[Enregistrement électronique]
Le lundi 8 mai 1995
[Traduction]
Le président: Nous avons le quorum nécessaire pour entendre les témoins. Je déclare donc la séance ouverte, et elle s'annonce assez chargée. Nous continuons à étudier le projet de loi C-68, soit la Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes. Nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi la Coalition des propriétaires d'armes à feu responsables de la Colombie-Britannique, représentée par Joanne Easdown, directrice administrative, et Jack McCollum, trésorier. Nous accueillons également les représentants de la Coalition des propriétaires d'armes à feu responsables du Yukon, soit Paul Rogan, président, et Al Albers, président du comité d'information.
Comme nous suivons généralement l'ordre figurant sur la convocation, nous allons d'abord entendre les représentants de la Coalition de Colombie-Britannique, puis ceux du Yukon. Nous avons reçu vos mémoires, qui ont été remis à tous les membres du comité, et donc nous vous demandons de limiter vos remarques liminaires à une quinzaine de minutes. Puisque vos mémoires ne semblent pas très longs, vous pouvez les lire si vous le voulez.
Madame Easdown.
Mme Joanne Easdown (directrice administrative, Responsible Firearms Owners Coalition of B.C.): Monsieur le président, mesdames et messieurs, je représente aujourd'hui les membres de la Coalition des propriétaires d'armes à feu responsables de Colombie-Britannique.
Les 16 000 membres de notre association s'opposent au projet de loi C-68 et vous demandent, vous aussi, membres du Comité, de vous opposer à un projet de loi qu'ils jugent draconien, qui ciblerait le mauvais secteur de la société, et qui serait incapable de réduire la violence dans les collectivités ou de rehausser la sécurité publique. À leurs yeux, le projet de loi C-68 imposera un fardeau financier énorme au pays alors que nous connaissons déjà de sérieuses difficultés économiques, et il représente une ingérence inadmissible du gouvernement dans la vie privée des citoyens.
Les membres de la Coalition craignent que le projet de loi C-68 ne soit que le précurseur d'autres mesures que le gouvernement risque d'envisager pour contrôler la vie des citoyens dans bien d'autres secteurs, et pas seulement celui de l'usage récréatif des armes à feu. Nous avons le sentiment que les armes à feu ne sont ici qu'un prétexte. Certains disent que les armes à feu ne sont pas nécessaires, mais nous leur demandons alors si le golf ou le ski le sont.
La disposition du projet de loi qui suscite le plus de réserves et de controverse est celle qui concerne l'enregistrement universel des armes à feu. Les membres de la Coalition m'ont dit qu'il existe déjà au Canada des lois rigoureuses sur le contrôle des armes à feu. Si Allan Rock a 85 millions de dollars à dépenser, pourquoi n'abandonne-t-il pas son idée d'enregistrement et n'utilise-t-il pas cette somme pour réduire la dette nationale, ce qui fera beaucoup plus de bien à tous les Canadiens? Croyez-moi, ce ne serait pas une mauvaise idée. Cela reviendrait à payer une grosse somme pour réduire les intérêts qui ne cessent de s'accumuler.
Pourquoi puiser 85 millions de dollars à même les deniers publics pour établir un système d'enregistrement universel alors que le ministre fédéral de la Justice lui-même a déclaré ceci: «Je conviens que les criminels n'enregistreront pas leurs armes à feu»? Si Allan Rock reconnaît que les criminels n'enregistreront pas leurs armes, pourquoi le gouvernement libéral lui-même, et peut-être votre comité, s'attend à ce que les propriétaires légitimes d'armes à feu enregistrent les leurs?
Quelles mesures va-t-on prendre au sujet des premières nations et des autochtones qui ne sont certainement pas prêts à appuyer ou à respecter un tel système d'enregistrement?
L'enregistrement universel va-t-il aboutir à créer trois classes ou plus de Canadiens traités de manière différente: les criminels, les premières nations et les autres? Est-ce bien là le Canada que nous voulons?
Ce sont les provinces qui devront assumer la gestion et l'exécution du système d'enregistrement universel. La sécurité publique sera réduite parce que des agents de police devront se consacrer à des tâches administratives au lieu de patrouiller les rues. Nos organismes d'application des lois ont toujours trop peu de ressources pour contrer avec efficacité l'accroissement constant des délits et de la violence dans notre société. La situation ne fera qu'empirer s'il y a encore moins d'agents dans les rues.
On nous dit souvent qu'il n'y a aucune raison de ne pas enregistrer les armes puisqu'on enregistre déjà les voitures. Cependant, enregistrer les voitures n'empêche pas les accidents de la route, les morts accidentelles ou le vol des véhicules. C'est l'éducation des propriétaires de véhicules, des conducteurs et du reste de la population qui est la clef.
Cela dit, l'enregistrement des véhicules est une question provinciale, et chaque province a mis sur pied son propre système d'enregistrement, de délivrance des permis, et d'assurances, avec des textes réglementaires bien différents. Or, le système d'enregistrement universel des armes à feu, bien qu'il soit envisagé à l'échelle fédérale, sera géré et appliqué à l'échelle provinciale, ce qui ouvrira la porte à des incohérences et, dans certains cas, à des manquements de la part de certaines provinces ou de territoires. Aujourd'hui déjà, on constate que le projet de loi C-17 n'est pas appliqué de manière cohérente. Pourquoi cela serait-il différent avec le projet de loi C-68?
Le projet de loi est censé contribuer à résoudre le problème de la contrebande d'armes à feu. Les membres de notre Coalition demandent cependant quelles mesures seront prises pour empêcher les réserves indiennes proches de la frontière de devenir une voie d'entrée des armes à feu au Canada.
Les membres de la Coalition s'inquiètent également des coûts qui résulteront du projet de loi. Celui-ci constitue un bon exemple de la manière dont le gouvernement fédéral gaspille les deniers publics, surtout si l'on considère qu'il n'y aura pas de système d'enregistrement de toutes les armes à feu au Canada. N'oubliez pas en effet qu'Allan Rock reconnaît que les criminels n'enregistreront pas leurs armes.
Voici une comparaison qui en dit long: Le gouvernement envisage sérieusement de consacrer 85 millions de dollars en cinq ans à la mise en place d'un système d'enregistrement universel, alors qu'il n'a prévu que 25 millions de dollars sur cinq ans pour la recherche sur le cancer du sein. Or, les statistiques officielles révèlent qu'une femme trouve la mort tous les six jours par une arme à feu, soit environ 60 par an, dans tout le pays. Or, on estime que 5 400 femmes décéderont en 1995 du cancer du sein - dont 640 en Colombie-Britannique - et que 17 000 autres apprendront qu'elles ont le cancer du sein. Les membres de notre coalition sont donc en droit de s'interroger sur les priorités du gouvernement.
M. Jack McCollum (trésorier, Responsible Firearms Owners Coalition of B.C.): Monsieur le président, membres du comité, bien des gens nous demandent depuis un an pourquoi les propriétaires d'armes à feu s'opposent à un projet de loi anti-armes à feu. Les réponses sont multiples. Une fois qu'on leur explique la situation, la plupart de ces gens conviennent qu'il est complètement inutile d'adopter de nouvelles lois dans ce domaine. Voici nos arguments.
Premièrement, il y a déjà assez de lois destinées à protéger le public contre le mauvais usage des armes à feu, mais il faudrait qu'elles soient correctement appliquées. Le grand public ne sait pas qu'il existe déjà des lois extrêmement rigoureuses à cet égard. Il est absolument impossible, de mettre sa vie ou celle d'autrui en danger avec une arme à feu sans enfreindre plusieurs lois existantes.
Hélas, la Charte des droits a créé tellement d'échappatoires juridiques que les tribunaux semblent beaucoup plus intéressés à se demander si les droits de l'accusé ont été violés que d'établir si celui-ci est coupable.
La Loi sur les jeunes contrevenants, que l'on devrait plutôt appeler le programme d'apprentissage du crime, n'est qu'une vaste blague. Récemment, un pasteur à la retraite et son épouse ont été brutalement assassinés dans leur maison de Prince George par trois adolescents. Au moment de leur arrestation, ces imbéciles ne cessaient pas de rire. Il y a un mois ou deux, une femme âgée a été assassinée dans sa maison de Langley par un intrus.
De nombreuses femmes se font agresser dans leur foyer, qui est censé être inviolable, mais le ministre de la Justice affirme qu'il n'est pas légitime d'avoir recours à une arme à feu pour sauvegarder sa vie au Canada. Comment peut-on accorder plus de prix à la vie des violeurs et des assassins qu'à celle de leurs innocentes victimes?
Je n'ai jamais recommandé l'usage des armes à feu pour se protéger, pas plus aujourd'hui qu'hier. Toutefois, lorsque je constate le nombre de gens qui sont attaqués, frappés à coups de couteau ou battus à mort par des intrus, je commence à me demander si mon attitude pacifiste n'est pas erronée. Il n'y a qu'une solution, c'est un ministre de la Justice qui accepte enfin de faire quelque chose pour protéger l'innocent et punir le coupable.
La peine maximale en cas d'intrusion par effraction dans une résidence privée avec l'intention de commettre un acte criminel est la prison à vie. Comment se fait-il que la peine typiquement imposée ne représente pas beaucoup plus que l'équivalent d'une tape sur la main?
Il nous faut un ministre de la Justice qui soit prêt à adopter des lois pour éliminer les échappatoires que tolère le système judiciaire, interdire la négociation de plaidoyers dans toute affaire de violence, et jeter à la poubelle la loi idiote sur les jeunes contrevenants.
Adopter une nouvelle loi contre les armes à feu ne fera rien pour réduire le nombre de crimes violents. En fait, c'est même le contraire qui risque de se produire.
Autrefois, les États-Unis avaient imposé la prohibition pour lutter contre l'abus de l'alcool. Le résultat de cette mesure a été l'apparition d'une multitude de nouvelles activités criminelles, c'est-à-dire la contrebande d'alcool, l'ouverture des speakeasies, la multiplication des bouilleurs de cru, etc., ce qui a probablement entraîné encore plus d'abus de l'alcool qu'auparavant. Au bout de quelques années, on a compris que la prohibition ne marchait pas et on y a finalement renoncé.
Plus récemment, le gouvernement canadien relevait les taxes sur les produits du tabac dans le but d'en réduire l'usage. Encore une fois, cela a entraîné une explosion d'activités criminelles, sous forme de contrebande, et le gouvernement a été obligé d'annuler les hausses de taxe.
N'est-il donc pas évident que renforcer les restrictions relatives aux armes à feu ne fera que contribuer à la multiplication des actes criminels?
C'est à Washington et à New York qu'il y a les lois les plus rigoureuses des États-Unis sur les armes à feu, mais aussi les taux les plus élevés d'homicides. Dans certains des États du Mid-West, où il n'y a quasiment aucune restriction à la possession d'armes à feu, les taux d'homicides sont même plus faibles qu'au Canada. Je me suis laissé dire que cela s'explique probablement par la libre circulation des armes à feu d'un État à l'autre. Les criminels obtiendront leurs armes là où il est facile de s'en procurer, après quoi ils se rendront dans des États où ils savent que les citoyens sont peu susceptibles d'être armés et ils commettront leurs actes diaboliques sans trop de tracas.
Va-t-on voir la même chose au Canada? Les criminels feront entrer en contrebande des armes à feu des États-Unis pour s'en servir contre des Canadiens innocents. Si le projet de loi C-68 est adopté, il y aura inévitablement une hausse considérable de la contrebande d'armes au Canada, pas seulement des États-Unis mais également d'outremer.
Le ministre de la Justice nous a donné l'assurance qu'il prendrait des mesures pour lutter contre la contrebande. Toutefois, on voit déjà que les efforts conjugués de la GRC et des Douanes ne permettent d'entraver qu'un très faible pourcentage de la contrebande de stupéfiants au Canada. Qu'est-ce qui fait croire au ministre qu'il pourra faire mieux au sujet des armes à feu?
Il y a des mesures très rigoureuses sur les armes à feu au Royaume-Uni, mais cela n'a pas empêché l'IRA d'obtenir toutes les armes qu'elle veut.
Même aujourd'hui, avec les lois actuelles, il est plus facile et plus rapide d'obtenir illégalement une arme à autorisation restreinte que de l'acheter légalement. Je me suis laissé dire que cela est peut-être vrai pour les criminels endurcis mais pas pour le citoyen ordinaire. Ce n'est pas vrai. J'ai parlé à des dizaines d'étudiants d'écoles secondaires et la plupart m'ont assuré qu'ils pouvaient m'obtenir une arme de poing, sans aucune difficulté, en 24 heures.
Les seules personnes qui seront pénalisées par cette loi anti-armes à feu sont les propriétaires d'armes honnêtes et respectueux de la loi. Si un criminel est prêt à enfreindre plusieurs lois pour commettre son forfait, qu'est-ce qui va l'empêcher d'en violer plusieurs autres, surtout s'il sait que la plupart des peines qui lui seront infligées seront simultanées?
Le dispositif envisagé par le gouvernement va par ailleurs coûter des sommes considérables. L'estimation de 85 millions de dollars avancée par le ministre de la Justice en ce qui concerne les coûts du système d'enregistrement est complètement absurde. Selon le professeur Gary Mauser, de l'Université Simon Fraser, le coût de l'enregistrement de toutes les armes à feu du Canada se situera entre 400 et 600 millions de dollars. N'oublions pas de plus qu'il s'agit là uniquement du coût de l'enregistrement.
