Passer au contenu
TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 7 novembre 1995

.1532

[Traduction]

Le président: Cet après-midi, nous poursuivons l'étude du projet de loi C-232. Nous allons entendre le dernier témoin sur le sujet.

Nous accueillons Me Charles Merovitz. Maître Merovitz, vous allez faire votre exposé, puis nous vous poserons des questions.

Me Charles L. Merovitz (avocat): Merci, Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.

J'ai soumis un mémoire au nom de l'organisme Grandchildren's/Grandparents' Right Of Wholesomeness Through Heritage, dont l'acronyme est GROWTH. GROWTH a été fondé en 1994 par un groupe de grands-parents inquiets de constater que les lois provinciales et fédérales ne réussissaient pas à protéger le droit des petits-enfants à rendre visite à leurs grands-parents.

Leurs inquiétudes entourent notamment les problèmes découlant du fait que, au fédéral comme au provincial, le législateur ne reconnaît pas le rôle important que les grands-parents jouent dans la famille, et qu'il ne considère pas la relation entre les grands- parents et leurs petits-enfants comme un type de relation à part. À l'heure actuelle, on n'accorde pas à cette relation plus de valeur qu'à celle entre un enfant et un tiers quelconque.

En outre, les législateurs provinciaux ont omis de prévoir que les grands-parents soient avisés de toute requête pour faire déclarer qu'un enfant a besoin de protection et doit donc devenir pupille soit de la Société d'aide à l'enfance soit de la Couronne; que les grands-parents soient avisés de toute adoption projetée; et que l'adoption par un beau-père ou une belle-mère ne change rien aux contacts entre les grands-parents et leurs petits-enfants. Mais je sais que le comité s'occupe uniquement des lois fédérales et c'est pourquoi mon mémoire ne va traiter que de la loi fédérale.

Je suis un avocat et un bénévole. Je vois GROWTH avec mes yeux de petit-fils. Je dédie les services que je rends à la mémoire de mes merveilleux grands-parents qui sont tous décédés maintenant mais qui m'ont fourni à moi et à tous leurs petits-enfants certains de nos plus chaleureux souvenirs d'enfance. Personnellement, je sais que j'aurais été bouleversé si quiconque m'avait empêché de les voir.

Je suis avocat depuis presque 20 ans et j'ai touché pas mal au droit de la famille. J'ai siégé au comité du Tuteur public et j'ai souvent agi comme avocat attitré des enfants. Je suis fier de dire que c'est moi qui ai gagné la première cause en cour d'appel de l'Ontario dans laquelle le tribunal a statué sans équivoque que l'enfant avait un droit de visite. La loi ontarienne a ensuite été modifiée pour refléter ce principe jurisprudentiel.

.1535

Les petits-enfants et les grands-parents ont une relation privilégiée. Déjà à l'époque de la Bible, les grands-parents avaient une relation particulière avec leurs petits-enfants. Dans le livre de Ruth, Naomi était la grand-mère d'un garçon, mais il est écrit qu'un fils lui était né. Cette relation spéciale se poursuit de nos jours.

Les deux événements d'actualité les plus médiatisés démontrent cet attachement. Ce sont les grands-parents qui s'occupent des enfants d'O.J. Simpson et de son épouse assassinée, et l'éloge funèbre le plus émouvant aux funérailles de Yitzhak Rabin a été prononcé par sa petite-fille qui a parlé de cet homme qui la serrait dans ses bras et l'embrassait.

Arthur Kornhaber, le célèbre pédopsychiatre, chercheur et auteur, déclare:

Selon lui, non seulement les enfants qui sont plus proches de leurs grands-parents sont mieux enracinés dans leur famille et dans la collectivité, mais ils sont mieux sécurisés. Le Dr Kornhaber déclare:

Il dit encore que les enfants adorent écouter des histoires «de l'ancien temps» et en redemandent toujours. C'est ainsi que les histoires des grands-parents se greffent à l'histoire de la vie même de l'enfant. Étant de véritables historiens ambulants, les grands-parents transmettent le patrimoine ethnique. Selon le Dr Kornhaber, un enfant qui est proche d'un de ses grands-parents est moins susceptible d'avoir peur de la vieillesse ou d'insulter les personnes âgées qu'un autre privé d'une telle relation.

Fredelle Maynard, une grand-mère journaliste à temps partiel, a écrit:

Les témoignages d'amour parental sont souvent compliqués par la nécessité, l'ambition, l'exaspération ou la fierté. Il n'est pas rare qu'une pression s'exerce pour que l'enfant en fasse plus et réussisse mieux. Les grands-parents, eux, veulent seulement que leurs petits-enfants soient heureux. Ils servent de mentor et de professeur à leurs petits-enfants; ils les font bénéficier de toutes leurs années d'expérience et d'un sens de leur histoire personnelle que les enfants ne trouveront nulle part ailleurs.

La relation entre grands-parents et petits-enfants peut assurer une certaine continuité à l'enfant, ce qui est vital au moment où le monde semble s'écrouler autour de lui. Lorsque les parents se séparent, les grands-parents peuvent aider à minimiser le conflit en procurant à l'enfant un endroit où il peut trouver du réconfort et quelqu'un à qui confier ses sentiments. Les grands- parents sont à la fois assez proches de l'enfant pour gagner sa confiance et assez détachés de la situation pour écouter son point de vue.

Une étude des causes renvoyées à la clinique du tribunal de la famille de Toronto entre juin 1985 et juin 1986 permet de constater que le tiers des parents et les trois-quarts des enfants ont habité chez les grands-parents au moment de la séparation ou après.

Le juge Steinberg, un éminent juge du tribunal de la famille de l'Ontario, a déclaré dans l'affaire Children's Aid Society of Hamilton Wentworth v. M.:

Dans le passé, les grands-parents n'avaient aucun droit de visite puisque les parents étaient libres de décider de tout ce qui concernait leurs enfants. Des dispositions récentes prévoient que les visites constituent un droit de l'enfant. Elles remplacent l'ancien concept du pouvoir discrétionnaire absolu du conjoint qui a la garde.

.1540

Les juges sont maintenant obligés de décider si les visites sont dans l'intérêt de l'enfant. Selon nous, les juges statuent trop souvent, parce qu'ils ont une latitude énorme, que le droit de visite provoquerait trop de conflits s'il était accordé aux grands- parents.

Il est évident que dans toutes les causes où les grands- parents doivent faire appel aux tribunaux pour obtenir le droit de voir leurs petits-enfants, il y a des conflits. Nous croyons que le législateur doit protéger les petits-enfants et préserver le rapport entre grands-parents et petits-enfants en exigeant des motifs sérieux pour refuser le droit de visite aux grands-parents.

Depuis la fin du XIXe siècle, la France et la Belgique reconnaissent la relation très importante entre les grands-parents et leurs petits-enfants et énoncent, dans leurs lois ou dans la jurisprudence, que les parents doivent avoir des motifs sérieux de s'opposer aux rapports entre l'enfant et ses grands-parents. Depuis 1980, le Code civil du Québec prévoit la même chose.

De telles dispositions reconnaissent que les liens personnels entre grands-parents et petits-enfants ne doivent pas être interprétés comme une intrusion dans la vie des conjoints qui ont la garde, mais plutôt comme une occasion pour l'enfant d'entretenir un lien avec son histoire et son patrimoine culturel, et aussi de préserver cette relation unique avec ses grands-parents.

Il faut modifier les lois. Si une disposition législative établissait une présomption en faveur du maintien des relations entre grands-parents et petits-enfants, les conjoints ayant la garde adopteraient peut-être un comportement différent et cesseraient de priver les grands-parents, sans motif valable, de la présence de leurs petits-enfants. Ils désirent souvent refuser le droit de visite au conjoint qui n'a pas la garde, ou le restreindre pour toutes sortes de motifs depuis des raisons d'ordre pratique jusqu'à des doutes sur ses compétences parentales.

Toutefois, il est maintenant présumé que le contact avec le conjoint qui n'a pas la garde va vraisemblablement profiter à l'enfant toute sa vie. C'est pourquoi le droit de visite est maintenant refusé uniquement si l'on craint pour l'enfant. Les conjoints ayant la garde ont été mis au courant de l'état du droit et il est très rare qu'ils tentent d'empêcher leur ex-conjoint de voir les enfants.

