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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 10 mai 1995

.1930

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Nous poursuivons notre examen du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.

.1930

[Traduction]

Nous avons le plaisir d'accueillir ce soir trois ministres du gouvernement du Manitoba, et un sous-ministre. Il s'agit de l'honorable Rosemary Vodrey, ministre de la Justice et procureur général du Manitoba, Jim Downey, vice-premier ministre et ministre de l'Industrie, de l'honorable Darren Praznik, ministre du Travail, et de Bruce MacFarlane, c.r., sous-ministre de la Justice et procureur général adjoint.

Madame Vodrey, messieurs, la règle habituelle de notre comité est d'entendre les déclarations liminaires pendant une quinzaine de minutes. Nous venons de recevoir votre mémoire, que nous avons remis à tous les membres du comité.

Je vous donne donc la parole afin que vous puissiez lire votre mémoire ou simplement en résumer les points saillants pour les membres du comité. Après quoi, nous aborderons les questions.

L'honorable Rosemary Vodrey (ministre de la Justice et procureur général du Manitoba): Merci beaucoup, monsieur le président.

Je voudrais commencer par vous présenter mes collègues de la province du Manitoba. Il s'agit de l'honorable Jim Downey, vice-premier ministre et député de la circonscription de Arthur-Virden, dans l'Ouest de la province, et de mon collègue, l'honorable Darren Praznik, ministre du Nord et des Affaires autochtones et député de la circonscription de Lac du Bonnet, dans l'Est de la province. Pour ma part, je suis ministre de la Justice et procureur général du Manitoba, ainsi que député de Fort Garry, circonscription de la ville de Winnipeg.

Nous sommes très heureux de pouvoir nous adresser à votre comité pour exposer la position du gouvernement du Manitoba sur le projet de loi C-68. Notre gouvernement vient de recevoir un mandat solide et clair de la population du Manitoba à l'occasion d'élections provinciales pendant lesquelles l'opposition à l'enregistrement des armes à feu a tenu une place importante.

Pour notre gouvernement, la priorité en la matière est d'assurer la sécurité du public. Nous sommes donc prêts à appuyer toute mesure allant dans ce sens, et c'est pourquoi nous appuyons certaines dispositions du projet de loi C-68.

Par exemple, notre gouvernement appuie la création de nouvelles infractions et sanctions dans le Code criminel, dans le but de réprimer l'importation illégale et le trafic des armes à feu. Il est clair en effet que ces mesures contribueront à rehausser la sécurité publique et à dissuader des criminels potentiels.

Le Manitoba convient également que certaines armes à feu devraient être interdites, si l'on peut démontrer que cela contribuera à réduire l'activité criminelle.

Je tiens aussi à exprimer l'appui du Manitoba pour les dispositions du projet de loi obligeant les tribunaux à saisir les armes à feu et les documents pertinents que peut posséder toute personne accusée de harcèlement criminel, c'est-à-dire ce que l'on appelle souvent la traque. J'avais d'ailleurs personnellement proposé cette réforme lors de deux réunions successives des ministres de la Justice et d'une réunion des ministres responsables de la condition féminine. Je suis donc heureuse de voir que le gouvernement du Canada convient que les victimes de la traque méritent d'être protégées de cette manière.

Bien que les dispositions du projet de loi n'aillent pas aussi loin que je l'avais proposé, elles ne constituent pas à nos yeux une réponse déraisonnable aux problèmes très sérieux que pose la traque dans notre société.

Le Manitoba estime par ailleurs qu'il conviendrait de prévoir d'autres sanctions sévères pour toute personne faisant usage d'une arme à feu dans l'exécution d'un acte criminel. De fait, nous voulons même aller plus loin. Nous avons demandé au gouvernement fédéral d'élargir la portée de l'article 85 de façon à accroître les peines infligées pour l'utilisation de n'importe quel type d'arme, selon la définition du Code criminel - et pas seulement des armes à feu - pour perpétrer un crime violent.

Plusieurs études montrent que le gouvernement fédéral ne s'attaque pas sérieusement au problème très grave des crimes avec violence. Par exemple, les données recueillies par le cadre Prairie Research Associates Inc. dans le cadre d'un projet de deux ans sur la violence conjugale montrent que le couteau est l'arme le plus souvent utilisée pour commettre des crimes avec violence, puisqu'il l'est dans 33 p. 100 des cas au Manitoba. Viennent ensuite les bouteilles et les éclats de verre, dans 13 p. 100 des cas, les battes de baseball et les bâtons, dans 11 p. 100 des cas, les téléphones dans 5 p. 100 des cas, les automobiles dans 4 p. 100 des cas, et d'autres armes, telles que des chaussures, des outils et des clés, dans 24 p. 100 des cas. L'étude a montré que les armes à feu sont utilisées dans 11 p. 100 des cas dans notre province, ce qui est conforme à la moyenne nationale.

.1935

[Traduction]

Je ne veux pas dire que s'occuper de ces crimes soit sans importance. Comme je l'indiquais plus tôt, notre gouvernement estime qu'il faudrait alourdir les peines infligées aux personnes faisant usage d'une arme à feu pour commettre un crime avec violence. En revanche, nous croyons aussi qu'il faut tenir compte de la situation des victimes des crimes commis avec d'autres armes. Les armes à feu ne sont que l'une des catégories d'armes utilisées pour commettre des actes violents.

Selon notre analyse du projet de loi, celui-ci ne comporte strictement rien au sujet de 90 p. 100 des crimes avec violence commis au moyen d'une arme. Selon notre gouvernement, il ne faut pas infliger de sanctions de cette nature uniquement dans le cas des armes à feu. Il faudrait plutôt étendre la portée de l'article 85 pour l'appliquer à l'usage de n'importe quelle arme dans le but de perpétrer un crime violent. De cette manière, toutes les victimes d'actes criminels violents commis avec une arme, quelle qu'elle soit, bénéficieraient d'une protection légale en vertu du Code criminel.

L'enregistrement

Pour les Manitobains, l'aspect le plus controversé du projet de loi C-68, c'est l'établissement d'un registre universel des armes à feu. Le gouvernement du Manitoba a demandé à plusieurs reprises des données concrètes démontrant l'existence d'une corrélation entre l'établissement d'un système d'enregistrement universel et l'accroissement de la sécurité publique ou la réduction de l'usage criminel des armes à feu. Notre gouvernement a pris une position très ferme contre les actes criminels, afin de protéger les victimes des actes criminels ou des tentatives d'acte criminel.

Avec ce projet de loi, le gouvernement fédéral demande beaucoup à notre province et à nos citoyens, étant donné qu'il n'est pas en mesure de prouver son efficacité. Il n'a pas montré en quoi ce projet rehaussera la sécurité des particuliers et des collectivités.

Rôle de la police

Il est clair aujourd'hui que ce sont les services de police qui devront gérer le système d'enregistrement des armes à feu. Notre gouvernement s'inquiète du fardeau administratif que cela imposera à la police provinciale. Nous craignons par ailleurs que ce fardeau compromette la possibilité pour les agents de la GRC d'exécuter leurs tâches de police traditionnelles. Notre gouvernement a récemment accru le budget de la police pour augmenter le nombre d'agents de la GRC patrouillant nos routes et nos collectivités. Nous avons récemment pris l'engagement de financer jusqu'à 40 postes supplémentaires d'agents de police dans les rues de Winnipeg. Notre crainte est que le projet de loi n'ait un effet préjudiciable sur le nombre d'agents disponibles pour protéger les citoyens.

Et cela préoccupe également l'Association canadienne des policiers, qui dit ne pouvoir appuyer le projet de loi tant que le gouvernement fédéral n'aura pas donné l'assurance que les coûts de la mise en application ne seront pas prélevés sur les budgets d'exploitation actuels de la police. L'association affirme par ailleurs, et je cite, que «les bienfaits d'un système d'enregistrement exhaustif, bien qu'ils soient nombreux, ne sauraient justifier que l'on retire des agents de police des rues canadiennes».

Coûts

Les coûts directs et indirects du système d'enregistrement universel restent problématiques. Nous avons entendu parler d'estimations très variables, allant de 85 millions de dollars jusqu'à plus de 500 millions de dollars. Quel que soit le chiffre réel, il s'agira d'un système administratif extrêmement coûteux, dont l'efficacité reste douteuse. Le Manitoba estime que l'on pourrait consacrer cet argent à des mesures plus efficaces. Si la prévention du crime est l'une des préoccupations du gouvernement fédéral, cet argent serait plus utile si on le consacrait à s'attaquer aux causes profondes de la criminalité. De même, il serait plus utile s'il servait à mettre plus d'agents de police dans les rues, mesure de dissuasion ayant fait ses preuves.

Notre objectif ultime est de rehausser la sécurité publique et de réprimer l'usage criminel des armes à feu. Notre gouvernement estime en conséquence qu'il serait préférable d'accroître les ressources de la police, de mettre en oeuvre des programmes de prévention ou d'assurer une meilleure éducation et une meilleure formation sur l'usage des armes à feu.

Finalement, nous estimons que l'enregistrement fait porter de manière indue le fardeau de la réglementation sur les propriétaires légitimes d'armes à feu, c'est-à-dire sur les citoyens respectueux de la loi, qui agissent avec prudence et de manière responsable, en risquant de les pénaliser par des accusations pénales. Selon le gouvernement du Manitoba, le gouvernement fédéral devrait s'attaquer aux vrais coupables vivant dans notre société, c'est-à-dire aux personnes qui utilisent des armes pour commettre des crimes. Le système envisagé par le gouvernement fédéral met dans le même sac aussi bien les criminels que les propriétaires d'armes à feu respectueux de la loi. D'après nous, il est grand temps de s'attaquer aux criminels eux-mêmes, au nom des citoyens pacifiques, en ne pénalisant pas ces derniers par le truchement d'un système d'enregistrement des armes à feu.

À notre avis, l'une des premières mesures que devrait prendre le gouvernement fédéral, ce devrait être d'examiner si les modifications apportées il y a quelques mois à peine à la législation sur les armes à feu se sont avérées efficaces pour réduire la criminalité et rehausser la sécurité publique. Considérant tous les facteurs que je viens d'évoquer, le Manitoba estime que le gouvernement fédéral ne devrait pas aller de l'avant avec d'autres mesures législatives ayant pour effet de porter atteinte aux droits légitimes des propriétaires d'armes à feu qui agissent avec prudence et de manière responsable.

Je vous remercie de nous avoir permis d'exposer la position de notre province.

Je vais maintenant demander à mes collègues, le vice-premier ministre et le ministre des Affaires du Nord, s'ils ont des précisions à apporter.

.1940

[Traduction]

M. Jim Downey (vice-premier ministre, ministre de l'Industrie): Merci, monsieur le président et membres du comité.

Je tiens tout d'abord à remercier le comité de nous donner la possibilité d'exprimer l'opinion que nous avons recueillie ces derniers temps auprès de la population du Manitoba. Je crois que cela est extrêmement important dans une société démocratique.

Évidemment, l'une des choses originales dans ma situation d'aujourd'hui, c'est que c'est moi qui viens témoigner, alors que, d'habitude, je me trouve de l'autre côté de la table, pour entendre ce que les citoyens du Manitoba ont à me dire au sujet des projets de loi dont nous sommes responsables. Cela dit, je trouve intéressant que le ministre ne soit pas présent ce soir, même si je sais qu'un ministre peut être très occupé. Cela dit, je ne sous-estime aucunement l'importance que peut avoir ce projet de loi pour le ministre et pour le gouvernement du Canada.

Il me paraît important de souligner, comme vient de le faire ma collègue, que nous venons de recevoir un mandat très clair de la population du Manitoba, suite à des élections pendant lesquelles notre opposition a également pris clairement position contre la création d'un registre des armes à feu. Autrement dit, deux partis politiques occupant aujourd'hui 54 des 57 sièges de notre Assemblée législative s'opposent au registre. De fait, le projet de loi a été une question importante pendant les élections dans toutes les régions du Manitoba. En conséquence, s'il y en a parmi vous qui pensent que notre position ne reflète pas vraiment l'opinion des Manitobains, je leur recommanderais de prendre rapidement contact avec leur électorat.

Il me paraît très important de bien vous faire comprendre que nous venons d'obtenir un mandat très ferme de la population du Manitoba, laquelle a tout aussi clairement décidé que le seul parti, que beaucoup d'entre vous connaissent bien, qui appuyait publiquement le projet de loi C-68 - et on peut en obtenir confirmation en consultant les débats de notre Assemblée législative - n'aura plus le statut de parti officiel dans notre province, en ne lui accordant que trois sièges. À mes yeux, c'est là un message que le gouvernement du Canada ne devrait pas prendre à la légère.

Je puis vous dire aussi - et croyez bien que j'essaie d'être juste à l'égard des députés fédéraux représentant la région dans laquelle j'ai fait campagne - que j'ai vu beaucoup de pétitions demandant à ces députés fédéraux soit de changer de position sur le projet de loi, soit de démissionner parce qu'ils n'expriment pas les intérêts de leurs électeurs. Je dis cela sans aucune animosité, et uniquement parce que j'estime qu'il est important de bien exprimer les voeux de la population quand on est le représentant du peuple dans une société démocratique.

