[Enregistrement électronique]
Le mardi 16 mai 1995
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-68, Loi concernant les armes à feu et certaines autres armes.
Cet après-midi, nous sommes heureux d'accueillir l'organisation nationale du YWCA, représentée par Sandra Essex, responsable des relations gouvernementales, et Gael MacLeod, membre du conseil d'administration du YWCA de Calgary, en Albera.
Nous accueillons aussi la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, représentée par Betty Bayless, présidente du comité législatif, et Marilyn Letts, membre du comité national.
Les deux groupes qui témoignent cet après-midi sont les 62e et 63e témoins entendus par notre comité sur ce projet de loi depuis le 2 avril.
Nous avons un mémoire de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, mais nous n'en avons pas du YWCA. Toutefois, la coutume veut que nous donnions la parole aux témions dans l'ordre dans lequel ils figurent sur l'avis de convocation. Par conséquent, je demande aux représentantes du YWCA de faire leurs remarques liminaires.
Si vous pouvez lire votre mémoire en 15 minutes, c'est très bien. Sinon, vous pouvez en lire des extraits ou simplement y faire référence; votre mémoire sera déposé en entier de toute façon. Je suis disposé à vous donner un peu plus de temps s'il le faut, mais nous ne voulons pas que les exposés prennent trop de temps; sinon, les membres du comité n'auront pas de temps pour vous poser des questions et dialoguer avec vous.
Je cède la parole à Sandra Essex, du YWCA.
Mme Sandra Essex (Relations gouvernementales, YWCA): Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs.
Le YWCA du Canada est un organisme charitable de femmes bénévoles qui a été établi en 1893 à titre d'organisme de coordination nationale des associations membres des YWCA et YM-YWCA du Canada. Le YWCA dispense des services et des progammes communautaires de grande qualité; il assure la sensibilisation du public aux problèmes des femmes et préconise des changements sérieux dans les sphères sociale, politique et économique. Notre mission, c'est la recherche de l'équité et de l'égalité pour toutes les femmes.
Au Canada, le YWCA travaille avec les femmes et les familles depuis plus de 100 ans...
M. Langlois (Bellechasse): J'invoque le Règlement.
[Français]
Le président: Oui, monsieur Langlois.
M. Langlois (Bellechasse): Monsieur le président, si le témoin avait une copie additionnelle pour les interprètes, cela leur permettrait probablement de suivre plus facilement.
[Traduction]
Le président: Il serait bon que les interprètes aient un exemplaire de votre texte; cela les aiderait à mieux traduire vos propos. Le greffier m'indique qu'on s'en occupe. Entre-temps, j'ajouterai qu'il serait probablement aussi utile que vous lisiez un peu plus lentement; cela faciliterait la tâche des interprètes.
Mme Essex: Certainement.
Au Canada, le YWCA travaille avec les femmes et les enfants depuis plus de 100 ans et continue son oeuvre dans 200 collectivités. Des 850 000 personnes ayant participé à nos programmes et services, plus de 400 000 étaient des membres.
Le YWCA est un mouvement mondial qu'on retrouve dans 91 pays. Nous nous exprimons au nom de 5 millions de femmes, ce qui fait de notre organisation la plus grande et la plus vieille organisation de femmes du monde.
Parmi les services qu'offrent les YWCA, il y a des programmes visant à mettre fin à la violence contre les femmes, des logements de soutien à long terme, des logements d'urgence et à court terme ainsi que des logements à but non lucratif. Notre organisation est celle qui, dans tout le Canada, dispense le plus de services de logement aux femmes.
Notre participation sur le terrain à des programmes visant à mettre fin à la violence contre les femmes et à fournir des logements d'urgence a façonné notre perspective sur les dispositions du projet C-68 touchant la sécurité des femmes et des enfants. Nous avons donc limité notre examen au domaine des homicides au sein des familles.
Le YWCA participe à toute une gamme d'activités visant à éliminer la violence contre les femmes et à accroître la sécurité des femmes. En voici quelques exemples seulement.
En 1991, Santé et Bien-être social Canada a reconnu l'engagement du YWCA dans la lutte contre la violence faite aux femmes en y accordant une subvention à long terme pour son programme d'action communautaire contre la violence faite aux femmes.
Ce programme prévoit des stratégies pour l'élimination de la violence contre les femmes. Il établit des partenariats au sein des collectivités pour sensibiliser la population et promouvoir des mesures en matière de violence faite aux femmes.
En 1982, le YWCA de Peterborough a publié la première édition de Fresh Start. C'est un guide d'entraide pour les femmes vivant une relation abusive et pour ceux et celles qui veulent comprendre ce problème. Le fait que nous ayons vendu des dizaines de milliers d'exemplaires dans tout le Canada en dit long sur notre société.
Au fil des ans, le YWCA a participé à toute une gamme de consultations officielles et officieuses sur la violence familiale. Nous avons récemment participé aux consultations qui ont précédé la rédaction des nouvelles mesures législatives sur les agressions sexuelles ainsi qu'aux audiences du Comité canadien sur la violence faite aux femmes.
L'an dernier, plus de 12 000 femmes et enfants ont été hébergés dans nos refuges d'urgence à l'échelle du pays. Ça ne comprend pas les 170 000 autres femmes qui ont logé dans nos résidences, dont bon nombre y fuyaient la violence familiale. Douze refuges d'associations membres du YWCA se trouvent à Winnipeg, Calgary, Peterborough, Brandon, Regina, Lethbridge, Kamloops, Yellowknife et ailleurs.
Nous avons pris position sur l'incidence du projet de loi C-68 sur la sécurité des femmes et des enfants après avoir consulté nos membres les plus divers. En outre, nous avons consulté de nombreuses organisations de femmes et refuges pour femmes à l'échelle du pays.
Je témoigne aujourd'hui avec le soutien d'organisations telles que le Conseil national des femmes du Canada, la Provincial Association of Transition Houses in Saskatchewan, l'Ontario Association Interval Space and Transition Houses, la Federation of Women Teachers' Associations of Ontario, le Saskatchewan Action Committee on the Status of Women, l'Alberta Council of Women's Shelters et le Manitoba Action Committee on the Status of Women.
Dans le cadre de notre travail dans tous ces domaines, nous avons préconisé le resserrement des lois contre les hommes qui battent leur femme ainsi que des lois sur les armes à feu. En raison de notre travail, nous avons conclu que le contrôle des armes à feu est une mesure importante pour l'élimination de la violence contre les femmes et les enfants. Bien qu'il ne s'attaque pas à la cause profonde de la violence dans notre société, il permettra de sauver des vies. Le contrôle des armes à feu est lié à la sécurité des femmes.
Dans les foyers où la violence est présente, s'il y a des armes à feu, ces armes deviennent des instruments d'abus de pouvoir, de domination et d'intimidation, que ce soit de façon implicite ou explicite. Dans une étude de Statistique Canada menée en 1993 sur la violence faite aux femmes, étude qui a fait époque, on a constaté que 51 p. 100, ou la moitié, des femmes de plus de 16 ans au Canada avaient été victimes d'agression sexuelle ou physique selon la définition du Code criminel. Ça signifie que plus de 5 millions de femmes ont connu la violence. En outre, 25 p. 100, soit le quart, avaient été victimes de violence dans leur mariage, actuel ou passé.
On estime qu'il y a de 5 à 7 millions d'armes à feu au Canada. Lorsqu'on examine toutes ces statistiques ensemble, on comprend vite qu'il y a bien plus de femmes qui sont intimidées par des armes à feu qu'il n'y en a qui signalent ces accidents de violence à la police. Les femmes de notre organisation qui travaillent dans les refuges pour femmes battues vous diront que c'est bel et bien le cas. La présence d'une arme à feu dans un foyer aux prises avec la violence ne fait qu'augmenter la probabilité d'homicide.
La mort aux mains d'un partenaire intime représente plus de trois quarts de tous les homicides de femmes. C'est ce que nous apppelons le fémicide intime. Dans presque la moitié des cas d'homicide au sein de la famille, les hommes tuent leur conjointe avec une arme à feu. Les recherches menées au cours des 20 dernières années appuient unanimement cette constation. Les statistiques varient peut-être légèrement, mais la tendance reste la même.
Les enquêtes menées sur les homicides de femmes indiquent que la victime connaît habituellement son agresseur. Dans la plupart des cas, le meurtre se produit chez la femme. Les recherches effectuées sur tous les homicides, que la victime ait été un homme, une femme ou un enfant, indiquent que 70 p. 100 des victimes connaissaient leur agresseur.
Les armes qui ont été utilisées dans plus de 70 p. 100 des homicides étaient des carabines ou des fusils détenus légalement. On se sert un peu plus souvent de carabines pour tuer les femmes. Bien qu'il y ait davantage d'homicides dans les régions urbaines, il y a davantage d'homicides au sein des familles des régions rurales.
Le lobby pro-armes a axé le débat sur les criminels. Ses représentants arguent dans leurs mémoires que le projet de loi C-68 aura peu d'effet sur le crime violent, les éléments criminels de la société ou sur les homicides qui sont le résultat d'actes de violence gratuits ou pour lesquels on a utilisé une arme à feu de contrebande. Ils ont peut-être raison, pour ce qui est des actes de violence gratuits et des armes de contrebande. Les criminels trouveront toujours moyen d'importer ou d'acheter des armes illégales.
Le lobby des armes à feu n'a-t-il pas considéré les statistiques? La plupart des homidices ne sont pas des actes de violence gratuits et la plupart des armes utilisées pour les commettre ne sont pas des armes de contrebande et n'ont pas été acquises illégalement. En fait, dans la majorité des cas, ces armes appartiennent à des propriétaires d'armes à feu légitimes.
Le lobby des armes à feu ne voit-il pas que la violence familiale et le meurtre de conjoint sont des actes criminels? Les hommes qui commettent ces crimes sont habituellement percus par leurs voisins et amis comme respecteux de la loi et responsables; beaucoup d'entre eux possèdent légalement des armes à feu. Mais lorsqu'un homme violente sa conjointe, il commet un crime, qu'il fasse ou non l'objet d'accusations. Le projet de loi C-68 n'éliminera pas la violence contre les femmes mais contribuera à sauver des vies.
Le YWCA est en faveur de l'utilisation légitime des armes à feu pour la chasse, le sport et le travail policier. C'est l'utilisation des armes à feu dans le cadre de violence familiale qui représente le plus grand risque pour les femmes et les enfants. Nous pensons que les éléments clés de la loi auront une incidence importante sur les homicides familiaux ainsi que sur la sécurité des femmes et des enfants.
Nous estimons que l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu est lié à la sécurité des femmes. L'expérience des femmes est différente des hommes pour ce qui est de la violence. Les homicides familiaux ne sont pas habituellement prémidités. Il s'agit d'actes impulsifs qui suivent une agression ou la perception d'une perte de contrôle, comme lorsqu'une femme affirme vouloir quitter son conjoint.
Les femmes sont tuées par des carabines et des fusils de chasse acquis légalement et dont l'accès est facile. Nous enregistrons les armes de poing. Présume-t-on que les carabines et le fusils sont moins dangereux? L'enregistrement rendra les propriétaires d'armes à feu responsables de leurs armes. Il encouragera l'entreposage sécuritaire des armes et évitera de nombreux homicides familiaux impulsifs. Les trois ou quatre minutes nécessaires au déverrouillage et au chargement de l'arme à feu seront déterminantes pour protéger la vie des femmes, dans bien des situations.
Nous savons d'expérience, grâce aux campagnes de lutte contre le tabac et de promotion du port de la ceinture de la sécurité, que l'éducation ne suffit pas à assurer le respect de la loi. La police doit être en mesure de procéder à l'inspection de l'entreposage sûr des armes à feu. L'enregistrement obligatoire rendra cela possible.
Grâce au registre des armes à feu, les policiers qui répondent à un appel relatif à de la violence familiale sauront s'il y a ou non des armes sur les lieux. En plus de permettre de sauver la vie de l'agent de police, ce renseignement permettra au policier de saisir l'arme à feu enregistrée, dans les situations explausives, prévenant probablement qu'une autre agression dégénère en homicide. Les armes à feu ne sont pas les seules armes utilisées pour tuer un conjoint, mais elles sont les plus létales.
L'existence d'un registre encouragera les femmes dont les partenaires ont des armes à feu à rapporter plus rapidement la violence dont elles sont victimes. En effet, sachant que la police pourrait saisir l'arme en cas de violence familiale, elles auront tendance à rapporter plus rapidement leur situation et à faire disparaître l'arme à feu. Il est important d'enlever l'arme à feu du domicile dès que possible. D'après nos recherches, une femme retournera auprès de son conjoint violent plus de 30 fois avant de le quitter pour de bon. A chaque retour, elle risque d'être tuée par balle.
La dénonciation accrue des cas de violence et le registre des armes à feu nous fourniront des statistiques précieuses sur le lien entre les armes à feu et la violence familiale.
Grâce au registre, on pourrait empêcher un conjoint ayant un dossier de violence contre sa femme d'obtenir facilement une arme à feu. Bien entendu, cela ne l'empêchera pas d'en obtenir une illégalement. Mais cela pourrait empêcher certains hommes de tuer leurs épouses, peut être ceux qui sont habituellement responsables, respecteux de la loi, mais qui, à l'occasion, s'écartent du droit chemin.
Un registre permettrait l'application des ordonnances d'interdiction. Plus de 13 000 ordonnances sont émises chaque année pour des personnes qui représentent un risque pour la société; on leur interdit la possession d'armes à feu. Beaucoup de ces ordonnances d'interdiction sont émises contre des hommes reconnus coupables d'agression contre leurs conjointes ou d'autres.
Les employés de nos centres d'hébergement, qui travaillent directement avec les femmes battues, nous disent que ces femmes sont souvent menacées avec des armes à feu. La possibilité d'émettre et d'appliquer des ordonnances d'interdiction contribuera à la protection et à la sécurité de ces femmes. D'après les statistiques sur les homicides au sein de la famille, 50 p. 100 des accusés avec un casier judiciaire. Avec l'enregistrement, l'accès aux armes à feu sera plus difficile dans ces cas-là. La police ne peut pas veiller aux ordonnances d'interdiction si elle ne sait pas directement où sont les armes à feu.
