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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 octobre 1995

.1105

[Traduction]

Le président: Nous poursuivons l'étude du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur les divorces.

Aujourd'hui nous recevons des représentantes de la National Association of Women and the Law, Lisa Addario et Michelle Smith. Je vous ai expliqué notre façon de procéder et je crois que vous avez une déclaration à nous faire. Ensuite nous passerons aux questions. Je vous en prie.

Mme Lisa Addario (directrice intérimaire de la législation, Association nationale de la femme et du droit): Merci monsieur le président. Je m'appelle Lisa Addario et je suis la directrice intérimaire de la législation de l'Association nationale de la femme et du droit. Je suis accompagnée de Michelle Smith qui exerce le droit de la famille à Ottawa et qui est également membre de notre association.

[Français]

J'aimerais dire d'abord que je suis désolée que notre document ne soit pas disponible en français présentement.

[Traduction]

J'aimerais vous demander que notre mémoire, qui vous a été distribué, soit versé au dossier et ainsi vous en aurez la version française dans le compte rendu de votre réunion.

Le président: Très bien.

Mme Addario: L'Association nationale de la femme et du droit est un organisme féministe national à but non lucratif, qui est actif dans les domaines de la recherche juridique, de l'éducation et de la réforme du droit.

Nous comptons parmi nos membres des avocats, des professeurs de droit, des étudiants en droit et toute sorte d'autres personnes issues d'horizons différents et nous apportant des perspectives différentes mais qui partagent toutes le même objectif: l'égalité des sexes.

Notre association et ses différents groupes s'est fait entendre sur des questions comme les droits de la personne, le droit de la famille, le droit fiscal, les dispositions sur les agressions sexuelles dans le Code criminel et les dispositions d'égalité dans la Charte des droits et des libertés.

Étant donné notre intérêt, et notre savoir, pour les questions touchant aux droits juridiques des femmes, nous sommes heureuses de comparaître aujourd'hui devant votre comité.

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J'aimerais commencer par dire qu'il ne faudrait pas interpréter notre opposition au projet de loi C-232 comme une opposition à un lien étroit entre grands-parents et petits-enfants mais qu'un lien juridique existe déjà dans la loi qui accorde aux grands-parents des droits d'accès et de garde.

On trouve ces dispositions dans l'article 16 de la Loi sur le divorce, une codification du droit coutumier ou common law qui stipule que l'existence de liens étroits établis et avérés entre un grand-parent et son petit-fils et sa petite-fille lui donne un droit d'accès ou de garde s'il le désire. Nous estimons donc que les dispositions de l'article 16 de la Loi sur le divorce accordent déjà ce que propose le projet de loi C-232.

Sur le plan de la procédure, la seule différence c'est qu'en vertu des dispositions actuelles le grand-parent doit obtenir une autorisation du tribunal avant de faire une telle requête. L'étude des jugements montre que chaque fois que de toute évidence une telle requête est justifiée le tribunal en autorise la présentation.

En conséquence, nous considérons que c'est une condition raisonnable et nullement restrictive. Cependant nous considérons que c'est un critère important pour les tribunaux car il leur permet d'examiner les motifs de requête de garde ou d'accès présentés par les grands-parents. Si des liens étroits entre grands-parents et petits-enfants sont avérés, les tribunaux n'hésitent pas un instant à autoriser ces requêtes. Cependant, nous craignons que dans de nombreux cas le motif de la requête du grand-parent n'a pas pour but de s'occuper de l'enfant mais plutôt de permettre au parent qui n'a pas le droit de garde d'avoir un plus grand accès que celui qu'a pu lui accorder le tribunal. Dans plus de 70 p. 100 des cas c'est à la mère que le droit de garde est accordé.

Dans de nombreux cas, le droit d'accès des grands-parents - les preuves ne sont pas empiriques elles sont fondées sur les dossiers du mouvement des foyers d'accueil pour femmes battues - est une stratégie concoctée par les pères qui se servent de leurs parents ou des parents de leur ex-conjointe dans la lutte qu'ils engagent contre les mères. En conséquence, le projet de loi C-232 retire aux tribunaux un outil d'évaluation important.

Deuxièmement, ce projet de loi met les grands-parents sur un pied d'égalité avec les parents qui demandent la garde de leurs enfants. Assurément, les grands-parents sont des membres importants et précieux dans la vie familiale d'un enfant. Mais il ne faudrait pas pour autant écarter la notion de présomption favorable au parent principalement responsable d'élever l'enfant. C'est une présomption autorisée par la loi actuelle et nous estimons qu'elle protège les intérêts de l'enfant.

À notre avis, dans de nombreux cas, pas toujours bien sûr, les meilleurs intérêts de l'enfant sont intimement liés à la personne principalement responsable de leur prodiguer des soins, généralement les mères, et il est indispensable que tout texte de loi le rappelle. Je vous renvoie à la page 4 de notre mémoire, aux commentaires de Mme le juge L'Heureux-Dubé relatifs à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Young c. Young. Elle donne les raisons justifiant cette présomption pour servir au mieux les intérêts de l'enfant.

Nous craignons que l'élimination de cette présomption en faveur du parent qui s'occupe le plus de l'enfant n'incite les tribunaux à accorder la garde à un grand-parent sur la base de facteurs auxquels Madame la juge L'Heureux-Dubé fait allusion qui accorde plus d'importance au style de vie qu'à cette réalité.

Je crois que le témoin qui nous a précédés à fait allusion à l'incidence de certaines religions sur les décisions des tribunaux. J'ajouterais à ces facteurs l'argent, les handicaps et les orientations sexuelles. Les tribunaux pourraient être influencés par certains de ces facteurs si cette notion de présomption favorable au parent principalement responsable d'élever l'enfant, est supprimée de la loi.

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Nous estimons que ces facteurs, qui autrement n'auraient pas d'incidence sur la décision du tribunal, qui a tendance à juger en faveur du parent qui s'occupe le plus de l'enfant, risque d'avoir une influence excessive. Le fait est que ces facteurs ne sont pas pertinents.

Le tribunal ne devrait pas tenir compte du mode de vie d'un parent dans sa décision concernant l'intérêt de l'enfant.

À cet égard, nous vous rappelons ce que Bertha Wilson, ancienne juge de la Cour suprême, a dit en 1990.

Pour toutes ces raisons, l'Association nationale de la femme et du droit ne considère pas que le projet de loi C-232 soit dans l'intérêt de l'enfant.

Le président: Merci.

[Français]

Madame Venne, vous avez dix minutes.

Mme Venne (Saint-Hubert): J'aimerais d'abord vous parler du paragraphe 1(2) qui modifierait le paragraphe 16(5) et accorderait aux grands-parents la possibilité de

Vous avez le projet de loi devant vous?

[Traduction]

Mme Addario: Oui.