Je conclus donc en vous remerciant sincèrement de nous donner la possibilité d'exprimer notre position sur ce projet de loi, qui, comme le disait ma collègue, comporte certains éléments positifs, mais aussi certains qui sont très négatifs, c'est-à-dire ceux concernant l'enregistrement des armes à feu.

Merci.

L'honorable Darren Praznik (ministre du Travail, du Nord et des Affaires autochtones): Je suis très heureux de me joindre à mes collègues pour m'adresser à vous ce soir.

Comme ministre des Affaires du Nord de la province du Manitoba, je réitère les remarques de mes collègues, car elles valent aussi bien pour les régions du Nord de la province. Pendant la campagne électorale, et avant aussi, je n'ai cessé d'entendre les résidents de ces régions exprimer de graves préoccupations au sujet d'un système d'enregistrement universel des armes à feu, notamment parce que le gouvernement du Canada ne leur a encore donné aucune raison valable à cet égard. Comme mes collègues, j'ai frappé à des milliers de portes pendant la campagne électorale, et je puis vous dire que, si les soins de santé et l'enseignement faisaient partie des préoccupations importantes de la population dans ma circonscription, on m'a probablement parlé quatre fois plus de l'enregistrement des armes à feu que de n'importe quelle autre question.

En conséquence, les membres du comité et les députés qui sont favorables à ce projet de loi et qui pensent que les citoyens du Manitoba les appuient à cet égard feront bien de sonder rapidement leur électorat, car ils découvriront le contraire. Nos électeurs ont tenu à ce que nous nous adressions au gouvernement du Canada pour exprimer leur opposition à ce projet de loi, et c'est ce que nous faisons ce soir.

.1945

[Traduction]

Le président: Avez-vous terminé vos déclarations liminaires, madame Vodrey?

Mme Vodrey: Oui, monsieur le président. Nous sommes prêts à passer aux questions.

Le président: Bien. Nous n'allons pas engager de débat avec vous, mais plutôt vous poser des questions pour obtenir des précisions. Nous allons donner un premier tour de dix minutes à chacun des trois partis politiques représentés au sein de ce comité. Ensuite, nous aurons des tours de cinq minutes où l'opposition et le gouvernement auront la parole en alternance.

[Français]

Je vais d'abord donner la parole à Mme Venne, pour dix minutes.

Mme Venne (Saint-Hubert): Merci, monsieur le président.

Madame la ministre, messieurs, ma première question va porter sur les statistiques ayant trait aux blessures et aux mortalités au Manitoba, en comparaison des autres provinces.

J'aimerais savoir, et je crois bien que vous devez savoir que la moyenne des morts accidentelles par arme à feu dans votre province est de deux fois et demie la moyenne nationale. De même, les suicides sont plus élevés, d'environ 5 p. 100, que la moyenne. Quant à la moyenne des hospitalisations dues à des blessures par arme à feu, elle est le double de celle de la moyenne nationale.

Compte tenu de tous ces chiffres, que vous connaissez certainement, comment se fait-il que vous adoptiez la position que vous nous avez exposée contre le contrôle des armes à feu?

[Traduction]

Mme Vodrey: Merci beaucoup, monsieur le président. La députée pourrait-elle vous dire d'où viennent les statistiques qu'elle vient de citer au sujet du Manitoba?

De manière plus générale, je puis vous donner l'assurance que nous attachons beaucoup d'importance à la répression de la criminalité et à la protection du public. Nous avons demandé au gouvernement fédéral de nous fournir des informations prouvant que l'enregistrement des armes à feu réduira le nombre de morts accidentelles, de suicides ou de crimes avec violence, mais nous n'en avons toujours pas obtenu.

Le gouvernement fédéral ne nous a pas encore donné d'informations concrètes au sujet du Manitoba. Sachez que j'ai demandé personnellement ces informations au ministre fédéral, lors de la conférence des ministres de la Justice, et que je lui ai également adressé cette demande par écrit. Pour l'instant, je n'ai toujours rien obtenu. Le gouvernement n'a toujours pas prouvé que l'enregistrement des armes à feu permettrait de réduire le nombre d'événements tragiques que la députée vient d'évoquer.

[Français]

Mme Venne: Pour ce qui est de la source des statistiques que j'ai invoquées, elles proviennent du ministère de la Justice du Canada. Je pourrais certainement vous en fournir une copie si tel est votre désir.

Pour ce qui est de votre réponse, j'ai malheureusement l'impression, et je souhaite que ce ne soit pas le cas durant toute la soirée, que nous allons tenir un dialogue de sourds, si on continue sur cette voie.

De mon côté, je vous parle de statistiques révélant qu'en ce qui concerne seulement l'hospitalisation des gens blessés par arme à feu, la moyenne ayant trait au Manitoba est le double de la moyenne nationale. Ce sont des statistiques qui viennent du ministère de la Justice du Canada et j'espère que vous les croyez. Je vous demande si vous ne croyez pas devoir adopter un autre type de position.

De votre côté, vous ne voulez pas me répondre là-dessus et vous me parlez d'autre chose. C'est votre choix.

.1950

[Français]

Je vais continuer avec une autre question. Il s'agit d'une question qui concerne les chefs de police de Winnipeg, de Brandon et également le Manitoba Police Association. Ils disent qu'ils sont en accord avec un contrôle des armes à feu. On a reçu des copies de lettres qu'ils ont envoyées au ministre à l'effet qu'ils appuient la législation.

Nous avons également reçu de différents groupes de santé des lettres qui nous disent également qu'ils appuient le projet de loi. J'aimerais savoir, avant de nous donner votre position ici ce soir et avant de la prendre antérieurement, quelles consultations vous avez faites auprès des groupes communautaires, auprès de la police, auprès des organisations de santé pour arriver avec votre position actuelle qui ne correspond pas du tout avec les correspondances que ces gens nous font parvenir.

M. Praznik: L'action générale.

[Traduction]

Mme Vodrey: C'est avec grand plaisir que je vais vous parler des consultations que mes collègues et moi-même avons récemment effectuées.

En fait, c'est la meilleure consultation possible dans un système démocratique, puisqu'il s'agissait d'une élection générale. Pendant 35 jours, mes collègues et moi-même n'avons cessé de consulter directement les citoyens du Manitoba. Nous avons frappé aux portes, nous avons tenu des réunions dans des salles publiques, nous sommes allés dans des foyers de personnes âgées, nous avons parlé avec des citoyens de toute la province.

Mes collègues représentent d'autres régions de la province. Pour ma part, je représente une circonscription de Winnipeg. Or, il est incontestable que notre gouvernement a été réélu avec une majorité accrue, et que ceux de nos députés qui ont été réélus ont également obtenu des majorités accrues. Les Manitobains nous ont parlé sans aucune ambiguïté pendant les 35 derniers jours. Nous avons reçu leurs messages. Mes collègues auront peut-être des précisions à donner là-dessus.

Le président: Veuillez m'excuser, monsieur Praznik; j'ai dit que vous étiez le ministre du Travail, mais je suppose que c'était votre ancien portefeuille.

M. Praznik: Hier, à midi, j'étais ministre du Travail. Aujourd'hui, je suis ministre de l'Énergie, des Mines et des Affaires du Nord.

Merci, monsieur le président. J'ajoute à ce que vient de dire ma collègue que l'Opposition officielle dans notre province, qui représente des régions du Nord et une bonne partie des circonscriptions du centre - Swan River, Dauphin et Interlake - a pris une position semblable à la nôtre pendant la campagne électorale. Le résultat est clair: elle a obtenu 23 sièges à l'Assemblée législative. Je n'ai donc aucun doute quand je vous dis que les électeurs du Manitoba nous ont adressé un message parfaitement clair sur cette question, très importante à leurs yeux. Or, si je ne me trompe, c'est cela, la démocratie.

[Français]

Mme Venne: Votre position ne correspond pas avec les rencontres et la correspondance que j'ai devant moi. J'ai de la correspondance du Community Health Centre qui se dit en accord également, le Portage Women's Shelter, le Manitoba Women's Advisory Council et le Manitoba Child Care Association. Je pourrais continuer l'énumération de groupes qui ne pensent pas du tout comme vous. Ils ne tiennent pas du tout le même discours.

Je pense qu'il est important de le faire savoir à la population et que ce soit inscrit dans nos registres. J'aurais une dernière question: Pensez-vous que les Manitobains sont assez informés sur le projet de loi? Croyez-vous qu'il y a eu une bonne diffusion de l'information? Est-ce que le projet de loi a été bien compris?

Je vous pose cette question parce que, depuis le début des audiences, nous avons eu des commentaires à l'effet contraire, comme quoi les gens ne comprennent pas le projet de loi et que l'information aurait été mal diffusée. J'aimerais savoir si c'est le cas pour votre province.

[Traduction]

Mme Vodrey: Je voudrais revenir à ce que vous disiez sur les lettres que vous avez reçues du Manitoba.

.1955

[Traduction]

Vous pensez peut-être que ces lettres représentent l'opinion de la population de la province, mais je puis vous dire qu'aucune information concrète n'a jamais été communiquée à ces groupes et à d'autres pour établir un lien entre l'enregistrement des armes à feu et la réduction des crimes avec violence. Je répète donc devant votre comité la question que j'ai déjà posée au ministre fédéral: avez-vous des informations à nous donner là-dessus?

Deuxièmement, les femmes qui s'adressent aux centres de soutien, tout comme les gens qui s'intéressent de près à la sécurité des femmes, n'ont aucune hésitation à dire qu'il devrait y avoir plus d'agents de police dans les rues du Manitoba pour faire face au problème de la violence conjugale.

Pour ce qui est de l'information de la population du Manitoba sur le projet de loi C-68, je puis vous dire que la population est à mon avis très bien informée et que quiconque prétend le contraire risque de se fourvoyer très gravement.

Nous avons passé 35 jours d'une campagne électorale à sonder la population, en frappant aux portes, en organisant des réunions publiques et en recueillant des avis par téléphone et en personne, et sachez bien que nous avons fait tout le nécessaire pour que la population du Manitoba comprenne bien l'incidence de ce projet de loi. Cela n'a pas empêché les gens de nous communiquer très clairement leurs préoccupations. Nous avons donc élaboré notre position après avoir consulté la population de la province, et je puis vous dire que celle-ci est à mon avis parfaitement bien informée sur le projet de loi. Et je ne sous-estime aucunement les informations dont peut disposer notre population à ce sujet.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay (Crowfoot): Madame Vodrey, messieurs, je vous souhaite la bienvenue à Ottawa. Je vous remercie de vos déclarations.

Je ne sais pas si votre témoignage de ce soir réglera définitivement son compte à l'affirmation du ministre de la Justice et des partisans de ce projet de loi que 90 p. 100 des Canadiens sont favorables à un système d'enregistrement universel. J'espère en tout cas que cela les amènera à revoir leur position.

Moi aussi, j'ai rencontré bien des gens, dans mes voyages dans tout le pays, qui m'ont demandé des informations sur ce projet de loi. D'après mes derniers calculs, j'ai pris la parole devant près de 38 000 personnes à ce sujet. Or, j'ai constaté les mêmes préoccupations dans toutes les régions du pays. Samedi, je vais m'adresser à un autre groupe à Terre-Neuve, tout comme je l'ai fait ces dernières semaines à des groupes du Manitoba, et je n'ai jamais perçu de réactions très différentes d'une région à l'autre. À mes yeux, le phénomène que vous avez constaté pendant vos dernières élections ne se limite certainement pas au Manitoba. Je ne le crois pas du tout.

Je vais maintenant vous poser quelques questions. Notre chef, Preston Manning, et moi-même avons adressé une lettre aux premiers ministres des provinces pour leur demander d'examiner la constitutionnalité de certains aspects du projet de loi C-68. Il s'agissait notamment de l'article 100, visant à supprimer le droit de garder le silence, des articles 99 et 101, obligeant les gens à coopérer avec la police, des articles 99, 103 et 107, concernant la présomption de culpabilité, la notion de culpabilité par association, et la confiscation de biens privés sans indemnisation; il s'agit enfin, bien sûr des dispositions relatives au droit de perquisition et de saisie. Cela ne concerne pas les immeubles d'habitation, pour lesquels il faut un mandat ou un consentement.

Nous avons donc demandé aux premiers ministres et, bien sûr, à leurs ministres de la Justice, s'ils ont des préoccupations quant à la constitutionnalité de certains aspects du projet de loi. Si tel est le cas, nous les avons invités à prendre l'initiative d'un renvoi du texte devant la cour, pour en déterminer la constitutionnalité, avant son adoption.

Voici donc ma question: avez-vous, personnellement, des inquiétudes quant à la constitutionnalité du projet de loi? Y a-t-il des aspects qui risquent selon vous de porter atteinte aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés?

.2000

[Traduction]

Mme Vodrey: J'ai vu la lettre. J'en ai une copie.