L'enregistrement n'éliminera pas la violence, mais en réduisant l'accès aux armes à feu pour les hommes violents, on peut réduire la gravité des blessures subies par les femmes et éviter qu'une agression devienne un homicide.
Le fait que le propriétaire d'une arme à feu soit tenu de renouveler son certificat tous les cinq ans, et de payer des frais pour ce faire, encouragera bien des propriétaires à remettre en question la possession d'une arme qui ne sert pas. On estime qu'environ la moitié des armes des ménages canadiens n'ont pas servi au cours de la dernière année. Étant donné le risque de leur utilisation contre des femmes, nous sommes en faveur de toutes mesures, comme les certificats renouvelables, qui feront disparaître des armes à feu de nos collectivités.
Les vérifications nécessaires pour l'obtention d'un certificat de possession d'arme à feu devraient être faites pour tous les propriétaires d'armes à feu canadiens. D'après les statistiques sur les homicides au sein de la famille, 50 p. 100 des accusés faisaient une consommation d'alcool excessive, 24 p. 100 consommaient des drogues et 50 p. 100 négociaient une séparation. Les procédures d'obtention des AAAF portent sur toutes ces questions, mais ne s'appliquent qu'aux particuliers qui acquièrent des armes à feu depuis janvier 1993.
Dans 70 p. 100 des cas d'homicide au sein de la famille, une troisième personne était au courant des incidences de violence qui s'étaient déjà produites. La police n'était au courant de la situation que dans 23 p. 100 des cas. La plupart du temps, ce sont les membres de la famille, les voisins et les amis qui connaissent la situation. Beaucoup de ces exemples suffiraient à eux seuls à refuser un permis; or, il n'y a qu'à poser des questions dans l'entourage du demandeur. On peut également savoir s'il y a une situation de violence familiale en appelant la personne qui vit maritalement avec le demandeur.
La peine minimale de quatre ans d'emprisonnement pour les dix crimes violents est appropriée. Cinquante et un pour cent des femmes sont victimes d'agression physique ou sexuelle à un moment donné de leur vie. Les armes à feu sont utilisées dans nombre de ces agressions. Les femmes craignent souvent de porter plainte, de peur d'être victimes de représailles. Souvent, les infractions commises avec les armes à feu font l'objet d'une négociation de plaidoyer. Les femmes se découragent par conséquent de rapporter les agressions violentes commises avec des armes à feu.
Les hommes violents seront moins susceptibles de contrevenir aux ordonnances d'interdiction s'ils savent que cela leur coûtera une peine d'emprisonnement obligatoire. Toute mesure permettant d'enlever les armes à feu des ménages où il y a de la violence réduira le risque d'homicide.
Les gens seront moins susceptibles de contrevenir aux exigences relatives au permis et à l'enregistrement. Nous avons déjà parlé de l'importance de l'enregistrement pour lutter contre les homicides au sein de la famille.
L'interdiction de certaines armes de poing et de certaines carabines militaires et paramilitaires est une façon d'affirmer notre lutte contre la violence dans notre société. Le YWCA est en faveur de l'interdiction de toute arme à feu qui n'est pas utilisée légitimement pour la chasse ou la compétition. Une arme à feu n'ayant pas d'autre objet que de tuer des personnes ne saurait être tolérée dans notre société.
L'expérience des femmes, au sujet de la violence, est différente de celle des hommes. La violence est ancrée dans les valeurs masculines de domination, d'agressivité et de compétition. La violence contre les femmes est une affaire de pouvoir et de contrôle exercés par l'homme sur la femme. Elle existe et continuera d'exister jusqu'à ce que les femmes soient vraiment considérées comme des égales.
Très tôt, les garçons apprennent à résoudre les conflits par la violence. On leur donne de petits pistolets pour qu'ils se tirent les uns sur les autres. Dans les films, les livres et les médias, les héros sont ceux qui ont les armes les plus puissantes et qui tuent les plus de personnes. On en déduit que les armes à feu servent à résoudre les conflits.
Nous estimons qu'un attachement romantique aux armes à feu sous-tend le désir de bien des gens de permettre l'accès aux carabines militaires et paramilitaires. Nous ne sommes plus sensibles à la violence dans notre société et nous avons permis que ces armes soient acceptées.
Les mesures visant à interdire certaines armes contribueront à supprimer les valeurs qui encouragent la culture de la violence.
Dans notre mémoire, nous nous sommes limitées au sujet des homicides au sein de la famille et au lien entre les armes à feu et le nombre considérable de femmes qui sont tuées chaque année par leur conjoint. Mais nous sommes également les mères, les soeurs, les grand-mères, les femmes, les filles et les amies des 1 100 suicidés et des 200 enfants tués ou blessés par balle l'an dernier.
Ce sont surtout les hommes qui se suicident au moyen d'une arme à feu. Dans près de la moitié des homicides au sein de famille, un suicide ou une tentative de suicide suit le meurtre. Ces conclusions sont confirmées par des recherches effectuées par le YWCA en collaboration avec la Direction générale de la condition féminine de l'Ontario et le ministère des Services sociaux et communautaires.
En 1990, nous avons fait une analyse des fémicides commis par des proches entre 1974 et 1990. Le meurtre de 551 femmes par leur partenaire correspond au décès de 767 personnes. La plupart des autres victimes étaient les meurtriers eux-mêmes qui se sont suicidés, mais il y avait en outre 62 enfants.
Nous savons que vous avez reçu le témoignage de spécialistes en santé publique et en sécurité qui montre clairement le lien entre la disponibilité, l'entreposage non sécuritaire des armes à feu et les suicides et les décès accidentels. Pour les femmes, cela représente des coûts économiques, sociaux, psychologiques et personnels impossibles à mesurer. Nous vous demandons d'adopter le projet de loi C-68 qui permettra d'éviter bon nombre de ces morts inutiles.
En conclusion, le YWCA remercie le comité de lui donner l'occasion de lui présenter le point de vue de nombreuses femmes. Comme les femmes sont souvent sous-représentées au sein des institutions politiques et de la fonction publique au Canada, les lois et les politiques adoptées ne reflètent pas toujours les priorités que se fixent les femmes ni leurs préoccupations.
Dans le passé, les lois sur le contrôle des armes à feu n'étaient pas suffisamment rigoureuses. C'est le type de lois qui n'ont pas répondu aux besoins des femmes parce qu'elles ont été élaborées sans qu'on les consulte.
Les femmes qui appartiennent à nos associations membres ainsi qu'à d'autres importants groupes de femmes nous ont dit appuyer les mesures en vue de renforcer le contrôle des armes à feu. Des sondages menés par la maison Environics révèlent que 90 p. 100 des Canadiens appuyent l'enregistrement obligatoire de toutes les armes à feu. Une proportion encore plus élevée de femmes appuyent cette mesure. Peut-on vraiment s'en surprendre? En outre, 96 p. 100 des Canadiens ont dit appuyer l'imposition de peines plus sévères aux coupables de crimes ayant été perpétrés avec une arme à feu.
Un sondage mené en septembre 1993 par la maison Angus Reid a abouti à des résultats semblables: 81 p. 100 des hommes interrogés ont dit appuyer l'enregistrement de toutes les armes à feu, et une proportion encore plus élevée de femmes, 92 p. 100, ont dit appuyer la même mesure. Un autre sondage mené en août 1994 confirmait ces résultats: 86 p. 100 des Canadiens se sont dit favorables à l'enregistrement de toutes les armes à feu.
Par l'intermédiaire de leurs députés, des sondages et d'organismes comme le YWCA, les femmes se sont toujours prononcées en faveur de l'enregistrement obligatoire des armes à feu, de l'interdiction des carabines d'assaut militaires et de l'imposition de peines plus sévères à l'égard de ceux qui se servent d'armes à feu pour perpétrer un crime. Les femmes représentent 52 p. 100 de la population. Nous ne sommes pas un groupe d'intérêt spécial.
Nous espérons que le comité entendra la voix des femmes qui, comme en témoigne ce mémoire, appuient la mise en oeuvre du projet de loi C-68.
Si vous me le permettez, je vous lirai une très brève histoire. Il s'agit de l'histoire d'une femme qui est venue chercher refuge au YWCA d'Oshawa.
Denise est née en Alberta en 1953. Elle était l'aînée de sa famille. En 1961, sa famille est partie en Angleterre d'où venait sa mère. À l'école, Denise a fait des études brillantes. Ses notes étaient élevées et elle avait une passion pour les livres.
Denise se liait d'amitié facilement, et son amitié était permanente et intense. Elle était généreuse, s'oubliant souvent pour les autres.
À 20 ans, Denise rencontra Ron Penny, son futur époux. Pour elle, Ron représentait l'aventure. Camionneur de métier, Ron, son aîné de 15 ans, avait beaucoup voyagé et était estimé de ses supérieurs et de ses collègues de travail. En 1975 ou 1976, Denise et Ron sont venus s'installer au Canada. Leur vie n'était pas très stable. Ils ont vécu dans plusieurs appartements, roulottes et chalets échelonnés de l'Alberta à l'Ontario. Ron travaillait peu, préférant s'adonner à la pêche. Denise travaillait pour subvenir à leurs besoins, mais n'était pas souvent consultée sur la gestion de l'argent du couple. Ron exerçait un contrôle substile sur Denise et lui faisait subir des mauvais traitements.
En 1984 naquit leur fille Sarah Dawn. Sa naissance changea leur relation de façon irrémédiable. À mesure que Denise consacrait tout son attention à Sarah, lui faisant la lecture, jouant avec elle et lui enseignant des choses, Ron se senti de plus en plus abandonné et en ressenti beaucoup d'amertume. Denise et Sarah s'aidaient mutuellement à supporter un mode de vie instable.
Comme Denise cherchait à se libérer de son emprise, Ron exprima sa colère et sa frustration en lui faisant subir de mauvais traitements psychologiques encore plus poussés. À un moment donné, il lança le chaton de la famille contre un mur. Une autre fois, à l'approche de Noël, Ron s'approcha par derrière de Denise qui lavait la vaisselle et pressa un fusil contre sa tête.
Denise arriva au refuge du YWCA à Oshawa dans un camion rouge, portant un foulard et ayant à la main un sac à rebuts qui contenait tout ce qui lui appartenait. Elle tenait Sarah par la main. Celle-ci n'avait que trois ans et demi, mais paraissait plus vieille que son âge. Denise était aussi aux prises avec les problèmes de Ron: celui-ci prétendait avoir eu une attaque d'apoplexie et était incapable d'assumer ses responsabilités. Elle craignait qu'il ne demande d'avoir accès à Sarah, une enfant dont il ne s'était jamais occupé et qu'il n'avait acceptée. Sarah appelait d'ailleurs son père par son prénom.
Denise finit par décider de retourner à St-Albert tout près d'Edmonton en Alberta. Sur le conseil d'un juge qui lui disait qu'elle ne pouvait pas se cacher éternellement, Denise fit connaître à Ron son adresse et celle de sa fille pour qu'il puisse la visiter. Ron suivit Denise à St-Albert. Il était en colère et inquiet. Il se sentait aussi vulnérable face à l'indépendance et à la vitalité de Denise.
Un vendredi soir, Ron alla chercher Sarah qui devait passer la nuit chez lui. Obsédé par Denise, il surveilla cependant sa maison toute la nuit. Il vit Denise arriver tôt chez elle le matin suivant, ce qui confirma peut-être ses soupçons au sujet de sa nouvelle vie.
Sous prétexte qu'il voulait discuter avec elle de la garde de l'enfant, Ron entra chez Denise armé d'une carabine de calibre .22. Denise préparait leur petit déjeuner lorsque Ron se mit à tirer de son arme au hasard. Tout en lui demandant d'arrêter, Denise se fraya un chemin jusqu'à la porte de devant portant Sarah dans ses bras.
Denise fut atteinte de neuf balles, qui firent 12 blessures, et est morte d'une balle qui lui traversa le cerveau à partir de la tempe gauche. Elle tomba finalement sur le seuil de la porte d'entrée, tenant toujours Sarah dans ses bras, miraculeusement épargnée. Plus tard, Sarah se souvenant de ce moment, dit: «Je n'ai pas pu ramener ma maman à la vie».
Animée d'un sentiment de prémonition très fort, la mère de Denise se réveilla ce matin-là craignant pour sa fille. Elle se mit à téléphoner chez Denise toutes les 15 minutes jusqu'à ce que Ron réponde finalement. Il lui dit de venir rapidement et de prendre Sarah, et lui apprit que Denise était morte.
Appelés sur place, des agents de la GRC se présentèrent chez Denise. Après avoir surveillé ce qui se passait et après avoir parlé avec Sarah au téléphone, ils pénétrèrent dans la maison et découvrirent que Ron s'était suicidé. Débarrassée de ses vêtements souillés, Sarah, enveloppée dans une couverture, fut amenée au poste de police où ses grands parents l'attendaient.
À mon sens, cette histoire fait ressortir la nécessité d'adopter le projet de loi C-68.
Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie beaucoup.
J'invite maintenant Mme Betty Bayless de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités à venir prendre place à la table des témoins.
Mme Betty Bayless (présidente, Comité législatif, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités): Je vous remercie, monsieur le président et mesdames et messieurs.
Nous remercions sincèrement le comité de l'occasion qui nous est donnée de lui faire part de la position de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités au sujet du projet de loi C-68, loi concernant les armes à feu.
Fondée en 1919, la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités est un organisme bénévole bilingue autofinancé qui est non partisan et à but non lucratif. La Fédération représente 10 750 femmes diplômées des universités. Les membres de notre fédération oeuvrent dans le domaine des affaires publiques à améliorer le statut social, économique et juridique des femmes ainsi qu'à promouvoir les causes de l'éducation, de l'environnement, de la paix, de la justice et de la défense des droits de la personne. Des représentantes des 131 clubs que compte notre fédération dans l'ensemble des provinces canadiennes ont droit de vote lors des assemblées générales annuelles de notre fédération.
En 1990, la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités pressait le gouvernement canadien de s'appuyer sur le succès initial remporté par la Loi sur le contrôle des armes à feu en vigueur à l'époque pour adopter des lois interdisant les carabines automatiques et semi-automatiques et renforçant les exigences régissant la délivrance d'un certificat d'acquisition d'armes à feu. Le gouvernement a décidé de donner suite aux recommandations que nous formulions alors.