[Français]

Mme Venne: Donc, vous pouvez voir qu'on accorde aux grands-parents la possibilité de

Si cette modification était apportée à la Loi sur le divorce, les grands-parents de l'enfant de parents divorcés pourraient avoir le droit d'obtenir des renseignements que les grands-parents d'un enfant de parents non divorcés ne peuvent pas obtenir.

De plus, ce paragraphe empiète directement sur le champ de compétence du Québec en matière de protection des renseignements médicaux et scolaires. En effet, nous avons déjà, au Québec, la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels. J'aimerais donc savoir ce que vous pensez de ce paragraphe 1(2).

[Traduction]

Mme Addario: La Loi sur le divorce s'applique uniquement aux actions en divorce entre deux personnes qui sont mariées. La question de la garde des enfants et les droits de visite peut survenir dans l'un ou l'autre des trois cas suivants: comme mesure accessoire dans une action de divorce entre les parents, comme une question lorsque les parents sont mariés mais aucune requête de divorce n'a été déposée, et comme question entre deux parties qui n'ont jamais été mariées.

Puisque le divorce ne concerne que des personnes mariées, l'action en divorce n'est pas la tribune voulue pour un grand-parent qui veut avoir davantage d'accès à son petit-enfant. Il vaut mieux faire appel à la loi provinciale, qui décide ces questions lorsque les parents ne sont pas mariés, par exemple s'il y a un litige entre un parent et un petit-enfant.

Cela dit, vous avez raison de dire que la Loi sur le divorce se limite à la question du divorce, qui se trouve dans une loi fédérale. C'est la loi provinciale qui prévoit la garde des enfants et les droits de visite et qui permettrait à un grand-parent d'avoir la garde de l'enfant ou d'améliorer son accès auprès de l'enfant.

[Français]

Mme Venne: Le but du projet de loi est évidemment de simplifier l'intervention des grands-parents lors d'une procédure de divorce de sorte qu'ils n'aient plus à demander au tribunal l'autorisation de présenter une requête visant à obtenir la garde de leurs petits-enfants.

Si on adoptait ce projet de loi, est-ce qu'on devrait préciser les types de grands-parents? Est-ce qu'on devrait y inclure les grands-parents de jure, les grands-parents biologiques? Qu'en pensez-vous?

Mme Michelle Smith (National Association of Women and the Law): On ne les précise pas.

Mme Venne: Actuellement, non, mais est-ce que vous croyez qu'on devrait les préciser? Il peut y en avoir plusieurs.

Mme Smith: Voulez-vous parler des grands-parents maternels et des grands-parents paternels? Je ne comprends pas.

.1120

Mme Venne: Non. Il y a des grands-parents de droit qui sont les grands-parents par suite du mariage et il y a également, dans certains cas, les grands-parents biologiques. C'est dans ce sens-là que je vous dis qu'on peut se retrouver, du côté maternel, avec des grands-parents de droit et des grands-parents biologiques.

Mme Smith: À la suite d'une adoption ou...?

Mme Venne: Non. Prenons l'exemple d'un couple qui divorce. Les grands-parents des enfants du couple qui divorce existent de droit.

Mme Smith: Oui.

Mme Venne: Et ensuite il peut y avoir d'autres grands-parents qui s'ajoutent.

Mme Smith: À la suite d'autres mariages.

Mme Venne: Oui. Et si les enfants sont adoptés, il peut y avoir aussi les grands-parents biologiques.

Mme Smith: Cela compliquerait les choses.

Mme Venne: Ne trouvez-vous pas, plutôt, que cela éclaircirait les choses que de savoir qui va être le grand-parent? Ça ne vous pose pas de problème qu'il y ait plusieurs grands-parents?

[Traduction]

Mme Smith: Si, j'y vois un problème. Vous soulevez la question de la complexité de définir qui est un grand-parent. À mon avis, cela ne fait que renforcer les problèmes qui sont créés si l'on permet à d'autres parties d'intervenir dans une action en divorce. Nous nous opposons à ce projet de loi parce qu'il compliquerait la situation. Après tout, l'action en divorce vise à déterminer ce qui est de l'intérêt de l'enfant. Or, l'intérêt de l'enfant n'est certainement pas compatible avec les procédures judiciaires très longues pour déterminer quel grand-parent a quels droits.

[Français]

Mme Venne: Je vous remercie, madame. C'est tout, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Madame Jennings.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Bonjour madame Addario et madame Smith.

Il y a quelques points qui m'inquiètent. Êtes-vous avocate, madame Addario?

Mme Addario: Oui.

Mme Jennings: Avez-vous déjà représenté des grands-parents devant les tribunaux?

Mme Addario: Non.

Mme Jennings: Vous n'avez jamais représenté des grands-parents?

Mme Addario: Aucun grand-parent ne m'a jamais demandé de le représenter devant les tribunaux.

Mme Jennings: Avez-vous voyagé au Canada pour parler avec des grands-parents, ou avez-vous eu des expériences personnelles dans ce domaine?

Mme Addario: J'ai des grands-parents, mon mari aussi. Je connais d'autres grands-parents, et ils vivent dans toutes les régions du pays.

Mme Jennings: Mais vous n'avez pas voyagé dans les différentes régions du pays pour parler aux gens pour savoir si la question des droits des grands-parents constitue un problème?

Mme Addario: À mon avis, la question n'est pas de savoir si oui ou non il s'agit d'un problème au pays. La question est de savoir si oui ou non la Loi sur le divorce est la bonne mesure législative pour présenter un tel amendement.

Mme Jennings: Je vois ce que vous voulez dire.

Je ne suis pas avocate, madame Addario. J'ai été élue par la population, et il m'importe d'essayer de corriger certains problèmes dont on me parle. Lors de mes voyages, j'ai constaté que cette question fait l'objet de beaucoup de controverses. J'ai parlé à des grands-parents d'un océan à l'autre, et il y a eu des milliers de pétitions qui ont été envoyées aux parlementaires non seulement pendant cette législature, mais également pendant les deux dernières. En dehors de la question des pensions, le problème prioritaire des grands-parents auxquels j'ai parlé - et j'ai parlé à beaucoup - c'est qu'ils ne peuvent pas voir leurs petits-enfants.

Beaucoup d'entre eux ont des revenus limités - beaucoup sont retraités - donc ils ne peuvent pas intenter de poursuites judiciaires. Et s'ils le font, ils se sentent coupables, ce qui est normal dans le cadre d'une famille. On ne veut pas intenter des poursuites judiciaires contre sa propre famille. Donc les grands-parents se sentent coupables. S'ils ne savent pas au moment du divorce qu'un problème se posera, ils ne voient pas de raison d'intenter des poursuites. Le problème risque de surgir plus tard lors du remariage de la bru ou du gendre.