Notre position est la suivante: nous sommes ici parce qu'il s'agit d'une question de politique fondamentale. Notre objectif est d'exposer la position du Manitoba dans le but d'amener le gouvernement fédéral à modifier sa politique, car nous estimons que celle-ci n'est pas la bonne pour les Canadiens si l'objectif est d'assurer la sécurité publique.

Pour ce qui est de la constitutionnalité du projet de loi, celui-ci n'a pas encore été adopté, comme vous l'avez dit. Nous n'en connaissons pas encore le texte définitif. Nous n'avons encore reçu aucun des textes réglementaires. Je ne sais d'ailleurs même pas où en est la rédaction des règlements. Tout ce que je puis dire, c'est que nous examinerions sérieusement la situation si le projet de loi était adopté sous sa forme actuelle, afin de vérifier s'il est constitutionnel. À ce moment-là, si nous concluons qu'il ne l'est pas, nous serons certainement prêts à prendre les mesures qui s'imposent.

M. Ramsay: Je voudrais vous poser une autre question au sujet des consultations qui ont pu se tenir entre le gouvernement du Manitoba et le gouvernement fédéral. Il y a quelque temps - le 7 décembre, si je me souviens bien - j'ai demandé au ministre de la Justice, à la Chambre des communes, s'il avait consulté les procureurs généraux des provinces au sujet du projet de loi C-68. Voici ce qu'il m'a répondu:

Il y a des consultations permanentes avec des représentants des procureurs généraux de chaque province et territoire.

Pourriez-vous donner des précisions sur les consultations qu'il y a eu entre le ministre de la Justice du Canada et votre gouvernement?

Mme Vodrey: Elles ont été minimes. De fait, j'estime que le processus de consultation constituait une insulte flagrante à l'égard de la population du Manitoba. J'avais personnellement posé certaines questions au ministre fédéral de la Justice, oralement lors de la conférence des ministres de la Justice, puis à nouveau par écrit. En réponse, le ministre fédéral est venu participer à une séance à huis clos dans la partie ouest de notre province, c'est-à-dire à une séance à laquelle le public n'était pas invité. Il s'est adressé à un groupe choisi de personnes, et il n'y a donc pas eu de véritable consultation.

Il est ensuite venu à l'Assemblée législative du Manitoba et s'est rendu directement dans la salle du caucus libéral. Après avoir consulté les députés libéraux, il a déclaré avoir rencontré le prochain premier ministre du Manitoba. Comme vous le savez, celui-ci a perdu son siège lors des dernières élections.

Le ministre de la Justice fédéral n'a jamais pris contact avec le procureur général du Manitoba. Des représentants de la presse m'ont demandé s'il allait me rencontrer. J'ai répondu qu'il ne m'avait même pas informée qu'il se trouvait dans la province.

Les consultations ont donc été des plus sommaires. En gros, elles se sont limitées à une rencontre entre lui et moi, à la lettre que je lui ai adressée et à une rencontre face à face lors de la conférence des ministres de la Justice. À part cela, le ministre fédéral a évité tout contact avec le procureur général du Manitoba.

M. Praznik: Et avec la population.

M. Ramsay: Que pourriez-vous dire de l'entente fédérale-provinciale conclue entre votre gouvernement et le gouvernement fédéral au sujet du financement de l'application des dispositions de la Loi sur le contrôle des armes à feu?

Le président: Si vous le voulez, vous pouvez faire intervenir d'autres personnes, commeM. MacFarlane.

Mme Vodrey: Je remercie le député de me poser cette question. Les fonctionnaires qui nous accompagnent auront des précisions à apporter à ce sujet.

Je dois dire que nous sommes toujours préoccupés par les mesures que peut prendre le gouvernement fédéral et qui risquent d'alourdir le fardeau administratif de notre province. Des mesures envisagées dans le projet de loi alourdiront inévitablement les dépenses administratives au Manitoba, et c'est quelque chose qui nous préoccupe gravement.

Cela nous préoccupe d'autant plus que nous savons que le gouvernement fédéral réduit ses paiements de transfert pour notre province. Nous allons donc devoir nous débrouiller avec moins d'argent, alors que le gouvernement fédéral va nous imposer un nouveau fardeau administratif.

.2005

[Traduction]

M. Ramsay: Merci. La raison pour laquelle j'ai posé cette question, c'est que les derniers renseignements que j'ai obtenus montraient que l'entente fédérale-provinciale de financement de la mise en oeuvre de la Loi sur le contrôle des armes à feu est arrivée à expiration il y a un an. Je me demandais donc si la situation avait changé depuis. Si je vous comprends bien, la réponse est négative.

Le président: Si vous le souhaitez, monsieur Ramsay, nous pourrons revenir là-dessus au prochain tour de questions.

M. Ramsay: Très bien.

Mme Vodrey: La seule précision que je puisse apporter à ce sujet, c'est que les négociations se poursuivent. Notre préoccupation concerne évidemment ce que va devenir cette entente si le projet de loi est adopté. Je n'ai pas d'autres précisions à vous donner pour le moment.

M. Ramsay: Très bien. Merci.

Mme Barnes (London-Ouest): Je vous souhaite la bienvenue. Il est toujours intéressant d'entendre d'autres points de vue sur les initiatives dont nous sommes saisis.

Si je vous comprends bien, c'est surtout l'article 85 du Code criminel qui vous inquiète, concernant les accusations pouvant être portées en cas d'usage d'armes à feu.

Mme Vodrey: Oui.

Mme Barnes: Vous occupez actuellement le poste de ministre de la Justice et de procureur général du Manitoba, postes que vous occupiez également avant les dernières élections. Dans ce contexte, avez-vous jamais envisagé la possibilité de donner à vos procureurs l'instruction de ne pas accepter de négociations de plaidoyer pour ce type d'accusations? C'est quelque chose que vous auriez pu faire si vous l'aviez voulu.

Mme Vodrey: Incontestablement, et je dois dire que je suis heureuse de certaines des modifications proposées à l'article 85 - notamment en ce qui concerne le fait que le fardeau de la preuve nous permettra peut-être d'intenter des poursuites sans suspension. Il y a donc là une amélioration incontestable. Toutefois, cette amélioration ne va pas aussi loin que nous le voudrions, dans la mesure où elle ne concerne que les armes à feu, alors que nous voulons qu'elle s'applique à toutes les catégories d'armes.

Mme Barnes: Ce n'est pas exactement ce que je vous ai demandé. Je voulais savoir si vous avez jamais envisagé de donner à vos procureurs de la Couronne, comme vous en avez le pouvoir, l'instruction de ne pas négocier de plaidoyer, si cette question vous préoccupe tant.

Mme Vodrey: Comme je l'ai dit dans ma dernière réponse, il y a une directive à cet effet.

Mme Barnes: Donc, tous vos procureurs de la Couronne...

Mme Vodrey: Mais il y avait auparavant certains obstacles reliés aux questions de preuve. Nous sommes heureux de constater que ces obstacles seront abaissés.

Mme Barnes: C'est bien.

Le président: N'y a-t-il pas de négociations de plaidoyer sur ces questions? N'y en a-t-il jamais eu depuis que vous êtes procureur général?

Mme Vodrey: Le problème concerne la preuve, monsieur le président. S'il n'y a pas de preuve, nous ne pouvons pas intenter de poursuites. Cela dit, nos procureurs ont pour instructions générales de faire tout leur possible.

Le président: Donc, il y a des négociations de plaidoyer?

Mme Barnes: Vous n'avez donc pas donné à tous vos procureurs de la Couronne l'instruction de ne jamais accepter de négociations de plaidoyer dans ce type d'affaires? Je voudrais savoir quelle est la situation exacte à ce sujet.

Mme Vodrey: Je le répète, la question ne concerne pas la négociation de plaidoyer, mais plutôt l'établissement de la preuve. Si nous n'avons pas de preuve, nous ne pouvons pas aller de l'avant.

Le président: Madame Barnes, poursuivez.

Mme Barnes: Je vais passer à une autre question. Peut-être obtiendrai-je une réponse plus complète.

Je sais que vous avez reçu une lettre de l'Association des policiers du Manitoba, laquelle vous a dit qu'elle appuie vigoureusement ce projet de loi. Comme vous êtes le procureur général de la province, que répondez-vous à l'association sur la question dont nous venons de discuter? Avez-vous eu des contacts avec l'association pour savoir pourquoi elle appuie le projet de loi?

Mme Vodrey: Je sais parfaitement que les chefs de police ont pris une position unique à ce sujet, mais je crois pouvoir dire qu'il n'y a certainement pas unanimité à la base. J'attire votre attention sur la position de l'Association canadienne des policiers au sujet de la criminalité et du contrôle des armes à feu. Cette association a exprimé une préoccupation très précise en disant que ce projet de loi risque de réduire le nombre de policiers patrouillant les rues. C'est également quelque chose qui nous préoccupe beaucoup.

.2010

[Traduction]

Mme Barnes: Mais avez-vous reçu une lettre de l'Association des policiers du Manitoba disant que l'association appuie le projet de loi?

Très bien. Comme j'ai vu la lettre, nous allons poursuivre. Je ne veux pas passer tout mon temps sur cette question.

Avant les dernières élections provinciales, vous étiez aussi ministre chargée de la condition féminine. Occupez-vous toujours le même poste?

Mme Vodrey: Oui.

Mme Barnes: J'ai reçu beaucoup de lettres de diverses associations féminines un peu partout dans le pays, et pas une seule ne m'a dit que je devrais m'opposer au projet de loi ou essayer de le modifier. Je n'ai pas eu de nouvelles de REAL Women of Canada. C'est probablement la seule association qui ne m'a pas écrit, et je ne connais donc pas sa position sur cette question. Par ailleurs, toutes les autres associations féminines me disent qu'elles nous appuient de tout coeur. À titre de ministre chargée de la condition féminine au Manitoba, croyez-vous que les associations féminines de votre province appuient entièrement votre position?

Mme Vodrey: Je suis convaincue que les associations féminines essaient de déterminer s'il y a un lien entre l'enregistrement des armes à feu et une réduction du taux de criminalité. À titre de ministre de la Justice et de ministre chargée de la condition féminine, je peux vous dire que je n'ai pas obtenu de renseignements à ce sujet. Nous n'avons pas obtenu de renseignements là-dessus au Manitoba.

Pour ce qui est des groupes féminins du Manitoba, je puis vous dire que je suis effectivement ministre chargée de la condition féminine et que j'ai proposé au gouvernement fédéral divers moyens d'améliorer la sécurité des femmes et des enfants, dont un qui relève de la compétence provinciale et qui consiste à avoir plus de policiers pour patrouiller les rues.

Mme Barnes: Vous n'avez pas répondu à ma question.

Mme Vodrey: J'ai demandé au ministre fédéral de prendre des mesures à l'égard du harcèlement avec menaces. Je lui ai demandé aussi de faire en sorte que les ordonnances de soutien alimentaire soient respectées pour que les parents et les enfants puissent avoir de l'argent, mais rien n'a été fait jusqu'ici. À titre de ministre chargée de la condition féminine, je peux vous dire que les groupes féminins du Manitoba sont extrêmement mécontents de l'inaction du gouvernement fédéral.

Mme Barnes: La question que je vous avais posée avait trait aux groupes féminins. Appuient-ils votre position? Vous l'ont-ils fait savoir? Recevez-vous de vos propres groupes des lettres qui expriment un point de vue différent de ce qu'on me dit dans les lettres que je reçois moi-même?

Mme Vodrey: Je peux vous dire que nous venons d'avoir des élections au Manitoba. Lors de ces élections au Manitoba, le 25 avril 1955, ce qui fait bien rire les membres du comité...

Le président: À l'ordre!

Mme Vodrey: Les Manitobains ne rient pas. Ils ont fait leur choix.

Mme Barnes: J'espère que la personne qu'ils ont choisie peut me dire si elle a reçu ou non des lettres de groupes féminins pour appuyer sa position dans la province. Est-ce que ces groupes ne comptent pas?

Mme Vodrey: Je ne voudrais certes pas que quelqu'un ici minimise l'importance de ces groupes au Manitoba. Le gouvernement et moi-même à titre de ministre tenons compte de leurs opinions.

Les élections provinciales ont eu lieu le 25 avril 1995. Les habitants du Manitoba nous ont confié un mandat très important. Depuis, à ma connaissance, je n'ai reçu aucune lettre de groupes féminins...

Mme Barnes: Depuis les dernières élections?

Mme Vodrey: ... quoique je vous signale que nous avons bien expliqué notre position pendant les 35 jours de la campagne électorale. Personne n'aurait pu être plus clair ou plus honnête que nous.

Mme Barnes: Avez-vous reçu...

Le président: Madame Barnes, je vous prie de ne pas interrompre la ministre. Si vous lui posez une question, laissez-la répondre.

.2015

[Traduction]

Mme Barnes: Je m'excuse.

Le président: Et je prie aussi les témoins de ne pas interrompre ceux qui posent des questions. Cela n'est pas arrivé jusqu'ici. Toutes nos délibérations sont transcrites, pour que les gens puissent lire ce qui s'est passé. Si tout le monde parle en même temps, le compte rendu ne sera pas complet.