Si le projet de loi C-68 est adopté, un contrôleur provincial des armes à feu pourra mener une enquête lorsqu'une personne demandera un permis, et son enquête pourra comprendre des entrevues avec les voisins, les travailleurs communautaires, les travailleurs sociaux, les collègues de travail, le conjoint, l'ex-conjoint, les personnes à charge, etc. En outre, un agent de police pourra à n'importe quel moment raisonnable entrer dans n'importe quel local où il croit qu'il risque d'y avoir une arme à feu ou des munitions, ou des registres à ce sujet, afin d'entreprendre une inspection. Personnellement, cela ne m'inquiète pas du tout puisque je n'ai rien à cacher mais, dites-moi, qui va s'occuper de la répression du crime lorsque les agents de police seront occupés à faire ces inspections et ces enquêtes?
Il n'y a pratiquement plus aucune collectivité du Canada qui ne se plaigne du manque d'effectifs policiers. A-t-on l'intention de recruter de nouveaux agents pour faire ce travail supplémentaire? Croyez-moi, si je dois payer plus d'impôts pour financer de nouveaux postes de policiers, je veux que ces derniers soient dans la rue à lutter contre le crime au lieu de perdre leur temps à mener des enquêtes et des inspections absurdes au sujet des citoyens honnêtes.
N'oubliez pas que ce seront seulement les citoyens respectueux de la loi qui feront l'objet d'enquêtes. Les criminels n'ont jamais demandé de permis de possession d'armes à feu, et ne le feront jamais. Ils ne sont pas prêts d'enregistrer des armes qu'ils possèdent déjà illégalement.
Le Canada est au bord de la faillite. Il y a quelques semaines, on a assisté au fléchissement de notre cote de crédit à cause du niveau phénoménal de notre dette et de nos déficits publics. Malgré cela, le ministre de la Justice veut gaspiller des centaines de millions de dollars pour mettre en oeuvre un texte législatif absolument inutile, qui ne fera quasiment rien pour réduire la criminalité.
Enregistrer veut dire confisquer. Certes, le ministre de la justice a tenté de faire croire que ce n'est pas le cas, mais il se trompe. Bon nombre d'armes à feu qui étaient auparavant enregistrées comme des armes à autorisation restreinte ont maintenant été déclarées interdites et seront confisquées sans indemnisation lorsque leur propriétaire actuel décédera ou lorsqu'il cessera de s'en servir aux fins pour lesquelles elles ont été enregistrées.
L'enregistrement ne répond à aucun objectif utile. Il y a déjà 60 ans que l'on enregistre les revolvers au Canada. Malgré cela, si vous examinez les taux d'homicides entre 1961 et 1990, vous constatez qu'il y a plus de 13 fois plus d'homicides commis avec des revolvers illégaux qu'avec des revolvers légaux.
Le ministre de la Justice veut nous faire croire que l'enregistrement servira à protéger la police lorsqu'elle intervient dans des conflits domestiques, étant donné que les agents sauront s'il y a ou non une arme à feu dans la maison. Cet argument est absurde. Tout agent de police qui se croira en sécurité parce qu'un ordinateur lui aura dit qu'il n'y a pas d'arme à feu dans la maison où il se présente fera preuve d'irresponsabilité.
J'ai dû intervenir dans de nombreux conflits familiaux et je ne me suis jamais inquiété de ce que pourrait faire un propriétaire d'armes à feu responsable, et c'est seulement ce type de propriétaire qui acceptera d'enregistrer son arme. Par contre, je me suis toujours méfié des menaces de coups de couteau, de coups de bâtons de baseball, de coups de poêle à frire, et même une fois d'un déboucheur de toilette, mais jamais d'une arme à feu non chargée et entreposée en sécurité.
Le projet de loi C-68 contrevient aux principes essentiels de la démocratie. Notre droit repose sur la Common Law britannique, dont les principes fondamentaux sont notamment que toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'a pas été trouvée coupable, que le foyer individuel est inviolable, que personne n'est tenu de s'incriminer, etc. J'ajoute à cela l'interdiction de toute fouille et saisie illégale. Pourtant, si le projet de loi C-68 est adopté, bon nombre de ces droits seront bafoués.
J'ai souvent participé à l'obtention d'un mandat de perquisition. Avant de prendre sa décision, le juge se penche sérieusement sur la question et l'agent de police est obligé d'affirmer sous serment qu'il a des preuves solides d'activités illégales pour que le juge envisage même de donner son accord.
Avec le projet de loi C-68, l'agent de police pourra obtenir un mandat de fouille et de perquisition au sujet de n'importe quoi dans un logement privé, simplement en déclarant sous serment qu'il a des raisons de croire qu'une arme à feu, des munitions ou des documents connexes se trouvent dans le logement, que l'entrée dans le logement est nécessaire pour la mise en application des dispositions de la loi ou du règlement, ou de la Partie III du Code criminel, et que l'entrée dans le logement lui a été refusée ou qu'il a des raisons de croire qu'elle le lui sera.
Songez aussi, monsieur le président, aux possibilités considérables d'abus. Par exemple, lorsqu'on parle d'agent de la paix dans le projet de loi, on ne parle même pas nécessairement d'un membre d'un service de police reconnu, puisqu'il peut s'agir aussi de n'importe quelle catégorie de personnes désignées par le ministre provincial. En outre, il n'est même pas nécessaire que l'agent de la paix pense qu'il y a quelque chose d'illégal dans le logement; il lui suffit de croire qu'il y a peut-être une arme à feu ou des munitions dans le logement, que celles-ci soient légales ou illégales, enregistrées ou non. Cela n'influe aucunement sur sa possibilité d'obtenir un mandat.
En outre, l'agent de la paix peut examiner toute arme à feu et tout autre chose qu'il trouve dans le logement, et prendre des échantillons. Il peut par ailleurs disposer des échantillons comme il l'entend. Autrement dit, l'agent de la paix peut saisir et détruire n'importe quoi, même si l'article saisi était parfaitement légal.
Il y a quelques années, des membres très responsables de la GRC, et peut-être d'autres forces de police, avaient obtenu un mandat de main-forte qui les autorisaient à entrer dans un logement privé et à en faire la fouille sans obtenir de mandat s'ils n'avaient pas assez de temps pour le demander ou s'ils avaient des raisons valables de croire que faire la demande ne serait pas pratique ou possible. Il y a une dizaine d'années, tous ces mandats ont été abolis à cause du risque, bien mince, qu'ils n'entraînent des abus. Aujourd'hui, le ministre de la Justice veut donner des pouvoirs bien plus considérables à tous les agents de la paix, et même à des personnes qui ne sont pas des agents de la paix.
Monsieur le président, les Canadiens souhaitent-ils vraiment que leur pays devienne un État policier, semblable à l'Allemagne nazie ou à l'ancienne URSS? Je n'ai jamais entendu parler de tels abus de pouvoir gouvernementaux dans un pays démocratique depuis qu'Oliver Cromwell accéda à la charge de protecteur de l'Angleterre, au XVIIe siècle, et nous savons tous ce qu'il a fait de son pays.
Hier, tout le pays célébrait le 50e anniversaire du Jour de la victoire et rendait hommage aux milliers de Canadiens courageux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour nous protéger. Je ne peux m'empêcher de me demander ce que ces hommes et femmes pleins de courage penseraient s'ils voyaient ce que le gouvernement actuel menace de faire contre cette démocratie pour laquelle ils se sont sacrifiés.
Si le projet de loi C-68 était bon, pourquoi le premier ministre aurait-il à menacer des membres de son propre parti pour qu'ils votent conformément à ses voeux? Sommes-nous en démocratie ou en dictature?
Je ne saurais terminer sans évoquer trois autres Canadiens courageux qui, s'ils n'ont pas risqué leur vie pour la démocratie, ont certainement risqué leur carrière. Il s'agit de M. Benoît Serré,M. Paul Steckle et M. Rex Crawford, qui ont eu le courage de leurs réelles convictions et ont voté contre le projet de loi C-68. Ces trois députés courageux ont été punis par leur parti pour avoir voté conformément aux voeux de leur électorat. Leur nom devrait être à jamais gravé dans le coeur de tous les vrais Canadiens.
Nous voulons un gouvernement qui soit prêt à lutter contre le crime. Tous les propriétaires légitimes d'armes à feu appuient sans réserve l'imposition de sanctions rigoureuses, et rigoureusement appliquées, à quiconque utilise une arme à feu ou n'importe quelle autre arme, qu'il s'agisse de couteaux, de bâtons de baseball, de ses poings ou de ses pieds, pour commettre une infraction. Nous devons exiger de notre gouvernement qu'il fasse ce qui est nécessaire pour réprimer les crimes violents afin que nous puissions retrouver la sécurité dans nos foyers et nos rues.
Certes, cela coûtera de l'argent, et c'est pourquoi il ne faut pas en gaspiller comme veut le faire le ministre de la Justice avec son projet de loi C-68 inutile et mal conçu.
Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie beaucoup de votre attention.
Le président: Merci.
Monsieur Rogan, pouvez-vous présenter le mémoire du Yukon?
M. Paul F. Rogan (président, Responsible Firearms Owners Coalition of Yukon): Merci, monsieur le président. Nous avons eu un peu de mal à préparer notre mémoire car nous avons tenté de résumer en une dizaine de pages les soixante pages très serrées de commentaires que nous ont envoyé nos membres. Je ne pense pas pouvoir lire tout cela en 15 minutes et je vais donc lire uniquement la fin du texte, en ajoutant de temps à autre des précisions.
Le président: Sachez que le texte complet de votre mémoire sera imprimé en annexe au procès-verbal de la séance. Vous pouvez donc nous lire uniquement les parties qui vous semblent les plus importantes dans l'immédiat.
M. Rogan: C'est ce que je compte faire. Merci, monsieur le président.
Avant de commencer, j'aurais deux ou trois observations à faire. La première, c'est que l'on nous a avertis il y a moins d'un mois que nous allions venir témoigner. Vous vous rendez bien compte qu'avec nos modestes ressources, nous avons eu beaucoup de difficulté à préparer un mémoire qui ait l'air à moitié professionnel et à vérifier tous les chiffres que nous citons. Nous vous prierons donc d'être indulgents à notre égard.
Autre chose qui me vient à l'esprit et qui tracasse nos membres, c'est que dans la liste des personnes convoquées, nous n'avons pas trouvé le nom d'une seule des personnes qui nous ont donné des explications précises sur le problème, comme le professeur Mauser, le professeur Buckner, M. Terence Wade, ou d'autres qui ont fait des études plus ou moins scientifiques à ce sujet.
En suivant les délibérations à la télévision, pas plus tard que ce matin, nous avons eu l'impression qu'il s'agissait d'un congrès d'aveugles discutant d'un Rembrandt. On aurait dit qu'aucun des participants, dans un camp comme dans l'autre, n'avait vraiment des preuves scientifiques à avancer pour corroborer ses dires. Cela nous préoccupe un peu.
S'agit-il de contrôle de la criminalité ou de contrôle de la population? Comme je l'ai dit, n'ayant aucune formation spéciale en droit, nous avons essayé de nous faire une opinion générale et directe du projet de loi C-68. Le fait de ne pas être parfaitement au courant de tous les détails nous a paradoxalement permis d'avoir une bonne vue d'ensemble.
Nous avons examiné les motifs qui ont incité le gouvernement à présenter ce projet de loi. Nous sommes d'accord sur le principe d'adopter des mesures plus strictes pour lutter contre le trafic illégal d'armes à feu et nous sommes enchantés de voir que l'on prévoit des peines plus lourdes pour les infractions commises avec une arme à feu, même si, selon un document rédigé par M. Bartlett pour le Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement, il n'est pas nécessaire d'adopter de nouvelles mesures législatives pour ce faire.
Il y a un autre petit problème, et c'est que l'idée même d'un projet de loi omnibus nous répugne. C'est un stratagème politique et c'est vrai non seulement pour la législation concernant les armes à feu mais aussi pour toutes les autres mesures législatives. On ne devrait pas avoir recours à un tel stratagème.
Nous avons examiné toutes les explications que nous a fournies M. Rock pour essayer d'obtenir notre approbation, c'est-à-dire celle concernant les homicides, les délits avec violence, les suicides, la violence familiale, l'obtention illégale d'armes et les accidents qui se produisent au Canada. De toute évidence, nous n'avons pas les talents du gouvernement ni les mêmes moyens en matière de recherche. Mais après avoir lu des dizaines d'ouvrages et de publications, comme l'indique la bibliographie qui se trouve à la fin de notre mémoire, nous ne sommes pas parvenus à trouver dans aucune des études et des statistiques que nous avons pu consulter la moindre preuve que ce projet de loi permettra d'atteindre les objectifs visés, contrairement à ce que prétend M. Rock. Aussi, nous avons l'impression qu'il y a derrière le contrôle des armes à feu des motivations qui n'ont rien à voir avec la lutte contre le crime.
Je reviendrai là-dessus à la fin de mon exposé, si j'en ai le temps.
Les dispositions que nous trouvions absolument inadmissibles sont celles qui se trouvent dans les articles 110 à 112 et qui concernent le décret. Nous ne sommes pas des juristes et nous représentons un mouvement tout ce qu'il y a de plus populaire. Je reste convaincu jusqu'à ce jour que l'on nous a choisis comme témoins parce que nous sommes les deux seuls types à posséder une cravate au Yukon. D'après ce que mon avocat m'a expliqué, je crois qu'il y a une série d'étapes à suivre pour promulguer un décret. C'était du moins le cas jusqu'à présent. Si nous comprenons bien, ce projet de loi permettrait facilement au ministre de contourner tous ces mécanismes de protection pour avoir régulièrement recours au décret au lieu de s'en tenir à la voie législative.
L'enregistrement est synonyme de confiscation. M. Rock prétend que ce n'est pas le cas et il insinue que tous ceux qui le croient ont tendance à être paranoïaques, mais en ce moment même, des armes sont confisquées et détruites sans que leurs propriétaires soient indemnisés. Certains de nos membres se sont fait confisquer des armes de poing au cours des dernières semaines.
