l'endroit où il se trouve, où vivent 1 000 personnes. Au cours des six dernières semaines, quatre jeunes gens âgés de 20 à 30 ans se sont suicidés et tous ont utilisé une corde. Aucun d'entre eux n'a utilisé d'arme à feu alors qu'ils en avaient à leur disposition.
Si quelqu'un veut se suicider, il n'a pas nécessairement besoin de se procurer une arme à feu.
Comme M. Romanuik l'a dit, nous pourrions nous attacher à résoudre certains de ces problèmes plutôt que de nous inquiéter de l'argent à dépenser et du contrôle de la criminalité et des armes à feu.
Mme Phinney (Hamilton Mountain): Merci messieurs d'être venus ici aujourd'hui. Nous vous remercions de nous faire part de toutes ces informations qui nous aideront à prendre une décision définitive.
Je ne comprends toujours pas pourquoi les Américains ne veulent plus venir au Canada. La seule formalité supplémentaire consiste à remplir cette formule de déclaration spéciale. Des dizaines de milliers d'Américains viennent au Canada chaque année pour chasser. Des millions d'Américains possèdent des armes à feu mais l'enregistrement de ces armes n'est pas la préoccupation essentielle du gouvernement. Quel intérêt auraient les autorités américaines - avec les dizaines de milliers de personnes qui viennent chasser et constituent une infime proportion des propriétaires d'armes à feu aux États-Unis - à communiquer les quelques renseignements qu'on demande d'indiquer sur une formule à la frontière, alors qu'elles ne voient pas l'utilité d'enregistrer les armes à feu dans leur propre pays?
M. Romanuik: Comme nous le savons tous, les États-Unis sont très intéressés par l'enregistrement des armes à feu. Il existe un lobby anti-armes à feu qui est beaucoup plus puissant que le nôtre et la question de l'enregistrement est toujours à l'ordre du jour.
Le fait est qu'aux États-Unis, les criminologues de nombreuses universités ont effectué des recherches et ont fourni la preuve que l'enregistrement des armes à feu n'a aucun effet sur la lutte contre la criminalité. Plusieurs sociologues qui ont fait des études sur ce sujet ont démontré qu'il y a...
Mme Phinney: Ce n'est pas le sens de ma question. Je comprends cet argument. Je demande ce que ces personnes pensent à ce qui va leur arriver lorsqu'elles retourneront aux États-Unis sous prétexte qu'elles ont enregistré leurs armes au Canada? Que va-t-il se produire?
M. Romanuik: Elles craignent la même chose que nous et donc que l'enregistrement signifie inévitablement la confiscation. En enregistrant leur arme à la frontière auprès de nos douaniers...
Ce ne sera pas une simple formule. Si nous avions la formule entre nos mains, nous le saurions sûrement, mais si la formule est remplie, elle peut être immédiatement acheminée par voie électronique au Bureau fédéral de l'alcool, du tabac et des armes à feu et au FBI. Ces armes sont alors enregistrées aux États-Unis. Ce sont ces mêmes raisons qui nous poussent à refuser l'enregistrement. Un pirate informatique peut avoir accès à ces enregistrements et savoir où se trouvent ces armes. Si le FBI choisit de les confisquer, il saura où elles se trouvent.
Mme Phinney: Mais le FBI n'est pas habilité à confisquer une arme du simple fait que quelqu'un possède une arme.
M. Romanuik: S'ils décident un jour de promulguer une loi, ils le pourront. À cause de l'explosion de la bombe la semaine dernière, qui était l'oeuvre d'un terroriste, on envisage des moyens très surprenants pour connaître l'identité des gens et tout examiner en détail.
Mme Phinney: Ce que le gens craignent, c'est donc quelque chose qui pourrait se produire à l'avenir.
M. Romanuik: Exactement.
Mme Phinney: Ce n'est pas quelque chose qui va se produire le 17 juin prochain, lorsque les Américains viendront chasser au Canada jusqu'au 29 juin. Rien ne va se produire le jour où ils vont repasser la frontière américaine.
M. Romanuik: Sauf que le FBI saura où se trouve l'arme à feu. Il saura que telle personne possède une arme à feu.
Mme Phinney: C'est un problème à régler dans leur propre pays, au cas où ils décideraient à un moment donné de ne pas instaurer l'enregistrement des armes.
On vient de m'expliquer ce que les douanes vont faire. Cela concerne aussi Mme Venne. Les Douanes n'ont pas encore décidé le montant qu'elles vont demander. Lorsque cette décision sera prise, il sera possible d'enregistrer l'arme à l'avance. Vous serez donc en mesure d'envoyer les formules d'enregistrement à la douane à l'avance. Cela reviendrait beaucoup moins cher - c'est d'ailleurs le but recherché - , et ce serait plus rapide.
J'aimerais avoir une réponse à cette question. Si ce projet de loi est adopté, sous quelque forme que ce soit, allez-vous informer vos clients potentiels des règlements? Je vous pose la question parce que l'un de vos groupes, a mentionné l'existence de la Ontario Federation of Anglers and Hunters. Bien des gens qui viennent dans mon bureau, une fois qu'ils sont mis au fait du projet de loi, sont fort surpris. Ils me disent: «Cela n'a rien à voir avec l'information que j'ai reçue de mon organisation, la Ontario Federation of Hunters and Anglers.»
Bon nombre des renseignements qu'on leur donne sont erronés. Les gens ont peur des choses qu'ils ne connaissent pas et nombre de ces choses sont complètement fausses.
Voudriez-vous être une source d'information pour ces gens? Si l'on vous communique des informations justes relativement au projet de loi, allez-vous les transmettre à vos clients potentiels?
M. Romanuik: Nous serions obligés de le faire. Cela fait partie de notre travail, la divulgation totale de l'information. Lorsque nous vendons une expédition, nous devons dire aux clients ce à quoi ils doivent s'attendre.
Vous dites qu'il y a «beaucoup d'informations». Vous avez tout à fait raison car depuis quelques mois, nous lisons un document intitulé Strategy for Gun Control, qui énumère toutes les armes à feu qui seront interdites, celles qui ont des barils de quatre pouces et ainsi de suite. Il n'y a pas de points particuliers dans le projet de loi C-68. Tout cela sera précisé dans les règlements.
Si l'on adoptait le projet de loi C-68, il me semble que nous établirions une sorte d'État policier où quelqu'un pourrait faire la loi sans avoir véritablement de bonnes raisons. C'est cela que je redoute.
Mme Phinney: Si le Canada permettait un jour la chasse à l'arme de poing, je me demande si vous avez pensé aux répercussions que cela aurait sur votre entreprise ou aux retombées bénéfiques sur vos affaires? Y avez-vous pensé? Pensez-vous que nous devrions étudier cette question? Est-ce que cela vous intéresserait? C'est une activité très répandue aux États-Unis.
M. Romanuik: Oui, bien entendu, nous ferions une étude pour en connaître le potentiel. Sans étude, nous ne savons pas vraiment quel serait ce potentiel.
Mme Phinney: J'aurais une question sur l'utilisation des arcs pour la chasse. Dans le projet de loi, nous avons limité l'utilisation des arbalètes, Pensez-vous que nous devrions le faire? Pensez-vous qu'il serait préférable de limiter tous les arcs ou de les interdire? Connaissez-vous à fond ces questions?
Le président: Faites-vous affaire avec des gens qui chassent à l'arbalète?
M. Bolster: Nous ne sommes pas en faveur de l'enregistrement des armes à feu ni ne souhaitons imposer des restrictions à nos clients, c'est pourquoi je dirais que nous ne favorisons pas la restriction des arcs ou des arbalètes. Nous n'avons pas de chasseurs à l'arbalète, mais chaque année, nous avons plusieurs chasseurs qui utilisent un arc combiné.
Mme Phinney: Personne d'autre?
M. Romanuik: L'idée de restreindre l'utilisation des arbalètes ou d'interdire complètement le pistolet ou l'arbalète à une main me semble ridicule car personne n'a pu prouver que les arbalètes ou les arbalètes à une main contribuent à la criminalité. Oui, nous savons qu'une flèche peut traverser un vêtement pare-balle, mais vous ne pouvez pas cacher un arc sous votre veste. Ils sont plutôt difficiles à dérober aux regards en ville. Ils sont très gros et il me semble ridicule de penser que des gens vont commencer à voler dans des magasins ou à perpétrer des crimes avec une arme qui prend cinq minutes à recharger et que l'on ne peut pas dissimuler.
Mme Phinney: J'aurais une autre question brève. Le permis de chasse au Canada, selon le nouveau projet de loi, sera valable durant 60 jours. Pensez-vous que cette période est suffisamment longue?
M. Bolster: Ce devrait être plus long car un bon nombre d'entre nous partent dans les bois pour quatre ou cinq mois et nous faisons toute la paperasserie à l'avance. Ce n'est que lorsqu'on nous avertit d'une annulation...
C'est l'un des problèmes que vont avoir les douanes, permettre à nos clients d'arriver jusqu'à nous. Cet hiver, j'ai eu une annulation d'un groupe de quatre. Si c'est une annulation à brève échéance, il me faut essayer de combler les places vacantes à partir d'une courte liste que je garde. J'ai pris immédiatement l'avion pour trouver un téléphone et commencer à faire des appels afin de combler ces places. Il arrive que j'ai seulement quatre ou cinq jours. La personne qui va venir chasser avec moi doit d'abord voyager deux jours pour me rejoindre. Par conséquent, si cette personne ne peut pas apporter son arme et si elle doit passer par toutes les formalités à la frontière, elle va tout simplement tout annuler.
Mme Phinney: Ce n'était pas vraiment le sens de ma question. Le permis délivré aux Américains pour venir chasser au Canada va être valable durant 60 jours.
M. Bolster: Oui, il sera valide pour 60 jours, mais si je pars pendant deux mois avant la saison de chasse...
Mme Phinney: Oui, mais vous vivez dans cet endroit. Je parle des Américains qui viennent au Canada.
M. Romanuik: Elle parle des permis d'importation et d'exportation et non de l'enregistrement.
M. Bolster: Oui, mais nous devons tout organiser pour nos clients. Nous devons leur fournir la documentation.
Mme Phinney: Mais les gens pourraient faire cela à la frontière eux-mêmes?
M. Bolster: Oui, si tout se passe bien. Ils ne restent généralement pas 60 jours.
Mme Phinney: Ils ne restent pas 60 jours?
M. Bolster: Non.
Mme Phinney: Donc, une période de 60 jours est suffisante?
M. Romanuik: Ce serait suffisant si nous étions d'accord avec les permis d'enregistrement et d'importation temporaires. Mais nous ne sommes pas d'accord avec l'enregistrement temporaire ou les certificats de possession temporaires car rien ne prouve que ces gens vont commettre un crime ou contribuer à la criminalité. Où est donc l'intérêt?
Mme Phinney: Je comprends, monsieur, mais nous voulons un bon projet de loi et nous voulons qu'il le soit aussi pour vous. Je vous demande simplement si vous êtes d'accord avec la période de 60 jours ou si vous préféreriez une durée de validité plus longue ou plus courte?
M. Grayston: Je suis d'accord avec les autres, mais je voudrais simplement faire remarquer que nous avons des gens qui viennent chasser l'ours en avril et l'orignal en novembre.
Mme Phinney: Et ils restent?
M. Grayston: Non, ils font la navette. Ils vont donc avoir à remplir deux permis dans l'avion. Si le permis est valide 60 jours, ils doivent faire la demande deux fois. Ils devront donc payer deux fois les frais et tout le reste.
Mme Phinney: Merci.
Le président: J'aimerais poser une question.
Lorsque les représentants des douanes étaient ici, nous leur avons parlé de ce sujet. Ils nous ont dit que lors de la deuxième demande, puisqu'une bonne partie des renseignements serait déjà informatisée, l'autorisation s'effectuerait plus rapidement. Donc, la deuxième, la troisième ou la quatrième fois, cela ne prendrait pas autant de temps.
Ce que disait également Mme Phinney, c'est que les autorités douanières nous ont dit qu'elles essaieraient de faciliter les formalités de demandes avant l'arrivée à la frontière. Si la formule était déjà remplie, cela ne prendrait que cinq minutes. Ce ne serait pas long. Les problèmes surgiraient pour ceux qui n'auraient pas les renseignements et n'auraient pas rempli les formules auparavant.
Je comprends très bien ce que vous dites. Il y en aura qui voudront le faire par principe. C'est une autre question.
M. Romanuik: J'ai du mal à croire qu'il ne faudra que cinq minutes, parce que j'habite en Saskatchewan et lorsque je traverse la frontière, où l'on me connaît car je participe à des foires commerciales, etc., cela prend beaucoup plus de cinq minutes. À l'aéroport, lorsqu'on passe la douane, il y a déjà une file d'attente.
Le président: Vous avez raison. Nous ne parlons pas des files d'attente. Nous disons simplement que si les formules sont remplies à l'avance, ce que l'on essaiera de favoriser, on gagnera beaucoup de temps.
Avant de poursuivre les questions, j'aimerais m'adresser au comité. Audrey McLaughlin, chef du Nouveau parti démocratique et députée du Yukon est présente. Elle n'est pas membre du comité. Nous avons besoin d'un consentement unanime. Elle aimerait participer à une série de questions de cinq minutes. Êtes-vous d'accord pour que je lui permette de poser une question au moment approprié?
Des voix: D'accord.
Le président: Pourrait-elle poser ses questions maintenant? Nous passerions ensuite à l'opposition.
Audrey, vous avez cinq minutes.
Mme McLaughlin (Yukon): Merci beaucoup monsieur le président. Je serai brève.
Je pense que l'un des aspects de ce projet de loi que l'on a oublié dans toute cette discussion, c'est la question de la sécurité. Les statistiques du ministère indiquent que les personnes les plus mises en péril par l'utilisation illégale des armes à feu sont les femmes chez elles et ceux qui tentent de se suicider ou, malheureusement, réussissent à s'enlever la vie. Je suis d'accord avec le témoin qui a dit que ces questions n'étaient pas véritablement abordées dans notre société. Ce sont des problèmes pour lesquels on ne peut pratiquement pas obtenir de fonds, et en fait, qui ont été l'objet de compressions dans le dernier budget fédéral.
La première question portera davantage sur votre profession mais aura un rapport avec la sécurité.
Il y a deux aspects. Le premier a à voir avec le vol des armes. Je me demande si vous avez des preuves anecdotiques ou statistiques de vols d'armes par des gens qui viennent chasser dans les pourvoiries. Cela vous préoccupe-t-il ou êtes-vous au courant d'incidents de ce genre?
Deuxièmement, avez-vous des preuves statistiques ou anecdotiques quant à des gens participant à des expéditions dans les pourvoiries où dans les diverses professions que vous représentez, qui ont perdu la vie à la suite de l'utilisation d'armes. Ces armes sont-elles bien entreposées? Pourriez-vous dire au comité quelles mesures de sécurité vous prenez dans votre profession pour entreposer les armes et assurer la sécurité de vos expéditions?
