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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 octobre 1995

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[Traduction]

Le président: Nous poursuivons aujourd'hui notre examen du projet de loi C-232, Loi modifiant la Loi sur le divorce. Nous accueillons le professeur Joseph Magnet, de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa.

Professeur Magnet, vous connaissez la marche à suivre, puisque vous avez déjà comparu devant nous. Vous pouvez nous présenter votre exposé, après quoi nous vous poserons des questions.

Professeur J. Magnet (Faculté de droit, Université d'Ottawa): Merci beaucoup, monsieur le président. On m'a demandé de venir vous parler de la validité constitutionnelle du projet de loi C-232. En effet, on se demande si les principes du fédéralisme limitent le pouvoir qu'a le Parlement d'adopter des modifications de ce genre. On m'a demandé de me pencher sur cette question. Je le fais avec plaisir et je remercie le comité de m'avoir invité. J'espère que mes propos vous seront utiles.

Les dispositions relatives aux droits de garde et d'accès de la Loi sur le divorce font l'objet d'un examen par les tribunaux depuis plus ou moins 1969, date d'entrée en vigueur de la loi. À l'époque, celle-ci autorisait les tribunaux à émettre des ordonnances provisoires et permanentes de garde et d'accès et à les modifier par la suite.

Ces dispositions ont immédiatement été contestées devant les tribunaux. Le Parlement a la compétence législative en matière de divorce, comme le précise le paragraphe 91(26) de la Loi constitutionnelle de 1867, même si l'on reconnaît depuis très longtemps que les provinces ont la compétence première, et dans une certaine mesure exclusive, en ce qui touche le droit de la famille en général, la garde, l'accès et autres choses de ce genre.

C'est pour cette raison qu'il y a eu contestation. En 1969, les tribunaux ont reconnu la validité des mesures accessoires que prévoit la Loi sur le divorce, par exemple les ordonnances de garde provisoires. Elles constituent une suite logique et fonctionnelle de la Loi sur le divorce.

Le juge Laskin, qui à l'époque siégeait à la Cour d'appel de l'Ontario, a statué qu'il fallait considérer la loi comme un tout et évaluer les dispositions contestées - dans ce cas-ci, le tribunal avait émis une ordonnance de garde provisoire - en tant que partie intégrante du régime législatif. Il a déclaré que le Parlement avait le pouvoir d'émettre des ordonnances de garde provisoires, au motif que dans toute action en divorce mettant en cause des enfants mineurs, il faut protéger les intérêts de ces enfants. C'est ce qu'a fait le Parlement par le biais de la Loi sur le divorce.

Il s'agissait là du premier examen auquel était soumis le régime moderne. Depuis, les tribunaux provinciaux, y compris la Cour suprême du Canada, ont confirmé le pouvoir qu'a le Parlement d'émettre des ordonnances de garde provisoires et permanentes et de les modifier, au besoin. Il n'y a aucun doute là-dessus.

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Dans le cas qui nous intéresse, la compétence se limite aux actions en divorce. Lorsqu'une demande en divorce est présentée, qu'une ordonnance provisoire de garde est émise et que la demande est par la suite rejetée, l'ordonnance provisoire cesse à ce moment-là d'être exécutoire. Le Parlement n'aurait pas le pouvoir d'autoriser un tribunal à émettre une ordonnance dont la durée de validité serait plus longue. Le fait est que la compétence du Parlement doit être prise en compte dans l'action en divorce.

Maintenant, vous avez devant vous un projet de loi qui s'applique dans une certaine mesure, selon ses auteurs, aux droits des grands-parents. Le projet de loi aurait pour effet d'accroître le rôle joué par les grands-parents dans les actions en divorce, de leur accorder des droits accrus en matière de garde, d'accès et d'information. Voilà l'objet du projet de loi. Évidemment, il soulève une question constitutionnelle, puisque l'accès et la garde relèvent essentiellement de la compétence des provinces.

Le projet de loi se limite aux actions en divorce. Si l'on en étendait la portée, il y aurait des objections. Par exemple, il serait surprenant que le Parlement décide, dans le projet de loi, de fixer les droits de garde des parents non mariés, puisque ce domaine ne relève pas nécessairement de sa compétence en matière de divorce. Mais évidemment, ce n'est pas ce que fait le projet de loi.

Toutefois, c'est ce qu'ont fait la plupart des assemblées législatives provinciales, sinon toutes. Elles ont prévu des droits identiques pour les grands-parents dans leurs lois sur le droit des enfants et le droit de la famille. Plusieurs États américains ont fait la même chose.

Quelle opinion semble traduire ce projet de loi? De manière générale, il semble traduire l'opinion selon laquelle les grands-parents peuvent en fait constituer un facteur de stabilité dans les situations de crise, dans les affaires de divorce. Il y a peut-être des conflits entre les parents et dans certains cas, peut-être même dans de nombreux cas, les grands-parents peuvent jouer un rôle, surtout en ce qui concerne la garde des enfants. Le fait de garder contact avec leurs grands-parents peut avoir sur les enfants un effet salutaire. Voilà, à mon avis, l'opinion que traduit ce projet de loi.

Autrement dit, l'objectif de ce projet de loi, c'est de protéger l'intérêt des enfants. En fait, le projet de loi semble refléter cette intention parce qu'il ne modifie en rien le paragraphe 16(8) de la Loi sur le divorce, qui oblige les tribunaux à tenir compte de l'intérêt de l'enfant. Donc, au moment de décider s'ils accordent ou non des droits en matière de garde, d'accès et d'information aux grands-parents, les tribunaux seraient obligés, en vertu du paragraphe 16(8), de tenir compte de l'intérêt de l'enfant.

La Cour suprême a statué l'année dernière, dans l'arrêt Young c. Young, que le critère de l'intérêt de l'enfant prévu au paragraphe 16(8) de la Loi sur le divorce devait être évalué du point de vue de l'enfant.

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Par conséquent, les pouvoirs accrus conférés aux grands-parents, le rôle accru confié aux grands-parents dans les procédures de divorce doivent être envisagés du point de vue de l'enfant. Autrement dit, en vertu du projet de loi, les grands-parents se verraient uniquement accorder des droits de garde, d'accès et d'information qui seraient évalués du point de vue de l'enfant. Est-il dans l'intérêt de l'enfant d'accorder de tels droits aux grands-parents? Voilà comment devraient être interprétées les modifications proposées dans le projet de loi C-232.

Interprété de cette façon, le projet de loi semble être conforme à la jurisprudence qui établit les pouvoirs du Parlement dans la Constitution. Autrement dit, il traduit l'opinion du Parlement selon laquelle il est dans l'intérêt de l'enfant de garder contact avec les grands-parents dans certaines circonstances. Évidemment, les grands-parents qui souhaitent demander la garde d'un enfant ou l'accès auprès de celui-ci ont le droit d'obtenir des renseignements sur l'enfant, ce que leur accorde le projet de loi.

Donc, dans l'ensemble, même s'il vise uniquement à conférer aux grands-parents certains droits de garde, d'accès et d'information, en tenant compte du meilleur intérêt de l'enfant, évalué du point de vue de l'enfant, ce projet de loi n'est pas, à mon avis, inconstitutionnel vu sous l'angle du partage des pouvoirs. Il est valide sur le plan constitutionnel et conforme aux principes du fédéralisme.

Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions, monsieur le président.

Le président: Madame Jennings

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Bon après-midi, professeur Magnet. Je suis Daphne Jennings, l'auteur du projet de loi.

Je suis contente que vous ayez apporté ces précisions au sujet de la Constitution. C'est ainsi que je voyais les choses, même si j'avais quelques doutes.

Si j'ai bien compris, au début du siècle, c'est le parent gardien qui possédait tous les pouvoirs ainsi que tous les droits à l'égard de l'enfant dont il avait la garde. C'est lui qui contrôlait les droits d'accès et de visite du parent qui n'avait pas la garde de l'enfant. Depuis, l'accent est mis sur l'intérêt de l'enfant. Ce dernier, d'après la Convention des Nations Unies, a le droit d'avoir accès à sa famille. Je présume que vous êtes du même avis, à savoir que l'enfant a le droit d'avoir accès à sa famille.

Qu'en pensez-vous?

Professeur Magnet: Je ne suis pas un spécialiste du droit de la famille. Je préférerais me limiter, dans une certaine mesure, à la question de la validité constitutionnelle du projet de loi. Ce dernier donnerait effectivement à l'enfant le droit d'avoir accès à ses grands-parents. C'est un droit qui est sous-entendu dans la Loi sur le divorce.

Il est intéressant de noter que les tribunaux considèrent cela comme un droit qui revient à l'enfant. Et vous avez tout à fait raison de l'interpréter de cette façon. Le tribunal est tenu d'envisager cette question du point de vue de l'enfant.

Le projet de loi laisse sous-entendre qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir le plus de contacts possible avec les deux parents. Nous y ajoutons maintenant l'opinion du Parlement selon laquelle il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir de nombreux contacts avec les grands-parents. Vous avez donc raison de dire - du moins, c'est l'interprétation des tribunaux - qu'il s'agit d'un droit d'accès qui est conféré à l'enfant.