Au Yukon, on croit que ces confiscations sont faites en vertu d'une série de décrets que les tribunaux de l'Alberta avaient déjà jugés anti-constitutionnels. Si l'on arrive à confisquer ainsi ces armes, c'est uniquement parce que leurs propriétaires les avaient fait enregistrer. La plupart de nos membres se demandent si ce serait une bonne idée de faire enregistrer leurs armes si c'est pour se les faire confisquer dans cinq ou six ans.
En fait, Allan Rock a déclaré publiquement que seuls les policiers et les militaires obtiennent des armes. Il a ensuite ajouté que les libéraux n'ont pas l'intention de profiter d'un éventuel système universel d'enregistrement des armes à feu pour les confisquer plus tard.
Depuis les élections, le gouvernement a toutefois déclaré en vertu d'un décret que plus de 215 000 armes de poing détenues légalement et plus 13 000 carabines enregistrées représentant une valeur totale de 124 millions de dollars, allaient être interdites. Ces armes seront confisquées maintenant ou plus tard. Les propriétaires seront indemnisés pour une infime minorité de ces armes seulement. Les armes à feu peuvent être interdites par décret. Le propriétaire d'une arme ou celui qui la fait enregistrer risque de ne pas avoir le choix et de devoir la remettre au gouvernement à échéance, sans recevoir d'indemnité.
Notre Constitution garantit si je ne m'abuse - et je vous rappelle que je ne suis pas un expert en matière constitutionnelle, loin de là - que cela ne peut se faire sans suivre la procédure légale normale et sans verser d'indemnité. Le gouvernement fédéral compte enfreindre la Constitution? Et alors pourquoi?
L'autre article dont je voudrais parler - et auquel nous allons passer rapidement - inverse en fait le fardeau de la preuve étant donné qu'il nous oblige à prouver que l'on n'a pas commis d'infraction. Je crois qu'il s'agit de l'article 117.11.
Perquisition sans mandat, appelée «inspection». Quel euphémisme! Si le projet de loi est adopté tel quel et si l'on a recours à cette méthode pour faire des perquisitions en vue de chercher des armes à feu, nous craignons qu'elle puisse s'appliquer dans d'autres cas prévus par le projet de loi et que l'on y ait en fait recours de façon systématique.
Confiscation de biens acquis légalement sans indemnisation.
Culpabilité par association. Cela correspond à l'alinéa 111.1.(b), si je ne me trompe. J'ai quelque chose à dire à ce sujet. Je n'aurais jamais cru que l'on envisagerait une telle mesure législative dans un pays comme le nôtre.
Collaboration obligatoire avec la police, alinéa 100(a) et (b). Même chose. Je n'aurais jamais cru me trouver dans un pays où l'on propose ce genre de chose.
Révocation du droit de garder le silence: même chose.
Passons maintenant à la question du coût de l'enregistrement. Les autres témoins en ont beaucoup parlé; aussi, nous ne tenons pas à nous étendre sur le sujet. Nous avons communiqué avec des entreprises comme VISA et MasterCard ou avec d'autres établissements émetteurs de cartes de crédit pour essayer de savoir combien leur coûte l'émission de leurs cartes et combien un système de ce genre peut coûter d'une manière générale, mais nous n'avons pas encore reçu de réponses.
D'après les derniers renseignements que nous avons reçus, en Ontario, l'émission des cartes santé coûte à peu près 23$ pièce. Dans ce cas, en se basant sur les chiffres avancés par le gouvernement, c'est-à-dire en supposant que le nombre de propriétaires d'armes à feu s'élève à sept millions, cela fait une centaine de millions de dollars ou plus, rien que pour émettre les cartes. Ce serait ridicule de croire un seul instant qu'il se trouve ici dans cette pièce une seule personne qui croit que cela coûtera seulement 85 millions de dollars.
Frais connexes. Ça concerne uniquement l'enregistrement. Nous ne tenons pas compte de toutes sortes d'autres frais. Les gens du Yukon sont un cas particulier parce que les armes à feu font partie du mode de vie et que tout le monde possède des armes, tous les gens que je connais, du moins. Nous ne tenons toutefois pas à considérer que c'est un problème qui ne concerne que le Yukon, parce que ce n'est pas vrai. Le problème, c'est ce projet de loi.
Je me bats depuis toujours contre la législation sur les armes à feu et je connais un tas de gens comme moi. Personne n'a jamais calculé le coût de tout le temps que nous passons tous à nous déplacer pour témoigner, à discuter et à assister à des réunions, par exemple. Si l'on m'avait payé un dollar de l'heure pour tout le temps que j'ai consacré à cela depuis 20 ans, je pourrais prendre ma retraite. Personne n'a jamais évalué le manque à gagner. Pendant que nous faisons cela, nous ne travaillons pas. Quand on ne travaille pas, on ne paye pas d'impôts. Quand on ne paye pas d'impôts, c'est qu'on n'a pas le revenu et on peut dire adieu à sa pension.
Commerce d'armes. Armuriers. J'ai pratiqué ce genre de commerce toute ma vie. Je suis armurier de métier. Ce projet de loi m'oblige à cesser complètement. Je viens de vendre mon magasin parce que je croyais que c'était une bonne idée de le faire alors que je réalisais encore des bénéfices. Depuis deux ans, mes ventes d'armes de poing sont devenues pratiquement nulles et celles d'armes d'épaule ont diminué de 40 à 45 p. 100. C'est un coût dont on ne tient pas compte non plus.
Certaines organisations, comme des associations de campeurs et de sportifs, parlent de boycotter la chasse et la pêche au Canada. Je ne sais pas quelles répercussions cela aura à Ottawa, mais au Yukon, elles seront plutôt catastrophiques. Une grosse partie de notre économie repose sur les pourvoiries et dans ce milieu, on gagne déjà très mal sa vie. Les pourvoyeurs doivent déjà souvent se contenter de 5 000$ de bénéfices et il leur arrive de devoir travailler pour rien pendant des années. Ces coûts n'ont jamais été calculés ni pris en considération dans toutes les explications que nous a fournies le gouvernement.
Et puis, il y a ceux qui respecteront la loi et il y a les autres. Parmi les autres, il y en a qui se feront attraper et qui devront être pris en charge par les tribunaux et peut-être mis en prison. Cela, c'est une dépense que l'on n'a pas calculée.
Nous n'avons pas eu le temps de vraiment mesurer ce que coûtera le projet de loi, mais je suis certain que ce n'est pas 85 millions. Ce chiffre ne tient pas debout.
Pour ce qui est de l'expansion des pouvoirs des policiers, là aussi nous avons beaucoup de réserves. Au Yukon, la plupart des agents de la GRC s'adonnent au tir et à la chasse et, comme moi, je suis armurier, il y en a beaucoup que je fréquente. Ce sont de braves types, je n'ai pas de problème avec eux. Un policier reste toujours un policier et si quelqu'un peut outrepasser ses pouvoirs, il le fera. Tout le monde le sait.
Cet article - 99, je crois - permet au ministre provincial de désigner à peu près n'importe qui policier. À partir de ce moment-là, il peut faire tout ce dont on a parlé, comme la perquisition et la saisie et tout le reste. Cela nous inquiète beaucoup.
Avant de reparler des chiffres de tout à l'heure, j'aimerais vous dire ce que nous souhaitons être le résultat de vos travaux ou de la loi. Pour commencer, il faudrait que le projet de loi soit torpillé et qu'on fasse des études sérieuses à la place. C'est cela qu'on veut. On veut aussi combattre la violence et le crime.
Comme le vérificateur général le dit dans son rapport, on n'a pas les données qu'il faut pour évaluer les résultats de la dernière loi sur les armes à feu, pas plus que la précédente. M. Rock lui-même a reconnu qu'il ne pouvait pas garantir les effets de cette loi. Je n'en revenais pas.
Russell MacLellan, secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, a déclaré à la Chambre que la loi de 1978, celle de 1992 et le projet actuel permettent d'adopter plusieurs mesures de limitation différentes parallèlement. Les chercheurs et les statisticiens ne peuvent donc pas mesurer exactement l'effet de telle ou telle mesure pour réduire le nombre de crimes violents ou améliorer la sécurité publique.
Quantité de nouveaux documents défendent l'un et l'autre côté de la médaille et bon nombre d'entre eux sont sans fondement et ne valent rien. Est-ce qu'il n'aurait pas été plus rationnel de mettre de l'ordre dans cette pagaille, de déterminer d'abord de quoi l'on parle et de voir où est le problème?
Le prétexte invoqué pour adopter une nouvelle loi c'est toujours de dire que la dernière n'a pas été efficace. Le gouvernement s'y est pris à trois fois et il n'a toujours pas atteint son but. Désolé de vous le dire, mais on vous avait prévenus. Ce prétexte ne vaut pas tripette et la dernière loi en date n'avait pas plus de chance de marcher que celle-ci, et je vous prédis que vous entendrez la même rengaine dans quelques années. Les politiciens ne sont pas là pour résoudre les problèmes; ils sont là pour se faire réélire. Est-ce qu'il faudra attendre d'être complètement dépassé par le problème avant de faire ce qu'il faut?
Il n'est pas nécessaire qu'une commission royale d'enquête coûte les yeux de la tête, en tout cas pas autant que le projet de loi C-68, surtout si le gouvernement décide enfin de donner suite à la montagne de documents qui existent déjà au lieu de semer davantage de confusion, comme cela va arriver avec le projet de loi C-68. D'ailleurs, je n'en revenais pas de voir combien de documents du gouvernement confirment ce que nous disons - est-ce qu'il y a quelqu'un qui les lit? Une enquête permettrait de fouiller le dossier et de préparer une loi qui s'attaquerait aux vrais problèmes à un prix abordable.
Je passerai rapidement là-dessus. Pour nous, le problème, ce n'est pas le fait de posséder une arme mais bien le phénomène de la violence. Il y a bien des causes à ce phénomène et le rôle d'une commission royale d'enquête serait de s'attaquer à ce problème plutôt qu'à la possession d'armes à feu.
De toute façon, comme je l'ai dit, le gouvernement s'est essayé trois fois et n'a toujours pas atteint son but.
En passant, je voudrais dire quelque chose à propos des statistiques. Nous ne connaissons pas toutes les études qui ont été faites. Je m'excuse, nous ne sommes pas statisticiens non plus. Nous avons trouvé des documents qui semblent dire les choses telles quelles et d'autres pas. Il a été pas mal difficile de trouver un lien logique dans les chiffres. On a examiné les choses d'un peu plus près et on a trouvé des choses bien étranges.
Par exemple, on a appris que le New England Journal of Medicine, qui a publié la célèbre étude sur la violence familiale, a affirmé qu'on l'on avait bien plus de risques de se faire tuer dans une maison où il y a une arme. Il semble que la question n'avait été posée qu'aux personnes où il y avait eu un homicide dans la famille. Si c'est le cas, si je comprends bien, est-ce que cela ne revient pas à faire un sondage dans toutes les maisons où habite un diabétique et conclure que les risques d'avoir le diabète est bien plus grand s'il y a de l'insuline dans la maison ou que les hôpitaux sont des endroits très dangereux parce qu'il y a là beaucoup de décès? Ces études... [Inaudible - Éditeur]. De toute évidence, nous n'avons pas eu le temps de fouiller dans tous les documents que nous avions.
Cela me rappelle l'affirmation des chefs de police pour qui la moitié des armes volées sert à la perpétration d'un crime. Est-ce qu'on n'a pas une chance de tous les diables que seulement la moitié de nos criminels commettent un crime? Par définition, celui qui vole est un criminel et s'il est un criminel, il ne va pas respecter la loi, mais plutôt commettre d'autres crimes. Je trouve donc ces études bien étranges et j'ai bien des réserves. Nous aimerions bien voir la réforme du système de justice que nos collègues réclament.
On a le sentiment au Canada, au Yukon en tout cas, qu'il n'y a plus de justice et que plus personne ne sait comment marche ce foutu système. Il y a quelques semaines, on a arrêté un type qui s'était amené dans un bar avec un fusil de chasse tronçonné et il s'en est tiré avec une journée et une mise en probation. Cela dépasse l'entendement. Au Yukon, on va recommencer à utiliser ces choses qui reviennent à la mode, comme le cercle de punition. C'est de la blague. Les seuls qui prennent cela au sérieux, ce sont ceux qui travaillent dans le système de justice. Le reste des gens et ceux qui passent par là ne prennent pas cela au sérieux.
La vérité, c'est qu'au Canada le crime rapporte. Nous n'avons pas de système policier. Bien sûr, on met bien des gens en prison, mais quelle sorte de prison? Quelle sorte de punition est-ce que c'est que cela?
J'ai dû dépasser beaucoup le temps qui m'était donné. Comme je vous l'ai dit, je ne pouvais pas vous faire mon exposé en 15 minutes, monsieur le président. Je vais me contenter de vous lire la conclusion.
Pour résumer, nous avons tenté en vain d'établir le lien entre les intentions annoncées louables du gouvernement et les conséquences horribles qu'aura le projet de loi. Nous n'avons trouvé aucun lien logique ou raisonnable entre les diverses études que nous avons laborieusement compilées et les diverses déclarations du ministre concernant l'esprit et les effets du projet de loi C-68.
Tous nous attendions une loi qui combattrait le crime et les criminels. Une loi comme celle-là aurait reçu un appui unanime et enthousiaste. Alors, nous attendons toujours.