Mme Barnes: Par exemple, avez-vous reçu une lettre du Portage Women's Shelter de Portage la Prairie pour appuyer le projet de loi? C'est un cas que je connais.

Mme Vodrey: Si la députée veut savoir si cette lettre a été reçue depuis le 25 avril 1995 - mais je ne suis pas certaine si c'est là sa question...

Mme Barnes: Non.

Mme Vodrey: ...que je sache, je n'ai pas reçu cette lettre après le 25 avril 1995.

Mme Barnes: Je ne pense pas que la lettre soit arrivée après le 25 avril 1995. Tout ne tourne pas autour de la date des élections provinciales.

[Français]

Mrs. Venne: Monsieur le président, je n'ai qu'une question. J'aimerais savoir des ministres du Manitoba si, une fois la loi promulguée, la ministre de la Justice allait examiner la constitutionnalité de la loi, comme elle l'a dit plus tôt.

J'aimerais savoir si votre gouvernement lui-même allait en faire une priorité, avant même d'aider la population à comprendre la loi et à s'y conformer. Je pense que ce serait peut-être votre premier devoir.

[Traduction]

Mme Vodrey: Bien entendu, le premier devoir du gouvernement fédéral sera de s'assurer que la population comprend les dispositions du projet de loi qui sera adopté. C'est le devoir du gouvernement fédéral. Ce que j'ai dit, c'est que nous sommes venus ce soir pour discuter d'une question de politique. Nous croyons que nous pouvons encore nous occuper des questions de politique reflétées dans le projet de loi. À cet égard, il y a quatre questions qui nous préoccupent sérieusement. Ces quatre questions sont le manque d'information qui établirait un lien entre l'enregistrement des armes à feu et une réduction du taux de criminalité; deuxièmement, le fait qu'il y ait, à cause de cela, moins de policiers dans les rues; troisièmement, le coût d'application et d'administration de la mesure, que l'on n'a pas établi jusqu'ici, et, enfin, le fait que cette mesure met les honnêtes citoyens dans le même sac que les criminels.

Si le projet de loi est adopté sous sa forme actuelle, malgré nos objections, je songerai à contester la constitutionnalité de la mesure. Dans un tel cas, nous examinerons très attentivement le projet de loi. Bien entendu, s'il est adopté sous sa forme actuelle, nous examinerons sa constitutionnalité. Nous sommes venus ce soir pour exprimer nos préoccupations au sujet de la politique reflétée dans le projet de loi et pour faire état des quatre objections que je viens de soulever.

[Français]

Mme Venne: Vous venez de dire qu'une de vos préouccpations est le manque d'information concernant l'enregistrement des armes à feu. Plus tôt, vous m'avez répondu qu'au contraire les Manitobains étaient très bien informés, que toute la population était très bien informée. Je trouve que vous avez des réponses différentes selon la question posée.

C'est mon seul commentaire. Merci.

[Traduction]

Le président: Voulez-vous répondre?

Mme Vodrey: Monsieur le président, je voudrais faire un commentaire. Je pense que la députée a mal compris. Mes réponses sont tout à fait logiques.

Ce que j'ai dit, c'est que les Manitobains étaient très bien informés à propos du projet de loi sous sa forme actuelle. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on leur fournisse des renseignements qui fassent le lien entre l'enregistrement des armes à feu et une réduction du taux de criminalité et une amélioration de la sécurité publique. Le gouvernement fédéral ne nous a pas fourni de renseignements à ce sujet. Nous le lui avions demandé. Par ailleurs, les Manitobains sont au courant de ce que prévoit le projet de loi actuel et du fait que ces renseignements n'y figurent pas.

Mme Cowling (Dauphin - Swan River): Madame la ministre, je voudrais vous poser quelques questions que je vais énumérer rapidement pour que vous puissiez me répondre.

Je dois dire que la position que vous avez prise m'étonne pour diverses raisons. D'abord, cela m'étonne que la ministre de la Justice - fille d'un policier de Toronto à la retraite - ne tienne pas compte du fait que le projet de loi a l'appui de l'Association canadienne des policiers, de l'Association des policiers du Manitoba et des chefs de police de Brandon et de Winnipeg. L'enregistrement des armes à feu fournira aux policiers des renseignements importants sur les armes auxquelles ils risquent de faire face quand ils répondent à des appels. Qui plus est, le projet de loi C-68 doit être adopté immédiatement pour assurer la sécurité de nos policiers et du public.

.2020

[Traduction]

Je demanderais à la ministre de justifier sa position, étant donné que les services de police ont clairement indiqué qu'ils sont en faveur d'un contrôle plus rigoureux des armes à feu, avec un système d'enregistrement pour contribuer à la prévention du crime.

Deuxièmement, puisque vous êtes une femme et ministre responsable de la condition féminine, je m'étonne de vous voir laisser délibérément de côté l'appui dont bénéficie ce projet de loi auprès des groupes de femmes du pays, notamment du Portage Women's Shelter et du Conseil consultatif des femmes du Manitoba. J'aimerais donc savoir combien d'organisations de femmes vous avez consultées avant d'élaborer votre position.

L'un de mes électeurs, d'une région rurale, a appelé mon bureau pour dire qu'il ne pouvait absolument pas comprendre comment une femme du Canada pouvait s'opposer à ce projet de loi après le massacre de Montréal.

Je comprends que vous soyez préoccupée par les coûts de mise en application du projet de loi. Toutefois, je voudrais préciser que le registre sera exploité dans un contexte de recouvrement des coûts. En outre, si ce texte de loi permet d'éviter ne serait-ce qu'une seule mort, cela en aura valu la peine.

Troisièmement, votre gouvernement appuyait l'enregistrement des armes à feu en 1991, lorsque le ministre de la Justice de l'époque, Jim McRae, exprimait son appui complet au rapport Pedlar, lequel recommandait un contrôle des armes à feu et un enregistrement plus rigoureux. Pouvez-vous me dire pourquoi, madame la ministre, le gouvernement Filmon appuyait fermement l'enregistrement en 1991 et a fait volte-face en 1994?

Dans une lettre adressée à la ministre de la Justice Kim Campbell, le sénateur Nate Nurgitz, qui a dirigé l'une des campagnes électorales du premier ministre Filmon, appuyait également l'enregistrement des armes à feu.

Qui avez-vous donc vraiment écouté, madame la ministre, avant de fixer votre position? Ce ne sont certainement pas les agents d'exécution des lois, ni les médecins, ni les infirmières, ni les organisations religieuses, ni les organisations de femmes, ni les organisations communautaires. Qui donc? Pouvez-vous nous le dire?

Le président: Je vais vous donner un peu de temps pour répondre à cette question, qui comporte de nombreux éléments.

Mme Vodrey: Merci beaucoup.

En effet, je suis fille d'un agent de police à la retraite de Toronto. Je crois d'ailleurs que mon père est l'un des agents de police qui ont obtenu le plus de médailles au Canada.

Une voix: Bravo!

Mme Vodrey: Il est donc évident que lui et moi avons beaucoup discuté de cette question. Laissez-moi vous dire avant tout que je respecte le leadership des chefs de police.

Toutefois, aucune preuve n'a encore été présentée aux chefs de police du Canada, ni aux gouvernements provinciaux, au sujet d'un lien évident entre l'enregistrement des armes à feu et la réduction de l'activité criminelle. Si cette information existe, comment se fait-il que nous ne l'avons pas obtenue? Nous aimerions très certainement en prendre connaissance.

Nous nous adressons à vous aujourd'hui parce que nous avons un mandat très clair à ce sujet de la population du Manitoba. Voilà pourquoi nous sommes ici. Nous savons bien que des propositions diverses ont été exprimées devant le comité, mais la nôtre correspond au mandat que nous avons reçu de la population du Manitoba.

À titre de ministre responsable de la condition féminine, je dois également vous dire que pour ce qui est des consultations avec les organisations de femmes, j'ai représenté notre gouvernement pendant le débat des femmes qui s'est tenu lors des élections. Or, pendant ce débat, personne ne m'a demandé de prendre position en faveur du projet de loi C-68. Ce n'est tout simplement pas arrivé. Vous pouvez vérifier; vous verrez que ce que je dis est exact.

Quoi qu'il en soit, nous continuons nos consultations. Nous savons fort bien que les femmes votent, et qu'elles ont voté pendant les dernières élections. Or, elles disent régulièrement que la sécurité publique est l'une de leurs premières préoccupations. Les groupes qui appuient le projet de loi le font parce qu'ils pensent qu'il existe un lien entre l'enregistrement et la sécurité. Nous aimerions tout simplement que le gouvernement fédéral nous en donne la preuve.

.2025

[Traduction]

Mais les femmes que préoccupe la sécurité publique réclament aussi bien d'autres choses. Elles réclament plus d'agents de police dans les rues, capables d'intervenir rapidement en cas de violence conjugale. Elles réclament de l'aide du Parlement du Canada et un message très clair au sujet de la traque. Elles ont demandé au ministre fédéral de mettre sur pied un registre permettant de fournir des ressources aux femmes et aux enfants du pays. En conséquence, je puis vous dire que j'ai consulté les femmes du Manitoba, à titre de ministre responsable de la condition féminine, et que j'ai communiqué leurs préoccupations au ministre fédéral, qui ne m'a toujours pas répondu.

J'ai l'impression que les libéraux fédéraux essayent de faire croire qu'il y a un lien entre l'enregistrement et la sécurité publique. On ne peut cependant agir sur la base d'impressions seulement. Tout ce que nous vous demandons, c'est de nous donner des preuves. C'est simple, et ce n'est pas la première fois que nous le demandons.

Vous avez ensuite parlé des coûts. J'aimerais y revenir, car, si je ne me trompe, le chiffre d'origine, qui était d'environ 85 millions de dollars, est aujourd'hui passé à 118 millions de dollars. J'ai entendu cela du ministre fédéral. Donc, les coûts de mise en oeuvre du registre augmentent rapidement.

Il nous semble très légitime, à titre de gouvernement provincial, de demander des chiffres exacts au gouvernement fédéral. Quels seront les coûts directs du registre? Certes, vous pouvez dire que les coûts sont secondaires si le registre permet de sauver ne serait-ce qu'une seule vie, mais pouvez-vous prendre l'engagement devant la population du Canada que l'adoption de ce projet de loi permettra d'en sauver une seule? Je ne le crois pas. Je vous ai demandé des preuves, mais je n'en ai toujours pas reçu.

Vous avez évoqué ensuite le rapport Pedlar, rapport exhaustif concernant les questions de violence conjugale dans notre province, et au sujet duquel notre gouvernement a déjà pris des mesures. Nous appuyons les mesures recommandées dans le rapport, en matière de contrôle des armes à feu, qui touchent directement la sécurité publique. Voilà pourquoi nous avons pris position en faveur de certaines dispositions de votre projet de loi, qui portent à notre avis directement sur l'activité criminelle. En revanche, nous n'avons reçu aucune information prouvant que l'enregistrement des armes à feu - et c'est la question dont nous discutons actuellement - rehaussera la sécurité dans le pays et dans notre province.

Vous avez finalement demandé qui nous avons consulté. Je ne ferai que répéter ce que mes collègues et moi-même disons depuis le début de la soirée, c'est-à-dire que nous avons écouté la population du Manitoba. Nous sommes ici à titre de représentants de la population du Manitoba, porteurs d'un message très clair.

Je crois que mon collègue, le ministre du Travail, du Nord et des Affaires autochtones, souhaite ajouter quelque chose.

M. Praznik: En réponse à la question de la députée de Dauphin - Swan River au sujet des agents de police, je puis vous dire, comme j'en ai rencontré beaucoup en faisant du porte-à-porte et que beaucoup ont également contribué à ma campagne, que l'enregistrement des armes à feu est une question qui les préoccupe sérieusement, et que beaucoup s'opposent au projet de loi de votre gouvernement.

Si vous ne me croyez pas, parce que nous représentons des partis politiques différents, laissez-moi citer simplement le candidat libéral d'une circonscription proche de la mienne, qui s'est dit furieux d'entendre le ministre de la Justice Allan Rock déclarer après les élections que le contrôle des armes à feu n'avait strictement rien à voir avec les piètres résultats des libéraux du Manitoba. Voici son commentaire: «Le ministre fait l'autruche.» À mon avis, l'une des fonctions ultimes du système démocratique, c'est de permettre aux gens de prendre des décisions sur le degré de réglementation gouvernementale qu'ils souhaitent. Le Manitoba a pris sa décision. J'espère que les membres du comité ne feront pas l'autruche.

Le président: En réponse à l'une de vos questions, je précise que le ministre a déposé devant le comité, le 24 avril 1995, un document intitulé Cadre financier du projet de loi C-68, concernant l'incidence financière du projet. Si vous ne l'avez pas, je demanderai au bureau du ministre de vous en envoyer un exemplaire.

Je voudrais également ajouter que j'ai eu à connaître de nombreuses questions touchant la justice, pendant ma longue carrière au Parlement, et que je n'ai jamais vu une seule proposition permettant d'éliminer complètement la criminalité. Vous avez demandé si nous pouvons prouver que l'adoption de notre projet de loi permettrait d'éliminer totalement les meurtres à main armée. Si quelqu'un était capable de résoudre ce problème avec un seul texte de loi, je serais fort heureux de le savoir.