Mme Jennings: Merci.

J'aimerais maintenant vous poser une question au sujet des coûts. Nous avons longuement discuté de cette question, et j'ai toujours dit que les coûts seront beaucoup plus élevés si le projet de loi n'est pas adopté, en raison des procédures judiciaires qu'entament actuellement les grands-parents. Tout tiers intéressé doit s'adresser au tribunal pour obtenir l'autorisation de présenter une requête, intenter de nouvelles poursuites et retenir les services d'un avocat. Les parents, eux, sont obligés de se présenter à nouveau devant les tribunaux.

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Si cette question était tranchée au moment du divorce, les coûts seraient moins élevés. On pourrait donner aux grands-parents l'occasion d'exprimer leur point de vue, ce qui retarderait un peu le processus, mais cela coûterait toujours moins cher qu'une nouvelle poursuite judiciaire. Est-ce que ce raisonnement vous paraît logique?

Professeur Magnet: Est-ce que vous parlez des droits d'information ou des droits d'accès que prévoit le C-232?

Mme Jennings: Je m'excuse. Je parle des droits d'accès.

En fait, j'ai plus ou moins accepté, tout comme les grands-parents d'ailleurs, de supprimer, au besoin, l'exigence voulant que les personnes qui obtiennent un droit d'accès ou de garde puissent demander des renseignements relatifs à la santé, à l'éducation et au bien-être de l'enfant. Nous avons déjà réglé cette question. Nous serions tout à fait disposés à modifier cette disposition. Il est donc uniquement question ici du droit d'accès, et du droit de garde dans certains cas.

On a laissé entendre, aux réunions auxquelles j'ai assisté, qu'ils vont toujours essayer d'obtenir la garde. C'est faux. Les grands-parents ne vont certainement pas fuir devant leurs responsabilités. Si l'on a besoin d'eux, ils vont définitivement chercher à obtenir la garde. Ils sont plus de cinq millions aux États-Unis à élever leurs petits-enfants. Mais pour la plupart, la question en est une d'accès - de droits de visite permanents.

Professeur Magnet: Je crois que cela entraînerait des coûts énormes.

Le projet de loi semble englober la compétence inhérente des tribunaux, ce que les avocats appellent la compétence parens patriae. C'est peut-être quelque chose d'utile, puisqu'elle indique clairement la démarche qui serait adoptée. C'est une question qui laisse les avocats un peu perplexes. Elle indique clairement la démarche qu'adopterait un grand-parent dans une procédure de divorce.

Si le grand-parent devait effectivement s'adresser aux tribunaux, cela entraînerait à mon avis des coûts. Je crois aussi qu'il s'en tirerait mieux financièrement et qu'il serait mieux en mesure d'assumer les coûts. Cette situation pourrait causer de la friction entre les grands-parents et les parents qui ne veulent pas leur donner un droit d'accès, peu importe la raison. C'est une possibilité dont il faut tenir compte.

Toutefois, ces questions ont tendance, après un certain temps, à devenir plus claires. J'imagine que, une fois les premières causes réglées, les circonstances dans lesquelles les grands-parents pourraient exercer leurs droits d'accès seraient bien définies et que la plupart de ces requêtes seraient réglées hors cours. Les avocats chercheraient à parvenir à une entente.

Même si, dans un premier temps, il y avait des coûts additionnels, et peut-être des conflits entre les grands-parents et les parents, les avocats viendraient à bout de ce problème au fur et à mesure qu'ils se familiarisent avec le dossier.

Mme Jennings: Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre. S'ils devaient entamer de nouvelles procédures, les coûts augmenteraient.

Professeur Magnet: Je m'excuse, je n'avais pas bien saisi votre question.

Oui, si les grands-parents entamaient des procédures en vertu de la compétence parens patriae, ils seraient obligés de présenter leur requête initiale à cette étape, etc. Est-ce que cela ferait grimper les coûts? Sans doute.

Mme Jennings: J'aimerais avoir votre avis au sujet d'un article que j'ai lu dans les années 1980 dans une revue juridique. Mary Southin, avocat-conseil de la Colombie-Britannique, y affirmait qu'il y a beaucoup trop d'avocats et donc trop de litiges inutiles qui sont soumis aux tribunaux.

Si on laisse les choses telles quelles, on risque d'encourager cette situation. Si les avocats n'avaient pas l'occasion de créer de nouveaux litiges chaque fois que des grands-parents ou des tiers se rendent compte qu'ils ne peuvent avoir accès aux enfants, mais qu'ils réglaient la question en même temps, ils auraient moins de travail.

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J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. C'est important. Je me demande si le milieu juridique a intérêt à ce que ce projet de loi ne soit pas adopté.

Professeur Magnet: Je crois effectivement que les facteurs que vous avez mentionnés sont à l'origine des difficultés que connaît le milieu juridique. Il est beaucoup plus difficile aujourd'hui de trancher des litiges.

Bon nombre de mes collègues affirment que la pratique du droit a perdu un peu de son intérêt. Il faut maintenant être un peu plus prudent avec ses collègues. Il est très difficile de régler des cas. Et, comme vous l'avez dit, s'il y a un peu trop de litiges, c'est parce qu'il y a trop d'avocats.

Je ne peux pas vous dire si les associations provinciales des avocats ont intérêt à promouvoir les litiges de ce genre. À mon avis, ces litiges ne sont utiles que dans la mesure où ils permettent d'établir les paramètres qui guideront les avocats dans leur recherche d'une solution.

Comme vous le savez sans doute, la plupart des questions touchant les biens et la garde sont réglées par voie de négociations. Je crois comprendre qu'il est de plus en plus difficile aujourd'hui de parvenir à de tels règlements en raison de certains des facteurs que vous avez mentionnés.

Pour solutionner le problème, il faut non pas créer de nouveaux litiges, mais plutôt mettre sur pied des cliniques spécialisées en droit de la famille qui, en plus de conseils juridiques, offrent toute une gamme de services, par exemple des services de médiation et de counselling psychologique, dans le but d'aider les parents à régler leurs différends.

Si le Parlement allait jusque là, il serait plus difficile pour lui de confirmer sa compétence constitutionnelle en matière de divorce, puisque bon nombre de ces questions surgissent dans les cas de séparation et de divorce, que d'approuver les ententes conclues par le biais du régime provincial du droit de la famille.

Mme Jennings: Merci.

M. Regan (Halifax-Ouest): D'abord, combien d'étudiants fréquentent la faculté de droit de l'Université d'Ottawa?

Professeur Magnet: La section de common law en compte environ 500.

M. Regan: Donc, vous enseignez plusieurs cours? Vous enseignez le droit constitutionnel, mais également d'autres sujets?

Professeur Magnet: Oui, j'enseigne le droit administratif constitutionnel ainsi que d'autres sujets.

M. Regan: Enseignez-vous le droit de la famille?

Professeur Magnet: Non.

M. Regan: Avez-vous déjà pratiqué le droit de la famille?

Professeur Magnet: Très peu.

M. Regan: Merci.

Une des questions qui me préoccupe, en ce qui concerne la Constitution et la Charte, c'est que le projet de loi créerait une distinction entre les grands-parents de familles intactes ou de fait, et les grands-parents de familles en instance de divorce. Autrement dit, les grands-parents visés par une affaire de divorce auraient des droits que les autres n'auraient pas.

Est-ce que certains pourraient prétendre que les effets de la loi, plutôt que la loi elle-même, leur cause un préjudice?

Professeur Magnet: Non.

Je me trompe peut-être, mais la plupart des provinces ont adopté des lois identiques pour les parents non mariés. Dans les provinces où de telles lois n'existent pas, les tribunaux partent du principe que le droit de la famille relève des provinces, et que les questions relatives au divorce relèvent d'Ottawa. Le fait que les régimes varient d'une province à l'autre ne permet pas de conclure à l'existence d'un préjudice.

Le fait que divers domaines relèvent de compétences différentes ne constitue pas un argument valable. On a déjà tenu compte de ce facteur dans la Loi sur les jeunes contrevenants par exemple.

M. Regan: Vous dites que ce projet de loi est valide sur le plan constitutionnel puisque sa portée est limitée. Les avocats du droit de la famille, la sous-section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien, le président du Comité permanent sur le droit de la famille du Québec, les conseillers juridiques du ministère de la Justice, ont tous déclaré que les provinces exercent la compétence en tout ce qui touche le droit de la famille et qu'elles pourraient accorder des droits plus vastes aux grands-parents, à tous les grands-parents, et non pas seulement à ceux des familles en instance de divorce. Ne serait-il pas plus pratique de procéder de cette façon?

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Professeur Magnet: Les provinces ne pourraient pas s'occuper des questions de divorce.

M. Regan: Non, mais... Par exemple, certaines provinces semblent avoir adopté des lois qui n'existent pas ailleurs. Je sais que la Nouvelle-Écosse n'a pas de loi comme celle que vous mentionnez, qui accorde aux grands-parents des droits d'accès auprès des enfants. Ne serait-il donc pas préférable que les provinces qui ne prévoient pas de tels droits adoptent des lois en ce sens?