À votre avis, pourquoi est-ce qu'on...? Pourquoi nous dites-vous qu'en premier lieu il n'y a pas de problème et en deuxième lieu que s'il existe un problème, on peut le régler en vertu des lois actuelles. Je viens de vous dire que ce n'est pas le cas. Est-ce que tous ces grands-parents ont tort?

Mme Addario: J'essaie toujours d'être respectueuse à l'égard des aînés, madame Jennings. Je ne dirai pas que tous les grands-parents ont tort. Je suis d'accord avec vous pour dire que le problème se pose plus tard. C'est la loi provinciale qui est censée le régler. La Loi sur le divorce ne porte que sur le moment du divorce. Vous avez dit que le problème surgit après l'octroi du divorce. La question ne relève donc pas de la Loi sur le divorce, mais plutôt de la loi provinciale. C'est donc à la loi provinciale qu'il faut avoir recours.

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Je ne crois avoir dit qu'il n'y avait pas de problème. Ce que j'ai dit, c'est qu'en cas de problème, les grands-parents ont déjà un recours légal puisqu'ils peuvent s'adresser au tribunal.

Mme Smith: J'aimerais ajouter quelque chose, j'exerce le droit de la famille et j'ai eu l'occasion de parler à des grands-parents. Je me souviens d'un cas où j'ai aidé une grand-mère alors que les parents étaient encore mariés. Pour les grands-parents le problème ne surgit pas seulement en cas de divorce.

Vous avez parlé des grands-parents qui n'ont pas suffisamment de revenus pour intenter des poursuites. Une demande de garde devant une cour provinciale de l'Ontario ne coûte rien. En fait, dans le cas de la grand-mère dont je viens de parler, j'étais de garde à l'assistance judiciaire et je l'ai aidé à rédiger les documents qu'elle a ensuite déposés gratuitement. Il s'agissait d'une demande d'accès.

Lorsqu'il s'agit d'un divorce devant la cour de l'Ontario, division générale, il y a des frais. Par conséquent, même si les grands-parents décident de présenter leur demande dans le cadre de la procédure des divorces, cela coûte quelque chose.

Mme Jennings: Merci.

Ma question suivante porte sur deux questions qui semblent surgir fréquemment: d'une part la complexité et d'autre part le coût.

J'ai discuté du facteur coût et expliqué que les grands-parents n'ont souvent pas les ressources nécessaires pour intenter des poursuites. J'ai parlé à des grands-parents dans tout le pays, des gens qui ont dû débourser de 22 000$ à 38 000$ et même à 40 000$ et faire appel au service d'avocats. Ce sont des histoires effrayantes. Si votre comité le souhaite, je peux lui soumettre des preuves de ce que je dis, des listes de coût. Le coût est certainement un facteur. Quand on agit dans le cadre d'un divorce, c'est parfois l'un des parents qui doit payer pour un grand-parent. Il faut garder cela à l'esprit.

Il ne faut pas oublier non plus que beaucoup de grands-parents n'ont pas droit à l'assistance judiciaire parce qu'ils sont propriétaires de leur maison. Ils sont loin d'être riches mais ils ont les moyens de subsister mais par conséquent, ils n'ont pas droit à l'assistance judiciaire.

En ce qui concerne la complexité, je pense que c'est réaliste - la prolongation de la durée du procès. Si on autorise les grands-parents à parler pendant quinze minutes, cela peut durer des jours et des jours. Très souvent ces procédures se déroulent devant une cour provinciale de la famille, il n'y a donc pas d'avocats. Si on les y autorise, les grands-parents peuvent se lever et parler.

Toujours au sujet de la complexité, à l'heure actuelle dans les tribunaux il y a des travailleurs sociaux, des psychologues, des spécialistes des enfants, toutes sortes de gens qui travaillent pour le gouvernement et pourtant, personne n'est là pour défendre le rôle de la famille ou pour préserver l'accès de l'enfant à sa famille, une notion pour laquelle nous avons durement lutter aux Nations-Unies. Il est donc étrange de penser qu'on veuille empêcher les grands-parents d'être présents au tribunal alors que tous ces gens-là s'y trouvent. En effet, ce sont les grands-parents qui s'occupent de l'enfant et qui s'en occuperont pendant le reste de leur vie. Pouvez-vous expliquer cela?

Mme Addario: Pour commencer, ce n'est pas parce que vous ne devez pas demander la permission du tribunal pour garder la garde d'un enfant que vous allez diminuer les chances d'une demande de garde qui coûte 22 000$. La majeure partie de cet argent ne servira pas à faire rejeter une autorisation de faire demander la garde.

Mme Jennings: Je précise que les coûts s'appliquent à toute la procédure de demandes de garde, jusqu'à la fin, et non pas la permission...

Mme Addario: Ce que j'essaie d'expliquer, c'est que ce projet de loi ne va pas vraiment faire baisser les coûts.

Deuxièmement, je ne comprends pas pourquoi vous dites que personne ne défend les intérêts de la famille. On suppose qu'il y a deux parents, ou du moins un parent principal et un autre parent, et que ceux-ci défendent les intérêts de la famille.

Le tribunal est libre de considérer l'intérêt de l'enfant et, à mon avis, c'est une notion qui va suffisamment loin pour englober les intérêts des grands-parents. Je ne suis donc pas d'accord avec vous quand vous dites que personne ne tient compte des intérêts de la famille.

Michelle, si vous avez quelque chose à ajouter, cela pourrait être très utile.

Mme Smith: En ce qui concerne les coûts, les grands-parents devront toujours payer un avocat. Comment pensez-vous qu'ils puissent s'en dispenser?

Mme Jennings: Pour commencer, le grand-parent n'est pas tenu de se faire représenter par un avocat. J'ai souvent exposé mon cas moi-même, sans un avocat, devant un tribunal. Par conséquent, dans une cour de la famille, le grand-parent n'est certainement pas forcé de se faire représenter par un avocat. À l'heure actuelle, en Colombie-Britannique, les gens exposent souvent leur cas en présence d'un avocat.

Mme Addario: Vous voulez dire qu'avec ce projet de loi les grands-parents n'auront pas besoin d'avocat pour comparaître et demander une garde ou un accès accru.

Mme Jennings: Ce que je dis, c'est qu'ils n'ont pas forcément besoin de se faire accompagner d'un avocat. S'ils sont reconnus par un tribunal, si on a accepté d'entendre leur cause, ils peuvent expliquer leur cause devant le juge qui prendra ensuite une décision dans l'intérêt de l'enfant.

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Vous dites que si les grands-parents ne sont pas présents, le juge devra tout de même les faire entrer dans l'équation. À mon avis, si les grands-parents ne sont pas là pour défendre leur cause, le juge ne tient pas compte d'eux.

