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TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 21 novembre 1995

.1109

[Traduction]

Le président: La séance est ouverte. Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous continuons notre étude de la réglementation environnementale du secteur minier. Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui des représentants de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale: M. Michel Dorais, président, M. Paul Bernier, vice-président principal, et M. Robert Connelly, vice-président. M. Dorais s'adressera à nous en premier.

.1110

Vous pouvez commencer dès que vous serez prêt. Merci.

M. Michel Dorais (président, Agence canadienne d'évaluation environnementale): Merci beaucoup, monsieur le président.

[Français]

Monsieur le président, membres du comité, j'aimerais d'abord vous remercier de me donner l'occasion de participer à ces délibérations aujourd'hui. Si vous me le permettez, je vais prendre quelques minutes pour vous présenter l'Agence canadienne d'évaluation environnementale et aborder ensuite quelques-unes des questions sur lesquelles se penche votre comité.

Vous avez déjà souhaité la bienvenue à mes deux collègues, M. Bernier, le vice-président principal chargé de la gestion du processus d'évaluation environnementale, et M. Connelly, le vice-président chargé du développement du processus et de son amélioration au fil des amendements éventuels aux lois, aux règlements et aux guides d'opération que nous avons.

L'Agence canadienne d'évaluation environnementale est une entité relativement nouvelle sur la scène fédérale. L'Agence a été constituée afin d'administrer la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale promulguée le 19 janvier dernier. La loi elle-même est l'aboutissement de la participation du gouvernement fédéral à l'évaluation environnementale depuis les années 1970 et d'un processus parlementaire qui a eu, comme vous le savez, beaucoup de visibilité.

La loi que nous administrons avait été présentée d'abord au Parlement en juin 1990 et se voulait une réforme importante de la mesure législative qui la précédait, c'est-à-dire le Décret sur les lignes directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en matière d'environnement de 1984. Le processus en question avait provoqué des litiges bien connus, sans parler des conflits fédéraux-provinciaux et des retards très onéreux dans les processus.

À la suite de l'élection fédérale de 1993, la ministre de l'Environnement actuelle a demandé aux fonctionnaires de préparer le nécessaire afin de faire promulguer le plus rapidement possible la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui refléterait les engagements particuliers pris dans le document Pour la création d'emplois pour la relance économique, mieux connu sous le nom de Livre rouge. Ce processus a donné lieu à un cadre réglementaire amélioré et à diverses modifications importantes à la loi canadienne.

Trois changements en particulier ont été apportés à la loi, notamment: le principe d'une seule évaluation par projet; la reconnaissance juridique du Programme d'aide financière aux participants; l'exigence voulant que la réponse du gouvernement fédéral aux recommandations de rapports de commissions soit considérée par le gouverneur en conseil.

Les modifications ont débouché sur le premier processus législatif canadien en matière d'évaluation environnementale. Ce processus est nécessaire à l'application du concept de développement durable. Il vise à intégrer les facteurs environnementaux au processus fédéral de prise de décision. Il reflète l'intention du gouvernement, telle qu'énoncée dans son programme:

À titre de premier président de l'Agence canadienne d'évaluation environnementale, je suis très conscient de l'équilibre qu'il faut maintenir entre l'élaboration d'une saine législation en matière d'environnement et la nécessité de conserver un climat favorable à la croissance économique. Le Canada a reçu des éloges à cet égard par l'OCDE. En effet, le document intitulé Examen des performances environnementales, produit par l'OCDE, cite pour le Canada à la page 235:

De plus, ce même rapport indique à la page 124, et je cite encore une fois:

.1115

Je n'aurais certes pas la prétention d'affirmer que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale constitue un instrument parfait, mais elle comprend tout de même plusieurs mécanismes novateurs et progressifs qui permettent au gouvernement de poursuivre son objectif énoncé quant au développement durable. Les mécanismes auxquels je fais référence ont un lien direct avec l'étude du présent comité sur l'élaboration de règlements et ses répercussions sur l'industrie minière au Canada. Notre agence et les ministères fédéraux qui participent au processus d'évaluation environnementale sont résolus à faire en sorte que le processus soit mis en application de manière appropriée sans créer de fardeaux inutiles pour les promoteurs.