Professeur Magnet: Peut-être, mais ce n'est pas possible sur le plan constitutionnel.

M. Regan: Pourquoi?

Professeur Magnet: Parce que le Parlement a la compétence exclusive en matière de divorce en vertu du paragraphe 91(26).

M. Regan: Je ne parle pas de divorce, mais plutôt des droits d'accès accordés aux grands-parents. Les grands-parents posséderaient tous les mêmes droits d'accès.

Professeur Magnet: Les provinces ne pourraient le faire dans le cas de requêtes ou d'actions en divorce. Il s'agit ici d'une compétence exclusivement fédérale. Pour le reste, les compétences sont partagées.

M. Regan: Donc, cette question serait tranchée à l'issue de l'action en divorce.

Professeur Magnet: Ou avant, ou avec deux parents de conjoints non mariés ou de couples de même sexe.

M. Regan: Les spécialistes du droit de la famille qui ont comparu devant nous - la plupart, sinon tous en fait, représentaient d'autres avocats - , ont laissé entendre que cette disposition compliquerait et prolongerait les procédures de divorce. Ainsi, lorsque vous dites que toute requête présentée en marge d'une procédure de divorce entraînerait une hausse des coûts, est-ce que vous faites allusion aux coûts de la requête initiale et de l'avis? Dans l'un ou l'autre cas, le procès, les négociations, etc., entraîneraient des coûts.

Professeur Magnet: Ce que Mme Jennings voulait dire, c'est que les grands-parents seraient obligés d'entamer d'autres procédures pour invoquer la compétence parens patriae du tribunal. C'est dans ce contexte que j'ai convenu avec elle que le fait d'entamer de nouvelles procédures pourrait entraîner des coûts qui s'ajouteraient aux coûts du dépôt d'une requête, lors de l'action en divorce, pour faire respecter les droits que confère le C-232 aux grands-parents. Je crois qu'à ce chapitre, il y aurait des coûts additionnels.

Tout cela me laisse un peu perplexe, parce que je m'attends à ce que la plupart de ces choses soient comprises. J'espère que tel serait l'objectif visé par le projet de loi et que la plupart de ces cas seraient réglés et non pas contestés. Le nombre de litiges va diminuer progressivement avec le temps, et il se peut que le fait d'accorder aux grands-parents le pouvoir de présenter une requête au lieu d'intenter une poursuite parens patriae contribuera à réduire les coûts.

M. Regan: Vous voulez dire l'autorisation de présenter une requête? Ils ont le droit de le faire à l'heure actuelle. Toutefois, si le projet de loi est adopté, il me semble que le grand-parent qui n'a pas vu l'enfant pendant dix ans, s'il voulait intervenir dans l'affaire, pour une raison ou une autre, aurait le même droit et le même pouvoir d'intervention que le parent ou le grand-parent qui a vu l'enfant tous les jours. D'après certains avocats spécialisés en droit de la famille, il est nécessaire d'avoir une mesure de sauvegarde, une disposition qui les oblige à obtenir l'autorisation de présenter une requête.

Professeur Magnet: On s'écarte ici de la question de la constitutionnalité du projet de loi - ce qui est très bien. Je comprends votre point de vue. Mais la réponse à cette question précise est oui, ils joueraient un plus grand rôle dans les actions en divorce. Est-ce que cela compliquerait les choses? Peut-être, surtout si les grands-parents cherchaient à exploiter la situation et à obtenir la garde ou le droit d'accès ou s'ils voulaient s'en prendre à leurs propres enfants. Cette possibilité existe, mais on peut le faire maintenant en demandant l'autorisation du tribunal. Le tribunal exercerait un certain contrôle sur la situation, tout comme le ferait le projet de loi C-232.

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M. Regan: Mais l'autorisation d'interjeter appel est une forme de contrôle.

Professeur Magnet: Tout cela dépend du critère de l'intérêt de l'enfant, qui est le principal critère de cette loi. Non pas du projet de loi, mais de la Loi sur le divorce.

M. Regan: Mais si le tribunal estimait que la personne intentait des poursuites pour les mauvaises raisons, il aurait la possibilité, en vertu du régime actuel, de régler la question. Il pourrait juger la procédure vexatoire et refuser de lui accorder l'autorisation d'intervenir, ce qu'il ne pourra plus faire une fois ce projet de loi adopté. Le droit d'intervenir serait automatiquement accordé.

Professeur Magnet: Ils auraient le droit de demander la garde de l'enfant, l'accès auprès de celui-ci ainsi que des renseignements à son sujet. À l'heure actuelle, le tribunal peut les empêcher dès le début d'intervenir dans un procès. En vertu du projet de loi, le tribunal aurait toujours l'occasion de leur accorder un pouvoir d'intervention très limité. Le juge pourrait clairement indiquer à des grands-parents exploitants qu'ils ne pourraient obtenir un droit d'accès et de garde.

M. Regan: Mais s'ils voulaient aller de l'avant, qu'ils avaient les moyens, les avocats, etc., ils pourraient retarder le processus pendant très longtemps.

Professeur Magnet: C'est malheureusement un des aspects négatifs des procédures de divorce et de garde. J'ai parlé de l'arrêt Young c. Young. Cette affaire a traîné devant les tribunaux, devant la Cour suprême, pendant plus de cinq ans. La Cour a soulevé la question, mais on ne pouvait rien faire pour l'arrêter. Elle peut toutefois exprimer son mécontentement, et une des juges du Québec était tellement choquée par la procédure qu'elle a imposé des dépens à l'avocat du plaignant, affirmant «qu'il n y avait aucune raison que cette cause se retrouve devant le tribunal et qu'il allait en subir des conséquences». Mais cette décision a été renversée par la Cour d'appel.

Le danger auquel vous faites allusion est très réel, quoique ténu. Vous avez raison de soulever ce point, mais ces questions ne devraient pas vous détourner de l'objectif premier du projet de loi. Encore une fois, je ne suis pas ici pour appuyer ou contester la sagesse du projet de loi, mais je crois que vos arguments sont valables.

M. Ramsay (Crowfoot): Merci de votre exposé. Vous êtes le premier spécialiste de droit constitutionnel à nous donner une opinion sur la validité constitutionnelle de ce projet de loi. Je suis heureux de vous entendre dire que le projet de loi est effectivement conforme à la Constitution.

Pour donner suite à ce que M. Regan disait, on craint que ce projet de loi ne donne aux grands-parents mal intentionnés ou qui n'ont pas vraiment les intérêts de l'enfant à coeur, le pouvoir de présenter une requête, pouvoir qu'ils possèdent déjà. L'arrêt Young c. Young constitue un très bon exemple. Je ne vois pas quel impact l'adoption de cette modification aurait sur la Loi sur le divorce.

Je ne sais pas vraiment quel serait le processus suivi, mais je crois comprendre qu'en vertu de ce nouveau pouvoir, les grands-parents déposeraient sans doute une requête auprès du tribunal, qui serait examinée par ce dernier. Le tribunal déterminerait à ce moment-là s'il s'agit d'une requête futile ou vexatoire et trancherait la question une fois pour toutes, sauf s'ils voulaient aller de l'avant avec des appels, ainsi de suite, comme ils peuvent le faire actuellement.

Je ne vois pas pourquoi on n'accorderait pas aux grands-parents le droit de présenter une requête pour obtenir des droits de visite ou de garde, dans des cas isolés, requête qui serait examinée par le tribunal. Je ne vois rien de mal à cela. Pourtant, certains avocats s'y opposent. Il me semble, et je dis cela avec le plus grand respect, que leur principal argument est le suivant: ils ne veulent pas qu'un autre groupe ou qu'un autre couple intervienne dans les procédures.

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Vos explications, du moins en ce qui me concerne, jettent de la lumière sur la question. Mais je vous demanderais de confirmer que les grands-parents vont pouvoir continuer de demander des droits d'accès et de visite, ainsi que des droits de garde, comme c'est le cas actuellement, sauf qu'ils pourront le faire au moment du divorce, qu'ils pourront présenter leur requête au moment du divorce, et que la question pourra être réglée au moment du divorce en vertu de la loi fédérale, plutôt qu'en vertu des lois provinciales qui, à l'heure actuelle, ne sont pas uniformes.

Professeur Magnet: Vous avez bien résumé la situation. Je ne peux pas vous dire si le nombre de requêtes présentées par les grands-parents va augmenter. Mais ce que vous avez dit résumé assez bien la situation.

Les grands-parents possèdent des droits d'accès uniformes à l'échelle du pays, du moins du point de vue du droit substantiel, parce qu'il s'agit d'une compétence parens patriae qui est inhérente à toutes les cours supérieures des provinces. Peu importe les lois provinciales sur le droit de la famille, tous les grands-parents peuvent invoquer cette compétence. Les procédures peuvent toutefois varier d'une province à l'autre.

Vous avez également raison de dire qu'on procéderait parle biais de requêter, parce que ces modifications sont conformes à l'article 16 de la Loi sur le divorce. De plus, le paragraphe 16(1) autorise un tribunal à accorder un droit de garde et d'accès sur présentation d'une requête.

