[Enregistrement électronique]
Le jeudi 5 octobre 1995
[Traduction]
Le président: Bonjour. La séance est ouverte.
Nous étudions le projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur le divorce. Le président de la Section nationale du droit de la famille, à l'Association du Barreau canadien, M. Steven Andrew, est avec nous par voie de téléconférence.
Bonjour, monsieur Andrew.
M. Steven Andrew (président, Section nationale du droit de la famille, Association du Barreau canadien): Bonjour, monsieur.
Le président: La directrice de la Législation et de la réforme du droit, également à l'Association du Barreau canadien, Mme Tamra Thomson, est avec nous elle aussi.
Monsieur Andrew, si vous avez une présentation à faire au Comité, vous pouvez la faire dans les limites du temps qui vous est alloué. Je pense que nous n'avons qu'une heure aujourd'hui, de 10 heures à 11 heures. Quand vous aurez terminé votre présentation, quel que soit le temps qu'elle prendra, les membres du Comité vous poseront des questions. Allez-y, s'il vous plaît.
Mme Tamra Thomson (directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien): Monsieur le président, je vais commencer. M. Andrew continuera, après quoi nous répondrons aux questions.
[Français]
Monsieur le président, l'Association du Barreau canadien est une association nationale regroupant plus de 34 000 juristes, soit des avocats et des avocates, des notaires, des professeurs de droit, des étudiants en droit et des juges, de partout au Canada.
[Traduction]
Nous comparaissons aujourd'hui au nom de la Section nationale du droit de la famille de notre association. Cette section compte, dans tout le Canada, plus de 6 900 membres représentant tous les aspects de la pratique du droit de la famille.
La lettre que vous avez reçue de la Section du droit de la famille a été approuvée par la section, de même que par le comité permanent de la législation et de la réforme du droit et par la haute direction de l'association, conformément aux pratiques que nous avons adoptées en vertu de nos statuts.
L'Association du Barreau canadien a notamment pour objectif d'améliorer le droit et l'administration de la justice. Nos commentaires d'aujourd'hui se situent dans ce contexte.
Je vais maintenant demander à M. Andrew de nous parler du contenu du projet de loi.
M. Andrew: Je tiens d'abord à vous remercier de nous avoir donné l'occasion de vous présenter le point de vue de la Section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien. Je tiens également à m'excuser de ne pas pouvoir faire ma présentation dans les deux langues.
Je voudrais simplement vous présenter nos arguments contre ce projet de loi. Les voici.
Premièrement, le projet de loi donne aux grands-parents le même statut qu'aux parents. Autrement dit, il augmente les possibilités de conflits en cas de litige. Il ajoute des joueurs à ce qui est déjà un processus coûteux et difficile sur le plan émotif. Il donne également aux grands-parents des familles qui vivent un divorce plus de droits qu'à ceux des familles intactes, où il n'y a pas de divorce.
La loi actuelle n'accorde aux grands-parents, dans les familles intactes, aucune garantie d'accès à leurs petits-enfants, à de très rares exceptions près, prévues dans des lois provinciales qui varient d'une région à l'autre du pays. Dans une famille intacte, les parents ont le droit de déterminer les contacts entre leurs enfants et leurs parents. À notre avis, ce devrait être la même chose dans les familles qui vivent un divorce.
Deuxièmement, dans les rares cas - et nous pensons qu'ils sont effectivement très rares - où il est approprié d'ajouter les grands-parents à la liste des parties en présence dans une cause de divorce, il est possible de le faire avec l'autorisation du tribunal. À notre avis, cette disposition offre une garantie judiciaire contre toute demande futile ou toute tentative de manipulation.
Enfin - et mon commentaire porte ici surtout sur la façon dont le projet de loi a été présenté - le projet de loi ne permet pas seulement aux grands-parents de demander des droits d'accès ou de visite, mais également de demander la garde des enfants. En fait, il les place exactement dans la même situation que les parents, dans la cause de divorce. Si vous lisez le projet de loi, vous vous rendrez compte que les grands-parents seraient exactement sur le même pied que les parents. Ils pourraient présenter une demande de garde ou d'accès.
Le projet de loi invoque également le paragraphe (10), si je peux m'exprimer ainsi. Ce paragraphe de la Loi sur le divorce porte sur le principe selon lequel les deux parents doivent avoir le plus de contacts possibles avec les enfants. Le projet de loi aurait pour effet d'appliquer ce principe aux grands-parents également. Donc, la cour devrait essayer de prévoir le maximum de contacts non seulement avec les deux parents, mais aussi avec les grands-parents. Or, la société d'aujourd'hui étant ce qu'elle est, il est bien possible qu'il n'y ait pas seulement un couple de grands-parents, selon le nombre de fois où les gens auraient divorcé. Malheureusement, même dans notre genre de travail, nous revoyons parfois les mêmes clients. Il pourrait donc y avoir un certain nombre de couples de grands-parents en cause dans un litige de ce genre. À notre avis, c'est un grave problème.
Voilà donc en gros les trois principales difficultés que nous entrevoyons. Mais j'aimerais vous parler également de quelques questions d'ordre pratique qui pourraient se poser. Les voici.
Contrairement à ce que bien des gens pensent, j'ai l'impression que plus de 90 p. 100 des causes de divorce se règlent par accord mutuel, sans que les tribunaux aient beaucoup à intervenir. Autrement dit, le divorce est évidemment prononcé par le tribunal, mais il n'y a pas de procès très compliqué. En fait, les choses se passent par consentement mutuel. On peut donc supposer que les grands-parents auraient accès aux enfants dans des circonstances comme celles-là.
La grande majorité des autres cas - autrement dit, les cas qui font l'objet d'une contestation - ne porteraient pas sur la question des droits des grands-parents. Je pratique depuis dix-huit ans - presque exclusivement dans le domaine du droit de la famille - et je me souviens de deux cas seulement où il était question des droits d'accès des grands-parents.
Dans les cas où une contestation porterait notamment sur les droits des grands-parents - et nous pensons qu'ils sont très peu nombreux - il y a deux possibilités. La première, c'est que des grands-parents devraient être autorisés à voir leurs petits-enfants, mais qu'on ne leur permet pas. Le deuxième, ce serait un cas où des grands-parents ne devraient pas être autorisés à voir leurs enfants et où ils ne le sont pas effectivement.