Le contrôle des armes à feu est redevenu un sujet d'actualité en 1994. Les membres de notre fédération ont donc réitéré leur appui au contrôle des armes à feu lors de l'assemblée générale annuelle tenue à Winnipeg. Elles ont aussi voté en faveur de la réglementation de la vente des munitions.
La dernière résolution adoptée par la Fédération est favorable à l'imposition de restrictions plus poussées en ce qui touche l'utilisation et la possession d'armes à feu. Nos membres ont pressé leurs députés d'appuyer l'adoption du projet de loi C-68, loi sur les armes à feu. Nous encourageons aussi le Comité de la justice et des questions juridiques à recommander l'adoption du projet de loi C-68 sans qu'on y apporte d'amendements importants.
Voici ce qu'énonce notre politique de 1994, laquelle se trouve à la pièce 1 sur la dernière page du document qui vous a été remis.
Il est résolu que la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités presse le gouvernement du Canada
1. de mettre sur pied, à un coût abordable, un registre national de toutes les armes à feu et de tous les certificats d'acquisition d'armes à feu,
2. d'exiger le renouvellement périodique de tous les certificats d'acquisition d'armes à feu,
3. de saisir toutes les armes à feu et certificats d'acquisition d'armes à feu appartenant aux personnes faisant l'objet d'une ordonnance de ne pas faire ou d'une obligation de ne pas troubler la paix,
4. de modifier le Code criminel pour qu'on y interdise totalement les armes d'assaut, les chargeurs de grande capacité ainsi que les armes de poing,
5. d'appliquer diligemment l'interdiction touchant l'importation d'armes prohibées et d'accroître les vérifications à la frontière pour empêcher l'entrée au Canada de toute arme à feu; et
Il est résolu que la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités presse les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'appliquer rigoureusement les règlements pris en vertu de la Loi sur le contrôle des armes à feu pour assurer l'entreposage, l'exposition, la manutention et le transport sécuritaires des armes à feu et de faire en sorte que le nombre d'armes se trouvant dans les foyers canadiens diminue en prévoyant des jours d'amnistie pour ceux qui voudraient se débarrasser de leurs armes à feu.
Voici le libellé de notre résolution relative à la réglementation des munitions:
Il est résolu que la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités pressent les gouvernements provinciaux et territoriaux du Canada à adopter des mesures de contrôle s'appliquant à la vente des munitions.
Je demanderais maintenant à Mme Marilyn Letts, membre de notre comité législatif, de poursuivre la présentation.
Mme Marilyn Letts (membre du Comité national, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités): Merci.
Lorsque les membres de la Fédération ont discuté du contrôle des armes à feu à leur dernier congrès annuel, elles se sont inquiétées de voir les Canadiens adopter l'attitude des Américains vis-à-vis du droit de port d'arme. L'accès facile aux armes à feu contribue à la hausse de la violence dans notre société.
Une bonne part du débat sur le contrôle des armes à feu porte sur le crime et la prévention du crime. La violence est une question de santé et de sécurité publique. Les morts accidentelles par balle se produisent le plus souvent à la maison, il ne s'agit pas d'actes criminels, ou du moins il n'y a pas d'intention criminelle. Le maniement et l'entreposage irresponsables des armes à feu font augmenter les blessures et les décès accidentels.
La responsabilité du gouvernement en matière de prévention consiste entre autres à appliquer sévèrement les règlements issus de la loi sur le contrôle des armes à feu concernant l'entreposage, le maniement et le transport des armes à feu et des munitions. Les divers sondages indiquent que l'entreposage des armes à feu et des munitions n'est pas fait conformément aux règlements qui existent à l'heure actuelle.
L'Association québécoise pour la prévention du suicide et la Société canadienne pour la prévention du suicide ont prouvé le lien qui existe entre le nombre de ménages possédant des armes à feu et les cas de suicides et d'homicides. Encore là, l'accès facile aux armes à feu augmente le risque du suicide, et l'entreposage de ces mêmes armes à feu augmente également ce risque.
La possession d'armes à feu ne fait pas partie de la culture canadienne, comme c'est le cas aux États-Unis. Ce n'est pas la norme. En 1994, les clubs de la Fédération ont approuvé la politique limitant plus sévèrement l'accès aux armes à feu, accentuant ainsi la différence canadienne par rapport à la culture américaine qui valorise le droit de port d'arme.
La possession d'armes à feu pour la protection personnelle est un mythe. Dans une étude américaine portant sur 398 décès par balle à domicile, deux intrus seulement avaient été abattus. Les autres victimes étaient des membres du ménage, des parents et des connaissances, qui risquaient 43 fois plus qu'un intrus d'être tués par une arme à feu.
On peut prévenir bon nombre de ces décès. Récemment, lors du week-end des 29 et 30 avril, une femme à Gloucester, en Ontario, a été tuée par son mari. Un homme a tué sa fille et un chef de police au Québec. Au Canada, 40 p. 100 des femmes assassinées par leur conjoint ont été tuées par balle.
Combien de ces décès auraient été prévenus si la possession d'une arme à feu était considérée comme un privilège et non comme un droit, si le privilège de posséder une arme à feu avait été retiré ou si l'on n'avait pas eu un accès facile à l'arme à feu? Il est absolument nécessaire de retirer le privilège de posséder une arme à feu aux personnes qui sont impliquées dans des cas de violence conjugale et aux personnes faisant l'objet d'une injonction ou d'une obligation de garder la paix.
Aux États-Unis, parmi les produits de consommation pouvant causer des lésions, les armes à feu ne cèdent la première place qu'aux véhicules à moteur. Nombre d'associations médicales américaines et canadiennes militent en faveur de mesures sévères en matière de contrôle des armes à feu. Aux États-Unis, où deux tiers des ménages ont des armes à feu - et il s'agit-là d'une augmentation de 50 p. 100 depuis 1980 - les actes de violence commis au moyen d'armes à feu ont atteint des proportions épidémiques.
Si ce rythme se maintient, les armes à feu vont devenir la première cause de toutes les blessures d'ici l'an 2003. Les traumatologues américains affirment que le droit collectif de la société d'être protégée de la prolifération débridée, sauvage et irresponsable des armes à feu doit primer les droits individuels des propriétaires d'arme à feu.
L'Association canadienne des médecins d'urgence est très favorable au projet de loi C-68. Comme je l'ai dit, la Fédération ne veut pas que le Canada singe les États-Unis.
Ce ne sont pas seulement les adultes qui risquent d'être blessés ou tués par balle. En Amérique du Nord, les pédiatres doivent en savoir autant sur les blessures par balle que sur la polio il y a une génération. Ayant examiné le caractère épidémiologique de la prévention des blessures par balle chez les enfants, l'American Academy of Pediatrics fait campagne pour le retrait des armes de poing des résidences privées.
Nous voulons que le Canada offre autant de sécurité que la ville américaine présente de danger. Toutefois, si l'on examine la documentation médicale, l'un des premiers textes publiés sur les blessures par balle chez les enfants, qui s'intitulait Gunshot Wounds in the Extremities of Children, a été rédigé en 1976 par un médecin de Winnipeg. D'après Statistique Canada, le Manitoba présente également la moyenne annuelle la plus élevée de cas d'hospitalisation attribuables aux blessures par balle.
Au Canada, environ 1 400 personnes sont tuées par balle chaque année. Onze cents de ces cas sont des suicides, et 200 sont des homicides. Les mêmes circonstances qui conduisent à des actes de violence - les mêmes situations émotives - risquent moins d'être mortelles en l'absence d'armes à feu. Soixante pour cent des agressions commis au moyen d'une arme à feu sont mortelles, comparativement à 4 p. 100 des agressions aux couteaux et moins d'un pour cent des agressions aux armes contondantes. Combien de morts et de blessures aurait-on pu prévenir par une loi sévère encourageant la possession responsable d'armes à feu?
La Fédération a pressé le gouvernement d'appliquer sévèrement les règlements issus de la Loi sur le contrôle des armes à feu concernant l'entreposage, l'exposition, le maniement et le transport des armes à feu. Nous avons soutenu la création d'un registre national efficient pour toutes les armes à feu.
La violence attribuable aux armes à feu n'est pas seulement la conséquence de l'activité criminelle. Ce n'est pas seulement la préoccupation des tribunaux. Il s'agit d'une question de santé et de sécurité publique pour tous les foyers canadiens. Le débat sur le contrôle des armes à feu doit porter également sur les coûts en vies humaines, en handicaps et en soins de santé.
Mme Bayless: Les listes policières des propriétaires légitimes d'armes de poing ne disent pas bien où se trouvent ces armes. Il n'y a pas de registre des armes à feu, et l'utilisation d'armes prohibées augmente.
Un registre national responsabiliserait les propriétairs d'armes à feu, aiderait la police à illucider des crimes, permettrait à la police de savoir quels foyers possèdent des armes à feu, aiderait la police à appliquer les prohibitions judiciaires d'armes à feu et aiderait la police à retrouver les armes à feu disparues et volées.
Des armes illégales, dont des armes de poing, franchissent la frontière en quantités inconnues. De nombreuses armes à feu sont volées à leurs propriétaires légitimes au Canada. Certaines sont entre les mains de criminels. En 1993, Douanes Canada a saisi 2 220 armes illégales, dont 1 680 étaient des armes de poing.
Revenu Canada reconnaît la nécessité d'augmenter les vérifications frontalières pour toutes les armes à feu qui entrent au Canada. Le ministère a mis en oeuvre son initiative anticontrebande en 1994 et compte mettre en place un système élargi de permis commerciaux d'armes à feu d'ici la fin de 1995. Ce système fera intervenir Revenu Canada, le ministère de la Justice, le Solliciteur général, la GRC et les Affaires étrangères. La Fédération applaudit à ces initiatives.
La vigilance policière accrue vise à débarasser nos rues des armes à feu illégales. Le public a répondu à l'appel à l'élimination des armes à feu en se prévalant des amnisties publiques. Les sondages démontrant que plus de la moitié des propriétaires d'armes à feu ne se sont pas servi de leurs armes au cours de la dernière année, nous nous attendons à ce que nombre d'entre eux se défassent de leurs armes à feu pour éviter l'incommodité et la dépense qu'exige, dans leur esprit, le système d'enregistrement. Moins d'armes à feu signifie des ménages plus en sécurité.
Les armes sont également devenues un symbole de la rébellion, de l'indépendance et de la dureté des adolescents. Cette situation suscite une fascination pour l'imagerie des armes à feu, qui prend la forme de bagues, de pendentifs, ou de boucles d'oreille. Les armes à air comprimé, qui sont mises en marché comme des armes de starter, ne sont pas assujetties à la norme de la Direction de la sécurité des produits, sont considérées comme des jouets et ne sont pas réglementées comme des armes à feu.
Les armes font leur entrée dans les écoles. Débattant de nos résolutions, les membres de la Fédération ont exprimé de graves réserves, particulièrement en ce qui concerne l'installation de détecteurs de métaux dans les écoles.
La Fédération est favorable à la communication entre tous les niveaux du système de justice pénale pour ce qui concerne l'exécution des injonctions et l'émission par les divers services d'autorisations de possession d'armes à feu et de certificats d'enregistrement. L'instauration d'un registre national permettra de régler ce problème.
Les membres de la Fédération sont également en pourparlers avec les gouvernements territoriaux et provinciaux pour ce qui concerne la réglementation de la vente des munitions. Nous faisons remarquer que le programme du gouvernement de l'Ontario est en butte à des difficultés constantes parce qu'il n'a pas la méthodologie voulue pour réunir les informations requises.
En terminant, la Fédération presse le gouvernement fédéral de travailler en étroite collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux afin d'améliorer la Loi sur le contrôle des armes à feu et d'appliquer sévèrement le règlement existant. C'est une démarche vitale si on veut que le projet de loi C-68 soit adopté et mis en oeuvre tel qu'il est proposé.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, Mme Bayless.
Nous allons maintenant passer aux questions. Dans le respect des règles du comité, nous aurons trois tours de 10 minutes, chaque parti politique représenté officiellement au comité ayant 10 minutes. Nous aurons ensuite des tours de cinq minutes où les députés du gouvernement et de l'opposition alterneront.
[Français]
Monsieur Langlois.
M. Langlois: Merci, mesdames, de votre présentation bien étoffée au sujet de la position que vous défendez. Je partage votre point de vue sur les questions préliminaires de sous-représentation des femmes dans les instances décisionnelles, particulièrement au Parlement du Canada et dans les législatures provinciales, où le nombre de femmes est beaucoup trop restreint par rapport au poids réel des femmes dans la société. Je pense qu'il y a une conscientisation qui doit sans relâche être faite au sein de tous les partis politiques pour que le rôle des femmes en politique soit de plus en plus important à tous les niveaux. On se rend compte qu'au niveau municipal, les femmes sont beaucoup impliquées, de même qu'au niveau scolaire. Cependant, lorsqu'on atteint le niveau provincial et le niveau fédéral, il y a une chute dramatique. Je pense que les partis politiques doivent chacun faire leur mea culpa.
Traditionnellement, en politique, les partis politiques ont donné aux femmes, aux niveaux provincial et fédéral, des rôles de deuxième plan. Les femmes ont généralement été conscrites pour être des secrétaires d'assemblée, pour coller des enveloppes ou des timbres pendant les campagnes électorales, pour aller distribuer des dépliants, etc., et lorsqu'on voulait parler de choses plus sérieuses, on les écartait complètement du débat. Je partage votre point de vue là-dessus.
Je pense que ce fameux cercle vicieux est en train d'être brisé. Nous assistons, dans tous les partis politiques, à l'émergence d'une présence féminine très forte qui ne manquera sans doute pas d'avoir un effet d'entraînement qui devrait se refléter au cours des législatures. Dans un monde qui a été officiellement dominé par les hommes pendant tant de générations, ce n'est pas par magie que cela va se faire, et je comprends le sentiment d'impatience qui peut animer les groupes féminins qui sont, à bien des égards dans la société, traités comme des groupes représentant des intérêts particuliers et même, à d'autres égards, comme des groupes représentant des minorités, alors que les femmes constituent la majorité de la population.