Selon nous, il est temps que le législateur reconnaisse à son tour que l'enfant profitera toute sa vie des contacts avec ses grands-parents, dont il ne devrait être privé que dans des cas exceptionnels. Nous croyons que le nouvel état du droit sera connu et qu'il n'y aura pas multiplication des procédures, puisque tout le monde saura que les grands-parents ne peuvent être privés du droit d'accès que dans des cas extrêmes, comme pour les conjoints n'ayant pas la garde.

Étant donné la répartition des compétences entre le fédéral et les provinces, nous sommes tenus de demander des modifications législatives aux deux ordres de gouvernement.

Aujourd'hui, nous traitons du pouvoir fédéral en matière de divorce. J'ai lu dans des témoignages antérieurs que certains n'étaient pas convaincus que la loi actuelle était problématique. Personnellement, je crois qu'elle l'est. Dans une étude effectuée en Alberta sur le divorce et le droit de visite - elle est mentionnée dans ma bibliographie - , 54,2 p. 100 des membres de la famille étendue y ayant participé ont dit qu'ils avaient de la difficulté à voir les petits-enfants, les neveux et les nièces, et à rester en contact avec eux après la séparation des parents.

Ce n'est pas un problème que des modifications aux lois provinciales pourraient régler, comme d'autres témoins l'ont suggéré. Prenez l'affaire Sheldon v. Sheldon à la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans laquelle le tribunal a conclu que les grands-parents ne pouvaient pas invoquer une loi provinciale pour obtenir un droit de visite étant donné que la garde des enfants avaient été confiée à un conjoint en vertu de la Loi sur le divorce. Par conséquent, il faut modifier la loi fédérale. Je vous ai remis un tableau des lois provinciales, qui montre les différences d'une province à l'autre.

.1545

À ma connaissance, le comité a soulevé entre autres la crainte d'une incompatibilité avec les lois provinciales et du risque de discrimination si le projet de loi accorde aux grands-parents la distinction recherchée. Si vous examinez la loi fédérale actuelle, vous constaterez qu'elle est discriminatoire en un sens pour les grands-parents puisqu'elle les oblige à obtenir du tribunal l'autorisation de demander un droit de visite pour voir leurs petits-enfants. Cette condition ne se retrouve pas dans la plupart des lois provinciales et pourtant, si le tribunal a raison dans l'arrêt Sheldon v. Sheldon et que les grands-parents ne peuvent pas se prévaloir de la loi provinciale une fois le jugement de divorce prononcé, faire abstraction de la loi provinciale permettrait aux grands-parents de demander, sans autorisation préalable, un droit de visite. La loi fédérale leur refusant ce droit, elle est donc discriminatoire et c'est l'un des arguments soulevés contre sa modification. J'estime que l'argument est erroné.

Il faut bien commencer quelque part. Les provinces peuvent refuser d'agir sous prétexte que leur loi serait alors différente de celle du fédéral et vice-versa.

Certaines provinces tentent d'accorder aux grands-parents la distinction que nous recherchons. Voici ce que disait l'honorable Edmund T. Blanchard, procureur général et ministre de la Justice du Nouveau-Brunswick, en faveur de la loi et des droits des grands- parents, le 13 avril 1994:

Le 28 avril 1994, Tony Rizzo, député d'Oakwood, présentait à l'assemblée législative ontarienne le projet de loi 156 d'initiative parlementaire. Selon l'article 2.1 du projet de loi, «quiconque a la garde d'un enfant n'entravera pas de manière indue les rapports entre l'enfant et ses grands-parents». Le projet de loi est mort au feuilleton, mais il montre qu'au moins un législateur a tenté d'amener le gouvernement provincial à reconnaître le rôle des grands-parents, ce que nous vous demandons de faire aujourd'hui.

Je ne répéterai jamais assez que l'on vous demande d'envoyer un message - aux petits-enfants, que leurs grands-parents sont extrêmement importants; aux parents, qu'il ne faut pas nuire à cette relation capitale à moins de raisons graves; et, surtout, aux législateurs provinciaux, que le fédéral, comme le Québec, reconnaît que seule la relation parents-enfants surpasse celle entre grands-parents et petits-enfants et que l'importance manifeste de cette relation commande une présomption légale.

Au paragraphe 16(10) de la Loi sur le divorce, le gouvernement fédéral présume que le contact avec le conjoint qui n'a pas la garde est réputé compatible avec l'intérêt de l'enfant. De même, il est évident que le contact avec les grands-parents est tout aussi compatible avec l'intérêt de l'enfant. On trouvera toujours dans ces deux groupes des exceptions à la règle que confirment l'histoire, la documentation, l'expérience et le sens commun.

.1550

Certains craignent la multiplication des procédures prises par les grands-parents. Je ne peux vous fournir aucune statistique, mais je vous assure que, d'après mon expérience, le droit de visite du conjoint qui n'a pas obtenu la garde était bien plus litigieux quand l'autre conjoint était autorisé à décider quelle forme prendrait ce droit. Lorsque les diverses lois ont été modifiées de façon à présumer que les conjoints n'ayant pas la garde ont un droit de visite sauf circonstances exceptionnelles, les autres conjoints ont presque cessé de s'opposer à l'octroi de ce droit.

Je doute que les litiges se multiplient comme certains le prévoient. Il serait plus vraisemblable que le droit de visite des grands-parents soit accepté et qu'il y ait au contraire moins de procédures.

Nous croyons que les enfants ont un droit inhérent de voir et d'aimer leurs grands-parents qu'il y ait eu un décès, un divorce ou une séparation dans la famille. Nous demandons que des dispositions efficaces, protégeant le droit inhérent des enfants à ce que leurs grands-parents occupent une grande place dans leur vie, soient adoptées rapidement.

L'article 5 de la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, exige que les États parties - et le Canada en est un - respecte les responsabilités, droits et obligations non seulement des parents mais aussi des membres de la famille étendue. Pour souligner l'Année internationale de la famille en 1994, nous vous prions d'appliquer les lois qui protégeront les relations entre les générations.

Nous estimons que le gouvernement fédéral devrait apporter les modifications suivantes.

La Loi sur le divorce devrait être modifiée en vue de reconnaître que les grands-parents forment une catégorie de tiers à part et qu'ils peuvent demander un droit de visite sans obtenir préalablement l'autorisation du tribunal.

La Loi sur le divorce devrait présumer que cette relation est compatible avec l'intérêt de l'enfant et qu'elle ne doit donc pas être entravée, à moins que l'on puisse prouver au tribunal qu'il n'est pas dans l'intérêt de l'enfant d'être en contact avec ses grands-parents.

Si le comité pense que les modifications proposées dans le projet de loi C-232 sont exagérées, mais admet que les grands- parents devraient avoir leur propre droit de visite, alors nous croyons qu'il trouvera acceptable les amendements suivants au projet de loi: supprimer l'obligation pour les grands-parents d'obtenir du tribunal l'autorisation de demander le droit de visite, mais maintenir celle relative à une demande de garde; supprimer la possibilité de demander des renseignements et la disposition concernant la conduite antérieure - quoique rien ne le justifie selon nous - mais conserver la modification proposée au paragraphe 16(10) qui se lira ainsi:

Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup.

Nous allons maintenant passer aux questions. Madame Venne.

.1555

[Français]

Mme Venne (Saint-Hubert): Tout d'abord, j'aimerais dire que, malgré ce que vous avez mentionné, je ne crois toujours pas que la Loi sur le divorce soit le bon véhicule pour faciliter à un grand-parent l'accès à un enfant ou même la garde d'un enfant.

Ne croyez-vous pas que les grand-parents d'enfants divorcés vont avoir plus de droits que ceux dont les enfants ne sont pas divorcés?

[Traduction]

Me Merovitz: Non, je ne crois pas. Ce n'est d'ailleurs pas ce que nous demandons.

[Français]

Mme Venne: Étant donné la façon dont les amendements sont formulés, étant donné également le véhicule qui est choisi, c'est-à-dire la Loi sur le divorce, on ne pourra utiliser ce moyen que lorsqu'il y a divorce. Voilà pourquoi je dis que ces grand-parents auront plus de pouvoirs et de droits que les autres.

[Traduction]

Me Merovitz: Ce n'est pas tout à fait vrai. Tout d'abord, au Québec, à l'heure actuelle, les petits-enfants des parents qui ne sont pas divorcés ont plus de droits que ceux des parents divorcés.