Nous sommes arrivés à la conclusion que le projet de loi C-68 n'a rien à voir avec la criminalité ou la violence. Ce n'est qu'une attaque sans retenue contre les propriétaires légitimes d'armes à feu au pays. C'est ce que laisse entendre tout ce qui a entouré ce projet de loi. De fait, si celui-ci est adopté, la sanction pour avoir contrevenu à une formalité d'écriture sera plus lourde que pour le vol de l'arme en question ou la perpétration d'une infraction avec cette arme. Il est honteux et répugnant que le gouvernement puisse croire que les Canadiens croiront qu'il en va autrement. Si cette loi n'a rien à voir avec le crime, à quoi sert-elle et pourquoi nous l'imposer maintenant?
On dirait qu'il n'y a que M. Chrétien qui ne voit pas l'abîme dans lequel a sombré notre économie. Le groupe de discussion d'un colloque international auquel j'ai participé en juin à Taïwan a conclu à l'unanimité que le Canada ne pourra pas régler ses problèmes économiques à moins de fournir «entre 10 et 15 ans d'un labeur acharné», pour reprendre leurs termes, et que le gouvernement n'a pas d'autre choix que de s'approprier notre richesse individuelle pour payer le prix de la spoliation de nos ressources au cours des dernières décennies. La majorité des analystes financiers sont de cet avis.
S'il agit ainsi, est-ce parce que le gouvernement veut éviter la fureur de la population et détourner l'attention sur les propriétaires d'armes respectueux de la loi? Essaye-t-il d'échapper aux conséquences du gaspillage de nos richesses? Ou est-ce parce que toutes les valeurs de ceux qui habitent les tours de verre, comme Derek Wilson appelle l'élite libérale, ne sont rien d'autre que des voeux pieux, une tragique et monumentale incompréhension de la nature humaine qui veut que s'attaquer aux problèmes de la violence suppose de s'attaquer à des vaches sacrées, reconnaître son ignorance ou, pis encore, la stupidité d'une élite méprisante dont la seule réalisation a été de balancer des outils de société qui ont travaillé en faveur des caprices à la Peter Pan qui paraissaient séduisants et qui, ce faisant, a dilapidé la richesse de trois générations en trois courtes décennies?
En sommes-nous à l'étape classique dans la vie de toute civilisation, où une élite indélogeable et indigne légifère en vue de confirmer son isolement dans une tentative, vouée à l'échec, pour figer la structure du pouvoir et éviter de payer le prix de sa mauvaise administration? Ou est-ce simplement que tout ce qui compte, comme M. William Gairdner l'a écrit, «est d'éviter de remplir certaines fonctions fondamentales comme la prévention de la véritable criminalité et de songer à des fonctions purement fictives qui permettront d'augmenter les recettes, d'accroître le pouvoir de la police ou de la bureaucratie, et d'entretenir l'illusion que l'État fait son travail»?
La présente mesure législative n'a rien à voir avec la prévention de la criminalité ou de la violence et elle est entièrement conçue comme un grand exercice de sociologie appliquée, pas tellement différent de ce que le gouvernement du Canada fait aux Premières Nations depuis le début du siècle. On cible un mode de vie et on légifère pour l'annihiler avec la bénédiction de l'élite en place et dans l'indifférence des masses préoccupées. Il suffit d'examiner les hypothèses faites par le gouvernement, comme nous avons tenté de le faire brièvement, pour être parfaitement convaincus du caractère sournois de son objectif.
Cela ne veut pas dire que nous nous montrons condescendants envers ceux qui appuient ce projet de loi, principalement des citadins, ou que nous ne tenons aucun compte de leurs nombreuses préoccupations. Ce n'est pas le cas. Étant donné qu'ils n'ont aucune expérience des armes à feu, à l'exception de ce qu'ils voient à la télévision, connaissant peu ou pas du tout la loi - tant la loi en vigueur que celle qui est proposée - exposés quotidiennement à des médias mal informés et biaisés, assaillis par une propagande faite aux frais des contribuables, voyant la criminalité augmenter et la violence s'insinuer dans tous les aspects de leur vie sociale, il semble naturel qu'ils aient tendance à demander qu'on fasse quelque chose - n'importe quoi. Leur problème n'est pas une question d'intelligence ou d'honnêteté, c'est un problème de connaissance. M. Mauser a montré d'une manière indubitable que s'ils avaient une connaissance convenable des plans du gouvernement, la majorité des gens rejetteraient la mesure.
Nous tous, que nous soyons favorables aux armes à feu ou que nous y soyons opposés, voulons la même chose; une société sûre, une société dépourvue de violence, une société libre. Nous divergeons d'opinion seulement au sujet des outils nécessaires pour atteindre cet objectif. Le gouvernement utilise ce manque de communication et de compréhension pour atteindre ses propres fins sur le plan politique, quel que soit le prix à payer sur le plan émotionnel, sociétal et financier. En provoquant une brouille entre deux groupes de Canadiens tout aussi préoccupés, tout aussi respectueux de la loi, tout aussi honnêtes, le gouvernement peut gagner sur deux plans à la fois, premièrement en nous empêchant de le forcer à résoudre vraiment le problème et, deuxièmement, en détournant notre attention du gachis complet qui a résulté de ses interventions dans presque tous les autres aspects de notre société qu'il a essayé de réglementer.
Ce qui sépare les gens en faveur des armes à feu et ceux qui s'y opposent, c'est un fossé philosophique qui ne sera probablement pas comblé de notre vivant. Rousseau n'aimera jamais Voltaire. Cette mesure législative frappe au coeur même de leurs croyances respectives. L'approche favorisée par M. Rock élargira ce fossé et fera monter la fureur et le manque de respect à un niveau qui causera énormément de torts à la société canadienne. La bonne façon, la façon civilisée, la seule façon d'agir serait de proposer une mesure législative qui montre un certain respect pour les partisans des deux côtés et qui résout énergiquement les questions sur lesquelles il y a consensus.
Tous les Canadiens supplient le gouvernement de proposer un projet de loi qui permettra de s'occuper de l'élément criminel. J'espère que le gouvernement écoutera cette supplique que nous lui adressons tous et agira en conséquence avant qu'il n'y ait plus aucune civilité qui vaille la peine d'être sauvée.
Tous nos membres estiment que le projet de loi C-68 ne peut pas marcher, qu'il est inacceptable et qu'il doit être torpillé. Il y a peu de certitudes dans la vie. L'une des rares certitudes est que peu importe ce qu'il adviendra - peu importe ce qui se passera au Comité - la mesure législative concernant les armes à feu constituera un enjeu important lors des prochaines élections, comme cela a été le cas lors des dernières élections.
Je vous remercie, monsieur le président. Je suis désolé d'avoir pris autant de temps.
Le président: Avez-vous terminé votre exposé?
M. Rogan: Oui.
Le président: Les membres du Comité acceptent-ils que le mémoire complet qu'a préparé la Responsible Firearms Owners Coalition of Yukon soit annexé au compte rendu des délibérations d'aujourd'hui?
La motion est adoptée
Le président: Nous allons maintenant passer aux questions comme d'habitude. Mme Venne a la parole pendant dix minutes.
[Français]
Mme Venne (Saint-Hubert): Merci, monsieur le président. Madame, messieurs, bonjour. Quand vous avez terminé votre présentation, monsieur Rogan, vous avez dit que lors des prochaines élections, la Loi sur les armes à feu prendra autant de place que durant la dernière campagne électorale. Je vous ferai remarquer qu'au Québec, cela n'a pas pris beaucoup de place pendant la dernière campagne électorale. Si c'est la même chose, cela ne fera pas fureur. Ce n'est pas une grosse menace que vous nous faites là.
Je voudrais également vous dire que je suis moi-même propriétaire d'une arme. De plus, j'estime être une propriétaire responsable. Je dis ceci pour bien vous situer, afin que vous ne pensiez pas que je parle de choses que je ne connais pas.
Je veux vous parler, en premier lieu, de votre brochure dans laquelle vous mentionnez que le ministre Allan Rock veut prohiber toutes les armes à feu.
Je m'adresse maintenant aux gens de la Colombie-Britannique. Dans votre brochure, vous dites que le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique veut rendre illégales toutes les armes de chasse. Il veut, selon vous, rendre la chasse illégale. Je me demande où vous avez pris ces renseignements. Est-ce que vous pouvez nous l'expliquer? Est-ce que vous avez des contacts avec le gouvernement néo-démocrate qui vous font penser qu'il a l'intention de rendre la chasse illégale?
[Traduction]
M. Rogan: Il y avait là deux questions.
Mme Easdown: Oui, je ne comprends pas très bien. Elle parlait à M. Rogan, et tout à coup, à mi-chemin, elle s'est adressée aux témoins de la Colombie-Britannique. Je crois toutefois que la question que vous vous posiez...
[Francais]
Mme Venne: Vous me dites que vous n'avez pas saisi. Ma question comportait en effet en deux parties. La deuxième, comme je l'ai mentionné s'adressait aux représentants de la Colombie-Britannique. Je parle de votre brochure dans laquelle vous dites que le minsitre Allan Rock veukt interdire toutes les armes à feu et que le gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique veut rendre la chasse illégale. Sur quels renseignements vous basez-vous pour faire des affirmations comme celles-là?
Ensuite, M. Rogan pourra répondre à la première partie de ma question.
[Traduction]
Mme Easdown: En ce qui concerne le dépliant et l'idée que la chasse serait interdite dans la province, il s'agit d'un article qui a paru dans un magazine de la Colombie-Britannique et que le gouvernement provincial nie... il dit plutôt que les renseignements fournis sont inexacts. Cependant, certains renseignements qu'on a fournis à la coalition indiquent que l'article de journal représentait en fait une bonne interprétation.
Les études se poursuivent dans la province en vue de déterminer quels règlements relatifs à la chasse seront modifiés. Je crois que la principale préoccupation du groupe de chasseurs concerne les règlements relatifs à la chasse sportive, c'est-à-dire quelle viande la loi identifiera comme étant comestible, notamment.
L'article dont il est question dans ce dépliant est un article qui a été publié dans un magazine. Nous vous transmettrons plus tard les renseignements en question, si vous nous demandez de le faire.
[Français]
Mme Venne: Il faudra demander au gouvernement de la Colombie-Britannique ce qu'il en pense lorsqu'il viendra faire un tour.
La deuxième partie de ma question s'adressait à M. Rogan.
[Traduction]
M. Rogan: La question portait sur...
Le président: Je suis désolé de vous interrompre, mais Mme Venne a également dit qu'on mentionnait dans cette brochure que le gouvernement fédéral allait interdire toutes les armes à feu.
Mme Venne: En effet.
Le président: Elle vous a demandé d'où provenait ce renseignement.
Mme Easdown: C'est l'impression qu'on a donnée au début. Vous ne devez pas oublier que la brochure est l'une des premières qu'on a publiées. Au début, avant le dépôt du projet de loi C-68, on nous a fourni plusieurs renseignements indiquant certainement que telle était l'intention du gouvernement.
Si vous examinez le nombre de changements apportés à la liste des armes à feu qui seront dorénavant interdites, il semble bien qu'un jour... Nous ne disons pas que cela se fera immédiatement, mais les propriétaires d'armes à feu craignent certainement que le gouvernement ait l'intention d'interdire toutes les armes à feu à un moment donné. L'article concernant les décrets et les pouvoirs considérables qu'aura le ministre montre clairement, à notre avis du moins, que le gouvernement aura la possibilité de le faire. C'est une conclusion qu'on a tirée des renseignements qu'on nous a fournis.
Le président: Monsieur Rogan.
M. Rogan: Si j'ai bien compris, vous avez parlé du fait que les armes à feu prendront autant de place lors de la prochaine campagne électorale qu'elles en ont pris lors de la dernière campagne.
Je suis très heureux que vous ayez soulevé cette question.
Il est un peu étrange sinon ironique que cette question soit posée par un député du Bloc québécois, parti dont l'unique mandat est de séparer le Québec du reste du Canada; il est étrange que vous vous préoccupiez autant des lois que devront respecter les autres régions du pays une fois que votre province sera devenue indépendante. C'est ironique et plutôt intéressant.
[Français]
Mme Venne: Tant qu'on est là, elles s'appliquent, cher monsieur. Si on doit les endurer, il vaut mieux le faire comme il le faut.
[Traduction]
M. Rogan: Oui, je sais que vous êtes toujours là, et en fait le contrôle des armes à feu n'a jamais vraiment été un problème au Québec. Cependant, lors des dernières élections, tout particulièrement celles qui ont été caractérisées par la défaite humiliante du Parti conservateur sous la direction de Kim Campbell, on a constaté... En fait, quoique nous ne sachions pas vraiment le rôle qu'a joué à cet égard le propriétaire d'armes à feu, il reste qu'il a joué un rôle non négligeable.
[Français]
Mme Venne: Ma deuxième question s'adresse aux deux groupes. Êtes-vous au courant des efforts que font certains groupes ou certaines personnes qui prônent la désobéissance à la loi? Êtes-vous au courant que des groupes font cette promotion-là? Pensez-vous que c'est une façon responsable d'agir?
[Traduction]
M. McCollum: Je n'approuve certainement pas le non-respect d'une loi dûment adoptée par le Parlement. On a dit qu'une mauvaise loi ne peut pas être appliquée, et je suis d'accord, mais notre groupe, la Responsible Firearms Owners Coalition of British Columbia, n'a jamais encouragé ses membres au non-respect de la loi. Nous espérons simplement que cette mesure législative sera rejetée, qu'elle ne sera pas adoptée. Cependant, si elle l'était, nous n'encouragerions certainement pas nos membres à faire fi d'une loi dûment adoptée.
Mme Easdown: J'aimerais poser une question. Quand vous dites que certains groupes préconisent le non-respect de la loi, à quels groupes pensez-vous? Plusieurs groupes ont témoigné devant le Comité.