[Traduction]

Tous les règlements dans le cadre de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale ont été soumis à des processus consultatifs rigoureux. Le Comité consultatif de la réglementation a été créé - en plus du processus réglementaire normal du gouvernement fédéral - afin de conseiller le gouvernement quant à l'élaboration de règlements conformément à la loi. Le comité constitue un mécanisme novateur visant à obtenir un consensus à propos des éléments qui entrent dans l'élaboration de règlements. C'est un forum composé de plusieurs intervenants provenant du milieu industriel, de groupes environnementaux, des provinces, des ministères fédéraux et des groupes autochtones. L'Association minière du Canada est membre du comité.

Le Comité consultatif de la réglementation n'a pas atteint un consensus sur toutes les questions. On ne s'y attendait pas non plus, étant donné la polarisation des positions représentées, mais il a réussi à cerner les questions difficiles et à contribuer à rendre le processus ouvert et transparent.

L'Agence et Industrie Canada ont entrepris le Programme conjoint de surveillance afin de répondre aux inquiétudes soulevées par l'industrie qui craint que la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale puisse avoir des effets négatifs sur la «concurrence». Le programme s'est fixé trois tâches essentielles: premièrement, cueillir des observations de la part des promoteurs sur tout problème lié à la Loi; deuxièmement, effectuer une étude sur la concurrence au moyen de l'Épreuve d'incidence commerciale d'Industrie Canada en vue d'établir les coûts actuels du processus de la part des promoteurs - en fait, un certain nombre de compagnies minières participent à cette étude - et troisièmement, une étude de durabilité servant à documenter les avantages de l'évaluation environnementale pour la protection de l'environnement et la promotion des techniques en matière d'environnement.

Les résultats du programme seront transmis aux ministres compétents à la fin de l'année financière. Il semble que le programme soit susceptible de se poursuivre plus d'un an car la première année pourrait ne pas donner un portrait exact du processus d'évaluation environnementale. J'aimerais cependant souligner le fait qu'après sept mois le programme conjoint de surveillance ne révèle aucune difficulté qui s'applique spécifiquement au secteur minier et, bien que nous ayons entendu dire qu'il y avait peut-être des préoccupations, nous n'avons pas encore reçu de renseignements concrets à ce chapitre.

Le Programme conjoint de surveillance complète la prescription juridique d'un examen quinquennal de la législation et de ses règlements. Ce mécanisme d'examen fait partie de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

L'Index fédéral des évaluations environnementales est un des indicateurs clés que nous utilisons pour surveiller la mise en oeuvre de la loi. Depuis janvier 1995, plus de 1 700 projets ont été évalués dans le cadre de la nouvelle loi. Les renseignements contenus dans l'Index montrent que les promoteurs intègrent les facteurs environnementaux à leur processus de planification. L'intégration des facteurs environnementaux à la prise de décisions facilite l'évaluation des projets par les autorités fédérales et réduit considérablement le nombre de projets inacceptables.

L'Agence surveille de près les évaluations paraissant dans l'Index. Quand le programme conjoint de surveillance prendra fin, il faudra faire des ajouts à la liste d'exclusion afin de réduire le nombre d'examens préalables pour des projets qui n'ont pas d'effets environnementaux connus. L'Agence favorisera aussi l'utilisation d'examens préalables par catégorie pour les projets de même nature entrepris par les ministères fédéraux.

L'harmonisation avec les provinces constitue une question clé dans le débat environnemental. Le double emploi et les chevauchements, ainsi que la nécessité de préciser quels sont les rôles respectifs du gouvernement fédéral et des provinces restent pour nous, comme pour les autres secteurs, un sujet de grande importance. Les questions environnementales sont peut-être moins évidentes pour bien des raisons: ce n'est que récemment qu'elles occupent une place importante auprès du public; nos connaissances des questions environnementales évoluent rapidement; et la Cour suprême considère l'environnement comme un «champ de compétence partagée».

.1120

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale reconnaît la nécessité d'encourager l'harmonisation en permettant au ministre de l'Environnement de conclure des ententes avec les provinces. À ce jour, nous avons signé des accords de collaboration avec l'Alberta et le Manitoba, et nous sommes en négociation avec la Saskatchewan, l'Ontario et Terre-Neuve. Récemment, à Whitehorse, la ministre fédérale de l'Environnement et le ministre de l'Environnement de la Colombie-Britannique ont publié l'ébauche d'un accord d'harmonisation afin d'obtenir les observations du public. Ces ententes, ainsi que la possibilité prévue dans la Loi de déléguer une grande partie des évaluations environnementales aux provinces, contribuent grandement à réduire les chevauchements et le double emploi.