[Français]

Mme Venne: Au Québec... Oui, je suis d'accord avec vous.

[Traduction]

Me Merovitz: Il ne faut pas oublier le partage des pouvoirs. Le fédéral a compétence en matière de divorce et, comme je l'ai dit dans mon exposé, il faut bien commencer quelque part.

Les lois fédérale et provinciales ne sont pas identiques. D'ailleurs, avant que la Loi sur le divorce ne soit modifiée, les provinces avaient déjà modifié leurs lois respectives afin que les droits de visite soient déterminés en tenant compte du bien de l'enfant. C'est normal puisqu'il y a différentes assemblées législatives.

Donc, nous demandons à la fois au gouvernement fédéral de transmettre le message que la relation entre grands-parents et petits-enfants est particulière, et aux gouvernements de l'Ontario et de toutes les autres provinces de reconnaître cette qualité aux rapports entre les grands-parents et leurs petits-enfants. Mais si personne ne se jette à l'eau, si chacun soutient être impuissant en prétendant que le rapport sera différent sous le régime de la loi fédérale ou sous celui de la loi provinciale, il ne se passera rien.

[Français]

Mme Venne: Je persiste à croire que ce sont les provinces qui devraient agir en cette matière. C'est chacun son point de vue, évidemment!

Qu'est-ce que vous croyez que ce projet de loi va apporter de plus aux petits-enfants de ces grand-parents? Je comprends très bien l'intérêt des grand-parents et j'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez que ça va vraiment apporter aux petits-enfants de ces grand-parents.

[Traduction]

Me Merovitz: Je pense que cela va apporter aux petits-enfants ce dont j'ai parlé - le droit d'entretenir ce rapport privilégié avec leurs grands-parents, le droit de recevoir cet amour inconditionnel de leurs grands-parents.

[Français]

Mme Venne: Ils ont déjà ce droit-là.

[Traduction]

Me Merovitz: Mais après un divorce, si l'un des deux parents tente d'empêcher l'enfant de voir ses grands-parents, la loi actuelle sur le divorce, fait qu'il est plus difficile de faire valoir ce droit de l'enfant.

[Français]

Mme Venne: Je vous remercie. C'est tout.

.1600

[Traduction]

Le président: Mme Jennings.

Mme Jennings (Mission - Coquitlam): Je tiens à vous remercier pour cet exposé, Maître Merovitz. Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est très agréable d'avoir avec nous quelqu'un qui a vraiment travaillé sur ces questions et qui a de l'expérience pratique.

Vous avez exprimé bien des idées que j'essaie moi-même de faire passer depuis deux ou trois mois.

Tout d'abord, il y a le droit des enfants à entretenir des rapports avec leur famille étendue. Je relisais justement le témoignage de Barbara Baird, une avocate que nous avons entendue la semaine dernière. Elle a souligné en particulier qu'elle reconnaissait ce droit de l'enfant parce qu'elle travaille avec les enfants - et l'assemblée législative du Nouveau-Brunswick le reconnaît maintenant.

Dernièrement aussi, j'ai lu une longue série d'articles donnant le point de vue des Américains. On y insiste énormément sur le fait que c'est un point de vue radicalement différent. La prise de décisions n'est plus considérée comme un droit du conjoint qui a la garde, mais comme un droit de l'enfant. C'est aussi l'avis des Nations unies.

Je veux le répéter. Je crois que vous avez insisté là-dessus. Nous discutons du droit de l'enfant de voir sa famille étendue, pas du droit des parents.

Me Merovitz: Parfaitement. Il y a cinquante ans, les enfants étaient traités comme des biens. On ne leur demandait pas leur avis et on ne se préoccupait pas de leur intérêt. Il y a vingt-cinq ans, ils n'étaient plus considérés comme des biens, mais les parents détenaient des droits du simple fait d'avoir donné naissance à un enfant.

À cause de l'évolution au cours des dix à quatorze dernières années, il est évident aujourd'hui que les décisions concernant la garde et le droit de visite dépendent de l'enfant. On tient compte des intérêts de l'enfant.

Mme Jennings: Je voudrais maintenant quelques précisions pour ma gouverne et pour celle du comité.

Est-ce une bonne idée d'adopter ce projet de loi isolément? Vous savez sans doute qu'une étude exhaustive des aspects juridiques de la garde et du droit de visite est en cours. Ça ne pose pas de problème d'adopter le projet de loi tel quel?

Me Merovitz: Le projet de loi comme tel, peut-être sous réserve de certains amendements qui, vous l'admettez, sont raisonnables, déclare que pour le gouvernement fédéral, les rapports entre grands-parents et petits-enfants ont quelque chose de sacré et doivent être protégés. Il ne faut pas traiter les grands-parents ou un oncle comme s'ils étaient de simples voisins et les obliger à obtenir l'autorisation du tribunal pour demander un droit de visite.

Étant donné surtout ce que le Dr Kornhaber a affirmé, le lien affectif entre les petits-enfants et leurs grands-parents n'est surpassé que par celui entre les enfants et leurs parents. Il est grand temps d'accorder à ce lien l'importance qu'il mérite.

Mme Jennings: Vous avez aussi abordé la question de la multiplication des procédures. C'est un sujet crucial.

Je dis et je répète depuis quelque temps déjà que ces nouvelles dispositions n'entraîneront pas un accroissement des procédures. Il est fort peu vraisemblable que cela se produise. Ce serait plutôt le contraire, car il faudrait intenter une toute nouvelle action avec les avocats, les parents et tout le reste.

Je remarque que Mme Baird a déclaré la même chose. Cela ne s'est pas produit au Nouveau-Brunswick où des dispositions semblables sont déjà en vigueur. Pourriez-vous nous exposer de nouveau votre position? Croyez-vous qu'il y aura multiplication des procédures judiciaires si tout se fait en même temps?

Me Merovitz: Je ne crois pas. Je me fonde sur mon expérience. J'ai eu comme clients des conjoints qui n'avaient pas la garde et qui n'arrivaient pas à s'entendre avec l'autre sur les contacts avec les enfants.

Quand j'ai commencé à pratiquer, il était courant pour la mère qui avait la garde de refuser au père tout contact avec ses enfants parce qu'il était ivrogne, fainéant et paresseux. On dépensait souvent des milliers de dollars en procédures pour tenter d'empêcher le père de voir ses enfants.

Les psychologues ont commencé à craindre l'effet à long terme de cette décision sur un enfant qui n'aurait aucun contact avec son père. L'enfant était susceptible de se sentir abandonné. On a fait de grands progrès dans le domaine des droits de l'enfant et, petit à petit, on en est venu à reconnaître que les conjoints qui n'avaient pas la garde avaient un droit de visite. D'ailleurs, ce n'était pas eux qui avaient ce droit, mais les enfants.

.1605

On s'est finalement rendu compte que si l'autre parent était un ivrogne, il valait mieux trouver un compromis acceptable au lieu de lui refuser catégoriquement tout contact avec ses enfants. On pourrait par exemple lui interdire de boire la veille du jour de la visite et pendant qu'il est avec ses enfants, ou lui imposer des visites surveillées.

Ce que je veux dire, c'est qu'en tenant pour acquis le droit des parents qui n'ont pas la garde à voir leurs enfants, il y a en fait moins de litiges à ce sujet.

Mme Jennings: Merci. Maintenant, dites-moi si ça importe que le mot «grands-parents» ne soit pas défini dans le projet de loi?

Me Merovitz: C'est une question épineuse. Les avocats peuvent interpréter un mot comme bon leur semble, je suppose.

Disons que la définition du mot «grands-parents» pourra être litigieuse qu'il s'agisse de grands-parents par alliance ou de grands-parents par union de fait. Il serait peut-être préférable de définir le terme si vous étiez prêts à décider que les grands- parents non biologiques auront le même statut que les autres.

Du point de vue du lien entre les grands-parents et leurs petits-enfants, je dirais qu'il peut être aussi fort avec des grands-parents par alliance qui ont toujours été considérés comme des grands-parents par les petits-enfants et qui ont toujours considéré les enfants qui ne sont pas de leur sang comme leurs petits-enfants.

Mme Jennings: Beaucoup ont dit que dans un divorce pénible, l'intervention des grands-parents risque de jeter de l'huile sur le feu. Il y a déjà deux parties qui s'affrontent et tout le monde est énervé. J'ai répliqué qu'en fait, les grands-parents pouvaient être apaisants.