J'ai moi-même une fille qui aura 16 ans le 29 de ce mois et je lui souhaite un autre avenir en tant que femme, un avenir qui lui permettra beaucoup plus facilement de vivre sa vie comme citoyenne du pays que nous choisirons de bâtir. Je souhaite que ce soit beaucoup plus facile pour elle que pour toutes celles qui l'ont précédée, c'est-à-dire nos conjointes, nos mères et nos grands-mères qui ont eu des luttes incroyables à mener.
Cela étant dit, j'adresserai ma première question à Mme Essex. Vous avez dit tout à l'heure, lors de votre présentation, que le contrôle des armes à feu réduirait la violence, mais qu'en contrôlant les armes à feu, on ne s'attaquait pas à la racine du mal.
Je vais vous demander d'expliciter la racine du mal. J'aimerais que vous nous expliquiez comment il se fait qu'en 1995, avec tous les moyens possibles de sensibilisation qui ont été pris, non seulement par les gouvernements mais par les communautés locales, une frange importante de la population masculine considère encore les femmes comme des citoyennes de deuxième ordre, sinon comme des objets purement et simplement, que les femmes, dans bien des cas, sont l'objet de blagues de mauvais goût et sont considérées, à bien des égards, comme des objets sexuels. Cet échec de l'éducation, à quoi l'attribuez-vous? C'est ma question plus spécifique, mais je vous demanderais d'élaborer un peu sur la racine du mal.
[Traduction]
Mme Essex: À mon avis, l'éducation est la solution. Notre organisation fait beaucoup en ce sens.
À la fin de l'exposé, lorsque j'ai dit que la Loi sur le contrôle des armes à feu ne s'attaquait pas aux causes de la violence faite aux femmes, je parlais d'attitudes: de la représentation des femmes dans nos médias, de la façon dont on se sert des femmes pour vendre, de la représentation des femmes dans les émissions de télévision - de la socialisation différente des femmes. On encourage les hommes à être agressifs et à résoudre leurs conflits par la violence, alors que ce n'est pas le cas pour les femmes.
Tous ces faits contribuent à façonner nos expériences et nos attitudes envers la violence dans la société, en particulier pour ce qui concerne la violence faite aux femmes.
Les organisations féminines, depuis des années, se dépensent sans compter pour éduquer le public, et on finit souvent par se demander: «Pourquoi les attitudes ne changent-elles pas?» Vous avez parfaitement raison, les attitudes changent très lentement. Quand je vois les statistiques incroyables de la violence faite aux femmes, je me demande parfois combien de progrès nous avons réellement accompli.
La violence faite aux femmes est un abus de pouvoir. Les hommes ne vivent pas la même violence. Lorsque les hommes sont violents, il s'agit souvent d'une bagarre dans un bar, d'une bagarre au sujet de l'amie d'un homme ou de tout autre cause. Ce n'est pas la même chose lorsque les hommes sont violents envers les femmes.
J'aimerais faire remarquer que ce sont les hommes qui sont violents. Ce sont des hommes qui tuent des hommes. Ce sont des hommes qui tuent des femmes. La violence masculine est différente. Elle est ancrée dans la conviction que les femmes n'ont aucun pouvoir.
Et c'est vrai qu'elles n'ont aucun pouvoir. Tant qu'il n'y aura pas d'égalité entre hommes et femmes, cet équilibre ne sera pas réalisé.
La violence faite aux femmes est une question de pouvoir. La situation ne changera que le jour où les femmes jouiront de l'égalité économique, politique et social complète.
[Français]
M. Langlois: Madame Essex, je partage votre point de vue. Quelque part, il faut briser le cercle vicieux. Un petit bonhomme qui, normalement, vient au monde sans préjugés, et qui voit son père battre sa mère et celle-ci être traitée comme un animal dans la maison et quitter le foyer, va garder ces valeurs, probablement dans son inconscient, et va les reproduire à un moment donné dans sa vie. Cela va revenir à la surface.
Il est assez difficile de faire un mélange homogène. Quelles que soient les valeurs qu'on inculque à l'école par la suite, il faut défaire une éducation qui a été, dans bien des cas, tronquée ou complètement mal faite pendant les quatre ou cinq premières années. La plupart des psychologues disent que tout se joue avant cinq ou six ans.
Comment peut-on, au niveau scolaire, défaire une éducation qui, pendant cinq ans, depuis la naissance jusqu'à la scolarisation, a été faite «tout croche» et a déjà inculqué à des jeunes des sentiments d'aversion envers les femmes, sentiments qui, plus tard, en feront des personnes qui utiliseront la violence, sinon le mépris, à l'égard des femmes, le mépris étant pour moi une forme de violence?
[Traduction]
Mme Essex: Pardonnez-moi, mais quelle était votre question? Le préambule était magnifique. Mais je n'ai pas entendu la question.
[Français]
M. Langlois: Comment peut-on concevoir que la scolarisation ou la socialisation de l'enfant qui a été élevé dans un milieu de violence réelle ou potentielle, dans un milieu de mépris à l'égard des femmes, puisse réaliser la réhabilitation du jeune et même son identification dans le système que nous connaissons actuellement? Est-ce que vous voyez une possibilité d'intervention à partir de la scolarisation?
[Traduction]
Mme Essex: Absolument. Notre organisation tâche d'ailleurs d'établir des partenariats avec les écoles pour faire précisément cela: rééduquer et enseigner les bonnes façons de maîtriser les conflits, enseigner aux enfants que la violence n'est pas une façon acceptable de régler un conflit.
Dans nos centres d'hébergement, nous consacrons une partie de notre temps à renseigner les mères et les enfants sur la culture de la violence. C'est une partie de l'éducation, nous l'espérons.
Mais les organisations ont tellement à faire pour éduquer et pour défaire toutes ces habitudes comportementales qu'assimile l'enfant qui est témoin de violence au foyer.
Mes collègues peuvent peut-être ajouter quelque chose?
Mme Letts: Pour ce qui est de la compréhension de la violence au foyer, il n'y qu'à voir ce qui se fait ici même. Il n'y a pas si longtemps, lorsqu'il était question de femmes battues, on riait. On ne verrait plus cela aujourd'hui.
Mme Essex: J'aimerais faire remarquer aussi que lorsqu'il est question de violence faite aux femmes, lorsqu'on entend toutes ces histoires de femmes qui sont maltraitées tout le temps, on entend souvent la question: «Eh bien, qu'est-ce qu'elle a fait? Qu'est-ce qu'elle a fait pour mériter cela? Est-ce qu'elle a raté son repas? Est-ce qu'elle était mal habillée? S'agit-il d'une erreur qu'elle a commise à la maison?»
On ne saurait blâmer la femme pour les mauvais traitements qu'elle reçoit, et nous devons faire beaucoup pour modifier ces attitudes de blâme envers les victimes. On entend la même chose pour les enfants. «Eh bien, si je m'étais mieux conduit ou si j'avais ramassé mes jouets, je n'aurais pas été battu.»
Une partie de notre initiative d'éducation vise à faire savoir que les hommes sont responsables de la violence faite aux femmes. Ce n'est pas parce qu'il buvait. Ce n'est pas parce qu'il était drogué. Ce n'est pas parce qu'il a une maladie mentale. La violence est un choix. Les hommes qui s'en prennent à leur femme n'en font pas autant avec leurs voisins, leurs collègues ou leur mère. Ils s'en prennent au conjoint qui partage leur intimité, qui est ordinairement une femme.
Le président: M. Reynolds. Pardon. M. Ramsay.
Pardonnez-moi, j'étais trop pris par le témoignage.
M. Ramsay (Crowfoot): Mesdames, bienvenue. J'ai aimé votre exposé.
Comme l'a dit le président, nous avons entendu plus de 60 témoins de divers groupes. J'ai des réserves au sujet de certaines choses que vous avez dites aujourd'hui, par exemple, que la possession d'armes à feu ne fait pas partie de nos habitudes au Canada. J'espère vous avoir bien comprise.
Nous avons entendu le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest. Il nous a raconté en termes précis comment un petit garçon avait pu sauver la vie de son père qui avait été attaqué par un ours polaire. L'ours traînait le père. L'enfant savait qu'il y avait une carabine chargée à la maison. Il a pu courir jusqu' à la maison, prendre la carabine et tuer l'ours polaire, pour ainsi sauver la vie de son père.
À une rencontre à Kamloops, il y a quelque temps, une dame a raconté l'histoire d'un petit garçon qui avait été déchiqueté à mort par un ours, au moment où les parents tentaient désespéremment d'ouvrir le placard où les carabines avaient été mises sous clé.
On entend des gens comme le ministre de la Justice des Territoires du Nord-Ouest nous dire comment les armes à feu font partie du mode de vie des habitants là-bas, et que même l'AAAF obligatoire n'est pas pratique dans de nombreux secteurs de cette vaste région car on n'y trouve pas d'installations pour faire prendre les photos nécessaires, et dans ces régions, lorsqu'on va à la chasse, on garde une arme à feu chargée près de soi pour se défendre contre les ours, les loups et autres fauves en maraude.
Il nous a raconté une histoire, et sa délégation a raconté une histoire qui signifie selon moi, du moins en partie, que nous ne sommes peut-être pas au courant des réalités pratiques de la vie qu'ils vivent dans les régions nordiques du pays. J'ai recommandé au comité de se rendre dans les territoires pour qu'il puisse mieux comprendre la réalité des défis auxquels ces gens-là font face.
Je vais poser une question pour commencer et elle s'adresse à Mme Essex. Êtes-vous favorable à l'adoption intégrale du projet de loi C-68?
Mme Essex: Oui, je dirais que nous y sommes favorables.
M. Ramsay: Avez-vous des réserves au sujet de certaines parties de la loi?
Mme Essex: Nous ne sommes pas avocates. Nous sommes favorables au principe du projet de loi, qui, à notre avis, sauvera des vies de femme. Si vous allez m'interroger sur un aspect précis...
M. Ramsay: Nous avons entendu des témoins qui nous ont dit que, oui, ils comprennent le projet de loi et y sont favorables dans son intégralité. Pourtant, lorsque je les ai interrogés au sujet des ramifications de certains aspects du projet de loi, ils ont répondu qu'ils n'étaient pas au courant. On ne peut pas s'attendre à ce qu'ils comprennent les ramifications d'un texte comme celui-ci, dans tous ses aspects. Il n'en résulte pas moins que ce projet de loi dépasse de loin le simple enregistrement des carabines et des fusils.
J'ai demandé à un criminologue hier soir, qui a fait un excellent exposé, dans quelle mesure l'enregistrement des carabines et des fusils réduirait l'emploi criminel de ces armes à feu. Si je l'ai bien compris, le système d'enregistrement ne donnera pas de résultats positifs avant une quinzaine d'années. Si je vous posais la même question - et je vais vous poser la même question - croyez-vous que l'enregistrement des carabines et des fusils réduira l'emploi criminel de ces armes à feu?
J'ai posé cette question parce que le comité a entendu trois procureurs généraux provinciaux et deux ministres de la Justice des territoires, et tous s'opposaient au projet de loi, essentiellement parce qu'ils ne peuvent voir le lien entre l'enregistrement des armes à feu, et le genre de sécurité améliorée que nous voulons tous pour la société. Vous voudrez peut-être répondre à cette question.
Mme Essex: J'imagine, monsieur Ramsay, que lorsque vous parlez d'emploi criminel des armes à feu, vous entendez aussi la violence conjuguale?
M. Ramsay: Oui.
Mme Essex: Nous disons dans notre mémoire que l'enregistrement des armes à feu évitera à beaucoup de femmes une mort par balle.
M. Ramsay: Comment cela?
Mme Gael MacLeod (membre du Conseil d'administration, YWCA, Calgary): Votre histoire de l'Inuit est très intéressante. Si on commence à se raconter des histoires, on n'en finit plus, mais j'aimerais vous raconter un petit bout de ma vie et vous dire pourquoi je suis ici et pourquoi je suis favorable à cette loi, ce qui répondra directement à votre question de savoir si cette loi changera quelque chose.
J'avais environ 12 ans à l'époque. Nous sommes 6 enfants chez nous. Mon père était violent. Il avait des antécédents de violence. On avait fait venir la police chez nous à maintes reprises. Il y avait un fusil dans la maison. Dans l'un de ces nombreux incidents, on a sorti le fusil.
Il n'y a pas eu de mort ici, mais c'est l'issue dans de nombreux autres foyers.
Cette loi aurait permis à l'agent de police de confisquer cette arme à feu bien avant cela.
À la fête d'anniversaire de ma jeune soeur, il y avait 10 enfants de six ans dans la maison. Ç'aurait pu être désastreux.
Quand on examine la question du point de vue de l'enfant inuit qui sauve la vie de son père ou de celui des femmes et de la violence, il faut faire la part des choses; il faut savoir si le projet de loi est un bon projet de loi et si ses objectifs sont valables. Si les membres du comité décident de se rendre dans les territoires, ils pourraient peut-être envisager de s'entretenir avec certaines femmes dans les maisons de refuge.
Mme Essex: Nous croyons que l'enregistrement favorisera l'entreposage sécuritaire des armes à feu. Dans les cas de violence familiale, le conjoint tue généralement sa compagne dans un accès de colère, sans que son geste ne soit prémédité; s'il lui faut une, deux ou trois minutes ou plus, pour déverrouiller son arme, la femme aura peut-être la vie sauve. Elle aura peut-être le temps de s'enfuir.
M. Ramsay: Savez-vous que la loi existante autorise l'agent de la paix qui estime qu'une personne pourrait mettre en danger la vie d'une autre personne, de lui retirer son arme à feu?
Mme Essex: Pourriez-vous répéter s'il vous plaît?
M. Ramsay: Saviez-vous que la loi existante concernant la possession et l'utilisation d'armes à feu autorise le policier, qui a des motifs raisonnables de croire qu'une personne pourrait être dangereuse, d'enlever à cette personne son arme à feu?
Mme Essex: Oui.
M. Ramsay: Madame MacLeod, je tiens à vous faire remarquer que, dans le cas que vous nous avez décrit, la police aurait eu le pouvoir d'intervenir en ce sens si la loi était déjà en vigueur à ce moment-là. Si la même chose se produisait aujourd'hui, la police aurait le pouvoir - je crois que c'est aux termes de l'article 103 du Code criminel - de retirer l'arme à feu du foyer en question.
Mme MacLeod: Si tant est que la police savait qu'il y avait là une arme à feu. Aux termes de la nouvelle loi, la police saurait qu'il y a une arme à feu dans la maison avant même de s'y rendre.