Le président: Cela figure aux procès-verbaux du Comité. Nous avons entendu des groupes qui nous ont dit qu'il leur serait difficile de respecter la loi et qu'ils ne pensaient pas être en mesure de convaincre tous leurs membres de respecter cette mesure législative; nous avons également lu des articles rédigés par certains groupes qui ont clairement dit qu'ils ne respecteraient pas la loi.
Mme Easdown: Parlez-vous de groupes qui font partie de l'association Responsible Firearms ou d'autres groupes?
Le président: Je ne crois pas que la députée faisait allusion à votre témoignage. Ce n'est pas ce que vous avez dit.
Mme Easdown: Non, mais il reste que pour répondre à la question, je dois savoir s'il s'agit de groupes de propriétaires d'armes à feu.
Le président: Je crois que la députée se demandait simplement si vous appuyez la position adoptée par certains groupes. Certains groupes nous ont dit que ce serait là l'attitude qu'ils adopteraient, et nous avons lu des articles où on parlait d'autres groupes qui ont dit qu'ils ne respecteraient pas la loi. Elle vous a demandé si vous aviez la même attitude et vous avez répondu non. M. McCollum a donné une réponse bien directe. C'est tout ce dont nous avons besoin.
Mme Easdown: C'est vrai. En fait, nous dirions clairement à nos membres d'agir selon leur conscience. De faire ce qui leur semble correct. Nous n'approuvons ni n'encourageons le non-respect de la loi.
Le président: Bon. Vous avez répondu à la question.
[Français]
Mme Venne: Ma question s'adresse aux représentants du Yukon. Vous dites, à la page 6 de votre mémoire, qu'on devrait garder des armes à feu pour se protéger du gouvernement. J'aimerais savoir ce que vous voulez dire par cela. C'est dans le paragraphe qui s'intitule Public Safety.
[Traduction]
M. Rogan: J'aimerais bien répondre à cette question. J'aimerais bien répondre à la question qu'on nous a posée plus tôt car je n'ai pas eu l'occasion de le faire.
J'aimerais dire, avant de répondre à ces deux questions, que vous utilisez l'expression «non-respect» comme si c'était un juron. J'aimerais savoir en fait ce que vous en pensez. Croyez-vous que le non-respect d'une loi ou d'une mesure législative n'est jamais justifié? En d'autres termes, peu importe ce que précise la loi, peu importent les circonstances, il faudrait toujours la respecter?
Le président: Monsieur Rogan, nous vous avons invité aujourd'hui pour que vous puissiez nous expliquer votre position. Mme Venne devra faire connaître sa position à la Chambre lors de son intervention et lors du vote. Elle n'est pas témoin aujourd'hui.
M. Rogan: Je le sais, monsieur le président. Je voulais simplement connaître son interprétation de l'expression «non-respect» pour être mieux en mesure de répondre à sa question. Cependant, si cela cause des problèmes, elle n'est pas tenue de me répondre.
Pour ce qui est du non-respect, c'est une chose qui se produit déjà au Canada, que cela vous plaise ou pas. Je connais des policiers au Yukon qui ne respectent toujours pas la loi la plus récente, et je suis convaincu qu'ils en sont parfaitement conscients. C'est probablement parce qu'il s'agissait de modifications radicales à la loi qui ont semé la confusion. Le non-respect existe donc déjà. Lorsque ce projet de loi sera adopté, il y aura non-respect qu'on veuille le reconnaître ou pas. Je peux vous dire personnellement que je ne pourrai pas respecter certaines des dispositions de la loi.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Je ne suis pas vraiment un chasseur, mais j'aime bien manger de la viande. Parfois je vais à la chasse et je mange la chair de l'animal que j'ai tué. Je ne suis pas vraiment un chasseur. La dernière fois que j'ai tué un ours brun, il y a environ quatre ans, c'était pour protéger ma femme. Nous étions à notre chalet et nous cueillions des baies - en fait, je me soulageais dans les buissons - quand j'ai vu un ours brun à l'air plutôt agressif qui se dirigeait vers nous. Je suis retourné rapidement sans trop faire de bruit au chalet, j'ai pris mon fusil, qui était chargé, et qui n'était pas muni d'un verrou d'arme, fort heureusement. Quand j'ai tué l'ours il était à environ 20 verges de ma femme. Il se dirigeait vers elle au grand galop. C'est vrai que c'était peut-être du théâtre et qu'il aurait peut-être décidé de s'arrêter à 10 verges d'elle, mais je n'en étais pas certain et je n'ai pas attendu pour voir ce qu'il ferait.
Évidemment, je ne mettrai jamais de verrou d'arme sur une arme que j'utilise en forêt et je ne sortirai jamais avec une arme non chargée. Il y a donc des dispositions de la loi que je ne pourrai jamais respecter, même si je le voulais, et c'est une réalité de la vie. Un point c'est tout.
Quant à la sécurité publique, après toutes les audiences présentées à la télévision où ont été disséquées toutes les dispositions du projet de loi, il me semble que tout le monde doit être au courant des problèmes, qu'il s'agisse de perquisitions, de saisies, etc. Le fait demeure que le droit de posséder une arme à feu est l'épreuve décisive de la démocratie. Si vous voyagez beaucoup vous constaterez que les pays où il fait bon vivre n'ont pas de problèmes avec les armes à feu.
En me préparant pour cette réunion, j'ai lu dans un journal un article où on signalait qu'un comité semblable avait étudié la question en Grande-Bretagne au XVIe siècle. Le problème n'est donc pas nouveau.
Je ne m'éloigne pas du sujet. Je dis simplement que pour qu'il y ait démocratie, il doit y avoir un équilibre entre le pouvoir exercé par le gouvernement et la capacité de la population de s'y opposer. Sans cet équilibre, toute forme de liberté disparaîtra.
Vous ne semblez pas comprendre ce que je veux dire, mais tans pis. Je n'ai aucun autre commentaire à ajouter.
Le président: Avant de passer aux autres intervenants, j'aimerais signaler que le projet de loi prévoit des exceptions à l'égard de l'entreposage d'une arme à feu pour ceux qui vont à la chasse, ou qui se promènent en forêt ou qui sont en danger. Ainsi, conformément à cette exception que j'ai lue officiellement aux fins du procès-verbal à plusieurs reprises, vous n'êtes pas tenus de garder dans deux endroits différents l'arme à feu et les munitions. Cette exclusion est prévue justement pour la raison dont vous avez fait état, que vous pourriez être confronté à un ours brun, un ours polaire, les loups pourraient attaquer vos chiens ou des choses de ce genre. La mesure législative prévoit déjà des exceptions.
M. Rogan: J'ai peut-être mal compris cette disposition, mais d'après nous et d'après un de mes amis qui est policier au Yukon, cette exception ne vaut que pour les autochtones ou pour ceux qui ont un motif valable, cela veut dire des prospecteurs ou des trappeurs.
Le président: Je vous en ferai lecture plus tard. On n'y mentionne pas...
M. Rogan: Merci, je vous en serais reconnaissant.
Le président: Puisque cette séance est télévisée et que beaucoup de gens suivent nos délibérations, je voudrais dire à Mme Easdown que M. Rock a comparu devant le Comité et a dû répondre à tout un barrage de questions. Il a dit qu'il n'avait aucunement l'intention, et il en va de même pour le gouvernement, d'interdire toutes les armes à feu, d'interdire la chasse ou le tir de compétition. En fait, le ministre a répété à plusieurs reprises qu'il appuie les activités de chasse légitimes avec les armes à feu et le tir de compétition.
Je crois que laisser entendre que le ministre a des intentions cachées alors qu'il a dit devant le Comité et à la Chambre des communes, et ce, à plusieurs reprises... Vous pouvez vous en prendre aux dispositions du projet de loi qui ne vous conviennent pas, mais vous en prendre à des choses qui ne figurent pas en fait dans le projet de loi... Vous pouvez le faire, je suppose, mais je crois qu'il m'incombe de vous dire que le ministre a nié avoir de telles intentions. En fait, à ma connaissance, aucun député ministériel n'a de telles intentions.
Mme Easdown: Pour ce qui est du tir à la cible, en octobre, dans des documents que nous avons reçus du ministre, nulle mention n'était faite du tir à la cible. Les tireurs à la cible s'inquiétaient gravement de la situation. Dans sa correspondance, le ministre n'a jamais indiqué, à l'époque tout au moins, que les tireurs à la cible auraient le droit d'avoir une arme à feu. Il était précisé cependant que les chasseurs et les agriculteurs y auraient droit. Les tireurs à la cible ne figuraient pas sur la liste.
Le président: Il a dit, pendant...
Mme Easdown: Les choses ont été changées depuis; j'ai rencontré le ministre depuis et nous sommes maintenant rassurés.
Le président: Vous avez dit dans vos commentaires liminaires qu'à votre avis il s'agissait de la première étape d'un programme visant à interdire toutes les armes à feu. Vous avez le droit de tenir de tels propos, mais je dois signaler officiellement aux fins du procès-verbal ce que le ministre a dit, parce qu'il a dit exactement le contraire.
Mme Easdown: Peut-être, mais comme je l'ai signalé dans dans mes commentaires liminaires, je représente les membres de mon association. Ce que je dis reflète leur opinion.
Le président: Ils devraient se fonder sur les faits. Ils devraient obtenir les renseignements pertinents. Ce projet de loi ne vise aucunement à interdire toutes les armes à feu, et le ministre a dit que ce n'était certainement pas son intention.
Monsieur Thompson, vous pouvez adresser votre question à Mme Easdown.
Mr. Thompson (Wild Rose): Je tiens à remercier nos témoins de leurs exposés.
Madame Easdown, est-ce qu'un grand nombre de vos membres sont des femmes? D'aucuns disent que les femmes appuient sans équivoque cette mesure législative et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Easdown: Un certain nombre de femmes font partie de notre coalition, qu'elles soient propriétaires d'armes à feu ou pas, parce que les femmes s'intéressent beaucoup à cette question en Colombie-Britannique.
M. Thompson: Vous avez parlé de la chasse. Vous avez eu une petite discussion là-dessus il y a quelques minutes. Des représentants de l'Alberta étaient des nôtres ce matin et nous ont dit qu'ils avaient perdu 9 000 chasseurs en raison du projet de loi précédent, le C-17. Est-ce que la même chose se produit en Colombie-Britannique? Avez-vous des statistiques à cet égard, madame Easdown?
Mme Easdown: Je n'ai pas apporté mes statistiques sur la chasse en Colombie-Britannique. Cependant, on m'a dit que certaines personnes ne viendront plus chasser en Colombie-Britannique pour des raisons financières, et, pour être honnête, en raison du système d'enregistrement universel proposé dans le projet de loi. Je pense particulièrement aux chasseurs étrangers qui veulent apporter leurs armes à feu; ils ne viendront plus parce qu'ils devront enregistrer leurs armes à feu à la frontière. Cela aura donc un impact financier sur les chasseurs, les guides-pourvoyeurs et les autres intervenants qui se fient sur l'apport financier et économique des chasseurs étrangers dans leur communauté.
M. Thompson: Monsieur McCollum, êtes-vous policier à la retraite?
M. McCollum: J'ai été pendant plusieurs années conseiller auprès de la GRC.
M. Thompson: Faites-vous partie d'un groupe ou d'une organisation de policiers à la retraite?
M. McCollum: Non.
M. Thompson: J'ai cru comprendre qu'il existe un groupe de policiers à la retraite constitués en association qui n'ont jamais été consultés à l'égard de ce projet de loi. Nous avons essayé de découvrir de qui il s'agissait, mais nous n'avons pas encore pu le faire.
J'ai remarqué que dans votre mémoire, pour la région du Yukon, vous parlez des policiers. Je crois que vous avez dit que les chefs de police ne sont pas des policiers mais simplement des politiciens portant l'uniforme.
Nous avons entendu les témoignages du commissaire et des agents de la GRC ainsi que des représentants des chefs de police, peut-être une centaine d'entre eux, et un très grand nombre d'entre eux. Et je crois que 80:20 d'entre eux ont appuyé le projet de loi. Pourtant on me dit maintenant des choses différentes. Les représentants de trois des provinces que nous avons entendus ce matin nous ont dit qu'à leur avis les simples policiers n'appuient pas ce projet de loi.
Lors de mes déplacements, j'ai la même impression; cependant, même si je suis certain que certains sont de cet avis, je n'ai pu trouver quiconque à qui en parler. Le jour où les chefs de police se sont prononcés sur la question, huit chefs qui étaient venus à mon bureau se sont dits opposés à cette mesure. Je suppose qu'ils font partie des 20 p. 100 qui y sont opposés.
Votre groupe sait-il quelle est l'opinion des policiers de votre province à cet égard? Je parle de simples policiers, pas des chefs ou des patrons.
M. McCollum: Parlez-vous...
M. Thompson: J'aimerais que les deux témoins répondent à cette question.
M. McCollum: J'ai travaillé pendant plusieurs années comme bénévole auprès des services policiers et nombre de mes amis sont policiers. J'ai discuté de la question avec eux. Nombre d'entre eux font partie de notre organisation, même des représentants de la GRC et de la police municipale d'endroits comme Delta et Vancouver.
Pratiquement tous les policiers d'expérience s'opposent à ce projet de loi. Certains des plus jeunes qui n'ont pas encore beaucoup de métier et viennent à peine de finir leurs études ne sont pas encore conscients des problèmes qui existent dans les villes. Lorsqu'ils auront un peu plus de métier, il sera plus intéressant de discuter de la question avec eux. Je crois que certains d'entre eux aiment bien l'idée de se défaire de toutes les armes à feu pour qu'il n'y ait plus de problème. À mon avis c'est un peu naïf.
Mon voisin est caporal à la GRC. Il travaille à la coordinated law enforcement unit et également à la brigade anti-stupéfiants. Je lui ai parlé la semaine dernière parce que je voulais discuter de ce mandat de main-forte.