L'établissement de «points de contact unique» dans les provinces est une autre caractéristique de ces accords. Les «points de contact unique», tous des fonctionnaires fédéraux, aident les promoteurs à satisfaire aux exigences liées à l'évaluation environnementale surtout en coordonnant les intérêts fédéraux susceptibles de faire partie d'une évaluation. Les «points de contact unique» dans l'Agence même jouent un rôle important de coordination à l'intention des promoteurs.

Afin de compléter ces efforts, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale a été modifiée, comme je l'ai mentionné plus tôt, afin d'y inscrire le principe d'une seule évaluation fédérale par projet. Nous élaborons actuellement un règlement visant à assurer la tenue d'une seule évaluation fédérale par projet.

La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale comporte diverses autres dispositions en vue de la rationalisation que je n'ai pas abordées et nous nous occupons d'un certain nombre d'initiatives qui ont la possibilité d'apporter une plus grande discipline à ce processus. L'Agence s'engage à travailler en collaboration avec les intervenants de tous les secteurs, y compris le secteur minier, afin de rendre le processus plus clair, plus prévisible et plus opportun.

Monsieur le président, en collaborant au travail de comités tels que le vôtre, l'Agence assure la convergence des intérêts environnementaux et économiques.

[Français]

Je tiens à vous remercier de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous.

[Traduction]

Nous sommes bien sûr tout à fait disposés à répondre à vos questions.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup.

Passons aux questions. Monsieur Reed.

M. Reed (Halton - Peel): Merci beaucoup, monsieur le président.

Il semble que vous êtes vraiment sur la bonne voie et je vous en félicite. Surtout en ce qui touche à l'élimination des chevauchements et du double emploi, j'espère que vous saurez convaincre toutes les provinces, et pour d'autres raisons que ce qui semble être, de prime abord, la nécessité d'éviter de faire le travail deux fois...il faut en effet s'assurer que les provinces s'acquitteront de leurs responsabilités et n'auront pas d'écran derrière lequel elles pourront se retrancher lorsqu'il s'agira véritablement de procéder à une évaluation et de prendre des décisions. Je pense que c'est l'un des points faibles du processus: jusqu'ici, on pouvait toujours dire lorsqu'une situation était un peu épineuse qu'on allait s'en décharger sur les fonctionnaires fédéraux, pour qu'ils règlent le problème.

Une voix: Cela ne se produirait jamais.

M. Reed: J'aime bien aussi les incitations à l'utilisation d'examens préalables par catégorie pour les projets de nature répétitive. Il me semble que jusqu'ici, dans chaque cas, il fallait réinventer la roue pour chaque projet. On nous a répété à maintes et maintes reprises qu'il fallait que les promoteurs trouvent une solution, alors qu'elle était déjà connue et avait été trouvée 40 ou 50 fois auparavant. On peut prouver ces faits sans difficultés.

Il y a une autre chose dont il vaut la peine de parler à mon avis. L'industrie minière nous a déjà dit qu'il fallait au moins qu'on puisse lui garantir que lorsqu'un projet est lancé, les règles en vigueur au début demeureront les mêmes jusqu'à la fin. Pour reprendre l'image sportive qui a été donnée, il ne faut pas que les limites des buts soient constamment changées pendant la partie. On pourrait appeler ça des droits acquis, si vous le voulez, mais si un règlement change trois mois après le début d'un projet, le promoteur suivant doit connaître son existence et pourra prendre des décisions en matière d'investissements en fonction de cela.

.1125

Il est très difficile de lancer quelque projet que ce soit lorsqu'il faut interagir avec le gouvernement, comme le doit l'industrie minière, et d'autres dont je pourrais vous parler, lorsqu'on met un projet en route avec un ensemble de règlements et qu'il faut soudain présenter une nouvelle demande, tout remanier ou recalculer, à des coûts incroyables si l'on retient les services de conseillers en génie. Cela rend prohibitif le coût des petits projets pour les entreprises, à cause de ces frais inconnus qui ne cessent de s'ajouter.

