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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 19 septembre 1995

.0906

[Français]

Le greffier du Comité: À l'ordre.

Honorables députés, je constate qu'il y a quorum. Avant qu'on procède à l'élection du président, je vais expliquer pourquoi le délai de 48 heures pour convoquer la réunion d'organisation n'a pas été respecté.

Hier, la Chambre a adopté un ordre spécial pour mettre de côté l'application de l'article 106 du Règlement. C'est pourquoi l'avis a été envoyé hier et la réunion convoquée pour ce matin à 9 heures.

Conformément au paragraphe 106(1) du Règlement, le choix d'un président est le premier sujet à l'ordre du jour. Je suis prêt à recevoir les motions à cet effet.

Monsieur Ramsay.

[Traduction]

M. Ramsay (Crowfoot): Je propose M. Morris Bodnar pour le poste de président.

Le greffier: M. Ramsay, appuyé par M. de Savoye, propose que M. Bodnar assume la présidence du Comité. Plaît-il au Comité d'adopter la motion?

La motion est adoptée

Le greffier: Je déclare M. Bodnar dûment élu président du Comité et l'invite à prendre le fauteuil.

Le président: Merci beaucoup.

Maintenant que le président a été élu, nous devons normalement passer à l'élection du vice-président.

Je voudrais cependant vous dire auparavant que je suis très honoré d'avoir été élu au poste de président aujourd'hui. Je tiens tout particulièrement à remercier l'ancien président, M. Allmand, qui a fait un excellent travail pendant près de deux ans pour initier les nouveaux venus au Comité. Il leur a donné une bonne base en matière de procédure et de direction d'un comité ainsi que sur la façon d'être juste envers tout le monde.

Cela étant dit, nous pouvons maintenant passer à l'élection du premier vice-président. Il y a deux postes de vice-président à combler et, si tout le monde est d'accord, les deux mêmes personnes qu'auparavant continueront d'occuper ces postes. Êtes-vous d'accord pour que les deux vice-présidents restent les mêmes?

M. Ramsay: Je ne comprends pas. Pouvez-vous m'expliquer?

Le président: Si tous les partis sont d'accord, ceux qui étaient vice-présidents en juin et plus tôt continueront d'occuper le même poste. Êtes-vous d'accord?

M. Ramsay: Non, je ne suis pas d'accord et je voudrais des élections.

Le président: D'accord. Nous allons donc procéder à l'élection du premier vice-président. Quelqu'un veut-il proposer une motion?

M. Ramsay: J'invoque le Règlement. Je voudrais savoir comment les nominations se feront. Ce que je préférerais, monsieur le président, c'est que les membres du Comité proposent les noms de ceux qu'ils voudraient voir au poste de vice-président et qu'on tienne ensuite un scrutin secret.

.0910

Le président: Normalement, les ministériels proposent un vice-président et l'opposition un autre. On propose un candidat à la fois et on passe ensuite au vote. Puis, on procède à l'élection d'un deuxième vice-président au lieu d'avoir un scrutin pour choisir entre deux ou trois personnes. Ce sont les règles et c'est ainsi que nous procédons. Les ministériels proposent donc un candidat et le Comité décide de l'élire ou non, après quoi l'opposition propose ses candidats et le Comité décide.

M. Ramsay: Monsieur le président, je vous signale bien respectueusement que c'est le Comité qui établit ses propres règles de procédure.

Le président: Non.

M. Ramsay: Je pense que oui. Il est bien clairement dit dans Beauchesne que les comités sont et doivent rester maîtres de leurs propres règles de procédure.

M. Boudria (Glengarry - Prescott - Russell): Pour leurs propres affaires.

Le président: Selon Beauchesne, pour élire les vice-présidents, on décide d'abord si le candidat proposé est élu ou non avant de passer au deuxième...

M. Ramsay: De quelle règle s'agit-il?

Le président: ...et au troisième.

M. Ramsay: Aux fins du compte rendu, pouvez-vous nous dire à quelle règle vous faites allusion, monsieur le président?

Le président: Voici ce qu'on trouve à la page 235, commentaire 788 de Beauchesne:

M. Ramsay: Il s'agit d'une motion et non pas d'une nomination. Cela ne dit pas qu'on ne peut pas avoir deux nominations dans la même motion.

Le président: Il s'agit d'une motion pour la mise en candidature de quelqu'un.

M. Hanger (Calgary-Nord-Est): Il s'agit d'une motion.

Mme Ablonczy (Calgary-Nord): C'est faux, monsieur le président.

M. Hanger: Monsieur le président, la motion parle de mise en candidature, mais le fait de mettre quelqu'un en candidature ne constitue pas en soi une motion.

Le président: Ce qui va se passer, c'est qu'on va proposer le nom de certaines personnes pour le poste de vice-président. Ensuite, nous allons prendre une mise en candidature à la fois. C'est ainsi que le Comité avait procédé pour l'élection des vice-présidents la dernière fois, sous la présidence de M. Allmand, et c'est ce que nous allons faire aujourd'hui.

Mme Ablonczy: Monsieur le président...

Le président: Un instant.

Madame Venne.

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Monsieur le président, vous avez bien établi les règles. Je crois que nous devrions passer immédiatement aux propositions. J'aimerais proposer dès maintenant Mme Barnes comme vice-présidente du côté du gouvernement.

.0915

[Traduction]

Mme Ablonczy: Monsieur le président, j'invoque le Règlement. Je crois que la procédure que vous exposez n'est pas acceptable. En fait, j'aimerais citer ce qu'a dit le whip de votre propre parti à une séance du Comité de mai 1991:

Monsieur le président, je crois que le whip de votre parti avait alors avancé un excellent argument. Je pense qu'il est toujours valable...

M. Boudria: C'était le jugement.

Mme Ablonczy: ...et je crois que nous devrions procéder de cette manière, c'est-à-dire procéder à des mises en candidature pour chacun des postes et mettre aux voix ces candidatures - si, en fait, il y en a plus d'une, ce qui ne sera peut-être pas le cas.

Le président: Merci. J'ai pris note de ce que vous avez dit. J'ai fait savoir ce que serait la procédure suivie. Nous allons accepter les mises en candidature au poste de vice-président, et nous allons voté sur ces mises en candidature l'une après l'autre.

Nous avons la mise en candidature de Mme Venne.

Mme Ablonczy: Monsieur le président, avec tout le respect...

Le président: Un instant. Il existe une règle; c'est elle qui s'applique.

Mme Ablonczy: Mais, monsieur le président, les décisions de la présidence doivent respecter les règles de procédure. La présidence n'est pas autorisée à entraver arbitrairement l'application de ces règles de procédure, et je demanderais respectueusement que la présidence s'en tienne aux règles de procédure de la Chambre au cours des délibérations sur l'élection de nos vice-présidents.

Le président: Je peux vous dire que si vous n'acceptez pas la décision de la présidence vous pouvez en appeler de cette décision. Nous allons nous en tenir à cette décision et accepter les mises en candidature.

La première mise en candidature que j'ai reçue est celle de Mme Barnes proposée parMme Venne. Y a-t-il d'autres propositions?

Mme Ablonczy: Monsieur le président, je vais...

M. de Savoye (Portneuf): Mr. Chairman, est-ce seulement pour le parti ministériel ou pour l'opposition aussi?

Le président: Nous traiterons d'abord de toutes les mises en candidature pour le parti ministériel. Nous avons la candidature de Mme Barnes. Avez-vous d'autres mises en candidature à faire du côté ministériel?

Mme Ablonczy: Oui, monsieur le président, je propose Shaughnessy Cohen.

Mme Cohen (Windsor - Sainte-Claire): Je refuse. Je ne peux pas.

Le président: Mme Cohen n'est pas un membre permanent du Comité; elle est un membre associé et ne peut pas être...

Mme Ablonczy: Dommage. Elle aurait fait une vice-présidente fantastique.

Mme Cohen: Merci beaucoup.

M. Hanger: Monsieur le président, je propose Gar Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci, Art, mais je ne peux pas.

Le président: M. Knutson a été proposé, mais décline cette offre.

Y a-t-il d'autres propositions? Comme il n'y a pas d'autres mises en candidature, je déclare Mme Barnes élue à la vice-présidence.

Monsieur de Savoye.

[Français]

M. de Savoye: Je propose Mme Venne comme vice-présidente du côté de l'opposition.

[Traduction]

Le président: Nous avons une mise en candidature pour l'opposition, Mme Venne étant proposée par M. de Savoye. Y a-t-il d'autres mises en candidature?

M. Hanger: Monsieur le président, je propose Jack Ramsay.

Le président: M. Hanger propose Jack Ramsay.

Deux personnes ont été proposées. Y a-t-il d'autres mises en candidature pour l'opposition? Comme il n'y en a pas d'autres, nous allons mettre aux voix la première candidature, celle deMme Venne. Si Mme Venne est défaite, nous mettrons aux voix la seconde mise en candidature. Si elle est élue, il n'y aura pas lieu de procéder à une deuxième mise aux voix.

Passons donc à la proposition de mise en candidature de Mme Venne faite par M. de Savoye.

La motion est adoptée

Le président: Mme Venne est élue vice-présidente pour l'opposition et il n'y a pas lieu de mettre aux voix la seconde motion.

Nous allons entamer nos travaux à 9h30, le premier point à l'ordre du jour étant un projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Jennings; la séance est donc simplement ajournée jusqu'à 9h30.

.0920

PAUSE

.0931

Le président: Le Comité va commencer ses travaux. Il est 9h30 et une question est prévue à l'ordre du jour pour 9h30.

Cependant, auparavant, je dois vous soumettre une question qui a été portée à mon attention, à savoir la tenue d'une conférence prévue à Winnipeg pour la fin du mois et le début de février. Si j'ai bien compris, notre Comité, ou du moins, certains de ses membres ont déjà pris l'engagement d'y assister, à Winnipeg, le 2 octobre, de 9 heures à 11h30 du matin. Il s'agit d'une présentation du Congrès canadien de la justice pénale dans le cadre de laquelle certains membres de cette association vont exposer une vision de la justice pour le prochain siècle. Nous devons discuter du budget pour les membres du Comité qui souhaitent se rendre à Winnipeg, et également déterminer le nombre de participants.

Je vous le signale pour que nous puissions régler la question au cours des prochains jours. Si vous voulez d'autres renseignements là-dessus, veuillez communiquer avec le greffier.