Je pose la question à n'importe lequel d'entre vous.
M. Bolster: Pour ce qui est de la sécurité, nous respectons les règlements actuels que nous devons respecter en tant que spécialistes. Nous amenons nos clients et leurs armes dans des régions éloignées pour chasser. En dehors des mesures de sécurité propres aux chasseurs, nous n'avons pas de mesures particulières.
Pour ce qui est de l'entreposage, pendant que ces personnes sont avec nous, elles gardent leurs armes avec elles presque 24 heures sur 24. Donc nous ne sommes pas au courant de vols d'armes. Nous ne sommes pas au courant de crimes qui auraient pu être commis avec des fusils.
Pendant que j'en ai l'occasion, j'aimerais que les libéraux, s'ils adoptent ce projet de loi, se rappellent qu'il y a aux États-Unis des fusils personnalisés qui coûtent des fortunes. La plupart des clients les prennent tels quels et ces armes ne portent pas de numéro de série. Ces fusils valent des milliers de dollars et sont spécialement fabriqués pour la chasse. J'espère que l'on en tiendra compte.
M. Romanuik: En Saskatchewan, la plupart d'entre nous prenons des précautions spéciales par mesure de sécurité. Ma sécurité est en danger lorsque j'ai avec moi quelqu'un dont je ne connais pas bien l'arme à feu. Nous prenons des précautions particulières, notamment en demandant aux gens de charger leur arme uniquement au moment où cela s'impose. Leurs armes sont entreposées et ne peuvent donc pas être volées. Nous n'avons pas à nous en inquiéter car, comme l'autre personne a dit, ce sont essentiellement des fusils personnalisés qui sont particulièrement bien gardés. Ces chasseurs tiennent à apporter leurs fusils car ce sont des biens précieux.
Je n'ai jamais entendu parler d'un seul vol ou d'une seule perte d'arme à feu en Saskatchewan. Il n'y a jamais eu de preuve de crimes ou d'accidents. Il y a eu un accident en Alberta il y a quelques années. Un étranger a été tué par un coup de fusil, mais c'était un accident de chasse. La plupart des chasseurs qui sont blessés ou tués le sont dans un accident de voiture plutôt que dans un accident de chasse impliquant une arme à feu.
M. Silye (Calgary-Centre): Et ces armes étaient également enregistrées.
M. Romanuik: En effet.
Des voix: Oh, oh!
M. Grayston: Je ne pense pas que nous puissions ajouter grand-chose sur la question de la sécurité, car la situation est pratiquement la même en Ontario. Mais j'ajouterai que je n'ai pas non plus entendu parler de vols d'armes à feu de la part de nos 1 600 membres. Je n'ai jamais entendu parler de crimes associés à des armes à feu. Cela ne se produit pas, pour les raisons que j'ai mentionnées. Ces armes sont très spéciales. Les chasseurs qui viennent ici durant une semaine pour pratiquer une certaine forme de chasse, font très attention à leurs armes.
Mme McLaughlin: J'ai une question supplémentaire sur les points d'entrée à la frontière. Dans les régions éloignées - M. Bolster, en tant que pilote, vous serez certainement au courant - j'ai reçu un grand nombre de demandes, certaines de la Colombie-Britannique en raison du partage de la frontière, et certaines du Yukon, pas seulement de la part de propriétaires de pourvoiries mais également d'autres gens qui s'occupent de tourisme ou de loisirs pendant l'été, sur les difficultés que représentent les dispositions à prendre à ces postes frontaliers. Ils ne sont pas toujours dotés de facilités et il faut faire venir du personnel.
Je me demande si vous pourriez faire une observation à ce sujet, monsieur Bolster. Peut-être n'est-ce pas un problème dans votre type d'activité. C'est en tout cas un problème dans d'autres régions éloignées. Il y a des postes frontaliers où il faut demander du personnel de l'extérieur. Ce n'est pas comme passer par Toronto ou Vancouver.
M. Bolster: À Dawson City, il faut appeler du personnel pour s'occuper du dédouanement. À Whitehorse, on fait venir des gens pour le dédouanement et pour le transport des avions. La plupart de nos clients viennent par avion.
Oui, cela cause un problème. Il nous est arrivé d'avoir à attendre deux heures sur la piste que nos chasseurs remplissent les formalités douanières. À Dawson City, hors saison, les chasseurs d'ours du printemps arrivent à l'aéroport. Ils appellent Beaver Creek, qui se trouve à 400 milles et disent: «Je viens chasser avec Lee Bolster. Je suis à Dawson City et je vais revenir dans deux semaines». La réponse est la suivante: «Merci beaucoup», et c'est tout. Ce sont les formalités de Douanes Canada. C'est tout à fait légal.
Mme McLaughlin: C'est la même chose je crois en Colombie-Britannique.
M. Bolster: En effet.
Mme McLaughlin: Donc, les gens sont au courant.
[Français]
Mme Venne: Au représentant de la Saskatchewan Outfitters Association, M. Romanuik, je voudrais dire que la Fédération de la faune de la Saskatchewan encourage, à l'heure où l'on se parle, les Américains à boycotter le Canada pour les activités de chasse. Est-ce qu'ils vous ont consultés? Est-ce que cette fédération vous a consultés avant d'inciter les Américains à ne pas venir?
[Traduction]
M. Romanuik: Non, ils ne nous ont pas consultés. La Fédération de la faune de la Saskatchewan a estimé - tout comme nous - et nous en avons parlé avec eux auparavant - que cela aura des effets importants sur les pourvoiries.
Ils ont constaté la taille de notre secteur et ont donc envoyé des lettres aux États-Unis pour expliquer ce qu'était le projet de loi et pour informer les gens. Ils voulaient savoir s'ils pouvaient mesurer les répercussions. Ils ont demandé aux associations de chasse d'indiquer et de mesurer la réaction de leurs membres et de le leur faire savoir ainsi qu'au gouvernement et à nous-mêmes. Ils ne s'attendaient pas vraiment à ce qu'ils utilisent cette méthode pour indiquer les conséquences.
Ils ne leur ont pas directement demandé de boycotter le Canada. Ils leur ont simplement demandé de leur donner une indication des répercussions. Et c'est ce que nous avons maintenant.
[Français]
Mme Venne: Réagir! Il faut s'entendre. C'est bien évident qu'il n'y avait pas plusieurs moyens.
Ne trouvez-vous pas cela un peu illogique de dire aux gens de boycotter le Canada et de réagir? Ensuite, vous venez me dire que ce boycott va avoir des retombées économiques désastreuses, très coûteuses. Je trouve cela quand même un peu illogique. Il faudrait peut-être que vous en discutiez avec les gens de la Fédération.
[Traduction]
M. Romanuik: Les retombées économiques du boycott se font déjà sentir. Le projet de loi lui-même entraînerait des conséquences économiques l'an prochain et l'année d'après et l'année suivante. Ce boycott se fait déjà sentir dès maintenant. Nous pouvons d'ores et déjà en voir les conséquences et cela montre au gouvernement du Canada et à vous-mêmes ce que cela peut donner.
La Fédération de la faune a estimé qu'il était préférable de voir les dommages causés dès maintenant plutôt que d'attendre des dommages qu'on ne pourra plus réparer. Nous espérons qu'il reste encore du temps pour que tout cela soit abandonné et que l'on aborde la question de la criminalité. Le contrôle des armes à feu doit retourner sur les étagères. C'est sa place.
[Français]
Mme Venne: J'aimerais savoir de la part de l'un des représentants des pourvoiries, s'il existe au Canada des animaux qui ne se chassent pas aux États-Unis? Est-ce qu'il y a des caribous aux États-Unis?
[Traduction]
M. Bolster: L'Alaska possède tous les animaux possibles sauf le mouflon de Stone et en dessous du 48e parallèle, il y a toutes les autres espèces qui sont chassées au Canada.
Il en est de même en Union soviétique et les frontières sont toutes nouvelles. Ce sera notre principal concurrent pour les clients américains.
[Français]
Mme Venne: La théorie veut que lorsque je vais à la chasse ou à la pêche, je connaisse déjà les endroits où je peux pêcher ou chasser certaines sortes de poisson ou de gibier. Je ne peux pas aller ailleurs que là. Vous me dites maintenant qu'il y a trois endroits où je peux chasser: le Canada, les États-Unis et la Russie. Je ne vais pas chasser toujours au même endroit.
Ne pensez-vous pas que cette peur ou ce boycott n'est pas simplement un moyen de pression, sachant très bien que leurs chasseurs vont venir malgré tout? Comme on l'a dit plus tôt, leurs chasseurs ne se laisseront pas impressionner par le montant qu'ils vont devoir payer pour un permis. On nous dit que le prix du permis serait d'environ de 50$ à 60$. Ne pensez-vous pas que leurs chasseurs vont vous dire: On doit maintenant malheureusement subir cette loi, mais cela ne nous empêchera pas d'y aller? C'est ce que je vais faire moi-même.
[Traduction]
M. Romanuik: Un des points les plus importants pour les chasseurs, c'est le fait de pouvoir aller quelque part avec le moins de difficultés possible, en passant le moins de temps possible sur la route ou en avion, car ce sont des gens d'affaires. Ils partent le dimanche, ils arrivent ici, ils chassent pendant quelques jours et ils repartent travailler. Ils recherchent l'aspect pratique autant que les bonnes occasions de chasse, ils peuvent tout aussi bien aller en Alaska, en Russie ou en Afrique ou dans plusieurs autres endroits du monde.
Cela pourrait occasionner une attente de deux-trois heures aux douanes dans le cas où se trouvent à bord de l'avion 10 ou 15 personnes qui ont eu à remplir des formulaires, ce qui exigeait, au préalable, une interrogation du système PAL. Il ne suffit pas simplement de signer les formulaires; il faut effectuer au préalable une recherche. Je dois faire l'objet d'une recherche et l'on doit également vérifier mes antécédents. Les autorités entendront donc également vérifier les antécédents de toutes ces autres personnes. Pourquoi, en effet, faire remplir les formulaires si vous ne vous assurez pas que l'intéressé n'est pas un détenu évadé.
Les gens ne veulent donc pas se rendre ici et avoir à remplir des tas de formalités et faire l'objet de tracasseries. Il existe des pays où l'on peut chasser les mêmes espèces en évitant tout cela. Si les chasseurs choisissent notre pays c'est parce qu'ils veulent venir au Canada, mais ils peuvent très bien y renoncer.
M. Bolster: Je voudrais maintenant répondre à votre question touchant les autres pays, les coûts et la question de savoir si les Américains continueront à venir ici. Je suis persuadé que bon nombre d'Américains continueront à venir chasser ici. Mais l'argument que je développe dans le mémoire que je vous ai présenté c'est que pour nous ruiner il n'est pas nécessaire d'éliminer intégralement notre clientèle de chasseurs. Vous pouvez obtenir le même résultat en supprimant seulement 20 à 30 p. 100 de notre clientèle.
À l'heure actuelle, il coûte moins cher d'aller chasser en Union Soviétique qu'au Canada. Depuis 70 ans nous mettons en place l'infrastructure nécessaire, nous développons la qualité du service et notre clientèle. C'est en cela que réside notre avantage. Plus vous nous gênez dans notre action, plus vous imposez de restrictions, plus rare se fera le client qui sera de plus en plus tenté d'aller chasser ailleurs. Cela offre à nos concurrents l'occasion d'aligner tous leurs atouts et d'attirer une part croissante de notre clientèle.
[Français]
Mme Venne: La solution, finalement, serait simplement de faciliter l'accès aux douanes. C'est tout ce que je voulais dire.
[Traduction]
Le président: Nous accueillerons ici le 15 mai les fédérations de la faune dont, probablement, la Fédération de la Saskatchewan. La Coalition nationale des fédérations de la faune a été conviée et ses représentants pourront donc répondre sur ce point.
Nous allons maintenant passer la parole à M. Bodnar qui disposrea de cinq minutes.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): J'aimerais revenir à la question des douanes et aux formalités auxquelles sont soumis les chasseurs américains qui viennent au Canada. N'avez-vous pas dit, monsieur Romanuik, que ces chasseurs sont parfois tenus de signer une déclaration dans le cadre de laquelle ils font état de l'arme qu'ils apportent avec eux, indiquant son numéro de série. Il s'agit de s'assurer que l'arme qui entre au Canada est également celle qui sera rapportée par le chasseur. Est-ce exact?
J'imagine donc que si un tel système était instauré, ou maintenu, sans en augmenter la rigueur, vous seriez satisfait.
M. Romanuik: Le système actuel est le même que celui auquel vous êtes soumis lorsque vous partez au ski. Il s'agit de remplir une petite carte qui permet de vérifier que nous repartons bien avec les mêmes skis ou le même appareil photo. Ça c'est le système actuel.
Ce projet de loi prévoit des formalités d'enregistrement. L'enregistrement...
M. Bodnar: J'en suis conscient, mais, monsieur Romanuik, nous pouvons modifier ce projet de loi.
M. Romanuik: Parfait.
M. Bodnar: Ce que je voudrais savoir c'est comment nous pourrions nous assurer que l'arme qui entre aujourd'hui au Canada serait également celle qui la semaine prochaine sera rapportée aux États-Unis sans créer trop de difficultés pour le chasseur qui vient au Canada et sans divulguer à autrui le numéro de série de l'arme en question? Comment y parvenir? Est-ce possible au moyen du système actuellement en vigueur, peut-on y apporter quelques changements? Que faire?
M. Romanuik: Le système actuellement en place me paraît tout à fait suffisant, mais aux termes de ce projet de loi et compte tenu de tout ce qui se dit et de la stratégie envisagée en matière de contrôle des armes à feu, on parle surtout de lutter contre la contrebande et de contrôler les importations et les exportations. Cela fait partie intégrante du projet de loi. Nous serions très heureux si l'on maintenait en place le système actuel. Renonçons au projet de loi C-68, et faisons porter tous nos efforts sur la lutte contre la criminalité.
M. Bodnar: C'est bien ce que nous essayons de faire, mais il peut arriver que nous nous fassions une idée différente de la lutte contre la criminalité. Cela dit, certaines parties du texte qui ne sont pas appelées à donner les résultats voulus pourront être modifiées. Si certaines dispositions doivent avoir pour résultat de vous faire faire faillite, eh bien il faudra que nous examinions le problème très attentivement. On devrait peut-être examiner la question, si les dispositions envisagées risquent d'avoir pour effet de décourager de se rendre au Canada, des personnes parfaitement inoffensives, surtout si cela doit entraîner des effets néfastes sur le plan économique. C'est bien ce que nous sommes censés faire.
Vous estimez donc que la solution consisterait à laisser le système en l'état pour ce qui est des contrôles frontaliers imposés aux chasseurs. Vous ai-je bien compris?
Monsieur Romanuik, vous expliquez dans votre mémoire que des dispositions plus restrictives touchant le contrôle des armes à feu risquent de porter gravement atteinte à vos activités commerciales. Votre mémoire évoque l'argent dépensé ici par les chasseurs et les emplois que ça a créés et les avantages économiques que cela nous procure. Puis, vous dites que les honnêtes propriétaires d'une arme à feu ne devraient pas être obligés de se soumettre à des réglementations de plus en plus tatillonnes.