.2030

[Traduction]

M. Thompson (Wild Rose): Merci. Je souhaite la bienvenue aux témoins.

Je commencerai par vous dire que j'ai eu l'honneur de déposer une pétition au nom de plus de 2 000 Manitobains, dont environ 1 600 étaient des hommes, qui ont signé une pétition bleue, et 400 des femmes, qui ont signé une pétition rose. Ils voulaient que je les remette telles quelles, ce que j'ai fait avec plaisir. J'ai eu ainsi la chance de faire des pressions au sujet...contre l'opposition à ce projet de loi. Merci. Je n'ai pas vu d'autres pétitions.

Je vais vous demander de répondre à tour de rôle à ce que je vais vous dire.

Je reviens à ce que disait mon collègue au sujet des libertés civiles. Lorsque j'examine ce document, j'y vois 117 pages concernant les citoyens respectueux des lois, contre six concernant les criminels. M. Ramsay a évoqué plusieurs de ces libertés civiles, et, pour ma part, j'aimerais en évoquer d'autres concernant les décrets du conseil, c'est-à-dire les textes réglementaires.

Si vous lisez l'article 110 du projet de loi, vous constatez que le gouverneur en conseil pourrait par règlement prendre toutes sortes de mesures, énoncées sur quatre ou cinq pages allant de l'alinéa a) jusqu'à l'alinéa v). Autrement dit, en vertu de ce projet de loi, le gouverneur en conseil sera doté de pouvoirs considérables, par exemple du pouvoir de régir la constitution et l'exploitation de clubs de tir et de champs de tir, ainsi que les expositions d'armes à feu.

Chacun de ces paragraphes commence par le mot «régir», ce qui, dans un texte législatif de ce genre, constitue un pouvoir exhaustif et illimité. Cela m'inquiète. En outre, je lis ceci au paragraphe 117.15(2), page 98:

Le gouverneur en conseil ne peut désigner par règlement comme arme à feu prohibée, arme à feu à autorisation restreinte, arme prohibée, arme à autorisation restreinte, dispositif prohibé ou munitions prohibées, toute chose qui, à son avis, peut raisonnablement être utilisée au Canada pour la chasse ou le sport.

Autrement dit, le gouverneur en conseil pourrait décider que n'importe quel type d'arme à feu n'est pas d'un usage raisonnable au Canada. En fait, il aurait le pouvoir de déterminer que toutes les armes à feu existant au Canada ne sont pas d'un usage raisonnable. Beaucoup de gens m'ont communiqué leur inquiétude à ce sujet.

Je dois dire que je partage leur inquiétude, car une loi de cette nature revient quasiment à mettre en place un système que l'on peut qualifier d'autocratique et de dictatorial, ou en tout cas de tout, sauf démocratique. C'est quelque chose qui inquiète profondément tous les Canadiens, et de manière parfaitement légitime. À mes yeux, cela devrait suffire pour que l'on ne vote pas en faveur du projet de loi.

Qu'en pensez-vous?

Mme Vodrey: Merci beaucoup. Je vais répondre en premier, mais je sais que mes collègues voudront le faire aussi, car vous soulevez là un point très important. Sachez bien que nous avons de vives réserves au sujet de la portée considérable des règlements que pourrait adopter le gouverneur en conseil, sans en référer aucunement au législateur.

Je répète ce que nous avons dit souvent ce soir: nous craignons que ce projet de loi, qui vise normalement à réprimer les comportements criminels, dans le but de protéger la population, n'aboutisse à des textes réglementaires tels que ceux que vous venez de décrire, sans aucun débat public ni contrôle du législateur.

Je sais que mon collègue, M. Downey, souhaite intervenir là-dessus.

M. Downey: Je vous remercie de me donner la parole, monsieur le président. À mon avis, il est extrêmement important, dans une démocratie comme la nôtre, de permettre un large débat public sur les projets de loi, par le truchement d'audiences publiques, d'audiences de comités comme le vôtre, pour que les gens puissent s'exprimer complètement et librement.

.2035

[Traduction]

La question que vous me posez est tout à fait légitime. Que se passe-t-il au sein du Cabinet lorsque le premier ministre et le ministre de la Justice décident qu'il est temps d'apporter des changements? La décision est prise sans débat public ni démocratique. Elle est prise au Cabinet, certes après avoir consulté les bureaucrates qui ont préparé le texte au nom du gouvernement, et elle a ensuite force de loi.

Vous venez donc d'invoquer certaines inquiétudes tout à fait légitimes au sujet du projet de loi. En effet, sous sa forme actuelle, il pourrait aboutir à une confiscation de biens personnels ou à un déni de droits personnels. Étant donné que les auteurs du projet de loi envisagent que des règlements puissent être adoptés pour n'importe quel type d'armes sportives, la majeure partie des Canadiens, et en tout cas les gens de ma circonscription, dont beaucoup sont des chasseurs, peuvent se demander jusqu'où on voudra limiter leurs droits.

Je puis vous donner l'assurance, tout comme aux gens que nous représentons, que nous sommes prêts à faire tout notre possible pour lutter contre la criminalité et pour mettre la population à l'abri des criminels. En revanche, nous ne voulons certainement pas contribuer à un système en vertu duquel le simple citoyen est considéré coupable d'office, sans avoir aucune possibilité de se protéger. Voilà ce qui risque d'arriver avec les règlements.

Je le répète, ne prenez pas à la légère ce qui est proposé dans le projet de loi, surtout en ce qui concerne les règlements, qui risquent d'avoir une incidence considérable sur la population.

M. Praznik: À titre de ministre des Affaires du Nord, monsieur le président, je partage l'opinion de mes collègues sur le principe général de la réglementation. Je voudrais cependant ajouter un aspect tout à fait particulier du projet de loi qui inquiète sérieusement les citoyens de nombreuses régions. Il s'agit de l'alinéa 110.t), de la page 48, concernant la possibilité d'adopter des règlements s'appliquant à tout peuple autochtone du Canada.

J'attire votre attention sur cette disposition car, vous le savez, nous avons beaucoup de collectivités autochtones au Manitoba - comme à Cross Lake - comprenant aussi bien des Indiens non inscrits que des Métis ou d'autres personnes vivant dans des collectivités relativement isolées. Cela se trouve fréquemment au Manitoba. Si vous donnez au gouverneur en conseil le pouvoir d'adopter de tels règlements pour n'importe quel aspect du projet de loi, on risque que des gens vivant à proximité les uns des autres, en situation de voisins, soient assujettis à des régimes complètement différents. C'est là un problème très sérieux.

Nous aimerions que le ministre propose au moins une ébauche des textes réglémentaires qu'il envisage. Au Manitoba, lorsque nous devons légiférer dans un domaine suscitant beaucoup de controverses ou d'inquiétudes, nous nous efforçons de soumettre l'ébauche des règlements en même temps que le projet de loi, pour que chacun ait une idée un peu plus précise de ce qui est envisagé.

Quand un ministre propose un texte de loi de portée aussi large que celui-ci, il est difficile de se former une opinion précise si l'on n'a aucune idée du genre des textes réglementaires qui suivront. Dans le cas qui nous préoccupe, il est incontestable que les dispositions proposées susciteront beaucoup de questions - surtout dans les régions du Nord du Manitoba - parmi les gens qui risquent d'être traités de manière différente alors qu'ils vivent côte à côte, comme voisins, ce qui est le cas de Cross Lake où les autochtones vivent littéralement au milieu des autres populations. Vous pouvez fort bien avoir une maison autochtone d'un côté de la rue et la maison d'un Blanc en face. Pourtant, les deux risquent d'être assujettis à des régimes complètement différents.

Cela risque de soulever une foule de problèmes. Voilà pourquoi j'aurais espéré que M. Rock puisse au moins nous soumettre une ébauche des textes réglementaires qu'il envisage, pour que nous ayons une idée de ce à quoi nous pouvons nous attendre sur cette question très importante.

C'est juste un exemple de ce qu'il faudrait faire.

.2040

[Traduction]

M. Iftody (Provencher): Je n'ai que deux ou trois observations à faire.

La déclaration concernant la réglementation des armes à feu me surprend après l'élection du gouvernement conservateur du Manitoba. Je dirais que M. Darren Praznik est député parce qu'il est très travailleur et je ne pense pas que les habitants de Pinawa, les employés d'Énergie atomique du Canada, aient voté pour lui dans une proportion de 80 p. 100 à cause de la question de la réglementation des armes à feu. À mon avis, il a été élu parce qu'il fait du bon travail et qu'il ne ménage pas ses peines depuis des années.

Madame Vodrey, certaines peines prévues dans le projet de loi me préoccupent également. Vous employez souvent l'expression «citoyens respectueux de la loi». Je crains notamment que ceux qui omettent de faire enregistrer leurs armes à feu risquent d'avoir un casier judiciaire, d'être condamnés à une peine d'emprisonnement d'un an ou à une amende de 50 000 $ ou encore de se faire saisir une arme qui vaut 800 ou 1 000 $. Je me demande si cela vous préoccupe également.

Mme Vodrey: Je crois comprendre votre question. Vous craignez que des citoyens respectueux des lois n'aient un casier judiciaire à cause du système d'enregistrement. Je vais répéter ce que j'ai dit.

Le président: Cela s'applique uniquement quand on omet d'enregistrer ses armes à feu.

Mme Vodrey: Excusez-moi. Cela ne s'applique effectivement qu'à ces cas-là. Je vais vous répéter quelle est la position du Manitoba.

Le Manitoba s'oppose à l'enregistrement. Si vous voulez que je spécule sur le reste, il faudrait que je demande au gouvernement fédéral quelles autres idées il a. En tout cas, le Manitoba s'oppose à l'enregistrement des armes.

M. Iftody: Je pensais que vous étiez au courant parce que c'est la notion de criminalisation qui préoccupe le plus mes électeurs. Le problème, c'est que l'on veut prendre des sanctions contre ceux qui omettent de faire enregistrer leurs armes.

J'ai examiné les informations récentes et j'ai consulté les habitants de Pine Falls et de Lac du Bonnet à ce sujet pas plus tard que la semaine dernière. Certains d'entre eux m'ont signalé qu'il existait déjà certaines mesures, notamment dans la nouvelle version de la Loi sur la faune. Ils m'ont demandé d'aller pêcher avec eux cette fin de semaine à Pine Falls, mais ils m'ont bien averti que je devais acheter un permis de pêche sinon on pouvait m'imposer une amende de 10 000 $ ou confisquer mon camion à traction sur les quatre roues.

J'ai reçu aujourd'hui par télécopieur des renseignements que je trouve également très intéressants. En vertu de la Loi sur la faune et des modifications que votre gouvernement a adoptées dernièrement - en octobre 1994, je crois - si je tire un coup de feu une demi-heure après le coucher du soleil, vous qui êtes solliciteur général, vous êtes prête à me condamner à une amende de 50 000 $. Si je me fais prendre à chasser la nuit avec les phares de mon camion allumés, d'après ces modifications, vous êtes prête à me condamner à une peine d'emprisonnement d'un an ou à une amende de 50 000 $.

D'après elles, quiconque omet d'observer cette disposition est coupable d'une infraction et lorsqu'on est déclaré coupable des infractions énumérées, tous les biens qui ont été saisis aux termes de la loi à cette occasion appartiennent à la Couronne, à la province, et sont liquidés de la façon prévue par le ministre ou par l'exécutant.

En fait, vous pouvez confisquer tout ce que j'ai et si j'ai avec moi une motoneige, un fusil, une canne à pêche ou mes raquettes, vous pouvez les confisquer et les vendre à titre de biens de la Couronne. C'est une mesure très sévère.

Le président: (Inaudible) avec le projet de loi C-80 ou C-68 ou...

Mme Vodrey: Pour répondre à la question du député, je confirme que ce sont là des infractions criminelles et que nous sommes déterminés à faire preuve de sévérité dans ces cas-là. C'est exactement la position qu'a toujours adoptée mon gouvernement. Nous réprimons sévèrement les activités criminelles, la criminalité. Nous sommes décidés à nous montrer sévères dans ces cas-là.

Le président: Je pensais que M. Iftody avait dit qu'il devait se procurer un permis, sinon qu'il serait jugé coupable d'une infraction criminelle.

M. Iftody: C'est le cas également en ce qui concerne la pêche. À Lac du Bonnet, l'ouverture de la pêche a lieu pendant la longue fin de semaine du mois de mai. D'après les habitants de Pine Falls et du Lac du Bonnet, quand on se fait pincer sans permis avec deux ou trois dorés et un brochet du nord, on a de gros ennuis.

.2045

[Traduction]

Je me demande si la ministre le sait. Les peines prévues actuellement pour les délits de pêche et de chasse sont en fait bien plus sévères que certaines des dispositions du projet de loi C-68. Je voudrais qu'elle me donne des précisions à ce sujet.