Le sujet prévu pour 9h30 est le projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur le divorce (garde d'un enfant ou accès auprès d'un enfant par un des grands-parents). Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire de Mme Daphne Jennings, qui comparaît devant le Comité aujourd'hui.

Si j'ai bien compris, madame Jennings, vous voulez tout d'abord aborder une question avant de faire votre exposé.

Mme Daphne Jennings, députée (Mission - Coquitlam): Oui, monsieur le président, c'est ce que je souhaite faire. Merci. J'ai en main une lettre que j'ai reçue ce matin. Elle m'a été transmise par l'un des grands-parents qui nous rend visite aujourd'hui et qui vient de la Colombie-Britannique. En voici le contenu:

Et c'est signé Svend Robinson, député de Burnaby - Kingsway.

En prenant connaissance de cette lettre, j'ai été grandement préoccupée. J'en ai immédiatement parlé au président. Il m'assure qu'elle n'est pas pertinente et qu'il n'était nullement au courant.

Je propose qu'elle soit déposée. Je vous laisse le soin de prendre la décision.

Le président: Madame Jennings, vous pourriez peut-être laisser au greffier une copie de la lettre. Je peux vous dire que nous passons immédiatement à l'étude de ce projet de loi. Après votre exposé, nous passerons à la période habituelle des questions et des réponses. La parole est à vous.

.0935

Mme Jennings: Je suppose que tous les membres du Comité ont en main mon exposé, soit en anglais, soit en français. Je vais en faire la lecture.

Monsieur le président, chers membres du Comité de la justice, c'est un honneur pour moi de me présenter devant vous ce matin. Comme vous le savez, je suis ici pour soutenir le projet de loi C-232, projet de loi d'initiative parlementaire que j'ai parrainé. Comme l'indique son titre, ce projet vise à modifier la Loi sur le divorce.

Avant de commencer, j'aimerais saluer les grands-parents présents parmi nous aujourd'hui. Je ne les ai pas invités, mais ils ont souhaité venir afin de voir le déroulement du processus législatif, de voir un projet de loi d'une importance primordiale pour eux faire un pas de plus sur la route législative.

J'aimerais commencer par souligner l'importance des projets d'initiative parlementaire. Personne ici ne fait partie du Cabinet. Nos projets législatifs individuels ne font pas partie des mesures gouvernementales que nous pouvons parrainer. Nous sommes responsables des projets d'initiative parlementaire. Voilà comment nous pouvons juger des initiatives législatives des autres députés.

D'après ce qu'on m'a dit, les initiatives parlementaires portent fruit durant la présente législature, du moins si on la compare aux précédentes.

Je pense qu'il faut féliciter le gouvernement d'avoir libéralisé le vote pendant l'heure des initiatives parlementaires. Cela a beaucoup favorisé l'acceptation des projets d'initiative parlementaire et, dans certains cas, leur adoption.

J'aimerais maintenant examiner le projet de loi C-232, qui vous est soumis aujourd'hui.

Ce projet de loi a vu le jour lors de la législature précédente. Il était alors parrainé par Stan Wilbee. Malheureusement, il n'est jamais passé en deuxième lecture. Il existe un autre projet de loi similaire au C-232. Il a été présenté par ma grande amie Beryl Gaffney, députée libérale de Nepean. Voilà qui illustre bien le vaste soutien politique dont bénéficie ce projet de loi aujourd'hui, et dont il a bénéficié par le passé.

Vous remarquerez que le projet de loi C-232 diffère de celui de Mme Gaffney sur un point essentiel. Il comprend en effet une disposition d'examen automatique. Je crois qu'une telle disposition est requise pour permettre de modifier la loi en un délai précis, si jamais des modifications ou des améliorations étaient jugées nécessaires.

De façon précise, le projet de loi traite d'une question touchant les grands-parents et les petits-enfants canadiens lorsque les parents de ces derniers divorcent. Actuellement, si les parents divorcent, les grands-parents ne peuvent automatiquement comparaître s'ils ne le demandent pas dans le cadre de l'audience de divorce elle-même. Ce projet de loi accorderait automatiquement aux grands-parents la possibilité de comparaître et d'être entendus dans les affaires de divorce. Cela permettrait de répondre aux besoins de toute la famille au même moment, en particulier en ce qui a trait au droit de visite.

Ce projet de loi permettrait au juge présidant à l'audience d'aborder la question de la visite des grands-parents à leurs petits-enfants et des petits-enfants à leurs grands-parents.

Depuis que je m'occupe de cette affaire, j'ai été témoin de nombre de situations où le conjoint ayant la garde de l'enfant refuse le droit de visite aux grands-parents. Bien entendu, cela arrive régulièrement dans le cas des parents du conjoint n'ayant pas la garde de l'enfant.

Comme certains d'entre vous le savent, les groupes défendant les droits des grands-parents ont régulièrement soulevé cette question au nom des petits-enfants et des grands-parents. J'ai présenté plusieurs pétitions à la Chambre des communes sur cette question, et mon amie la députée d'Ottawa-Ouest, qui est particulièrement touchée par cette question, a également soumis de nombreuses pétitions.

Ainsi, ce projet de loi accorderait automatiquement aux grands-parents le droit de comparaître et d'être entendus au moment du divorce des parents de leurs petits-enfants.

Il n'accorderait pas automatiquement le droit de visite. Le droit de visite serait accordé en fonction du fond du litige, comme c'est le cas actuellement. Cependant, ce projet de loi permettrait aux grands-parents de se prononcer sur cette question au moment du règlement de tous les autres aspects du divorce.

Je ne crois pas que cela augmentera le nombre de litiges dans le domaine du droit de la famille. Je crois plutôt que c'est exactement le contraire qui se produira, car toutes les questions seront examinées en même temps.

Les droits primordiaux ici sont ceux des enfants ou des petits-enfants, selon les circonstances. Ce projet de loi reconnaît ces droits.

Les personnes qui se sont prononcées à la Chambre des communes ont vivement défendu la préservation du lien entre les grands-parents et les petits-enfants. Quand nous parlons des petits-enfants, nous voyons habituellement une scène familiale touchante, tous les membres de la famille étant réunis. Cela peut être pendant les fêtes, par exemple à l'Action de grâce ou à Noël, occasions auxquelles assistent toujours les grands-parents, ou à la Fête des mères ou des pères, alors que les grands-parents sont célébrés, recevant des cadeaux de leurs enfants et petits-enfants.

.0940

Malheureusement, je dois rappeler à tous les Canadiens que cette touchante scène familiale ne se produit pas toujours. En fait, nombre des personnes de l'âge d'or n'assistent plus à de telles célébrations, qu'il s'agisse de Noël, de l'Action de grâce ou d'une autre fête, car l'une des parties essentielles de la famille manque. Nombre de petits-enfants ne voient plus leurs grands-parents.

Voilà pourquoi ce projet de loi est nécessaire, pour changer notre structure sociale.

Le mouvement en faveur d'une telle loi, qui permettrait aux grands-parents de comparaître et d'être entendus, a pris naissance en 1986 en Colombie-Britannique, avec le fondation de la «Canadian Grandparents' Rights Association», la GRAM, ou l'Association canadienne pour les droits des grands-parents. Des ramifications se sont ensuite développées partout au pays.

J'aimerais rappeler aux membres du Comité que Nancy Wooldridge est avec nous aujourd'hui. C'est elle qui, à titre de présidente fondatrice, a mis sur pied en Colombie-Britannique, en 1986, l'Association canadienne pour les droits des grands-parents.

En Ontario, un groupe de grands-parents porte le nom de «Grandparents Requisition Access and Dignity», ou GRAND. Un autre groupe de soutien ontarien s'appelle le «Grandchildren/Grandparents' Rights of Wholeness through Heritage», ou GROWTH. Ce dernier groupe a été formé par des grands-parents inquiets de l'incapacité des lois provinciales et fédérales de régir adéquatement la question du droit de visite des petits-enfants à leurs grands-parents.

Tous ces groupes, ainsi que d'autres groupes dont je n'ai pas encore parlé, tentent de faire valoir les droits des petits-enfants.

L'article 5 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1989 par l'Assemblée générale des Nations Unies, oblige les États membres à respecter les responsabilités, les droits et les devoirs non seulement des parents, mais des membres de la famille élargie.

En vertu de l'article 16 de ladite convention, aucun enfant ne doit être victime d'entraves familiales arbitraires ou illégales. Le fait d'empêcher un enfant de voir ses grands-parents sans motif valable représente une entrave familiale illégale. Nous devons examiner pourquoi il est important de préserver le lien entre les petits-enfants et leurs grands-parents après le divorce des parents.

Ne serait-il pas plus juste et plus gentil de mettre fin aux visites? Ainsi les souvenirs que garderaient les enfants de parents divorcés de l'époque où papa et maman étaient ensemble s'estomperaient avec le temps. Heureusement, ce n'est pas l'avis des spécialistes de psychologie familiale.

Selon Anton Klarich, psychologue en chef des Écoles séparées de langue française du comté d'Essex:

Lorsqu'il a prononcé ces paroles, Anton Klarich faisait allusion à un rapport publié en août 1993 par le gouvernement ontarien, selon lequel des enfants aussi jeunes que 10 ans sont écrasés par le sentiment d'impuissance que ressentent les membres de leur famille éprouvant des problèmes personnels et financiers. Les enfants absorbent les sentiments d'insécurité et de peur. SelonM. Klarich:

Récemment, j'ai eu l'honneur d'écouter la juge Andrée Ruffo préciser que les enfants ont besoin de savoir qu'ils sont aimés et désirés, et doivent être encouragés à rêver. Les grands-parents ont le temps de discuter des rêves avec leurs petits-enfants et d'encourager ces derniers.

Je ne veux pas dire que tous les grands-parents devraient avoir le droit de visiter leurs petits-enfants. Je sais qu'il existe certains problèmes. Voilà pourquoi je pense que les tribunaux devraient prendre des décisions dans les meilleurs intérêts des enfants. Nous ne devons pas punir95 p. 100 des grands-parents parce que 5 p. 100 posent un problème.

Le président: Un moment, je vous prie, madame Jennings. Je vois une caméra dans la salle alors que leur présence est interdite pendant la séance.

[Français]

Mme Venne: Monsieur le président, je croyais avoir entendu dire dernièrement qu'une nouvelle directive veut que les caméras puissent être dans les salles de comité pendant que nous siégeons.