Qu'entendez-vous par cette idée de voir au Canada, des citoyens honnêtes devant se soumettre à des réglementations de plus en plus tatillonnes?
M. Romanuik: Ce projet de loi dans son ensemble est une réglementation tatillonne qui contient des dispositions très sévères en matière de fouilles et de confiscations et qui autorise, sans mandat, les inspections à domicile afin de vérifier que les armes sont rangées en toute sécurité. Ce texte parle de certificat de possession et de certificat d'enregistrement. Ainsi, lorsque je pars à la chasse, je ne pourrais pas emprunter la carabine de quelqu'un d'autre car le certificat d'entregistrement ne correspondra peut-être pas au certificat de possession qui m'a été délivré.
M. Bodnar: Monsieur Romanuik, les dispositions touchant les fouilles n'autorisent pas de perquisitionner sans mandat chez quelqu'un. Vous devez bien le savoir. Le projet de loi soumet les perquisitions à domicile à l'obtention d'un mandat.
En deuxième lieu, si vous vouliez emprunter mon fusil de chasse - et, si cela peut intéresser les membres du Comité, je précise que j'en ai un - je peux dorénavant vous le prêter dans la mesure où vous avez votre permis ou une AAAF. Je peux vous le passer, et vous pouvez l'utiliser. Rien de cela ne changera aux termes de la nouvelle disposition.
M. Romanuik: Sous votre surveillance directe, vous pouvez me donner le permis. Selon la manière dont j'interprète la nouvelle disposition, il faut que vous veniez chasser avec moi, que vous me surveilliez.
M. Bodnar: Non, pas du tout. Rien ne changera sur ce point, si ce n'est que l'arme sera maintenant enregistrée. C'est la seule différence.
M. Romanuik: En ce qui concerne les réglementations tatillonnes, je songe au nouveau certificat de possession. Nous sommes actuellement sous le régime de la AAAF. Ce régime existe depuis 1978. Il exige que nous prenions un cours de maniement des armes à feu. En 1992, cette exigence a été complétée par l'obligation de prendre un autre cours sur les armes à feu, cours qui demeure inférieur au cours actuellement offert en Saskatchewan. Nous avons dû réduire nos propres exigences pour que notre cours réponde aux critères du cours prévu par la législation fédérale.
Ce projet de loi évoque une réglementation accrue et l'allongement des délais...
M. Bodnar: C'est justement de cela que je voulais parler, car l'obligation de suivre un cours de maniement des armes à feu va être là. Il n'y aura aucun changement sur ce point. Mais ce que je voudrais savoir c'est où vous voyez un surcroît de réglementation. Je tiens à entrer dans les détails sur ce point, car je ne vois pas le problème et je comprends mal où il se situerait d'après vous.
M. Romanuik: L'enregistrement. Voilà le noeud du problème. Je lis ici que je devrais faire enregistrer mes armes à feu par courrier. Pouvez-vous me dire comment l'on peut enregistrer des armes à feu par courrier? D'après l'actuel système d'enregistrement, chaque arme à feu doit être enregistrée par un agent de police qui doit consigner les numéros. Une bonne proportion, disons de 40 à 50 p. 100, des numéros de série sont incorrectement consignés. Si vous voulez que je fasse cela par courrier, je vais devoir prendre rendez-vous avec des agents de police afin de...
M. Bodnar: Ce qui vous inquiète c'est que les dispositions envisagées ne seront pas faciles à mettre en oeuvre. Si vous possédez une arme pendant de nombreuses années, vous n'aurez à la faire enregistrer qu'une seule fois pendant tout ce temps-là. Il s'agirait d'expédier par courrier un certificat d'une page. S'il s'agit d'en assurer l'enregistrement une seule fois dans votre vie, et si vous remplissez un document une seule fois dans votre vie, quelles que solient les mesures adoptées par le gouvernement - et c'est à M. Rock qu'il appartiendra de voir s'il peut instaurer et mettre en oeuvre le système qui convient - je ne vois pas vraiment l'effet que tout cela pourrait avoir sur vous. Vous pouvez remplir le formulaire voulu en regardant un match de hockey ou de base-ball à la télé, par exemple. Vous n'avez qu'à l'envoyer par courrier et vous n'aurez plus jamais à le faire. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Romanuik: Vous me direz si j'ai tort. D'après ce document, je vais devoir faire enregistrer l'arme à feu. Mais les modalités de cet enregistrement seront fixées par règlement. Rien de dit qu'il s'agira d'une formalité unique...
M. Bodnar: Ce sera pourtant ainsi.
M. Romanuik: Entendu. Lorsqu'en 1978, le gouvernement libéral a instauré l'AAAF, on a dit qu'il s'agissait d'une formalité qu'on aurait à accomplir une seule fois. Puis, on a décidé que cette autorisation serait valable 10 ans. Aujourd'hui, elle est valable cinq ans. Tout cela a été bonifié par voie de règlement.
Je ne fais pas suffisamment confiance aux nouvelles dispositions pour croire que l'enregistrement sera valable cinq ans. Peut-être ne sera-t-il valable qu'un an. Je ne vois rien dans tout cela qui peut appaiser mes craintes et qui me persuade que pour la somme de 10$ j'obtiendrai un enregistrement qui restera valable toute ma vie durant. Le montant du droit à acquitter sera fixé ultérieurement. Tout cela dépendra du projet de loi.
M. Bodnar: Je pourrais craindre aussi que l'impôt sur le revenu finisse par engloutir 90 p. 100 de mes gains. Je ne peux effectivement pas l'exclure, mais il n'en est pas ainsi pour l'instant.
Le président: Vous pouvez répondre à la question, mais il a épuisé son temps de parole.
M. Romanuik: En ce qui concerne l'enregistrement, nous éprouvons effectivement un certain nombre d'inquiétudes, mais nous savons d'ores et déjà que cela va nous coûter de l'argent. Il ne fait aucun doute que cela coûtera de l'argent. Nous ne savons pas combien cela va nous coûter, et rien ne nous dit qu'on en aura pour notre argent. Ce n'est pas comme cela que j'achète, ni pour mon entreprise, ni dans ma vie privée. Je cherche à en avoir pour mon argent. Le vérificateur général a dit qu'avant d'instaurer de nouveaux systèmes de contrôle ou d'enregistrement des armes à feu, il y aurait lieu de faire des études approfondies afin de voir si les mesures envisagées sont rentables, si elles donneront les résultats voulus, et s'il est possible d'assurer l'enregistrement de 20 millions d'armes à feu.
Nous ne disposons d'aucune étude nous permettant de le dire. Rien ne démontre que l'objectif peut être atteint; que tout cela est possible. Nous n'avons pas assez de policiers dans tout le pays pour assurer l'enregistrement de 20 millions d'armes à feu.
M. Grayston: J'aimerais simplement ajouter que dans l'industrie du tourisme il y a beaucoup de permis à obtenir. Ça, je peux vous le dire. Je ne sais pas ce qu'il en est du gouvernement fédéral, mais le gouvernement de l'Ontario a vraiment essayé d'instaurer un régime de recouvrement des coûts car il estime que les permis délivrés ne devraient pas l'être aux frais du contribuable. Étant donné les frais généraux et la grille des revenus des fonctionnaires fédéraux, je ne pense pas que la fonction publique puisse assurer le traitement d'une demande de permis pour seulement 10$ sans que le contribuable y soit de sa poche.
Songez, par exemple, à l'autorisation d'installer un panneau d'affichage aux bords d'une autoroute en Ontario. Le ministère des Transports prétend que, compte tenu du nombre de personnes qui doivent s'en occuper, il est impossible de traiter un tel dossier pour 80$. Si vous prétendez qu'un dossier d'enregistrement d'une arme à feu, valable toute une vie, peut être traité pour 10 $, il est clair que le contribuable devra y mettre du sien, car aucun fonctionnaire ne gagne si peu que cela.
Le président: M. Silye.
M. Silye: D'abord, je tiens à féliciter les témoins pour l'exposé très intéressant qu'ils nous ont présenté. Il est clair que vous avez une connaissance approfondie du projet de loi et votre participation contribue donc vraiment aux travaux du Comité. J'estime que le gouvernement libéral devrait prêter l'oreille à certaines des préoccupations que vous avez évoquées au sujet des gens qui viennent chasser au Canada, au sujet du type d'armes d'épaule qu'ils utilisent et des problèmes liés au fait que ce projet de loi ne prévoit pas l'enregistrement de ces armes, ce qui obligera ces chasseurs en puissance à rentrer chez eux. Il serait bon, d'après moi, que vous ayez parfois l'occasion d'interroger les gens qui prônent l'adoption de ce projet de loi, au lieu d'être interrogés par eux. Vous obtiendriez peut-être alors de meilleures réponses. Il est clair qu'ils vont persister dans cette voie, quelle que soit la teneur de votre témoignage.
Je représente une circonscription urbaine, Calgary-Centre...
Le président: En tant que président de ce Comité, il m'appartient de vous assurer, à vous et à l'ensemble des citoyens canadiens, que nous prenons ces exposés tout à fait au sérieux. Dans la mesure où ils développent de bons arguments - le ministre nous a demandé d'envisager des amendements. Ce n'est pas rendre justice au Comité que de dire que nous n'envisagerons aucun amendement.
Je peux dire, en ce qui me concerne, que nous écoutons avec beaucoup de sérieux les arguments développés devant le Comité. Si ces arguments sont convaincants - et cela dépend du comité, de la majorité - des modifications peuvent être apportées au projet de loi. Il peut ne pas en être ainsi; tout cela dépend de l'argument avancé. J'insiste sur le fait que nous sommes tout à fait ouverts aux modifications qui peuvent être proposées. Le ministre nous a demandé d'envisager la possibilité de modifier le texte dans trois domaines.
Monsieur Silye, vous n'êtes pas membre ordinaire du Comité, mais je tiens à ce que vous sachiez cela clairement. Il ne s'agit pas du tout de rejeter automatiquement toute modification proposée.
M. Silye: Eh bien alors, espérons que, compte tenu du témoignage que vous ont présenté aujourd'hui ces messieurs...ils craignent les mesures de confiscation sans indemnité; ils craignent d'avoir à renoncer à une arme de poing dans la mesure où celle-ci ne serait enregistrée que pour une utilisation précise. Ainsi, dans la mesure où l'arme n'était pas utilisée, elle serait saisie sans que l'on sache s'il y aura indemnisation. À cet égard, vous avez exprimé vos préoccupations et indiqué la solution qui vous semble la meilleure.
Vous estimez que le régime actuel contient déjà des règles permettant de contrôler d'une manière satisfaisante les armes à feu et les armes d'épaule et que cela ne ferait qu'ajouter une tracasserie supplémentaire. La raison invoquée par le ministre de la Justice à l'appui de ce projet de loi, la cause pour laquelle il combat, est que ce projet de loi permettra de réduire la criminalité. L'enregistrement des armes à feu fera obstacle au crime. Le durcissement des peines fera obstacle au crime.
Nous n'avons pas beaucoup parlé de la détermination des peines, mais le projet de loi C-68 est censé réduire le nombre de personnes tuées par balle. Le gouvernement a cité le chiffre de 1 100 suicides par an, 200 homicides par balles et 100 morts accidentelles par an provoquées les armes à feu.
Messieurs, pensez-vous, que sous sa forme actuelle, ce projet de loi permettra d'éviter ou de réduire, par l'enregistrement des armes à feu, le nombre de suicides, le nombre d'homicides, le nombre de morts accidentelles et l'incidence de violence familiale?
M. Bolster: Je ne le crois pas. S'il s'agit d'une dispute familiale passionnée, je ne pense pas que le fait qu'une arme soit enregistrée ou non interviendra lorsque quelqu'un décide de l'utiliser pour se suicider ou pour abattre son conjoint. Les dispositions envisagées auront justement l'effet contraire. Elles transformeront des citoyens respectueux des lois en hors-la loi.
Dans certaines régions éloignées du Canada, il y a même des gens qui aimeraient beaucoup pouvoir faire enregistrer leurs armes à feu. Il y a des gens analphabètes vivant dans des coins isolés d'où ils ne sortent qu'une fois par an. Je compte de telles personnes parmi mes collaborateurs. Une fois par an, ils se rendent dans une communauté qui ne dispose même pas des services essentiels. Tous ces gens-là possèdent des armes et ces armes font partie intégrante de leurs vies. Or, aux termes des dispositions envisagées, ces gens deviendraient des criminels étant donné que ces armes ne seront jamais enregistrées. Leurs propriétaires ne peuvent même pas lire les journaux.
M. Silye: Monsieur Romanuik, avez-vous quelque chose à ajouter à cela?
M. Romanuik: Je ne pense pas que tout cela aura l'effet escompté, si tant est que les dispositions envisagées aient la moindre utilité. Nous possédons, grâce au Centre canadien de la statistique juridique, des données qui démontrent que 70 p. 100 des hommes et 50 p. 100 des femmes accusés, en 1991, d'homicide, faisaient un consommation abusive d'alcool et de drogues. En ce qui concerne les suicides, on a constaté qu'entre 50 et 60 p. 100 étaient sous l'influence d'un état alcoolique lorsqu'ils se sont suicidés. L'on constate également qu'on a recours aux armes à feu dans moins de 30 p. 100 des cas de violence et de suicide dans les familles.
La solution proposée ne vise que donc 30 p. 100 des cas de violence ou de suicide dans les familles alors que les gens qui constituent ce 30 p. 100 se trouvaient à l'époque de l'incident sous l'influence d'un état alcoolique. On ferait beaucoup mieux d'étudier les moyens d'enregistrer les achats d'alcool et de décider si un homme qui bat sa femme ne devrait pas se voir interdire les boissons alcoolisées ou si un homme qui, à plusieurs reprises, s'est rendu coupable de violence au sein de sa famille devrait être autorisé à acheter des boissons alcooliséees. Une très forte proportion des personnes en question sont sous l'influence d'un état alcoolique et, pourtant, une très faible proportion d'entre elles finissent par recourir à une arme à feu.
Avant d'affirmer qu'on empêchera les crimes en retirant les armes à feu, il faudrait être en mesure de connaître la force de la pulsion criminelle chez telle ou telle personne. Si l'intéressé est en colère, peut-être qu'il envisagera que le recours à une arme à feu, mais s'il est vraiment furieux, il trouvera bien un moyen de frapper, ne serait-ce qu'à mains nues. Dans ces conditions-là, comment affirmer qu'en supprimant les armes à feu, on supprimera les crimes? Lorsque, dans cette hypothèse, la personne est vraiment portée au crime, elle le commettra quel que soit l'état de la législation.
M. Silye: D'après ce que vous avez entendu aujourd'hui, ou d'après votre lecture du projet de loi, le gouvernement est-il parvenu à démontrer qu'un nouveau régime d'enregistrement, ou des mesures complémentaires entraîneraient une baisse de la criminalité?