J'ajouterais également qu'il s'agit ici de gens respectueux de la loi. Nous parlons d'un homme qui a été commissaire d'école toute sa vie durant. Ce ne sont pas seulement les marginaux, les personnes peu instruites ou les gagne-petit qui sont touchés. Nous parlons là d'une situation qui touche tout le monde.
M. Ramsay: Je ne connais pas les circonstances du cas, mais y avait-il une certaine réticence de la part de ceux qu'il menaçait quand il a pointé son arme à feu? Y avait-il une certaine réticence à signaler la chose à la police?
Mme MacLeod: Les voisins ont appelé la police, mais je peux vous dire qu'il y avait énormément de réticence de la part des membres de la famille.
M. Ramsay: La police n'était-elle pas au courant du fait qu'il s'était déjà servi de l'arme à feu?
Mme MacLeod: Il ne s'en était pas encore servi jusque-là.
M. Ramsay: Je croyais vous avoir entendu dire qu'il avait brandi son arme à plusieurs reprises.
Mme MacLeod: Il avait d'abord eu des comportements violents à maintes reprises, sans toutefois se servir de son arme. C'est seulement après de nombreuses années de violence préalable qu'il a commencé, les dernières années, à se servir de son arme.
Nous discutons ici d'un cas personnel. Je l'ai évoqué pour faire contrepoids à l'exemple que vous nous avez donné du jeune de huit ans qui avait pu sauver la vie de son père grâce à une arme à feu. Il faut toutefois faire la part des choses et savoir que les armes à feu sont aussi utilisées dans de nombreux cas de violence familiale.
M. Ramsay: Oui, j'en conviens.
Mme Essex: Il faut aussi tenir compte du poids incroyable des menaces proférées par l'homme violent à l'endroit de sa compagne et du pouvoir énorme qu'il exerce sur elle. Les statistiques démontrent que les femmes retournent plus de 30 fois au foyer où elles ont été victimes de violence et que, bien souvent, ces actes de violence ne sont jamais signalés à la police.
Je suis désolée, j'ai oublié votre question.
Bien souvent, les femmes n'appellent pas toujours la police. Si la femme appelle la deuxième fois, mettons, et que l'arme ou les armes qui se trouvent dans le foyer ont été enregistrées, le policier est en mesure de le savoir. S'il répond à un appel à l'aide pour cause de violence familiale, il est fort probable que la victime ne lui dise même pas que son père a des armes à feu parce qu'elle est terrorisée. Grâce au système d'enregistrement, le policier qui intervient dans un cas de violence familiale saurait qu'il y a une ou des armes dans le foyer et pourrait les confisquer.
Les 30 autres fois où elle sera victime de violence et qu'elle retournera auprès de son agresseur parce qu'elle n'arrive jamais à le quitter en définitive, comme c'est la tendance dans les cas de violence familiale, elle pourrait avoir la vie sauve. Sinon, la cinquième ou la sixième fois, ou à n'importe quelle autre occasion, l'agresseur pourrait brandir son arme. Tant qu'on ne la lui aura pas enlevée, il risque toujours de s'en servir. Dans les cas de violence familiale, il faut retirer l'arme à feu du foyer le plus tôt possible.
Le président: Avant de céder la parole à Mme Barnes, je tiens à apporter une précision qui pourra nous éclairer. Je l'ai d'ailleurs déjà fait. Il s'agit du cas de cet enfant du Nord qui a sauvé la vie de son père.
Dans le règlement existant relatif aux armes à feu, on précise au paragraphe 4(2), après avoir énoncé les conditions à respecter pour l'entreposage sécuritaire, que l'alinéa 1b) ne s'applique pas à celui qui laisse provisoirement une arme à feu à autorisation non restreinte dans un lieu où l'arme pourrait être déchargée à condition qu'il en ait un besoin raisonnable comme moyen de protection contre les prédateurs ou d'autres animaux.
Malheureusement, on est bien souvent mal informé ou pas informé à ce sujet.
Autrement dit, dans un cas comme celui qui s'est produit dans le Nord, où on est menacé par des ours polaires, des grizzlys ou des loups, cette disposition prévoit une exception aux conditions d'entreposage. On peut ainsi avoir son arme à feu à proximité pour protéger, non seulement les êtres humains, mais aussi les chiens ou les animaux domestiques qui pourraient être attaqués par des loups, par exemple. Il s'agit d'une exception qui permet de déroger au règlement de manière provisoire.
C'est ce qui est prévu aux paragraphes 4(1) et (2) du règlement d'application de la loi existante, et des dispositions semblables pourront être prises dans le règlement d'application du projet de loi dont vous êtes saisis.
M. Ramsay: J'ose espérer que vous n'avez pas voulu donner à entendre que j'étais parti à cette désinformation.
Le président: Non.
M. Ramsay: Je me reportais à une tout autre observation qui avait été faite par nos témoins.
Le président: Je comprends bien, monsieur Ramsay. C'est ce jour-là, si je ne m'abuse, que nous avons voulu proposer une disposition en ce sens qui serait incluse dans le règlement. Malheureusement, les témoins ne sont même pas, bien souvent, au courant des exceptions prévues dans le règlement. Les témoins croyaient qu'il y avait eu violation de la loi quand on a pris une arme pour aller tuer l'ours cette fois-là. Le règlement prévoyant une exception dans ces cas-là, il n'y avait dont pas eu violation.
M. Ramsay: Merci.
Le président: Il me semble que, pour discuter ou poser des questions, nous devrions avoir toute l'information nécessaire. Je vous ai simplement lu un extrait du texte législatif.
Mme Barnes (London-Ouest): J'ai écouté avec intérêt ce que vous avez dit. J'ai dans ma circonscription des recherchistes qui s'occupent du dossier de la violence familiale. Des fonds leur ont été accordés pour enquêter sur cette question et sur la violence qui prend des proportions de plus en plus importantes dans les foyers où l'on est vraisemblablement respectueux de la loi, la violence s'intensifiant à tel point qu'elle fait beaucoup de victimes. Ces victimes sont généralement des femmes et des enfants. Nous n'avons guère entendu le point de vue des enfants devant notre comité, et les groupes qui les représentent doivent se faire entendre.
Vous dites que, pour la plupart des femmes, le contrôle des armes à feu est une question de sécurité. Y a-t-il beaucoup de femmes qui sont venues vous dire: «Comme moyen d'assurer ma sécurité et ma protection, je veux pouvoir m'armer à des fins d'autodéfense.» Est-ce là ce que vous disent les femmes?
Mme Essex: Non.
Mme Barnes: L'autre groupe peut-il répondre à cette question?
Mme Letts: Non. Lors des discussions que nous avons eues pour élaborer notre position, on a dit que l'autodéfense ne constituait pas une protection. Nous étions très réalistes à ce sujet.
Mme Barnes: D'accord. J'ai entendu cet argument une seule fois. Chose intéressante, c'était à Kamloops, à l'occasion d'une rencontre que j'ai eue l'été dernier avec les membres d'un club de tir.
Mme Letts: Il n'y a qu'à voir comment les policiers, qui suivent une formation très poussée dans le maniement des armes à feu, peuvent eux-mêmes voir leur arme utilisée contre eux pour se demander comment une femme pourrait bien suivre une formation qui lui permettrait de se protéger.
Mme Barnes: Je ne veux pas m'éterniser là-dessus, car je n'ai que 10 minutes et il y a beaucoup de questions qui m'intéressent.
Dans son mémoire, le YWCA se concentre essentiellement sur les questions familiales. Je sais qu'il s'agit d'un des éléments du projet de loi, mais il s'agit aussi d'un élément de la violence qui est mal compris. Je crois que vous nous avez expliqué très clairement ce que bien des gens considéreraient comme des comportements violents dans divers... Il ne s'agit pas ici des bagarres comme on en voit dans les tavernes ni des batailles comme on en voit dans les cours d'écoles. Il s'agit d'actes de violence d'un tout autre type qui existent bel et bien au Canada.
D'après ce que j'ai lu sur le sujet et d'après ce que j'en sais, la violence familiale se distingue surtout par le fait qu'elle se poursuit sur de longues périodes et qu'elle s'intensifie jusqu'à ce qu'il y ait une explosion et que - au Canada, cela se produit tous les jours - quelqu'un y perd la vie.
Je veux le savoir car je suis de l'Ontario, et le sondage que nous avons effectué dans les quatre dernières semaines dans cette province montre que près de huit hommes sur 10 et près de neuf femmes sur 10 appuient le projet de loi.
Il s'agit toutefois d'une mesure fédérale, et bien des gens nous disent que leur culture est différente, que nous ne comprenons pas l'importance des armes à feu dans leur culture. La semaine prochaine, pendant le congé parlementaire, je retourne en Colombie-Britannique et je m'entretiendrai à nouveau avec diverses communautés de la Colombie-Britannique et de l'Ouest sur cette question.
D'après ce que vous savez de la violence familiale en raison de l'expérience que vous en avez dans les maisons de refuge dont vous vous occupez dans les diverses régions du pays, croyez-vous qu'il y a moins de violence familiale en milieu urbain qu'en milieu rural?
Mme MacLeod: Je peux peut-être commencer à répondre à votre question. Dans le cadre de mon travail bénévole auprès du YWCA, je représente la maison pour femmes battues Sheriff King de Calgary au Conseil albertain des maisons de refuge pour femmes. Je crois qu'il y en a 29 dans la province, dont sept ou huit se trouvent dans la région de Calgary-Edmonton. Le contrôle des armes à feu a été soulevé à une réunion du Conseil albertain des maisons de refuge pour femmes, où il a été appuyé à l'unanimité. La plupart de ces maisons de refuge étaient pour le contrôle des armes à feu, tel qu'il leur avait été présenté.
Certaines de ces maisons de refuge sont des maisons de refuge pour femmes autochtones qui se trouvent dans des réserves; ces maisons de refuge pour femmes autochtones ont également appuyé la résolution.
Mme Barnes: J'ai une question qui fait suite à cela. D'après votre expérience, y a-t-il moins de violence familiale dans les réserves ou dans les collectivités autochtones?
Mme Essex: Je ne le sais pas; je n'ai pas de statistiques sous la main. Je pourrais certainement vous les obtenir.
Vous avez parlé des variations qui existent entre les différentes régions du pays quant à la présence de l'utilisation d'armes à feu, de carabines ou de je ne sais quoi encore, et je suis certainement prête à croire ce que vous dites. Il est toutefois important de souligner qu'il n'existe pas de variation en ce qui a trait à la violence familiale.
Mme Barnes: Il n'en existe pas?
Mme Essex: Non.
Mme Barnes: Y a-t-il un endroit dans ce vaste pays bordé par trois océans où il n'y a pas de violence familiale?
Mme Essex: Non. Nous constatons que les attitudes sont les mêmes dans toutes les régions du pays: c'est de sa faute à elle; qu'a-t-elle fait pour causer cela? La situation est la même dans toutes les régions du pays.
Mme Barnes: Les attitudes sont-elles différentes selon qu'il s'agit de milieux urbains ou de milieux ruraux?
Mme Essex: Non, pas du tout.
Mme Barnes: Quelqu'un quelque part est-il au courant de travaux de recherche qui montrent que le problème de la violence familiale est sensiblement moins grave dans une région quelconque du pays? Je n'ai vu aucune étude qui le démontre et, ce n'est pas faute d'avoir cherché à en trouver.
Mme Letts: La seule différence géographique qui existe tient au fait que, dans les milieux ruraux, la personne à risque, c'est-à-dire la femme, est plus isolée.
Mme Barnes: Vous avez abordé le problème de la violence familiale, mais il faut bien insister sur ce problème. La violence familiale touche-t-elle toutes les classes socio-économiques ou se limite-t-elle à certaines classes en particulier? Ceux qui gagnent moins de 10 000$ ou 20 000$ ou qui gagnent plus de 100 000$.... Que pouvez-vous nous dire au sujet de la violence familiale et des conditions socio-économiques?
Mme Essex: Il n'existe aucune ligne de démarcation. Le problème touche toutes les classes socio-économiques. La condition socio-économique n'a aucune importance. Nous sommes tous touchés. Je crois que les statistiques le montrent bien. D'après l'enquête la plus récente de Statistique Canada, enquête qui fait date...51 p. 100 des femmes seront agressées ou violentées à un moment quelconque de leur vie. Cela montre bien, à mon avis, quelle est la situation relative à la violence dans notre société.
Mme Barnes: Les organismes que vous représentez préconisent-ils, d'une manière ou d'une autre, d'empêcher les chasseurs sportifs de chasser ou de s'exercer au tir ou d'empêcher les autochtones de chasser pour assurer leur subsistance?
Mme Essex: Non, pas du tout. Nous sommes pour la chasse. Nous savons que, pour certaines personnes, c'est un moyen d'assurer leur subsistance. Nous approuvons l'utilisation légitime d'armes à feu.
Mme Barnes: L'autre groupe, s'il vous plaît.
Mme Bayless: Nous avons examiné les dispositions du projet de loi qui portent sur cette question et nous sommes d'accord pour dire que certaines personnes ont besoin de pouvoir chasser et pêcher pour assurer leur subsistance. Nous sommes également d'accord pour dire que, dans bien des circonstances, l'utilisation d'armes à feu à des fins sportives est tout à fait valable. Nous en concevons l'utilité. Là n'est pas le problème.
Mon mari aime bien la chasse. Il est persuadé que l'enregistrement ne pose aucun problème. Il est également scandalisé par le nombre de chasseurs et d'autres personnes expérimentées qui enseignent le maniement des armes à feu et qui ne comprennent pas l'importance de l'entreposage sécuritaire ni les conséquences d'un mauvais entreposage pour les membres de la famille. Pour ce qui est de notre organisme, d'après l'examen que nous avons fait du projet de loi et des conséquences qu'il aurait pour les peuples autochtones, nous approuvons entièrement ce qui y est prévu.
Mme Barnes: Pouvez-vous comprendre pourquoi certaines des provinces et certains territoires ont recommandé au comité que l'on retarde l'application du projet de loi dans leur région? Pensez-vous que c'est justifié?
Mme Essex: Certainement pas du point de vue des femmes. Ce sont elles que nous représentons.