Mme Addario: Madame Jennings, aux termes de la loi actuelle sur le divorce les grands-parents sont autorisés à défendre leur cause.

Mme Jennings: Seulement s'ils sont au courant.

Mme Addario: Vous voulez dire qu'avec ce projet de loi les parents seront tenus d'acquitter les frais nécessaires pour que les grands-parents soient prévenus de l'existence d'une procédure de divorce?

Mme Jennings: Ce que je vous dis, c'est qu'il en coûte bien moins de signifier une convocation à un grand-parent, peut-être 50$ et probablement moins, qu'il ne leur en coûterait à eux. C'est seulement le coût de la signification. Je m'y connais un peu car j'ai travaillé dans ce secteur pendant quelques années. Une notification, c'est loin d'être la même chose qu'une procédure devant un tribunal même si la loi prévoit que les grands-parents ont ce droit.

Ils entament donc de nouvelles poursuites, ils obtiennent une nouvelle date d'audience, probablement avec un nouveau juge, et à ce stade, il faut également compter avec des avocats. C'est un inconvénient pour eux. Tout cela pourrait se faire rapidement en même temps que la procédure de divorce. Tous les grands-parents ne souhaitent pas entamer des poursuites.

Mme Addario: Légalement, qui est responsable de la notification ou de payer ces frais?

Mme Jennings: Je ne tiens pas du tout à discuter des détails juridiques, je ne suis pas avocate et je refuse d'entrer dans ce jeu.

Mme Addario: Vous semblez partir d'une hypothèse que je ne comprends pas. Vous dites que quelqu'un est responsable de notifier les grands-parents.

Mme Jennings: Le conseiller législatif de la Chambre des communes m'a dit hier que les grands-parents devraient forcément être notifiés. Si c'est le cas, peut-être les parents auront-ils cette responsabilité. Or, en pareil cas, ce serait beaucoup moins difficile et beaucoup moins coûteux pour les parents, parce qu'en l'absence de cette notification, ils pourraient faire plus tard l'objet de nouvelles poursuites.

Mme Addario: J'ai du mal à comprendre qu'on force les parents à payer le coût de la notification de leurs propres parents, et cela, simplement parce qu'une loi donne un droit aux grands-parents. Cela est loin d'être clair.

Mme Jennings: Je crois que vous m'avez mal comprise. Je n'ai pas dit qu'ils devraient payer les coûts. J'ai dit qu'on pourrait envisager cette éventualité. Si c'était le cas, à long terme, cela leur coûterait beaucoup moins cher, en argent et autre, si c'était réglé au moment du divorce que si c'était réglé plus tard. Plus tard, ce sont de nouvelles poursuites, une procédure qui coûte très cher aux contribuables et à tout le monde.

Mme Smith: Mais en vertu de la loi actuelle ils peuvent toujours participer aux délibérations. Il leur suffit de leur demander.

Mme Jennings: Mais il faut qu'ils soient au courant de la possibilité. C'est là le problème.

Mme Smith: Un problème qui existerait quand même.

Mme Jennings: Seulement s'ils le savent.

Le président: Madame Jennings, peut-être pourriez-vous nous dire ce qui est en l'occurence le conseiller législatif.

Mme Jennings: C'est M. Côté.

Le président: Vos dix minutes sont écoulées.

Mme Jennings: Merci.

Le président: Monsieur Regan.

M. Regan (Halifax-Ouest): Merci, monsieur le président.

Madame Addario, merci d'être venue aujourd'hui. J'ai beaucoup apprécié votre exposé et j'aimerais vous demander un complément d'information sur les évènements qui ont conduit l'Association nationale de la femme et du droit à adopter cette position? Comment a-t-elle été élaborée? Quels contacts avez-vous eus avec vos différents groupes dans le pays?

Mme Addario: Nous avons un groupe de travail composé d'avocats qui exercent le droit de la famille. Pour élaborer cette position, j'ai consulté trois avocats spécialisés dans le droit de la famille, un avocat qui n'exercent pas le droit et un professeur de droit à l'Université de Victoria.

M. Regan: J'avais eu l'impression que la position émanait d'un grand nombre de groupes différents qui s'étaient choisis des représentants. Est-ce ainsi que les choses fonctionnent? Comment vous y prenez-vous en général?

Mme Addario: Nous sommes une association de particuliers. Nous ne sommes pas une association de groupes.

Lorsque les gens deviennent membres de l'Association nationale de la femme et du droit ils précisent qu'elles sont les secteurs de l'égalité des sexes qui les intéressent particulièrement. Cela peut aller du Code criminel au droit de la famille, aux droits des enfants et aux droits de la personne.

J'ai contacté tous ceux qui avaient manifesté un intérêt pour le droit de la famille et j'ai discuté avec eux de ces dispositions. Voilà comment nous avons élaboré la position que nous défendons dans ce mémoire.

M. Regan: Excusez-moi, mais j'avais l'impression que vous regroupiez plusieurs chapitres, car je sais qu'à la faculté de droit de Dalhousie il y a des réunions consacrées à la femme et au droit.

Mme Addario: Effectivement, nous avons des caucus régionaux, c'est exact.

M. Regan: Vous avez des caucus régionaux. Je me demandais si les choses fonctionnaient de cette façon-là. Ce n'est pas tout à fait ainsi.

Avez-vous réfléchi aux aspects constitutionnels de cette question? Aujourd'hui nous avons entendu parler du Code civil du Québec et on s'est demandé s'il ne valait pas mieux procèder avec une loi provinciale au lieu de la Loi sur le divorce. Vous pensez, de votre côté, qu'il ne faut pas se servir de la Loi sur le divorce.

Ce qui me frappe, c'est que si nous modifions la Loi sur le divorce, il ne s'agira plus uniquement des drois des deux parties à un divorce. Ça devient quelque chose de beaucoup plus vaste, et vous créez des droits pour les grands-parents lorsqu'il y a un divorce qu'ils n'ont pas lorsque la famille est intacte.

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Vous êtes-vous demandé s'il y aurait un problème constitutionnel en ce qui concerne...? Est-ce qu'une telle mesure serait au delà des pouvoirs du gouvernement fédéral?

Mme Addario: Dans la mesure où un tribunal aurait à prendre position sur des questions d'accès et sur les droits qu'auraient un parent de demander des renseignements sur l'éducation et le bien-être de l'enfant il se peut très bien qu'une telle mesure empiètre sur les lois provinciales.

M. Regan: Je pense que mon collègue a quelques questions à vous poser.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): J'aimerais dire quelque chose. J'aimerais démêler les opinions divergentes que nous avons reçu du conseiller législatif et d'un autre groupe d'avocats au sujet du droit de notification.

Le président: Je pense que le témoin de cet après-midi est un professeur de droit; nous pourrons donc démêler cette question cet après-midi.