M. Bolster: Non.
M. Romanuik: Non. D'ailleurs, si vous examinez les statistiques du ministère de la Justice, vous constaterez que l'enregistrement des armes à feu qui date de 1934, et le régime renforcé d'enregistrement instauré en 1977 n'a eu aucun effet dissuasif. Au contraire, le nombre de crimes n'a fait qu'augmenter.
Le président: Nous pourrons peut-être y revenir un peu plus tard, mais nous allons maintenant passer la parole à M. Wood qui disposera de cinq minutes.
M. Wood (Nipissing): Merci, monsieur le président. Ma première question s'adresse àM. Grayston.
Vous dites, dans votre mémoire, que la Kentucky Outdoor Organization, et peut-être aussi d'autres organisations américaines de ce genre, font parvenir à leurs adhérents des lettres demandant à ceux-ci de boycotter le Canada au cas où ce projet de loi sur les armes à feu est adopté. Je me demande si notre comité pourrait recevoir un exemplaire de cette lettre ou d'une des autres lettres qui vous seraient parvenues.
M. Grayston: Sans difficulté. Je pourrais vous envoyer les exemplaires de chacune de ces lettres.
M. Wood: Pourriez-vous les faire parvenir au président du Comité?
M. Grayston: Tout à fait. Toutes ces lettres se trouvent actuellement dans notre bureau.
M. Wood: Deuxièmement, et le sujet a peut-être déjà été évoqué rapidement cet après-midi, je m'intéresse aux raisons invoquées à l'appui d'un boycot éventuel. Est-ce parce que ces organisations voient dans la nouvelle réglementation un obstacle à leurs voyages au Canada, ou est-ce une question de principe, ces organisations étant hostiles à toute législation venant restreindre la possession d'armes à feu?
M. Grayston: Les lettres dont j'ai eu connaissance relèvent le côté restrictif des dispositions envisagées et sont surtout hostiles au régime d'enregistrement, c'est-à-dire au fait que certains renseignements resteront inscrits dans un ordinateur.
M. Wood: Je m'intéresse également à la question de l'entreposage sécuritaire et de l'inspection des armes à feu. Personne n'a encore vraiment évoqué ce problème. D'après vous, la majorité de vos adhérents respectent-ils la réglementaion actuelle en matière d'entreposage sécuritaire?
Le président: Monsieur Bolster, pourriez-vous répondre par un oui ou par un non, car aux fins du compte rendu...
M. Wood: Qu'il soit indiqué que M. Bolster a fait signe que oui.
Le président: Nous voulons être certains que le compte rendu de nos délibérations fait état de vos réponses.
M. Bolster: Je ne pense pas que ce soit vrai là où j'habite ainsi que dans les communautés parmi lesquelles je me déplace. Chez moi, et dans les autres maisons de Whitehorse, un centre plus important, en revanche, je dirais oui.
M. Wood: Et vous, monsieur Romanuik?
M. Romanuik: Je dirais que certains respectent la réglementation et d'autres non: mais ceux qui ne la respectent pas enfreignent la loi. Ils enfreignent déjà la loi, donc ce n'est pas la peine d'adopter une autre loi où de renforcer les sanctions dont sont passibles les contrevenants puisqu'il n'est déjà pas possible de faire respecter la loi dans son état actuel. Il existe déjà des lois touchant l'entreposage sécuritaire des armes à feu.
M. Wood: Y a-t-il des inspections?
M. Romanuik: Pas encore. À l'heure actuelle, personne n'a le droit de procéder à une inspection à moins que je sois collectionneur enregistré d'armes à feu.
M. Wood: J'aimerais savoir si, d'après vous, ce projet de loi, sous sa forme actuelle, portera les pourvoyeurs, peut-être, et les chasseurs à faire preuve d'un plus grand sens des responsabilités dans la manière dont ils rangent leurs armes à feu?
M. Bolster: Non, je ne le pense pas. En tant que pourvoyeur, c'est-à-dire en tant que personne qui, avec sa famille, passe la moitié de l'année dans la nature, je peux vous faire part d'un incident qui a sauvé la vie de mon fils. Il avait 11 ans à l'époque et, même à cet âge-là, il savait manier des armes à feu. Je laisse toujours accroché dans mon campement un fusil de chasse chargé, et cela pour une raison très précise. Dès sa naissance, mon fils parcourt les bois.
Il n'était pas à plus de 200 mètres du camp lorsque, lui et son chien noir, ont été pris en chasse par un gros ours brun. Il s'est mis à courir, a épaulé le fusil de chasse et, tirant à bout portant, il a tué l'ours. Il ne serait pas en vie ajourd'hui si j'avais suivi à la lettre les règles en vigueur.
Je suis persuadé que si vous cherchez un peu vous rencontrerez beaucoup de gens qui pourraient vous raconter des histoires de ce genre. C'est pourquoi je ne ferai pas, dans les conditions qui prévalent là où je passe la moitié de ma vie, tout ce qu'on voudrait que je fasse.
M. Wood: Monsieur Romanuik, vous avez évoqué la question de l'enregistrement, des frais qui en découleraient et des autres conséquences. Je sais qu'on a évoqué l'idée de faire enregistrer toutes les armes à feu. On a également parlé des changements qui pourraient être apportés au projet de loi. Je doute fort que les choses aillent dans ce sens, mais c'est une situation à laquelle certains de nous ont songé, surtout dans certaines des circonscriptions rurales. J'aimerais savoir - et je ne m'adresse à aucune d'entre vous en particulier - si vos adhérents accueilleraient favorablement une modification de ce projet de loi qui prévoirait que tous les propriétaires d'armes à feu doivent, à ce titre procéder à un enregistrement personnel, formalité qu'ils ne devraient accomplir qu'une seule fois dans leur vie. Cela voudrait dire qu'ils n'auraient pas à faire enregistrer chaque arme leur appartenant. Accepteriez-vous de faire enregistrer votre arme à ces conditions-là?
M. Romanuik: C'est actuellement ce que fait l'AAAF, qui ne suscite guère d'opposition. Le système est déjà en place. Le système est en place et nous sommes disposés à nous y conformer.
[Français]
M. St-Laurent (Manicouagan): Je voudrais simplement une précision. Mme Venne aurait voulu obtenir, entre autres, une précision du conseiller législatif, à savoir si le certificat d'acquisition d'arme à feu était émis pour la vie en 1978? Cela aurait, semble-t-il, été dit plus tôt. Est-ce que je pourrais avoir une précision d'un des conseillers législatifs?
Le président: Quant à moi, je me souviens que le certificat était valide cinq ans, mais je ne sais pas...
[Traduction]
M. William Bartlett (attaché de recherche): Au début, les certificats étaient émis pour cinq ans; il n'a jamais été accordé à vie.
Le président: J'ai moi-même présenté ce projet de loi, j'étais ministre à l'époque.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Vous venez de dire qu'il n'était pas si mal. À l'époque, il a suscité pratiquement plus de controverse que celui-ci.
[Français]
Mais je crois que c'était pour cinq ans.
[Traduction]
Madame Torsney.
Mme Torsney (Burlington): Je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Vos opinions sont certainement fort intéressantes. C'est une des questions qui m'inquiètent et je continuerai de m'y intéresser, mais je veux surtout faire quelques commentaires au sujet de votre mémoire et vous poser une ou deux questions.
Monsieur Romanuik, on m'a accolé bien des étiquettes, mais je n'ai jamais été qualifié de fasciste jusqu'à aujourd'hui et je me sens insulté.
Monsieur Grayston, je veux dire deux mots au sujet de votre mémoire. Vous citez l'étude que Gary Mauser, de l'Université Simon Fraser, à réaliser au sujet du coût de ce projet de loi. Permettez-moi de vous demander si vous avez lu les mémoires qui nous ont été présentés la semaine dernière par les divers groupes s'inquiétant de la santé publique au Canada?
M. Grayston: Non.
Mme Torsney: Je vous conseille d'en obtenir copie, car on y mentionne des coûts précis liés à la situation actuelle et aux accidents et aux décès dans nos collectivités.
Je vous demande aussi si vous savez que M. Mauser est un professeur de marketing dont certaines études sont financées par la National Rifle Association, qu'il s'oppose fortement à ce projet de loi, qu'il a explicitement prôné le non-respect des lois canadiennes, qu'il utilise largement les systèmes Internet pour traiter de la question des armes à feu au Canada, que ses travaux ont déjà fait l'objet de constatations parce qu'ils présentaient des lacunes fondamentales dans de nombreux domaines. Le savez-vous?
M. Grayston: Que je le sache ou non, vous même ne m'avez fourni aucun chiffre qui me satisfasse quant à ce que vous croyez qu'il en coûtera d'inscrire 21 millions de propriétaires. Ce que vous pensez de l'information fournie par M. Mauser, qu'elle soit exacte ou douteuse, m'est totalement indifférent, parce que vous ne m'avez fourni...
Vous savez, vous voulez siéger ici et nous poser toutes sortes de questions alors que nous ne pouvons vraiment nous lancer dans un débat sain à ce sujet, puisque nous n'avons pas le droit de vous poser des questions de ce type. Pour être honnête, comme je l'ai dit plutôt, je ne peux accepter le chiffre avancé par le gouvernement, soit 10$ pour la vie... Des permis, nous en voyons tous les jours. Il est ridicule d'essayer de me dire que le travail de M. Mauser n'est pas valable et que vous pouvez y arriver pour 10$ par personne pour la vie.
Mme Torsney: Monsieur, je vous demandais si vous étiez au courant des faits mentionnés. Avez-vous lu ce rapport qui a été publié par le ministère au sujet du coût réel de l'enregistrement des armes à feu? Ce coût s'élève à 85 millions sur cinq ans. Nous n'avons jamais tenté de camoufler ces chiffres.
Deuxièmement, vous parlez de toutes les formalités administratives auxquelles les chasseurs venant des États-Unis doivent se soumettre et de tous les désagréments que cela leur cause. Croyez-vous donc que nous devrions simplement abolir la frontière? Serait-il plus commode pour eux, qu'ils n'aient plus à se plier à aucune restriction? En seriez-vous plus heureux, en seraient-ils plus heureux?
M. Romanuik: Cela ressemble fort au raisonnement appliqué lorsque le gouvernement avait de la difficulté à réprimer la contrebande du tabac et à mettre fin aux activités des criminels qui faisaient entrer du tabac et d'autres marchandises: diable, il suffit d'abaisser les taxes, pour que plus personne ne commette d'infraction! C'est le même type de raisonnement.
Mme Torsney: Excusez-moi, ma question s'adressait à M. Grayston.
M. Grayston: Je crois que personne ne serait vraiment en faveur d'abolir les passages frontaliers, car il y a aux États-Unis certains éléments que nous ne voulons pas laisser entrer au Canada. Il s'agit plutôt du temps qu'il faut passer à la frontière, du degré de minutie de la fouille et du type de désagrément...
Vous me demandez de répondre à cette question, mais c'est aux chasseurs américains qu'il faut demander ce qu'ils sont prêts à accepter pour franchir la frontière. Vous avez peut-être raison. Peut-être que les formalités administratives les laisseront tout à fait indifférents, mais nous avons abordé la question de façon fort honnête...
Mme Torsney: Monsieur Grayston, vous avez émis l'opinion que cela va poser des problèmes aux chasseurs américains et que nous allions perdre de l'argent. Vous représentez, en quelque sorte, votre entreprise et les chasseurs américains, vos clients. C'est pourquoi je vous demande si vous et les chasseurs qui viennent des États-Unis aimeraient mieux voir disparaître toutes ces restrictions, dont certaines vous semblent justifiées et d'autres pas.
J'aimerais aussi que vous nous disiez, en répondant à cette question, si les mêmes groupes se sont présentés devant le comité qui étudiait le projet de loi C-17 pour exprimer leur opposition à cette législation et disent maintenant être disposés à s'y conformer.
M. Bolster: Attendu ce qui nous est présenté...
Mme Torsney: Non. Au sujet du projet de loi C-17. Vous êtes-vous opposé aussi au projet de loi C-17?
M. Bolster: Je n'ai appris l'existence de ce projet de loi qu'après son adoption.
Mme Torsney: Alors votre groupe n'a jamais comparu devant le comité?
M. Grayston: Je l'ignore. Je n'ai pas toujours tarvaillé à la NOTO. C'était avant mon époque.
Mme Torsney: À titre de député du gouvernement, je crois que le gouvernement canadien a certains droits et certains pouvoirs quant aux mesures à prendre pour protéger tous les Canadiens. Il est bon de connaître l'opinion des Américains, mais ce n'est certainement pas...
Le président: C'est votre dernière question.
Mme Torsney: Très bien. Je veux aussi simplement vous rappeler, monsieur Grayston, que vous mentionnez à l'avant-dernière page de votre mémoire que les touristes américains évitent les régions où il existe des controverses comme l'Irlande. De fait, monsieur, l'Irlande a été la destination privilégiée des touristes américains célibataires l'an dernier.
M. Grayston: Vous aurez remarqué que, lorsque j'ai donné lecture du mémoire, je n'ai mentionné aucune des trois régions données en exemple. J'ai préféré m'en abstenir. Est-ce que vous n'écoutiez pas ou que vous étiez absente?
Mme Torsney: J'étais ici, monsieur, et j'écoutais; la teneur de votre exposé figure dans les transcriptions et nous avons reçu copie de votre mémoire. Pourquoi avez-vous changé d'idée à ce sujet?
M. Grayston: Pour être honnête, parce que j'avais moi aussi des doutes; j'ai donc décidé à ce moment-là de ne pas mentionner ces trois pays.
Par contre, je connais très bien la situation aux États-Unis. C'est pourquoi j'ai été très clair en ce qui concerne le Minnesota. Nous devons faire face à ce problème actuellement. Nous faisons affaire avec l'État du Minnesota et nous savons combien d'annulations a entraîné la modification de la législation ontarienne. Il s'agissait plutôt d'une question de conservation, mais nous connaissons la réaction des Américains à cette mesure législative. Je voulais simplement faire remarquer que, dans cette situation précise, nous savons ce qui s'est produit.
Mme Torsney: Je crois qu'il serait peut-être bon que vous saisissiez l'occasion de faciliter la communication avec ceux que vous représentez.
M. Romanuik: Puis-je répondre à une question? Vous avez beaucoup parlé du projet de loi C-17. Au cours des délibérations entourant le projet de loi C-17, un grand nombre de députés ont manifesté eux aussi leur opposition. Comme vous l'avez peut-être remarqué, le projet de loi C-17 a été adopté à la majorité, mais plus d'un tiers des députés se sont abstenus de voter.
De même, en 1977, lorsque le projet de loi C-51 a été adopté, plus de la moitié des députés - c'était à l'époque un gouvernement libéral - n'ont pas participé au vote. Comme vous nous avez demandé si nous avons alors exprimé notre opposition. Oui, nous nous sommes opposés à ce projet de loi. Il a été adopté malgré ce que nous en pensions. Aujourd'hui, nous pouvons nous en accommoder. Nous ne l'aimons pas, mais nous pouvons nous en accommoder. Il le faut bien, nous n'avons pas le choix.