Après avoir fait toutes ces déclarations sans la moindre question, je suppose que je dois en poser une.

Une voix: Pourquoi pas «qu'en pensez-vous»?

M. Reed: Voici donc la question: avez-vous des commentaires à formuler au sujet de cette orientation? Êtes-vous au courant de ces problèmes?

Le président: Vous posez habituellement vos questions si rapidement je me demande ce qui vous arrive aujourd'hui.

M. Reed: Je prêche pour mon saint.

M. Dorais: Si vous permettez, monsieur le président, je crois que ces commentaires étaient très intéressants puisqu'ils concordent avec beaucoup de choses que nous entendons depuis un an. La nouvelle loi a été mise au point après environ six ans de consultation.

Vous avez soulevé un certain nombre de questions très intéressantes. Tout d'abord, les messages que nous recevons des entreprises sont tout à fait conformes à ce que vous dites. Ce n'est pas tellement la durée qui dérange les entreprises qui ont communiqué avec nous, mais la prévisibilité. Que ce soit six mois, huit mois ou un an, peu importe, à condition qu'on le sache dès le départ. C'est ce qui nous a été dit à maintes et maintes reprises. C'est pourquoi désormais, nous avons comme pratique courante de fixer des échéances très précises au début des audiences et de nous efforcer de les respecter. Nous avons assez bien réussi depuis deux ans, en prédisant au jour près la durée du processus.

Les exemples de rationalisation que vous avez soulevés, au sujet des examens préalables par catégorie, sont également très intéressants. C'est un nouvel élément de la loi dont nous profitons. Il y a également l'étude approfondie; en fait, nous venons de rendre notre première décision découlant de l'étude approfondie. Il s'agissait d'une compagnie minière, Placer Dome, et du projet de mine d'or Musselwhite. Toute l'évaluation s'est faite à l'Agence en 38 jours. Voilà l'exemple d'une entreprise qui a décidé en février dernier de suivre les règles et de faire l'évaluation avec les nouveaux instruments fournis par la loi, y compris toutes les études amorcées à la fin de février. Maintenant, en novembre, l'évaluation est terminée et une décision relative à l'évaluation environnementale a été rendue.

Voilà certainement une simplification du processus. Normalement, l'évaluation aurait pu prendre deux ans.

Les outils à notre disposition, comme l'examen par catégorie et les études approfondies sont extrêmement précieuses pour l'industrie; nous les avons mis au point avec l'industrie.

C'est tout ce que j'avais à dire.

M. Reed: Merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Wood.

M. Wood (Nipissing): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai deux ou trois questions. L'Agence canadienne d'évaluation environnementale a manifestement adopté un rôle de chef de file au sein du gouvernement fédéral lorsqu'il s'agit d'évaluer les incidences qu'a la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale sur l'industrie minière. Toutefois, Industrie Canada, Environnement Canada et Ressources naturelles Canada examinent aussi la mise en oeuvre de la loi.

.1130

Je me demandais s'il ne s'agissait pas encore d'une surréglementation de la part du gouvernement fédéral, lorsque quatre ministères ou organismes examinent la mise en oeuvre d'une nouvelle loi et ses incidences sur le ministère? Je me demande s'il s'agit d'un cas de services concurrents et de programmes conflictuels entre Environnement Canada et Ressources naturelles Canada.

M. Dorais: Non. Dans ce cas-ci, nous avons mis au point la réglementation avec le Comité consultatif sur la réglementation. Toutefois, d'après certains représentants, surtout de l'industrie, il restait des inconnues, des zones grises. De concert avec eux et avec Industrie Canada nous avons mis au point un programme de surveillance concernant l'application des règlements. Ce qui fait que si nous constatons que des amendements sont nécessaires, nous pourrons les apporter.

Il n'y a qu'une série de règlements: les nôtres. Afin de ne pas faire cavalier seul pour examiner leur application, nous avons demandé à Industrie Canada de se joindre à nous. Nous y travaillons conjointement et tous les points de vue sont exprimés entre nous. Mais il n'y a qu'une série de règlements.

M. Wood: Merci. J'ai une autre préoccupation au sujet de la loi qui exige que les effets cumulatifs d'un projet doivent être pris en compte dans l'évaluation environnementale. Quand on applique cela à l'industrie minière, est-ce que ce n'est pas un peu trop large, trop vague; est-ce que ça ne va pas trop loin?