M. Knutson: Nous pourrions peut-être demander au conseiller législatif de nous envoyer ses raisons.

Le président: Nous en discuterons avec le conseil législatif pour voir.

M. Knutson: Auriez-vous l'obligeance de m'expliquer un cas typique en vertu de la loi ontarienne? Je ne suis pas un avocat en droit familial.

Je crois savoir que normalement lorsqu'un couple a des problèmes et décide de se séparer, c'est la loi provinciale qui s'applique pour déterminer l'accès, la garde, etc. Il peut y avoir une entente de séparation puis, plus tard, au moment propice, le couple demande un divorce. C'est alors que s'applique la Loi sur le divorce.

Quels sont les droits des grands-parents? Que doivent-ils faire s'ils ont un problème?

Mme Smith: Tout d'abord, c'est un scénario courant, mais ce n'est pas le seul.

M. Knutson: Très bien.

Mme Smith: Lorsque le couple commence à avoir des problèmes, un conjoint peut immédiatement demander le divorce. Si les grands-parents s'occupaient de l'enfant, ils peuvent alors s'en mêler soit en demandant l'autorisation ou, si la démarche est entreprise en vertu d'une loi provinciale, soit parce que le couple n'est pas marié ou est marié mais ne demande pas le divorce, ils peuvent être reconnus comme partie.

Si l'enfant vit avec les grands-parents, ceux-ci deviennent alors partie, si quelqu'un d'autre demande la garde. Mais s'ils veulent simplement être impliqués, ils peuvent demander à être reconnus comme partie.

Mme Addario: Pour ce qui est de savoir si c'est la loi fédérale ou la loi provinciale qui s'applique lorsque quelqu'un demande la garde au moment du divorce...

M. Knutson: Supposons simplement que les grands-parents demandent un droit d'accès.

Mme Addario: Les questions d'accès peuvent être déterminées soit au moment où le couple divorce et dans ce cas un grand-parent peut demander au tribunal l'autorisation de présenter une demande d'accès ou de garde en vertu de l'article 16 de la Loi sur le divorce, ou après le mariage, et alors la loi provinciale permet à un grand-parent de demander l'accès ou la garde.

M. Knutson: Vous disiez qu'à l'heure actuelle, la Loi sur le divorce établit des critères qu'un grand-parent doit respecter et ce afin d'éliminer les demandes présentées pour de mauvaises raisons. Est-ce que la loi provinciale contient également ces critères?

Mme Smith: Non.

M. Knutson: Alors les grands-parents sont libres de présenter une demande?

Mme Smith: N'importe qui peut demander la garde ou l'accès en vertu de la loi provinciale de l'Ontario.

M. Knutson: Très bien. Un témoin précédent nous a dit que le moment du divorce est probablement le pire moment pour essayer de régler ces questions car la relation a tellement souffert qu'il n'est pas souhaitable de faire intervenir plus de personnes qu'il n'en faut absolument pour régler les détails du divorce. Il faut donner aux conjoints le temps de se remettre, de retrouver un certain équilibre. Est-ce également votre avis?

Mme Smith: Absolument. En tant que praticienne, je sais que c'est déjà assez difficile avec deux parties, s'il fallait qu'il y en ait quatre - car il pourrait y avoir les grands-parents maternels et les grands-parents paternels - cela ne ferait que rendre la situation encore plus difficile pour l'enfant, et c'est bien des enfants qu'il s'agit.

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M. Knutson: Pensez-vous que tous ces grands-parents, qui, dans tout le pays, sont mécontents des circonstances actuelles sont en fait mal informés quant aux droits qu'ils ont en vertu des lois provinciales? Savez-vous pourquoi le Parlement reçoit toutes ces pétitions s'il existe déjà un recours?

Mme Addario: Je soupçonne qu'ils ne sont pas satisfaits du recours. Je pense qu'ils devraient chercher à faire modifier les lois provinciales, pas la Loi sur le divorce. Mais je m'imagine que c'est ça leur grief.

M. Knutson: Vous êtes une avocate ontarienne, n'est-ce pas?

Mme Addario: Oui.

M. Knutson: Pensez-vous qu'en Ontario en tout cas la loi provinciale devrait être modifiée?

Mme Smith: Tout le monde a qualité pour agir. En vertu de la loi provinciale, n'importe qui peut présenter une demande. Je ne sais pas, mais c'est possible que ces grands-parents soient mécontents d'une décision déja rendue par un tribunal.

J'ajouterais que les grands-parents peuvent, par l'entremise de leur enfant, fournir des affidavits pour appuyer l'une ou l'autre partie. Dans une certaine mesure, ils peuvent donc se faire entendre pendant la procédure, ils peuvent par exemple dire que le père ou la mère refuse l'accès aux grands-parents. Le tribunal peut prendre cela en considération.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci d'être venu ce matin.

D'après les témoins que nous avons entendus jusqu'à présent, c'est-à-dire les avocats nous disant qu'à leur avis les grands-parents ne savent pas vraiment ce qu'ils demandent, qu'ils n'ont en fait aucun problème. Encore une fois, dans votre exposé, vous nous dites que cette mesure aurait simplement pour effet de faire intervenir plus de personnes dans le processus. C'est comme si cela ennuyait les avocats qui pratiquent le droit familial.

Des centaines, des milliers de personnes ont signé des pétitions pour exprimer leur mécontentement face aux lacunes de la loi et on ne cesse de nous répéter encore qu'ils semblent ne pas savoir de quoi ils parlent et que la loi est bonne.

Dans votre exposé ce matin et dans le mémoire que vous nous avez remis, et dont je vous remercie, vous dites la même chose.

Mme Addario: Soyons clair, monsieur Ramsay...

M. Ramsay: Un instant.

Mme Addario: Je ne dis pas qu'ils ne savent pas ce qu'ils demandent.

M. Ramsay: Laissez-moi finir. Vous dites ici qu'un parent qui n'a pas la garde peut manipuler ou influencer un grand-parent pour qu'il cherche à obtenir plus de contacts avec son petit-fils ou sa petite-fille afin que le parent qui n'a pas la garde puisse obtenir ce que le tribunal ne lui accorderait pas suite à sa demande de garde ou d'accès. Avez-vous des statistiques sur le nombre de cas où ce genre de situation se produit?

Mme Addario: Non. Je pense avoir dit clairement, lorsque j'ai mentionné cela, que ce n'est pas fondé sur des données empiriques et je n'ai pas prétendu qu'il s'agissait d'un fait statistique. C'est une affirmation fondée sur l'étude des dossiers de femmes maltraitées qui nous ont été communiquées par le mouvement des refuges pour femmes battues. L'une des stratégies imaginées par les pères qui se plaisent à lutter contre les mères a été de mobiliser leur parent pour que ceux-ci demandent la garde de leur petit-fils ou de leur petite-fille ou un droit d'accès.