J'ai lu avec intérêt l'article de Mme Baird et ce qu'elle a dit la semaine dernière. D'ailleurs, elle a affirmé que c'est exactement ce qui s'est passé dans les causes dont elle s'est occupée au Nouveau-Brunswick. Les juges font souvent la part du mécontentement et des disputes et voient les grands-parents qui n'ont qu'une idée en tête: l'amour de l'enfant, pouvoir le voir. Les tribunaux ne sont pas submergés de requêtes présentées par des grands-parents qui veulent uniquement exercer leur nouveau droit. Seuls ceux qui sont vraiment intéressés prennent des procédures.

Qu'en pensez-vous?

Me Merovitz: Il serait naïf de croire que les grands-parents n'abuseront jamais de la loi. Il se trouve toujours quelqu'un pour abuser d'un système quel qu'il soit. Selon ce que j'ai pu observer, les grands-parents sont effectivement une source de réconfort pour leurs petits-enfants qui vivent un grand bouleversement à cause d'une séparation ou du décès d'un être cher.

Quand on légifère, il faut toujours peser le pour et le contre. Il y a un mince risque d'abus, mais je crois que l'objet de la loi et ses avantages compensent largement les inconvénients occasionnés par ce risque.

Le président: Merci, Madame Jennings.

Monsieur Knutson.

M. Knutson (Elgin - Norfolk): Merci beaucoup.

.1610

J'estime que, d'une façon générale, nous devons tous essayer de comprendre l'importance de relations saines entre les grands- parents et leurs petits-enfants et leurs avantages. Je n'ai pas vécu cette expérience personnellement, mais j'ai des enfants et ils sont conscients de ce que leur apportent leurs relations avec leurs grands-parents. J'estime par conséquent que l'on considère cela comme un fait acquis; c'est en tout cas ce que je ferai en l'occurrence.

Un certain nombre de vos confrères du barreau ont toutefois déclaré que l'action en divorce est le moment le plus mal choisi pour régler la question. D'après eux, ce n'est pas le moment de faire intervenir éventuellement quatre grands-parents; en cas de remariage, il se pourrait même que pas moins de six ou huit grands- parents viennent tous donner leur avis... Je crois qu'un des témoins a dit que c'est un mauvais moment pour les laisser «mettre leur nez dans ces affaires», qu'il faut d'abord régler la question de la séparation des parents, laisser les choses se tasser, puis laisser le soin à une cour provinciale de régler la question de l'accès à un moment ultérieur.

Je crois que c'est le message que nous ont communiqué la plupart des avocats en droit de la famille, du moins au début de nos audiences. Je me demande si vous pourriez dire ce que vous en pensez.

Me Merovitz: Effectivement, j'ai lu leurs témoignages et j'ai constaté avec étonnement qu'aucun n'a fait allusion à la possibilité que les grands-parents ne puissent avoir accès - si vous ne voyez aucun inconvénient à ce que j'emploie ce terme - à la législation provinciale, parce qu'il y a eu divorce, comme l'indique le jugement rendu par la Cour suprême de la Colombie- Britannique dans l'affaire Sheldon c. Sheldon. J'estime donc que ce n'est pas aussi simple qu'ils ne vous l'ont laissé entendre.

J'ajouterais que j'espère que cela permettrait d'éviter les litiges, et les chances d'y arriver seraient plus grandes dans le cadre du scénario que j'ai exposé à propos du droit d'accès de celui des parents qui n'a pas obtenu la garde. Autrement dit, à partir du moment où il serait acquis que les grands-parents ont le droit d'accès, les tribunaux ne seraient pas surchargés et on ne verrait pas les grands-parents compliquer les actions en divorce.

Je me rends bien compte que cette question ne manque pas de préoccuper ces témoins-là, mais je reviens à ce que j'ai dit, il faut peser le pour et le contre. Ce que je crains fort, après avoir lu tous ces témoignages, c'est que le comité ne saisisse pas l'essentiel, à savoir que s'il n'accorde pas ce statut à part aux grands-parents, la législation provinciale ne peut pas le faire si, comme dans le cas de l'affaire Sheldon, les tribunaux décrètent que c'est impossible lorsque le divorce a été prononcé.

M. Knutson: D'accord.

Pourrait-on parler brièvement d'avis? On craint généralement que les adultes qui divorcent ne veuillent pas avertir leurs parents. C'est bien beau ce genre de projet de loi, mais si l'on ne stipule pas qu'il faut les prévenir, les grands-parents ne pourront pas se présenter au tribunal s'ils n'ont pas été avertis et la question ne sera pas abordée. Qu'en pensez-vous?

Me Merovitz: Je crois que la loi actuelle ne stipule pas qu'il faut les avertir.

M. Knutson: C'est exact.

Me Merovitz: Je ne suis peut-être pas du même avis que certains promoteurs de ce projet de loi. Je me demande si l'avis est une bonne idée. J'estime que les grands-parents qui ont droit à ce statut à part essayeront de savoir ce qui se passe et que c'est ceux-là qui y ont droit.

M. Knutson: Vous ne voyez donc pas la nécessité de préciser dans le projet de loi qu'il faut les avertir?

Me Merovitz: Non.

M. Knutson: Vous avez parlé du critère, de l'obligation pour les grands-parents de demander la permission au tribunal avant de pouvoir se présenter devant lui. Je crois que vous estimez que c'est une bonne chose en ce qui concerne la question de la garde entre autres, mais pas dans le cas de l'accès. Ai-je bien compris?

Me Merovitz: Vous avez bien compris. Je reconnais que les grands-parents ne devraient pas nécessairement être mis sur le même pied que les parents pour ce qui est de la garde, mais cet argument n'est à mon avis plus valable en ce qui concerne l'accès.

.1615

M. Knutson: C'est tout. Merci.

M. Ramsay (Crowfoot): En ce qui concerne la question de l'avis, le témoin du Nouveau-Brunswick nous a signalé que ce n'était pas vraiment un problème. La loi du Nouveau-Brunswick n'exige pas que les grands-parents soient avertis, ce qui n'empêche pas ceux-ci de découvrir que leurs enfants divorcent ou de faire connaître leurs opinions au tribunal.

Par conséquent, je suppose qu'il n'est pas vraiment nécessaire de le préciser dans ce projet de loi compte tenu des doutes que certaines personnes, pas seulement les témoins mais certains d'entre nous, ont exprimé à ce sujet.

Je crois que tous les membres du comité s'intéressent au but poursuivi par ce projet de loi. Je me demande toutefois si nous arriverons à le faire adopter. Je me sentirais beaucoup plus à l'aise s'il s'agissait d'une initiative ministérielle plutôt que d'une initiative parlementaire.

J'espère toutefois que mes collègues de tous les partis le défendront avec conviction devant leur caucus et que nous y apporterons des amendements qui le sauveront tout en en préservant l'esprit.

Certains témoins ont parlé de la constitutionnalité de ce projet de loi. M. Joseph Magnet nous a notamment donné son opinion à ce sujet, à savoir qu'il le juge constitutionnel.

J'estime certes qu'il ne faut pas légiférer en se fondant sur des scénarios hypothétiques. Il nous faut des faits et des statistiques, si c'est possible, et il faut faire preuve d'une grande prudence à cet égard.

Il n'y a rien de mal à essayer de prévoir les conséquences négatives d'un projet de loi au cours du débat, mais j'estime qu'il faut éviter de légiférer en se basant uniquement sur des exemples extrêmes ou en songeant aux abus qui pourraient se produire dans de rares circonstances.

D'après ce que j'ai pu constater, certaines personnes craignent que ce projet de loi n'entraîne toutes sortes de frais en raison des procédures judiciaires supplémentaires qu'il déclenchera, et que l'intervention des grands-parents dans les instances en divorce ne vienne compliquer les choses. Pour le moment, mes craintes à ce sujet sont quelque peu apaisées, surtout à la suite de l'intervention du témoin du Nouveau-Brunswick.

Je sais que vous avez déjà abordé le sujet, mais pourriez-vous parler à nouveau des coûts et des litiges supplémentaires que cela entraînerait par rapport à ceux qui découlent actuellement des tentatives des grands-parents d'avoir accès auprès de leurs petits- enfants, et nous dire si le fait que les grands-parents auraient désormais le droit d'intervenir en quelque sorte dans une cause de divorce compliquerait ou non les choses.