Ainsi, est-il nécessaire d'évaluer tout le processus, à partir de la prospection, du carottage, des essais en puits, jusqu'à ce qu'on propose en fait de construire la mine.

M. Dorais: L'effet cumulatif se trouve dans notre loi comme dans les lois américaine et ontarienne, si je ne m'abuse. Je conviens qu'il y a des inconnues. Nous faisons cela depuis 1980. Il n'y a que 15 ans que nous examinons les effets cumulatifs? Nous en apprenons davantage tous les jours.

Nous avons toutefois inséré dans votre trousse la table des matières des guides produits par l'agence. L'un d'entre eux porte précisément sur l'évaluation des effets environnementaux cumulatifs. Il a été distribué à tous les ministères et à l'industrie. On trouve dans le guide les méthodes modernes d'évaluation des effets cumulatifs, ce qui est un bon départ.

D'après notre expérience en ce domaine, c'est assez positif. Certaines entreprises, dans divers secteurs industriels, ont réalisé des gains énormes en faisant progresser l'évaluation des effets environnementaux cumulatifs.

Il y a donc une banque de connaissances. Les divers secteurs de l'industrie collaborent entre eux pour mettre au point les façons de faire.

M. Wood: Une dernière petite question, monsieur le président. La loi prévoit un programme d'aide financière aux participants pour permettre au public de participer aux évaluations par des commissions d'examens. Ce programme a-t-il été mis sur pied? Combien d'argent a été accordé jusqu'ici?

S'agit-il qu'encore une fois de subventions que le gouvernement accorde à des groupes d'intérêt spéciaux qui n'ont pas vraiment besoin d'argent, pour s'opposer à de nouveaux projets d'exploitation minière? Avez-vous des exemples de ce genre de situations? Croyez-vous que cela pourrait se produire?

M. Dorais: Notre programme existe depuis 1990. Il a un budget de 1,2 million de dollars par an pour l'ensemble du pays, et l'ensemble des projets. Chaque année, depuis quatre ans, nous dépensons un peu moins de cette somme.

Il fonctionne assez bien. On finance non seulement les opposants à des projets mais également les partisans des projets. Le mécanisme est relativement objectif. Nous mettons sur pied un comité spécial composé de gens de l'agence et de l'extérieur, indépendants de l'examen. Ce comité reçoit les demandes en vue de financer la participation de divers groupes.

Pour recevoir des fonds de ce programme, il faut prouver qu'on n'en a pas reçu d'ailleurs pour contribuer à l'évaluation. Il y a des critères assez stricts et il faut ensuite dire comment l'argent a été dépensé. Il y a donc un mécanisme de contrôle.

.1135

M. Wood: Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Skoke.

Mme Skoke (Central Nova): Je vais vous demander des commentaires d'ordre général et non particulier.

Je suis députée de Central Nova, en Nouvelle-Écosse, province où le ministre de l'Environnement a récemment accordé une approbation environnementale à un investisseur privé qui veut ouvrir une mine à ciel ouvert dans la ville de Stellarton. On a brièvement consulté Pêches et Océans et Environnement Canada. Les habitants s'opposent à l'approbation ministérielle. Manifestement, ils ne veulent pas de cette mine dans cette ville.

J'aimerais savoir si votre agence a une autorité quelconque au sujet de ce projet. Qu'est-ce qu'on peut faire, si possible, pour faire annuler cette approbation ministérielle provinciale, ou la discrétion accordée dans ce cas-ci? Y a-t-il un moyen d'utiliser la loi fédérale?

M. Dorais: Il est très difficile pour moi de vous parler des aspects particuliers du projet, puisque je ne les connais pas. Si on me permet toutefois de dire quelque chose de très important au sujet des compétences en matière d'évaluation environnementale. La loi ne dépend pas de la compétence des uns et des autres. On n'y décrit pas la compétence en matière d'évaluation environnementale. Tout dépend de qui doit rendre une décision.

Si un ministre fédéral ou une instance fédérale doit rendre une décision, si nous avons un projet correspondant à la définition de la loi, alors, la loi s'applique. Ainsi, si le ministre des pêches doit rendre une décision ou délivrer un permis, ou si un autre ministre fédéral doit rendre une décision, la loi s'applique. Ce n'est pas particulièrement une question de compétence. Il s'agit de savoir qui doit prendre une décision.