Mme Vodrey: Vous avez cité l'exemple des coups de feu tirés dans l'obscurité. C'est dangereux et même très dangereux. Nous avons effectivement fait preuve d'une très grande sévérité à ce sujet. La question des permis de pêche relève des règlements, et, par conséquent, d'une autre catégorie de délits.

Je sais que mon collègue de Lac du Bonnet a des commentaires à faire au sujet de vos questions.

M. Praznik: J'espère pouvoir accompagner le député à la pêche si nous arrivons à nous libérer.

Le président: Je vous y encourage. Je vous accompagnerai peut-être.

M. Praznik: Je connais la position que le député a adoptée jusqu'à présent. Je respecte le fait qu'il essaie de trouver un moyen de convaincre ses collègues en ce qui concerne certains aspects très stricts de cette mesure. Un tel courage de la part d'un membre du parti au pouvoir est toujours admirable. Je tiens à remercier M. Iftody pour les choses très aimables qu'il a dites au sujet des habitants de ma circonscription.

Je tiens à signaler tout d'abord, car c'est très important, quelle est la nature de la peine imposée à ceux qui sont reconnus coupables d'avoir commis une infraction à une des lois de la province du Manitoba et non au Code criminel du Canada. Il ne s'agit pas d'une infraction criminelle. Cela n'entraînera pas toutes les autres sanctions prévues en cas de condamnation au criminel. C'est finalement un juge qui prend la décision et je ne me souviens d'aucun cas où l'on ait appliqué ces peines maximales.

Je rappelle toutefois à M. Iftody que lorsqu'elles ont été proposées, ces modifications et plus particulièrement celles à la Loi sur la faune du Canada, ont été fortement appuyées par la plupart des habitants de Pine Falls qui sont nos électeurs communs. Elles ont été appuyées par bien des gens dans toutes les régions de la province du Manitoba et n'ont jamais fait l'objet d'une opposition aussi vive que ce projet de loi, parce qu'elles reposaient sur une base solide. On reconnaissait la nécessité de réglementer l'utilisation d'une arme à feu pour des raisons de sécurité publique. Voilà pourquoi ces modifications ont été appuyées. En fait, la plupart des électeurs que nous avons en commun appuyaient réellement ces modifications alors que ce n'est pas le cas pour ce projet de loi.

[Français]

Le président: Madame Venne. Vous avez cinq minutes.

Mme Venne: Ma question sera brève. Étant donné que le projet de loi C-68 a pour but, entre autres, d'assurer la sécurité de la population, relativement aux armes à feu, que penseriez-vous de lui ajouter un article, lequel obligerait les armuriers à fournir des mécanismes de verrouillage au moment de la vente des armes à feu? À la livraison même et dans le prix global de l'arme, serait inclus un verrou de gachette ou, selon le type d'arme, un autre système de verrouillage. Qu'en dites-vous, en pensant à la sécurité publique?

[Traduction]

Mme Vodrey: Il existe déjà à ma connaissance des lois concernant l'entreposage sécuritaire des armes à feu. Par conséquent, je me demande où la députée veut en venir. Veut-elle dire qu'il nous faudrait vendre un système d'entreposage sécuritaire avec l'arme ou y a-t-il autre chose que je devrais savoir?

[Français]

Mme Venne: Il est évident qu'il existe actuellement un règlement sur l'entreposage sécuritaire.

.2050

[Français]

Si on ajoutait un article dans le projet de loi C-68 à l'effet que, dorénavant, les marchands d'armes auraient l'obligation de vendre au détail leurs armes à feu avec le système de verrouillage inclus dans le prix global.

Cela éviterait aux gens de dire qu'ils ont oublié de s'en procurer un pour se conformer au règlement actuel. Ils l'auraient déjà à l'achat. Cela ne coûte que 15 $. J'ai moi-même des armes et elles ont toutes des gachettes à verrous qui ne coûtent que 15 $ chacun. Les gens ont l'impression que cela coûte une fortune et, parfois, ils disent qu'ils n'ont pas le temps de s'en procurer. Je propose qu'un système de verrouillage soit inclus obligatoirement au moment de la vente.

Un article comme celui-là conviendrait-il à votre gouvernement?

[Traduction]

Mme Vodrey: Merci, monsieur le président. C'est la première fois qu'il en est question, si je ne m'abuse. Aussi mes commentaires seront-ils brefs. Je dis depuis le début que le Manitoba s'intéresse à toutes les mesures susceptibles d'améliorer la sécurité publique et qu'il les appuiera. Si on propose un tel amendement et qu'il s'avère que ce serait effectivement le cas, le Manitoba l'examinerait très sérieusement et de très près.

Pour le moment, il s'agit d'une proposition purement hypothétique. C'est à ma connaissance la première fois que nous avons l'occasion d'en parler et d'examiner la question. Par conséquent, nous l'examinerions volontiers de plus près si elle faisait l'objet d'un amendement au projet de loi. J'insiste à nouveau sur le fait que notre province s'intéresse à toutes les mesures susceptibles d'accroître la sécurité publique et qu'elle est prête à les appuyer.

Je veux toutefois ajouter à propos de l'entreposage sécuritaire que nous souhaitons que l'on fasse une évaluation de l'efficacité de la réglementation actuelle à cet égard, ce qui n'a pas encore été fait. Cela nous intéresserait.

[Français]

Le président: Mme Venne.

Mme Venne: De toute façon, ce genre d'amendement a déjà été proposé lors de l'étude du projet de loi C-17. Toutefois, à l'époque, nous avions beaucoup de réticences et nous n'avions pas été aussi loin. Je pense que maintenant ce serait quasiment bien vu.

[Traduction]

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Bonjour, madame la ministre. Bonjour, messieurs.

Madame la ministre, il y a actuellement au Canada environ 40 000 ordonnances d'interdiction de possession d'armes à feu en vigueur. Avec quelle efficacité est-on parvenu à faire respecter ces ordonnances au Manitoba?

Le président: Si vous n'avez pas les renseignements, vous n'êtes pas obligée de faire des recherches toute la nuit.

Mme Vodrey: Merci, monsieur le président. J'apprécie. Je voulais tout simplement voir quels chiffres nous pourrions avoir à ce sujet. Je dirais très brièvement, parce que je n'ai pas tous les détails, qu'il existe actuellement au Manitoba un système informatique où toutes ces ordonnances sont répertoriées. Les agents de police peuvent y avoir accès immédiatement. Nous en avons dernièrement parlé publiquement et des observateurs d'autres provinces sont venus l'examiner, si j'ai bien compris. C'est un système très utile.

En ce qui concerne les chiffres proprement dits, je n'ai pas ces renseignements sous la main.

M. MacLellan: Madame la ministre, vous avez dit que vous vouliez que le système de registre soit relié à la protection de la sécurité publique. Ne pensez-vous pas qu'un registre aiderait à faire respecter les ordonnances d'interdiction de possession d'armes à feu?

.2055

[Traduction]

Le président: M. MacClellan pose des questions pas mal embarrassantes. Il vient de la Nouvelle-Écosse.

Mme Vodrey: Elles sont importantes, en tout cas.

Je lui répondrai que s'il possède à ce sujet des renseignements susceptibles d'être utiles aux Canadiens et aux Manitobains, nous serions heureux de les obtenir. Nous n'en avons pas reçu jusqu'à présent.

Vous demandez à notre gouvernement de fournir ces renseignements. Il s'agit en l'occurrence d'un projet de loi fédéral. Nous nous réjouissons d'obtenir de vous les renseignements susceptibles de nous être utiles.

M. MacClellan: Si le projet de loi est adopté et que les gens respectent la loi, on aura un registre des armes à feu. Il faudrait que l'on y signale également tous les renseignements concernant toute ordonnance d'un tribunal relative à l'arme à feu enregistrée, ce qui permettrait de savoir s'il existe une ordonnance d'interdiction de possession d'arme. Cela serait utile.

Je me permets de poser une autre question. Vous êtes solliciteur général et ministre responsable de la situation de la femme et vous avez dit ne pas avoir été consultée en tant que ministre de la Justice. Je voudrais savoir quel genre de consultations vous avez eues avec les organistations féminines du Manitoba au sujet de la réglementation des armes à feu.

Mme Vodrey: Comme je l'ai déjà dit, je représentais notre gouvernement au dernier débat sur les questions féminines et nous avons tous eu des contacts avec des organisations féminines et des femmes de notre province au cours de la dernière campagne électorale, qui a duré 35 jours.

Notre prise de position en ce qui concerne l'enregistrement des armes à feu et les dispositions que nous appuyons reflètent l'opinion des Manitobains. Ceux-ci nous ont souvent donné des renseignements et leur avis. Ils l'ont fait en toute franchise. Nous avons donc consulté le peuple. En fait, notre prise de position reflète les intérêts des Manitobains.

M. MacClellan. C'est toujours pendant la campagne électorale que vous avez rencontré ces organisations féminines. Est-ce que ces rencontres avaient spécifiquement pour but de connaître l'opinion des femmes sur la réglementation des armes à feu ou s'agissait-il de réunions électorales régulières?

Mme Vodrey: Le débat dont j'ai parlé n'était pas spécialement consacré à ce sujet. Il portait sur toutes les questions auxquelles les femmes attachent de l'importance. Chacune avait la possibilité d'exprimer ses opinions sur des sujets qui nous avaient été indiqués et l'assistance a posé des questions pendant environ une heure.

.2100

[Traduction]

En ce qui me concerne, les entretiens que j'ai eus avec les organisations féminines ne portaient pas uniquement sur la réglementation des armes à feu; moi, j'étais prête à aborder n'importe quel sujet. Ces entretiens n'ont pas tous eu lieu pendant la campagne électorale.

Je signale au député qu'il y a eu une conférence réunissant 750 femmes au début de mars, c'est-à-dire avant la publication du bref d'élection. Des femmes de toutes les régions de la province et de tous les milieux y ont participé. J'ai eu l'occasion de leur parler également. Je crois que les renseignements que je vous donne reflètent l'opinion d'un grand nombre de Manitobaines.

M.Breitkreuz (Yorkton - Melville): Merci beaucoup pour votre exposé. J'apprécie votre intervention.

M. MacLellan pose des questions pas mal embarrassantes, mais il est incapable de répondre à certaines des questions que nous lui avons posées. Comme vous le savez, du fait que nous sommes députés, nous avons un avantage sur vous. Nos collègues sont tenus de répondre à nos questions dans un délai de 45 jours. Nous avons notamment demandé combien d'enquêtes criminelles ont été menées à bien grâce au système d'enregistrement des armes de poing qui existe depuis une soixantaine d'années. Je n'aborderai pas la question en détails, mais la réponse pourrait être très intéressante pour vous.

En gros, on a été incapable de nous donner une réponse. Le gouvernement prétend qu'il n'existe pas de données permettant de répondre aux points a) à e) de notre question. Nous avons eu droit à la formule que vous avez entendue, à savoir: «L'Association canadienne des chefs de police a fait cette recommandation; le système d'enregistrement nous permettrait de recueillir des données».

Nous avons posé une autre question au gouvernement. Nous lui avons demandé de prouver, chiffres à l'appui, que le nombre de crimes violents a diminué ou diminuera et que la sécurité publique s'est accrue ou le fera grâce à chacune des mesures énumérées. Nous avons ensuite abordé divers sujets: l'interdiction frappant certains types d'armes à feu, dont nous venons de parler, l'entregistrement des armes de poing, l'inclusion d'un système d'entreposage sécuritaire, etc.

La réponse est la suivante: les chercheurs et les statisticiens sont dans l'impossibilité de déterminer avec précision dans quelle mesure certains mécanismes de contrôle sont ou seront responsables d'une réduction du nombre de crimes violents et d'un accroissement de la sécurité publique au Canada. Voilà toute la réponse que l'on obtient.

Les habitants de la Saskatchewan, c'est-à-dire de ma province, ont des inquiétudes. La délégation de notre province a le même genre d'inquiétudes que vous.

La question que je vais vous poser est la même que la leur. Et vous aurez peut-être de la difficulté à y répondre. Quelles craintes avez-vous au sujet de l'adoption d'un tel projet de loi alors que l'on n'arrive pas à comprendre comment cela fera régresser la criminalité? Quelles sont les préoccupations que cela suscite dans votre province? Sont-elles semblables à celles des habitants de la Saskatchewan?

Mme Vodrey: Merci beaucoup, monsieur le président. Les Manitobains ont bien des réticences en ce qui concerne le projet de loi sous sa forme actuelle, et plus particulièrement en ce qui concerne la question de l'enregistrement. Si j'ai bien saisi, la Saskatchewan pense que lorsque les gens n'arrivent pas à comprendre une loi, lorsqu'elle leur paraît insensée, ils ne l'appuient pas. Les gens se sentent frustrés. Ils n'arrivent pas à comprendre.

Pour le moment, les Manitobains ont le même sentiment de frustration. Ils prétendent qu'on ne leur a pas fourni les renseignements et les chiffres nécessaires, des renseignements normaux sur les coûts et sur les raisons pour lesquelles les citoyens respectueux de la loi devraient être embarqués dans la même galère. Ils se sentent donc frustrés et ils s'inquiètent. C'est une des raisons pour lesquelles nous sommes là ce soir: pour examiner cette question. Pour l'instant, les Canadiens et plus particulièrement les Manitobains sont inquiets et frustrés. C'est pourquoi nous sommes là.