Me Merovitz: C'est une question très élaborée. Je signalerais d'abord qu'en ce qui concerne l'avis, en Ontario, les parties ne sont tenues d'être avisées d'un recours en justice que si la loi l'exige ou que s'il s'agit de parties jugées nécessaires.

La notion de «parties nécessaires» n'a pas été définie avec précision, mais à mon avis, si l'on ne stipule pas expressément dans la Loi sur le divorce que les grands-parents doivent être avertis, personne ne sera obligé de les prévenir systématiquement en cas de divorce. Comme je l'ai dit, les bénéficiaires d'une telle disposition seront les gens qui l'ont mérité, ceux qui savent ce qui se passe dans la vie de leurs petits-enfants.

.1620

En ce qui concerne les frais judiciaires supplémentaires, j'estime personnellement que lorsque tout le monde saura que l'on présume qu'un petit-enfant va bénéficier d'un accès auprès du grand-parent, aucune tentative d'empêcher cet accès ou aucune action en litige supplémentaire ne sera faite. C'est ce que j'ai pu constater en ce qui concerne les tentatives que font les parents ayant la garde de l'enfant pour bloquer l'accès de ceux qui ne l'ont pas.

Je suis persuadé que les gens l'accepteront tout simplement comme un fait accompli. On partira du principe que le petit Martin ou la petite Marie aura le droit d'avoir accès auprès de ses grands-parents. Comment va-t-on s'adapter à cette nouvelle situation par rapport au silence actuel de loi à ce sujet? La mère de la petite Marie pourra toujours lui dire que ce n'est pas une très bonne chose qu'elle voie sa grand-mère et que par conséquent elle ne doit pas le faire.

J'en viens au message que je veux transmettre au gouvernement fédéral. Il est le suivant: les relations entre petits-enfants et grands-parents méritent d'être reconnues par lui comme des relations particulières.

Le Dr Kornhaber a dit que c'est le lien affectif le plus fort, après celui qui existe entre les parents et les enfants. Je voudrais que le gouvernement fédéral en reconnaisse l'existence. S'il le fait d'ici deux ans au plus tard, les provinces suivront son exemple, et tous les petits-enfants de notre pays s'en porteront mieux.

M. Ramsay: Merci.

Le président: Monsieur Regan, vous avez cinq minutes.

M. Regan (Halifax-Ouest): Maître, je tiens à vous remercier d'être venu aujourd'hui. Je sais que vous avez consacré pas mal de temps à cette question. J'ai l'impression que vous l'avez fait à titre bénévole et je suis convaincu que vous êtes en train de perdre de l'argent pour le moment.

Je voudrais vous poser deux ou trois questions. Ce qui me préoccupe au sujet de ce projet de loi, c'est qu'il ne fait pas de distinction entre les grands-parents qui ont des relations étroites avec leurs enfants et qui les voient régulièrement, et ceux qui ne sont pas dans ce cas, c'est-à-dire ceux qui ne les voient pas du tout ou que très rarement.

Je crois que cela fait une grosse différence. Ce projet de loi ne fait pas de distinction à cet égard. Il leur accorde le même droit d'accès, c'est-à-dire en l'occurrence qu'il leur accorde automatiquement le droit d'intervenir devant les tribunaux dans les actions en divorce.

Ces considérations nous ramènent au problème de la distinction entre les grands-parents biologiques et les autres, que vous avez évoqué. Il s'agit de savoir sur quels critères il convient de se fonder. Faut-il se baser sur la relation qui existe entre eux ou sur des critères d'ordre biologique et génétique, comme le fait qu'il existe des liens familiaux, c'est-à-dire des liens parentaux directs, par exemple? Si l'on se fonde tout simplement sur des critères non biologiques et sur les relations qui existent, comment distinguer celles-ci des relations qui existent entre un enfant et un ami de ses parents qui le voit peut-être plus souvent que le grand-parent?

Me Merovitz: J'y ai réfléchi. La réponse n'est pas facile. D'une part, la solution de facilité consisterait à n'accorder ce statut qu'aux grands-parents qui ont établi des relations avec leurs petits-enfants.

On pourrait prétendre que c'est ce que font les tribunaux au Québec, du fait que la législation provinciale stipule que personne ne peut en aucun cas ériger des obstacles aux relations personnelles entre l'enfant et ses grands-parents. On pourrait en déduire que cela veut dire que la relation existe déjà.

Je connais également des cas semblables à celui de Naomi, cité dans la Bible, où ces liens se nouent dès l'instant de la naissance, en ce qui concerne les grands-parents du moins, dès l'instant où ceux-ci apprennent l'existence d'un petit-enfant. Les avantages que présente ce lien pour l'enfant pour l'avenir sont évidents.

.1625

J'ai vu des grands-parents se battre pour la garde d'enfants qu'ils n'avaient jamais rencontrés et qui allaient être donnés en adoption, uniquement à cause du lien qui s'était créé instantanément du fait même de l'existence de l'enfant. Tout ce que je veux dire, c'est que cette question n'est pas facile.

M. Regan: D'après ce que vous dites, il me semble que ce lien existe surtout dans l'esprit du grand-parent ou qu'il émane surtout de lui. De toute évidence, du fait qu'il ne connaît pas son grand- parent, l'enfant n'a pas la même perception. Vous affirmez toutefois que ce lien présente des avantages pour l'avenir.

Me Merovitz: Effectivement. C'est exact.

M. Regan: Vous avez parlé d'un problème. Si la question de la garde et de l'accès est réglée dans le cas d'un divorce, la loi provinciale n'est peut-être pas applicable, à en juger du moins d'après la décision rendue dans le cadre de l'affaire Sheldon c. Sheldon. Il est possible que les grands-parents ne puissent y avoir recours pour obtenir l'accès, par exemple.

Me Merovitz: C'est effectivement le jugement qui a été rendu dans l'affaire Sheldon c. Sheldon. Je ne peux pas vous dire s'il pourrait être contesté devant les cours d'appel et s'il serait appliqué dans tout le pays.

M. Regan: C'est là la question. Par contre, le gouvernement fédéral ne pourrait-il pas résoudre le problème en précisant dans la Loi sur le divorce, que dorénavant, la compétence en matière d'accès et de garde relèvera de la loi provinciale?

Me Merovitz: Je ne le pense pas. Je ne suis pas sûr, parce que je ne suis pas un expert dans le domaine constitutionnel. Il vaudrait probablement mieux que M. Magnet étudie la question.

Je ne suis pas sûr que le gouvernement fédéral puisse le faire. Si c'était le cas, il l'aurait fait volontiers et il aurait totalement exclu la question de la garde et celle de l'accès de la Loi sur le divorce.

M. Regan: Peut-être que oui, peut-être que non. Il me semble évident qu'en cas de divorce, la question du divorce proprement dit ou de la garde soit réglée entre les deux personnes qui sont directement concernées. C'est l'évidence même.

Ce que je veux dire, c'est qu'étant donné que d'une manière générale, la question de l'accès et de la garde relève de la compétence des provinces, sauf en cas de divorce, il me semble qu'il serait assez facile pour le gouvernement fédéral de dire qu'il n'empiétera pas sur le droit des provinces de régler la question après que le divorce soit prononcé. Il est chargé de régler le divorce entre deux personnes qui ont été mariées, un point c'est tout. La question des relations qui existent entre les grands-parents et leurs petits-enfants relève des provinces, une fois que le divorce a été prononcé. C'est un débat constitutionnel dans lequel on ne tient pas à s'embarquer.

Me Merovitz: Je veux dire que je ne suis pas certain que le gouvernement fédéral puisse le faire.

Le président: Maître, au cours des audiences, il a notamment été question du problème des responsabilités des gouvernements fédéral et provinciaux et de la répartition des compétences en la matière.

Comme vous l'avez dit, la Loi sur le divorce relève de la compétence du gouvernement fédéral et la question de la garde et de l'accès de celle des gouvernements provinciaux. Étant donné l'aide accordée en vertu des dispositions de la Loi sur le divorce, celles-ci règlent la question de la garde et de l'accès dans ce contexte. Par contre, les grands-parents n'interviennent jamais dans l'action en divorce.