Si c'est la question que vous nous posez encore une fois, nous accommoderons-nous de cette loi si elle est adoptée? J'imagine que nous n'avons pas le choix. C'est aussi de cette manière qu'Adolf Hitler et Joseph Staline gouvernaient leur pays.
Mme Torsney: Pour en revenir à ce qualificatif de fasciste...
Le président: Je dois signaler que le projet de loi en 1976-1977 était un projet de loi omnibus. Il ne portait pas uniquement sur le contrôle des armes à feu. Il contenait des amendements aux lois sur la libération conditionnelle et sur les prisons. Il portait le nom de Programme de sécurité, ou quelque chose du genre. J'oublie le titre exact. Il touchait une large gamme de questions. Nous avons procédé de la sorte pour satisfaire les personnes opposées au contrôle des armes à feu mais favorables aux autres éléments du projet de loi.
Monsieur Thompson, vous avez cinq minutes.
M. Thompson (Wild Rose): J'aimerais d'entrée de jeu faire remarquer que les chiffres attribués à M. Mauser, soit 300 ou 500 millions de dollars, et ceux inscrits dans le carnet que brandissait Mme Torsney, soit 85 millions de dollars... que ces chiffres sont pure conjecture, et que personne ne peut faire mieux. Personne ne sait vraiment ce qu'il en coûtera parce que personne n'est certain du nombre d'armes à prévoir. Il y a aura des coûts. Cela nous le savons. Nous savons qu'ils seront élevés. Je me fie au vérificateur général, qui les estime à 500 millions de dollars. Nous pourrions discuter de coût pendant toute la journée et ne jamais en arriver à une conclusion satisfaisante. Je ne crois pas plus ce que propose ce carnet que je ne croirais les chiffres proposés par ma grande soeur.
J'aimerais connaître votre opinion sur un aspect précis. Cette législation établit des règles distinctes de celles que nous avons connues jusqu'à maintenant. Les règles relatives aux mandats de perquisition sont un peu différentes de celles que nous connaissons. Vous êtes coupable jusqu'à ce que votre innocence soit démontrée. On vous confisque votre bien sans dédommagement. Puis, il y a la législation. Cette loi serait adoptée et les décisions seraient prises par un petit groupe de personnes appelé gouverneur en conseil. Je veux vous demander, messieurs, sans ambage, si cela vous semble correspondre aux principes d'une saine démocratie, oui ou non.
M. Romanuik: Cette façon de faire conviendrait mieux à un despote qu'à un gouvernement démocratique. Ce serait le fait d'un despote.
M. Thompson: Quelqu'un veut ajouter quelque chose à ce propos?
Mme Phinney: Je veux rappeler le Règlement. J'ignore si un membre du comité peut se permettre de parler de confiscation alors que le projet de loi n'en fait aucunement mention.
M. Thompson: Comme le gouvernement confisque déjà certaines armes, nous savons que la chose pourrait se produire. Nous savons qu'elle pourrait se produire, mais elle est n'est aucunement prévue.
Le président: Nous en discuterons à l'étape de l'examen article par article. Ce n'est pas le moment d'entamer ce débat. Nous avons des témoins devant nous. Poursuivez, monsieur Thompson.
M. Thompson: En vertu de cette réglementation, rien ne peut empêcher la confiscation, sans aucune garantie de dédommagement.
M. Romanuik: Ce projet de loi n'accorde aucune protection à la propriété privée. Que mon arme ait un canon de quatre pouces ou un canon de six pouces ou qu'il s'agisse d'un mini-14 d'aspect intimidant, personne n'est fondé de me dire qu'on peut m'enlever cette arme simplement parce qu'elle fait peur. J'aime les armes à feu comme d'autres aiment les oeuvres d'art. Si nous confisquions les tableaux pour prévenir les vols d'oeuvres d'art, le vol d'oeuvres d'art disparaîtrait. À mon avis, c'est un peu le même raisonnement qui s'applique.
M. Thompson: Vous êtes des gens honnêtes et sensés, permettez-moi de vous poser une question au sujet de quelque chose qui s'est véritablement passé dans la région d'Ottawa au cours des 11 derniers mois, je crois. Six femmes vivant séparées de leur mari ont été assassinées par celui-ci. Cette information a été publiée dans le Sun de dimanche, si quelqu'un veut la vérifier. La dernière victime a été abattue d'une balle de calibre 12. Deux ont été étranglées, une a été battue à mort avec un bâton et deux ont été poignardées. À votre avis, six femmes vivant séparées de leur mari ayant été assassinées par celui-ci - une par balle, les cinq autres d'autres façons - diriez-vous que ce sont les armes ou les assassins qui posent un problème?
M. Romanuik: J'aimerais savoir combien de ces hommes étaient plus ou moins ivres au moment du meurtre. Nous avons certainement un problème de violence familiale et un problème d'alcool, mais pas un problème lié aux armes, parce que si quelqu'un a utilisé un fusil de chasse de calibre 12, il était certainement furieux et aurait pu commettre un meurtre avec n'importe quoi.
M. Thompson: J'en conviens, et je crois qu'en établissant des statistiques nous découvririons que bien des gens sont derrière les barreaux à cause de l'alcool. Je crois que c'est fort juste.
Il me reste une question. J'ai rendu visite à bien des gens et j'aimerais vraiment savoir ce que vous pensez, d'après vos conversations avec diverses personnes; parlez franchement. S'il devait y avoir en Ontario, en Saskatchewan et au Yukon un référendum portant uniquement sur ce projet de loi et si la population connaissait tous ces petits détails qui n'ont rien de négligeable, quel serait à votre avis le résultat de ce référendum?
M. Romanuik: Je suis certain qu'il serait rejeté en Saskatchewan.
Une voix: Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai.
M. Romanuik: Vous effectuez des sondages. Moi, j'ai des passages de discours du premier ministre Chrétien où il déclare que les libéraux veulent un gouvernement qui s'inspire non pas des sondages mais des principes. La population de la Saskatchewan reconnaît que la répression de l'activité criminelle ne commence pas au moment où quelqu'un achète une arme. C'est la prévention du crime qui compte. Dans ces sondages, vous pourriez demander si on préfère interdire l'alcool plutôt que les armes à feu dans bien des foyers et je suis certain qu'on vous dirait d'interdire d'abord l'alcool.
En Saskatchewan, j'en suis convaincu, ce projet de loi soulèverait une forte opposition.
M. Grayston: Dans les régions rurales et dans le nord de l'Ontario, la réponse serait sans doute négative. Je crois que dans les secteurs urbains de l'Ontario, la population se prononcerait en faveur de la législation.
Si vous alliez dans la région du grand Toronto... Je prends l'exemple de ma mère, qui habite Toronto. Avant de venir aujourd'hui, je lui ai demandé comment elle réagirait à l'adoption du projet de loi sur le contrôle des armes à feu. Elle m'a répondu que le plus tôt serait le mieux. Je lui ai parlé de l'arme que je possède et de mes expéditions de chasse, et son opinion est différente à cet égard.
Mais en effet, je crois qu'à Toronto, on voterait en faveur du contrôle des armes à feu. Je crois que dans la circonscription rurale de M. Wood, à Nipissing - c'est lui qui me représente au Parlement - il aurait du mal à obtenir une majorité en faveur du contrôle des armes.
M. Thompson: Croyez-vous que les Canadiens accepteraient une régionalisation de l'enregistrement, si par exemple, la ville de Toronto, sa population, le conseil municipal souhaitaient une telle mesure? Pourrait-on, selon vous, envisager de permettre à la ville d'enregistrer toutes les armes se trouvant sur son territoire?
M. Bolster: Si la population le souhaite vraiment, la chose serait sans doute possible. Mais dans le cas des régions rurales du Canada, je ne peux admettre que les mêmes lois, règles et changements soient imposés et produisent énormément de difficultés sur les plans personnel et économique. Je crois qu'il ne faut pas intervenir là.
M. Romanuik: Je crois aussi qu'avant de demander à Toronto et à d'autres grandes villes si ellles veulent d'une telle mesure, il faudrait s'assurer que les gens sont au courant des règles déjà en vigueur. Si vous posez une question simple - «Voulez-vous qu'il y ait un contrôle des armes à feu?» - vous obtiendrez peut-être une réponse simple. En réalité, 80 p. 100 de ces personnes ignorent probablement qu'il faut déjà enregistrer les armes à autorisation restreinte et obtenir des AAAF. Elles ne sont informées que des histoires d'horreur au sujet de ce qui se produit, comme au Québec, il y a quelques jours. Il faut leur expliquer les mesures que nous avons déjà.
Nous entendons parler de blessures et de tout ce que les gens racontent. La coalition contre les armes à feu parle d'économies pour les hôpitaux, d'économies dans les établissements financiers, elle suppose qu'en se débarrassant des armes, on se débarrasse des blessures par balles, mais rien ne se compare aux sommes englouties dans l'alcool, dans les drogues, dans les accidents automobiles et dans bien d'autres domaines.
En matière de criminalité, les statistiques de Justice Canada montrent que moins de 30 p. 100 des actes criminels, moins de 30 p. 100 des homicides se commettent avec des armes à feu. Nous ne réglerions en rien le problème en mettant cette législation en application à Toronto. L'adoption de la législation à Toronto ne réduirait en rien la criminalité.
Le président: M. Gallaway.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): J'aimerais que M. Grayston précise un point.
Vous mentionnez un montant de 131 millions de dollars au titre des salaires dans le nord de l'Ontario. Ces salaires se rapportent-ils au domaine de la chasse ou à celui de la chasse et de la pêche?
M. Grayston: À la chasse et à la pêche. Ce sont les salaires versés par les 1 600 entreprises que représente la NOTO.
M. Gallaway: Pouvez-vous me fournir des chiffres approximatifs permettant de comparer la chasse et la pêche?
M. Grayston: Sur les 1 600 entreprises, 56 p. 100 s'occupent de chasse.
M. Gallaway: C'est très bien, je vous remercie.
Comprenez-vous les raisons qui pousseraient un groupe d'Américains à cesser de venir pratiquer la pêche au Canada à cause de l'obligation d'enregistrer les armes à feu?
M. Grayston: Ils ne le feraient pas.
M. Gallaway: Non?
M. Grayston: Non. Il y a des Américains qui viennent dans nos centres seulement pour la pêche.
M. Gallaway: Je pourrais peut-être adresser cette question à quelqu'un d'autre, mais je crois comprendre que les tireurs de la Kentucky Outdoor Association conseillent à leurs membres de ne plus venir au Canada. Ils leur suggèrent de boycotter le Canada, de cesser de venir y pêcher, parce que nous avons un système d'enregistrement des armes à feu. Est-ce vraiment logique à votre avis?
M. Romanuik: Ils déclarent ne vouloir aucune tracasserie s'ils viennent, parce qu'ils n'ont commis aucun crime. Ils déclarent qu'ils ne sont ni des criminels ni des voleurs et qu'ils ne contribueront en rien à notre taux de criminalité. Ils veulent bien se faire comprendre, et ils y arrivent. Nous sommes ici aujourd'hui pour nous faire comprendre.
M. Gallaway: D'après ce que je sais, avant d'arriver au Canada, un Américain en possession d'un revolver doit remplir un formulaire pour déclarer cette arme à autorisation restreinte. Savez-vous si cette règle a influé sur le nombre d'Américains venant au Canada participer à des compétitions de tir?
M. Romanuik: Le projet de loi C-17 a imposé pour toutes les armes des chargeurs d'un maximum de 10 cartouches. Cette mesure a eu beaucoup d'effet sur les tireurs américains qui venaient au Canada participer à des compétitions avec leurs armes de poing, parce qu'ils n'avaient plus droit qu'à 10 cartouches, alors qu'auparavant ils pouvaient en mettre 15 dans leurs armes. Dans le cadre de certaines compétitions, on a besoin du plus grand nombre possible de cartouches. Ce sont des compétitions de rapidité et des compétitions de précision.
Les chasseurs n'en ont pas souffert, parce qu'ils ne sont pas autorisés à pénétrer au Canada avec une arme de poing lorsqu'ils vont chasser. On ne peut le faire que dans certains cas, pour le tir sur cible.
M. Gallaway: D'après ce que vous savez du projet de loi C-68, conviendriez-vous avec moi que les conditions imposées aux chasseurs américains - autrement dit, aux chasseurs qui entrent au Canada avec des armes d'épaule - ne sont pas plus sévères que celles auxquelles sont actuellement assujettis les Américains qui sont porteurs d'armes à autorisation restreinte?
M. Romanuik: Oui, mais je viens de vous dire que ceux qui possèdent des armes à autorisation restreinte ne viennent plus. Je ne peux vous donner de pourcentage, mais un grand nombre de personnes ont cessé de venir à cause des contraintes que leur a imposé le dernier projet de loi. On leur a dit qu'on ne voulait pas d'eux, parce qu'ils étaient des criminels en puissance. Chaque fois qu'on impose un règlement, des restrictions supplémentaires, à quelqu'un qui n'enfreint pas une loi, on lui dit qu'on ne lui fait pas confiance. Lorsque le projet de loi C-17 a été mis en application, ces personnes ont cessé de venir. Rien ne permet de croire qu'elles ne réagiront pas de la même façon lorsque le projet de loi C-68 sera promulgué.
M. Gallaway: Qui leur dit qu'ils sont des criminels? Cette question m'intéresse vraiment.
M. Romanuik: Il suffit de lire entre les lignes. Vous me dites que si je possède une arme à feu dont le canon mesure moins de quatre pouces, je suis protégé par la clause des droits acquis. Rien ne prouve que le nouveau règlement le permettra, mais en principe je suis protégé. Mon frère, par contre, qui n'a jamais enfreint aucune loi au cours de sa vie, ne possède pas d'arme de poing dont le canon mesure moins que quatre pouces, et il ne sera pas autorisé à en acheter une. Pourquoi? Parce que j'en avais une avant l'adoption du projet de loi C-68, en déduisez-vous que je suis moins susceptible que lui de commettre un crime en utilisant cette arme?
Expliquez-moi un peu mieux le message que vous voulez transmettre. Aucun de nous n'a commis de crime, alors pourquoi, sans raison apparente, faut-il restreindre le type d'armes à feu que nous pouvons acheter?
M. Gallaway: Jeudi dernier, nous avons entendu divers experts, notamment des représentants du Conseil canadien de la sécurité et un intéressant groupe de médecins de l'Association canadienne de santé publique. Ils voyaient toutes sortes d'avantages à l'enregistrement des armes à feu. Ces personnes étaient docteurs en médecine, en philosophie et dans d'autres disciplines.
Dans l'exercice des fonctions que j'assume ici, qui dois-je croire?
M. Romanuik: Je crois que nous devrions croire le vérificateur général, qui préconise de ne pas adopter de nouvelles mesures de contrôle ou d'enregistrement des armes à feu tant que des études n'auront pas été réalisées pour prouver leur intérêt, leur efficacité et leur faisabilité.