Le président: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): On a dit, au cours des discussions, qu'à la suite de l'adoption du projet de loi, les grands-parents seraient automatiquement informés qu'une procédure de divorce est en cours et qu'ils devraient intervenir dans le processus. Est-ce exact?

Professeur Magnet: Ce n'est pas comme cela que je le vois. Le projet de loi ne le précise pas et l'avis n'est pas quelque chose que l'on donne... Le parent ayant un droit d'accès a le droit de se faire donner des renseignements. L'arrêt Young c. Young est très clair à ce sujet. Le parent ayant le droit d'accès a le droit de se faire donner des renseignements, mais non le droit d'être consulté. S'il n'a pas le droit d'être consulté, il n'a pas non plus le droit d'être informé.

Mme Torsney: Si je divorçais, si j'avais des enfants et si le projet de loi C-232 était adopté, mes parents seraient-ils automatiquement avisés ou devraient-ils indiquer au tribunal qu'ils souhaitent que le droit d'accès soit inscrit dans la décision?

Professeur Magnet: D'après mon interprétation du projet de loi C-232, à moins que je ne me trompe, le fait d'être avisé n'est pas un droit et la Loi sur le divorce ne leur accorde pas un tel droit.

Mme Torsney: Même avec le projet de loi C-232, la situation n'a pas changé, les grands-parents doivent toujours se manifester au moment du divorce. Il faudrait qu'ils soient au courant, car il y a apparemment des cas où les parents ne savent pas que leurs enfants divorcent et où ils ne savent pas qu'ils devraient demander le droit d'accès. Dans de nombreux cas, le problème d'accès aux petits-enfants se pose des mois plus tard, lorsque les grands-parents se rendent compte qu'ils ont un problème d'accès, qu'il y a eu un divorce et qu'ils doivent donc demander officiellement le droit d'accès à leurs petits-enfants.

Professeur Magnet: Oui, telle est la situation. Les grands-parents doivent se manifester.

Mme Torsney: Pourquoi cela ne continuerait-il pas à relever de la compétence provinciale, alors?

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Professeur Magnet: Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question, mais je pense pouvoir le faire au sujet du partage constitutionnel des pouvoirs, puisque c'est sur cet aspect que l'on m'a demandé de témoigner.

Les droits des grands-parents pourraient certainement continuer à relever de la compétence parens patriae des provinces ou de celle des lois provinciales du droit de la famille, lorsqu'elles existent. Vous avez certainement ce choix.

Mme Torsney: Le seul changement qu'apporterait le projet de loi C-232 serait donc cette audience où les grands-parents qui sont au courant d'un divorce, qui veulent avoir accès à leurs petits-enfants, devraient demander à intervenir au moment du divorce. C'est le seul changement qu'apporterait ce projet de loi.

Professeur Magnet: C'est exact. Cela relève de la compétence parens patriae et leur donne des droits dans l'action en divorce en vertu des lois fédérales.

Mme Torsney: S'ils se voyaient accorder cet accès, cela leur permettrait également d'avoir des renseignements sur leurs petits-enfants, les dossiers scolaires, les dossiers de santé ou autres choses.

Professeur Magnet: Vous dites seulement lorsqu'ils obtiennent l'accès. Si j'ai bien compris Mme Jennings, vous avez maintenant décidé de supprimer les aspects informationnels du projet de loi.

Mme Torsney: Ah oui? Je suis désolée.

Mme Jennings: Nous en avons discuté dès le premier jour et nous sommes tombés d'accord. Beryl Gaffney l'a en fait proposé il y a deux mois.

Mme Torsney: D'accord. Deuxièmement, si les grands-parents l'ont demandé au tribunal, le droit d'accès sera inscrit au moment du divorce. Ils continuent à participer aux décisions relatives à l'accès, si ce projet de loi est adopté.

Professeur Magnet: Ils auraient le droit de demander l'accès. Ils n'auraient rien à dire au sujet de la désignation du parent des enfants qui bénéficierait du droit d'accès. Ils auraient le droit de demander l'accès pour eux-mêmes.

Mme Torsney: Pour ceux qui participent à ce genre de procédure, quel en est le coût et quel travail cela représente-t-il? Cela vise-t-il les demandes d'intervention présentées au tribunal, ou ce qui se passe par la suite, lorsque la décision relative à l'accès est prise et que des accords en matière de garde, etc. sont conclus?

Professeur Magnet: Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question.

Mme Torsney: Comment les grands-parents doivent-ils actuellement procéder pour obtenir l'autorisation d'intervenir au tribunal?

Professeur Magnet: Ils doivent présenter une motion au tribunal en vertu du paragraphe 16(3). Ensuite, lors d'une audience sur cette motion, le tribunal décide si les grands-parents ont le droit d'intervenir.

Mme Torsney: La seule différence donc, c'est que cela n'a pas lieu.

Professeur Magnet: Cela n'aurait pas lieu.

Mme Torsney: Ce projet de loi ne renferme toutefois aucune disposition d'avis.

Professeur Magnet: Aucune.

Le président: Madame Jennings.

Mme Jennings: J'aimerais poser des questions dans la même optique que celles de Mme Torsney.

Tout d'abord, j'aimerais souligner que je crois que cet avis... On l'a dit plus tôt et, malheureusement, je n'avais pas le privilège d'avoir M. Côté ici pour qu'il puisse nous l'expliquer - c'est lui qui a rédigé le projet de loi pour moi. J'avais compris que cela relevait de la compétence provinciale, mais il m'a semblé que l'on me demandait si cela relevait en fait de nous.

Si je comprends bien, cela relève des provinces et il n'en est pas fait mention dans le projet de loi. Ai-je raison, monsieur Côté?

M. Louis-Philippe Côté (Conseiller législatif, Bureau des conseillers législatifs, Chambre des communes): Oui, vous avez raison.

Mme Jennings: Merci.

M. Ramsay: Je suis désolé, je n'ai pas compris. En quoi a-t-elle raison?

M. Côté: Elle a raison de dire qu'il n'ait pas fait mention d'avis dans le projet de loi C-232.

M. Ramsay: Mme Torsney a-t-elle donc raison, tout comme le professeur Magnet, de dire qu'il n'est pas obligatoire que les grands-parents soient avisés du divorce de leurs enfants?

M. Côté: Pour l'instant, rien dans le projet de loi C-232 ne traite de l'avis. Par conséquent, il faut se tourner vers les lois provinciales. Par exemple, au Québec, il s'agirait du Code de procédure civile. En Ontario, il s'agirait des lois provinciales. Il faudrait chercher dans chacune de ces lois pour savoir si elles renferment une telle disposition d'avis. Il reste que le projet de loi C-232 n'aborde pas la question de l'avis.

Mme Jennings: Merci, monsieur Côté. C'est ce que je voulais dire.

Dans ce cas-là, il s'agit de la loi provinciale. Il faudrait même peut-être d'ici un an, par exemple, s'assurer que les tribunaux provinciaux adoptent cette façon de procéder, car, de toute évidence, il va falloir qu'ils s'adaptent.

.1615

Cela ne signifie pas toutefois que l'objet initial du projet de loi n'est pas bon, qu'il n'est pas nécessaire ou que l'on en a pas besoin. Étant donné que les tribunaux provinciaux doivent appliquer la loi à leur façon, chose qu'ils font actuellement dans le cas de toute autre procédure judiciaire, il ne s'agit pas, à mon avis, d'une mesure qu'il leur sera difficile de prendre. Ils le font déjà pour d'autres choses. Il leur faudrait donc décider de la façon de procéder.

Quelqu'un du comité - et il me semble, professeur Magnet, que cela s'impose et j'ai dit que j'étais parfaitement d'accord - je crois qu'il s'agissait de quelqu'un du côté du gouvernement, a déclaré que nous avons besoin en fait de plus d'éducation, de manière que les grands-parents se rendent compte que ce n'est pas parce qu'ils entretiennent de bonnes relations avec les deux parties que ces relations vont se maintenir en cas de divorce; par conséquent ils doivent savoir, à l'avenir... Il s'agit d'un processus d'éducation, qui pourrait faire partie intégrante... et qui, si nous sommes de bons législateurs, devrait nous intéresser au plus haut point.

Mme Torsney: C'était moi.

Mme Jennings: Merci, Paddy.

Professeur Magnet: Je n'ai pas de commentaires à faire à ce sujet.

Mme Jennings: J'aimerais également indiquer que j'ai parlé à Barbara Baird il y a à peine une heure. Elle travaille dans le domaine du droit de la famille au Nouveau-Brunswick. En fait, nous espérons pouvoir l'inviter à titre de témoin. Elle a fait remarquer que la Loi sur le droit de la famille de l'Ontario et la Loi sur les services à la famille du Nouveau-Brunswick sont pour l'instant toutes les deux très compatibles avec ce que nous recherchons dans le projet de loi C-32, et qu'il serait très utile que la loi fédérale en ait quelques aspects; avec peut-être quelques changements, quelques modifications mineures. Cela serait très utile, car alors le Canada entier serait concerné. Elle a déclaré que pour l'instant, c'est très difficile, car seuls le Nouveau-Brunswick et l'Ontario, à son avis, offrent des recours aux grands-parents qui peuvent alors se manifester et obd'accès.