M. Magnet nous a donné son opinion, mais cela ne veut pas dire nécessairement que je suis d'accord avec lui. La raison, c'est que les grands-parents n'interviennent jamais dans une action en divorce. Ne sommes-nous pas en fait en train d'empiéter sur les droits des provinces en essayant de permettre aux grands-parents d'intervenir pour faire valoir les droits qui leur sont conférés par une loi fédérale alors que cette question relève peut-être en fait de la législation provinciale?

Me Merovitz: Je crois que j'adopterais la réponse de M. Magnet en la matière. J'ai lu, moi aussi, son témoignage. Ce qu'il a dit à ce sujet - je crois que c'est exact - , c'est que le gouvernement fédéral a déjà prévu la possibilité que d'autres personnes que les parents demandent la garde, mais elles ont besoin de l'autorisation du tribunal. Par conséquent, si cette disposition est constitutionnelle, celle accordant aux grands-parents un statut à part doit l'être également.

Le président: Je ne suis pas sûr que cette question ait été contestée. C'est un problème.

Vous avez parlé d'une chose qui vous préoccupait. Vous avez énuméré quelques sujets de préoccupation à la fin de votre exposé. L'une de vos préoccupations, c'est que les grands-parents aient un droit d'accès, sauf quand on peut prouver que ce devrait être le contraire. Je crois que c'est ce qui ressort d'une manière générale de votre exposé.

.1630

Estimez-vous que le projet de loi à l'étude permette d'atteindre ne fût-ce que partiellement ce but ou faudrait-il envisager de prévoir un autre projet de loi à cet effet?

Me Merovitz: Oh oui, il y contribuera en grande partie. Il ne va peut-être pas aussi loin que l'auraient souhaité certains organismes représentant les grands-parents, mais il y contribue amplement.

Ainsi, les modifications proposées au paragraphe 16(10) de la loi stipulent que le tribunal applique le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chacun des grands-parents le plus de contact compatible avec son propre intérêt, ce qui indiquerait clairement au tribunal que le gouvernement fédéral estime que la relation avec les grands-parents est importante et qu'elle est digne d'un statut préférentiel par rapport à celle avec tout autre tiers.

Le président: Merci.

Madame Jennings.

Mme Jennings: Cet argument de la discrimination me préoccupe un peu. J'ai de la difficulté à l'admettre, parce qu'étant mère de quatre garçons qui m'ont donné sept petits-enfants, et qu'il n'y a pas encore de divorce dans la famille, j'ai des droits nettement supérieurs à ceux de tous les grands-parents qui sont confrontés à un divorce. Je peux voir ces enfants n'importe quand. Je peux demander des nouvelles de leur état de santé et de leur bien-être quand bon me semble. Je me trouve dans une situation très privilégiée.

Je trouve étrange que l'on puisse avoir des objections - même si nous avons accepté de supprimer l'article concernant le droit d'exiger des renseignements - à ce qu'un grand-parent ait le droit de visite et celui de demander à leurs petits-enfants comment ils vont et comment cela va à l'école, par exemple. Pouvez-vous dire ce que vous en pensez? Qui est victime de discrimination dans ce cas- ci? Les grands-parents ne devraient-ils pas avoir des droits supplémentaires dans un cas de divorce étant donné qu'ils souffrent et qu'ils sont pénalisés à certains égards?

Me Merovitz: Je ne suis pas sûr, en ce qui concerne la deuxième partie de votre question.

Quant à la question de la discrimination, prenons votre cas comme exemple. Vous venez de Colombie-Britannique. Nous avons la loi de cette province sous les yeux. Dans les cas autres que le divorce, si l'on empêche vos petits-enfants de vous voir, vous pouvez toujours présenter une demande aux termes de la Family Relations Act. Il suffit de s'adresser au tribunal provincial compétent, de lui exposer le problème en expliquant que l'accès est au mieux des intérêts de votre petit-enfant. Vous dites alors au juge que vous voudriez qu'il vous accorde l'accès.

Par contre, si l'un des deux conjoints a divorcé et qu'il existe une ordonnance de garde à la suite d'un divorce, d'après le jugement rendu dans le cadre de l'affaire Sheldon - par un tribunal de la Colombie-Britannique, d'ailleurs - , si vous essayiez de vous adresser aux tribunaux provinciaux en suivant le même scénario, on vous répondrait probablement ceci: «Désolé, Madame Jennings, le jugement rendu dans l'affaire Sheldon c. Sheldon indique que vous ne vous adressez pas à l'autorité compétente».

Vous demanderiez alors à votre avocat comment il faut procéder et il vous répondrait qu'il faut maintenant intenter un recours aux termes de la Loi sur le divorce pour faire modifier l'ordonnance de garde initiale. Vous lui diriez alors: «Formidable, allez-y!». Il vous répondrait que ce n'est pas si facile que cela et qu'il faut demander l'autorisation aux termes de la Loi sur le divorce. Par conséquent, en Colombie-Britannique comme en Ontario, puisque la législation est semblable en la matière, dans le cas d'un divorce, les grands-parents font l'objet de discrimination parce qu'ils doivent demander l'autorisation.

J'ai lu dans les fascicules une déclaration avec laquelle je ne suis pas du tout d'accord, à savoir qu'il est très facile de demander la permission. En effet, s'il est vrai que cela se fait par voie d'affidavit, on a omis de vous expliquer qu'il existe un droit de contre-interroger l'auteur de l'affidavit, et que cela peut prendre des heures. La préparation peut prendre plusieurs heures. Elle nécessite probablement un passage au tribunal avant et un autre après le contre-interrogatoire.

Il arrive souvent que des éléments nouveaux ressortent à cette occasion. Votre avocat doit revenir là-dessus et on peut alors vous réinterroger au sujet de ces éléments. Ce n'est pas du tout aussi facile qu'on vous l'a laissé entendre, et c'est très coûteux.

Mme Jennings: En fait, si l'on adoptait le projet de loi C- 232, qui n'exige pas la permission du tribunal mais leur accorderait automatiquement un statut à part, le droit de faire une demande, cela simplifierait beaucoup les contacts entre les grands- parents et leurs petits-enfants.

.1635

Me Merovitz: Absolument, et cela mettrait fin à la discrimination due au fait de devoir demander la permission en cas de divorce, alors que ce n'est pas nécessaire dans les autres cas.

Mme Jennings: Maître, je vais également vous signaler quelque chose que j'aurais dû dire au début. Veuillez m'en excuser.

Je crois que vous êtes au courant de la situation mais certains grands-parents m'ont dit que ce n'est pas des droits des grands-parents qu'il est question dans ce débat, mais plutôt de ceux des petits-enfants, et je suis certaine que vous êtes d'accord.

Me Merovitz: C'est à titre de petit-enfant que je comparais, parce que j'en suis un.

Mme Jennings: S'il avait été possible pour les grands-parents de la Colombie-Britannique de créer une association de petits- enfants, ils l'auraient fait, mais c'était impossible. Ils prennent la parole au nom des milliers et des milliers de petits-enfants qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes dans ce cas-ci. Je suis sûre que vous êtes d'accord avec moi.

Me Merovitz: Oui.

Mme Jennings: «La réalité, c'est que les grands-parents hésitent à intervenir dans ces conflits, sauf s'ils estiment que c'est absolument nécessaire». C'est ce qu'a dit Mme Barbara Baird. Je n'étais pas là quand elle a témoigné, parce que j'étais dans ma circonscription la semaine dernière, mais ses propos m'ont été cités à maintes reprises au cours des déplacements que j'ai faits dans tout le pays.

J'ai essayé d'expliquer à mes collègues que c'est à peu près la même chose pour ça que pour tout ce qui se passe au niveau de la famille. On a d'abord tendance à se replier sur soi-même. On a honte. On n'arrive pas à croire que l'on vous a refusé l'accès. On ne comprend pas ce qui se passe. On est âgé et on ne voudrait pas traduire sa famille devant les tribunaux. On est d'une autre génération. Cela ne se fait pas.

Si ce projet de loi est adopté, les litiges ne se mettront certainement pas à pleuvoir du jour au lendemain et tous les grands-parents ne se précipiteront pas au tribunal. Je crois ce qu'a ditMme Barbara Baird. C'est ce qu'elle fait tous les jours. Je sais que c'est ce que vous faites tous les jours. Je crois qu'à quelques rares exceptions près, nos grands-parents sont comme nous les imaginons. Ils hésiteront beaucoup à intervenir, sauf si c'est absolument nécessaire.

Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?