[Traduction]

Le président: Pas pour autant que je sache, mais je vais demander au greffier de vérifier.

[Français]

Le greffier: Je vais vérifier, mais je ne le crois pas.

Mme Venne: Je vais vérifier de mon côté parce que c'est ce qu'on m'avait dit. Merci.

[Traduction]

Le président: Poursuivez, je vous en prie, madame Jennings.

Mme Jennings: Pour en revenir au détail du projet de loi, je tiens à préciser que je ne crois pas qu'il empiète sur des questions de compétence provinciale. Il a été rédigé par des conseillers juridiques de la Chambre des communes et respecte fondamentalement la formulation des projets de loi similaires, soumis à des Parlements similaires.

.0945

Heureusement, l'article 611 du nouveau Code civil québécois est lié à la question de la visite des grands-parents et des petits-enfants. Il précise en effet que le père ou la mère ne peut en aucune façon, sans une bonne raison, entraver les relations entre l'enfant et ses grands-parents. S'il y a mésentente entre les parties, les conditions de ces relations sont soumises à la justice. Ainsi, au Québec, grâce au Code civil, les grands-parents ont droit de comparaître et d'être entendus en cour. Voilà pourquoi ce projet de loi compléterait le Code civil ou ne serait tout simplement pas applicable au Québec, puisque la question y est déjà converti par la loi.

Je sais que des questions légitimes ont été posées quant à la disposition du projet de loi donnant aux grands-parents le droit d'obtenir certains renseignements sur leurs petits-enfants. Cela peut aller à l'encontre du droit au respect de la vie privée. En fait, la députée de Nepean et moi-même avons discuté de la question et conclu que le Comité pourrait vouloir supprimer cette disposition.

Lors de mes tentatives d'amener le projet de loi à cette étape, j'ai discuté avec le ministre de la Justice, qui m'a dit que nombre des aspects de la Loi sur le divorce faisaient l'objet d'un examen. J'en suis ravie, mais tout cela prendra beaucoup de temps, et les grands-parents n'en ont pas beaucoup.

J'exhorte le Comité à examiner ce projet de loi de façon efficace et efficiente. Si vous voulez entendre le point de vue des groupes de grands-parents, je vous signale de bon nombre d'entre eux ont demandé à comparaître devant le Comité et attendent encore une réponse. Je vous recommande de les recevoir.

Je vous remercie de m'avoir écoutée. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président: Merci, madame Jennings.

Nous passons maintenant aux questions. Nous commençons avec le Bloc québécois. Madame Venne.

[Français]

Mme Venne: Madame Jennings, vous dites que le Comité pourrait vouloir supprimer les dispositions relatives aux renseignements sur les petits-enfants. Comme vous devez le savoir, au Québec, en matière de protection des renseignements médicaux et scolaires et également en matière de renseignements personnels, nous avons des lois et un Code civil qui s'appliquent. Donc, il nous est totalement interdit de donner ces renseignements-là à des personnes autres qu'aux parents et aux personnes mentionnées dans les lois respectives.

Êtes-vous prête non seulement à dire que le Comité pourrait vouloir supprimer le paragraphe 1(2) de votre projet de loi, mais aussi à proposer vous-même que nous supprimions ce paragraphe 1(2)?

[Traduction]

Mme Jennings: Oui, madame Venne. J'en ai fait mention dans mon exposé. Le paragraphe 1(2) dit ceci:

Oui, nous en avons discuté et si cela pose un problème, j'accepterai volontiers la décision du Comité.

[Français]

Mme Venne: Dans votre projet de loi, vous ne donnez aucune définition de «grands-parents». La notion de «grands-parents» peut donc comprendre les grands-parents biologiques et les grands-parents de droit. Également, on connaît les situations qui surviennent, c'est-à-dire des gens qui divorcent, qui se remarient chacun de leur côté et qui ont chacun des enfants. On se retrouve donc avec plusieurs grands-parents puisqu'il n'y a pas de définition dans le projet de loi.

On sait qu'en 1991, au Québec, 41 p. 100 des enfants québécois sont nés hors mariage. Est-ce que ça comprend également les grands-parents de ces enfants-là? Ces enfants nés hors mariage ont quand même des grands-parents.

Je pense qu'il y a une lacune dans votre projet de loi du fait qu'il n'y a pas de définition de «grands-parents». Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

Mme Jennings: Le projet de loi a été essentiellement conçu pour les grands-parents au moment du divorce, de sorte qu'il s'applique automatiquement aux parents des parents qui divorcent, et les grands-parents des enfants du couple qui divorce. Je présume que, au moment du divorce, il s'agit des grands-parents biologiques.

.0950

Il y a un problème plus tard, évidemment, si les grands-parents changent; par exemple, si un enfant est adopté par une tierce personne, qui devient le nouveau parent. C'est autre chose. Mais au moment du divorce, je crois que la distinction est claire. Il s'agit des parents des parents qui divorcent.

[Français]

Mme Venne: Vous me dites qu'il s'agit des parents des personnes qui divorcent, mais ces gens-là se remarient et ont des enfants. À ce moment-là, combien de grands-parents pourraient éventuellement se présenter devant la cour? C'est ce que je veux vous dire.

Vous me parlez d'un divorce très simple de deux personnes concernées avec un enfant, mais ce n'est pas toujours le cas. C'est pour ça que je dis qu'il y a vraiment une lacune. Je pense qu'il faut l'admettre.

[Traduction]

Mme Jennings: D'abord, je ne considère pas cela comme une lacune. Je parle du divorce, et c'est de cette façon que le projet de loi est interprété; il s'agit automatiquement des parents du couple qui divorce. C'est clair.

Mais si vous parlez de trop d'enfants - supposons que vous partez de l'hypothèse qu'il y aurait beaucoup de grands-parents - d'abord, j'aimerais vous signaler qu'il n'y aura pas beaucoup de grands-parents. Il peut y en avoir quelques-uns de plus.

J'aimerais également souligner ce qui nous préoccupe ici. Les petits-enfants nous préoccupent et pour autant que je sache, aucun enfant n'est mort parce qu'il a reçu trop d'amour. Donc, si la famille et les questions familiales nous préoccupent vraiment, à ce moment-là, si un grand-parent est un grand-parent en vertu de la loi, il aurait le droit de comparaître.

J'ai mentionné que Nancy Wooldridge est parmi nous aujourd'hui. Elle a dû contester le droit dont vous parlez. Lorsque l'ex-femme de son fils s'est remariée, on lui a dit qu'elle n'aurait plus le statut de grand-parent gardien. Elle a dû aller devant les tribunaux pour conserver ce statut, et elle a obtenu gain de cause, car en vertu de la loi, du moins en Colombie-Britannique, si un enfant divorcé se remarie, ce droit est automatiquement accordé à ses parents. Je ne sais pas ce qui se passe dans le reste du Canada.

Donc, encore une fois, nous parlons probablement des grands-parents gardiens, et dans ce cas-ci, il s'agit de ceux qui seraient présents lors du divorce.

[Français]

M. Langlois (Bellechasse): Je vous remercie, madame Jennings, pour vos précisions sur l'article 2 qui porte sur les renseignements. Bien que je ne m'y sois pas opposé en deuxième lecture, je voyais un problème à donner des renseignements à un grand-parent qui n'était pas le grand-parent gardien de l'enfant. À partir du moment où le grand-parent est le gardien, il doit évidemment avoir tous les renseignements.

D'autre part, il faut bien comprendre qu'un grand-parent qui a un droit d'accès à un enfant de trois mois n'aura pas beaucoup de renseignements par l'enfant lui-même, mais que quand l'enfant a atteint à 12, 13 ou 14 ans, il donne lui-même les renseignements. Il va donc se créer deux, trois ou quatre catégories de renseignements. Ce sera l'enfant lui-même qui voudra bel et bien communiquer les renseignements, et une relation de confiance s'établira ou ne s'établira pas avec le grand-parent. Là-dessus, votre approche me rassure.

Pour ce qui est de la définition du grand-parent, le Code civil du Québec m'est beaucoup plus familier. Si on parle des grands-parents au moment du divorce, et je ne vois pas comment on pourrait en parler autrement, il me semble qu'on devrait suivre les règles de l'affiliation. L'affiliation s'établit par les liens du sang ou par les liens d'adoption suivant les lois du Québec. Mes collègues pourront m'éclairer sur le common law au Canada. Il peut bien arriver qu'un grand-parent, au moment du divorce, devienne ultérieurement grand-parent parce que son fils ou sa fille a d'autres enfants, mais cela ne change en rien sa situation quant aux enfants qui sont déjà nés lors du divorce. Je ne vois pas tellement de problèmes de ce côté-là.

Il serait cependant intéressant d'entendre des témoins à ce sujet. Ce que je souhaite finalement, c'est que nous puissions étudier assez rapidement cette question, comme vous le mentionniez tout à l'heure. Je partage votre point de vue: pour les grands-parents, chaque minute compte dans une vie.

Je voudrais aborder la question des situations qui font en sorte que les grands-parents ont perdu le contact.

.0955

L'article 611 du Code civil du Québec, qui, depuis 1981, donne aux grands-parents un accès direct aux cours, n'a pas entraîné un plus grand nombre de litiges devant les tribunaux. Cependant, la plus grande efficacité de l'article 611 du Code civil du Québec a été de permettre aux avocats et aux notaires qui préparent des conventions pour ceux qui divorcent de soulever auprès de ces gens le fait que l'article 611 existe et qu'il vaudrait peut-être mieux prévoir dans la convention sur mesures accessoires des dispositions prévoyant des droits de visite ou d'accès pour les grands-parents, car, sinon, ceux-ci auront toujours un recours.

Je pense que cette mesure a eu un effet préventif pour les grands-parents et n'a pas été source de conflits. Je ne crains pas vraiment que cette loi ait un effet beaucoup plus marqué dans l'ensemble du Canada qu'au Québec, étant donné les dispositions que nous avons déjà prises. Je ne crois pas que cela puisse être une source de conflits et provoquer l'engorgement des tribunaux.

[Traduction]

Le président: Madame Jennings, aviez-vous des commentaires? Votre temps est expiré, mais allez-y.

Mme Jennings: Je dois être d'accord avec M. Langlois. Je ne vois pas cela du tout comme un problème. À mon avis, ça ne va pas entraîner un plus grand nombre de litiges, et j'en suis profondément convaincue.