Mme Barnes: Je pense qu'il importe de faire une mise au point, non seulement de mon point de vue à moi, mais peut-être aussi du vôtre. Vous semblez laisser entendre que seul les femmes se préoccupent des problèmes de violence. Il importe cependant de bien préciser que ces problèmes préoccupent aussi bien les hommes que les femmes au Canada. Je ne voudrais surtout pas que vous laissiez l'impression en nous quittant que vous pensez que seul les femmes s'inquiètent de ce problème. Vous pourriez peut-être prendre un instant pour rendre votre position plus claire.
Mme Essex: En effet, et je vous remercie de cette mise au point. Nous représentons des femmes parce que le YWCA est un organisme de femmes qui s'efforce d'améliorer la vie des femmes. Il y a cependant un grand nombre d'hommes qui travaillent très fort pour nous aider à éliminer la violence contre les femmes. Je vous suis bien reconnaissante de l'avoir précisé.
Mme Letts: M. Ramsay a raconté certaines choses pour montrer qu'il fallait tenir compte des conséquences de la mesure pour certains habitants du Grand Nord, et ainsi de suite. De notre côté, nous disons qu'il faut tenir compte de la sécurité du public, de la sécurité au foyer et du bien-être des femmes et des enfants. J'espère donc que les membres du comité tiendront compte des conséquences des armes à feu pour la sécurité à tous ces égards.
Mme Barnes: Je vois que vous parlez aussi du suicide dans vos mémoires. L'un des mythes qui a été dissipé par le témoignage des experts en matière de prévention du suicide c'est que, dans la majorité des cas, on ne peut pas empêcher quelqu'un de se suicider. Lorsque quelqu'un veut se suicider, la meilleure prévention consiste à avoir un mécanisme pour retarder le geste, que ce soit le fait d'être obligé à faire toutes sortes de démarches si c'est la première fois qu'on essait d'acheter une arme ou bien l'impossibilité d'obtenir une arme à feu. Si l'arme est déjà dans la maison ou entreposée quelque part...
Pour moi qui n'avais jamais examiné les aspects du suicide auparavant, c'est quelque chose que j'avais besoin d'entendre parce que ceux qui voudraient faire modifier ou retirer le projet de loi nous disent que si quelqu'un veut se suicider, il trouvera un autre moyen s'il n'a pas d'arme à feu. Ce n'est certes pas ce que les experts ont dit.
Je voudrais simplement savoir si, dans vos contacts avec le public, vous avez une expérience personnelle de la prévention du suicide et de situations du même genre.
Mme Essex: Je pense que ce qui est le plus évident, c'est que d'après les recherches, très souvent, les hommes qui abattent leur femme ou la tue d'une façon quelconque se suicident ensuite. Dans près de la moitié des cas de ce genre, l'homme se tire une balle dans la tête.
S'il n'y avait pas de violence contre les femmes et s'il n'y avait pas d'hommes qui tuent leur femme, ces hommes n'auraient peut-être pas de raisons de se tirer une balle dans la tête. En outre, le fait de ne pas avoir accès facilement à une arme à feu préviendrait les suicides.
Mme Letts: Je n'ai pas fait d'études approfondies des cas de suicide, mais d'après les chiffres qui ont été publiés, ceux qui se suicident au moyen d'une arme à feu le font d'habitude parce qu'ils ont accès à cette arme. C'est une chose qui leur vient à l'esprit et cela devient une possibilité pour quelqu'un qui a sombré dans le désespoir. D'habitude, la première tentative est la dernière.
La plupart d'entre nous connaissons sans doute des gens qui ont essayé de se suicider. D'habitude, ils ne le font pas au moyen d'une arme à feu, mais par un autre moyen. Ensuite, ils ont réussi à résoudre leur problème et à survivre. Cependant, si l'arme à feu est là et peut être utilisée parce qu'elle est facilement accessible, dans le cas d'adolescents qui sont peut-être déprimés, à un moment donné, ils peuvent être tentés de se servir de l'arme de leur parent. Ce ne sera pas seulement une tentative de suicide, mais un fait accompli.
[Français]
M. Langlois: Je suis d'accord sur ce que vous avez dit tout à l'heure, madame Essex. Avant d'être élu député à la Chambre des communes, j'ai été professeur de droit pendant 22 ans et j'enseignais à mes étudiants et surtout à mes étudiantes la nécessité de travailler pour leur avenir.
Je dois dire qu'il y avait une certaine part de résistance. Souvent je demandais aux étudiantes: «Quand vous aurez fini vos études, qu'est-ce que vous allez faire?» Le modèle traditionnel revenait: «Je vais me marier, avoir possiblement une maison et des enfants». Je leur demandais: «Avez-vous l'intention de travailler?» «Oui, je vais peut-être travailler.» «Qu'est-ce que vous allez faire de ce que vous allez gagner?» «Ce sera un deuxième revenu.» Les bras me tombaient chaque fois.
Les années 1990 approchaient et je n'en revenais pas de voir combien il était difficile de changer les mentalités. Il y avait déjà une vingtaine d'années que je constatais les mêmes choses.
Le message que j'essayais de transmettre aux étudiantes était que la véritable liberté passe par la liberté économique. Quand on a son chéquier, ses propres choses et qu'on est maître de sa propre affaire, on peut ensuite s'associer librement à d'autres. C'est aussi vrai au niveau politique, comme le disait mon collègue de Bonaventure - Îles-de-la-Madeleine.
Dans vos mémoires, vous appuyez le projet de loi avec les peines obligatoires minimales de quatre ans qu'il comporte pour les crimes avec violence. Est-ce que je dois y déceler une insatisfaction quant au sentencing actuel? Il me semble que les juges ont présentement tous les instruments nécessaires pour tenir compte des circonstances aggravantes dans la détermination de la peine si le crime a été commis avec violence et si c'est un crime qui s'en prend spécifiquement aux femmes.
Personnellement, je trouve absolument insuffisantes et parfois même ridicules les sentences qui sont données en cas de viol, d'agression sexuelle maintenant, et d'inceste. Des vies sont brisées et des gens s'en tirent avec des sentences minimes, comme s'ils avaient fait un simple vol avec effraction, parfois même pas. Il me semble qu'il y a, dans le sentencing, une totale disproportion entre le crime commis et les sentences imposées. Je pense ici au viol et à l'inceste. Il me semble que quelque chose ne va pas de ce côté. Ma question portait sur le sentencing, mais je tenais à faire mon préambule.
[Traduction]
Mme Essex: Je suis tout à fait d'accord. Cela montre, je pense, que nous avons encore du travail à faire.
Il est vrai que les peines imposées pour le viol ne sont pas très sévères et que certains sont relâchés après un an, mais je pense que cela montre que bien des gens pensent encore que le viol n'est pas un crime grave. Nous entendons encore des hommes dire qu'ils ne savaient pas qu'il leur était défendu de battre leur femme. Il n'y a pas si longtemps, ce n'était pas contre la loi de frapper sa femme.
Je pense que c'est encore l'attitude aussi parmi les avocats. Une autre partie de notre travail consiste à organiser des programmes d'éducation pour toutes sortes de professionnels. Il y a certes beaucoup d'avocats, de juges et de policiers qui ne prennent pas les crimes contre les femmes au sérieux. Si une femme est violée, c'est parce qu'elle l'a cherché. Je l'ai déjà dit: si une femme est victime de mauvais traitements, ce doit être sa faute à elle ou bien l'on excuse le coupable parce qu'il était ivre. L'agression et les mauvais traitements dont les femmes sont victimes et le viol sont des crimes, ils doivent être considérés comme tels et nous appuyons une peine d'emprisonnement obligatoire de quatre ans.
Les femmes ont souvent peur. Elles ont peur lorsqu'elles apprennent que leur mari n'a été condamné qu'à un an d'emprisonnement pour un crime de violence. La femme est très frustrée; elle se demande pourquoi elle porterait des accusations si celui qui la maltraite a des chances de s'en tirer ou d'être libre au bout d'un an.
Cette mesure encouragera fortement les femmes à poursuivre leur agresseur.
M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Je ne veux pas m'engager dans un échange d'anecdotes. J'aimerais plutôt parler d'un fait qui est devenu apparent au cours de ces audiences et qui a été mentionné par un des groupes aujourd'hui. Il a trait à nos croyances, nos attitudes et nos valeurs face aux armes à feu et aux armes au sein de notre société par rapport à ce qui existe aux États-Unis. Des gens de l'Université Western Ontario et de l'UCLA ont examiné les valeurs de base de nos sociétés. Ils sont d'accord pour dire qu'il y a des différences entre Canadiens et Américains en ce qui concerne sept de ces valeurs.
Au sein même de notre société, nous constatons des différences selon les régions. Je vous signale le cas du procureur général de la Saskatchewan, pour qui cette mesure législative ne signifie rien, pour qui l'enregistrement ne rime à rien.
Nous avons entendu d'autres témoins qui nous ont dit que cette mesure changerait fondamentalement la façon de penser de notre société, comme l'ont fait les mesures sur la conduite avec les facultés affaiblies et sur le port de la ceinture de sécurité. J'aimerais savoir quelle serait votre réaction si, par exemple, les dispositions sur l'enregistrement étaient supprimées et toutes les autres restaient intactes.
Mme Essex: Pour les femmes, l'enregistrement est une question clé. Nous nous sommes exprimées très clairement en faveur de l'enregistrement. Nous pensons que cette disposition peut sauver la vie de nombreuses femmes. Nous l'avons dit à plusieurs reprises.
Nous n'avons pas vue de différences, non plus, selon les régions du pays. Nous avons l'appui de femmes dans toutes les provinces et dans les territoires.
Mme Letts: J'ai été élevée sur une ferme au Manitoba. Il y avait une .303 pendue au mur de la cuisine au-dessus des armoires et une .22 dans la pièce d'à côté. C'était une autre époque. Et la vie à la ferme, tout, était en différents. La situation étant ce qu'elle est maintenant, de telles armes doivent être rangées d'une façon plus sûre.
L'enregistrement rend une personne responsable de l'arme à feu pour laquelle elle détient un permis. La personne est directement responsable et doit mieux ranger et utiliser son arme. En outre, les armes peuvent être retracées et leur existence peut être connue de la police, comme le signalait le YWCA.
M. Gallaway: Comme vous le savez sans doute, nous avons entendu beaucoup de chiffres au cours des dernières semaines. J'en ai entendu un de plus aujourd'hui: 200 enfants ont été atteints par une balle l'année dernière. J'ai été très surpris de l'apprendre.
Où doit se trouver le fardeau de la preuve, si je puis dire? Je vous pose la question, parce que bien des gens disent: «Si cette mesure peut sauver une seule vie, je l'appuie; cependant, je ne suis pas convaincu qu'elle puisse avoir un effet quelconque; elle punit inutilement les propriétaires d'armes à feu respectueux des lois; elle est simplement une autre taxe etc.». Essentiellement, ces gens disent: «Si je pouvais être sûr que la mesure sauvera une vie, je serais d'accord». Que répondez-vous à ces gens? Que pouvez-vous dire pour essayer de les convaincre?
Mme Letts: Je pourrais très facilement vous citer des cas où la police aurait pu intervenir si elle avait su qu'il y avait une arme à feu en cause. Si c'est la seule assurance que ces gens veulent obtenir, ils peuvent donc lire les journaux une semaine quelconque.
Mme Essex: Nous avons l'exemple d'autres mesures, comme celles qui concernent les ceintures de sécurité et les casques de cycliste. Dans ces cas, l'éducation n'a pas suffi. Il a fallu avoir recours à des mesures coercitives.
Je pense que les pouvoirs en matière d'inspection et l'attention des propriétaires d'armes à feu respectueux des lois se conjugueront. Ils encourageront plus de gens à garder leurs armes à feu sous clé et à les ranger de façon sécuritaire.
Dans les cas de violence conjugale et de mort accidentelle d'enfants, il ne fait aucun doute que des vies peuvent être sauvées si les armes sont difficiles d'accès. Je serais très surprise que cette mesure ne sauve pas plusieurs vies. Nous savons qu'elle sauverait la vie de femmes.
Mme Meredith (Surrey - White Rock - South Langley): Madame Essex, je reviens sur une de vos observations portant que vous appuyez entièrement la peine minimum obligatoire de quatre ans. Savez-vous que c'est la peine qui risque d'être imposée le plus par les tribunaux? Traditionnellement, ils ont imposé des peines minimums, à moins de circonstances aggravantes. Croyez-vous vraiment que ce soit suffisant?
Mme Essex: C'est préférable à la situation présente.
Mme Meredith: Dans ma circonscription, un homme a tué sa femme. Comme il n'a pas utilisé d'arme à feu, il a vu automatiquement son chef d'accusation réduit à celui d'homicide involontaire. Il a été condamné à cinq ans et sortira de prison dans deux ans et demi.
J'ai une pétition de plus de 9 000 signatures de femmes de ma localité et de la région avoisinante estimant que cette peine est anormale et incroyablement légère. Elles réclament une peine minimum de 10 ans pour la violence conjugale et le meurtre par un conjoint. Ces dispositions posent un problème, puisque quatre ans est la moyenne de toute façon. Le message, c'est que peu importe qu'on utilise une arme à feu ou non. Cette peine minimum de quatre ans pour les 10 crimes les plus graves - qu'il s'agisse de viol ou d'agression au moyen d'une arme à feu - n'envoie pas un message suffisamment ferme.
Je suis déçue qu'en tant que représentantes des femmes vous considérez qu'une peine minimum de quatre ans est suffisance pour quelqu'un qui a décidé de tuer un autre être humain au moyen d'une arme à feu, compte tenu du fait qu'il serait probablement sorti de prison au bout de deux ans et demi.
Le président: Je vous demande pardon, mais pour le meurtre, la peine minimum est la peine à vie.
Mme Meredith: J'ai indiqué au départ que traditionnellement le chef d'accusation pour la violence conjugale et le meurtre par un conjoint est ramené à homicide involontaire.
N'est-ce pas le cas?
Mme Essex: Je ne peux pas répondre à votre question.
Mme Meredith: Très bien. À ma connaissance, dans la plupart des cas - vous avez mentionné le fait vous-même - l'acte est commis dans un moment de colère. Comme on ne peut pas prouver qu'il y a eu intention criminelle, on réduit le chef d'accusation. On a plus de chances d'obtenir une condamnation avec un chef d'accusation d'homicide involontaire.