M. Breitkreuz: Un des problèmes qui ont été soulevés en Saskatchewan, c'est qu'il est difficile de savoir exactement quand il faudra appliquer telle ou telle règle et quand il ne faudra pas l'appliquer. En effet, on prévoira peut-être certaines dispenses pour les Autochtones dans les décrets. Vous en avez déjà parlé.

On se pose également des questions au sujet de l'inobservation. Que va-t-on faire au sujet de tous ceux qui craignent de faire enregistrer leurs armes de peur qu'un criminel puisse avoir accès à ces renseignements.

.2105

[Traduction]

Il y a un autre problème qui préoccupe les gens en Saskatchewan: c'est toute la question des droits, et ce sont des citoyens qui ne possèdent pas d'arme qui l'ont soulevée. Ils craignent les abus en ce qui concerne les perquisitions et les saisies prévues au papagraphe 117.04(2). Ils ont des craintes au sujet du droit de garder le silence si un policier vient vous trouver à la maison, du droit d'être présumé innocent tant qu'on n'a pas été reconnu coupable, du droit de consulter un avocat - on ne le peut pas - , du droit à l'égalité devant la loi et du droit au respect de la vie privée. Je pourrais passer tout cela en revue, mais je ne dispose que de cinq minutes. Les personnes qui ne possèdent pas d'arme éprouvent toutes sortes d'inquiétudes au sujet de ce projet de loi et des conséquences qu'il pourrait avoir pour eux en raison des pouvoirs qu'il accorde, notamment à la police.

Mme Vodrey: Nous sommes certainement en faveur des perquisitions de saisie dans le contexte criminel mais nous avons de la difficulté à admettre cela dans le contexte réglementaire, au nom des citoyens du Manitoba.

M. McKinnon: Étant Manitobain, je suis heureux, tout d'abord, que vous vous soyez déplacée pour nous. Je tiens aussi à signaler que, si je suis ici parmi les libéraux, c'est un peu grâce àM. Downey qui m'a battu aux avant-dernières élections provinciales.

Je tiens à vous en remercier, monsieur Downey.

Le président: Il fait du très bon boulot à Ottawa.

Assez de louanges!

M. McKinnon: Je dois dire que je suis inquiet et qu'il en est de même pour plusieurs de mes amis dans diverses localités du sud-ouest du Manitoba. Je ne pense pas que les Manitobains soient parfaitement au courant de la réglementation actuelle en matière d'entreposage sécuritaire. Premièrement, je voudrais savoir ce que vous en pensez.

Deuxièmement, je vais vous signaler quelque chose qui n'est peut-être pas entièrement exact. La dernière fois que j'ai consulté les statistiques concernant le nombre de Manitobains qui ont le droit de posséder des munitions ou des armes à feu, j'ai vu qu'il y en avait environ 600. Je ne sais pas très bien si ces statistiques sont récentes, madame la ministre.

Troisièmement, estimez-vous que l'enregistrement des armes à feu renforcerait la connaissance - sans toutefois nécessairement se traduire par une application - qu'il est plus facile de mettre une arme à feu hors de la portée des enfants que de mettre ceux-ci en garde contre les dangers qu'elle représente. Merci.

Mme Vodrey: Le député insinue que les Manitobains ignorent les règlements concernant l'entreposage sécuritaire. Pour ma part, je crois qu'ils sont bien informés. S'il a toutefois certains problèmes à me signaler à ce sujet, au nom des Manitobains, je me ferai un plaisir de l'écouter.

Je voudrais qu'il répète sa question concernant les munitions. Je m'excuse, mais je ne l'ai pas bien saisie.

M. McKinnon: Je parlais du nombre de gens qui avaient le droit de posséder des armes à feu et des munitions et qui en ont été privés pour diverses raisons. J'ai juste cité ce chiffre dans mon intervention.

Le président: Il a dit qu'il y en avait 800.

M. McKinnon: Troisièmement, êtes-vous d'accord sur l'idée qu'il est plus facile de mettre une arme à feu hors de portée des enfants que de mettre ceux-ci en garde contre les risques qu'elle présente.

.2110

[Traduction]

M. Downey: Mettons d'abord les choses au point: je n'ai pas voté pour M. McKinnon pour qu'il aille à Ottawa. C'est parce que je l'ai mis à la disposition du Parti libéral aux dernières élections provinciales...

Des voix: Oh, oh.

M. Downey: J'ignore s'il me lance un défi pour la prochaine fois.

En ce qui concerne l'entreposage sécuritaire des armes, je dirais ceci: je pense que les Manitobains comprennent très bien qu'il faut mettre les armes en lieu sûr. Quant à savoir s'ils appliquent le règlement ou non, c'est une autre question, mais ils le comprennent. Je pense que la plupart des gens - de ceux que je connais, du moins - respectent en fait la loi.

Deuxièmement, en ce qui concerne la question de l'enregistrement ou de la nécessité de s'arranger pour que les enfants comprennent, je ne pense pas qu'il soit actuellement possible d'acheter une arme sans autorisation d'acquisition d'armes à feu. Je vous signale - et je parle au nom des bénévoles de tout le Manitoba - qu'un très grand nombre de bénévoles font l'éducation des jeunes, que ce soit dans le cadre de clubs de tir ou dans d'autres circonstances pour s'assurer qu'ils comprennent, apprécient et respectent le fusil ou toute autre arme qu'ils sont amenés à utiliser.

Sur le plan éducatif, je crois donc que l'on dispose d'une importante réserve de bénévoles. Je signale en passant que ceux-ci ont également exprimé des inquiétudes au sujet du système d'enregistrement obligatoire.

Je crois donc que, sur ce plan, on a fait un énorme travail auprès des jeunes Canadiens et en particulier des Manitobains que je connais mieux. Grâce aux bénévoles et aux autres, les jeunes comprennent les dangers que présentent les armes à feu, ils les respectent et ils sont conscients de la nécessité d'un bon maniement.

À l'heure actuelle, on ne peut plus acheter une arme à feu sans certificat d'acquisition. On a mis certains mécanismes en place pour accroître la sécurité.

M. McKinnon: Puis-je faire des commentaires sur certains chiffres dont Mme Venne a parlé il y a quelques instants? Je ne sais pas si vous avez reçu ces feuilles.

Le Manitoba se situe en tête au niveau national pour le nombre total d'hospitalisations à la suite de blessures causées par des armes à feu. Nous venons en tête en ce qui concerne les autres blessures causées par les armes, les blessures accidentelles, celles qui ont été infligées par d'autres personnes et celles qui sont attribuables aux utilisateurs eux-mêmes. Nous sommes les champions dans ce domaine.

Je veux simplement dire que j'ignore si notre performance est exemplaire en ce qui concerne le bon maniement des armes à feu.

Mme Vodrey: On ne nous a pas communiqué ces chiffres aujourd'hui, mais si vous avez des inquiétudes au sujet des connaissances des Manitobains en matière de maniement d'armes à feu, je tiens à vous dire que c'est une chose que j'avais déjà signalée tout en début de soirée.

L'enregistrement est une solution coûteuse et nous n'avons en fait aucune preuve qu'elle réduira le nombre d'hospitalisations ou d'activités criminelles. Ce que nous disons depuis le début, c'est que si l'on a de l'argent à consacrer à cela, qu'on nous le donne. Nous l'utiliserons à bon escient.

J'ai dit en effet au début de mon mémoire que nous serions heureux de pouvoir consacrer cet argent à l'éducation dans ce domaine. Voilà une des solutions que nous serions disposés à envisager.

[Français]

Le président: Madame Venne. Vous avez cinq minutes.

Mme Venne: J'aimerais demander aux représentants du gouvernement du Manitoba, quel traitement on devrait accorder aux armes militaires et paramilitaire. Êtes-vous satisfaits de ce qu'il y a actuellement dans le projet de loi, à cet égard?

[Traduction]

Mme Vodrey: Je crois que la députée demande si le Manitoba a des préoccupations au sujet du système de classement des armes prohibées et des armes non prohibées. Je ne pense pas que les armes militaires et paramilitaires soient un sujet qui nous préoccupe beaucoup pour l'instant.

.2115

[Français]

Mme Venne: Donc, vous n'avez aucune objection à ce que ces armes continuent à être détenues par des citoyens canadiens. Cela ne vous inquiète pas.

[Traduction]

Le président: Vous appuyez les dispositions du projet de loi prohibant les armes militaires et paramilitaires?

Mme Vodrey: Oui, monsieur le président, c'est exact. Je disais que la distinction entre armes prohibées et non prohibées qui est faite dans le projet de loi ne nous pose aucun problème.

[Français]

Mme Venne: D'accord, le projet de loi prohibe les armes militaires et paramilitaires. Cependant, les propriétaires peuvent toujours les garder. Dans ce sens, on peut dire que les Canadiens vont pouvoir continuer à en posséder et à en garder. C'était là ma question. Je ne voulais pas savoir si vous étiez d'accord avec le fait qu'elles soient prohibées.

[Traduction]

Mme Vodrey: Merci, monsieur le président, de nous avoir permis de prendre quelques instants.

Je suppose que la députée parle des droits acquis concernant certaines de ces armes à feu. Il va sans dire que s'il était question d'utiliser ces armes à feu pour perpétrer une infraction, nous soulèverions des objections. Toutefois, à notre avis, le projet de loi tel qu'il est rédigé actuellement tente de régler la question des droits acquis étant donné que ces armes à feu peuvent être transmises d'une génération à l'autre. Cependant, s'il était question de les utiliser pour commettre une infraction, cela nous inquiéterait évidemment.

D'après ce que j'ai compris, on nous a demandé si les listes qui ont été établies pour faire une distinction entre les armes militaires et paramilitaires qui sont prohibées et celles qui ne le sont pas nous posait un problème. Ma réponse est non, pas à l'heure actuelle.

[Français]

Mme Venne: Non. Ma question portait vraiment sur les droits acquis concédés aux personnes qui possèdent actuellement des armes militaires et qui vont pouvoir les conserver leur vie durant. Vous me dites que cela ne vous dérange pas et que vous êtes d'accord avec cette mesure. Merci.

[Traduction]

Mme Torsney (Burlington): Juste une ou deux brèves questions qui appelleront, j'espère, de brèves réponses. Est-ce que le Manitoba fait appliquer la loi concernant le port de la ceinture de sécurité?

Mme Vodrey: Oui.

Mme Torsney: Avant que cette mesure ait force de loi, quel genre de preuves avaient été fournies à la population du Manitoba? Quel genre de démonstration a-t-on faite avant que la loi soit adoptée prouvant qu'il y avait un lien entre le port de la ceinture et une plus grande sécurité?

Mme Vodrey: La députée essaie de faire une analogie, je crois. Je n'en suis pas sûre.

Mme Torsney: Non, c'est une simple question.

Mme Vodrey: Ce dont nous discutons ici ce soir, ce sont des mesures législatives présentées par le gouvernement fédéral qui concernent des citoyens respectueux de la loi et qui pourraient, de fait, être mis dans le même panier que ceux qui ont commis des actes criminels. Nous sommes ici ce soir pour examiner cette politique. Nous avons demandé au gouvernement fédéral de nous fournir des informations sur une mesure législative fédérale proposée par ce même gouvernement, car elle touchera concrètement les Manitobains sur le plan financier, pour ce qui est des ressources de la police, et à cause de ce qui arrivera à nos concitoyens. Nous vous avons demandé à vous, le gouvernement fédéral, de nous fournir ces informations. Je crois qu'il est raisonnable...

Mme Torsney: Madame la ministre, pouvez-vous...

Mme Vodrey: ...étant donné que c'est votre...

Mme Torsney: Madame la ministre...

Le président: Excusez-moi.

.2120

[Traduction]

Mme Torsney: Nous avons très peu de temps.

Le président: Oui, je sais, mais lorsque vous posez une question, la tradition et la règle veulent...

Mme Torsney: J'ai demandé quel genre de preuves on aurait...

Le président: S'il vous plaît, n'interrompez pas le témoin. Je dois me montrer très strict sur ce point. Je ne veux pas non plus qu'on vous interrompe.

Continuez, s'il vous plaît.

Mme Vodrey: Merci, monsieur le président.

Je crois que j'en ai terminé. J'attendrai de recevoir ces informations du gouvernement fédéral.

Mme Torsney: Merci.

Pourriez-vous nous dire - et vous n'avez pas besoin de répondre maintenant - quel genre de preuve vous jugeriez recevable? Le Manitoba a déjà eu à s'occuper de questions portant sur la sécurité auparavant. Dans certains cas, il s'agissait peut-être de faire un acte de foi et, dans certains autres, cela pouvait venir d'une intuition. Si, après nous avoir quittés, un peu plus tard, vous pouviez nous dire quel genre de preuves les habitants du Manitoba jugeraient satisfaisantes, nous vous en serions reconnaissants.