M. Gallaway: En principe, ces personnes ont fait cela dans leur domaine de compétence. Avez-vous consulté les services de santé publique de la Saskatchewan?
M. Romanuik: Non, je ne l'ai pas fait. J'ai lu les statistiques qu'avaient rassemblées certains organismes de tir à la cible qui les avaient obtenues eux-mêmes de Justice Canada.
M. Gallaway: À part les groupes qui s'opposent au contrôle des armes à feu ou le lobby des armes à feu, qui avez-vous consulté? J'aimerais savoir qui vous avez consulté à part les clubs de tir?
M. Romanuik: J'ai lu tout ce que j'ai pu trouver.
M. Gallaway: D'où venaient ces documents?
M. Romanuik: Eh bien, j'ai lu aussi d'autres documents, tout ce que j'ai pu obtenir.
M. Gallaway: De qui?
M. Romanuik: Ceux de la coalition qui s'oppose au contrôle des armes à feu, ceux de Wendy Cukier - j'ai lu ces articles - et oui, ses articles. Si vous ne permettez pas que l'on tienne un débat sur ce qu'elle affirme, on peut dire que c'est bien conforme à la réalité. Mais si on en débat... Je dis qu'il existe de bien meilleures façons de prévenir la criminalité que de se concentrer sur l'étape finale du crime ou sur l'outil que l'on peut utiliser.
M. Gallaway: Eh bien, le temps est écoulé.
[Français]
Le président: Monsieur St-Laurent, avez-vous d'autres questions?
M. St-Laurent: Vous avez parlé plus tôt, monsieur Romanuik, de l'historique des différents projets de loi ayant trait aux armes à feu. Vous semblez suivre cela de près. Compte tenu de cet historique, seriez-vous en mesure de nous dire ce que votre organisation a perdu ou gagné? J'imagine que ce sera plutôt perdu, de projet de loi en projet de loi, de façon très succincte. Je n'ai pas besoin des détails.
En 1977 et en 1980, qu'avez-vous perdu? Pourriez-vous élaborer un peu là-dessus?
[Traduction]
M. Romanuik: C'est une question assez vaste. Je n'ai pas étudié le projet de loi de 1977 d'aussi près que j'ai étudié celui-ci, et je ne suis donc pas certain à 100 p. 100 de ce qui s'y trouvait. Je ne sais pas si notre secteur d'activité a perdu quoi que ce soit parce que ce projet visait principalement les citoyens canadiens. Le projet de loi C-17 de 1991 visait lui aussi les citoyens canadiens; il ne visait pas les chasseurs non résidants.
Les chasseurs non résidants n'ont pas boycotté le Canada à l'époque pour la simple raison que le gouvernement avait uniquement renforcé les contrôles au Canada. Il y a tout de même certains amateurs de tir à la cible non résidants qui ont cessé de venir au Canada à cause des restrictions que l'on imposait à leurs armes.
Par contre, le projet de loi qui nous occupe ici vise ces personnes avec les permis d'importation ou d'exportation, les enregistrements et les permis de possession temporaires. Ce projet de loi ne définit pas clairement toutes ces restrictions parce qu'elles seront établies par décret après coup. Nous ne connaîtrons que plus tard les ramifications de ce projet de loi, une fois qu'il aura été adopté.
[Français]
M. St-Laurent: Plus tôt, M. Grayston a dit que les chasseurs représentaient 56 p. 100 du secteur touristique. Sommairement, c'est un peu ce que vous avez dit. Qu'est-ce qu'on pourrait donner comme pourcentage, en prenant le même barème pour la Saskatchewan? Je vois qu'il y a des représentants du Yukon ici. Est-ce qu'on pourrait avoir des informations là-dessus?
Le président: Cinquante-six pour cent, est-ce vrai?
[Traduction]
M. Grayston: Non, 56 p. 100 de nos 1 600 entreprises s'occupent de chasse.
Le président: M. St-Laurent pensait que vous aviez dit que 56 p. 100 des touristes en Ontario étaient des chasseurs.
M. Grayston: Non, 56 p. 100 de nos 1 600 entreprises.
Le président: De leurs activités?
M. Grayston: Oui.
Le président: En Saskatchewan?
M. Romanuik: En Saskatchewan, 12 millions de dollars environ des revenus annuels d'exportation proviennent de la pêche. Le reste, qui représente 39 millions de dollars, provient des entreprises de chasse. Cela doit représenter près de 75 p. 100 d'après moi. Il s'agit là des revenus d'exportation.
M. Bolster: Au Yukon, il y a quelques entreprises minières mais l'économie est principalement basée sur le tourisme - et bien entendu, sur le gouvernement - : 20 p. 100 des revenus du tourisme dans le territoire proviennent des chasseurs étrangers. Cela représente un excédent de 10 millions de dollars.
[Français]
M. St-Laurent: Ma question s'adresse à l'un ou à l'autre. Sentez-vous qu'il y a en Ontario, en Saskatchewan ou ailleurs, cette grande différence marquée entre les régions urbaines et les régions rurales? Est-ce que c'est vraiment marqué partout? Dans les régions urbaines, par exemple, on favorise, haut la main, l'adoption du projet de loi. Dans les régions rurales, on s'élève contre cela. Sentez-vous qu'il y a une espèce de rivalité entre les deux régions?
[Traduction]
M. Romanuik: Non, je ne pense pas que ce soit cela. C'est simplement que, dans les régions rurales, il y a davantage de gens qui ont des armes à feu et par conséquent ils comprennent et connaissent mieux les règlements en vigueur. Ils estiment que nous n'avons pas besoin d'avoir d'autres règlements.
Dans les centres urbains, il n'y a pas beaucoup de gens qui ont des armes à feu et qui connaissent quoi que ce soit au sujet des lois et règlements en vigueur actuellement. En fait, la plupart ne savent même pas qu'il existe déjà des règlements. Si vous leur demandez s'ils souhaitent qu'il y en ait, ils répondent que oui. Je crois que c'est surtout parce que les gens qui habitent dans les régions urbaines ne connaissent pas la question.
M. Grayston: Je crois que dans les petites localités du Nord - j'ai habité à Kapuskasing pendant cinq ans. Je ne sais pas si vous connaissez bien l'Ontario, mais Kapuskasing est environ à 100 milles en ligne droite au sud de la Baie James. Cette ville, qui est sur la route 11, a environ 9 000 habitants Quand on vit à Kapuskasing, il n'y a pratiquement rien d'autre à faire que chasser et pêcher. Presque tout le monde chasse et pêche, hommes ou femmes. Lorsqu'on examine ces collectivités isolées et éloignées, on constate, je crois, qu'elles s'opposent vivement au contrôle des armes à feu.
Pour quelqu'un qui habite à Toronto, c'est peut-être différent, mais je sais que la plupart de mes électeurs habitent dans les petites localités du Nord ou à proximité et ils ne sont pas en faveur de ce contrôle.
M. Lee: Je suis prêt à consacrer beaucoup de temps aux pourvoyeurs et j'aimerais parler de ce sujet précis plutôt que des dispositions générales du projet de loi, puisque la Chambre a déjà accepté le projet de loi en principe. Je cherche à mieux adapter les dispositions du projet de loi à votre type d'activité.
Je reconnais également que ce projet de loi comporte quelques irritants et c'est à nous d'essayer de les supprimer et de le rendre plus efficace, applicable et peu coûteux. Je voudrais que l'on parle des clients qui viennent de l'extérieur du Canada pour utiliser les services des pourvoyeurs.
Avec le régime actuel, si j'ai bien compris, les gens qui viennent au Canada avec une arme à feu s'arrêtent généralement quelques instants dans un poste des douanes pour remplir un formulaire, mais je crois qu'il leur arrive de ne pas avoir à le remplir. Cela n'importe pas beaucoup, mais ceux qui remplissent le formulaire doivent indiquer les caractéristiques distinctives de leur arme.
Si je vous disais qu'avec le nouveau système, avec le projet de loi C-68, ils n'auraient rien à faire de plus que de remplir un formulaire - il aurait peut-être quelques lignes de plus que le formulaire actuel - et si cela coûtait 10 ou 20$... On a mentionné 50 et 60$ tout à l'heure, mais je ne pense pas que l'on puisse raisonnablement demander une telle somme à quelqu'un qui vient au Canada utiliser les services des pourvoyeurs.
S'il y avait une disposition stipulant que les autorités canadiennes n'ont pas le droit de communiquer ces renseignements aux autorités étrangères et peuvent uniquement les utiliser en fonction du but pour lequel ils ont été fournis, cela répondrait-il aux questions que vous vous posez en matière de respect de la vie privée, de rentabilité du système et d'ingérence? Ai-je oublié quelque chose?
M. Bolster: Pour que le nouveau système soit acceptable, il faudrait qu'il soit très semblable au système actuel où un douanier remet une carte à l'intéressé, qui la remplit et dit «J'ai une carabine de chasse Winchester». Quand il quitte le pays, il présente la carte et dit «Elle a été tamponnée, j'ai déclaré ce fusil en arrivant et maintenant je repars avec», et il n'y a pas de trace. C'est le fait d'avoir à enregistrer leur arme qui les inquiète le plus.
M. Lee: M. Romanuik a soulevé le cas théorique de la personne qui vient au Canada, qui est obligée d'enregistrer son arme, de la déclarer au moment de son départ et de faire les démarches pour se procurer un permis d'importation et un permis d'exportation. Je comprends ce qu'il veut dire et cela pourrait arriver en théorie.
M. Bolster: Oui.
M. Lee: De la façon dont ce projet est rédigé, cela pourrait se passer ainsi. Il pourrait avoir à remplir trois documents, faire l'objet d'une vérification auprès du CIPC, devoir passer une entrevue, etc. Je crois qu'il faut essayer ici de se limiter à un seul document, à un droit de faible montant, et laisser cette personne repartir le plus vite possible vers sa destination. Y a-t-il autre chose que vous aimeriez ajouter à cette courte liste?
M. Romanuik: Je crois que vous avez tapé dans le mille sur ce point. Je ne vois pas très bien à quoi peut servir de prélever ces droits, sinon à constituer une sorte d'impôt déguisé. Nous savons tous comment le Canada a réagi lorsque Bill Clinton a parlé de nous faire payer un dollar chaque fois que nous traverserions la frontière. Nous nous sommes mis en colère et il a décidé de ne pas le faire et maintenant nous allons leur demander de payer 10$ pour remplir un morceau de papier, chose qui était gratuite avant.
M. Lee: Je suis d'accord avec vous. Il ne faudrait peut-être pas imposer de droits. Il est évident qu'ils devraient être très faibles, mais peut-être qu'un dollar, c'est encore trop. Comment savoir?
M. Romanuik: Eh bien, c'est ce que nous avons pensé.
Vous avez tapé dans le mille. Ce qui est encore plus grave est que, lorsqu'il arrive à la frontière, - il vient peut-être de Tombouctou en avion et il arrive à la frontière, aux douanes - d'après ce projet de loi, il doit remplir un formulaire et faire l'objet d'une vérification pour le permis d'importation ou d'exportation. Tout cela est laissé à la discrétion du directeur. Nous savons qu'il y a des gens qui savent exercer leur discrétion. Nous savons également que d'autres ne le savent pas. Cela me fait aussi peur que d'avoir à m'en remettre à l'opinion du gouvernement.
M. Lee: Les pourvoyeurs doivent vendre leurs services. Vous faites de la promotion pour vos services et je crois pouvoir dire que vous n'aimeriez pas être obligés de remettre un document qui explique la façon de procéder, un autre document qui est le formulaire, avec ou sans copie carbone, et je crois que vous aimeriez vendre votre forfait, quel qu'il soit, en décrivant ce qui se passe réellement et en pouvant affirmer qu'il n'y aura pas beaucoup de complications. Pensez-vous pouvoir faire cela?
M. Bolster: Il faudrait pouvoir dire au client que c'est une déclaration qui sert uniquement à prouver qu'il va repartir chez lui avec son arme. Si vous réussissez à mettre sur un pied un mécanisme de ce genre, cela aidera beaucoup notre secteur.
M. Lee: Je pense également que nous devrions arriver à faire quelque chose pour ce qui est de la protection des renseignements personnels. Vous serez peut-être en mesure d'en parler au client.
M. Romanuik: J'aimerais aussi beaucoup que ces démarches ne fassent pas perdre trop de temps aux agents des douanes parce qu'ils ont d'autres choses à surveiller de nos jours.
M. Lee: Merci, monsieur le président.
M. Ramsay: J'aimerais faire quelques commentaires pour commencer. Si la majorité de la population de la Saskatchewan est en faveur de ce projet de loi, comment expliquez-vous que le chef du Parti libéral de cette province s'y oppose? Je poserais la même question pour l'Alberta et je poserais également la même question à l'ancien chef du Parti libéral du Manitoba. S'il avait une dernière occasion de donner son avis sur ce projet de loi, pensez-vous qu'il changerait d'idée? Les gens ont fait connaître très clairement ce qu'ils pensaient à ce sujet.
J'aimerais vous demander ceci...
Une voix: [Inaudible-Éditeur]
M. Ramsay: Monsieur le président, la basse-cour fait du bruit et veut m'empêcher de parler.
Le président: Je demande aux membres du Comité de laisser M. Ramsay poser en paix sa question, comme il en a le droit.
M. Ramsay: En vertu de l'article 5, le contrôleur des armes à feu de la province ou du territoire doit procéder à une vérification du casier judiciaire de la personne concernée, de son état de santé et de l'historique de son comportement, pour déterminer si le propriétaire de l'arme à feu qui veut obtenir un permis de possession a tendance à adopter un comportement violent.
Si cette vérification révèle l'existence de condamnations pénales au cours des cinq dernières années, c'est un motif de refus du permis. La conséquence logique de tout cela est que, si cette personne n'a pas droit à un permis, elle ne devrait pas avoir le droit de posséder des armes à feu et elle devrait donc rendre celles qu'elle possède.
On ne mentionne absolument pas la possibilité d'indemniser cette personne, ni dans cet article ni, apparemment, dans le reste du projet de loi. Cela sera peut-être réglé par décret. Jusqu'ici, le projet de loi C-17 et les décrets de Kim Campbell ont entraîné la confiscation sans indemnité d'un certain nombre d'armes à feu - ce qui représente des milliers et des milliers de dollars selon certains renseignements que j'ai en ma possession.
Dans vos différents domaines, pensez-vous que les gens qui travaillent dans ce secteur et qui seraient tenus de se soumettre à ces vérifications si ce projet de loi est adopté, obtiendraient le permis? Combien n'arriveraient pas à l'obtenir?
J'aimerais vous donner mon point de vue en tant que policier. Les Autochtones semblent souvent acquérir facilement un casier judiciaire. Je l'ai moi-même constaté. J'ai toujours trouvé cela anormal. Je n'arrive pas à m'y faire. Il y en a qui sont des chefs de conseils. Ils font maintenant partie de conseils de bandes, ce sont des gens responsables, mais dans leur jeunesse, pour une raison ou pour une autre, ils ont eu des démêlées avec un système juridique qu'ils ne comprenaient pas très bien et ils ont un dossier.