Il a été absolument renversé lorsqu'il a pris connaissance du projet de loi. Il n'était pas au courant de ses dispositions. Il est tellement occupé avec les mesures législatives touchant les stupéfiants. Lorsque je lui ai parlé de certaines choses qu'on trouvait dans le projet de loi, il m'a pratiquement traité de menteur jusqu'à ce que je puisse lui montrer le texte.
Il a dit qu'il ne comprenait pas. Le mandat de main-forte a été supprimé parce qu'il y avait danger d'abus. Pourtant, le gouvernement accorde dans cette mesure législative beaucoup plus de pouvoirs à tous les policiers et à quiconque est nommé policier par le ministre provincial.
Mon voisin est absolument renversé. Nul besoin de préciser qu'il s'oppose à ce projet de loi.
M. Rogan: Il est vrai que lorsqu'on entend parler de ces pourcentages et de ces études on trouve cela plutôt surprenant parce que cela ne correspond pas du tout à la situation au Yukon.
Le Yukon est une très petite communauté. Tous les gens se connaissent. C'est pourquoi je connais assez bien les policiers. Bon nombre d'entre eux font partie de notre club de propriétaires d'armes à feu.
Aucun agent de la GRC au Yukon ne m'a dit qu'il appuyait le projet de loi. C'est la même chose en Colombie-Britannique. Lorsque l'on a déposé le projet de loi, certains ne savaient pas vraiment sur quel pied danser, mais après en avoir pris connaissance, après avoir étudié le détail... tous nos amis policiers s'y opposent. Certains des policiers municipaux font partie de notre groupe et semblent s'y opposer également.
Évidemment, je ne suis pas copain avec tous les agents de la GRC du Yukon. Je ne peux pas parler au nom de tous ces agents, mais je peux vous dire que tous ceux que je connais s'opposent à cette mesure législative.
M. Thompson: Dans le document, on parle d'être coupable à moins de preuve du contraire, de la suppression du droit de garder le silence, de la confiscation sans dédommagement; l'autre élément que vous avez mentionné, qui est apparemment celui qui suscite la plus vive controverse, est la prise de décrets en conseil. Du jour au lendemain, quelques heureux élus, plutôt que la population, si cette mesure législative est adoptée, pourront établir les règles. Je crois que vous avez dit qu'il s'agissait d'une violation de la démocratie.
Lors de vos déplacements dans votre province et lors de vos discussions avec vos membres, avez-vous constaté que la principale préoccupation que suscite ce document de 124 pages est qu'il est interprété comme allant à l'encontre des libertés civiles des Canadiens? Est-ce là la principale préoccupation?
M. Rogan: C'est ce qui préoccupe le plus nos membres.
Vous ne pouvez pas blâmer les gens de se méfier du gouvernement. Nous pouvons tous vous expliquer pourquoi nous craignons que notre mode de vie change de façon radicale, tout particulièrement au Yukon.
Les membres de mon Club Rotary appuyaient tous le projet de loi C-68. Il y a eu une discussion informelle et tout le monde était d'accord. Puis j'ai pris la parole pour expliquer à mes collègues ce que représentait en fait le projet de loi. Comme d'autres l'ont déjà fait, j'ai constaté que lorsque vous étudiez vraiment le projet de loi, vous constatez que les gens sont vraiment horifiés devant ce qu'on y propose.
Pour en revenir à votre question, j'ai commencé par demander - je parle ici des membres du Club Rotary - pas d'une bande de crétins qui se retrouvent dans la taverne du quartier - «est-ce que quelqu'un dans cette salle pense que M. Rock dit la vérité?» Il y a un eu un long silence et puis quelqu'un a ricané et puis tout le monde s'est mis à rire. C'est ce que les Canadiens pensent. Vous ne pouvez donc pas blâmer ceux qui ont certaines réserves à l'égard d'un projet de loi si général qui comporte quelque 200 règlements.
Mme Easdown: Les résidents de la Colombie-Britannique que nous représentons s'inquiètent des libertés civiles. Je suis surprise du nombre de gens qui demandent «savez-vous ce qui se passe», et du nombre de gens qui, en fait, ne savent pas ce qui se passe parce qu'ils ne peuvent pas obtenir de copie du projet de loi. Puis, quand nous leur montrons ce qu'on nous propose, ils sont absolument renversés.
Le citoyen moyen Colombie-Britannique s'inquiète gravement de l'impact de cette mesure législative sur les libertés civiles. L'inversion du fardeau de la preuve, ce qui force un prévenu à démontrer son innocence, plutôt qu'à la Couronne de prouver votre culpabilité, est un grave problème. Les résidents de la province s'inquiètent des dispositions qui portent sur la fouille. Ils craignent des abus. «Si nous ne collaborons pas avec la police, qu'est-ce qui va se passer?» C'est ce que les gens me disent. Ils viennent me dire qu'ils n'arrivent pas à croire que le gouvernement propose de telles choses. Nous les exhortons à communiquer avec le gouvernement pour obtenir de plus amples renseignements.
Les gens s'inquiètent beaucoup de ces propositions parce qu'ils se demandent ce qui se produira à l'avenir. La position du gouvernement actuel est connue, mais que se passera-t-il avec les gouvernements qui le remplacent? Les dispositions sur les décrets en conseil auront déjà été mises en oeuvre. Vous dites que M. Rock n'a aucunement l'intention de faire certaines choses qui nous préoccupent, mais pouvez-vous nous offrir les mêmes garanties pour les gouvernements qui seront élus plus tard? Ils auront toujours ce pouvoir. M. Rock ne peut pas parler en leur nom. Et je crois que c'est là ce qui inquiète les résidents de la Colombie-Britannique.
M. Thompson: J'en déduis donc que les provinces que vous représentez sont d'avis que ce projet de loi devrait être retiré car il n'y a pas vraiment moyen de le modifier. Est-ce bien cela?
M. McCollum: Au nom de la Colombie-Britannique, je peux vous dire que vous avez raison.
Mme Easdown: Oui.
M. Rogan: C'est exact.
Le président: Avant de céder la parole à Mme Torsney, je dois rappeler une chose: nous ne sommes pas un tribunal et nous ne pouvons accepter le ouï-dire en preuve.
J'aimerais rappeler aux députés qu'ils peuvent sans hésitation demander à nos témoins ce qu'ils pensent d'une chose ou d'une autre. C'est cependant une autre chose de leur demander ce que pensent les policiers de leur province car nous avons entendu des représentants de l'Association canadienne des policiers, de l'Association canadienne des chefs de police et du Canadian Association of Police Board qui nous ont dit qu'ils ne représentent pas 100 p. 100 de leurs membres, mais que la majorité d'entre eux appuient ce projet de loi; de parler de policiers anonymes dont nous ne connaissons pas les noms... de dire «j'ai entendu un policier à quelque part dire ceci cela...». Nous pouvons continuer à le faire, mais ces commentaires ne sont pas vraiment crédibles; en fait, si nous étions un tribunal, nous devrions décider s'il s'agissait là de ouï-dire.
Je crois que nos témoins peuvent fort bien nous dire ce qu'ils pensent et que nous pouvons leur demander ce qu'ils pensent. Mais de nombreux députés, pas seulement M. Thompson, ont demandé à plusieurs témoins non pas ce qu'ils pensent mais ce que les policiers de leur ville, de leur province, pensent. Comme je l'ai signalé, je n'y peux rien, mais je crois qu'il vaudrait mieux que nous posions des questions aux témoins qui sont ici et que nous leur demandions ce qu'ils pensent. Quand les policiers viendront, nous pourrons leur demander ce qu'ils pensent.
Madame Torsney, vous disposez de dix minutes.
Mme Torsney: Madame Easdown, votre groupe publie-t-il The Firearms Sentinel?
Mme Easdown: The Firearms Central?
Mme Torsney: The Firearms Sentinel. Il s'agit d'une revue.
Mme Easdown: Non.
Mme Torsney: M. Sheldon Clare représente-t-il votre organisation?
Mme Easdown: Sheldon Clare est l'un des directeurs de la Responsible Firearms Owners Coalition; il représente également nombre d'autres groupes de propriétaires d'armes à feu. Je crois qu'il fait partie de la National Firearms Association, et probablement également de la B.C. Interior Firearms Coalition. Il est membre ordinaire de la RFOC, et il est également membre d'un autre groupe dont le nom m'échappe. Il s'intéresse de très près à la question des armes à feu.
Mme Torsney: Il parle donc au nom du groupe Responsible Firearms Owners Coalition de la Colombie-Britannique.
Mme Easdown: Il n'est pas porte-parole officiel de la RFOC, mais il participe aux activités du groupe.
Mme Torsney: Avez-vous, à titre de groupe responsable, renseigné tous les directeurs sur ce que représente cette mesure législative?
Mme Easdown: J'ai cru comprendre que tous les directeurs ont obtenu copie de la mesure législative, qu'ils ont lu le texte et qu'ils comprennent ce que propose cette mesure.
Mme Torsney: Depuis la publication de la brochure, c'est-à-dire avant la publication du projet de loi C-68, d'après ce que vous avez dit à Mme Venne... Voici ce qu'on y dit:
- Cette mesure vise les chasseurs. Elle ne porte pas simplement sur les armes à feu, mais sur le
contrôle que le gouvernement désire exercer. On n'y propose pas simplement l'enregistrement,
mais la confiscation sans dédommagement. Appuyez nos efforts.
- Depuis la publication de cette brochure et le dépôt du projet de loi, avez-vous publié une
modification à ce texte? Pouvez-vous nous en fournir une copie?
Mme Torsney: Vous avez en fait reconnu, lorsque vous avez parlé à Mme Venne, que cette brochure est criblée d'erreurs; je suppose que vous avez fait parvenir à vos membres et communiqué au grand public de nouveaux documents remettant les pendules à l'heure - parce que vous êtes, après tout, des citoyens responsables et respectueux de la loi, n'est-ce pas?
Mme Easdown: Parlez-vous du paragraphe sur la chasse ou de celui sur la confiscation sans dédommagement? Vous avez mentionné ces deux questions.
Mme Torsney: Je fais allusion aux deux questions, je ne représente pas le gouvernement de la Colombie-Britannique, et je n'ai donc pas besoin de me prononcer sur cette question. Mais je dois cependant relever que vous dites que nous voulons interdire toutes les armes à feu.
Mme Easdown: Je peux vous assurer que les propositions visant la confiscation sans dédommagement en ce qui a trait aux armes interdites nous inquiètent gravement.
Par exemple, je n'ai pas de certificat qui me permet... je ne suis pas propriétaire d'une arme à feu interdite, pas encore. Cependant, mon époux possède des armes à feu depuis beaucoup plus longtemps que moi. S'il mourait, il ne pourrait me transférer, dans son testament, ces armes à feu qui deviendraient interdites. Elles devraient être confisquées.
Le président: Ou vendues.
Mme Torsney: Pas nécessairement. Elles pourraient être vendues.
Mme Easdown: Oui, mais je ne pourrais pas les acheter. Je ne peux pas...
Mme Torsney: Si vous faisiez partie de la même catégorie, vous pourriez les acheter.
Mme Easdown: Mais ce n'est pas le cas, et je ne pourrais donc pas conserver certaines de ces armes qui m'auraient été léguées après son décès.
Mme Torsney: C'est exact. De toute façon, madame Easdown, je voulais simplement signaler qu'il y a des erreurs dans votre brochure.
Je suis députée et je représente ma circonscription. Je ne suis pas, contrairement à ce que vous décrivez dans votre brochure, un député qui ne rêve qu'à s'emparer des armes à feu.
Pourriez-vous remettre au Comité les brochures dans lesquelles vous décrivez de façon fort responsable cette mesure législative?
Pourriez-vous également nous remettre le document que vous avez fait parvenir à Sheldon Clare pour le rappeler à l'ordre, pour lui dire qu'à titre de citoyen respectueux des lois, il ne peut pas proposer la désobéissance civile, recommander aux gens de présenter plusieurs demandes de possession d'armes à feu, justifiées ou pas, pour ralentir le système, pour simplement en fait torpiller le système d'enregistrement des armes à feu. Pouvez-vous nous faire tenir copie de la mise en garde que vous avez certainement fait parvenir à un directeur de votre organisation qui suggère clairement de désobéir aux lois de ce pays, quelles qu'elles soient?
Mme Easdown: Vous pourriez peut-être fournir à mon groupe une copie de tous ces renseignements que vous venez de nous donner parce que je peux vous assurer que Sheldon Clare n'est pas le porte-parole de la RFOC à cet égard.
Mme Torsney: Madame Easdown, Sheldon Clare a clairement indiqué qu'il faisait partie de la NFA et de la RFOC de la Colombie-Britannique, et lorsqu'il affiche ses commentaires sur le réseau Internet, au Canada et à l'étranger, il dit représenter la NFA et la RFOC de la Colombie-Britannique et c'est d'ailleurs ce qu'il a dit lors de la réunion annuelle de la British Columbia Trappers Association qui a eu lieu du 17 au 19 mars.
Je me demande pourquoi vous laissez une personne qui donne une fausse interprétation de la loi représenter votre organisme alors que vous êtes une organisation responsable de propriétaires d'armes à feu.
Mme Easdown: Vous me demandez pourquoi il a dit de telles choses lors de la réunion de la British Columbia Trappers Association?
Mme Torsney: Non, je sais pourquoi il a tenu de tels propos. Je vous demande simplement de me fournir copie de la lettre que vous lui avez fait parvenir, ou d'un texte quelconque, qui indique clairement que vous êtes une personne responsable et une organisation responsable et que vous rappelez à l'ordre les directeurs qui présentent une fausse interprétation de cette mesure législative, qui utilisent le réseau Internet pour encourager les gens à inonder le service d'enregistrement des armes à feu de fausses demandes qui engendreront des coûts artificiels que devront payer les simples contribuables...