J'ai un autre problème; j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Outre les 10 crimes les plus graves, qui commandent une peine minimum de quatre ans, les crimes de moindre gravité peuvent devenir des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. C'est-à-dire qu'ils peuvent commander une amende ou une peine d'une journée d'emprisonnement.
Dans la région de Vancouver, nous avons vu le cas d'un homme qui gardait une arme de poing illégale, non enregistrée - il n'avait pas de permis pour cette arme - dans un sac de biscuits sur la table de cuisine à une fête d'anniversaire d'enfants. Son fils de deux ans s'en est emparé et non seulement s'est tiré, mais a également tiré sa soeur de quatre ans. Cet homme a reçu une peine de six mois.
Nos lois actuelles ne permettent pas de faire face à la réalité de l'utilisation criminelle des armes à feu et ne prévoient pas de peines assez sévères pour avoir un effet de dissuasion. Je déplore que cette loi ne fasse rien pour corriger la situation. Elle prévoit des infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, des minimums d'un an, et des dispositions semblables.
Ne vous en inquiétez-vous pas?
Mme Essex: Nous sommes d'accord avec le projet de loi dans sa forme actuelle. Il faudrait que je vérifie auprès de nos organismes membres. Je ne peux pas répondre à votre question.
Cela démontre bien à quel point les femmes sont sous-représentées ici. Peut-être d'autre groupes vous diraient-ils des choses différentes.
Nous nous sommes penchés sur un certain nombre de questions; nous n'avons pas voulu examiner le projet de loi article par article.
Mme Meredith: Est-ce que vous avez considéré la partie III, la détermination de la peine et l'usage criminel des armes à feu, ou bien vous êtes-vous contentées de réfléchir à l'enregistrement?
Mme Essex: Nous avons envisagé toutes ces questions, et nous approuvons ces dispositions.
Mme Meredith: Vous avez dit que l'enregistrement était utile parce que, d'après ce que j'ai compris, il est bon de savoir qu'il y a une arme à feu dans une maison donnée. Mais, en réalité, est-ce qu'un agent de police qui répond à un appel ne tient pas toujours pour acquis qu'il y a une arme sur les lieux? Lorsqu'il arrête une automobile au milieu de la nuit parce qu'il a un doute sur ses plaques d'immatriculation, ou autre chose, ne tient-il pas pour acquis qu'il pourrait y avoir une arme à feu dans ce véhicule? Et la même chose dans une maison où il y a une querelle de ménage. Est-ce que ce n'est pas déjà ainsi?
Mme Essex: Je ne sais pas. C'est bien possible, mais même lorsqu'on fait cette supposition, la femme peut ne pas le confirmer. Je ne sais pas si les agents de police posent la question lorsqu'ils répondent à un appel en cas de querelle de ménage.
Avec l'enregistrement, ils le sauraient d'avance. Lorsqu'ils répondraient à un appel, ils pourraient commencer par prendre l'arme.
Je ne suis pas agent de police; je ne sais donc pas si les choses se passent ainsi.
Mme Bayless: Pas tout à fait dans le même ordre d'idées, je tiens à dire que nous avons travaillé en collaboration avec l'Association des chefs de police, et j'en ai rencontré plusieurs personnellement dans la région de Montréal à l'époque où nous discutions des opérations de police et des relations raciales. Cela nous a donné l'occasion de discuter de la situation dans diverses communautés ethniques de Montréal, de discuter également des armes à feu et autres armes qui sont acceptables, et j'ai eu l'impression qu'effectivement ils avaient fréquemment l'occasion de se demander s'il y avait une arme sur les lieux, et de quel type d'arme il s'agissait.
Par conséquent, s'ils pouvaient vérifier cela sur l'écran de leur ordinateur pendant qu'ils se rendent sur les lieux, déterminer s'il y a des armes, peut-être plus qu'une, cela leur serait très utile. Cela nous a semblé évident lorsque nous avons eu l'occasion d'en discuter. À l'époque, nous ne discutions pas de ce projet de loi, mais la police de Montréal nous a donné l'impression que c'était une préoccupation, qu'effectivement on prenait toutes les précautions voulues, mais qu'il serait très utile de savoir d'avance s'il y a plus d'une arme sur les lieux, combien, quels types d'armes, etc. Dans de telles circonstances, la police pourrait choisir de ne pas aller frapper à la porte d'en avant, et adopter une autre tactique. Par exemple, téléphoner, mais en tout cas, aborder la situation différemment.
Mme Torsney (Burlington): Merci d'avoir confirmé ce que la police nous a dit lorsqu'ils ont comparu: ils prennent des mesures de précaution extraordinaires lorsqu'ils savent qu'il y a des armes sur les lieux.
Merci beaucoup à toutes deux d'être venues. Je fais partie de la section locale du CFUW dans ma circonscription, et je crois avoir voté sur cette résolution. J'apprécie donc particulièrement votre visite, et je connais également l'excellent travail du YWCA, en particulier les prix que cet organisme décerne aux femmes qui se distinguent dans un domaine, etc.
Soit dit en passant, il y a actuellement 54 femmes à la Chambre. Parmi les pays du G-7, nous sommes au second rang; comme vous le voyez, nous faisons des progrès.
Nous avons eu l'occasion, entre autres, de discuter de la violence, et vous l'avez certainement fait de votre côté également. C'est un problème que nous abordons également dans d'autres domaines. Quand les femmes se font entendre, c'est évidemment très utile, mais il est certain que la présence d'armes à feu aggrave le problème.
À propos des ordonnances d'interdiction, on a dit que le projet de loi C-68 aiderait à faire respecter ces ordonnances d'interdiction, mais, d'un autre côté, il y a un élément qu'on oublie facilement, à savoir le fait que la police fait émettre des ordonnances d'interdiction environ 230 fois par année en cas de violence domestique. Ce n'est pas énorme. Si nous avions un système d'enregistrement ce serait un renseignement précieux, parce que, comme vous l'avez dit, ces gens-là sont des citoyens respectueux de la loi jusqu'au moment où ils dépassent la limite. Avec un tel outil, on pourrait savoir si ces citoyens respectueux de la loi ont enregistré leurs armes à feu.
Nous avons entendu de nombreux témoignages. Je ne sais pas si vous avez eu le temps de les suivre à la télévision pendant la fin de semaine, ou même de venir ici, mais nous avons entendu des médecins de salles d'urgence nous dire qu'ils ne veulent plus se prêter à une expérience pour déterminer si le système d'enregistrement pourrait fonctionner. Ils exigent que nous agissions, et que nous agissions rapidement.
Nous avons également entendu les procureurs généraux de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba nous dire qu'ils n'étaient pas en faveur de ce projet de loi. Est-ce que les groupes qui font partie de votre organisation dans ces provinces-là partagent votre position? Est-ce qu'ils ont voté sur la résolution? Je parle du CFUW. D'autre part, je me demande si les groupes de ces provinces qui font partie de cette organisation ont été consultés par les procureurs généraux, et je pense en particulier au Manitoba, où le ministre est également responsable du statut de la femme. Il me semble ironique que vous ayez organisé votre conférence dans sa province, et pourtant, elle ne pense pas que les femmes soient...
Mme Bayless: Elle est venue.
Mme Torsney: Eh bien, elle n'a pas dû écouter attentivement, car elle est convaincue que 52 p. 100 de la population...
Mme Bayless: Elle n'est pas restée pendant toute la conférence, mais elle a assisté à certaines séances.
Mme Torsney: Elle semble penser qu'ayant voté pour un gouvernement conservateur, les femmes de sa province ont voté contre le contrôle des armes à feu. Elle semble penser que c'était le sujet principal de la campagne, et qu'une telle consultation était amplement suffisante et lui donnait le droit de venir prendre position comme elle l'a fait, sans pour autant pouvoir nous soumettre une liste. Pouvez-vous nous dire si elle a rencontré d'autres groupes qui font partie de votre organisation dans ces trois provinces-là et dans d'autres provinces?
Une dernière question; j'aimerais savoir ce que vous répondriez aux groupes qui nous disent: «Attendez, remettez cela à plus tard, nous avons besoin de plus de temps.» Est-ce que cela vous satisfait, ou pensez-vous que nous devrions agir tout de suite?
Mme MacLeod: Je pense que nous devrions agir tout de suite. Je peux vous dire quelque chose au sujet de l'intervention de l'Alberta et de la position des Albertains au sujet du projet de loi C-68. Je pense en particulier aux groupes qui ont été consultés par le procureur général de la province. Là-bas, il n'y a aucun groupe de femmes. Il y a environ 15 clubs de tir, trois marchands d'armes à feu et une liste de groupes d'intérêts, y compris la National Firearms Association et les Responsible Firearms Owners of Alberta. Il n'y a pas de groupes de femmes ou autres, que nous sachions, qui ne partagent sa position, qui soient d'accord avec le projet de loi. À mon avis, nous devrions agir.
Mme Essex: Les associations qui font partie de notre organisation, nos YWCA, partagent certainement notre position. Nous avons également parlé avec plusieurs organisations de femmes dans ces provinces, et elles aussi partagent notre position.
Un important communiqué de presse daté du 12 mai mérite d'être mentionné. Le comité d'action manitobain sur le statut de la femme a été renversé de constater que Rosemary Vodrey, la ministre responsable du statut de la femme, a pris une décision aussi arbitraire, celle de désapprouver l'enregistrement des armes à feu.
Quant à votre deuxième question, je pense que nous devrions adopter ce projet de loi immédiatement, car cela peut sauver la vie de certaines femmes.
Mme Letts: J'allais ajouter certaines choses au sujet du comité d'action manitobain sur le statut de la femme et de son communiqué. En effet, elle dit que plusieurs groupes ont participé à une conférence de presse avec les services de police le 10 janvier. Il y a donc eu des groupes, y compris des groupes de femmes, qui se sont prononcés en faveur du contrôle des armes à feu et qui n'étaient pas, j'imagine... Je n'ai pas lu l'intervention de Mme Vodrey; j'ai seulement lu les rapports de presse. Cela dit, d'après ce document, elle n'a pas consulté les groupes de femmes. Je suis certaine qu'une copie vous serait utile.
Mme Torsney: [Inaudible] ...au Manitoba ont été consultés?
Mme Bayless: Pas que je sache. Par contre, les membres du CFUW ont exprimé leurs idées et leurs préoccupations aux députés au Parlement et aux représentants provinciaux. D'une façon générale, nous n'avons pas été consultées, et lorsque nous nous sommes exprimées, cela a été fait séparément.
[Français]
M. Langlois: Votre position est claire quant à l'application générale qui devrait être faite de la loi au niveau des provinces. Vous n'appuyez pas le droit de retrait ou d'opting-out pour les provinces quant à ce projet de loi. Vous me corrigerez si j'ai mal saisi votre point de vue.
Tout à l'heure, Mme Barnes a abordé un point que je désire également aborder afin de le faire préciser. L'alinéa 110t) du projet de loi prévoit que le gouvernement, donc le pouvoir exécutif, peut exempter tout peuple autochtone du Canada de l'application de l'une ou l'autre des dispositions de la loi. Est-ce que vous êtes fondamentalement en faveur de cette disposition ou si vous appliquez à tout citoyen du Canada, peu importe son origine ethnique, le raisonnement que vous tenez à l'égard des provinces?
[Traduction]
Mme MacLeod: Je ne vous comprends pas très bien.
Le président: Dans le passage du projet de loi consacré aux règlements, on dit que le gouvernement pourrait, par décret, exempter des peuples autochtones de certaines dispositions de la loi. Cela a par exemple déjà été le cas dans le passé pour les personnes pratiquant une chasse de subsistance. On ne leur faisait pas payer le permis s'ils chassaient uniquement pour leur propre subsistance. On a aussi modifié la façon dont l'ancienne loi était appliquée au sein des collectivités autochtones, etc.
[Français]
Je crois que c'était plus ou moins la question de M. Langlois.
M. Langlois: Oui, mais je vais la reformuler à ma façon. Est-ce que vous trouvez concevable et acceptez que, dans le projet de loi, une disposition permette au gouvernement d'exempter une ethnie au Canada de l'application de la loi? C'est fondamentalement ma question.
[Traduction]
Mme Essex: Nous sommes contre toute exemption à la loi. Je vous le répète, je ne suis pas juriste, mais je comprends très bien qu'on ne fasse pas payer le permis à des gens qui chassent pour leur subsistance.
En revanche, je ne comprends pas, surtout en tant que femme, qu'on cherche à exempter qui que ce soit de cette loi. Je vous l'ai dit, des femmes se font tuer dans tous les groupes ethniques, et le fait d'exempter un groupe particulier aurait des conséquences néfastes sur les femmes appartenant à ce groupe.
Mme Letts: Les règlements ne concernent-ils pas le mode de vie en zone rurale - l'entreposage des armes à feu dont parlait M. Allmand - plutôt que les groupes ethniques? Il s'agit en fait des armes dont on a besoin pour chasser.
Le président: Je devrais peut-être vous lire l'alinéa. Il dit que le gouvernement peut, par règlement,
t) prévoir selon quelles modalités et dans quelle mesure telles dispositions de la présente loi ou de ses règlements s'appliquent à tout peuple autochtone du Canada et adapter ces dispositions à cette application.
Autrement dit, ce sont les modalités d'application de la loi aux peuples autochtones; ce n'est pas une question de fond. J'imagine par exemple que des chefs pourraient être désignés contrôleurs des armes à feu. On pourrait peut-être les exonérer des frais, mais il s'agit plus des modalités d'application que du fond de la loi elle-même. Le gouvernement pourrait faire des exceptions dans l'application de la loi aux peuples autochtones.
Mme MacLeod: Permettez-moi de faire un autre commentaire. Dans le cadre du Alberta Council of Women's Shelters, il y a de nombreux refuges pour femmes autochtones dans les réserves de cette province, et elles ont appuyé ce projet de loi. Le problème des actes de violence commis à l'aide d'armes à feu contre les femmes de ces communautés est réel. Ce que je peux vous dire, par conséquent, c'est que nous sommes pour ce projet de loi et pour l'enregistrement. S'il est nécessaire d'avoir une exception à des fins administratives ou pour permettre à certaines personnes de mener un certain style de vie, et que cela ne menace nullement l'existence des femmes, je n'ai pas d'objection, mais nous ne sommes pas entrées dans ce détail lors de nos discussions.