Si ce projet de loi est adopté, je me demande si les gens qui travaillent dans votre secteur auront du mal à obtenir un permis à cause des conditions qu'ils doivent remplir pour que le contrôleur des armes à feu leur en délivre un?
M. Bolster: Si on s'en tenait à la lettre de la loi, telle qu'elle est rédigée maintenant, les deux tiers de mes guides ne pourraient pas travailler pour moi, parce qu'on ne peut pas travailler pour moi sans avoir un fusil, à la fois pour se protéger et pour protéger le client. Je ne pourrais pas les embaucher. C'est une des choses qui nous préoccupent beaucoup, nous qui venont de l'Ouest et du Nord, avec ce projet de loi: la perte d'emplois. C'est une possibilité très réelle.
M. Ramsay: Est-ce que M. Romanuik ou M. Grayston aimeraient aussi répondre à cette question?
M. Romanuik: Non seulement 80 ou 90 p. 100 des Autochtones et des Métis du nord de la Saskatchewan ne répondraient sans doute pas aux critères d'attribution du permis, mais ils n'essaieraient même pas d'en demander un pour la simple raison qu'ils ont beaucoup de mal à lire. Ils ne pourront pas recevoir la formation de sécurité. Ce sont pourtant des guides très sûrs, ils savent manier les armes à feu pour protéger mes clients, tant qu'ils ne boivent pas. Lorsqu'ils boivent, c'est une autre histoire.
Il y en a beaucoup qui ne pourraient remplir ces conditions. Cela ferait disparaître des emplois et des possibilités d'activités commerciales.
Le président: Je devrais signaler que l'enquête ne porte pas sur n'importe quelle condamnation pénale, mais seulement sur celles qui sont reliées à des actes de violence. En d'autres termes, une condamnation pour escroquerie ou contrefaçon n'aurait aucune conséquence pour la personne qui demande un permis, par contre, une condamnation pour vol qualifié ou voie de fait avec une arme - ce genre d'infractions - et les drogues...
M. Bolster: Cela n'a pas nécessairement rapport avec les armes à feu.
Le président: Non, il n'est pas nécessaire qu'on ait utilisé une arme à feu, mais il faut qu'il y ait eu violence.
M. Bolster: Je perdrais quand même une bonne partie de mon équipe, je regrette. Ce sont des vrais gens de l'Ouest.
Le président: Vous avez raison, cela comprend tout ce qui touche à la violence. Cela comprend les voies de fait, les infractions sans arme, pourvu qu'il y ait de la violence. Cela ne comprendrait pas toutefois la plupart des infractions contre les biens. L'introduction par effraction, l'escroquerie et la contrefaçon ne feraient pas partie de ces infractions. Il y a différentes infractions qui n'empêcheraient pas d'accorder un permis, mais elles pourraient néanmoins avoir certaines répercussions. Je voulais simplement m'assurer que nous savions de quoi nous parlions.
M. Romanuik: Dans le nord de la Saskatchewan, il n'y a pas beaucoup de contrefaçon ou d'escroquerie. Il y a des voies de fait, des introductions par effraction; il y a des actes de violence relié à l'alcool.
Le président: Oui, l'introduction par effraction ne serait pas... je ne pense pas.
M. Ramsay: J'invoque le Règlement. Il faut également effectuer une vérification pour ce qui est des infractions à la Loi sur les aliments et drogues et à la Loi sur les stupéfiants. Je ne sais pas s'il faut qu'il y ait eu comportement violent ou si le seul fait d'avoir fait du trafic et...
Le président: Le trafic de drogues.
M. Ramsay: Très bien. Mon temps est écoulé?
Le président: Oui. Je ne vous ai pas interrompu.
M. Finlay (Oxford): Je viens d'une circonscription rurale du sud de l'Ontario et je dois vous dire, messieurs, que la plupart des choses que vous avez dites m'ont été mentionnées non pas par des pourvoyeurs mais par des chasseurs, des agriculteurs et d'autres. Je suis d'accord avec vous sur un certain nombre de points que vous avez mentionnés.
Cependant, je regrette, monsieur le président, que ces mémoires contiennent un certain nombre d'inexactitudes. J'ai dû mettre en doute certaines choses qu'affirmait ma propre Federation of Anglers and Hunters et je trouve cela regrettable. On a notamment fait circuler une histoire au sujet des AAAF qui en fait n'était pas vraie. J'aimerais m'en tenir aux faits et à ce que le projet de loi tente de faire.
Je dois également mentionner que vous ne m'émouvez pas du tout lorsque vous dites que les gens du Kentucky ou du Minnesota ne vont pas venir ici parce que c'est un État policier, que l'enregistrement des armes est obligatoire et ainsi de suite.
Monsieur Grayston, vous affirmez ceci dans votre mémoire:
- Lorsque l'Ontario a adopté une réglementation fondée sur la notion de conservation pour gérer
ses propres ressources, un État voisin n'a pas tardé à réagir en prenant des mesures de rétorsion,
ce qui a créé un différend.
M. Grayston: Non, ce n'est pas du tout ce que je veux dire. Nous avons adopté cette loi sur la conservation parce que nous pensions que c'était le seul moyen de sauver cette pêcherie. Je voulais simplement faire remarquer la façon dont réagissaient les États-Unis. Je voulais seulement utiliser cet exemple pour montrer la validité des lettres provenant des États-Unis. Les Américains ont réagi en prenant des mesures de rétorsion. En fin de compte, la plupart des entreprises du Nord-ouest ont enregistré une réduction de 50 p. 100 des touristes venant du Minnesota. Ce sont les opérateurs individuels qui ont subi une perte financière.
Il est intéressant de noter que cette loi concernait le lac des Bois; mais des entreprises qui opèrent à partir de Thunder Bay, et même jusqu'à Nipigon, ont reçu des annulations de groupes du Minnesota, même si cette loi concernait un endroit qui se trouvait à 400 milles de là.
M. Finlay: Je comprends votre argument, monsieur, mais si M. Tobin n'avait pas réagi dans l'Est, il n'y aurait plus de turbots d'ici deux ans. Il va falloir s'occuper de la conservation et des aspects environnementaux ou alors...
M. Grayston: Je crois, monsieur, que vous m'avez mal compris. J'ai dit que nous étions d'accord avec les lois qui réglementent ces ressources. Les opérateurs de l'Ontario ont accepté des pertes financières pour défendre cette loi. Je voulais simplement montrer comment les Américains réagissent aux lois canadiennes.
M. Finlay: Je pense que c'est plutôt à eux d'accepter les conséquences de la façon dont ils réagissent à certaines choses. Dans vingt ans, s'il n'y a pas ce genre de réglementations, il n'y aura plus d'entreprises dans ce secteur.
M. Bolster: Monsieur, nous ne parlons pas de conservation et de faune ici; nous parlons d'enregistrer des armes à feu sans aucune raison apparente. Cela risque fort de nuire à ma capacité de subvenir à mes besoins et à ceux de ma famille et de fournir des emplois aux membres de mon équipe pour qu'ils puissent eux aussi nourrir leurs familles. Il semble que ce projet de loi ne va pas vous toucher beaucoup.
M. Finlay: Monsieur Bolster, veuillez m'excuser, mais M. MacDonald a parlé de la possibilité de n'exiger qu'un simple certificat à la frontière, ce avec quoi je suis tout à fait d'accord. Je pense que le gouvernement intervient trop dans certains domaines. Je l'ai dit au début. Je fais simplement remarquer que ce n'est pas cet argument qui va me faire pencher d'un côté ou de l'autre pour ce qui est d'appuyer ou non ce projet de loi.
Il est dit dans deux de ces mémoires que les Canadiens jouissent de libertées et de droits inhérents. C'est vrai, mais cela n'englobe pas le droit d'être propriétaire d'armes à feu, de la façon dont je conçois nos lois. Il faudrait que je m'en remette au président, qui en connaît beaucoup plus long à ce sujet que moi. Je pense que nous devrions éviter d'envenimer les choses en faisant des déclarations qui n'ont pas grand-chose à voir avec la question.
Monsieur Bolster, vous avez parlé de la possession d'une arme à feu dans le bois de toute évidence pour... et votre famille, etc. Replaçons-nous un instant dans un contexte urbain - et pas nécessairement à Toronto; il pourrait s'agir de Woodstock - seriez-vous d'accord pour dire que, pour prévenir un décès accidentel ou des problèmes, il devrait y avoir des règles concernant l'entreposage des armes à feu? La question vous a été posée. Je comprends ce que vous voulez dire dans votre situation. Nous n'avons pas assez de policiers pour faire appliquer la loi et il faut donc que les gens la respectent parce qu'ils pensent que c'est une bonne chose. Mais en milieu urbain, si je suis négligent avec mon arme à feu et que l'enfant de mon voisin, qui joue avec mon fils de 11 ans, vient chez moi, s'empare de mon arme et blesse quelqu'un, ne pensez-vous pas que je devrais en être tenu responsable comme propriétaire?
M. Bolster: J'ai tendance à être d'accord avec vous parce que, chez moi, il n'y a pas de fusil chargé; je les garde sous clé. C'est ce que la loi m'oblige à faire et je dirais que la plupart des propriétaires d'armes à feu responsables l'ont toujours fait.
M. Finlay: Le projet de loi C-68 comporte des dispositions en ce sens.
M. Bolster: Elles existent déjà.
M. Romanuik: Les dispositions concernant l'entreposage sécuritaire ont été introduites par le projet de loi C-17.
M. Finlay: Oui, mais le projet de loi à l'étude prévoit des peines en cas de crime ou d'accident et des accusations contre ceux qui n'auraient pas entreposé leurs armes en lieu sûr.
M. Romanuik: Des peines sont déjà prévues à l'endroit de ceux qui ne respectent pas les dispositions visant l'entreposage sécuritaire. Il n'y a pas tellement longtemps en Alberta, il y a un an peut-être, il est arrivé à peu près ce que vous venez de raconter, et le propriétaire de l'arme à feu a été reconnu coupable de ne pas l'avoir entreposée en lieu sûr et de négligence criminelle entraînant la mort. Il est en prison parce que son jeune enfant s'est emparé d'une arme à feu qui n'était pas...
M. Finlay: Mais vous êtes d'accord.
M. Romanuik: C'est dans le projet de loi C-17; ce n'est pas...
M. Finlay: J'aurais une autre question à vous poser au sujet de l'importation et de l'exportation, qui n'a rien à voir avec les chasseurs parce que, en fait, ces derniers arrivent et repartent avec la même arme; c'est du moins ce qu'on essaie de garantir. Je dirais que c'est probablement vrai dans 99,9 p. 100 des cas, ce qui me porte à croire que nous y allons peut-être un peu fort.
Mais quand il y va de contrebande et du contrôle d'armes à feu tombées dans de mauvaises mains - et je ne prétends pas qu'on peut réellement supprimer la contrebande des armes, ni celle des cigarettes ou de l'alcool - je dirais que nos lois sont plutôt poreuses actuellement en ce sens que le Canada semble être devenu, si ce que je lis est vrai, un point de transbordement pour toutes sortes d'armes. Une fois qu'un conteneur est rentré chez-nous, il peut être acheminé à peu près n'importe où parce que nous n'en contrôlons pas suffisamment bien les mouvements. Diriez-vous que c'est là une chose dont nous devrions nous occuper davantage? Cela fait aussi partie du projet de loi.
M. Bolster: Oui, dans la mesure où ce ne sont pas tous ceux qui n'ont rien fait de mal qui écopent. C'est pourquoi nous sommes ici.
M. Finlay: Merci, monsieur le président.
Le président: J'ai quelques questions à poser. Tout d'abord, je pense que je devrais préciser certains points au sujet de l'entreposage sécuritaire. Les règles pertinentes - et je me reporte ici au règlement - ne s'appliquent pas à une personne qui entrepose une arme qui n'entre pas dans la catégorie des armes à autorisation restreinte, c'est-à-dire une arme d'épaule, une carabine ou un fusil de chasse, si cette personne a raisonnablement besoin d'une telle arme pour le contrôle de prédateurs ou d'autres animaux et ainsi de suite.
M. Bolster: Donc, je suis en règle?
Le président: Oui. Autrement dit, si vous êtes dans le bois ou dans un lieu éloigné, comme dans l'exemple que vous nous avez donné pour votre fils, avec le risque d'être attaqué par un grizzly ou par des loups, vous n'avez pas à.... Il est question de prédateurs ou d'autres animaux dans la loi qui est actuellement en vigueur, et cela va être maintenu.
Je dois aussi vous signaler que le ministre est tenu de déposer tous les règlements à la Chambre et que ces règlements doivent être renvoyés à un comité. À moins d'un changement, ce sera au nôtre dans ce cas-ci. S'il décide de ne pas le faire parce qu'il juge la situation urgente, il doit déposer une lettre à la Chambre expliquant ses raisons et indiquant en quoi consiste l'urgence. Mais je dois ajouter que, s'il jugeait que la lettre sonne faux et que les raisons données ne sont pas convaincantes, le comité pourrait intervenir. Nous pouvons demander des comptes au ministre de la Justice et au Solliciteur général.
Nous l'avons fait par le passé. Il est arrivé que nous convoquions des représentants du gouvernement qui étaient dans l'erreur, selon nous. Le ministre dépose des règlements et nous en discutons, ou il dépose une lettre dans laquelle il explique pourquoi il ne pense pas pouvoir le faire. Si nous sommes d'avis que cela n'a aucun sens, nous pouvons le convoquer.
J'ai une seule question à vous poser. Je sais que vous êtes contre les dispositions concernant l'enregistrement, mais j'aimerais savoir quels sont les articles du projet de loi que vous appuyez. Par exemple, êtes-vous contre les dispositions qui traitent des armes d'assaut paramilitaires, qui permettraient d'exercer un contrôle plus étroit dans le cas de ces armes? Dans quelle mesure les chasseurs utilisent-ils des armes automatiques à tir rapide?
M. Bolster: Ils n'utilisent qu'un fusil de chasse automatique et ont le droit de le charger de deux balles pour la chasse aux oiseaux.
Le président: Donc, la plupart des chasseurs n'utiliseraient pas d'armes paramilitaires...
M. Bolster: Non.
Le président: Êtes-vous contre les dispositions du projet de loi qui traitent des armes d'assaut paramilitaires?
Je vais commencer par le Yukon. Avez-vous des objections?
M. Bolster: Non, je n'en ai pas personnellement.
Le président: Et M. Romanuik.
M. Romanuik: Une arme à feu est une arme à feu. Ce n'est pas parce qu'une arme à l'air dangereuse qu'elle est plus souvent utilisée pour commettre un crime. Mes clients n'ont pas besoin d'armes à feu à tir rapide pour la chasse. Rien ne prouve qu'un grand nombre de ces fusils sont utilisés pour commettre des crimes et que ceux qui les utilisent ne se serviraient pas d'une autre arme. Une automobile dans une cour d'école pleine d'enfants pourrait faire autant de victimes qu'une Mini-14.