D'après vous, est-ce la même chose dans les autres provinces? Pensez-vous qu'il soit avantageux d'apporter un changement, une modification, en vertu de la Loi fédérale sur le divorce?

Professeur Magnet: Il se peut qu'il s'agisse d'une modification raisonnable. Je ne pense pas pouvoir vous dire si elle s'harmonise complètement ou non avec les systèmes provinciaux.

Le président: Mme Phinney.

Mme Phinney (Hamilton Mountain): Je pense que nous nous perdons un peu au sujet de l'avis et de l'intervention de l'appareil judiciaire provincial. Vous avez dit que dans ce projet de loi, tel qu'il se présente actuellement et s'il était adopté, rien n'oblige les tribunaux à aviser les grands-parents.

Professeur Magnet: C'est exact. Le projet de loi C-232 ne stipule pas que l'on doit dire aux personnes qui divorcent: «Vous devez dire aux grands-parents que vous divorcez de manière qu'ils puissent décider s'ils veulent ou non demander l'accès aux enfants». Ce projet de loi, tel qu'il se présente à vous maintenant, prévoit le droit pour les grands-parents de demander des renseignements au sujet de leurs petits-enfants. Si j'ai bien compris, cela va être supprimé.

Mme Phinney: Ce n'est pas la même question.

Professeur Magnet: Non, mais elle est très connexe. Je -

Mme Phinney: Ce n'est toutefois pas la question que je pose. Je pose la question de l'avis, car nous sommes embrouillés par la réponse de votre conseiller qui parle d'aller au tribunal provincial, alors que le divorce est prononcé au fédéral. On ne peut pas mélanger les compétences fédérale et provinciale dans le même cas en instance.

Professeur Magnet: Qui le prétend?

Mme Phinney: Vous-même.

Professeur Magnet: C'est exact; rien n'exige l'avis. Peut-être vous aiderais-je en disant simplement que d'après moi, cela se rapporte à l'aspect informationnel du projet de loi à cet égard. Si les grands-parents n'ont pas de renseignements à propos de leurs petits-enfants, cela veut dire qu'ils ne s'y intéressent pas vraiment. S'ils n'obtiennent pas de renseignements de façon continue, cela veut dire qu'ils ne sont pas trop intéressés. Si les parents divorcent et que les grands-parents n'en savent rien, ils ne peuvent pas prétendre qu'ils s'intéressent beaucoup à leurs petits-enfants. Il serait donc étrange qu'ils se manifestent à ce moment-là.

Mme Phinney: Permettez-moi de ne pas partager votre avis. Vous pourriez avoir des parents qui vivent à Vancouver avec leurs enfants, le reste de la famille vivant en Angleterre, aucun courrier n'étant échangé. Vous ne pouvez pas continuer à avoir des avocats ou des détectives qui espionneraient la famille pour le savoir sous prétexte que vous ne communiquez pas avec elle.

À mon avis, cela n'a rien à voir avec l'avis que l'on pourrait donner au sujet d'une audience de divorce.

Soyons clairs, car je crois que lorsque le projet de loi a été présenté, vous pensiez qu'un tel avis serait automatique; nous voulons que les choses soient claires. Vous avez pensé, selon les indications de votre conseiller législatif, que cela allait accorder l'avis, mais je ne le pense pas.

.1620

Mme Jennings: J'ai compris que cela relèverait de l'application, qui est du ressort provincial, si je comprends bien. Les provinces interprètent et appliquent la loi fédérale sur leur territoire. Si je comprends bien, c'est ainsi que les choses se passent actuellement au Canada.

M. Regan: Vous ne pouvez pas déterminer la loi.

Professeur Magnet: Disons par exemple que le Parlement souhaiterait inclure une exigence d'avis aux grands-parents. À mon sens, cela serait valable au plan constitutionnel et le Parlement pourrait le faire. Cela serait rationnellement fonctionnel.

Mme Jennings: Cela n'est pas prévu ici?

Professeur Magnet: Non.

Le président: Pourrions-nous demander au conseiller législatif son avis à ce sujet?

M. Côté: Sur le dernier point, selon certains cas de jurisprudence, des questions de procédure pourraient être intégrées à la loi fédérale sur le divorce. Par exemple, ce comité pourrait décider de modifier cette loi, dans la mesure où ce serait acceptable au plan de la procédure, pour traiter de la question de l'avis.

Si aucune modification n'est apportée à cette loi, toute cette question de l'avis, ainsi que toute la question de la procédure, reviendront aux provinces. Il faudrait alors examiner chaque compétence provinciale.

Par exemple, dans la province du Québec, lorsque vous présentez une requête en divorce, vous le faites par voie de déclaration. Je cite l'article 813.5 du Code de procédure civile:

Toutefois, toutes les questions de procédure relèvent des provinces, à moins que la Loi sur le divorce ne renferme une disposition à cet égard. Dans ce cas-là, c'est la Loi sur le divorce qui aurait la préséance.

Mme Jennings: J'aimerais savoir si c'est bien ce que je disais. Si le projet de loi est adopté tel quel, ce serait aux provinces de s'occuper de l'avis dans le cadre de l'application, c'est ce que j'ai dit jusqu'ici. Ou, si nous voulons apporter un changement, comme je l'ai dit il y a quelques minutes, nous pourrions alors changer le projet de loi au niveau fédéral de manière qu'il renferme une disposition sur l'avis. Je crois que c'est exactement ce que vient de dire M. Côté. Il a simplement répété ce que j'ai dit. Tout est clair.

M. Knutson (Elgin-Norfolk): Je me demandais simplement si le conseiller connaissait la loi de l'Ontario ou de n'importe quelle compétence de common law.

Je ne suis pas non plus avocat du droit de la famille, mais le fait que la Loi sur le divorce ne mentionne nullement la question d'avis est la chose la plus étrange que j'ai jamais entendue. Si le Parlement pouvait l'intégrer, mais il ne le fait pas; cela signifie probablement que nous ne pensons pas que les grands-parents ont besoin d'un tel avis.

Vous dites qu'il faudrait examiner d'autres textes de loi pour voir si les grands-parents doivent obtenir un avis.

Une voix: Cela dépend d'eux.

M. Côté: Non, je ne connais pas de compétence de common law, mais je connais la compétence québécoise. C'est la raison pour laquelle j'ai cité le Code de procédure civile du Québec*. C'est simplement pour souligner qu'en matière de procédure, il faut avoir recours à la compétence provinciale, à moins que l'on ajoute quelque chose à la loi fédérale.

C'est ce qui a été conclu par les tribunaux dans l'affaire Montel c. Groupe de consultants présentée à la Cour d'appel du Québec.

En jurisprudence, il est reconnu qu'à moins qu'il n'y ait quelque chose de prévu dans la procédure provinciale, il faut avoir recours à la procédure fédérale, si la Loi sur le divorce prévoit une telle procédure.

M. Knutson: Il est donc concevable qu'il faudrait modifier neuf lois sur le droit de la famille à propos de cette question d'avis.

M. Côté: Le Parlement fédéral ne modifierait pas ces lois; ce serait à chaque province de le faire. Je le répète de nouveau, cela se ferait à moins que le Comité ne souhaite régler cette question, ce qui serait intéressant.

Mme Kristen Douglas (attachée de recherche du Comité): Je suis avocate en Ontario. Je voudrais simplement dire que dans le cas de l'Ontario, il ne s'agirait pas d'une modification à la Loi sur le droit de la famille, car ce n'est pas la loi qui serait modifiée. Cela relèverait de la compétence du tribunal. Ce serait les règles de procédure civile qui changeraient. Il y aurait un règlement dans ceux relatifs au divorce qui indiquerait que si vous divorcez et qu'il y a des grands-parents, vous devrez envoyer ce formulaire pour les aviser du divorce.

Ce serait à la province de décider si elle souhaite imposer une telle exigence ou non.

M. Knutson: Il n'y a actuellement aucune règle dans la Loi sur les tribunaux judiciaires, ou quel que soit le titre de cette loi, qui stipule que les grands-parents doivent être avisés de manière qu'ils puissent présenter une demande d'autorisation, n'est-ce pas?

Mme Douglas: C'est exact.

M. Knutson: Il faudrait donc le faire neuf fois.

Mme Douglas: Les provinces devraient le faire, effectivement.

.1625

Mme Phinney: Il faudrait leur suggérer.

M. Knutson: Les Canadiens devraient collectivement s'assurer que cela se fait.

Mme Jennings: Au moment de l'examen article par article, sera-t-il opportun de proposer un amendement, si nous pensons qu'il est nécessaire de le faire?

Le président: Le greffier dit que oui.

Mme Jennings: Un amendement est déjà rédigé et je voulais simplement savoir si je devais en faire mention maintenant ou non.

Le président: C'est d'accord. Merci.

Mme Torsney: Je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que les grands-parents auraient connaissance de ce qui se passe et demanderaient une autorisation, puisqu'ils se sont toujours intéressés à leurs petits-enfants. Les grands-parents que nous avons entendus ont dit en fait qu'ils ont eu peu de communication avec leurs enfants et qu'ils essaient d'entrer en contact avec eux, car ils souhaitent aider leurs petits-enfants, en cas de divorce.