Me Merovitz: J'en suis absolument convaincu. Intenter un procès est la dernière chose qu'un avocat raisonnable recommanderait à son client de faire et c'est pourquoi j'ai dit que normalement, on commencerait par envoyer une lettre. En fait, je conseille toujours à mes clients de ne même pas faire envoyer la première lettre par l'avocat. Je leur conseille d'écrire personnellement et de demander tout simplement l'autorisation de rendre visite.

Si ce projet de loi est adopté et si l'avocat doit intervenir, il serait peut-être facile de rappeler à la personne concernée ou à son avocat que le gouvernement fédéral a reconnu que l'accès auprès de grands-parents est un droit inhérent des petits-enfants et par conséquent de l'implorer de le reconnaître à son tour et d'accorder aux grands-parents un temps raisonnable pour rendre visite à son petit-fils ou à sa petite-fille.

Mme Jennings: Merci.

Le président: Madame Torsney.

Mme Torsney (Burlington): J'abonderais dans le même sens que M. Knutson. Je trouve éminemment regrettable que ceux d'entre nous qui posent des questions sur le projet de loi et qui y voient certains problèmes sans nécessairement être contre le principe, sont considérés comme des adversaires par certains grands-parents. Cette perception est ce que je trouve le plus effrayant au monde.

J'admets tout le grand bien que vous dites de ces relations dans les deux premières pages de votre mémoire, et j'en reconnais l'importance. J'ai toutefois certaines réticences à l'idée de certains problèmes qui pourraient se poser.

Je me demande vraiment si ce projet de loi est la meilleure solution. Peut-être conviendrait-il de mener une campagne intensive auprès des juges et de leur transmettre le message qu'ils devraient tenir compte des grands-parents lorsqu'ils règlent les questions d'accès et de garde, et de demander aux organismes de services sociaux de tout le pays pourquoi ils placent des enfants dans des foyers d'accueil sans consulter les grands-parents.

D'après vous, si la législation fédérale était au moins en leur faveur, ils pourraient écrire une lettre à leurs enfants pour leur dire qu'ils veulent avoir accès et rendre visite à leurs petits-enfants. C'est un droit que les Nations unies ont déjà reconnu. Ils peuvent invoquer la décision de cette organisation en la matière. De toute apparence, les Nations unies ont beaucoup plus d'importance que le gouvernement fédéral.

Comment faire savoir aux grands-parents qu'ils ont déjà ces droits de toute façon, rien qu'en adoptant ce projet de loi?

Me Merovitz: Je vous rappelle que dans mon exposé, le message que vous demandais de transmettre ne s'adressait même pas aux grands-parents, mais aux parents, aux petits-enfants et aux législateurs.

.1640

Je ne l'ai pas dit, mais le message s'adresse aux juges. La seule façon de leur transmettre des messages, c'est par l'intermédiaire des assemblées législatives. Les juges sont liés par les lois. Si vous dites à un juge qu'en ce qui concerne l'accès, vous voulez qu'il applique le principe selon lequel un enfant doit avoir avec chacun de ses grands-parents le plus de contact compatible avec son propre intérêt, il est obligé de vous écouter.

Tout le monde dit effectivement que les grands-parents sont un cas spécial. Le tout, c'est de savoir dans quelle mesure. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que si vous êtes d'accord avec le Dr Kornhaber, c'est-à-dire si vous estimez que les grands-parents sont des êtres spéciaux et très importants pour les petits-enfants, vous êtes obligée de le faire savoir à tout le monde.

Mme Torsney: Est-ce la seule manière de le faire?

Me Merovitz: À mon avis, c'est la seule manière de le faire. On peut toutefois modifier légèrement ce projet de loi, mais il doit accorder un statut spécial aux grands-parents compte tenu du caractère de la relation qui existe entre eux et leurs petits- enfants qui, d'après le Dr Kornhaber, est la relation la plus importante, après celle qui existe entre l'enfant et ses parents.

Mme Torsney: Et la liberté de circulation et d'établissement? Et la récente décision Abella?

Me Merovitz: Je ne pense pas que la liberté de circulation et d'établissement ait la moindre chose à voir dans tout cela. C'est peut-être regrettable, mais le grand-parent n'a plus qu'à se soumettre et qu'à s'arranger en conséquence lorsqu'un parent exerce ce droit.

D'après la plus récente décision de la Cour d'appel de l'Ontario que j'ai lue à ce sujet, si le parent qui a la garde de l'enfant agit de bonne foi et s'il prend la décision de déménager pour son propre bien, l'enfant en bénéficiera, et par conséquent il est dans l'intérêt bien compris de l'enfant de permettre au parent de le faire. Cette décision ne déroge pas au principe selon lequel un grand-parent doit avoir avec son petit-fils ou sa petite-fille le plus de contact compatible avec son propre intérêt; elle rendra tout simplement ce contact plus difficile.

Les gens raisonnables essaient de trouver une solution raisonnable. Croyez-le ou non, même s'il y a 20 ans que je pratique et que j'ai affaire, la plupart du temps, à des personnes qui ne sont pas raisonnables, la plupart des gens n'ont pas recours à des procédures judiciaires. La plupart des gens sont raisonnables.

Mme Torsney: Où est-il stipulé que les grands-parents de familles intactes ont des droits d'accès auprès de leurs petits- enfants?

Me Merovitz: Dans la plupart des provinces, la loi permet de réclamer l'accès. Je peux vous citer des exemples, si vous le voulez.

Mme Torsney: Voulez-vous dire qu'actuellement, tous les grands-parents ont le droit d'accès auprès de leurs petits-enfants dans les familles intactes?

Me Merovitz: Ils ont le même droit que n'importe quel autre citoyen ou citoyenne et c'est là le problème. Nous allons demander aux législateurs des provinces de classer les grands-parents dans une catégorie à part également. Tout mon exposé tend à démontrer que les grands-parents ne doivent pas être assimilés à monsieur tout-le-monde. Les grands-parents ne sont même pas l'équivalent d'un oncle proche. Ils sont spéciaux.

Le président: Madame Jennings.

Mme Jennings: Maître, Mme Torsney vient de parler de la liberté de circulation et d'établissement, et c'est une chose sur laquelle je tiens beaucoup à insister. J'estime, moi aussi, que ce droit n'aura absolument aucune incidence dans ce contexte et cela, parce qu'il existe dans tout le pays des grands-parents qui donneraient n'importe quoi pour suivre.

Il y a juste derrière moi une dame qui n'attend que l'occasion d'aller en Nouvelle-Écosse pour voir ses petits-enfants. Elle ne conteste pas la liberté de circulation et d'établissement. Elle ne dit pas qu'il faut empêcher les parents de déménager et de faire ce qu'ils veulent. Tout ce qu'elle veut, c'est voir ses petits- enfants.

Je vous assure qu'il y a partout des grands-parents qui sont disposés à faire l'effort financier nécessaire pour voir leurs petits-enfants, ne fût-ce qu'une fois par an. Pour l'instant, ils envoient des messages et on leur réexpédie leurs lettres sans les avoir ouvertes.

.1645

Je vous rappelle ce qu'à dit Mme Torsney, à savoir qu'elle ne tient pas à ce que les grands-parents aillent croire que les libéraux ou les autres députés qui s'opposent à ce projet de loi sont contre eux.

Je tiens à signaler à mes collègues et à vous, Maître, que si le projet de loi s'avère constitutionnel, que si l'on nous assure qu'il n'entraînera pas des procédures judiciaires supplémentaires, les juges ne verront aucun inconvénient à ce que les parents ou les grands-parents soient au tribunal. C'est en fait arrivé à maintes reprises. Je suis sûre que dans ce cas, nous poursuivrons l'oeuvre déjà accomplie par le gouvernement et que nous adopterons ce projet de loi en principe.

Espérons qu'ensemble nous pourrons faire en sorte que les grands-parents qui se trouvent dans cette pièce et tous les autres bénéficient de la sagesse des législateurs ici présents.

Merci beaucoup.

Me Merovitz: C'est vraiment important. C'est ce que j'espérerais, mais j'ajouterais que même s'il est nécessaire d'y apporter certains changements, ce projet de loi fera comprendre que les grands-parents ont tellement d'importance pour les petits- enfants que leur droit de se rendre visite mutuellement ne devrait être contesté que dans des circonstances exceptionnelles.