M. Ramsay: Pouvez-vous nous dire combien de fois vous avez été témoin de cela?

Mme Addario: J'ai entendu parler de quatorze cas dans une période de deux ans dans une province.

M. Ramsay: Quelle province?

Mme Addario: Le Québec.

M. Ramsay: Avez-vous des données pour l'Ontario ou pour d'autres provinces?

Mme Addario: Je n'ai pas d'information indiquant si cela s'est produit en Ontario, mais je pense que la situation au Québec n'est pas inhabituelle ni unique et qu'il n'y a pas que là que l'hostilité entre les parents se répercute sur la demande de garde et que d'autres parties sont mobilisées pour venir en aide à l'un des parents demandant la garde.

M. Ramsay: Alors cela se produit en vertu de l'actuelle Loi sur le divorce.

Mme Addario: C'est exact.

M. Ramsay: Et vous pensez que si nous adoptons cette modification accordant aux grands-parents qualité pour agir devant les tribunaux, ce problème s'amplifiera?

Mme Addario: Je crois que les tribunaux ont à l'heure actuelle un outil qui leur permet de scruter les motifs d'un grand-parent qui demande l'accès ou la garde, et je ne voudrais pas qu'ils soient privés de cet outil.

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M. Ramsay: Même si cet outil ne semble pas avoir fonctionné, du moins dans les quatorze cas que vous avez mentionné?

Mme Addario: Il n'est pas parfait. Je suis tout à fait d'accord avec vous.

M. Ramsay: Cela étant, pensez-vous qu'il faudrait restreindre davantage la période d'accès?

Mme Addario: Non, monsieur Ramsay, je ne répondrai pas à cette question. Cependant, je vous dirai que l'une des raisons pour lesquelles nous savons que cela se produit c'est que les tribunaux ont été saisis de telles requêtes et qu'ils ont scruté les motifs des grands-parents. Cette tactique a été révélée par ces examens.

M. Ramsay: Mais ne pensez-vous pas que les tribunaux conserveraient leur capacité de faire un tel examen si les grands-parents obtenaient qualité pour agir grâce à cette modification?

Mme Addario: À mon avis, il faudrait que ce soit un critère préliminaire. Cela devrait permettre de repérer les grands-parents dont le souci n'est pas de s'occuper de leur petit-fils ou petite-fille mais d'aider leur enfant qui cherche à obtenir un plus grand accès ou la garde.

Madame la juge L'Heureux-Dubé a mentionné qu'il y a souvent des facteurs qui sont éclipsés par d'autres considérations dans le cas de litiges au sujet de la garde. Je voudrais que ces cas soient éliminés dès le départ avant que la situation ne devienne trop embrouillée par d'autre facteurs comme le fait de savoir qui est en meilleure position financière pour s'occuper de l'enfant; si deux grands-parents sont préférables à une mère seule; si un grand-parent non handicapé est préférable à un parent handicapé; si un grand-parent hétérosexuel est préférable à une mère qui est lesbienne. Je voudrais que cette question soit réglée avant que le tribunal n'en soit saisie, sans quoi le tribunal risque d'être obligé d'examiner toutes sortes de questions de ce genre.

M. Ramsay: Alors, votre message pour tous ces grands-parents qui communiquent avec leur député c'est que tout va très bien?

Mme Addario: Ce n'est pas ce que je dis.

M. Ramsay: Que dites-vous alors?

Mme Addario: Ce que je dis c'est qu'il y a à l'heure actuelle des lois provinciales qui leur donnent la possibilité de demander un plus grand accès ou la garde; qu'un divorce concerne deux personnes mariées et que la Loi sur le divorce n'est pas celle qui s'applique et que la portée de cette loi ne permet pas de soulever d'autres questions relatives aux grands-parents.

M. Ramsay: Alors les lois actuelles répondent adéquatement aux besoins des grands-parents en ce qui concerne tous ces contacts.

Mme Addario: Si la loi provinciale n'est pas suffisante... J'en reviens à ce que disait Mme Jennings, qui a mentionné le problème qui peut se produire plus tard, après le divorce. Si c'est le cas, et si les grands-parents sont mécontents de la procédure actuelle, c'est à la province qu'ils doivent s'adresser pour demander que la loi provinciale soit modifiée, pas la Loi sur le divorce. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème. Je dis que la solution ne réside pas dans la Loi sur le divorce.

M. Ramsay: Alors vous pensez que la solution à ce problème est du ressort des provinces?

Mme Addario: Oui.

M. Ramsay: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Ramsay.

Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): Pouvons-nous commencer par le commencement?

Il y a une loi fédérale sur le divorce, qui entre en jeu lorsque deux conjoints veulent divorcer. La garde des enfants et l'accès aux enfants est déterminée en vertu de lignes directrices provinciales.

Mme Addario: Ces questions peuvent être déterminées en vertu de la Loi sur le divorce si vous demandez une ordonnance de garde ou de droits de visite au moment du divorce. Mais la question de la garde et de l'accès se pose également lorsque les parties sont encore mariés mais que ni l'une ni l'autre n'a demandé le divorce ou lorsque les deux ne sont pas mariés. Dans ces deux derniers cas, c'est la loi provinciale qui s'applique.

Mme Torsney: D'après votre expérience à vous deux devant les tribunaux, il y a souvent une entente, mais il y a ensuite des problèmes avec cette entente où elle est mal appliquée, de sorte qu'il y a des mécanismes qui permettent de régler ces problèmes. Est-ce que je pourrais présenter une demande pour avoir accès à mes neveux et nièces?

Mme Smith: En vertu de la loi provinciale.

Mme Torsney: En vertu de la loi provinciale. Puis-je obtenir accès à des gens avec lesquels je n'ai même pas de liens de parenté?

Mme Smith: En fait, vous pouvez demander la garde en vertu de la Loi sur le divorce.

Mme Torsney: Même dans le cas d'enfants que je ne connais pas. Je pourrais rédiger une demande et demander la permission de voir mes neveux et nièces qui vivent à l'heure actuelle avec leurs parents mariés ou avec un parent divorcé?

Mme Smith: Oui.

Mme Torsney: Est-ce que cela me coûte quelque chose?

Mme Smith: Pas si vous vous adressez à une cour provinciale.

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Mme Torsney: Il y a peut-être un certain manque d'information parmi la population ou les gens sont mal renseignés, mais ils n'ont pas recours au système actuel et n'exercent pas les droits qu'ils ont déjà. Si les grands parents ont un problème d'accès...

Mme Smith: Peut-être. J'ignore ce qui se passe dans les autres provinces, mais en Ontario ça ne coûte rien de s'adresser à la cour provinciale.