Il y a donc eu en fait rupture de la communication beaucoup plus tôt et en cas d'avis, dans de nombreux cas, les grands-parents seraient informés de façon complètement inattendue. «Oh, regarde, les enfants divorcent. Nous ferions mieux d'obtenir le droit d'accès aux petits-enfants». Voici ce que certains des grands-parents auxquels nous avons parlé nous ont dit: ils n'avaient pas eu de communication, ils ne savaient rien de leurs droits actuels qui leur permettent de demander une autorisation d'appel, tout le processus leur revenait très cher et ce projet de loi allait faciliter les choses au plan du droit d'accès aux petits-enfants.

À la lumière des observations que vous avez faites plus tôt au sujet des avocats et du nombre de litiges, je me demande comment l'augmentation du nombre des parties en cause - actuellement il est question de deux parties, alors que l'on pourrait en fait en avoir six ou même huit selon les combinaisons et les permutations de l'état matrimonial des grands-parents, va permettre de simplifier le processus ou de servir les intérêts des enfants, si ces procédures deviennent de plus en plus compliquées.

Professeur Magnet: Je crois que cela relève -

Mme Torsney: Je voudrais votre avis en votre qualité d'avocat constitutionnel.

Professeur Magnet: - de la compétence de votre comité et de la compétence du Parlement, lesquels doivent décider si la communication avec les grands-parents est une bonne chose. Ce n'est pas à moi de dire s'il s'agit là d'une sage décision, mais je pense que cela relève de la compétence de votre comité. Il serait rationnel, raisonnable que votre comité et que le Parlement décident que le maximum de communication avec les grands-parents est une bonne chose pour les enfants.

Ceci étant dit, il s'agit maintenant de savoir comment faciliter cela.

À mon avis, si aucune communication ne s'est établie, si les grands-parents ne savent pas ce qui se passe chez leurs petits-enfants, il est alors fort peu probable qu'ils cherchent à obtenir de tels droits. Je comprends que vous n'êtes pas d'accord avec moi sur ce point.

A mon arrivée ici, je ne savais que le comité se proposait de supprimer, pour ainsi dire, l'aspect informationnel du projet de loi. Si les grands-parents n'ont pas droit à l'information, dans certaines circonstances, notamment celles dont vous avez fait mention, il leur sera très difficile d'exercer leurs droits en matière d'accès et de garde. Bien sûr, nous avons également envisagé qu'ils ne seront pas nécessairement avisés des difficultés au sein de la famille. Les grands-parents auront encore plus de mal à exercer leurs droits si on supprime l'aspect informationnel du projet de loi.

Reste à savoir si selon vous, le fait de faciliter l'accès aux grands-parents est une bonne chose pour les enfants. C'est à vous de le décider. Si c'est ce que vous pensez, c'est alors à vous de prendre une décision au sujet de ce projet de loi. Si vous pensez que c'est une bonne chose, mais que trop de parties vont être mises en cause dans ces litiges et que cela va devenir un peu trop compliqué et trop coûteux, si vous pensez qu'en fin de compte, c'est une bonne chose, mais que la mise en oeuvre crée trop de difficultés pour les enfants, c'est également à vous de prendre une décision à cet égard.

Mme Torsney: Si nous convenons qu'il est bon que les grands-parents établissent des contacts avec les enfants, pensez-vous alors que c'est là la seule façon de le réaliser? N'y a-t-il pas actuellement suffisamment de lois qui permettent aux grands-parents d'avoir accès à leurs petits-enfants? Actuellement, ce n'est pas nécessairement pénible, mais peut-être devrions-nous nous appliquer à mieux informer les grands-parents de leurs droits actuels et à faciliter tout ceci par d'autres mécanismes, peut-être par l'éducation plutôt que par une loi.

.1630

Professeur Magnet: Madame Torsney, cela facilitera l'accès des grands-parents à leurs petits-enfants. Je ne pense pas qu'il y ait de doute à ce sujet, car ce projet de loi exprime le point de vue du Parlement à l'effet que l'accès aux grands-parents est une bonne chose.

Dans le système provincial, qu'il s'agisse des lois provinciales ou de la compétence inhérente du tribunal, rien n'indique que l'accès aux grands-parents soit une bonne chose. C'est donc au tribunal de décider s'il accepte ce point de vue ou non.

S'il l'accepte, il a le pouvoir, soit en vertu de la compétence inhérente, soit en vertu de lois provinciales, de faciliter cet accès aux grands-parents. Lorsque le Parlement présente sa propre loi disant que l'accès aux grands-parents sert les meilleurs intérêts de l'enfant, il faudrait en faciliter l'adoption de manière qu'elle puisse guider les tribunaux. De toute évidence, cela aura un impact sur les procès relevant du droit de la famille.

Mme Torsney: Très brièvement, je voudrais faire un autre commentaire.

Le président: Vous avez déjà parlé cinq minutes de plus que prévu.

Mme Torsney: Seulement pour les petits-enfants dont les parents sont divorcés.

Le professeur Magnet: Seulement pour les personnes mariées -

Mme Torsney: Étant donné que 80 p. 100 des familles sont des familles biparentales, cela ne concerne que 20 p. 100 des enfants au Canada.

Le professeur Magnet: Je ne crois pas que ces chiffres soient tout à fait exacts. Je me suis en fait intéressé à cette question lorsque je me suis préparé à comparaître devant vous. Il est vrai que cela n'est certainement pas universel. Le pouvoir du Parlement, et de ce comité, ne l'autorise en réalité qu'à s'occuper de la situation du divorce. Mais cela dit, c'est le seul organe qui puisse s'en occuper.

Le président: Monsieur Ramsay.

M. Ramsay: S'il est exact que le droit des grands-parents d'être informés ou le droit de demander des droits d'accès ou de visite lorsque leurs enfants divorcent est dans l'intérêt des petits-enfants, il n'en reste pas moins qu'à l'heure actuelle, des couples peuvent divorcer sans que les grands-parents soient mis au courant. Cela signifie que ceux qui souhaitent apporter leur aide et ceux qui pourraient causer des problèmes par leurs intentions malveillantes ou autres, sont tenus à l'écart. Seuls les parents ou les grands-parents qui savent que leurs enfants divorcent peuvent présenter une demande.

Le professeur Magnet: Oui, c'est exact.

M. Ramsay: En vertu de la loi actuelle.

Le professeur Magnet: C'est exact.

M. Ramsay: Je ne crois pas que nous devrions établir de loi en fonction du principe de la non-communication de renseignements. À mon avis, si nous voulons agir aux mieux des intérêts de l'enfant, et si les droits d'accès et de visite des grands-parents et dans certains cas le droit de garde, sont dans l'intérêt de l'enfant, nous avons besoin d'une telle loi et nous avons besoin d'une disposition qui oblige à aviser les grands-parents.

À quoi sert-il de conserver un système qui empêche les grands-parents d'être au courant d'une action en divorce lorsque ce genre de renseignements et les mesures qu'ils pourraient prendre - c'est-à-dire présenter une demande aux tribunaux - seraient dans l'intérêt de l'enfant?

Pourrais-je avoir vos commentaires là-dessus, s'il-vous-plaît?

Le professeur Magnet: Monsieur Ramsay, le Parlement a le pouvoir constitutionnel de prévoir qu'en cas d'action en divorce, les grands-parents doivent en être avisés. Cela n'a pas été prévu par ce projet de loi mais vous avez le pouvoir de le faire si vous le voulez.

M. Ramsay: Cet amendement proposé au projet de loi C-232 repose sur l'argument selon lequel il est dans l'intérêt de l'enfant que les grands-parents aient le droit de présenter une demande au moment du divorce. Ce droit devrait donc s'accompagner du droit de recevoir un avis, préalablement au divorce, qui leur permet de décider de présenter une demande, puisqu'ils en auraient le droit. Au moins, ils en auraient été avisés. Ce ne sont pas tous les grands-parents qui se prévaudront de cette loi puisqu'à l'heure actuelle ils ne se prévalent pas de la loi leur permettant de présenter une demande après avoir constaté que les choses commencent à aller mal.

.1635

Mon raisonnement est-il correct?

Le professeur Magnet: À mon avis, la meilleure façon de savoir comment fonctionneraient réellement des dispositions obligeant à aviser les grands-parents, consisterait à faire une étude comparative des États américains où un tel système est en vigueur.

Il serait intéressant de déterminer le nombre exact de pétitions présentées par des grands-parents dans les États où l'avis est obligatoire comparativement aux États où il ne l'est pas et de déterminer si de telles lois facilitent l'accès des grands-parents auprès de leurs petits-enfants et dans quelle mesure cet accès est bénéfique ou non pour l'enfant.

Je pense que c'est la meilleure façon de répondre à cette question. Je n'ai pas fait cette recherche lorsque je me suis préparé en prévision de ma comparution devant vous.