La deuxième question que j'aimerais vous poser tient plutôt du commentaire. Vous avez demandé plus tôt que le gouvernement fédéral vous fournisse des informations sur l'application des ordonnances d'interdiction. Madame la ministre, c'est la responsabilité du gouvernement provincial de conserver des renseignements sur les ordonnances d'exécution. C'est lui qui est censé savoir combien d'ordonnances d'interdiction ont été appliquées, combien d'armes ont été réunies et de quel type. Par conséquent, peut-être pourriez-vous nous en donner la liste au lieu que ce soit nous qui vous fournissions des informations que vous recueillez vous-mêmes.

Deuxièmement, vous avez posé des questions à propos des consultations. Je trouve cela ironique étant donné que le ministre de la Justice a déposé la liste des quelque cent groupes divers qu'il a rencontrés pour discuter de ce projet de loi. En ce qui nous concerne, vous avez parlé de consultations avec des groupes de femmes, vous avez parlé de 750 femmes, vous avez parlé des quelque 52 p. 100 de Manitobaines qui, apparemment, vous ont porté au pouvoir le 25 avril.

Sur ce point, je vous pose la question suivante: êtes-vous prête à nous transmettre la liste des groupes de femmes de votre province que vous avez consultés? D'après mes informations, il semble qu'à l'heure même où vous dénigrez le ministre parce qu'il n'a pas mis en application certaines mesures recommandées par des groupes de femmes, le Conseil consultatif des femmes du Manitoba vous a demandé, en octobre 1993, d'interdire totalement les chargeurs grande capacité utilisés à des fins non-militaires... et de ne faire aucune exception pour les concours organisés en toute légitimité; or, vous n'avez pris aucune mesure en ce sens.

Je crois comprendre que vous menez des consultations à ce propos et que vous avez élaboré un plan, mais vous n'avez pris aucune mesure à cet égard. Si, de fait, vous l'avez fait, j'aimerais connaître la date d'entrée en vigueur de ces dispositions.

Pourriez-vous également nous donner des renseignements sur ces 750 femmes qui se sont réunies, sur le nombre de sujets à l'ordre du jour qui avaient trait au contrôle des armes à feu, sur le temps qui a été consacré à l'étude de cette question, quel genre d'informations ont été fournies et, de plus, quels organismes vous avez rencontrés, vous qui êtes la ministre responsable des femmes. Nous souhaitons que cette liste soit transmise au comité.

Mme Vodrey: Permettez-moi de rappeler à la députée, car elle semble l'avoir oublié, que c'est de votre projet de loi qu'il s'agit et que c'est vous qui avez décidé de nous consulter.

La question à laquelle j'ai répondu plus tôt était la suivante: quelles consultations ont eu lieu entre le ministre de la Justice et le Procureur général du Manitoba? J'ai répondu à cette question.

Permettez-moi de reprendre une par une les quatre questions soulevées par la députée. Voyons tout d'abord celle de la loi sur le port de la ceinture de sécurité. Elle décrit cela comme un acte de foi. Je présume qu'elle veut dire que le projet de loi dont nous discutons actuellement, tel qu'il est énoncé, requiert un acte de foi de la part des Canadiens. C'est l'expression qui a été utilisée. Et je crois que c'est bien la manière dont cela a été présenté. Si, de son point de vue, les Manitobains ont accepté de faire un acte de foi en ce qui concerne les ceintures de sécurité, les Canadiens devraient accepter de faire également un acte de foi, au nom du gouvernement fédéral, en ce qui concerne ce projet de loi fédéral sur le contrôle des armes à feu.

Monsieur le président, à ma connaissance, nous ne sommes pas ici pour débattre de la loi du Manitoba sur le port de la ceinture de sécurité, même si la députée semble s'intéresser particulièrement à cette question et veut obtenir toute une foule de détails sur la manière dont le Manitoba l'a appliquée. Nous sommes ici, je crois, pour parler d'une mesure législative proposée par le gouvernement fédéral sur le contrôle et l'enregistrement des armes à feu.

En ce qui concerne la question soulevée par M. MacLellan, c'est-à-dire la compilation des données, j'ai bien dit que, de fait, nous avions un système informatique qui, je crois, est à ma connaissance le seul au Canada à pouvoir enregistrer les ordonnances en question. Je me demandais toutefois si M. MacLellan souhaitait obtenir d'autres renseignements ou s'il voulait lui-même nous donner une information. Je lui ai donc à mon tour demandé si, dans le cadre de la discussion qui a lieu ce soir, il avait quelque chose à ajouter qui pourrait nous être utile?

Mais je veux assurer le député que, au moins dans notre champ de compétences et à ma connaissance, nous possédons le système informatique le plus perfectionné pour avoir accès aux ordonnances d'interdiction.

.2125

[Traduction]

Ensuite, monsieur le président, la question des chargeurs grande capacité a été soulevée et on a demandé si le Manitoba ferait ou non une exception. Non, le Manitoba n'a pas fait ce genre d'exception. De fait, comme les autres provinces, le Manitoba a continué d'interdire les concours de tir où l'on utilise des chargeurs grande capacité.

En ce qui concerne le processus de consultation, j'ai peut-être déjà abordé ce sujet dans ma réponse. J'ai dit clairement à la députée que nous avions bel et bien mené des consultations. Ma collègue suggère qu'il faudrait peut-être que nous soumettions les noms des gens que nous avons consultés dans nos circonscriptions, si, de fait, cela pouvait être jugé satisfaisant. C'est peut-être la liste des électeurs qu'elle aimerait recevoir.

Nos consultations ont eu une certaine ampleur. Les plus récentes ont été menées dans le cadre des élections générales dans notre province. C'est une déclaration d'opinion qui a énormément de poids.

Je pense avoir répondu aux quatre questions, monsieur le président.

M. Ramsay: J'aimerais vous poser une question qui dépasse le cadre de ce projet de loi. Je la pose toujours tard dans la soirée, mais pas souvent. Je veux la poser ce soir parce que vous êtes ministre de la Justice et que le droit est votre domaine d'élection, notamment le droit qui assure le maintien de la démocratie.

Ce qui m'inquiète dans la façon dont ce projet de loi a été élaboré est tout simplement ceci: à ma connaissance, le ministre de la Justice ne s'est pas assuré la collaboration d'un des gouvernements provinciaux ou territoriaux. Si un premier ministre provincial s'est déclaré publiquement en faveur de ce projet de loi, je n'en ai pas eu connaissance. Je peux me tromper, mais c'est une chose dont je n'ai pas été informé. Je sais que les quatre provinces de l'Ouest canadien se sont déclarées contre le projet de loi.

Ce que je veux signaler, c'est que le ministre de la Justice a dû s'adresser à certains groupes afin d'obtenir leur appui, et que deux de ces groupes sont l'Association des chefs de police et l'Association canadienne des policiers.

Voici ce qui m'inquiète. Je suis convaincu que l'on doit continuer à faire une distinction entre ceux qui font les lois et ceux qui participent à leur application. S'il n'y a plus de distinction entre ces deux groupes, il n'existe plus qu'une seule entité qui détient non seulement le pouvoir législatif de faire des lois, mais également le pouvoir de les administrer.

Lorsque la séparation des pouvoirs disparaît dans une démocratie, un autre type de gouvernement émerge, mais on ne peut plus parler de démocratie. Je ne sais pas si c'est ce qui se passe actuellement ou non, mais c'est ce qui m'inquiète et j'aimerais avoir votre point de vue à ce sujet.

Permettez-moi de vous donner une idée du contexte. Le ministre de la Justice a déclaré publiquement que, dans le cadre de ses négociations avec les représentants de l'Association canadienne des policiers, il est disposé à s'arranger avec eux ou à conclure un marché. Le ministre de la Justice a également pris la parole lors du congrès des chefs de police. Laissez-moi vous lire la fin de son discours. À propos des mesures d'ensemble sur le contrôle des armes à feu qu'il avait l'intention de proposer - le projet de loi n'était pas encore déposé à cette époque - il a déclaré:

Bien évidemment, il sera plus facile de faire accepter certaines de ces mesures que d'autres. Par exemple, je ne m'attends pas à ce que les dispositions permettant d'enfermer ceux qui possèdent ou utilisent des armes à feu à des fins criminelles soulèvent beaucoup d'opposition. Il sera plus difficile de faire accepter d'autres éléments des propositions qui sont toutefois peut-être aussi importants à long terme pour prévenir la perpétration d'actes criminels et poursuivre leurs auteurs. C'est là que je vais avoir besoin de votre aide. Pour faire valoir le bien-fondé de ces mesures, je devrai compter sur le prestige de cette association, sur votre crédibilité, votre expérience et votre compétence en la matière.

Le ministre n'a jamais demandé dans son discours que l'on fasse une analyse critique du projet de loi, il s'est contenté de demander l'appui de l'association. Et je vous dis ceci: je crois que nous devons nous appuyer sur les connaissances techniques que possèdent nos services policiers. Mais il faut également que nous veillions à ce que la séparation entre les deux branches du pouvoir ne disparaisse pas et que l'on n'aboutisse pas à la création d'une seule et même entité qui a non seulement le pouvoir de faire des lois, mais également de les appliquer. J'aimerais avoir votre opinion à ce propos, s'il vous plaît.

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[Traduction]

M. Downey: J'essaierai d'être bref, mais je pense que la question qui a été soulevée est extrêmement importante lorsque la séparation devient moins marquée entre les gens qui sont chargés, dans l'intérêt du public, d'élaborer des lois au nom des Canadiens qui comptent sur leurs élus pour établir de façon responsable le cadre... Nous devons les élire pour que le système démocratique puisse fonctionner.

Encore une fois, je respecte énormément les gens qui sont chargés de mettre nos lois en application dans ce pays. Ce sont eux qui sont en première ligne et nous comptons sur eux.

La préoccupation qui a été exprimée est, je suppose, tout à fait valable. Lorsque cette séparation devient moins marquée et que cette responsabilité... qui est, je crois, celle des gens chargés de faire appliquer la loi, de traduire les criminels en justice, de les soumettre au processus judiciaire... C'est cela leur rôle.

Dans une démocratie, les gens devraient avoir la possibilité de s'exprimer sans réserves, d'appuyer pleinement la mise en place de mesures législatives... Et c'est cela que nous entendons ici, ce soir. C'est ce que nous avons entendu le gouvernement dire; c'est l'appui le plus solide qui lui a été donné... Je suppose que les préoccupations dont vous avez fait état sont valables et je les partage.

M. Pagtakan: J'invoque le Règlement.

Le président: Monsieur Pagtakan, étant donné que vous n'êtes pas membre de ce comité, je ne peux vous permettre d'invoquer le Règlement. Je suis désolé.

Monsieur MacLellan.

M, MacLellan: Je me demandais tout simplement s'il ne serait pas possible d'obtenir l'assentiment unanime du comité pour prolonger la réunion de cinq minutes afin que M. Pagtakan puisse...

Le président: D'autres membres du comité veulent intervenir et j'ai moi-même une liste de questions, mais je vais devoir les oublier.

Si vous voulez prolonger la réunion... je suis désolé. J'avais tout un tas de renseignements à transmettre à la délégation du Manitoba, des données permettant de faire un lien entre l'enregistrement des armes à feu et une plus grande sécurité au sein de la société et, maintenant, je me vois dans l'impossibilité de poser les questions importantes qui m'auraient permis de verser cela au compte rendu.

Désolé, mais la journée a été très longue. Nous avions décidé de prolonger la réunion jusqu'à 21h30. Je demande à monsieur Pagtakan de m'excuser, mais je dois appliquer les règles du Comité.

En passant, le ministre va bientôt comparaître devant nous. Nous pouvons lui demander combien de premiers ministres provinciaux l'ont assuré de leur appui et combien le lui ont refusé.

Je tiens à vous remercier très sincèrement d'être venus et de nous avoir transmis l'opinion du Manitoba. C'est la raison pour laquelle nous vous avions invités. Certains d'entre nous peuvent être d'accord avec vous et d'autres non, mais au moins nous connaissons votre opinion.

À titre de président de ce comité, je dois vous dire que ce qui me bouleverse le plus, c'est que les Jets s'en aillent au Minnesota et je me demande ce que vous allez faire à ce sujet.

Vous venez d'avoir des élections. Vous avez donc un mandat.

Ce que je vais dire maintenant s'adresse aux membres du comité. Vendredi matin, nous allons examiner la motion de M. Ramsay, sans doute vers midi. Nous nous réunirons pendant trois heures et nous interromprons la réunion à midi.

Si la motion de M. Ramsay est adoptée, il faudra que nous suspendions nos travaux sur ce projet de loi et que nous fixions une nouvelle série de réunions pour examiner la question de l'ivresse comme moyen de défense en cour. En revanche, si la motion n'est pas adoptée, il faudra que nous fixions une série de réunions pour l'examen article par article du projet de loi. Il faudra également que nous décidions si nous allons nous réunir dans la salle où se trouve l'équipement nécessaire pour téléviser nos débats lors de l'examen article par article du projet de loi. Personnellement, je trouve que c'est une bonne chose et que faire cela dans cette salle est une façon d'éduquer les Canadiens. Mais nous prendrons ces trois décisions vendredi matin.

La séance est levée.

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