Mme Torsney: Je peux imaginer une situation qui pourrait se produire. Je suis divorcée et j'ai un enfant, mais je pense que ma mère ou mon père est la personne la plus méchante au monde et qu'il ou elle a complètement ruiné ma vie. Je crois que dans l'intérêt de mon enfant, il ne faut pas que mon père ou ma mère ait accès à mon enfant afin qu'ils ne puissent pas gâcher sa vie. Si ce projet de loi est adopté, est-ce que je ne pourrais pas constamment faire face à des demandes de la part de cette personne que je crois être folle et qui pourrait nuire à mon enfant? Est-ce que je serai constamment obligée d'assumer des frais de justice pour repousser cette personne, ce grand-parent?

Mme Smith: C'est possible.

Mme Torsney: N'est-il pas vrai qu'un nombre beaucoup trop élevé de femmes ayant la garde de leurs enfants vivent dans la pauvreté ou dans une situation économique insatisfaisante?

Mme Addario: Oui, c'est exact. Plus de 50 p. 100 d'entre elles.

Mme Torsney: Alors, si j'habite le foyer familial et que je réussisse à peine à payer l'hypothèque est-ce que j'ai droit à l'assistance judiciaire en Ontario, par exemple?

Mme Addario: Votre maison serait grevée d'un privilège.

Mme Torsney: Alors grand-papa ou grand-maman pourra continuer, à mon avis, à m'attaquer parce que je pense vraiment qu'ils sont fous. Nous pourrions faire valoir qu'en fait une relation saine entre les grand-parents et leur petits-fils ou petite-fille pourrait avoir un effet bénéfique sur notre relation, mais supposons que ce ne soit pas possible dans cet exemple. Je pourrais consacrer tout mon temps et mon argent à essayer de protéger mon enfant contre un de ses grands-parents au lieu de subvenir aux besoins de mon enfant et de payer mon hypothèque - je pourrais même me retrouver avec une deuxième hypothèque. N'est-ce pas? Je serais obligé de passer mon temps à le ou la repousser - ou peut-être les parents de mon ex-conjoint qui pourraient croire que j'ai été une mauvaise épouse pour leur fils et que je pourrais être une mauvaise mère pour mes enfants.

Mme Addario: Je pense que vous avez raison de dire que cette mesure pourrait entraîner des dépenses excessives pour le parent qui a la garde.

Mme Torsney: Je pense que le fait est que la Loi sur le divorce s'applique au moment de la séparation et si, plus tard, il y a un problème avec mes parents qui ne peuvent pas avoir accès aux enfants les droits de chacun sont liés à la première entente. On peut espérer qu'au moment du divorce ils n'envisageraient pas de problèmes.

Très souvent, est-ce que la plupart des grands-parents n'ont pas accès lorsque la garde est partagée ou que les enfants sont en visite? Est-ce qu'ils n'ont pas accès au moment de ces visites?

Mme Smith: Oui.

Mme Torsney: Est-ce que je peux poser une dernière question rapidement?

Le président: Oui.

Mme Torsney: Supposons que les grands-parents ont obtenu le droit d'accès. Si ce projet de loi est adopté tel quel - et nous discuterons de la notification - est-ce que cet enfant pourrait éventuellement se trouver chez grand-maman le lundi, grand-papa le mardi, maman le mercredi, papa le jeudi, avec toute la semaine partagée entre toutes ces personnes qui ont obtenu un droit d'accès et qui essaient de les organiser?

Mme Addario: L'accès c'est le droit de demander des renseignements au sujet de l'enfant. La garde c'est le droit de prendre des décisions et d'avoir le contrôle physique de l'enfant. C'est ce que je crois savoir.

Mme Smith: Oui, c'est exact.

Mme Torsney: Mais si maman n'amène pas l'enfant voir grand-papa et grand-maman, est-ce qu'ils pourraient devenir plus sévère au sujet du respect des jours de visite?

Mme Smith: Peut-être, si les quatres parties - mère, père et grand-parents maternels et paternels - demandent la garde, il est possible que la garde soit partagée en quatre en attendant l'audience afin d'éviter de léser les droits de quiconque.

Mme Torsney: Très bien.

Le président: Mme Jennings.

Mme Jennings: Au sujet du scénario imaginé par Mme Torsney, je pense que c'est quelque chose qui peut déjà se produire. Grand-maman ou grand-papa A, B, C ou D peut à l'heure actuelle présenter une demande juste une fois, au moment du divorce. Ce projet de loi concerne uniquement cette demande, et pas tous ces autres scénarios. La même chose vaut pour le père.

Il y a un père qui m'a téléphoné l'autre jour et qui avait exactement le problème que vous avez mentionné, madame Torsney. En fait, il en a marre. Sa femme est décédée. Les grands-parents, avec l'aide de l'assistance judiciaire, reviennent à la charge mois après mois et portent de nouvelles accusations contre lui. Il est très frustré.

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Alors, ce projet de loi ne concerne qu'un moment, celui du divorce, c'est tout. Il ne s'agit que de cela. Il ne vise pas les problèmes qui pourraient se présenter plus tard; il traite uniquement de l'accès au moment du divorce.

Il y a une chose que je voulais vous dire... Madame Smith, vous avez laissé entendre qu'en fait, les grands-parents peuvent faire une demande par l'entremise de l'un des deux parents et qu'ils peuvent s'aider mutuellement. Vous avez dit qu'ils pouvaient écrire une note, ou je ne sais trop comment vous avez présenté la chose. Je tiens à vous signaler quelque chose à vous et à Mme Addario. Dans tous mes déplacements, dans tout le pays, jamais je n'ai rencontré les gens dont vous nous avez peint le portrait. Je suis peut-être ignorante et naïve ou autre chose, mais j'ai essayé en tant que grand-mère de sept enfants de découvrir la vérité sur ce qui se passe et je n'ai pas vu ce que vous dites.

Savez-vous ce que me disent les grands-parents? Ils disent - nous ne voulons pas remplacer les parents; nous ne divorcons pas de nos petits-enfants lorsque leurs parents divorcent; nous voulons avoir accès; nous voulons pouvoir les voir. Alors, ils n'ont pas envie d'aller devant les tribunaux pour lutter pour leur fils contre leur bru, ou pour leur fille contre leur gendre. La seule chose qui les intéresse, c'est de voir leurs petits-enfants.

Est-ce totalement naïf? Est-ce que vous essayez toutes les deux de me dire que ces gens ont tort et qu'ils sont très rares et qu'en fait la réalité ce sont les scénarios que vous nous présentez, avec toutes ces autres possibilités; qu'en tant que député j'ai été induite en erreur par ces gens qui me répètent ça constamment? Que je me trompe et que vous avez toutes les réponses et que vous savez que tous ces autres scénarios sont conformes à la réalité? Je ne comprends plus rien, car je croyais que c'était les vrais citoyens du Canada qui me parlaient.