Le président: Madame Bayless, vous avez un commentaire à faire?
Mme Bayless: Nous sommes dans la même situation.
M. Bodnar (Saskatoon - Dundurn): Je n'ai pas vraiment de questions à poser, mais plutôt une remarque à faire. Je viens de la belle province de la Saskatchewan. Bien des gens ne la connaissent pas, mais c'est une province superbe. Je vois que le président y est allé.
Le procureur général de ma province est contre mon opinion sur le contrôle des armes à feu, puisque je suis en faveur de ce projet de loi, avec certaines modifications. Les autres partis d'opposition sont aussi contre moi, de même que les deux grands partis fédéraux dans ma province. Ce n'est donc pas toujours facile, et cela me réconforte de savoir que les femmes de cette province m'appuient ainsi que, pour autant qu'on puisse en croire le seul sondage dont je dispose, la majorité de la population.
Si Tommy Douglas vivait encore, je crois que j'aurais aussi son appui. Le 18 juillet 1977, à propos du contrôle des armes à feu, il déclarait:
Ce projet de loi ne fera que limiter les conditions d'achat d'une arme à feu quand il sera adopté. Il ne prévoit cependant pas l'enregistrement des millions d'armes à feu déjà en circulation. Mais c'est déjà quelque chose. Ce projet de loi est une première étape.
Il ajoutait, car il critiquait un projet de loi gouvernemental à l'époque:
C'est une bien faible mesure de contrôle des armes à feu, mais c'est mieux que rien. Ce projet de loi nous permettra de nous assurer à l'avenir qu'on ne vendra pas d'armes à feu à des gens qui ne devraient pas en avoir. Au cours des années à venir, nous perfectionnerons les techniques d'enregistrement dans l'espoir de pouvoir resserrer cette mesure.
Voilà ce que nous faisons maintenant, 18 ans après.
C'est dommage que je n'aie pas eu ce texte quand M. Mitchell a comparu au comité l'autre jour. Il y a malheureusement des choses qui arrivent deux jours trop tard, et c'est regrettable.
Les choses ont évolué progressivement. Les gens se sont rendu compte de ce qui se passait en constatant les conséquences de l'utilisation d'armes à feu, en écoutant des experts médicaux dire en comité que la présence d'armes à feu entraînait une augmentation des cas d'utilisation d'armes à feu contre des individus. Je ne parle pas particulièrement des femmes, car ce n'est pas le seul problème; il s'agit de l'ensemble des gens.
Je suis heureux de constater que vous appuyez ce projet de loi et qu'on l'appuie aussi ailleurs. Il est regrettable que les élections doivent avoir lieu dans un mois en Saskatchewan, parce que les politiciens font des discours électoralistes au lieu de discuter objectivement du problème.
Merci beaucoup d'être venues.
Mme McLeod: Vos remarques sur l'évolution du contrôle des armes à feu sont très intéressantes. En vous écoutant, je me disais que nous allions peut-être revenir sur certaines des questions abordées tout à l'heure. Il y a aussi eu une évolution dans l'attitude vis-à-vis des femmes et de la violence familiale, et peut-être aussi que du côté de la magistrature, pour reprendre ce que vous disiez, un jour - il faudra peut-être plus de quatre ans - l'attitude changera aussi.
M. Thompson (Wild Rose): Je voudrais simplement faire quelques commentaires et vous demander de noter votre réponse, car je n'ai que cinq minutes.
Pour commencer, je vous conseille, ainsi qu'à toutes les personnes que vous représentez, d'examiner de près le passage de ce document consacré aux décrets. Cela mérite réflexion. Deux avocates m'ont dit - c'est d'elles que je tiens mes informations - que ce passage était très inquiétant. Je vous conseille donc de l'examiner de près.
D'autre part, j'ai eu l'occasion de patrouiller avec des policiers la nuit, à maintes reprises, dans diverses villes, et notamment à Calgary, récemment. Les principaux appels concernaient toujours des disputes. Nous en avons longuement discuté en pensant que ce serait bien de pouvoir en prendre note et attendre. Pourtant, la plupart du temps ils disaient qu'il n'en était pas question, car ils risquaient de prendre l'affaire un peu trop à la légère. En fait, ils imaginent toujours le pire.
La première chose qu'ils demandent quand ils arrivent quelque part, c'est s'il y a des armes à feu et des couteaux. Ils entrent à deux ou trois et inspectent rapidement les locaux. Ils prennent ces armes ou ces couteaux, s'il y en a. Ils se placent toujours dans la perspective du pire.
Dans ma circonscription et dans ma région, nous avons eu plusieurs personnes tuées: un enfant jeté contre le mur, un autre noyé dans une baignoire et un autre encore étouffé dans un sac de plastique. Deux épouses ont été poignardées à mort, deux autres étranglées, trois poignardées et une abattue par balle. Je vous parle de Wild Rose, juste au nord de Calgary. Tous ces cas dont je vous parle se sont produits dans les limites de la ville et dans Red Deer, en gros.
Ce qui m'inquiète, et c'est pour cela que nous avons un dossier sur la question, c'est qu'il y avait eu consommation d'alcool dans 10 des 11 cas et que chaque fois, comme l'a dit mon collègue, les auteurs ont été seulement condamnés pour homicide involontaire. Il n'y a pas eu de condamnation plus grave. La plupart du temps, ils en ont pris pour deux à huit ans, ce qui veut dire qu'ils sortent au maximum au bout de trois ou quatre ans. A mon avis, nous devrions être absolument intransigeants sur ce genre de choses.
Si nous établissons un registre, nous allons obliger les policiers à y consacrer tout leur temps, alors que nous n'en avons déjà pas beaucoup pour faire le travail. Je suis donc contre le registre, qui ferait perdre énormément de temps à nos policiers.
Je pense au contraire qu'il faudrait attaquer carrément le problème et dire à tous les Canadiens que désormais il ne sera plus question de tolérer ce genre d'excès. Le registre, ce n'est pas la solution.
Mme Essex: Si.
Pour revenir sur ce que vous disiez, je suis heureuse de vous entendre dire que les policiers partent du principe qu'il y a une arme à feu ou une arme quelconque dans le domicile où ils se rendent. Je tiens en effet à vous faire remarquer que les femmes n'osent pas toujours leur dire qu'il y a une arme dans le domicile, parce qu'elles ont peur des représailles de leur conjoint.
Le registre, à condition qu'il soit utilisé - et je parle de l'hypothèse que la police l'utiliserait - permettrait de savoir qu'il y a une arme à feu au domicile visé, et de la confisquer. Nous savons très bien que les femmes ne le disent pas aux policiers.
Mme MacLeod: Je voudrais ajouter quelque chose.
Je ne sais pas si ce registre nécessiterait la mobilisation de tous les policiers, mais il y a une chose dont je suis certaine: c'est qu'on ferait des économies énormes en soins de santé si l'on pouvait réduire le nombre de personnes tuées ou blessées par des armes à feu. Je crois qu'on peut le faire au moyen du contrôle des armes à feu, de ce registre, et débloquer de cette manière plus de fonds pour d'autres choses, par exemple l'aide aux programmes sociaux.
Mme Essex: Les YWCA.
Mme MacLeod: Par exemple.
M. Thompson: Dans votre document, vous dites que vos membres font des démarches auprès des députés locaux. Puis-je m'attendre à votre visite?
J'ai été contacté par des femmes qui étaient toutes contre ce projet de loi. J'ai présenté des pétitions signées uniquement par des femmes. Elles ont exigé que ces pétitions soient sur papier rose parce qu'elles voulaient qu'elles soient différentes pour que tout le monde sache qu'elles étaient contre ce projet de loi. Il y avait 300 signatures sur une de ces pétitions. J'ai des milliers de lettres signées par des femmes. J'attends l'intervention de groupes féminins.
Mme Bayless: Il va falloir que nous parlions à nos membres de Calgary, car il y en a.
M. Thompson: En tout cas, elles ne m'ont pas contacté. Je pense qu'il faudrait que j'entende aussi leur point de vue.
Mme Bayless: Très juste.
Vous savez, ce n'est pas toujours aussi facile qu'on le souhaiterait de mobiliser les membres d'organisations bénévoles. Mais vous avez tout à fait raison, et nous allons transmettre votre point de vue. En fait, nous allons tenir une séance d'orientation là-dessus.
Mme Essex: J'aimerais bien savoir qui sont ces femmes, car je serais bien étonnée qu'un des groupes de femmes qui nous appuient vous ait envoyé une pétition sur papier rose.
Mme Bayless: Certainement pas, jamais.
Le président: Contre le projet de loi.
M. Thompson: Elles ne faisaient pas partie de votre groupe.
Mme Essex: Sûrement pas.
C'est un excellent exemple du genre d'éducation que nous devons réaliser. Il faut commencer dès le jour où une petite fille naît à l'hôpital et où on l'enveloppe dans une couverture rose. Je crois qu'on ne le fait plus. C'est dès ce moment-là que cela commence. Je pourrais vous en donner des quantités d'exemples. J'aimerais bien avoir le temps de le faire.
J'ai entendu parler tellement de fois de «dame» ici que je n'en reviens pas. Il y a tout un stéréotype implicite absolument inacceptable. L'influence de la langue et de l'éducation se fait sentir très tôt et détermine les attitudes qui dévaluent les femmes dans la société et en font des victimes de la violence.
Ce ne sont là que quelques petits exemples de tout un ensemble beaucoup plus vaste.
M. Thompson: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. En fait, ce n'est peut-être pas un rappel valable au Règlement, et dans ce cas vous me couperez la parole.
Le président: Allez-y.
M. Thompson: C'est moi qui ai déposé ces pétitions. J'ai plusieurs lettres. Ces personnes me disent souvent: «Nous représentons 52 p. 100 de la population.» C'est ce que me disent les femmes du groupe REAL Women et du CCASF. Je suis toujours obligé de contester cette affirmation. Il s'agit en fait de 52 p. 100 des femmes.
Le président: Ce n'était pas un rappel au Règlement, mais c'est tout de même noté, comme de nombreux autres rappels au Règlement qui n'en sont pas.
Mme Essex: Je ne suis pas venue dire ici que nous représentons 52 p. 100 des femmes. J'ai dit que les femmes représentent 52 p. 100 de la population et que nous en représentons beaucoup.
Le président: Beaucoup des gens qui viennent ici critiquer ce projet de loi, et notamment les dispositions concernant l'enregistrement, soutiennent que ce ne sera pas une façon rentable de lutter contre la violence dans la collectivité, en particulier la violence contre les femmes.
Ces gens-là nous disent qu'il vaudrait mieux consacrer cet argent à accroître les effectifs de police et à étendre les programmes de réinsertion des alcooliques et de prévention. Plusieurs ont même dit qu'il vaudrait mieux utiliser cet argent pour lutter contre le cancer du sein, car ce serait un moyen de sauver plus de femmes qu'avec le registre.
Ces gens-là partent toujours du principe que l'argent nécessaire pour la constitution de ce registre viendra de l'État, alors que l'État estime au contraire que ce sont les propriétaires d'armes à feu qui le financeront, et non pas le Trésor.
L'Association canadienne des policiers est d'avis que le système devrait être financé à 100 p. 100 par les propriétaires d'armes à feu.
Si c'est le cas, on ne retire rien à la lutte contre le cancer du sein ou aux programmes de lutte contre l'alcoolisme et autres. Ce sont simplement les propriétaires d'armes à feu, à l'instar des propriétaires d'automobiles, qui vont financer l'enregistrement.
À votre avis, le système d'enregistrement et de délivrance de permis doit-il être intégralement financé par les propriétaires et les utilisateurs d'armes à feu? Ou pensez-vous que le Trésor public devrait en financer une partie? Que pensez-vous des arguments des gens qui disent que ce système ne sera pas rentable? J'aimerais avoir votre avis à toutes deux.
Mme Essex: Nous n'avons aucune raison de penser qu'il ne serait pas rentable. Nous sommes tout à fait pour.
Le président: Quand on parle de rentabilité, on parle des choix à effectuer au niveau des dépenses de l'État consacrées à la lutte contre le cancer du sein ou à un accroissement des effectifs de police, ou encore à des programmes de prévention de la violence dans les foyers.
Si ce sont les gens qui achètent un permis et qui enregistrent leurs armes à feu - autrement dit les utilisateurs et les propriétaires - qui financent le système d'enregistrement, le Trésor public n'est plus concerné.
Vous n'avez peut-être pas pris position. Pensez-vous que ce système d'enregistrement devrait être financé par le Trésor public ou qu'il devrait l'être entièrement par les propriétaires d'armes à feu?
Mme MacLeod: Vous avez raison, nous n'avons pas de position officielle sur la question. Nous nous sommes concentrées sur l'enregistrement, en songeant aux problèmes de violence familiale.
Personnellement, je trouve que l'enregistrement des armes à feu ne devrait pas être financé par le Trésor, mais qu'il devrait l'être intégralement par les propriétaires de ces armes à feu.
Mme Letts: Nous n'avons pas de position là-dessus. J'espère que le comité va examiner ce qui se fait ailleurs pour voir quel pourcentage du coût est assumé par les utilisateurs.
Vous parlez de l'enregistrement des automobiles. J'ai un chien, et je paie aussi pour l'enregistrer. Les propriétaires de chiens paient ce qui est nécessaire. J'imagine que ce serait la même chose ici.
Si ce dispositif se traduit par des économies au niveau de la santé et une baisse de la violence, le gouvernement va en fait peut-être faire des économies, et l'on pourra en tenir compte aussi. Nous n'avons pas de politique vraiment tranchée sur la question. Je pense d'ailleurs que ce n'est pas ce que recommande votre comité. Vous allez sans doute examiner d'autres options.
Le président: Je remercie les deux groupes de témoins. Comme vous le savez, au début vous ne deviez pas comparaître. Nous avions communiqué avec l'Association nationale de la femme et du droit et accepté de l'entendre, mais ses représentantes n'ont pas pu venir. Celles du Comité canadien d'action sur le statut de la femme non plus. Nous sommes donc heureux que vous ayez pu venir aujourd'hui représenter fort bien vos organisations respectives.
Nous reprendrons à 19h30 avec le National Crime Prevention Council. La séance est levée.