Dans bien des cas, surtout pour les petits projets, l'évaluation se fait au niveau provincial et les résultats sont utilisés par le ministre fédéral pour rendre sa décision. Je ne sais pas si mes collègues connaissent bien les détails de ce projet. Il est difficile pour moi de vous en dire davantage.

Mme Skoke: Oui. Je comprends que vous ne puissiez nous parler des détails du projet et ce n'est pas ce que je vous demande de faire au comité. Ma question visait plutôt des commentaires d'ordre général au sujet de la compétence et du fonctionnement de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

De quels types de projets parlez-vous? Je n'ai pas de liste ici, mais je présume qu'il y en a une. Vous avez parlé de listes d'inclusion et d'exclusion, mais je ne les trouve pas dans la trousse qu'on m'a remise.

M. Dorais: J'aimerais revenir à votre première question pour vous dire que je serais ravi d'examiner les détails du projet et de vous fournir tous les renseignements dont nous disposons.

Pour ce qui est de la question d'ordre plus général, la loi est structurée d'une façon bien particulière. Pour commencer, pour qu'elle soit applicable, il faut qu'il y ait une autorité fédérale, par exemple un ministre, une agence comme l'Office national de l'énergie, ou quelque chose comme ça.

Deuxièmement, il faut un projet, et ce n'est pas n'importe quoi. Ce doit être quelque chose qu'on construit, un ouvrage ou une activité qui se trouve dans la liste d'inclusion. Il y en a très peu actuellement.

Troisièmement, il faut un facteur déclencheur. Ce peut être que le gouvernement fédéral est le promoteur du projet, comme lorsqu'il construit une base des forces armées ou un aéroport, ou le fait qu'il fournisse des fonds ou des terrains ou qu'il ait une responsabilité réglementaire très particulière qui figure dans un règlement. Il y en a environ 180 pour tout le gouvernement. Un permis est délivré. La loi s'applique seulement si sont remplies ces trois conditions.

C'est une façon complexe de décrire comment s'applique la loi. Il y a d'autres façons de le faire. Beaucoup de gens disaient, présumons qu'elle s'applique à tout, il nous suffira d'avoir une liste d'exclusion. Nous avons choisi cette solution parce que c'est la façon la plus claire de rassurer les gens, ce qui était la principale préoccupation au moment de la préparation de la loi. Un promoteur peut maintenant examiner cette liste en trois points, vérifier la liste des autorités compétentes et savoir ainsi si son projet est assujetti ou non à la loi.

Mme Skoke: Bien, merci beaucoup.

.1140

Le président: Monsieur Shepherd.

M. Shepherd (Durham): Vous avez parlé très brièvement des échéances et vous vous êtes dit fier de la rapidité avec laquelle les demandes étaient traitées. Est-ce que vous envoyez une lettre à tous les demandeurs, disons une semaine après la demande, pour leur dire quand vous prévoyez terminer l'évaluation? Autrement dit, y a-t-il une procédure interne qui permet de dire au demandeur quelle sera la durée probable du processus?

M. Dorais: Je regrette que nous n'en ayons pas. Malheureusement, la situation n'est pas toujours aussi simple.

En ce qui concerne les études complètes, du genre que nous avons effectuées avec Placer Dome, nous leur avons donné une indication assez précise de la durée. En fait, nous avons agi plus rapidement que prévu parce que nous contrôlions totalement le processus.

Dans la plupart des cas, nous faisons l'évaluation en collaboration avec la province pour éviter le double emploi et les chevauchements. Le temps que nous consacrons à l'évaluation d'un projet dépend de l'emplacement du projet et du nombre d'intervenants. Les gouvernements autochtones ou les exigences internationales peuvent être impliqués. Tout dépend aussi du projet; certains sont très simples et d'autres s'étalent sur dix ans et sont modifiés cinq fois pour toutes sortes de raisons. Dans ce dernier cas, les prévisions sont très difficiles dès le départ.

L'autre problème réside dans le fait que la loi fédérale n'impose pas de délais, et ce pour une très bonne raison. L'un des principes qui sous-tendent la loi canadienne est l'harmonisation avec les lois provinciales. Chacune de ces dernières impose une procédure et un délai légèrement différents.