Ce qui arrive à l'heure actuelle, comme je l'ai dit plus tôt, avant le divorce, tout va très bien entre les parents qui ont la garde de l'enfant et les grands-parents. Ceux-ci ne se doutent pas qu'il y aura un changement. Puis survient le divorce et tout à coup, pour une raison ou pour une autre - on se retrouve avec deux personnes très émotionnelles lorsque des parents divorcent - le parent qui a la garde de l'enfant décide de déménager ou Dieu sait quoi, ou il est plus facile de se passer des parents de l'autre parent, de telle sorte que les grands-parents se retrouvent dans cette situation malgré eux. Ils doivent donc alors retourner devant les tribunaux, prendre un avocat, en aviser le tribunal, fixer une autre date, pour que les parents reviennent devant les tribunaux. Il est évident que le nombre de litiges va augmenter. Ça ne peut pas faire autrement. Si on réglait toutes ces questions en une seule fois...

Je pense que le problème est un problème de communication. Ce n'est pas en se sauvant qu'on va régler le problème. Tout ce qu'on fait, c'est aggraver le problème. Il faut faire face au problème. C'est pourquoi je suis d'accord avec vous. Je ne pense pas que cela va entraîner un plus grand nombre de litiges; on réglera le problème en une seule fois. Seulement si les grands-parents sont intéressés, n'oubliez pas... Il appartient aux grands-parents de décider s'ils veulent être là, mais s'ils sont avisés, ils ont tout au moins le droit de prendre cette décision.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: J'aimerais tout d'abord dire que j'ai l'impression que ce projet de loi met en valeur le principe de la famille élargie et la force qui émerge de cette famille élargie lorsqu'une situation de crise met en danger les besoins physiques, émotionnels ou spirituels d'un membre de la famille, dans ce cas-ci les enfants. À mon avis, il s'agit là d'une extension de ce principe. Je pense que cela contribuerait à renforcer la famille élargie, et je pense que c'est une chose que nous aimerions tous voir.

Je viens de lire une lettre de l'Association du Barreau canadien qui s'oppose à ce projet de loi. Voici ce que dit l'Association dans cette lettre, et je cite le deuxième paragraphe de la première page: «Aux termes du projet de loi C-232, les grands-parents se verraient accorder le même statut que les parents en ce qui concerne la garde des enfants et l'accès à ces derniers.» Êtes-vous d'accord avec cette déclaration?

Mme Jennings: Je ne crois pas qu'on leur accorderait le même statut. Ils auraient la possibilité de comparaître lors du divorce et de demander des droits, mais le tribunal discuterait toujours en premier lieu des droits des parents, comme il le fait à l'heure actuelle.

M. Ramsay: À l'heure actuelle... J'ai des enfants, et naturellement ils ont des grands-parents qui sont toujours vivants. Les grands-parents n'ont accès à nos enfants qu'avec notre consentement. Cette lettre de l'Association du Barreau dit, du moins selon la façon dont je l'interprète, que ce projet de loi changerait cette situation, à savoir que les grands-parents de mes enfants ont accès à leurs petits-enfants seulement si nous donnons notre consentement. Nous ne leur avons jamais refusé la permission de voir nos enfants parce qu'ils se sont toujours montrés des grands-parents aimants et gentils. Mais nous aurions cependant le droit de le faire s'il y avait désaccord entre nous sur la façon d'élever nos enfants.

.1000

Cette lettre laisse entendre que si le projet de loi est adopté... J'appuie évidemment le principe sur lequel repose le projet de loi, mais la critique qu'on peut formuler à son endroit, c'est qu'il conférera aux grands-parents d'enfants dont les parents ont divorcé des pouvoirs plus étendus en ce qui a trait à l'éducation, et peut-être même l'éducation religieuse, de leurs petits-enfants.

Cela vous inquiète-t-il?

Mme Jennings: Je crois que c'est plutôt l'inverse qui m'inquiète.

Premièrement, n'oubliez pas qu'il s'agit simplement de demander aux tribunaux d'accorder des droits de visite au moment du divorce, et la garde des enfants seulement lorsque la famille est dysfonctionnelle.

Les parents conserveront leurs droits. On ne les en privera jamais. La décision du juge devra toujours être fondée sur ce qui est dans le meilleur intérêt de l'enfant. Le projet de loi ne porte pas atteinte aux droits des parents.

À l'heure actuelle, dans notre pays, un très grand nombre de parents s'entendent bien avec leurs petits-enfants ainsi qu'avec leurs propres enfants. Quelque chose peut survenir au moment du divorce. Comme vous l'avez dit, il n'y a vraiment pas de raison pour que les parents empêchent les grands-parents de continuer à voir leurs petits-enfants et aucun problème ne se pose. Au moment du divorce, quelque chose arrive d'ordinaire parce que le parent qui a la garde des enfants craint...

Il faut décider quels intérêts doivent primer. Ceux de l'enfant ou du parent qui en a obtenu la garde? Supposons que celui-ci pour quelque raison décide que les grands-parents ne doivent plus voir leur petit-enfant.

Dans leur sagesse, les Nations Unies savaient qu'on devait protéger les enfants et qu'il fallait accorder aux enfants le droit d'avoir accès à leur famille sauf si des raisons graves s'y opposaient. Voilà la raison d'être du tribunal.

Il ne s'agit donc pas simplement d'une possibilité. Il arrive tous les jours dans ce pays que des parents qui ont obtenu la garde de leurs enfants refusent à des grands-parents le droit de voir leurs petits-enfants. C'est très grave.

Si nous permettons que la situation persiste, ces grands-parents... Il y en a très peu ici aujourd'hui, mais on va les entendre de plus en plus.

La situation dure depuis plusieurs années. Nous, les législateurs, devons à un moment donné prendre des décisions sages qui s'appuient sur la réalité. La réalité, c'est que le taux de divorce augmente sans cesse dans notre société. En fait, la situation est aujourd'hui incontrôlable.

Aujourd'hui, les gens vivent de plus en plus vieux. Cela nous préoccupe, parce que nous nous inquiétons de l'état du RPC. On se demande si le régime existera toujours. Les gens vivent en santé de plus en plus vieux. Ce groupe de citoyens âgés est un réservoir d'amour et de stabilité dont notre pays a aujourd'hui besoin. Allons-nous permettre que la loi empêche les grands-parents de venir en aide à leurs petits-enfants?

Le taux de criminalité augmente dans notre société. Cette mesure constitue donc aussi une mesure de prévention de la criminalité. Les enfants grandissent dans une famille heureuse, et le parent qui a obtenu la garde des enfants lors du divorce et qui est mal à l'aise du fait qu'il doit continuer à voir les parents de son ex-conjoint, ne se rend pas compte sur le coup qu'il aura vraiment besoin de l'aide de ceux-ci. Il s'agit de grands-parents auxquels on peut faire appel au besoin et non de grands-parents qui vont prendre la place des parents.

Oubliez les 5 p. 100 de cas qui font problème et concentrez votre attention sur les 95 p. 100 de cas restant qui revêtent une grande importance. C'est de ces cas-là qu'il s'agit. En tant que législateurs, nous devons agir de façon très responsable, et il s'agit ici d'une question qui me tient beaucoup à coeur.

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M. Ramsay: Ce que cette lettre d'opposition ou cette lettre d'un certain M. Steven Andrew... il est président de la Section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien. D'après cette lettre, les grands-parents d'un enfant de parents divorcés obtiendront des droits que n'ont pas les grands-parents d'enfants dont les parents ne sont pas divorcés.

La question qui me vient à l'esprit et sur laquelle je voudrais que vous vous concentriez pendant un instant est la suivante: Si, pour une raison quelconque, ma femme et moi décidions que les grands-parents ne devraient plus avoir accès à nos enfants, le législateur devrait-il les autoriser à recourir aux tribunaux et recevoir une permission contraire à la décision que nous avons prise en tant que parents? Je pense que c'est l'une des conséquences du projet de loi. Si ma question est claire, voulez-vous y répondre?

Mme Jennings: Tout d'abord, monsieur Ramsay, la disposition dont vous parlez est celle que Mme Venne a déjà évoquée, et comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, il s'agit de l'article 1, du paragraphe 16(5) du projet de loi. Nous proposons qu'il soit supprimé. Ainsi donc, les grands-parents qui obtiennent l'accès n'auraient pas droit à des informations privées. Telle est notre préoccupation.

Mais j'aimerais ajouter quelque chose. En fait, ils n'auraient pas plus de droits que moi. Je suis grand-mère de cet enfant. N'importe quel jour de la semaine ou à n'importe quelle heure de la nuit, je peux appeler mes brus ou mes fils pour m'enquérir de la santé, du bien-être et de l'éducation de mes petits-enfants. J'ai toujours joui de ce droit. C'est peut-être le cas de chacun de vous, à moins que vous ne viviez ce genre de situation.

Par conséquent, je ne pense pas que cela poserait de problème. Mais nous sommes plus que disposés à supprimer le paragraphe proposé.

M. Ramsay: Très bien.

Mme Jennings: Monsieur le président, je voudrais ajouter quelque chose. J'ai appris - et je pense que c'est en 1986 que l'on a modifié cette disposition, probablement en Colombie-Britannique - qu'une tierce partie peut demander le droit de visite, l'accès ou la garde d'enfants en Colombie-Britannique. Je ne sais pas ce qu'il en est dans d'autres provinces.

Le président: Madame Phinney?

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Dans sa dernière intervention, le témoin a déclaré qu'elle serait plus que ravie de supprimer le paragraphe proposé. Pourrait-elle nous dire quel est ce paragraphe?

Mme Jennings: Ah, excusez-moi.

Le président: Madame Phinney, ne pourriez-vous pas attendre votre tour pour poser la question?

Mme Phinney: Je veux simplement un éclaircissement. Nous allons soit supprimer quelque chose qui doit être...

Mme Jennings: Nous en avons déjà parlé. Cela figure dans le document que je vous ai remis, et Mme Venne... Nous parlions justement de la disposition concernant la fourniture de renseignements sur la santé, l'éducation et le bien-être de l'enfant. Mme Beryl Gaffney s'y intéresse également.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Madame Jennings, dans votre mémoire, vous avez dit que cela n'entraînera pas d'augmentation des litiges dans le domaine du droit de la famille. Ceux d'entre nous qui viennent de l'Ontario connaissent les grandes pressions exercées sur le système d'aide juridique. Je me demande s'il s'agit d'une opinion ou si vous avez consulté des gens pour vérifier votre déclaration.