Mme Addario: Je m'y retrouve mal moi aussi, madame Jennings, car d'après moi ce projet de loi permettrait aux grands-parents de demander l'accès ou la garde et vous nous dites maintenant qu'ils ne veulent pas jouer le rôle de parent. Eh bien, la garde c'est ça. Alors, je ne comprends pas pourquoi ce projet de loi inclurait la garde si les grands-parents ne veulent pas être des parents pour leurs petits-enfants.

Deuxièmement, il est tout à fait possible que vous et moi nous parlions à des gens différents. Je vous communique les renseignements dont je dispose, qui proviennent de refuges pour femmes battues... et je ne sais pas si vous avez parlé à des femmes qui sont passées par ces refuges...

Mme Jennings: Oui, je l'ai fait.

Mme Addario: ...au sujet des grands-parents et de ce qui motive les grands-parents qui cherchent à avoir un plus large accès ou à obtenir la garde, mais d'après mes renseignements, dans certains cas - et je n'ai pas dit que c'était vrai dans tous les cas - les grands-parents agissent pour aider leur enfant, plutôt que par souci de leurs petits-enfants.

Je n'ai pas dit que les grands-parents avaient tort et que j'avais toutes les réponses. J'ai quelques réponses. Je vous offre quelques observations que le comité pourra prendre en considération.

Mme Jennings: Malheureusement, le projet de loi parle de visite, d'accès et de garde. Dans la plupart des cas, il s'agira de visite, c'est-à-dire du droit d'accès, et il ne serait question de garde que dans des cas extrêmes, comme dans le passé.

Et ne n'est pas mon projet de loi. Ce projet de loi a été présenté il y a deux ou trois ans. Ce n'est pas quelque chose de nouveau. Pour autant que je sache, il est acceptable et applicable.

Je vous remercie toutes deux d'être venues aujourd'hui. Différons à l'amiable.

Le président: Monsieur Gallaway.

M. Gallaway (Sarnia - Lambton): Nous semblons vivre dans un monde d'anecdotes simplement parce nous entendons parler de groupes de grands-parents qui s'adressent à leurs députés. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème. Il s'agit d'essayer de déterminer la taille ou l'ampleur du problème.

Les tribunaux ont certainement rendu des décisions qui étaient erronées. Cela leur arrive à l'occasion; cela ne fait aucun doute. Mais est-ce qu'une loi peut corriger un mauvais jugement occasionnel de la part de la magistrature?

J'aimerais que vous nous disiez quelle est d'après vous l'importance de ce problème des droits des grands-parents? Nous entendons parler de centaines, de milliers. Mais je pense que l'une de vous a dit qu'un seul grand-parent s'était adressé à elle. Êtes-vous d'une manière ou d'une autre isolée de la population en général.

Mme Smith: J'espère que non.

M. Gallaway: D'après vous, est-ce qu'il s'agit d'un vaste problème de société ou s'agit-il simplement de quelques grands-parents mécontents du fait que leur enfant est divorcé?

Mme Addario: Je ne sais pas combien de grands-parents se sont vus refuser l'accès ou la garde qu'ils souhaiteraient avoir. Je n'en ai vu aucun cas au cours des cinq ans où j'ai exercé le droit avant de m'arrêter. Michelle pratique à l'heure actuelle et je pense qu'elle a mentionné qu'elle était au courant d'un cas. Donc cela semble indiquer qu'il ne s'agit pas d'un problème universel, mais cela ne signifie pas que les gens qui ont soulevé la question avec Mme Jennings ne doivent pas être écoutés ou respectés.

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M. Gallaway: Est-ce que vous changeriez d'opinion si on enlevait du projet de loi le mot «garde» et si on ne gardait que le mot «accès»?

Mme Addario: La question pose des problèmes, comme Mme Torsney a dit, car quatre personnes pourraient avoir le droit d'accès. À l'heure actuelle, le tribunal tient compte des motifs de la requête pour avoir accès auprès des enfants. Comme je l'ai déjà dit, je pense qu'il s'agit d'un facteur important dont le tribunal doit tenir compte.

M. Gallaway: Ma dernière question porte sur toutes les poursuites judiciaires qui risquent de découler de l'adoption du projet de loi. On nous a déjà donné des exemples selon lesquels d'autres pays ou d'autres provinces ont des lois semblables au projet de loi C-232. On nous a dit que cela n'a pas changé de façon importante le nombre de poursuites judiciaires. Êtes-vous au courant de l'existence de ces lois semblables?

Mme Addario: Vous parlez d'autres gouvernements fédéraux?

M. Gallaway: Non, je parle de certains États des États-Unis, et de la Grande-Bretagne, si je ne m'abuse.

Mme Addario: Le régime juridique et le partage des pouvoirs dans ces cas est tellement différent de ce que nous avons au Canada - du moins aux États-Unis - que je ne me sens pas en mesure de faire une comparaison entre les deux régimes.

M. Gallaway: Si on adoptait le projet de loi, pensez-vous que le nombre de poursuites judiciaires augmenterait? Quelle sera l'incidence de cette mesure sur la nature des requêtes dont les tribunaux sont saisis dans le cas des actions en divorce?

Mme Addario: Je pense que le projet de loi risque de prolonger les poursuites, de les rendre plus chaotiques et plus confuses sous l'angle constitutionnel.

Le président: On a proposé le projet de loi, et je pense que tout le monde veut permettre aux grands-parents de voir leurs petits-enfants. Je ne suis pas convaincu que l'inverse soit forcément dans l'intérêt de l'enfant. Cependant, beaucoup d'enfants sont nés au Canada de parents qui vivent en union de fait. Je crois savoir que le projet de loi ne s'appliquerait pas à la rupture de ces unions.

Mme Addario: C'est exact.

Le président: Mme Jennings a dit qu'il faut signifier les documents aux grands-parents au moment du divorce. Assumons pour le moment qu'elle a raison. Dans ce cas, le coût de la notification serait très élevé, surtout au Canada, où il y a beaucoup d'immigrants. On serait appelé à signifier des documents dans des pays comme la Chine, l'Inde, l'Europe de l'Est, etc.

M. Knutson: La Saskatchewan.

Le président: L'intervention de M. Knutson est irrecevable.

Les coûts pourraient être très importants, de l'ordre de milliers de dollars. N'est-ce pas exact?

Mme Addario: Comme je l'ai déjà dit, la loi n'oblige pas les parents à payer le coût d'envoyer à leurs parents un avis d'un divorce qui est en instance. Mais si la relation entre le grand-parent et le petit-enfant est si étroite qu'il est nécessaire qu'un grand-parent fasse une telle requête, je suppose que le grand-parent serait déjà au courant.

Le président: Merci beaucoup.

Mme Addario: Je vous en prie.

Le président: La séance est levée jusqu'à 15h30 dans la salle 308.

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