Actuellement, nous pouvons harmoniser nos activités avec chacune des dix ou douze procédures d'évaluations environnementales. Dans chaque cas, il existe des délais précis qui sont légèrement différents d'une province à l'autre. C'est pour cela qu'on n'a pas fixé de délais dans la loi fédérale, mais on en fixe pour chacun des projets qui sont évalués.

Autrement dit, nous nous efforçons, au début du processus, de planifier toutes les étapes, mais nous devons le faire avec le promoteur, la province et les divers ministères concernés. Très souvent, cela prend plus d'une semaine. Nous n'avons pas une règle qui s'applique à toutes sortes de projets dans toutes les régions du pays.

M. Shepherd: Je me demandais, compte tenu de ces paramètres.... Je comprends qu'il s'agit d'une question complexe. Vous pourriez prendre le pire des scénarios et tenter d'y appliquer un facteur de temps. Je présume que les provinces qui ont prévu une procédure beaucoup plus rapide sont évidemment avantagées.

Je pense que nous essayons de rassurer les milieux d'affaires sur ce qui les attend une fois qu'ils sont lancés dans ce processus, et je me demande s'il n'est pas possible de créer dans votre agence un système semblable afin que l'industrie sache à quoi s'en tenir.

Vous avez peut-être des paramètres permettant de déterminer à quelle date l'évaluation va se terminer.

Je regarde ceci et je me demande si c'est valide, mais je constate que la Défense nationale a six projets, dont aucun n'a été approuvé. Je ne sais pas ce que cela signifie, mais je présume que s'il existait certains paramètres, les gens sauraient au moins à quel moment cela se terminerait. N'est-ce pas?

M. Dorais: Oui. Actuellement, le comité consultatif sur la réglementation est en train d'élaborer ou d'examiner un règlement portant sur l'efficacité de la procédure. Une partie de cet examen concerne les délais, la prévisibilité du processus et la façon dont nous pouvons les inclure dans la réglementation. L'industrie participe pleinement à l'élaboration de ce règlement. Cela nous aidera à faire exactement ce que vous proposez, c'est-à-dire à avoir un point de repère. Ainsi, pour ce genre de projet, nous pourrons déterminer approximativement la durée de chaque étape.

.1145

Je dis simplement que nous nous sommes donné assez de souplesse pour être en mesure de nous adapter à chaque système provincial afin d'éviter le double emploi et les chevauchements, qui pourraient être pires dans certains cas. Toutefois, il est nécessaire d'examiner la question des délais, et en ce moment-même, le comité consultatif sur la réglementation est en train de le faire en élaborant un règlement sur l'efficacité.

M. Paul Bernier (vice-président principal, Agence canadienne d'évaluation environnementale): Permettez-moi d'ajouter une observation. Actuellement, nous avons une ébauche d'entente avec la Colombie-Britannique, comme Michel l'a signalé dans sa déclaration liminaire. Dans cette ébauche d'entente, qui a été soumise au public, on compte déléguer à la province deux catégories d'évaluation environnementale définie dans notre loi: l'examen préalable dont nous avons parlé et l'étude approfondie. Cette disposition permettrait à la province d'effectuer l'évaluation environnementale, et le résultat de ce travail serait utilisé par les deux paliers de gouvernement pour la prise de décisions conjointes. Dans ce cas, la question des délais serait clairement résolue grâce à cette procédure.

M. Dorais: La Colombie-Britannique a prévu des délais dans son système.

M. Bernier: Évidemment, nous envisageons des initiatives semblables avec d'autres provinces.

Le président: J'ai une question à ce propos. Vous dites que l'examen serait fait par la province et que les résultats seraient utilisés à la fois par la province et le gouvernement fédéral pour prendre une décision, alors que vous disiez qu'il n'y a pas de limite au temps que le gouvernement fédéral pourrait consacrer à sa décision. Supposons que la Colombie-Britannique doive prendre une décision 30 jours après la réception du rapport. Nous pourrions simplement passer deux ans sans rien faire. Est-ce possible actuellement?

M. Dorais: Dans le cas que l'on a mentionné, les délais qui sont en vigueur en Colombie-Britannique sont propres à cette province. Ils sont prévus dans leurs lois et règlements. En signant avec la province un accord stipulant que dans presque tous les cas nous allons suivre la procédure provinciale pour recueillir les informations dont nous avons besoin, nous respectons les délais prévus.