Nous ne nous intéressons pas au groupe de ceux qui ne devraient pas être autorisés. Je parle ici de situations évidentes, si des gens avaient déjà commis des abus, par exemple.
Donc, dans le cours normal des choses, quand des parents ont déterminé les droits d'accès et les modalités de garde, les enfants vont voir leurs grands-parents dans le cadre des ententes conclues par les parents à ce sujet. Il nous reste donc un pourcentage infime de grands-parents à qui on refuse le droit de voir leurs petits-enfants. À notre avis, ces grands-parents sont suffisamment protégés actuellement par la disposition de la Loi selon laquelle ils peuvent demander à participer au procès avec l'autorisation de la cour. À l'heure actuelle, la jurisprudence prévoit que, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une demande futile ou abusive, cette autorisation doit être accordée. Il n'y a pas beaucoup d'obstacles à surmonter pour pouvoir être considéré comme une «autre personne», selon l'expression employée dans la Loi.
Pour que vous sachiez exactement ce qu'il en est, j'ajoute que la demande portant sur l'autorisation de participer à une cause de divorce se fait par voie d'affidavit. On procède généralement de façon provisoire, et la demande peut être jumelée à une demande portant sur le divorce lui-même. Si je vous dis cela, c'est parce que certaines personnes ont affirmé que la loi actuelle est très coûteuse. D'après mon expérience, elle ne l'est pas du tout. Il s'agit simplement de rédiger un affidavit et de le présenter à la cour pour demander l'autorisation de participer au procès.
Par ailleurs, la demande d'autorisation de participer peut être présentée dès le début de l'instance de divorce ou après le divorce. Autrement dit, dès qu'une des parties pourrait demander une autorisation relative au jugement de divorce, toute «autre personne» pourrait le faire également, ce qui inclurait dans ce cas les grands-parents.
Les coûts relatifs à l'intervention des grands-parents semblent être un facteur important, du moins d'après ce que j'ai lu dans les médias; c'est une impression personnelle.
Il ne faut pas oublier que nous parlons ici de cas où les grands-parents se seraient fait refuser l'accès à leurs petits-enfants; qu'ils aient eu ou non à demander une autorisation, cela coûterait quand même cher parce qu'il faudrait qu'un juge décide de cet accès. Il pourrait quand même y avoir un procès. Donc, le projet de loi lui-même n'entraînera pas d'économies, sauf peut-être pour ce qui est de la demande d'autorisation de participer au processus, ce qui est minime.
Il pourrait cependant augmenter le coût de la procédure pour les participants initiaux, c'est-à-dire le mari et la femme. Autrement dit, si le projet de loi était adopté, je pense que tous les grands-parents devraient être avisés de la demande de divorce. Ce que cela pourrait signifier, c'est qu'il faudrait aviser non seulement l'autre partie, mais aussi tous les grands-parents, où qu'ils soient. C'est un coût que les parents devraient assumer et, comme je l'ai dit, il faudrait peut-être aviser toute une série de couples de grands-parents habitant à divers endroits.
Donc, si le projet de loi était adopté, les grands-parents devraient être avertis. Cela coûte quelque chose. Ils devraient probablement retenir les services d'un avocat, du moins pour déterminer quels sont leurs droits. Nous nous demandons si les grands-parents qui ne feraient rien se priveraient ainsi de toute possibilité de recours ultérieur devant les tribunaux. Nous ne savons pas très bien ce qui pourrait se produire.
Il faut également se demander ce qu'il adviendrait des autres membres de la famille. Par exemple, il pourrait y avoir un oncle ou une tante qui seraient beaucoup plus proches des enfants que les grands-parents, et pourtant ces gens-là n'auraient pas de statut privilégié, alors que les grands-parents en auraient un.
À notre avis, la loi actuelle traite de façon équitable tous les membres de la famille. Ils ont tous le droit de demander au tribunal l'autorisation de participer au procès.
Il y a également une autre question qui nous préoccupe, même si elle est un peu secondaire. Si nous voulons aider les grands-parents à exercer leurs droits, il faut reconnaître que ce projet de loi n'aiderait que les grands-parents des enfants dont les parents divorcent. Autrement dit, cela ne donnerait rien dans le cas des unions de fait. Le projet de loi n'aiderait pas non plus, par exemple, dans le cas où un des parents meurt et où, après le remariage du parent veuf, les grands-parents ont de la difficulté à avoir accès à leurs petits-enfants. Cela n'aide pas du tout dans des situations comme celles-là.
Nous pensons qu'en réalité, ce qui risque de se produire dans les causes de divorce hautement litigieuses - qui représentent un faible pourcentage de celles auxquelles j'ai fait allusion - ce qui risque de se produire, donc, c'est que les couples fassent appel aux grands-parents à des fins manipulatrices. Malheureusement, les gens sont bien capables de ce genre de choses. Il est possible effectivement de manipuler des grands-parents pour les inciter à participer au processus judiciaire.
L'autre aspect dont je veux vous parler, et qui n'est pas vraiment une question juridique, c'est que les grands-parents pourraient être frustrés par l'application de ce projet de loi s'il était adopté. De plus en plus, aujourd'hui, nous voyons des cas de divorce que je qualifierais d'habituels, c'est-à-dire que les deux parents travaillent et qu'il y a des enfants. On essaie généralement de prendre des dispositions, pour la garde et l'accès, selon lesquelles les deux parents ont un maximum de contacts avec les enfants. Si l'on veut avoir du temps de qualité, cela signifie les fins de semaine. Il peut donc arriver, si ce projet de loi est adopté, que des juges ne voudront tout simplement pas ajouter un autre groupe de joueurs dans l'histoire.
À l'heure actuelle, les enfants habitent le plus souvent chez leur mère tandis que le père les voit généralement une fin de semaine sur deux. Pour ce qui est d'ajouter de nouveaux joueurs, nous pensons que beaucoup de juges ne voudront tout simplement pas faire intervenir les grands-parents en plus.
Autrement dit, même si le projet de loi était adopté, il ne garantirait pas l'accès. Personne ne peut le garantir; c'est le tribunal qui décide. Je suppose que, tout ce qu'il pourrait garantir, c'est le droit de participer au procès.