Mme Jennings: J'ai consulté des avocats de toutes les régions du pays: Mme Barbara Baird du Nouveau-Brunswick, qui est spécialiste du droit de la famille et qui travaille dans ce dossier avec nous; M. Culhane, qui est avocat et qui a beaucoup travaillé dans ce domaine en Colombie-Britannique. Il a connu beaucoup de succès dans la défense des droits des grands-parents. Au fond, tous disent la même chose.

En toute logique - je ne suis pas avocate - si toutes les questions sont réglées au moment du divorce, comment cela peut-il accroître les litiges? Les litiges coûtent cher aux contribuables. S'ils surviennent à un autre moment, ils sont forcément coûteux. Le recours aux tribunaux coûte cher. Comment cela pourrait-il augmenter le nombre de litiges? Il y aurait beaucoup plus de choses à préparer; si le litige intervenait ultérieurement, cela nécessiterait plus de documents qu'au moment du divorce.

M. Gallaway: Disposez-vous donc de données empiriques indiquant le pourcentage de cas de divorces dans lesquels cette loi entraînerait d'autres types d'intervenants?

Mme Jennings: Non, nous n'avons absolument pas de chiffres là-dessus. Nous savons que ce système existe aux États-Unis depuis un certain temps, et qu'il fonctionne très bien. Mais je ne peux en dire plus.

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M. Gallaway: Avez-vous des chiffres américains sur le pourcentage de participants?

Mme Jennings: Non.

M. Gallaway: Pensez-vous donc que, dans une procédure de divorce où les grands-parents interviennent, si je puis m'exprimer ainsi, cela compliquera ou augmentera en quelque sorte la tension au moment du divorce? Souvent, le divorce est un moment de folie relative entre les parties concernées. À votre avis, cela compliquerait-il d'une façon ou d'une autre le résultat final ou la relation ultime entre les parties? Je vous pose cette question parce que maintenant, nous pensons à ajouter quatre intervenants supplémentaires dans une procédure de divorce.

Mme Jennings: Vous devez vous rappeler ce que j'ai dit au début de mon intervention, c'est-à-dire ce que les grands-parents ont constaté dans toutes les régions du pays. En effet, les relations sont assez bonnes et les grands-parents occupent la place et le rôle qui leur sont dus dans la famille, mais après le divorce - non pas pendant ou avant le divorce, mais quelques semaines ou quelques mois après - le parent qui obtient la garde décide de couper les relations. Par conséquent, si les grands-parents le veulent, ils peuvent recourir aux tribunaux, mais bon nombre d'entre eux n'en ont pas les moyens.

Cela nous ramène au moment du divorce, quand les grands-parents entretiennent encore souvent une bonne relation avec le parent qui obtient la garde, une relation de confiance. À ce moment-là, il y a quelqu'un dans la salle - en l'occurrence un juge - qui dirige la procédure.

Je ne vois pas comment cela augmenterait... Tout le monde veut défendre les intérêts de l'enfant, et les grands-parents veulent simplement demander la permission de continuer à visiter les enfants. Je ne vois pas en quoi cela représente un conflit, à moins qu'il y ait d'autres problèmes, ce qui n'intervient, une fois de plus, que dans 5 p. 100 des cas.

M. Gallaway: Je dois avouer que nous n'avons reçu votre projet de loi que ce matin.

Mme Jennings: J'en suis désolée.

M. Gallaway: Votre projet de loi donnerait-il donc aux grands-parents, si le juge l'approuve, le droit de demander également la garde des enfants? Ce droit serait-il limité à l'accès?

Mme Jennings: Je crois qu'ils pourraient également demander le droit de garde s'il s'agit d'une famille dysfonctionnelle. Évidemment, on ne demande pas la garde si la famille est correcte.

M. Gallaway: Le tribunal a-t-il le droit de déterminer, au moment du divorce, si la famille est dysfonctionnelle? J'ignore ce que c'est qu'une famille dysfonctionnelle.

Mme Jennings: Actuellement, en Colombie-Britannique, nous avons beaucoup de cas de grands-parents qui demandent la garde quand un des parents abuse de la drogue ou de l'alcool - une famille dysfonctionnelle. Cela arrive. Cela n'a rien à voir avec ce projet de loi, mais c'est une situation que nous vivons actuellement, et les grands-parents demandent la garde des enfants. Mais tel n'est pas l'objet du projet de loi, qui porte sur les droits de visite.

M. Gallaway: Ma préoccupation est la suivante: Si nous voulons parler des droits des parents par opposition à ceux des grands-parents - et je comprends très bien l'objectif de ce projet de loi - en ajoutant peut-être quatre intervenants supplémentaires à la table quand il s'agit de discuter de la garde et de l'accès... Vous avez utilisé le mot «dysfonctionnel». Il peut arriver un cas où les grands-parents, en raison de leur âge, sont dans une meilleure situation financière et, parce qu'ils ne sont pas en train de divorcer, dans un meilleur état d'esprit au moment du divorce. Un grand-parent qui réussit à obtenir l'accès pourrait essayer de pousser plus loin en demandant la garde; dans ce cas, sur les mérites du dossier à un moment donné...

Si nous parlons de familles dysfonctionnelles, les personnes qui divorcent sont souvent dysfonctionnelles au moment du divorce, parce qu'elles subissent des pressions énormes.

Généralement, les personnes plus âgées ont accumulé plus d'argent et de biens. Par conséquent, si l'on pense à la personne la mieux placée financièrement et mentalement pour s'occuper de l'enfant à un moment donné, une bataille rangée est-elle possible entre les grands-parents comme entre les parents? Je pose cette question parce que, aussi étonnant que cela puisse paraître, les grands-parents tendent généralement à prendre parti dans les cas de divorce.

Mme Jennings: Tout d'abord, en ce qui concerne la définition du mot «dysfonctionnel», je ne pense pas qu'un couple qui divorce soit considéré comme une famille dysfonctionnelle. Normalement, une personne dysfonctionnelle est une personne qui fonctionne mal à cause d'une toxicomanie ou de quelque chose de ce genre. Si vous voulez discuter du terme «dysfonctionnel», libre à vous, mais telle n'est pas notre intention ici.

Une fois de plus, j'attire votre attention sur le fait que ce projet de loi donne aux grands-parents le droit de recourir aux tribunaux uniquement pour demander des droits de visite et/ou de garde, ce qu'ils peuvent faire maintenant. Mais, actuellement, tout le monde doit revenir plus tard devant le tribunal, à grands frais, pour les contribuables et les grands-parents eux-mêmes. Le recours existe. Le projet de loi ne change rien à cet égard. Ce qu'il fait c'est éviter des dépenses, éviter un stress supplémentaire en permettant à tout le monde de se faire entendre au moment du divorce.

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Non, je ne suis pas prête à dire que quatre grands-parents, s'ils sont quatre au tribunal, ne peuvent pas discuter raisonnablement avec deux parents et un juge. Je ne suis pas prête à dire que cette question doit nécessairement compliquer les choses. C'est le pire scénario qui pourrait se produire.

Si l'affaire venait devant le tribunal de toute façon, si votre hypothèse était juste, qui y gagnerait? L'affaire serait réentendue plus tard. Pourquoi ne pas discuter de cette question à la première occasion de façon à éviter des dépenses supplémentaires aux contribuables et à tous les intéressés?

M. Gallaway: En vertu du projet de loi, les grands-parents auraient-ils le droit de demander après coup - ce droit ne serait pas automatique, si je comprends bien - des modifications à une ordonnance, un jugement de divorce, comme les parties peuvent le faire actuellement?

Mme Jennings: Ce projet de loi accorde qualité pour intervenir seulement au moment du divorce. Pour l'instant, il se limite à cela. Actuellement, les grands-parents doivent présenter une requête après coup. Ils le font après coup.

M. Gallaway: Vraiment? C'est intéressant.

Mme Jennings: Telle est la loi actuellement et tel est leur recours. Ils doivent cependant faire appel à un avocat, se présenter devant un tribunal, présenter une requête, faire revenir les parents.

M. Gallaway: S'ils avaient le droit d'intervenir au moment du divorce, ils auraient également le droit d'intervenir plus tard.

Mme Jennings: Ils ont déjà ce droit. Il doit seulement y avoir notification.

M. Gallaway: Je voudrais quand même revenir sur ce que vous disiez, au fait que cette mesure ne multiplierait pas les litiges. Selon moi, plus il y a de requérants, de pétitionnaires, de défendeurs dans une cause, plus il y a de possibilités de litige. Il est normal de penser que le grand nombre de plaignants ou de défendeurs, le droit d'appel et le droit de demander des modifications dans ce genre d'action finiront par engorger le système.

Mme Jennings: Je reviens à ce que M. Langlois disait tout à l'heure. Le même genre de mesure n'a pas accru le nombre de litiges au Québec. La raison en est peut-être qu'une fois que les gens savent qu'ils ne peuvent interdire aux grands-parents de visiter les enfants ils se montrent plus raisonnable. Je ne sais pas. Je ne peux pas l'expliquer, mais telle est la situation.

Je continue de penser que même s'il y a quatre personnes - elles pourraient être quatre - au tribunal, qui ont qualité pour intervenir, qui ont été avisées, tout ce qu'elles ont à faire, c'est présenter une requête... Il y a des documents; c'est un litige.

Si elles décident d'agir plus tard, elles doivent quand même toutes revenir devant le tribunal, les salles nécessaires doivent être trouvées, il doit y avoir un juge, il doit y avoir des avocats une fois de plus. C'est une continuation du litige, parce que les procédures doivent être reprises. Nous ne faisons ici qu'ajouter quelque chose à une petite partie des procédures.

[Français]

M. Langlois: J'écoutais les remarques de M. Gallaway. Je ne veux pas généraliser à partir de ma pratique personnelle, mais en matière de divorce, à l'heure actuelle, les cas de conflits ou de multiplication des procédures ne viennent pas tellement du nombre des parties, qui sont généralement deux, mais du fait que les grands-parents décident de se mêler d'une cause de divorce, particulièrement en finançant l'une des deux parties.

On se retrouve alors en appel d'un jugement provisoire, en appel du jugement au mérite, et la multiplication des procédures est déjà en place. Or, s'il y a des grands-parents qui désirent véritablement mettre de l'essence sur le feu ou je ne sais trop quoi...

Mme Venne: Semer la zizanie.