Mme Easdown: Nous pourrions certainement vous fournir cela, puisqu'en tant que membre du conseil d'administration, je... Nous n'encourageons pas cela. Si vous nous demandez de le censurer par écrit, je n'ai pas d'objection à vous fournir des copies de ce que nous faisons, puisque ce n'est pas là l'intention de notre groupe; nous ne lui avons certes pas demandé de le faire ni ne lui avons donné la permission.
Mme Torsney: Ce serait très bien, et je vais certainement vous fournir une copie de ces messages sur Internet, si vous le souhaitez.
Mme Easdown: Je vous en remercie.
Mme Torsney: Deuxièmement, j'étais à Kamloops, à une réunion du Parti réformiste, où l'on discutait du contrôle des armes à feu. Sur les 450 participants, environ 150 voudraient avoir des UZI. Est-ce le genre de chose que souhaiterait votre organisation?
Mme Easdown: Je ne crois certainement pas que nous appuierions ce genre de chose.
Mme Torsney: Il y a donc certaines armes à feu qui, d'après vous, devraient faire l'objet de restrictions.
Mme Easdown: Il y a déjà des armes à feu qui font l'objet de restrictions au Canada.
Mme Torsney: Les restrictions existantes sont acceptables, mais de nouvelles ne le seraient pas.
Mme Easdown: Voilà une question insidieuse, à mon avis. Je ne vois pas exactement comment je dois y répondre.
Mme Torsney: Il vous paraît donc acceptable que les UZI ne soient pas permis au Canada, mais vous ne voulez pas d'autres interdictions d'armes à feu.
Mme Easdown: Je dois vous répondre que toute mauvaise utilisation d'une arme à feu au Canada est inacceptable, mais que par ailleurs, nous n'acceptons pas que d'autres armes à feu fassent l'objet d'une interdiction ou d'une restriction.
Mme Torsney: Mais les UZI devraient être interdits.
Mme Easdown: Je vais laisser répondre Jack à cette question. Vous voulez son avis personnel?
Mme Torsney: Son opinion, son avis professionnel, comme vous le voulez.
Mme Easdown: Voulez-vous que je vous réponde au nom de mon association ou ça mon nom propre?
Mme Torsney: Vous êtes ici pour représenter votre association.
Mme Easdown: Je ne pense pas que nous voulons de nouvelles interdictions d'armes à feu, si elles sont utilisées de manière responsable.
Mme Torsney: On peut donc utiliser un UZI de manière responsable? Accepteriez-vous que l'on interdise les UZI?
Mme Easdown: Je crois que les UZI ne sont pas des armes légales au Canada.
Mme Torsney: Je vous demande si vous êtes en faveur de cela?
Mme Easdown: Qu'elles ne soient pas légales?
Mme Torsney: Oui.
Mme Easdown: Ces armes ne sont pas légales depuis des années.
Mme Torsney: C'est simple: Voulez-vous ou non que les UZI soient déclarés illégaux au Canada?
Mme Easdown: Non, ce n'est pas si simple.
Mme Torsney: Vous êtes pour ou contre.
Mme Easdown: Ils sont déjà illégaux. Comment puis-je me prononcer contre ce qui est déjà la loi?
Mme Torsney: Vous avez tous les jours l'occasion de dire que la loi doit être changée et que les UZI doivent être légalisés.
Mme Easdown: Très bien, légalisés.
Mme Torsney: Les UZI devraient être légaux?
Mme Easdown: Non, ils doivent être illégaux.
Mme Torsney: Monsieur Rogan, dans votre mémoire, vous dites qu'il n'y a pas de données scientifiques, que tous ces sondages sont erronés et que M. Mauser est un grand statisticien. Avez-vous de l'expérience dans les méthodes scientifiques de sondage?
M. Rogan: Pourriez-vous me dire où j'ai déclaré que M. Mauser était un grand statisticien?
Mme Torsney: Vous avez raison. Vous ne l'avez pas dit explicitement, mais vous faites référence à ses mémoires comme s'ils étaient exacts.
M. Rogan: Oui, mais j'ai une petite note sur les statistiques, où nous expliquons très clairement notre étonnement devant toute l'information que nous avons reçue et notre peu de respect pour ces chiffres, à ce moment-là. Si vous aviez lu tout notre mémoire, vous constateriez que nous ne disons pas que tous ces chiffres sont exacts et que nous expliquons pourquoi.
Mais nous n'avons eu que quelques mois pour préparer un mémoire sur un projet de loi volumineux. Nous sommes des profanes et nous voulions que notre mémoire soit prêt pour que toute la lumière soit faite. Je vous prie de nous excuser si nous avons fondé nos constatations sur les statistiques qui comptaient à nos yeux. Nous savions que d'autres études avaient été effectuées, quelles méthodes avaient été utilisées, etc.
Mme Torsney: Je vous ai demandé si vous acceptiez les méthodes de M. Mauser?
Le président: Madame Torsney, votre temps est écoulé. Nous pouvons laisser le témoin répondre à la question, mais vous devrez ensuite attendre la prochaine ronde de questions.
M. Rogan: Quelle était la question?
Mme Torsney: Acceptez-vous les méthodes de M. Mauser?
M. Rogan: Eh bien, je n'y connais pas très bien en statistique. J'ai bien suivi un cours d'un an lorsque j'étudiais à la Sorbonne, à Paris, mais je ne me décrirais pas comme un expert en statistique, loin de là.
Toutefois, si l'on examine la façon dont les questions ont été posées et la façon dont le sondage a été mené, il me semble que c'est beaucoup plus clair et beaucoup plus raisonnable que d'autres types de sondages que j'ai vus.
Si vous réunissiez une centaine de personnes, demain matin, et que vous leur disiez qu'un certain nombre de femmes, à Montréal, sont mortes après avoir mangé trop de bananes, je suis persuadé que certaines d'entre elles vous diraient qu'il faut réglementer les bananes. J'en suis convaincu.
[Français]
Mme Venne: J'ai une question pour le représentant de l'association de la Colombie-Britannique. Vous semblez avancer que l'on ne devrait pas demander de renseignements à celui qui veut se procurer une arme à feu. C'est ce qu'on peut déduire de votre affirmation, à la page 7 de votre mémoire.
Si votre voisin avait des antécédents psychiatriques dangereux, qu'il faisait une demande de permis sans qu'on lui pose une seule question, comme c'était le cas avant la Loi C-17, qui n'était pas très élaborée, et qu'il obtenait son permis, vous sentiriez-vous en sécurité?
[Traduction]
M. McCollum: Encore un fois, il est assez difficile de répondre à votre question, puisque la sécurité est la principale préoccupation de chacun de nous, dans cette salle. Nous avons simplement des points de vue différents à son sujet.
Il est assez difficile pour moi d'examiner la question de l'atteinte à la vie privée, étant donné que pendant des années, en tant que policier, je me suis souvent fait mettre des bâtons dans les roues par ce genre de chose.
Je ne sais vraiment pas quoi vous répondre. Je peux toutefois vous dire ceci: aujourd'hui, quand on fait une demande de permis de conduire, aucune question de ce genre n'est posée. Pourtant, on permet à cette personne, à laquelle on n'a posé aucune question, de conduire un véhicule de 2 tonnes, un instrument de mort très efficace, puisque ces véhicules tuent beaucoup plus de gens au Canada que les armes à feu.
Revenons à votre première déclaration. Peut-être faudrait-il poser des questions sur la santé mentale ou la stabilité psychologique de la personne qui veut obtenir une arme à feu mais, pour les mêmes raisons, on devrait peut-être poser les mêmes questions à tous ceux qui demandent un permis de conduire.
[Français]
Mme Venne: C'est encore une banalité, parce que vous savez comme moi qu'une auto n'est pas faite pour tuer, mais pour qu'on puisse se transporter. Une arme à feu, c'est fait pour tuer. Encore là, il y a une différence.
[Traduction]
Le président: Monsieur St. Denis, vous avez cinq minutes.
M. St. Denis (Algoma): Merci, monsieur le président, et merci à nos témoins qui sont là aujourd'hui.
Je représente un comté rural du nord de l'Ontario. Comme vous pouvez l'imaginer, beaucoup de mes électeurs sont fort préoccupés par le projet de loi C-68 et il est de mon devoir de répondre à leurs préoccupations dans la mesure du possible.
La question de la succession est l'un des problèmes dont le ministre Rock nous a demandé de traiter. Je ne crois pas qu'on en ait parlé aujourd'hui et vous pourriez peut-être nous en parler tous les deux. Nous avons des armes à feu antiques et des armes à feu qui sont importantes aux yeux de certaines familles.
Qu'il soit clair que M. Rock ne veut pas que nous parlions du legs des armes longues, puisque cela ne constitue pas un problème, pas plus que la transmission d'armes de poing non prohibées, par exemple. Nous parlons des armes de poing de calibre .25, de calibre .32 ou dont le canon mesure moins de 105 mm. Vous voyez de quelle catégorie je parle.
Est-ce que l'une ou l'autre de vos associations a réfléchi à ce problème, que nous demande de régler le solliciteur général, afin que les souvenirs familiaux, le patrimoine, si vous voulez, puissent être transmis d'une génération à l'autre?
J'aimerais que l'on trouve une bonne solution à ce problème, comme mes collègues du Comité, sans aucun doute.
Pouvez-vous donner un conseil au Comité au sujet de la transmission des... Il faudrait éviter une discussion sur le bien-fondé de transmettre ou non des armes à feu. Je vous demande simplement si vous pouvez nous conseiller sur la façon de relever le défi posé par le solliciteur général? M. Rogan d'abord, s'il vous plaît.
M. Rogan: Je suis un peu étonné puisque votre parti au Comité insiste pour dire que l'enregistrement ne veut pas nécessairement dire la confiscation. En fait, si ce n'est pas une confiscation, quel mal y a-t-il à transmettre des armes à feu à vos héritiers, comme tout autre bien? Pourquoi faudrait-il les détruire ou les vendre uniquement à quelqu'un de votre catégorie, à votre décès?
J'ai moi-même une collection de mitraillettes et avec ce projet de loi, je ne pourrai ni les donner à ma femme, ni les léguer à mes enfants. Si je vis suffisamment vieux et qu'il n'y a plus de collectionneurs d'armes à feu, il y en a actuellement près de 4 000 au Canada, ces mitraillettes devront être détruites, sans que ma famille ait son mot à dire. De grâce, aidez-moi. Si ce n'est pas là de la confiscation, pourquoi ne puis-je les transmettre comme tout autre de mes biens?
M. St. Denis: Monsieur le président, je comprends les préoccupations du témoin, mais je me demande s'il a réfléchi à ce que nous demande le solliciteur général, dans le contexte général du projet de loi C-68. Comme nous tous, ce que je souhaite, c'est trouver une solution...
M. Rogan: Je comprends, monsieur, et je ne voulais pas être déplaisant. C'est simplement que la disposition relative aux droits acquis, dans le projet de loi, est tout simplement inacceptable pour nous.
M. St. Denis: Vous n'avez donc pas pensé à la prochaine étape, à la façon de régler le problème?
M. Rogan: Bien entendu, nous voulons que ce projet de loi soit défait et, si ce n'est pas le cas, nous ferons tout ce que nous pouvons pour influencer les prochaines élections et faire disparaître cette loi d'une façon ou d'une autre.
M. St. Denis: Les témoins de la Colombie-Britannique ont-ils des commentaires à ce sujet?
M. McCollum: C'est tout un problème que vous nous confiez là, comme l'a fait M. Rock: Félicitations de nous avoir ainsi refilé la patate chaude.
M. St. Denis: En fait, nous essayons de l'attraper délicatement, comme si c'était un oeuf.
M. McCollum: Voilà toute une question. Je suis certain que M. Rock, initialement, en interdisant les armes de poing de calibre .25 et .32 et celles dont les canons mesurent moins de 105 millimètres, le faisait parce que ces armes à feu sont faciles à dissimuler. Il a convenu par la suite, après un entretien avec l'entraîneur-chef de l'équipe de tir du Canada, je crois, que certaines armes de poing étaient utilisées aux Olympiques et se retrouvaient dans ce groupe. Si j'interprète bien le projet de loi C-68, ces armes font maintenant l'objet d'une exemption.
Malheureusement, beaucoup d'excellentes armes à feu se retrouvent dans cette catégorie. J'ai quatre armes de poing dont trois dans cette catégorie, que j'aimerais transmettre à mes enfants et à mes petits-enfants.
Je sais, vous me demandez de vous suggérer une solution. Je ne pense pas que le Comité doive s'attaquer aux armes à feu elles-mêmes. Je le répète, je crois qu'il faut s'intéresser à la personne et non à l'instrument. Je pourrais revenir vous dire que je souhaite des lois plus sévères pour les personnes qui utilisent les armes à feu à mauvais escient. Il faut cesser d'accuser les armes à feu de poser le problème.
Je comprends que j'ai assez bien réussi à tourner autour du pot, mais c'est la meilleure réponse que je peux vous donner.
M. St. Denis: Si vous pouviez, après aujourd'hui, vous pencher sur la question...
Le président: Il ne vous reste que quelques secondes pour poser une dernière question.
M. St. Denis: On nous a demandé de relever tout un défi. Si, après cette réunion, vous avez des suggestions particulières à faire qui nous aideraient à régler ce problème, nous serions heureux de les recevoir.