Je le répète, si vous tenez à écarter les doutes qui subsistent au sujet de la garde, allez-y. Précisez qu'il faut toujours obtenir une permission en la matière. Si le droit d'exiger des renseignements vous préoccupe, supprimez le paragraphe correspondant. J'ai entendu parler quelque part des problèmes que pourraient causer les antécédents; je le répète, je ne vois pas pourquoi il y aurait là matière à préoccupation, mais vous pouvez supprimer ce passage. Par contre, les modifications les plus importantes qui sont proposées dans le projet de loi C-232, sont celles qui concernent le paragraphe 16(3) et qui accordent aux grands-parents le droit de présenter une demande sans l'autorisation du tribunal et le paragraphe 16(10) qui stipule clairement que le tribunal doit appliquer le principe selon lequel l'enfant à charge doit avoir avec chacun des grands-parents le plus de contact compatible avec son propre intérêt.

Vous indiquerez ainsi qu'il s'agit d'une situation différente de toutes les autres, la relation enfant-parent mise à part. Voilà le message que je vous demande de transmettre.

Mme Torsney: Si l'on donne force de loi à ce projet de loi, pourquoi ne pas régler du même coup le cas des parents qui ont seuls la garde de leurs enfants et qui sont très pauvres? Pourquoi n'essayeraient-ils pas d'obliger les grands-parents et la belle- famille à les aider?

Me Merovitz: Parce qu'actuellement, la loi ne leur en donne pas le droit.

Mme Torsney: Nous leur ferions comprendre qu'ils ont une relation très spéciale avec leurs petits-enfants et que ceux-ci ont faim. Pourquoi ne seraient-ils pas obligés d'aller puiser dans leurs économies pour acheter de quoi les nourrir? Comment un juge pourrait-il ne pas exiger cela?

Me Merovitz: Parce qu'aucune disposition législative que j'ai sous les yeux ne leur donne le droit de rendre une telle ordonnance.

Mme Torsney: Pourquoi n'est-ce pas l'étape suivante?

Me Merovitz: Si les législateurs le jugent opportun, ils pourraient toujours légiférer dans ce sens.

Je peux vous citer sur-le-champ des centaines d'exemples de grands-parents qui aident leurs petits-enfants. Dans la plupart des cas que je connais, l'éducation religieuse est financée, au moins en partie, par les grands-parents. Les vacances sont souvent financées par eux également.

Mme Torsney: Pourquoi ne pas le stipuler dans ce projet de loi?

Me Merovitz: Je ne sais pas. Je n'ai pas réfléchi à la question. Ce n'est pas quelque chose que l'on semble avoir envisagé dans le projet de loi.

Vous soulevez un problème intéressant. Conviendrait-il d'obliger un grand-parent millionnaire qui n'a peut-être que très peu de contact avec son petit-fils ou sa petite-fille à fournir de l'aide? Peut-être.

.1650

Mme Torsney: Je crois que oui. C'est précisément ce que je veux dire. Si nous sommes censés nous occuper de nos petits-enfants et nous assurer que l'on défend au mieux leurs intérêts, pourquoi ne pas obliger les grands-parents à faire en sorte que leurs enfants respectent les ordonnances alimentaires qui existent et pourquoi ne les mettons-nous pas à contribution pour ceux qui ne paient pas, pourquoi ne leur disons-nous pas qu'ils ont également des obligations financières vis-à-vis de leurs petits-enfants? En réalité, à notre époque, beaucoup de grands-parents sont plus prospères que leurs enfants, c'est-à-dire que les parents de leurs petits-enfants.

Me Merovitz: Je n'ai pas beaucoup réfléchi à ce problème. Tout ce que je peux dire, c'est que c'est peut-être l'évolution actuelle, étant donné les compressions budgétaires gouvernementales. Il semble que dans la société actuelle, on assiste à un retour à la loi de la survivance des plus aptes et que l'aide gouvernementale soit en voie de disparition.

Mme Torsney: Que l'on compte sur la famille et l'église.

Me Merovitz: Oui. C'est peut-être la tendance actuelle, mais je n'avais pas vraiment songé que ce projet de loi pourrait régler le problème.

Mme Torsney: Étant donné que nous sommes tous larges d'esprit, je me demande bien pourquoi nous n'examinerions pas la question, parce que j'estime qu'elle mérite notre attention. Quand on voit tous les problèmes qui se posent au sujet des pensions alimentaires, de l'accès et de la garde, on est découragé. J'ai entendu parler de grands-parents qui veulent savoir pourquoi il faut inscrire le nom de jeune fille de la mère sur les documents à remplir pour entreprendre des démarches contre les hommes qui ne paient pas la pension alimentaire. Je ne sais pas très bien pourquoi, j'essaie toujours de trouver la réponse, mais il semblerait que c'est peut-être pour se mettre à fureter et à essayer de les retrouver, par exemple. Pourquoi ne pas collaborer avec eux pour faire appliquer toutes les ordonnances alimentaires qui ne sont pas respectées?

Me Merovitz: Cela ne suppose-t-il pas que les parents aient une certaine autorité sur leurs enfants adultes qui ne paient pas la pension alimentaire? Je ne suis pas sûr de bien comprendre votre question.

Mme Torsney: Quelqu'un doit payer pour l'enfant. Il y a des enfants qui ont faim dans notre pays, parce que l'aide n'est pas suffisante, parce que l'on ne respecte pas les ordonnances alimentaires. Les grands-parents pourraient peut-être essayer de persuader leurs enfants de payer ou alors il faudrait peut-être s'adresser aux grands-parents qui ont de l'argent et qui pourraient fournir de l'aide pour ces enfants. Je ne comprends pas pourquoi on ne le ferait pas. C'est le prolongement logique de votre raisonnement au sujet de Naomi, Ruth et l'enfant.

Me Merovitz: Comme je l'ai dit, la plupart des grands-parents que je connais se sentent obligés d'aider non seulement leurs enfants mais aussi leurs petits-enfants, peu importe leur âge, juste dans des proportions différentes. J'ose toutefois espérer que vous ne retarderez pas le message que je m'efforce tellement de faire transmettre en attendant de décider s'il convient ou non d'ajouter cela au projet de loi.

M. Ramsay: Je signale que je pense que Mme Torsney parle d'un principe sur lequel repose l'édification de notre société, à savoir celui du pouvoir de la famille élargie. Je crois que le gouvernement a empiété progressivement sur ce pouvoir par l'intermédiaire de ses programmes sociaux car il s'est adjugé non seulement les moyens financiers mais aussi le droit fondamental. C'est pour ce principe que nous nous battons, pour réunir la famille élargie, qui est un des fondements de notre société ou pour lui rendre le pouvoir qu'elle avait, parce que nous nous sommes toujours occupés des membres de notre famille élargie.

Quand on avait des problèmes, on se tournait d'abord vers sa famille, puis vers sa famille élargie, et ensuite vers les organisations communautaires et c'est en dernier recours que l'on s'adressait à un organisme gouvernemental. Je vous signale que le gouvernement nous a privé de ça progressivement. Il faudra peut- être que l'on rétablisse ce système. Bien sûr, pour financer ces programmes, le gouvernement a pris notre argent, et nous sommes maintenant tellement endettés que nous n'avons plus les moyens. Il est possible que l'on en revienne au système préconisé parMme Torsney rien qu'à cause des circonstances.

J'estime toutefois que le fait d'ajouter des dispositions à cet effet au projet de loi risque d'en modifier l'aspect fondamental. Je suis certes sympathique à sa cause, mais comme l'a dit une des grands-mères qui se trouvent dernière nous - ou dans une note qui nous a été envoyée - elle aiderait volontiers son petit- fils si elle en avait la garde ou si elle avait son mot à dire au sujet de son éducation scolaire ou morale. J'estime par conséquent que Mme Torsney nous parle d'un principe très puissant, à savoir celui de la force de l'entraide au sein de la famille élargie. Je crois que c'est le principe sur lequel repose l'édification de ce pays.

.1655

Le président: Merci. Sur ce, nous clôturerons la séance, à moins qu'il n'y ait une dernière question à poser.

Merci beaucoup d'être venu. Votre exposé a suscité un débat animé et a fait réfléchir bien des gens. Les passages de votre mémoire que vous nous avez signalés ont été très utiles. Merci beaucoup.

Me Merovitz: Merci.

Le président: La séance est levée. Reprise des délibérations demain à 15h30.

Retourner à la page principale du Comité

;