M. Langlois: ...ou qui veulent semer la zizanie, tous les moyens sont là: il suffit de payer les procureurs en conséquence et la plupart de ces derniers se feront un devoir de faire respecter les droits des parties s'ils sont légitimement payés pour leur action.

D'un autre côté, si on ramasse tout ce monde-là au moment où le conflit existe, il sera probablement réglé plus rapidement.

.1020

Comme vous le soulevez, il y a la possibilité que les grands-parents puissent être représentés par procureur, comme les lois de ce pays le reconnaissent déjà. La Loi sur le divorce permet déjà de désigner un procureur pour l'enfant. Alors, pourquoi ne pas régler cela en même temps?

On peut le faire à une seule occasion, à une seule audience. Le juge n'y passera pas trois jours. En pratique - cela fait 22 ans que je suis dans le domaine - , les juges n'y passent pas tellement de temps, à moins qu'il y ait des expertises et contre-expertises, mais on ne peut éviter cela. C'est peut-être le 5 p. 100 dont parlait Mme Jennings. Quand on veut étirer une cause de divorce, on peut l'étirer au maximum. Cependant, dans la grande majorité des cas, il est possible de la régler le plus rapidement possible.

Je vois encore cela comme une mesure préventive. Si cela doit être plaidé, il est bien sûr que, comme dans toute autre cause à l'heure actuelle, cela prendra du temps, de l'argent et de l'énergie, mais je trouve qu'on a là un excellent moyen de faire de la prévention.

[Traduction]

Le président: Avez-vous des commentaires, madame Jennings?

Mme Jennings: Je suis d'accord en grande partie avec M. Langlois. Le processus existe déjà. Si l'on veut compliquer les choses, on peut le faire autant qu'on le veut.

Pourquoi suis-je ici aujourd'hui? Je suis ici parce que je veux faire adopter cette mesure législative, avec votre aide, afin d'aider les grands-parents et les petits-enfants de notre pays qui n'ont pas le droit actuellement de se voir, pour diverses raisons. L'une des principales raisons est probablement le fait qu'au moment du divorce, ils ne savent pas qu'il peut y avoir un problème. Le problème surgit après le divorce. Dans ce cas, que se passe-t-il dans notre pays aujourd'hui? Beaucoup de grands-parents n'ont pas les ressources nécessaires pour remédier à la situation. Ils passent donc le reste de leur vie sans voir leurs petits-enfants.

Les petits-enfants nous préoccupent-ils ou non? La direction que prend notre pays nous préoccupe-t-elle ou non? Nous avons une occasion d'agir. C'est à nous qu'il incombe d'être responsables et de prendre l'initiative.

Le problème ne disparaîtra pas. Des grands-parents seront très bouleversés si, après toutes ces années... et ils sont parvenus jusqu'ici grâce au consentement unanime des membres de la Chambre des communes qui étaient présents le jour du vote. S'ils découvrent encore une fois qu'on ne les traitera pas équitablement, ils continueront de revenir sans relâche. Vous n'avez pas fini d'en entendre parler. C'est une chose dont nous devrions tous être conscients.

Je tiens à vous remercier tous beaucoup de votre patience et de votre temps.

M. Ramsay: On a déjà abordé les préoccupations que j'ai au sujet de ce projet de loi. Je tiens cependant à signaler que je n'ai jamais vu une grand-mère ou un grand-père qui n'aimait pas ses petits-enfants, qui ne s'en occupait pas et qui ne ferait pas tout en son pouvoir, avec les ressources à sa disposition, pour faire en sorte que son fils ou sa fille ait les moyens d'aider son petit-fils ou sa petite-fille à se développer pour devenir un adulte solide, honnête et respectueux de la loi.

Je pense que le projet de loi est un pas dans la bonne direction et je l'appuierai si le Comité le fait avancer plus loin.

Le président: Avez-vous d'autres commentaires?

Mme Jennings: Je tiens seulement à remercier M. Ramsay pour ses remarques.

Mme Phinney: J'ai quelques préoccupations. Je répète que je ne suis pas avocate et vous n'êtes pas avocate non plus, mais voyons ce que nous pouvons faire.

Je voudrais bien penser que tous les grands-parents aiment leurs enfants, ainsi que leurs petits-enfants, et ne veulent que leur bien. Mais il y a des cas où ce n'est pas vrai. J'ai des amis qui sont grands-parents et ils disent que si jamais ils mettent la main sur les enfants, ils vont... Et le grand-père a toujours une arme avec lui dans l'espoir de mettre la main sur l'enfant.

Je me demande s'il y a une seule affaire de divorce où un tribunal a décidé du droit de visite des grands-parents. Si dans un an on dit au père, par exemple, qu'il ne peut pas obtenir de droit de visite sans supervision, parce qu'on craint... qu'il ne maltraite l'enfant ou qu'il l'enlève, dans quelle position se trouvent les parents de ce père? Présumerait-on que les parents ne seraient pas du côté du père et, par conséquent, on ne les ramènerait pas au tribunal pour leur demander s'ils aideraient leur fils à enlever l'enfant?

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Je me demande seulement si le fait de mettre ces deux éléments ensemble signifie automatiquement que les tribunaux devraient... Si le père doit aller devant les tribunaux, où cette décision est prise, les grands-parents - les parents du père - devraient-ils également se présenter au tribunal en même temps que lui, pour qu'on leur demande s'ils sont disposés à aider leur fils, au cas où il accomplirait un acte illégal? Je me demandais seulement où était le lien.

On ne peut pas présumer qu'un grand-parent respectera continuellement la loi et sera toujours honnête. Si nous pensons à la sécurité des enfants, il y a des cas où les grands-parents pourraient être du côté de leur enfant plutôt que de prendre à coeur l'intérêt de leur petit-enfant.

Mme Jennings: Je ne peux vraiment pas faire de commentaire à ce sujet. Je ne connais aucun cas semblable. Je sais cependant que lorsque le père n'a pas le droit de voir ses enfants, pour quelque raison que ce soit, ses parents souffrent également, parce qu'ils n'ont pas non plus le droit de voir les enfants. Je sais pertinemment qu'ils sont punis à cause de cette décision. C'est parfois le parent qui obtient la garde qui prend cette décision.

Mme Phinney: Mais vous présumez que le grand-parent n'a toujours à coeur que les intérêts de leur petit-enfant et pas l'intérêt de leur propre enfant. Je suis persuadée que plusieurs grands-parents ont à coeur l'intérêt de leur propre enfant, estimant qu'il a en réalité le droit de voir cet enfant; ils n'aiment plus leur bru... Ils peuvent prendre parti. Vous supposez que les gens - j'aimerais bien le supposer aussi sont tout à fait honnêtes et se préoccupent uniquement des intérêts de leurs petits-enfants, mais...

Mme Jennings: Je ne suppose rien. Premièrement, je dois répéter ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous ne devons pas punir 95 p. 100 des grands-parents parce que 5 p. 100 posent un problème. Quelles que soient les décisions prises, c'est au juge à les prendre dans son tribunal. Il peut parfois commettre une erreur, c'est en effet possible, mais la décision appartient tout de même au juge, qui doit connaître les faits que vous venez d'exposer, en prenant sa décision. Un juge dispose certainement de ces renseignements, quelqu'un doit sûrement les lui fournir.

C'est ce qui se passe actuellement dans notre pays. Des décisions de cette nature sont prises. Nous disons que c'est malheureux que, présentement, parce que le père n'obtient pas la garde de ses enfants et peut-être même pas de droit de visite, on suppose que les grands-parents ne veulent plus voir leurs petits-enfants. On les punit. Ainsi, ces enfants ne peuvent plus voir leur père, ce qui est peut-être justifié d'après le juge, mais ils ne peuvent également plus voir leurs grands-parents, qui n'appuient pas nécessairement leur enfant, parce qu'ils ne sont peut-être pas conscients qu'il y a un problème.

Mme Phinney: Je n'ai pas eu de réponse à ma question, mais peu importe.

Avez-vous une copie de la lettre de l'Association du Barreau canadien?

Mme Jennings: Oui, j'en ai une.

Mme Phinney: Je veux seulement une précision. Je sais que ce n'est pas vous qui l'avez écrite, mais je voudrais une précision. On y dit: «La plupart des lois provinciales ou territoriales permettent à des tiers d'obtenir une ordonnance attributive de droits de visite...» Savez-vous quelles sont ces provinces et lesquelles ne sont pas incluses? Le savez-vous?

Mme Jennings: Non, je n'ai rien fait du tout en ce qui concerne les provinces, premièrement parce que je ne suis pas avocate, et essayer d'expliquer un litige dont je ne suis pas au courant... Mais j'ai parlé avec le légiste de la question de l'empiètement sur la compétence des provinces, et l'on m'assure que le gouvernement fédéral a la compétence voulue pour adopter la loi dont il est question ici aujourd'hui.

Mme Phinney: Si l'on disait «toutes les provinces», aurions-nous besoin de ce projet de loi?

Mme Jennings: Oui, je suis tout à fait d'accord, car les provinces ont actuellement des lois différentes. Nous avons besoin d'une formule générale qu'elles pourraient adopter et administrer.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Cela semble être certainement une situation difficile. L'idéal serait que nous ayons un outil permettant à tous les grands-parents qui sont vraiment bons, évidemment, d'avoir accès aux enfants et que tous les parents assurent un tel accès. Mais la façon dont on envisage de modifier la situation est également inquiétante à certains égards.

Je sais que certains membres de votre parti estiment que la Charte des droits, par exemple, a créé une foule de nouveaux droits et a donc fait augmenter considérablement le nombre de litiges, parce que lorsqu'on rédige un texte de cette nature, on ne peut évidemment jamais prévoir toutes les façons dont les tribunaux vont interpréter les dispositions en question. C'est toujours un grand défi, me semble-t-il, de créer de nouvelles institutions légales ou de nouveaux mécanismes légaux.

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Selon vous, cette mesure n'augmenterait pas le nombre de litiges. L'expérience m'amène à dire, cependant, que plus il y a d'avocats représentant des parties différentes à une audience, qu'il s'agisse de commissions royales où fourmillent les avocats d'une foule de parties ou d'une audience plus réduite, plus la cause est compliquée et plus elle est longue. Il n'y aurait peut-être pas plus de causes comme telles, mais elles seraient plus longues et plus complexes.

Mon deuxième point a trait au paragraphe qu'a lu mon collègue il y a quelques minutes. Je vous cite le reste. Il s'agit du deuxième paragraphe à la page 2 de la lettre de la Section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien.