M. MacLellan (Cap-Breton - The Sydneys): L'aspect constitutionnel de la chose me pose un petit problème. Je comprends ce que vous dites. Vous dites qu'en ce qui concerne le droit des grands-parents à intervenir, c'est un droit qu'ils possèdent parce que le bien-être de l'enfant passe avant tout, même en cas de divorce. Comme il s'agit d'un domaine de compétence fédérale, les droits de l'enfant constituent une facette indissociable du divorce. Même si les grands-parents n'ont pas à présenter de demande et ont le droit d'intervenir automatiquement, cela ne pose pas de problème sur le plan constitutionnel parce que les droits de l'enfant sont liés si étroitement à toute la question du divorce. Est-ce exact?

Le professeur Magnet: C'est exact.

M. MacLellan: J'aimerais simplement pousser ce raisonnement un peu plus loin. Si les grands-parents ont le droit d'être avisés et doivent l'être, ne deviendraient-ils pas alors pratiquement des parties à l'action en divorce, ce qui augmenterait l'importance de leur intervention au point où toute la question de la garde de l'enfant et de l'accès deviendrait aussi importante que le divorce même? Elle deviendrait plus qu'un simple élément de la Loi sur le divorce; elle deviendrait une question distincte. Cela influerait-il sur l'aspect constitutionnel du projet de loi C-232?

Le professeur Magnet: Je pense que vous venez de déterminer correctement les limites de la compétence fédérale. Si au lieu de mettre l'accent uniquement sur l'intérêt de l'enfant, les dispositions sont axées simplement sur les droits des grands-parents, sans tenir compte du bien-être de l'enfant, le Parlement outrepasserait sa compétence. Les droits des grands-parents par rapport aux enfants constituent une question qui relève exclusivement de la compétence provinciale et le Parlement n'a absolument pas à s'en mêler.

Vous demandez en particulier si en avisant les grands-parents pour qu'ils puissent intervenir, vous empiétez sur la compétence provinciale. Ma réponse est non, parce que vous êtes en droit de considérer que les grands-parents jouent un rôle important dans le bien-être des enfants.

Les renseignements demandés par les grands-parents sont axés sur l'enfant. Il ne serait donc pas déraisonnable de la part du Parlement de considérer que les grands-parents sont des parties très importantes à une action en divorce. Ils possèdent une plus grande maturité, de meilleures ressources et ne vivent pas une situation de crise comme les parents. Ils ont un rôle à jouer et il peut s'agir d'un rôle très important dans un grand nombre de ces divorces.

.1640

C'est un point de vue tout à fait logique. Par conséquent, le Parlement a le droit d'adopter un tel point de vue en matière de divorce. Il existe donc un lien logique et fonctionnel entre cet aspect et le divorce, et entre cet aspect et l'entretien et le bien-être de l'enfant dans une action en divorce.

Je pense que c'est la pierre de touche de la compétence fédérale. Vous l'avez exprimé ainsi. Je suis d'accord avec ce que vous avez dit et c'est peut-être ainsi que je l'exprimerais et aussi de cette autre façon: tant que le Parlement est logiquement fondé de croire que cette disposition vise à assurer le bien-être de l'enfant dans le cadre d'une action en divorce, elle est valide sur le plan constitutionnel en tant qu'élément nécessaire ou accessoire de sa compétence en matière de divorce.

M. MacLellan: Simplement pour poursuivre l'argument sur toute cette question, je comprends ce que vous dites, mais je ne suis pas sûr d'être vraiment d'accord. Il est entendu qu'une action en divorce concerne le mari et la femme et qu'ils sont les principaux responsables et tuteurs des enfants - l'un des deux devant assumer la garde à moins qu'il s'agisse d'une garde partagée. Comme vous, j'estime que les grands-parents jouent un rôle de première importance dans le bien-être des enfants et je suis tout à fait d'accord avec vous que le bien-être de l'enfant est un élément indissociable du mariage, et de l'action en divorce. Là où je veux en venir, c'est qu'en avisant les grands-parents du divorce, on se trouve alors à les considérer comme une partie à l'action, comme des personnes appelées à prendre soin de l'enfant et qui contribuent véritablement au bien-être de l'enfant.

Est-il possible de leur accorder un tel statut? Je suppose que c'est là ma question.

Le professeur Magnet: J'estime que le Parlement le peut. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il le doit. Je ne voudrais pas qu'on pense que j'appuie ce projet de loi. Je suis simplement ici pour vous apporter mon aide sur l'aspect constitutionnel.

M. MacLellan: Non, non. Vous nous avez beaucoup aidés.

Le professeur Magnet: J'estime que c'est une décision qui appartient au Parlement.

J'irai plus loin. J'estime qu'il appartient au Parlement de décider si le tuteur officiel doit être averti dans toutes les actions en divorce, par mesure de précaution en cas d'imprévoyance ou de négligence de la part des parents envers leurs enfants. J'estime que c'est une décision que le Parlement est libre de prendre en vertu du régime fédéral. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une décision sage; je ne dis pas qu'il devrait prendre une telle décision, mais le Parlement peut décider de ce qui correspond le mieux à l'intérêt de l'enfant dans une action en divorce et une fois cette décision prise, il peut énoncer les règles à suivre. Ce serait l'une de ces règles.

Bien qu'en rendant cet avis obligatoire, on resserre un peu la norme - puisque les grands-parents se trouvent alors à participer de plus près, comme vous le dites, à l'action en divorce - c'est une décision que vous êtes libre de prendre. Vous avez indiqué qu'ils deviennent ainsi pratiquement des parties à l'action. Je dirais que même si cette disposition fédérale faisait d'eux des parties à l'action - des parties principales - c'est une décision que vous êtes libre de prendre. En vertu de la répartition fédérale des pouvoirs, le Parlement pourrait considérer que les grands-parents sont essentiels au bien-être des enfants et il aurait alors compétence pour agir. Je ne dis pas qu'il s'agit d'une mesure sage mais vous seriez libre de la prendre.

Mme Jennings: Je prends à nouveau la parole parce que je suis très inquiète de l'optique dans laquelle la situation des grands-parents vous a été présentée aujourd'hui. Elle ne correspond pas à ce que j'ai constaté lors de mes déplacements un peu partout au pays.

J'aimerais soulever deux points. En premier lieu, j'estime que nous devons cesser de considérer le parent qui a la garde comme celui qui a les droits. Nous devons nous rendre compte que selon la politique établie par les Nations Unies, le droit d'accès à la famille est en fait le droit de l'enfant et non le droit des parents. Je suis d'accord avec le jugement rendu par la Cour d'appel du Nouveau-Brunswick en 1986, dans lequel elle a déclaré que le droit d'accès et de visite est le droit de l'enfant et non celui du parent.

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Par ailleurs, le préambule de la Loi sur les services à la famille reconnaît également que les enfants possèdent des droits de base et des libertés fondamentales au même titre que les adultes et que la famille existe en tant qu'unité de base de la société et que son bien-être est indissociable de celui de l'ensemble de la société.

C'est le premier point sur lequel j'aimerais avoir vos commentaires. C'est une toute nouvelle façon de voir les choses mais je crois que certains d'entre nous n'arrivent pas à se débarrasser de l'idée selon laquelle le parent qui a la garde est celui qui possède tous ces droits.

Je ne sais pas si d'autres personnes présentes ici aujourd'hui l'ont fait mais pour ma part je me suis déplacée un peu partout dans le pays pour parler à des grands-parents et j'ai pu constater quel est le problème. Puis, ne voulant pas me fier uniquement à mes propres constatations, j'ai consulté des avocats spécialisés en droit de la famille qui s'occupent chaque jour de causes concernant les droits des grands-parents, M. Culhane en particulier.

Ce que les grands-parents m'ont dit, c'est qu'au moment du divorce, ils ne savaient pas qu'il y aurait des problèmes, qu'en fait ils entretenaient de bonnes relations avec leurs beaux-fils ou leurs belles-filles, selon le cas, et ne se doutaient absolument pas qu'on les empêcherait de voir leurs petits-enfants. Cependant, avec le temps, des problèmes ont surgi. Peut-être que dans certains cas, l'un des conjoints s'était remarié, que sais-je encore. Ce n'est pas qu'ils ne se souciaient pas de leurs petits-enfants ou n'avaient jamais de contacts avec eux; c'est en fait qu'ils avaient des liens très étroits avec leurs petits-enfants et que ces liens ont brusquement été coupés. C'est une situation très éprouvante.

C'est donc la question à laquelle je veux en venir. S'ils avaient été avisés à l'époque et qu'ils avaient été mis au courant, les choses auraient pu se dérouler à l'amiable parce qu'ils entretenaient tous des relations très cordiales à l'époque.

M. Culhane peut en témoigner puisqu'il s'occupe d'environ une centaine de cas de ce genre par année. Je crois comprendre d'après ce qu'il m'a dit que l'année dernière, seulement 30 à 40 de ces cas ont été portés devant les tribunaux. Tous les autres ont été réglés à l'amiable.

J'aimerais avoir vos commentaires. Nous devons revoir notre façon de penser et nous tourner vers l'avenir au lieu de faire marche arrière.