Dans la lettre que nous avons envoyée au Comité, nous avons mentionné la question des pensions alimentaires. C'est dans une certaine mesure une question hypothétique, mais nous nous demandions simplement si, en supposant que des grands-parents soient placés sur le même pied que les conjoints, ils ne devraient pas avoir aussi les mêmes obligations en termes de pensions alimentaires.
Ce n'est pas une question aussi futile qu'on pourrait le croire, en ce sens que l'endroit où les grands-parents vivent pourrait influer sur la question des pensions alimentaires. Si les parents habitent à Edmonton et les grands-parents, au Nouveau-Brunswick, la question de l'accès devient très aléatoire, et aussi la question de savoir qui paie pour cet accès.
Pour conclure ma présentation au nom de la section nationale, je voudrais vous parler du simple bon sens, même si ce n'est pas vraiment une question juridique: le bon sens, ce n'est pas régi par la loi. On ne peut pas adopter de loi pour obliger les couples qui divorcent à réfléchir à ce que leurs parents ont à offrir à leurs enfants. Ce n'est tout simplement pas possible. Soit qu'ils y réfléchissent d'eux-mêmes, soit qu'ils n'y pensent pas.
Nous estimons que, dans les très rares cas où les droits d'accès des grands-parents sont en cause, il suffit de demander l'autorisation au tribunal pour pouvoir participer au processus. La loi actuelle met toutes les «autres personnes» sur le même pied. Elle laisse donc la porte ouverte aux autres membres de la famille, sous réserve de la garantie judiciaire, c'est-à-dire l'exigence selon laquelle il doit y avoir une demande d'autorisation.
Voilà en gros ce que j'avais à dire. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Andrew.
Je vais laisser la première question au Parti réformiste puisque le Bloc n'est pas ici aujourd'hui. Monsieur Ramsay.
M. Ramsay (Crowfoot): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais que nous discutions d'abord de cette lettre. Il semble y avoir une légère confusion au sujet de la lettre que vous avez envoyée au Comité le 18 septembre, monsieur Andrew. J'aimerais savoir si vous y présentiez l'opinion de l'ensemble du Barreau ou non. Nous avons reçu une lettre de Gaylene Schellenberg, de l'Association du Barreau canadien, qui nous a dit que cette lettre représentait le point de vue de la Section nationale du droit de la famille. J'ai entendu ce matin quelque chose qui me pousse à me demander si c'était vraiment clair dans cette lettre.
Qui représentez-vous? Quelle partie de l'Association du Barreau canadien? Représentez-vous l'ensemble de l'association? Quand vous avez écrit cette lettre, en particulier, qui représentiez-vous?
M. Andrew: Je représentais...
Mme Thomson: Je peux répondre à cela. Steve, je vais répondre.
La lettre du 18 septembre...
M. Ramsay: Excusez-moi, mais c'est M. Andrew qui a écrit la lettre; j'aimerais donc qu'il nous réponde.
Mme Thomson: Si vous me le permettez, j'aimerais répondre à cette question.
La lettre du 18 septembre constitue un énoncé de la position de la Section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien. Cette lettre a été approuvée par la direction de la section, conformément...
M. Ramsay: Quelle section?
Mme Thomson: ...conformément aux pratiques énoncées dans le règlement administratif de cette section. Comme toute déclaration faite au nom du Barreau, d'une de ses sections ou d'un de ses comités, elle a également dû subir un autre processus d'approbation très rigoureux.
Ce processus d'approbation est défini dans notre règlement administratif. Cette lettre, comme toute autre déclaration, a été approuvée par le comité de la législation et de la réforme du droit, qui se compose d'avocats de divers domaines de la pratique. Ce comité a étudié la lettre pour établir si elle était équilibrée, si elle respectait le décorum et si elle était conforme aux autres déclarations du Barreau. Sur recommandation de ce comité, la lettre a ensuite été soumise aux membres de notre bureau, qui composent notre haute direction: le président, le vice-président, le trésorier et le président sortant, qui devaient également approuver la déclaration. Toutes ces instances ont approuvé cette déclaration émanant de la Section nationale du droit de la famille, conformément à notre règlement administratif.
M. Ramsay: Donc, cette lettre a été soumise à tous ces gens-là?
Mme Thomson: Oui, effectivement.
M. Ramsay: Et tous ces gens-là ont eu la possibilité d'examiner le projet de loi?
Mme Thomson: La lettre a été envoyée avec le projet de loi et elle a été approuvée conformément aux pratiques habituelles prévues dans notre règlement administratif.
M. Ramsay: Comment s'est faite cette approbation? Sous quelle forme? Quand tous ces gens donnent leur approbation, de quelle façon le font-ils?
Mme Thomson: Ils le font verbalement.
M. Ramsay: Donc, M. Andrew aurait reçu verbalement l'autorisation d'envoyer cette lettre?
Mme Thomson: Oui, c'est exact.
M. Ramsay: Monsieur Andrew, pouvez-vous nous le confirmer?
M. Andrew: Je peux confirmer que nous avons examiné le projet de loi lui-même.
M. Ramsay: Quand vous dites «nous», monsieur Andrew, de qui voulez-vous parler?
M. Andrew: Il y avait un certain nombre de dirigeants de la Section nationale du droit de la famille, de même que certains autres membres. En gros, pour la Section nationale du droit de la famille, il s'agissait des membres de notre bureau, d'un comité de direction de six personnes et de représentants de tout le Canada, normalement les présidents des sections locales du droit de la famille dans tout le Canada.
Je n'ai pas besoin de vous nommer tout le monde, mais je peux vous dire que les présidents locaux et le bureau de direction représentent assez bien l'ensemble du Canada. Évidemment, nous ne pouvons pas nous réunir tous pour discuter en détail de quelque chose comme ceci, mais un certain nombre d'entre nous se sont réunis, et la lettre a été envoyée au bureau central de l'Association, où elle a suivi le processus que Mme Thomson vous a décrit.
M. Ramsay: Passons au projet de loi lui-même. Ce que demandent vraiment les grands-parents de tout le pays - ceux qui nous ont écrit, qui ont signé des pétitions, et ainsi de suite - c'est d'avoir accès plus facilement aux tribunaux pour pouvoir présenter une demande en vue d'obtenir des droits de visite ou d'accès, ou même des droits de garde, dans de rares cas. En gros, c'est cela qu'ils demandent.