Le président: Monsieur Romanuik, je ne pense pas que la question concerne l'apparence des armes automatiques d'assaut paramilitaires. Ce n'est pas leur allure qui fait peur aux gens; c'est le fait qu'on peut tirer un grand nombre de balles très rapidement et infliger de graves dommages. Ces armes n'ont pas été fabriquées pour la chasse; elles l'ont été pour l'armée et la police. Elles ne devraient pas tomber entre mes mains. Je ne sais pas ce qu'il en est des vôtres, mais...
M. Romanuik: Les munitions utilisées pour les armes à feu militaires n'ont pas été conçues pour tuer mais bien pour blesser.
Le président: Pas celles que j'ai... Pas pour tuer?
M. Romanuik: Parce que chaque fois qu'un soldat est tué, cela en fait un de moins. Chaque fois qu'un soldat est blessé, cela fait jusqu'à cinq combattants en moins parce qu'il faut s'en occuper. Les munitions des armes militaires n'ont donc pas été conçues spécifiquement pour tuer. Un fusil de chasse pour le gros gibier peut causer beaucoup plus de dommages.
Le président: Je ne sais pas si les forces armées seraient d'accord avec vous et prêtes à équiper leurs hommes avec ces types d'armes.
J'essaie de voir sur quels points vous êtes d'accord avec le projet de loi. Avez-vous des objections, dans le nord de l'Ontario?
M. Grayston: Je n'en ai aucune, personnellement.
Le président: Que pensez-vous des armes de poing? Je ne veux pas parler de celles qui sont utilisées dans les concours; je faisais allusion à ce qu'on appelle les armes du samedi soir.M. Romanuik en a parlé tout à l'heure. On sait que ces armes coûtent entre 45$ et 50$ aux États-Unis. Elles ne sont pas utilisées dans les concours internationaux. Elles servent surtout aux crimes. Elles ne sont pas utilisées pour le tir à la cible. Avez-vous des objections, au Yukon, à propos des dispositions du projet de loi qui touchent à ces armes?
Il y a trois groupes ici. Je vais vous demander de me dire ce que vous en pensez à tour de rôle.
M. Bolster: Vous voulez savoir si je m'oppose aux restrictions?
Le président: Oui, pour les armes du samedi soir.
M. Bolster: Je pensais qu'il y avait des restrictions pour tous les pistolets et qu'ils devaient tous être enregistrés.
Le président: Mais il s'agit d'armes à autorisation restreinte. Ce ne sont pas des armes prohibées. On se propose d'interdire les armes de poing, ce qu'on appelle les armes du samedi soir et autres armes du genre. Pour l'instant, elles sont considérées comme des armes à autorisation restreinte.
M. Bolster: Je n'en possède aucune.
Le président: C'est parfait; vous n'êtes pas obligé de répondre à ma question.
M. Romanuik: Monsieur, il n'en est pas question dans le projet de loi. Nous commençons déjà à parler de règlements qui vont venir plus tard.
Le président: Nous pouvons amender le projet de loi. Je dirais que le projet de loi en parle, mais pas en détails. De toute façon, j'écoutais ce que vous disiez tout à l'heure et je pense que vous vous opposeriez à des dispositions en ce sens.
M. Romanuik: Oui, parce que je possède pas d'arme du samedi soir ni aucune arme du genre. J'ai une arme à poing de calibre .22 dont le canon à moins de quatre pouces. J'aime bien m'en servir pour tirer sur des boîtes de conserve. Si vous n'avez jamais essayé, vous ne pouvez pas savoir ce que je ressens. Vous ressentiriez peut-être le même plaisir à ma place. Je ne me sers pas de mon arme pour commetre des crimes.
Le président: Oui, je sais. Soit dit en passant, il en est question à la page 61 du projet de loi. Il parle des armes de poing qui ont un canon d'une longueur égale ou inférieure à 105 millimètres ou qui sont conçus ou adaptés pour tirer des balles d'un calibre de .25 ou de .32.... Quoi qu'il en soit, il en est question. Vous avez répondu à mes questions.
M. Grayston: Je n'ai aucune opinion non plus à ce sujet. Je ne possède pas une telle arme.
Le président: Je sais à quoi vous vous opposez. Je voulais savoir si il y a des choses sur lesquelles vous êtes d'accord.
Vous avez ressorti des points intéressants aujourd'hui, mais lorsque j'entends dire que les Américains essaient de nous imposer le genre de loi que nous devrions avoir, cela me laisse plutôt froid.
Monsieur Gingrich essaie de nous dicter le genre de politique commerciale que nous devrions avoir. Je n'aime pas qu'il se mêle de nos échanges commerciaux tout comme il n'aimerait pas que nous nous mêlions des affaires des Américains. Ils seraient les premiers à protester si nous les menacions de faire telle ou telle chose en réponse à ce qu'ils ont fait.
Monsieur Grayston, l'un d'entre vous a-t-il dit que certains États américains s'étaient opposés à cette loi, ou parliez-vous seulement des chasseurs?
M. Grayston: Non, nous voulions parler des groupes de chasseurs de ces États.
Le président: Je pense que si les gouvernements prenaient position, cela irait à l'encontre de notre accord de libre-échange avec les États-Unis. Les gouvernements des États ou des provinces ne peuvent pas prendre position. Par exemple, la province de l'Ontario ne peut pas décider de boycotter le vin de la Californie parce que cela serait contraire à notre accord de libre-échange. Je ne pense pas que les Américains pourraient boycotter le nord de l'Ontario parce que nous avons certaines lois en matière de chasse. Des particuliers, oui, mais pas les gouvernements.
M. Grayston: Non, non. Nous voulions parler d'organisations étatiques, mais pas des États eux-mêmes.
Le président: C'était la question que je voulais poser.
M. Thompson: Lorsque vos clients arrivent des États-Unis et doivent se plier à certaines règles pour pouvoir poursuivre leur voyage vers votre camp, quelles mesures prenez-vous à leur arrivée dans votre camp, pour vérifier s'ils se sont bel et bien conformés à ces règles? Que faites-vous?
M. Bolster: Rien. Nous n'avons presque aucune communication avec eux sinon par radio à l'occasion.
M. Thompson: Donc, peu importe ce que ces chasseurs font à la frontière, il n'y a personne à l'autre bout pour vérifier s'ils ont enregistré leurs armes ou quoi que ce soit d'autre. Il n'y a donc aucun suivi. Est-ce que cela ne vous paraît pas un peu étrange?
M. Romanuik: Je suppose que les agents préposés à la conservation... Si le projet de loi est adopté, il faudra bien trouver quelqu'un pour s'occuper de la chose.
M. Thompson: Pensez-vous que c'est ce qui va devoir arriver? Si une telle loi était adoptée, peu importe ce qui se fait à la frontière, il faudrait quelqu'un à l'autre bout pour confirmer que des armes n'ont pas franchi la frontière en douce, qu'on s'est conformé aux règles. Est-ce exact?
M. Romanuik: Il va falloir de toute évidence des agents de police pour faire des inspections, pour s'assurer que les lois sont respectées.
M. Thompson: Et ce n'est pas le cas actuellement?
M. Romanuik: Non.
M. Thompson: Selon M. Lee, nous pourrions peut-être apporter certains amendements à ce projet de loi pour que vous ayez plus de facilité à l'accepter, par exemple en utilisant un seul formulaire au lieu de trois ou je ne sais quoi.
Un représentant des Territoires du Nord-Ouest nous a dit que si on pouvait assouplir... ces gens-là doivent entreposer leur arme dans une pièce et leurs munitions dans une autre et, bien souvent, ils vivent dans des chalets d'une pièce. Il faudrait faire des exceptions pour eux. Les agriculteurs nous ont parlé des prédateurs et ils devraient peut-être donc être exclus eux-aussi. Puis, il y a ceux qui ont besoin de leur arme pour se nourrir. Personne ne sait où cela va s'arrêter.
M. Rock a dit bien clairement que le projet de loi actuel correspond exactement à ce que le ministère veut.
Pensez-vous vraiment qu'il faudrait commencer à faire des exceptions, que cela serait satisfaisant? Faudrait-il aussi exempter les réserves et les agriculteurs de l'application de la loi?
M. Bolster: Ce sera une tâche ardue et je ne vous envie pas.
M. Thompson: Est-ce M. Romanuik ou vous qui disiez que, d'après les recherches effectuées, l'enregistrement avait échoué partout ailleurs?
M. Romanuik: Oui, d'après l'étude faite par les organisations canadiennes de tir à la cible à partir de renseignements provenant d'autres pays et de statistiques provenant essentiellement du système de justice canadien. Ces organisations se sont aperçues que l'enregistrement avait été mis à l'essai dans un grand nombre d'autres pays qui l'ont jugé inutile et l'ont abandonné. En Angleterre, où les mesures de contrôle sont très strictes, le taux de criminalité a augmenté depuis que les armes à feu ont été retirées. Nous ne voyons pas pourquoi il en serait autrement ici.
M. Thompson: Pour les fins du compte rendu, savez-vous à quoi l'Australie, la Nouvelle-Zélande ou d'autres pays attribuent principalement cet échec?
M. Romanuik: Oui, j'ai lu quelque chose à ce sujet-là. C'est...
M. Thompson: Est-ce parce que les gens ne se sont pas conformés à la loi? Est-ce la principale raison?
M. Romanuik: Je pense l'avoir noté. Je pense que c'est parce qu'on ne se conformait pas à la loi, et ces pays se sont aperçus qu'il fallait trop de gens pour la faire observer. Il était impossible d'enregistrer toutes les armes à feu.
Le président: De quel pays parlez-vous?
M. Romanuik: De la Nouvelle-Zélande et de l'Australie.
Le président: La Nouvelle-Zélande a renoncé, mais pas l'Australie.
M. Romanuik: La question est encore à l'étude et les Australiens essaient de décider s'il est possible d'aller de l'avant.
Le président: Oui, mais ils ne sont pas allés de l'avant.
M. Romanuik: La question n'est même pas de savoir s'il est possible d'enregistrer 20 millions d'armes à feu. Il va tout simplement falloir essayer de le faire.
Le président: C'est une différence d'opinion.
M. Thompson n'a pas encore terminé. Allez-y, il vous reste encore du temps, monsieur Thompson.
M. Thompson: Y a-t-il d'autres pays à part la Nouvelle-Zélande et l'Australie?
M. Romanuik: Je n'en suis pas certain. Je sais que la Suisse a l'une des lois sur le contrôle des armes à feu les moins strictes et qu'à peu près tout le monde entre dans l'armée à l'âge de 18 ans. Il n'existe à peu près aucun contrôle des armes à feu. Ceux qui font partie de la milice permanente doivent toujours avoir en leur possession une arme d'assaut et une arme de poing en état de fonctionner. Ce pays a pourtant l'un des taux les plus bas de vols par effraction.
M. Thompson: Donc, si je comprends bien, vos clients s'opposent à ce que leurs armes à feu figurent sur un registre, quel qu'il soit, n'est-ce pas?
M. Romanuik: C'est exact.
M. Thompson: Merci.
Le président: Avant de donner la parole à Mme Torsney pour le dernier tour de table, je dois vous préciser que j'ai vérifié auprès du gouvernement de la Suisse et qu'on accepte pas n'importe qui dans la milice. Ceux qui sont irresponsables et les ivrognes ne peuvent pas y entrer. Ceux qui en font partie ont le droit d'avoir leur arme chez eux.
En septembre dernier, les électeurs suisses ont adopté un nouvel article sur les armes à feu qui viendra s'ajouter à la Constitution du pays - et j'en ai ici une photocopie - et qui resserre fortement le contrôle des armes à feu. Donc, ce pays a choisi la même orientation que nous. Si vous le voulez, vous pouvez obtenir ce renseignement de l'ambassade Suisse ici à Ottawa.
Madame Torsney.
Mme Torsney: Je veux tout simplement apporter une correction au compte rendu. Quelqu'un a parlé de la situation en Angleterre et des meurtres qui y sont commis. Je ne sais pas si vous avez des études précises à citer ou si c'est une chose que vous avez entendu dire et que vous tenez à rapporter ici, mais, en réalité, le nombre de meurtres est très bas en Angleterre où le système est très détaillé et pas tellement compliqué. J'en ai déjà parlé avec des propriétaires d'armes à feu.
L'autre chose que j'ai à dire, c'est que le gouvernement australien a toujours eu et a encore un système de permis qui ressemble beaucoup à notre système d'autorisation d'acquisition d'armes à feu.
La troisième chose, c'est que quatre États ont aussi un système d'enregistrement. Nous envisageons un système semblable au leur mais meilleur. Donc, avant d'avancer quoi que ce soit, il faudrait dire les choses comme elles sont.
J'ai une question à vous poser au sujet d'une chose qui m'a semblé revenir plusieurs fois dans votre témoignage. Je me demandais, monsieur Romanuik, si vous êtes en faveur d'une prohibition de l'alcool et des drogues.
M. Romanuik: Ce que je veux dire, c'est qu'il vaudrait mieux essayer de prévenir le crime que de s'en prendre aux armes à feu et qu'il serait préférable de commencer par le bon bout.
Mme Torsney: Vous seriez donc heureux si le gouvernement adoptait une politique de prohibition?
M. Romanuik: Je ne parle pas de prohibition. Ce que je voudrais, c'est que le gouvernement essaie de prévenir la criminalité au lieu d'intervenir une fois qu'il est trop tard. De toute évidence, le gouvernement ne veut pas me croire. L'alcool est responsable de 60 à 70 p. 100 des cas de violence familiale, comme il l'est aussi du tragique accident survenu la semaine dernière au Québec. Prenez-vous en donc à l'alcool.
Mme Torsney: Vous seriez donc en faveur de la prohibition?
M. Romanuik: Il faudrait peut-être interdire à certaines personnes de boire.
Mme Torsney: Je vous posais la question par curiosité.
Le président: Nous avons une autre réunion à 19h30. Nous vous avions demandé d'être des nôtres de 14 heures à 17h30. Il est maintenant 17h20.
Je tiens à vous remercier. Vous êtes venus de loin. Votre témoignage était important. Nous allons rencontrer les fédérations de la faune et aussi les associations de chasseurs, mais nous tenions aussi à entendre votre point de vue, celui des pourvoyeurs.
Je tiens à rappeler aux membres du comité que nous entendrons ce soir des représentants des musées qui s'occupent de collections. Nous allons examiner la partie du projet de loi concernant les collectionneurs et les collections de musée. Je vous demanderais donc d'être ici.
Monsieur Bolster.
M. Bolster: Puis-je remettre mon chapeau?
Le président: Oui, vous le pouvez. Soit dit en passant, je ne suis pas certain que cela allait à l'encontre des règles - j'aurais dû me renseigner - parce que nous avons eu à la Chambre des gens qui portaient un couvre-chef.
La séance est levée.