Le professeur Magnet: En ce qui concerne les deux points en question, vous indiquez que les droits d'accès prévus par la Loi sur le divorce sont les droits des enfants et non les droits des parents. Je pense que cela est tout à fait clair d'après les décisions rendues par les tribunaux au sujet de l'article 16.

De plus - et cela rejoint le point soulevé par M. MacLellan un peu plus tôt - c'est uniquement sous cet angle qu'intervient en fait la compétence fédérale.

Si vous prépariez un projet de loi s'appuyant soi-disant sur cette notion de l'intérêt de l'enfant, mais dont l'objet véritable était en fait de reconnaître les droits des grands-parents, à mon avis, il ne relèverait pas de la compétence fédérale. Je pense que c'est le point que M. MacLellan tenait à faire ressortir un peu plus tôt.

Si vous visez en fait par ce projet de loi à faire reconnaître le droit des grands-parents, vous n'avez pas compétence pour le faire. Mais selon l'angle sous lequel vous avez présenté la chose, le droit d'accès est reconnu comme un droit de l'enfant non seulement par les conventions des Nations Unies mais aussi par l'interprétation que font les tribunaux de la Loi fédérale sur le divorce.

En ce qui concerne la Loi sur le divorce, vous avez également indiqué que le Parlement est d'avis que le tribunal appuiera le principe selon lequel l'enfant issu d'un mariage doit avoir avec chacun des parents le plus de contact compatible avec son propre intérêt, et vous voulez maintenant inclure les grands-parents.

Dans cette optique, le droit de l'enfant, à savoir qu'il est bon pour l'enfant dans une situation de divorce d'avoir ce genre de contact avec le parent ou le grand-parent, fait intervenir la compétence fédérale. Ce serait mon commentaire.

Deuxièmement, les grands-parents ne sont pas au courant de la situation. Ils ne savent pas comment réagir. Je ne veux pas m'écarter de la question constitutionnelle...

J'ai en fait eu l'occasion de plaider certaines causes de grands-parents.

Je ne comparais pas devant vous à ce titre, mais je pense, comme M. Regan l'a souligné, que mon expérience très restreinte en la matière m'a permis de constater qu'effectivement les parents entrent en guerre contre leurs parents.

Dans certains cas dont j'ai eu connaissance, le divorce avait été causé par l'ingérence des grands-parents dans le mariage des parents et les parents ne voulaient pas que les grands-parents se mêlent de leur vie ni de celle de leurs enfants.

.1650

Donc, effectivement, il existe certains cas où les parents dans un divorce veulent exclure les grands-parents et veulent les empêcher d'obtenir des renseignements. C'est pourquoi je suis étonné que l'on ait supprimé ou que l'on propose de supprimer la disposition relative à la communication de renseignements car c'est un problème que j'ai pu constater en plaidant ces causes.

Mme Jennings: Là où je veux en venir, professeur Magnet, c'est que les grands-parents -

Le président: Votre temps est écoulé depuis plus de cinq minutes.

Mme Jennings: Je pourrais peut-être prendre la même liberté que les autres et terminer ma question.

Le président: J'ai laissé le Parti réformiste poser toutes les questions qu'il voulait au lieu de céder la parole à deux députés du gouvernement.

Mme Jennings: Merci de vos explications, professeur Magnet.

Le président: Madame Skoke.

Mme Skoke (Central Nova): Je serai très brève, monsieur le président. Ma question fait suite à celle que vous a posée M. MacLellan. Ce que vous êtes en train de nous dire en votre qualité de spécialiste des questions constitutionnelles, c'est que nous ne pouvons pas, en tant que parlementaires, accorder aux grands-parents un droit statutaire en vertu de la Loi sur le divorce. Est-ce exact?

Le professeur Magnet: S'il s'agit de l'objet de votre loi, les droits des grands-parents ne relèvent pas de votre compétence mais vous pouvez accorder... Vous pouvez les appeler les droits des grands-parents - pour utiliser le jargon du métier - lorsqu'en fait au moyen de la jurisprudence et de la structure de la Loi sur le divorce, vous vous trouvez à faciliter l'accès des petits-enfants à leurs grands-parents et lorsque cette mesure est prise dans l'intérêt de l'enfant. Cela relève de la compétence fédérale.

Mme Skoke: Je ne suis pas d'accord avec vous. Si vous parlez des «droits des grands-parents», vous vous trouvez en fait à accorder des droits aux grands-parents.

Or, vous indiquez ce qui suit dans votre document:

Donc, ce pouvoir est fondé sur l'approbation de la requête en divorce, n'est-ce pas?

Le professeur Magnet: Il est fondé sur la présentation d'une requête en divorce. Une fois que la requête en divorce est présentée, le tribunal peut émettre des ordonnances provisoires et -

Mme Skoke: Il peut émettre des ordonnances provisoires. Mais si en fait la requête en divorce est rejetée, ce pouvoir disparaît, n'est-ce pas?

Le professeur Magnet: C'est tout à fait exact, madame Skoke.

Mme Skoke: Par conséquent, la Loi sur le divorce n'est pas une loi axée sur l'enfant; elle repose en fait sur l'approbation d'une requête en divorce -

Le professeur Magnet: C'est exact.

Mme Skoke: - et qui en fait concerne les deux parties qui sont mariées et qui sont en train de mettre fin à leur union. Les deux parties adultes, n'est-ce pas?

Le professeur Magnet: C'est exact dans le cadre de cette disposition. Il s'agit bien entendu de la Loi sur le divorce mais en matière de divorce, il est bien reconnu que le Parlement a le pouvoir de veiller au bien-être des enfants des parents en train de divorcer.

Mme Skoke: Des parents en train de divorcer, c'est exact.

En tant que spécialiste des questions constitutionnelles, prévoyez-vous des contestations fondées sur la Charte en ce qui concerne les intérêts et les droits concurrents des parents et des grands-parents; par exemple, le droit fondamental des parents d'élever leurs enfants et d'en prendre soin? Quelles sont les contestations fondées sur la Charte que vous prévoyez de la part des parents, de la mère et du père?

Le professeur Magnet: À mon avis, les parents n'obtiendraient pas gain de cause dans des contestations de ce genre fondées sur la Charte. C'est en fait une question que j'ai étudiée. J'aurais été très heureux de mettre ces notes à votre disposition mais on ne me l'a pas demandé; on m'a demandé de parler de l'aspect fédéralisme. Mais c'est en fait une question que j'ai étudiée.

À mon avis, je ne crois pas que cela pose vraiment de problèmes au niveau des droits à la liberté et à l'égalité ou au niveau de la liberté de conscience ou de tous les autres droits garantis par la Charte. Je pense que les parents ont la responsabilité principale de leurs enfants mais qu'elle n'est pas exclusive.

Mme Skoke: Vous dites «pas exclusive». Qui détient cette responsabilité alors? Êtes-vous en train de dire que l'État a le droit d'empiéter sur les droits des parents?

Le professeur Magnet: Au bout du compte l'État possède, en tant que parens patriae, le pouvoir d'intervenir pour assurer l'éducation et le bien-être de l'enfant en cas d'urgence. Oui, il possède ce droit.

Mme Skoke: Pouvez-vous nous citer des exemples de droit jurisprudentiel en ce qui concerne ce pouvoir? Si vous n'avez pas ces références avec vous, peut-être pourriez-vous nous les fournir plus tard?

Le professeur Magnet: Je me ferai un plaisir de vous fournir certains textes de référence reconnus qui font état de la compétence parens patriae, si vous me donnez deux minutes après l'audience. Je me ferai un plaisir de vous fournir les arrêts de principe faisant état de la compétence parens patriae.

Je pense entre autres à l'arrêt Eve, un arrêt de la Cour suprême du Canada, qui traite des droits des tribunaux en tant que parens patriae en ce qui concerne le consentement à certaines procédures médicales malgré les objections des parents.

Mme Skoke: Monsieur le président, pourrais-je demander que ces causes soient mises par écrit afin que nous les ayons ici au comité? Serait-ce trop exiger, simplement les notes, les citations?

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Le professeur Magnet: Avec plaisir et je crois pouvoir le faire pour vous aujourd'hui.

Mme Skoke: Merci.

Le professeur Magnet: La compétence parens patriae est une compétence reconnue.

Le président: Vous pourriez peut-être remettre seulement les citations au greffier.

Cela met fin à notre étude de cette question aujourd'hui. Il est presque 17 heures et le comité doit s'occuper d'une autre brève question.

Je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant nous aujourd'hui, professeur Magnet. Les éclaircissements que vous nous avez apportés ont été des plus utiles.

Le professeur Magnet: Merci beaucoup.

Le président: Nous devons maintenant nous occuper du rapport du sous-comité du programme et de la procédure du comité permanent. On a fait circuler ce rapport parmi vous, je crois. Il s'agit du 16e rapport, n'est-ce pas? Il s'agit donc d'adopter le rapport, ce que nous pouvons faire rapidement si une motion d'adoption est présentée.

Mme Torsney: Je présente une motion en ce sens.

La motion est acceptée

Le président: Demain, nous accueillerons le solliciteur général et les principaux responsables de la GRC à propos du projet de loi C-78.

Je vous remercie beaucoup. La séance est levée.

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