Quand vous vous opposez au projet de loi, qui représentez-vous? Représentez-vous les parents divorcés? Leurs enfants? Les grands-parents? Ou tout simplement votre propre association?
M. Andrew: En tant qu'avocat spécialiste du divorce, je dirais que les couples en instance de divorce représentent 90 p. 100 de notre clientèle. Mais il arrive à l'occasion que nous représentions des enfants et des grands-parents. En ce sens, nous pensons à tout le monde.
Personnellement, j'ai surtout pensé aux complications que le projet de loi ajouterait aux causes de divorce. Mais je tiens compte également du fait qu'il y a déjà une disposition permettant aux grands-parents de participer au litige. Ils n'ont qu'à demander l'autorisation au tribunal, comme n'importe qui d'autre.
M. Ramsay: Je vous ai demandé qui vous représentiez; si j'ai bien compris, votre première préoccupation, c'est que ce projet de loi compliquerait le processus de divorce.
M. Andrew: Oui.
M. Ramsay: Eh bien, ce n'est pas vraiment ce qu'il vise. Il est conçu uniquement pour donner aux grands-parents le droit de présenter une demande au tribunal sur les trois points suivants: les droits d'accès, de visite et, dans quelques rares cas, de garde.
Pourquoi serait-il compliqué d'accorder ces droits aux grands-parents, dans la mesure où ils les ont actuellement, mais sous une forme beaucoup plus difficile? Ils n'ont aucun statut, et le projet de loi leur en accorderait un. Qu'y a-t-il de mal à leur permettre de présenter leur demande dès les premières étapes, au lieu de les obliger à attendre?
M. Andrew: Je pense qu'il y a ici un problème de compréhension. Il ne s'agit pas de leur accorder ce droit plus tôt ou plus tard. Si la question se rend devant les tribunaux, cela ne changera rien que les grands-parents doivent demander l'autorisation aux tribunaux ou que cette autorisation leur soit accordée automatiquement.
À notre avis, s'ils ont un statut automatique, cela ne fera qu'augmenter les coûts pour toutes les parties en cause. Dès qu'une personne voudra entamer une procédure de divorce, elle devra envoyer la requête en divorce ou un avis quelconque à tous les grands-parents. Dans ce sens-là, c'est nettement exagéré.
Dans les rares cas où les droits d'accès pourraient poser un problème pour les grands-parents, nous jugeons la loi actuelle tout à fait satisfaisante.
M. Ramsay: Je trouve étrange que tellement de grands-parents demandent ce droit pour pouvoir continuer à faire partie de la famille et garder le contact avec leurs petits-enfants, avec tous les avantages qui en découlent, et que vous vous y opposiez. Je ne comprends pas dans quels intérêts vous agissez. Quels intérêts représentez-vous? Ceux des enfants, ceux des grands-parents ou ceux des parents des enfants?
Je n'ai pas l'impression en tout cas que vous représentez les intérêts des grands-parents parce que vous vous opposez à ce qu'ils demandent. Pourquoi vous opposez-vous à ce que les grands-parents veulent, tant que cela n'empiète pas sur les droits des parents, qui devraient bien sûr passer en premier? Les droits des grands-parents devraient certainement passer en deuxième. Mais tout ce qu'ils demandent, c'est un accès plus facile pour qu'un juge puisse prendre une décision au besoin. Je ne comprends pas pourquoi vous vous opposez à cela.
La décision finale va de toute façon être prise par le juge. Pourquoi vous opposez-vous à cela alors que tellement de grands-parents de tout le pays ont signé des pétitions et ont écrit des lettres pour le demander?
M. Andrew: Je ne sais pas ce que disaient ces pétitions. Si quelqu'un me remettait une pétition pour demander si les grands-parents devraient avoir le droit de voir leurs petits-enfants, je la signerais probablement moi aussi. C'est difficile de dire non.
Ce qui nous inquiète, c'est que les parents en instance de divorce n'auraient pas leur mot à dire autant que les autres parents. En temps normal, si mes parents veulent voir mes enfants et que je ne veux pas, ils ne les voient tout simplement pas. Alors pourquoi est-ce que, simplement parce que des parents demandent le divorce, tout le monde devrait tout à coup avoir les droits que les parents ont normalement, notamment leur mot à dire sur les gens que leurs enfants voient? Les parents sont les gardiens de leurs enfants. Ce sont eux qui prennent les décisions jusqu'à ce que leurs enfants aient un certain âge.
Si ce projet de loi était adopté, les parents en instance de divorce perdraient ce droit. Je ne voudrais pas me répéter, mais dans les rares cas où les parents agissent de façon ridicule et ne réfléchissent pas au meilleur intérêt des enfants, les grands-parents peuvent demander une autorisation. Il s'agit tout simplement de présenter une demande au tribunal.
M. Ramsay: J'y reviendrai.
Le président: Monsieur Regan.
M. Regan (Halifax-Ouest): Merci, monsieur le président.
Monsieur Andrew, je vous remercie d'avoir accepté notre invitation à comparaître.
J'aimerais savoir moi aussi quels intérêts vous représentez. Il me semble que si quelqu'un a quelque chose à gagner du fait que les grands-parents puissent avoir accès plus facilement aux tribunaux dans ce domaine, ou qu'ils jouissent d'un statut particulier devant les tribunaux dans le cadre d'une procédure de divorce et d'une décision relative à la garde, ce sont les avocats spécialisés dans le droit de la famille. Je trouve intéressant de constater que ces avocats s'y opposent, alors qu'ils devraient normalement être heureux que cela se fasse puisque cela leur fournirait plus de travail.
Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet-là?
M. Andrew: Les avantages que nous pourrions retirer de ce projet de loi ne sont pas la première chose qui nous est venue à l'esprit. Quand on nous a demandé nos commentaires sur le sujet, nous étions tout un groupe dans la salle et nous nous sommes tous dit que ce serait horrible. C'est intéressant! Nous nous sommes dit que cela ajouterait tout simplement au coût du divorce, en particulier pour les parents, ou en tout cas pour les parties en présence. Nous n'avons pas pensé à ce que cela signifierait pour nous. Il est intéressant que nous ayons eu cette réaction.