Au début, je me suis dit que si des gens avaient intérêt à ce que cette mesure soit adoptée, c'était bien les avocats spécialisés en droit de la famille, parce qu'ils risquaient d'avoir plus de travail s'il y avait plus de parties aux causes. J'ai été surpris de voir qu'ils s'y opposaient. C'est digne de mention.

Voici ce qu'ils ont à dire:

Je sais que, selon vous nous ne devons pas nous arrêter seulement aux 5 p. 100 qui constituent le problème, mais nous ne pouvons pas les ignorer non plus. Nous devons en tenir compte et nous devons essayer de voir si le système actuel, qui, selon la lettre, offre ce genre de garantie, répond à nos besoins, si nous devons essayer de trouver un moyen terme ou si nous devons aller aussi loin que vous le proposez.

En ce qui me concerne, la question se résume ainsi. Actuellement - reprenez-moi si je me trompe - les parents qui ne sont pas divorcés peuvent interdire aux grands-parents l'accès aux enfants. Les parents divorcés qui auraient la garde des enfants ne pourraient pas faire la même chose. Pourquoi serait-il dans le meilleur intérêt des enfants d'interdire la visite des grands-parents dans le cas des parents non divorcés et non pas dans le cas des parents divorcés? Pourquoi l'intérêt des enfants varie-t-il?

Mme Jennings: Je ne suis pas sûre de vous suivre.

M. Regan: Je recommence. Je dis qu'un couple normal pourrait décider, pour une raison ou pour une autre, que leur façon d'élever leurs enfants est différente de celle des grands-parents et leur interdire de voir les enfants. Pourquoi y a-t-il une différence? Pourquoi est-ce dans le meilleur intérêt des enfants à ce moment-là et non pas dans le cas des parents divorcés?

Mme Jennings: Pour commencer, je ne pense pas que ce scénario indique que le meilleur intérêt des enfants est protégé. Cependant, si c'est la décision des parents et que les grands-parents n'ont déjà pas le choix, je ne vois pas quel est le lien avec la question dont nous discutons actuellement. Il n'y a pas de parallèle. Il n'y a pas de divorce et les parents font ce qu'ils veulent. Comment pouvons-nous porter un jugement sur ce qu'ils font?

M. Regan: C'est ce que je dis.

Mme Jennings: Non. Dans les causes de divorce dont nous parlons ici, les grands-parents ont été en contact avec leurs petits-enfants. Ce n'est pas comme s'ils ne les avaient pas vus pendant des années. Certains grands-parents se sont occupés des enfants pendant que les parents travaillaient, par exemple.

Nous parlons d'une situation tout à fait différente. Il y a un divorce et le parent qui a la garde des enfants décide d'écarter les grands-parents. C'est le seul scénario qui nous occupe.

Le passage de la page 2 que vous avez cité indiquait que l'autorisation du tribunal était une condition préalable. Les grands-parents doivent quand même présenter une requête pour intervenir. Ils doivent avoir qualité pour contester. En d'autres termes, ils sont avisés du divorce. Ils doivent présenter une requête, parce que, qu'ils soient là ou non, il faut qu'on sache s'ils veulent intervenir. Il y a quand même une garantie.

Je ne vois donc pas le bien-fondé de l'argument.

Vous dites qu'actuellement il faut obtenir l'autorisation du tribunal pour qu'il n'y ait pas de requêtes frivoles ou vexatoires; le tribunal pourra continuer de rejeter des requêtes, il pourra continuer de décider. En l'occurrence, le juge doit tout de même rendre une décision.

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M. Regan: Au moment de l'audience du divorce.

Mme Jennings: Oui. C'est ce qui se fait maintenant, mais c'est trop tard pour aider les grands-parents et les petits-enfants.

M. Ramsay: J'ai une question qui fait suite à ce qu'a dit M. Regan. Je tiens à préciser aux fins du compte rendu qu'un couple marié où tout va bien peut décider, pour une raison ou une autre, d'interdire aux grands-parents l'accès à leurs petits-enfants. Les conjoints en ont le droit. Supposons que ce couple divorce. La mesure autoriserait-elle les grands-parents à présenter une demande et à obtenir cet accès dont ils étaient privés auparavant?

À mon avis, c'est la question que soulève M. Regan et c'est une question qui m'est venue à l'esprit lorsque j'ai lu cette lettre de Steven Andrew de la Section du droit familial. Le projet de loi accorde des droits; c'est indéniable. Il accorde des droits après un divorce, mais il en nie avant le divorce. J'ai certaines préoccupations à cet égard.

Je sais que j'ai soulevé une situation hypothétique. Mais, dans la plupart des cas, les grands-parents seraient sans doute intéressés uniquement s'ils avaient eu des contacts préalables avec les enfants.

Monsieur le président, j'ai quelques inquiétudes à ce sujet car, en l'occurrence, la loi accorde aux grands-parents des droits qu'ils n'avaient pas avant le divorce. Ils peuvent exercer leurs droits uniquement après le divorce. Le droit des parents d'interdire l'accès à leurs enfants existe avant le divorce, mais pas après. C'est ce que voulait faire valoir M. Regan, et je partage cette préoccupation, même si je continuerai d'appuyer l'objectif fondamental du projet de loi.

Mme Jennings: Ma réponse est la même. Cela leur accorde uniquement le droit de comparaître devant le tribunal au moment du divorce. Les grands-parents n'obtiennent pas de droits supplémentaires. Les droits dont vous parlez, ainsi que tout ce qui concerne la garde des enfants à l'audience, peuvent être réinstitués ultérieurement. L'adoption de cette mesure mettra tous les grands-parents sur un pied d'égalité en leur permettant de se faire entendre à l'audience du divorce.

Si, au contraire, nous n'adoptons pas cette mesure, on pénalise quand même les grands-parents qui n'ont pas les moyens, les ressources voulus pour retourner devant les tribunaux; autrement dit, les grands-parents qui, à l'heure actuelle, dans notre pays, ne peuvent voir leurs petits-enfants. Il n'est pas question de dire à tel moment vous avez des droits, et à tel autre vous n'en avez pas. À l'heure actuelle, dans notre pays, on peut toujours demander ces droits. On peut faire une demande de garde à tout moment, selon son bon vouloir.

L'autre jour, un père m'a téléphoné. Il était bouleversé parce que sa femme est morte et que les grands-parents, qui vivent de l'aide sociale, ont constamment recours à l'aide juridique pour aller devant les tribunaux, et l'aide juridique les autorise à le faire à répétition.

Il est donc évident qu'à l'heure actuelle, dans notre pays, les gens peuvent faire cette démarche à leur guise. Si cela se faisait une fois, au moment du divorce, cela réglerait tous ces problèmes particuliers. Ce système serait juste pour les grands-parents qui n'ont pas d'argent ou qui ont un revenu fixe et ne peuvent retourner devant les tribunaux pour demander de revoir leurs petits-enfants.

M. Ramsay: Un dernier commentaire. Je suis tout disposé à m'en remettre à la sagesse des juges. S'il semble qu'il y avait de bonnes raisons pour que les parents refusent l'accès aux grands-parents avant le divorce, je crois que le juge en tiendra compte lorsqu'il rendra sa décision. Nous ne pouvons pas déterminer les circonstances de chaque cas particulier. Je laisserais donc au juge le soin de trancher. De ce point de vue, je pense que cela atténuerait mes inquiétudes.

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Le président: Madame Cohen.

Mme Cohen: On a en fait répondu à la plupart des questions que je me posais. J'aimerais cependant exprimer l'une de mes préoccupations.

Toutes les questions se rapportant à la pension alimentaire, à la garde des enfants, à leur protection et à la détermination de ce qui est dans leur meilleur intérêt relèvent des provinces et non du gouvernement fédéral en vertu de la Constitution canadienne. Par conséquent, dans le cas de la Loi sur le divorce, les questions comme celles de la garde des enfants, de l'accès et de la pension alimentaire sont considérées comme des mesures de redressement accessoires ou corollaires. Je me demande si votre personnel de recherche, le groupe d'intérêt spécial que vous représentez ou vous-même avez cherché à établir si le gouvernement fédéral a compétence dans ce domaine.

Deuxièmement, vous avez opposé deux pourcentages, 95 p. 100 et 5 p. 100. D'où tirez-vous ces chiffres? Se fondent-ils sur une conviction intime?

Troisièmement, - et je déteste être d'accord avec vous, Jack - , j'admets partager l'avis de MM. Ramsay et Regan sur un point. J'ai l'impression que la mesure législative vise, en cas de divorce, à donner à des grands-parents des droits qu'ils n'auraient pas autrement. Le projet de loi d'initiative parlementaire que vous parrainez donne aux grands-parents...

Supposons que mon époux et moi-même ayons des enfants et que nous décidions de refuser l'accès à nos enfants à leurs grands-parents paternels ou maternels. Supposons que nous nous entendions là-dessus avant le divorce ainsi qu'après celui-ci. Malgré notre mésentente, nous continuons de croire que ces grands-parents ne devraient pas avoir accès à nos enfants. Après notre divorce, vous voudriez qu'un étranger, un juge en l'occurrence, ait le pouvoir de renverser cette décision. Si mon époux et moi-même refusons à quelqu'un le droit de voir nos enfants pendant notre mariage, je ne vois pas pourquoi on permettrait à quelqu'un de s'immiscer là-dedans après notre séparation.

Enfin, l'expérience que j'ai acquise devant les tribunaux pendant 15 ans m'enseigne que, lors d'un procès, des cliques risquent de se créer lorsque plus de deux parties sont en cause. Si je cherchais à obtenir un divorce de mon époux et que je réclamais la garde des enfants, mes parents, s'ils en avaient les moyens, pourraient recruter les services d'un avocat et venir à mon aide. Ils constitueraient une tierce partie. Mes parents et moi pourrions faire front commun contre mon époux, et ses parents et lui pourraient faire de même contre moi.

À mon sens, on change ainsi fondamentalement la nature du procès. Je crois que le projet de loi, par inadvertance, modifie l'équilibre ou les règles du jeu lors d'une action en divorce.

Mme Jennings: Je ne sais pas si j'ai bien retenu l'ordre dans lequel vous m'avez posé ces questions, mais parlons d'abord des statistiques. Je parle un peu comme un enseignant ici. Depuis des années, je dis que seulement 5 p. 100 des jeunes gens posent des problèmes et que le reste d'entre eux sont de jeunes Canadiens travailleurs et responsables.