M. McCollum: Je serai ravi de vous les envoyer.
M. Ramsay: Je suis désolé, j'ai manqué une partie de votre exposé parce que j'ai dû m'absenter.
Il est intéressant de constater que certains membres du Comité orientent leur tir vers le professeur Mauser. J'ai demandé à ce qu'il comparaisse devant le Comité et il a lui-même demandé à comparaître en tant que particulier, ce qui a été refusé. Je ne sais pas quelle est la crédibilité de cet homme, mais il a certainement remis en question des choses qui ont été présentées au Comité de la justice. J'aimerais qu'il vienne au Comité afin que l'on puisse s'attaquer directement à lui, plutôt qu'indirectement. C'était juste un commentaire.
Si l'on considère toutes les mesures intrusives que représente le projet de loi, étant que bon nombre de personnes considèrent qu'il porte atteinte aux droits et libertés des Canadiens, on constate également que le gouvernement fédéral empiète sur des compétences traditionnellement confiées aux gouvernements locaux, c'est-à-dire aux gouvernement provinciaux et territoriaux.
Je parle particulièrement du paragraphe 110(e) où l'on dit que le gouverneur en conseil peut, par règlement
- (e) régir:
- (i) la constitution et l'exploitation de clubs de tir et de champs de tir,
- (ii) les activités qui peuvent y être exercées
- (iii) la possession et l'usage d'armes à feu dans leurs locaux, et
- (iv) la tenue et la destruction de fichiers sur ces clubs et champs de tir ainsi que sur leurs
membres
- ...et un peu plus loin...
- (g) régir les expositions d'armes à feu, les activités qui peuvent s'y dérouler et la possession et
l'usage d'armes à feu dans le cadre...
Pourquoi le gouvernement veut-il empiéter ainsi sur ces domaines qui étaient autrefois de compétence provinciale et territoriale? Je n'en ai aucune idée. Il empiète sur des compétences sans que des statistiques substantielles ne le justifient.
C'est la même chose pour la prohibition de 58 p. 100 des armes de poing. Il n'y a pas de justification statistique à cela.
De même, pour l'interdiction des arbalètes de poing et l'enregistrement des arbalètes de plus grande taille. Aucune statistique ne le justifie.
Dans son rapport de 1993, le vérificateur général demandait que le gouvernement, avant de légiférer davantage, fasse un examen complet des lois existantes pour déterminer si elles atteignaient ou non leurs objectifs. On ne l'a jamais fait. Si on l'a fait, je n'ai pu en voir les résultats, même si j'ai maintes fois demandé que le ministre de la Justice dépose ces rapports à la Chambre et ailleurs. On ne l'a pas fait.
Je me demande si vous avez des commentaires, particulièrement au sujet des paragraphes que je vous ai lus, où l'on voit le gouvernement fédéral marcher dans les plates-bandes traditionnellement entretenues par les paliers de gouvernement inférieurs.
M. McCollum: Je voulais justement formuler un commentaire à ce sujet.
Je suis d'accord avec ce que vous venez de dire. On essaie de corriger un problème inexistant.
Dans la même veine, je suis également préoccupé par le fait qu'avant le projet de loi C-68, on n'avait jamais eu à enregistrer les fusils de chasse. Je connais assez bien ces armes et je peux vous dire qu'un fusil à canon tronçonné est à peu près l'arme à feu la plus dangereuse à laquelle je puisse penser. Un fusil tronçonné est aussi facile à dissimuler qu'une arme de poing et pourtant, rien ne prouve statistiquement une utilisation excessive des fusils tronçonnés lors de perpétration de crimes. Les criminels utilisent encore des armes de poing, qui sont enregistrées depuis 60 ans. Puisque c'est le cas, pourquoi disent-ils maintenant qu'il faut enregistrer les fusils de chasse, qui n'ont jamais causé de problème, alors que l'enregistrement des armes de poing, source de problème, n'a rien réglé?
En outre, au sujet du UZI, je n'en achèterai jamais. Je n'en vois pas l'utilité. Mais, dans ce cas-là aussi, qu'est-ce qui prouve statistiquement qu'il faut interdire les UZI.
Voilà ce que nous demandons au gouvernement. Avant de légiférer pour rendre illégale une activité honnête, montrez-nous les justifications et comment cela répond au gros bon sens.
Je me demande si mon collègue du Yukon a un commentaire à formuler au sujet des paragraphes 110 e) et g), au sujet d'un domaine qui était jusqu'ici fort bien réglementé par les gouvernements provinciaux et territoriaux.
M. Al Albers (président, Comité de l'information, Responsible Firearms Owners Coalition of Yukon): Personnellement, je ne vois pas non plus l'utilité d'un UZI et je n'en possède pas. Toutefois, je fais beaucoup de tir à la cible, à notre club. J'en suis le président. Avec ce que renferme l'article 110, je ne vois pas d'autre intention que de nous harceler et, un jour, de nous obliger à fermer nos portes.
D'après ce que je vois, on peut tout réglementer, à partir du type d'arme à feu utilisée jusqu'au genre de cible. Plus tard, ils nous parleront de la contamination au plomb ou d'autres billevisées pour nous embêter.
M. Rogan: L'une des objections de nos membres, au sujet de ce projet de loi, c'est qu'en le lisant on a de plus en plus l'impression que cette loi n'est pas destinée à régler un problème, mais plutôt à éliminer les amateurs d'armes à feu, qui ont un certain style de vie afin qu'il n'y en ait plus dans la prochaine génération.
On m'a dit par exemple que si on rendait les bâtons de hockey illégaux, sauf pour les joueurs de hockey professionnels, ce sport disparaîtrait d'ici quelques années. C'est une très mauvaise impression.
Je le répète, nos membres, qui ne sont pas des avocats, qui lisent la loi de manière superficielle, nous disent que cette loi ne semble pas avoir été conçue pour régler un problème visible.
Dans le cas des clubs de tir, c'est tout à fait vrai. Nous achetons pour un million de dollars d'assurance au club de tir, pour 4,50$ par an, par personne. Les assureurs connaissent certainement les statistiques et savent ce que ça leur coûte de nous assurer; ils nous donnent pourtant une garantie complète pour 4,50$ par an.
Les champs de tir sont parmi les endroits les plus sûrs sur terre. On n'y commet pas de crime, ni de viol, ni aucune agression. On peut comparer avec un endroit où il y a beaucoup d'agressions, où des gens se font violer tous les jours et où il n'y a pas d'armes à feu, comme une prison. On comprend alors qu'on s'attaque aux mauvais aspects du problème. C'est tout ce que j'ai à dire.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Monsieur Rogan, j'ai pris quelques notes et si je vous ai bien compris, votre groupe et vous-même avez à quelques reprises parlé de certaines dispositions du projet de loi, que vous avez examinées. Vous n'êtes pas avocat ni expert, mais vous avez lu le projet de loi et vous en avez tiré des conclusions. Je pense que c'est à peu près ce que vous disiez.
À un moment donné, vous avez dit ne pas avoir eu le temps de considérer les coûts du projet de loi, mais que vous aviez entendu l'estimation donnée par M. Rock et que vous étiez persuadé que ce serait bien davantage.
C'est assez incroyable de vous entendre dire cela: Nous ne les avons pas étudiés, mais quoi que dise M. Rock, nous ne sommes pas d'accord.
M. Rogan: Je pense que vous m'avez mal cité. Je n'ai pas dit que nous n'avions pas examinée la question. J'ai dit que nous ne l'avions pas examinée de manière approfondie et que nous ne disposions pas d'autant d'information que nous le souhaitions, ou quelque chose du genre.
M. Gallaway: Nous avons reçu un certain nombre de professionnels de la santé après avoir entendu parler de Gary Mauser, qu'on a mentionné plus tôt. Divers professionnels et organisations du secteur de la santé ont comparu devant notre Comité pour nous parler des coûts. Ils ont parlé des coûts pour la société en termes de soins de santé et autres coûts connexes, par suite des blessures et des décès causés par balles. Avez-vous consulté certains de ces groupes, par exemple les responsables de la santé publique?
M. Rogan: Oui. Cela donne une question intéressante. D'abord, je ne suis pas un expert. Nous savons ce qu'ont fait les experts en comptant le saumon en Colombie-Britannique et la morue à Terre-Neuve. La position de l'association médicale m'a beaucoup intéressé, même si je ne suis pas un expert dans ce domaine non plus. Mais je me suis toujours demandé pourquoi on ne posait pas la question: Quels coûts seraient associés à l'absence d'armes à feu, c'est-à-dire à la position contraire.
Manifestement, lorsque l'association médicale nous dit que la présence des armes à feu au Canada coûte 9 milliards de dollars, elle tient pour acquis que lorsque cette décision sera prise, les 9 milliards de dollars réapparaîtront ailleurs, ce qui pourrait ou non se produire. Personne ne le sait. Ils ne prennent pas en compte les économies que représente la présence des armes à feu. Il est impossible de quantifier une évidence négative.
Autrement dit, on ne peut pas quantifier le nombre de fois que des vies ont été épargnées ou que des méfaits ont été évités, par exemple, grâce aux armes à feu.
On travaille donc à sens unique et c'est pourquoi nous proposons une commission royale, parce qu'on y trouve un niveau de connaissances où les informations circulent dans tous les sens, pour les responsables. Nous avons besoin d'une approche scientifique sérieuse de ce problème. Je ne pense pas que cela puisse se faire dans le cadre de votre Comité. Je peux me tromper.
M. Gallaway: Pour examiner le problème, nous avons reçu ici des experts qui ont déclaré qu'à leur avis, c'était un bon projet de loi que nous devrions adopter. Cela, d'après leurs connaissances.
Êtes-vous en train de nous dire qu'ils ne sont pas suffisamment compétents?
M. Rogan: Ce n'est pas ce que je dis. Je dis qu'on a été déjà étonné auparavant par les dires des experts.
Prenez l'exemple de notre économie. L'économie du pays est dirigée par des experts depuis des années, n'est-ce pas? Où en sommes-nous maintenant? Je vous fais un aveu: toutes mes économies sont en dollars américains et en deutschmarks.
Je ne dis pas que les experts ont tort. Je vous dis que je n'en sais rien et que vous n'en savez rien non plus. Voilà ce que je dis.
M. Gallaway: Vous proposez donc de ne pas tenir compte des experts, selon...
M. Rogan: Je propose que nous abordions le problème avec des yeux neufs, en mettant en place un processus scientifique et en cessant de tourner autour du pot.
Je me souviens de M. Allmand, en 1976, sur les marches de cet édifice même, avec dans les mains un AR-15. Il disait aux journalistes: «Regardez, cette arme a l'air bien méchante. Ne faudrait-il pas l'enregistrer?» Ou quelque chose du genre. Je ne me souviens pas exactement de ses paroles.
Le président: J'étais bien sur les marches, mais je n'avais pas d'arme dans les mains.
M. Rogan: Quand vous commencez ce genre de discussion, ce n'est pas le meilleur moyen de...
Le président: J'en doute aussi.
M. Rogan: ...d'exprimer des idées rationnelles.
M. Gallaway: Si j'ai bien noté son nom, je demanderais maintenant à M. McCollum de nous dire comment l'enregistrement des armes à feu est une punition pour les citoyens honnêtes du Canada.
M. McCollum: Oui, très rapidement.
Pour commencer, il faut tenir compte des coûts que cela représente pour nous.
Deuxièmement, je suis membre d'organismes comme la Pacific Amateur Trap Association et la International Trap and Skeet League. Joanne appartient à d'autres organismes semblables. Beaucoup des gens qui viennent à nos concours enregistrés sont des Américains. Ils nous ont déjà dit qu'ils n'allaient pas perdre leur temps à faire enregistrer temporairement leurs armes à feu pour venir ici des États-Unis. Si nous voulons rivaliser avec eux, il nous faudra aller aux États-Unis et tirer là-bas, parce que si ce projet de loi est adopté, ils ne se donneront pas la peine de venir chez nous.
Sans ces bons dollars américains qui contribuent au financement de nos compétitions, je peux prédire la disparition prochaine de la International Trap and Skeet League. Nous n'avons tout simplement pas suffisamment de membres pour assurer sa survie sans l'aide des Américains, qui arrivent ici avec leur argent. Voilà le genre de problèmes que cela représente pour nous.
[Français]
Mme Venne: Monsieur le président, étant donné qu'il reste peu de temps, je vais passer.
[Traduction]
Le président: Le seul nom qui reste sur ma liste est celui de Mme Stewart.
Mme Stewart (Brant): Je voudrais une précision, monsieur Rogan. Je vous ai peut-être mal entendu, et je devrai vérifier la transcription quand elle sera prête. Dans votre réponse à Mme Venne, à la fin de votre phrase, je crois vous avoir entendu dire, c'est du moins mon interprétation: Si nous n'avions pas nos armes à feu et que nous étions en désaccord avec la position du gouvernement, que ferions-nous?
Vous souvenez-vous d'avoir dit cela?
M. Rogan: Oui, ou quelque chose comme ça. C'est possible.
Mme Stewart: Ça m'a étonnée et quand j'ai regardé ma collègue, j'ai vu qu'elle était aussi ébahie que moi.
M. Rogan: Oui, j'ai peut-être dit quelque chose comme ça. Je ne me souviens pas exactement de mes paroles. Mais pour vous répondre, je vais vous poser une autre question.
Si vous me dites que dans chaque situation, peu importe quand, un citoyen aurait tort de lutter contre son gouvernement, je vous comprendrais. Mais si vous ne pouvez me dire cela, il est évident qu'il doit y avoir un équilibre entre le pouvoir du gouvernement sur ses citoyens et les outils dont disposent les citoyens pour résister à ce pouvoir du gouvernement. C'est fondamental, je crois, et chacun ici le sait. Il faudrait manquer de franchise pour prétendre que ma déclaration n'est pas juste.
Mme Stewart: Je pense que je ne répondrai pas à cela.
Le président: Nous remercions les Responsible Firearms Owners Associations de la Colombie-Britannique et du Yukon.
La séance est levée.