J'ai reçu une lettre de l'association de défense des droits des grands-parents, dans laquelle on nous accusait de fonder notre décision sur nos propres intérêts et sur des considérations financières. Mais en réalité, c'est exactement le contraire. Nous trouvons que le divorce est déjà assez difficile sur le plan émotif et qu'il coûte déjà assez cher. Nous ne voulons pas ajouter encore une autre catégorie d'intervenants.
M. Regan: Certaines personnes nous ont dit que, si les grands-parents avaient automatiquement l'autorisation d'intervenir et s'ils jouissaient d'un statut particulier devant les tribunaux dès le début de la procédure de divorce, il y aurait peut-être moins de procès et moins de problèmes. Croyez-vous que cet argument soit valable?
M. Andrew: Le nombre de cas où les grands-parents se voient refuser l'accès à leurs petits-enfants est tellement minime que cela ne justifie pas une modification aussi profonde de la loi.
Excusez-moi, j'ai oublié ce que je voulais dire. Pourriez-vous répéter votre question?
M. Regan: Ma question était la suivante: certaines personnes nous ont dit que, si les grands-parents avaient le droit de participer dès le départ et qu'ils avaient en gros le même accès aux tribunaux que les parents, cela pourrait permettre de régler certains problèmes à l'avance et même faciliter les choses pendant la procédure de divorce, qui serait alors moins complexe.
Je pense que vous avez répondu à cela, mais si vous voulez continuer...
M. Andrew: Cela pourrait être une conséquence, je suppose, mais ce qui nous inquiète, c'est qu'un couple en instance de divorce devrait aviser tous les couples de grands-parents, peu importe leur nombre, ce qui ajouterait certainement au coût. Cela pourrait avoir un effet sur la grande majorité des grands-parents pour lesquels la loi actuelle ne pose aucun problème parce qu'ils recevraient tout à coup un avis judiciaire chaque fois qu'il y aurait un divorce.
En tant que législateurs, vous devez penser également aux 99 p. 100 de grands-parents qui n'ont pas de problème et qui vont tout à coup recevoir des requêtes en divorce. Je suppose que leur réaction sera d'aller voir un avocat pour savoir quels sont leurs droits et s'ils doivent faire quelque chose. On ne sait pas très bien ce qui se passera s'ils ne font rien.
Est-ce que cela signifie qu'ils n'auront aucun droit? Nous n'en savons rien.
M. Regan: Nous nous sommes demandé si ce projet de loi mettrait les grands-parents sur le même pied que les parents en ce qui concerne la garde et l'accès. Qu'en pensez-vous? Est-ce que les juges ne vont pas dire que les parents devraient toujours représenter le premier choix pour la garde et l'accès? Qu'en pensez-vous?
M. Andrew: À mon avis, le projet de loi les met exactement sur le même pied. L'article 16 de la Loi sur le divorce dit:
- Le tribunal compétent peut, sur demande des époux ou de l'un d'eux ou de toute autre personne,
rendre une ordonnance relative soit à la garde des enfants à charge ou de l'un d'eux, soit à
l'accès auprès de ces enfants, soit aux deux.
- Et ensuite:
- Pour présenter une demande au titre des paragraphes (1) et (2), une personne autre qu'un époux
doit obtenir l'autorisation du tribunal.
Une des choses qui nous inquiète dans ce projet de loi, c'est qu'on le présente comme une mesure qui augmenterait les droits d'accès ou de visite des grands-parents, alors qu'en réalité, il les met simplement sur le même pied que les parents.
M. Regan: Mais dans le système actuel, si un grand-parent obtient une autorisation et qu'il participe au processus, il est exactement sur le même pied que les parents.
M. Andrew: Oui.
M. Regan: Il a le même statut devant le tribunal, et pourtant les tribunaux accordent quand même la préférence aux parents, en général. Est-ce que ce n'est pas le cas, en ce qui concerne la garde des enfants par exemple?
M. Andrew: Oui. Les textes juridiques et leurs effets pratiques peuvent être différents. Tout ce que je dis, c'est que la loi les met exactement sur le même pied. En réalité, si les grands-parents avaient automatiquement un statut particulier, il est certain que les tribunaux régleraient la question de la garde et de l'accès d'abord entre les parents et qu'ils ordonneraient ensuite un certain accès pour les grands-parents à qui on l'aurait refusé. Mais c'est ce qu'ils font déjà.
M. Regan: Connaissez-vous la procédure qui s'applique au Québec? Je suppose qu'il y a également en Colombie-Britannique et dans d'autres provinces des lois provinciales qui portent sur les droits d'accès et de visite des grands-parents.
Il a été question notamment de l'aspect constitutionnel. Lorsque la famille est intacte et que les parents ne divorcent pas, les grands-parents ne pourraient pas demander l'accès en vertu de ce projet de loi et on ne leur accorderait aucun droit à cet égard. Ils ne pourraient pas avoir de droits de visite et d'accès en vertu de la Loi sur le divorce, contrairement à ce qui se passerait en cas de divorce.
J'ai bien l'impression qu'il y a là un problème constitutionnel en ce sens que, puisque le gouvernement fédéral a compétence sur le divorce et sur les questions connexes, est-ce qu'on ne pourrait pas dire que ce projet de loi accorderait des droits aux grands-parents, dans les familles où les parents divorcent, alors que ces droits ne pourraient pas être accordés aux familles intactes?
M. Andrew: C'est un des éléments que j'ai essayé de faire ressortir, à savoir que cela crée une distinction. C'est un des problèmes. Nous n'avons pas vraiment examiné la constitutionnalité du projet de loi comme telle. Nous l'avons seulement étudié du point de vue d'avocats de la pratique spécialisés en droit de la famille.
M. Regan: Avez-vous d'autres genres de solutions à suggérer? Les grands-parents qui s'adressent à nous sentent très nettement qu'ils ont un problème et que le système actuel ne permet pas de le régler, ou alors qu'il est trop complexe, trop lourd et trop coûteux pour eux. Auriez-vous d'autres mécanismes à suggérer, à part ce projet de loi?
M. Andrew: En lisant une partie de la documentation hier soir, je me suis rendu compte qu'il serait peut-être suffisant d'informer les gens qu'ils peuvent présenter une demande au tribunal. Il y a peut-être beaucoup de grands-parents qui pensent qu'ils n'ont aucun statut devant les tribunaux et qu'ils n'ont aucun moyen d'en acquérir un dans les cas de divorce. Il faudrait peut-être simplement un programme de sensibilisation. Je ne pense pas que les demandes afflueraient. Encore une fois, les gens qui ont un problème forment une petite minorité. S'ils étaient au courant du fait qu'ils peuvent présenter une demande au tribunal en vertu de la loi actuelle, ils le feraient peut-être.