Mme Cohen: C'est une conviction intime.

Mme Jennings: Oui. C'est la façon dont je vois cette question de majorité et de minorité.

Les droits dont ils n'auraient pas joui s'ils avaient été ensemble... Vous venez de donner l'exemple d'un couple qui ne permettait pas à ses enfants de voir leurs grands-parents. Ces grands-parents n'avaient donc déjà pas accès aux enfants. Moi, je vous présente le cas de grands-parents qui présenteraient une demande d'accès à un tribunal parce qu'ils voyaient déjà leurs petits-enfants régulièrement. C'est un cas courant au Canada aujourd'hui.

Mme Cohen: Je n'aime pas vous empêcher de continuer sur votre lancée, mais il ne faudrait pas croire que tous ceux qui auront recours aux tribunaux seront animés des motifs les plus purs. Certains le feront pour envenimer la situation. D'autres, pour se venger. Et d'autres encore, pour des raisons malhonnêtes ou à tout le moins injustifiées.

Mme Jennings: Évidemment. Mais je vous répéterai ce que je vous répète depuis ce matin, à savoir que ce genre de personnes peuvent déjà présenter de telles demandes devant les tribunaux et que cela coûte d'ailleurs déjà très cher aux contribuables.

Mme Cohen: Dans ce cas, quelle est l'utilité de ce projet de loi?

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Mme Jennings: Je vais vous répéter encore une fois ce que j'ai répété toute la matinée. Premièrement, ils peuvent déjà faire ce que vous décrivez. Ils peuvent présenter une demande, et les gens présentent ces requêtes après le fait, ce qui coûte très cher aux contribuables.

Deuxièmement, c'est toujours le juge qui décide. Ce n'est pas nous. Nous devons faire confiance au juge. Ce sont des décisions qu'il ou elle prend à l'heure actuelle.

Enfin, vous n'avez pas mentionné le droit des enfants, mais vous parlez beucoup des parents. Les grands-parents s'inquiètent de leurs petits enfants. Les Nations Unies ont de toute évidence jugé qu'il était important d'adopter une convention pour protéger le droit qu'ont les enfants d'avoir accès à leur famille. Nous semblons l'oublier. Nous parlons toujours uniquement des parents.

Les parents constituent un élément important d'une famille, et c'est formidable si tout est normal. Les parents sont les plus importants lorsque tout est normal.

En 30 ans d'enseignement, j'ai été en contact avec des enfants régulièrement, au jour le jour, et certains sont très malheureux. Il faut aussi que vous songiez à eux. C'est des enfants qu'il s'agit. Nous devons protéger les enfants.

Mme Whelan (Essex - Windsor): Dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné l'article 611 du Code civil du Québec. Je ne connais pas cette disposition, mais je suppose qu'elle ne s'applique pas uniquement en cas de divorce, mais qu'elle accorde un droit à tous les grands-parents du Québec. Je me demande si en proposant de modifier la Loi sur le divorce, nous n'allons pas créer une catégorie distincte de grands-parents.

C'est semblable à la question qui a été soulevée plus tôt, avec peut-être une légère différence.

Pour ma part, je crois que les grands-parents devraient avoir accès à leurs petits-enfants, mais je me demande si vous n'allez pas donner un statut spécial uniquement aux enfants de parents divorcés. Il faudrait peut-être examiner la question à nouveau ou peut-être faire un peu plus de recherche pour voir ce qui est arrivé au Québec et pourquoi cette province a adopté une telle disposition et pour voir s'il n'y aurait pas lieu d'adopter un point de vue plus large.

Sinon, nous risquons de créer une situation comme celle décrite à l'avant-dernier paragraphe de la page 2 du mémoire de l'Association du Barreau canadien. Vous finissez par avoir une situation où vous dites que s'ils ont le droit d'avoir accès, est-ce qu'ils ne devraient peut-être pas aussi verser une pension alimentaire pour l'enfant?

Je pense que c'est une question qui ne se poserait pas si nous adoptions les perspectives plus larges qui sont proposées dans le Code civil du Québec. À la lumière de ce qui a été présenté aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu une augmentation du nombre de poursuites au Québec, il serait peut-être bon de réexaminer la question.

Mme Jennings: En fait, il n'y a probablement pas eu d'augmentation du nombre de poursuites au Québec car les gens savent déjà que les grands-parents ont certains droits. Il est dit clairement qu'on ne peut empêcher les grands-parents de voir leur petit-fils ou leur petite-fille à moins d'une bonne raison. C'est un argument de plus en faveur de ce projet de loi, pas contre lui.

Mme Whelan: Mais vous ne comprenez pas ce que je dis. Ce que je dis c'est que ce projet de loi ne serait peut-être pas nécessaire si, pour une raison ou une autre, on reconnaissait des droits plus étendus à tous les grands-parents.

Mme Jennings: Si la Loi fédérale sur le divorce est modifiée - puisque c'est bien d'une loi fédérale qu'il s'agit - chaque province serait alors en mesure d'adopter des dispositions semblables à celles que contient à l'heure actuelle l'article 611 du Code civil. Le libellé serait très semblable. Cela assurerait une certaine uniformité dans tout le pays plutôt que d'avoir neuf libellés différents dans les neuf autres provinces. Il est donc très important que nous les aidions au niveau national.

Il est très difficile pour moi d'essayer de vous convaincre que c'est la meilleure solution sur le plan juridique. J'en suis incapable. Je ne suis pas avocate. Je vous signale simplement qu'à l'heure actuelle, tous les États américains ont une disposition semblable depuis de nombreuses années et qu'elle est très efficace. Je peux seulement vous dire que non seulement elle fonctionne, mais que plus de 5 millions de grands-parents qui élèvent leurs petits-enfants ont prouvé en outre qu'il est souvent essentiel que les grands-parents aient également la garde.

Pendant mes voyages un peu partout au Canada, de nombreux grands-parents de l'Île-du-Prince-Édouard et de toutes les régions des Maritimes m'ont dit qu'ils élèvent à l'heure actuelle leurs petits-enfants, sans pension alimentaire. Les familles le font par amour et parce qu'elles se préoccupent de leurs-petits enfants. Personne ne leur donne d'argent supplémentaire. Cela se fait maintenant.

Alors, nous devons tenir compte de la réalité, pas de ce qui pourrait se produire ou ne pas se produire. Nous devons faire confiance à nos juges, car, à l'heure actuelle, ce sont eux qui s'occupent de ces questions tous les jours. Je ne pense pas que nous puissions supposer que telle chose ne se produira ou ne se produira pas. Nous devons adopter une bonne loi et leur laisser le soin de l'appliquer - pas seulement pour certains, mais pour tous les Canadiens.

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Mme Whelan: C'est exactement ce que je dis. C'est pourquoi j'ai soulevé la question. Le Code civil au Québec vise tous les petits-enfants au Québec. Je parle de tous les petits-enfants au Canada.

C'est pourquoi j'ai soulevé la question. Je sais que dans certains cas à l'heure actuelle, des parents refusent aux grands-parents d'avoir accès à leurs petits-enfants sans aucune raison ou presque. Ils sont libres de leur refuser accès à l'heure actuelle. Je dis tout simplement qu'il faudrait peut-être réexaminer toute cette question.

Voilà ce que je dis. Je dis qu'on va créer différentes catégories de petits-enfants selon la province. Voilà ce qui me préoccupe. Je parle de tous les petits enfants, de tous les Canadiens. Voilà ce dont je parle.

Mme Jennings: Je suppose que je vois tout simplement les choses d'une autre façon, c'est-à-dire que nous avons une loi fédérale qui vise tous les Canadiens. Ce n'est pas une classification fédérale.

Mme Whelan: Seulement dans les cas de divorce.

Mme Jennings: Eh bien, la Loi sur le divorce est une loi. Nous devons nous contenter de cette loi dans sa forme actuelle. La loi ne vise pas toutes les autres situations. On ne parle ici que de la Loi sur le divorce.

Le président: Une toute petite question de madame Cohen.

Mme Cohen: C'est plutôt une observation, madame Jennings, car vous revenez toujours à la question d'une seule intervention et du règlement de tous les litiges en une seule fois. Une chose dont vous n'êtes peut-être pas au courant, c'est que dans pratiquement toutes les provinces, si vous intentez des poursuites ou si vous êtes impliqué dans une poursuite judiciaire aux termes d'une loi provinciale comme la Loi sur le droit de la famille ou la Loi sur les services aux enfants ou une autre loi selon le cas, ces mesures peuvent être combinées, lors de la procédure judiciaire, à la Loi sur le divorce ou à la poursuite en divorce ou au litige fédéral. Il me semble donc qu'il n'est pas très difficile de régler cette question en même temps.

Une autre chose que vous ne devez pas oublier, c'est que dès qu'un jugement est rendu aux termes de la Loi sur le divorce, un jugement initial de divorce stipulant la mesure accessoire, ce jugement peut toujours être modifié.

Vous accordez donc davantage de droits que vous en aviez l'intention, je pense, car vous permettez aux grands-parents d'intervenir au cours de tout le processus. Je dirais qu'il n'y a rien ici qui empêche les grands-parents d'intervenir dans un jugement de divorce, lorsque celui-ci a été confirmé de façon définitive, et de dire, six mois ou six ans plus tard: J'ai des problèmes, je vais revenir et intervenir dans ce jugement de divorce. Il n'y a rien dans votre projet de loi qui empêche cela de se produire.

Ce sont deux observations que je voulais faire.

Mme Jennings: Tout ce que nous disons, c'est que les grands-parents ont le droit de demander des droits de visite. Je ne crois pas que cela leur accorderait le droit d'intervenir dans un jugement plus tard. Il leur faudrait revenir voir le juge...

Mme Cohen: Permettez-moi d'être en désaccord avec vous.

Mme Jennings: Il y a le sens commun des juges dont il faut tenir compte, et je suis prête à leur accorder le bénéfice du doute.

Le président: Madame Jennings, ma liste est épuisée. J'aimerais tout simplement faire une observation. Je me demande si pour atteindre le but que vous recherchez, il ne vaudrait pas mieux que quelque chose soit fait au niveau des assemblées législatives provinciales, comme cela a été le cas dans l'exemple que vous avez donné. Quoi qu'il en soit, cette question devra être examinée par les attachés de recherche.

Je vous remercie de vos observations ce matin.

La séance est levée.

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