Autrement dit, je suppose que les gens qui se retrouvent dans des situations de ce genre iraient voir un avocat pour s'informer de leurs droits. Ils se rendraient peut-être compte que le système ne les rejette pas autant qu'ils le pensent.
M. Ramsay: J'aimerais poursuivre la discussion amorcée par M. Regan.
Monsieur Andrew, prenons le cas hypothétique de grands-parents qui participeraient à un procès. Si ce projet de loi était adopté, ils n'auraient jamais la même position aux yeux du tribunal, sauf s'il y avait une question de garde.
Il serait certainement assez simple que le tribunal demande aux parents s'ils ont des objections, dans le cas où des grands-parents présenteraient une demande pour obtenir des droits d'accès ou de visite. Si oui, le tribunal en tiendrait compte. Et s'ils n'en ont pas, je suis sûr que le tribunal demanderait quelles ont été jusque-là les modalités de visite des grands-parents et d'accès aux enfants, et si les parents auraient des objections à ce que cela se poursuive ou s'ils préféreraient que cela soit modifié. Il me semble que ce ne serait pas compliqué et sûrement pas aussi coûteux qu'on l'a laissé entendre aujourd'hui.
Est-ce qu'il ne s'agirait pas là, à votre avis, d'un mécanisme simple qui permettrait au tribunal de protéger les intérêts des parents et ceux des enfants, sans considérer un seul instant que les grands-parents ont les mêmes droits que les parents vis-à-vis des enfants, sauf s'il est question de garde?
M. Andrew: Je pense que c'est là qu'est le problème de perception; dans 90 p. 100 des cas, il n'est pas nécessaire de poser cette question parce qu'il n'y a pas de problème au sujet de la garde des enfants ou des droits d'accès des grands-parents. Habituellement... et il est faux de dire qu'on peut le «demander au juge», parce que ce qui se passe aujourd'hui dans le cas d'un divorce non contesté, c'est que nous envoyons la paperasse au tribunal et que le juge la lit, la signe et la renvoie.
Le seul moment où la question se pose vraiment, je suppose, c'est si, après un divorce, les grands-parents se rendent compte qu'ils ne peuvent plus voir leurs enfants alors qu'ils n'avaient aucun problème à ce sujet-là avant le divorce. C'est un problème pour les grands-parents, et ils peuvent alors présenter une demande au tribunal.
À l'heure actuelle, dans 90 p. 100 des cas, nous n'avons même pas à aller jusqu'à la procédure que vous avez décrite, c'est-à-dire que le juge doive demander à tous les grands-parents ou aux parents si les grands-parents jouissent d'un accès suffisant, parce que c'est tout simplement le cas. Je suppose que, dans une certaine mesure, si le divorce n'est pas contesté et si tout le monde s'est entendu sur tout, on part du principe que les grands-parents peuvent avoir des contacts avec les enfants sans aucun problème.
En réalité, quand un des deux parents a la garde des enfants ou que ceux-ci ont leur résidence principale chez lui, et que l'autre parent a accès aux enfants, les deux parents ont en fait ce droit d'accès. C'est ce qui se passe normalement.
M. Ramsay: Si je comprends bien ce que vous dites - et je pense que vous avez été assez clair - ce projet de loi répondrait aux préoccupations d'une infime minorité d'environ 10 p. 100 des grands-parents. En temps normal, les grands-parents ont des droits de visite par simple consentement et la question n'est même pas soumise à un juge. Donc, le projet de loi ne s'appliquerait que pour le faible pourcentage des cas où il y a des problèmes et où les grands-parents devraient présenter une demande.
Si le projet de loi doit avoir une influence aussi minime sur le système parce qu'il ne s'appliquera qu'à une petite minorité, pourquoi vous y opposer?
M. Andrew: D'après ce que je comprends, tout le monde devrait être avisé et devrait participer au procès. Autrement dit, si vous êtes automatiquement considéré comme une partie, vous devez être averti qu'il y a un divorce. Cela augmente les dépenses pour les 99 p. 100 de gens, ou quelque chose de ce genre, qui n'ont aucun problème. Il faudrait envoyer un avis aux deux couples de grands-parents, ou même plus.
M. Ramsay: Ce n'est pas ce que nous avons entendu dire ici. Nous avons entendu des points de vue différents sur la nécessité d'envoyer un avis aux grands-parents simplement parce qu'ils ont un statut particulier devant le tribunal. Pensez-vous que, s'ils avaient effectivement un statut particulier devant le tribunal, ils devraient recevoir un avis?
M. Andrew: Oui. Autrement, comment pourraient-ils savoir s'ils sont censés intervenir? Il faut qu'ils soient au courant de la requête présentée au tribunal.
M. Ramsay: Cette question a été soulevée, et certaines personnes nous ont dit que ces avis ne seraient pas nécessairement obligatoires.
Mon temps est écoulé, mais je reviendrai. Merci.
Le président: Vous n'aurez peut-être pas le temps, monsieur Ramsay.
M. Mitchell (Parry Sound - Muskoka): En écoutant votre témoignage... voulez-vous dire que nous n'avons pas besoin de cette loi parce qu'il n'y a pas de problème?
M. Andrew: Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème. Je dis que le problème est très minime et que la loi actuelle permet d'y remédier.
M. Mitchell: Donc, vous dites que s'il y a un problème, il existe déjà une loi qui permet de le régler.
M. Andrew: C'est exact. Je ne voudrais pas simplifier à outrance, mais c'est bien cela.
M. Mitchell: Cela résume en gros votre opinion.
Il y a un point qui me préoccupe. Dans les statistiques que vous avez citées, vous avez parlé de 90 p. 100 et aussi de 99 p. 100. J'aimerais savoir quelle est votre évaluation du problème. S'agit-il simplement d'une impression ou de statistiques? Y a-t-il des données quelconques sur le nombre de grands-parents touchés? Y a-t-il 1 p. 100 des grands-parents qui souffrent de la situation, ou 10 p. 100? Mais est-ce que nous le savons vraiment?
M. Andrew: Nous ne le savons pas vraiment. C'est une simple impression fondée sur mon expérience personnelle. Je pratique depuis 18 ans, et je me souviens de deux cas seulement où des grands-parents sont venus me voir pour obtenir l'accès à leurs petits-enfants.
M. Mitchell: Vous semblez particulièrement préoccupé par le coût des procès et vous dites que nous ne devrions pas envisager d'adopter ce projet de loi s'il entraîne un coût. À mon avis, quoique nous fassions ici... il y a presque toujours un prix à payer pour modifier le Code criminel. Si nous le faisons, c'est parce que nous pensons que les avantages qui en découleront vont excéder les coûts.
Vous dites, vous, qu'il ne vaut pas la peine de dépenser quoi que ce soit pour modifier la loi parce qu'elle n'a pas besoin d'être modifiée; il n'y a pas de problème.
M. Andrew: Nous pensons effectivement qu'il n'y a pas de problème. Les coûts, dans ce cas, sont assumés seulement par les parties au litige, et non par le grand public. En revanche, une modification apportée au Code criminel, si vous voulez vous servir de cet exemple, aurait un effet sur tous les citoyens du Canada. Ce changement-ci toucherait seulement les gens qui veulent obtenir un divorce.
M. Mitchell: Vous dites que les parents non divorcés n'auraient pas les mêmes droits que les parents divorcés, si ce projet de loi était appliqué. Mais il me semble que, de façon générale, les parents passent de toute façon dans une catégorie différente lorsqu'ils divorcent. Si je suis divorcé, il est possible que je n'aie plus accès à mon enfant; si j'étais marié, ce ne serait pas le cas. Donc, je ne vois pas pourquoi il est tellement inhabituel que, en tant que parent divorcé, je n'aie pas le droit de refuser à des grands-parents l'accès à mon enfant. On change de statut quand on divorce, et nous le reconnaissons quand il est question de garde. Pourquoi serait-il si difficile de le reconnaître en ce qui concerne les droits de visite d'un grand-parent?
M. Andrew: Je sais bien qu'on change de statut quand on n'est plus marié, mais divorcé, mais je ne vois pas comment cela devrait avoir de telles conséquences sur les droits et responsabilités des gardiens de ces enfants, pour décider ce qui est dans leurs meilleurs intérêts.
M. Mitchell: Vous dites que, si un grand-parent allait voir un avocat aujourd'hui pour lui faire part des préoccupations dont on nous parle, à nous députés, cet avocat aurait déjà le pouvoir de résoudre le problème de cette personne en vertu de la loi actuelle, sans qu'il soit nécessaire d'adopter une nouvelle loi.
M. Andrew: L'avocat aurait le pouvoir de présenter une demande d'autorisation au tribunal pour que la personne en question puisse participer au processus.
Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'un grand-parent n'ait pas vu un de ses petits-enfants depuis 10 ans et que, dès qu'un divorce s'annoncerait à l'horizon, il veuille tout à coup intervenir; il est possible qu'un juge ne lui accorderait pas l'autorisation d'intervenir. Le grand-parent n'aurait rien fait depuis 10 ans et n'aurait donc pas le droit d'intervenir dans la cause de divorce. Mais c'est une situation exceptionnelle.
Tout le monde est couvert. La loi dit que les autres personnes autorisées peuvent présenter une demande au tribunal, et cela inclut les grands-parents, et tout autre membre de la famille aussi d'ailleurs.
M. Mitchell: Merci. Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Andrew, nous avons commencé avec un peu de retard ce matin. Êtes-vous libre encore 10 minutes?
M. Andrew: Certainement.
Le président: Monsieur Ramsay, voulez-vous poser une autre série de questions, après quoi nous allons continuer encore cinq minutes, puis cinq autres?
M. Ramsay: S'il y a quelqu'un de l'autre côté qui veut poser une question maintenant, je suis tout à fait prêt à lui laisser mon tour.
Le président: D'accord. Monsieur MacLellan.
M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): Monsieur Andrew, merci d'avoir communiqué avec nous ce matin. Votre témoignage a été très utile.
Si vous me le permettez, je voudrais extrapoler sur un des points soulevés, à savoir l'accès au tribunal au moment du divorce, avec le consentement du tribunal, ce qui est le cas actuellement en vertu de la Loi sur le divorce.
Il y a des gens qui nous ont dit, comme vous, que c'est ce qui devrait se faire; il devrait être nécessaire d'obtenir le consentement du tribunal. Il ne devrait pas s'agir d'un droit automatique. Si vous avez dit cela, c'est notamment parce que certaines personnes croient que l'intervention des grands-parents au moment du divorce entraîne de la confusion; vous en avez parlé vous aussi. Il y a aussi le fait que, puisque 90 à 95 p. 100 des divorces se font déjà par consentement entre le mari et la femme, l'intervention des grands-parents pourrait parfois nuire à ce consentement et que, lorsqu'il y a un divorce simple, sans complication, elle pourrait donner lieu à un procès en bonne et due forme.
Il y a également des gens qui disent que les droits des grands-parents ne sont pas vraiment clairs au moment du divorce et qu'ils ne sont pas toujours respectés après coup.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui se passe au Québec, où le Code civil prévoit qu'il est interdit de faire obstacle au droit qu'ont les grands-parents d'entretenir des relations avec leurs petits-enfants; est-ce que ce serait une possibilité - c'est-à-dire d'intervenir au niveau provincial - et quelle est exactement la situation en Ontario?
M. Andrew: Malheureusement, je ne connais pas très bien la loi québécoise, sauf que je sais qu'elle prévoit exactement ce que vous avez dit.
S'il faut une mesure législative pour accorder ces droits aux grands-parents - je ne sais pas si le Code civil accorde en fait des droits aux grands-parents ou s'il précise seulement que les parents ne peuvent pas aller à l'encontre de ces droits - alors à mon avis, sans avoir réfléchi à la question jusqu'à ce que vous me la posiez, je dirais qu'il pourrait être beaucoup plus approprié de prévoir une mesure de ce genre ailleurs que dans une loi sur le divorce parce qu'elle couvrirait alors tout le monde également. Elle ne s'appliquerait pas seulement aux gens qui divorcent ou à ceux qui se marient, mais à toutes les situations dans lesquelles on retrouve des grands-parents.
À mon avis, il importe peu que les petits-enfants soient issus de gens qui sont mariés ou qui vivent en union de fait, ou peut-être même pas. Les enfants sont des enfants, et les grands-parents sont des grands-parents; c'est aussi simple que cela.
Si on envisageait la question sous cet angle plus général, il serait peut-être plus logique de l'inclure dans une loi tout à fait distincte.
J'en reviens toujours à la même chose: malgré ce qu'on me dit au sujet des pétitions et de tout le reste, je ne pense pas que ce soit un énorme problème.
Si vous voulez parler seulement des cas où les parties sont retranchées dans leur position, il y a des gens, dans les causes de divorce, qui ne peuvent même pas s'entendre pour dire quel jour on est. Ils se battent jusqu'au bout. Nous craignons que ce projet de loi soit appliqué de cette façon-là, dans ce genre de situations-là.
Si vous voulez parler des intérêts des enfants, ce n'est pas une bataille judiciaire qui va aider si elle dure plusieurs années et si tout le monde reste sur ses positions, y compris les grands-parents.
Je ne sais pas si cela répond à votre question.
M. MacLellan: Oui, c'est très utile. Merci.
M. Ramsay: Je remercie M. MacLellan de son intervention.
L'article 611 du Code civil du Québec se lit comme ceci:
- Les père et mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles de
l'enfant avec ses grands-parents.
Nous avons entendu hier un témoin du Québec, et j'ai eu là aussi de la difficulté à comprendre pourquoi ce projet de loi suscite autant d'opposition; sur ce point-là, vous étiez d'accord avec ce témoin.
Si j'ai bien compris, vous semblez reconnaître que cette loi québécoise ne crée pas les problèmes que le projet de loi pourrait susciter à votre avis; vous semblez dire que vous seriez d'accord si une mesure de ce genre s'appliquait à l'ensemble de la population, mais que vous n'êtes pas prêt à appuyer le projet de loi... Si cette disposition s'appliquait à tous les grands-parents du Canada, vous vous retrouveriez avec la même situation dans les causes de divorce, en ce sens que les grands-parents auraient des droits d'accès, du moins dans ce cas, par l'entremise du tribunal et seulement sur approbation du tribunal.
Il me semble qu'il y a ici deux poids, deux mesures. J'essaie de comprendre le raisonnement qui sous-tend les arguments présentés au Comité ce matin et hier; je ne vois vraiment pas pourquoi vous pouvez appuyer cela d'un côté et pas de l'autre. Je ne comprends tout simplement pas.
M. Andrew: Soyons clairs: ma réponse à votre dernière question portait sur quelque chose que la Section nationale du droit de la famille dans son ensemble n'a pas examiné. Je réfléchissais tout haut, c'est tout. Je ne sais même pas si la loi québécoise s'applique dans le contexte d'un divorce, ou s'il s'agit simplement d'une loi générale qui s'applique à tout le monde. Si c'est le cas, mon argument tient toujours: pourquoi devrions-nous établir une distinction pour les gens qui demandent le divorce?
M. Ramsay: Donc, si le projet de loi était élargi de façon à tenir compte de cette préoccupation, est-ce que vous seriez prêt à l'appuyer?
M. Andrew: C'est impossible, parce qu'il s'agit d'une modification proposée à la Loi sur le divorce.
M. Ramsay: Ce que je veux savoir, je suppose, c'est si vous seriez prêt à appuyer un projet de loi qui irait dans ce sens-là.
M. Andrew: Je ne peux vraiment pas vous le dire. Je ne vois pas comment cela pourrait se faire. Nous devrions étudier la question. Je ne peux pas répondre à une question hypothétique comme celle-là.
M. Ramsay: Soyons donc moins hypothétiques. J'en reviens à l'article 611, qui rend bien l'esprit du projet de loi, il me semble. Cette disposition existe déjà dans la province de Québec, où il y a environ 7 millions de personnes, dont bon nombre de grands-parents qui ont des droits d'accès et qui profitent de cette loi. Et pourtant, quand nous tentons de garantir des droits semblables aux grands-parents dans une loi fédérale, vous et votre organisation vous y opposez, tout comme le spécialiste québécois du droit de la famille qui a comparu hier. Je ne comprends pas. Je ne vois vraiment pas pourquoi vous pouvez approuver l'esprit de l'article 611, au Québec, mais pas la modification proposée à la loi fédérale sur le divorce. Je ne comprends pas.
Ce n'est pas une question hypothétique. Si vous pouvez m'aider, je vous en serais reconnaissant.
M. Andrew: Pour être juste pour tout le monde, je ne pense pas pouvoir vous aider. Je ne connais pas cette loi-là. Je ne crois pas qu'il soit juste que je vous donne une réponse en l'air. Je ne sais même pas dans quel contexte se situe l'article 611. Mais je peux certainement examiner la question et présenter quelque chose d'autre au Comité au nom de la section.
M. Ramsay: Pourriez-vous le faire? Je vous en serais reconnaissant, peut-être après que vous aurez examiné le Code civil du Québec. D'ailleurs, quand j'ai lu votre exposé au Comité, j'ai supposé que vous aviez tenu compte des lois provinciales de ce genre.
M. Andrew: Malheureusement non. Les lois provinciales sont différentes dans chaque province. Ce serait une tâche herculéenne de les comparer toutes, dans toutes les situations.
Le président: M. Ramsay voudrait avoir une précision.
M. Ramsay: Une petite précision, monsieur Andrew. Je pense qu'il est important d'indiquer que l'article 611 du Code civil du Québec porte sur les droits relatifs aux relations entre grands-parents et petits-enfants, dans une loi provinciale. Cette loi n'accorde en aucune façon aux grands-parents l'égalité d'accès en vertu de la Loi sur le divorce, pas plus au Québec que dans n'importe quelle autre province du Canada. À l'heure actuelle, le gouvernement canadien n'a pas le pouvoir, que ce soit en vertu de la Loi sur le divorce ou de quelque autre façon, de garantir un accès égal à tous les grands-parents, mais plus particulièrement dans le cadre de la Loi sur le divorce.
Le président: Merci, monsieur Andrew, d'avoir comparu devant notre comité aujourd'hui et de nous avoir présenté le point de vue de la Section nationale du droit de la famille. Je remercie également Mme Thomson d'être venue.
Le comité de direction va maintenant tenir une courte séance.
[La séance se poursuit à huis clos]