Le président: Sommes-nous tenus de le faire?

M. Dorais: Oui, d'après l'entente administrative, qui est maintenant publique. Elle n'est pas encore signée, mais elle le sera au début de la nouvelle année. En vertu de l'entente, nous serions tenus de respecter les délais. Cela a fait l'objet de nombreuses discussions parce que, à l'échelle fédérale, bien des ministères sont concernés.

Vous avez parlé plus précisément de la capacité de prendre des décisions au bout du compte. Une fois l'évaluation terminée, il incombe au ministre responsable ou au conseil des ministres de prendre une décision sur le projet même, sur le permis... quelle que soit la décision à prendre. Autrement dit, une fois l'évaluation terminée, conformément aux délais prévus dans la loi...

Supposons que le ministre fédéral des Pêches veuille prendre une décision. Actuellement, aucun délai n'est prévu à cet égard une fois que l'évaluation est terminée là-bas. Une décision du conseil des ministres n'est assujettie à aucun délai. Par conséquent, vous avez raison de dire que le processus décisionnel peut durer trois jours, trente jours ou deux ans. Il incombe au conseil des ministres de se fixer un délai. Mais entre-temps, l'évaluation environnementale est terminée.

M. Rideout (Moncton): Dans le même ordre d'idées, monsieur le président...

La loi même prévoit la possibilité de fixer des délais si on le veut.

M. Dorais: Oui, certainement... par voie de règlement. Mais nous ne pouvons pas réglementer les activités du conseil des ministres.

M. Rideout: Non, je comprends.

M. Dorais: Cependant, jusqu'à la fin de l'évaluation environnementale, toutes les activités peuvent être assujetties à des délais.

M. Rideout: Ne l'avez-vous pas fait jusqu'ici?

M. Dorais: Non. Nous avons signé des ententes avec des provinces qui ont prévu des délais. La raison en est que l'Alberta, le Manitoba et la Colombie-Britannique ont des délais différents. D'une manière générale, ils sont à peu près semblables, mais chaque étape a des délais différents. À Terre-Neuve, on a également prévu des délais dans la loi. Les délais ne sont pas uniquement fixés dans les règlements; ils le sont aussi dans la loi. Afin de nous adapter à tous les systèmes et d'éviter le double emploi, nous avons estimé qu'il est beaucoup plus facile de conclure des ententes administratives que d'essayer d'imposer un délai uniforme.

M. Stinson (Okanagan-Shuswap): Vous avez dit que dans le cas de Placer Dome, l'évaluation s'est déroulée plus rapidement que prévu. Quel délai envisage-t-on pour que tout soit en place?

M. Dorais: Quel délai nous avons envisagé?

.1150

M. Stinson: Non, combien de temps a-t-il fallu en fin de compte pour que Placer obtienne le feu vert.

M. Bernier: Je pense qu'au début du printemps cette année, nous avons reçu de la part de Placer Dome une indication qu'elle ferait une proposition à l'agence. C'était juste après l'adoption de notre loi.

Au cours des discussions avec cette organisation et avec le ministère fédéral responsable, en l'occurrence le ministère des Pêches, nous avons conclu que la loi s'appliquait à ce cas. À partir de là, nous avons expliqué les conditions d'application de la loi, et après une longue série d'échanges avec la compagnie, nous avons reçu l'étude complète de la part du ministère des Pêches et Océans cette fois-ci, et je pense que c'était à la fin septembre. L'étude comportait tous les travaux qui avaient été effectués par la compagnie, et elle a été soumise à un examen public pendant trente jours.

Je souligne que cet examen public complétait ce qui avait été fait par la compagnie. Auparavant, cette dernière avait fait un excellent travail en faisant participer directement les collectivités touchées dans le cadre d'une consultation publique; celle-ci n'a pas suscité beaucoup de réactions. Mais il y en a eu quelques-unes, qui nous ont permis de formuler des recommandations à l'intention du ministre de l'Environnement. Très vite, elle a tiré ses conclusions concernant l'application de la loi. Comme M. Dorais l'a indiqué, il s'est passé un peu moins de quarante jours ouvrables entre le moment où nous avons reçu le document et le moment où le ministre de l'Environnement a pris sa décision.

M. Stinson: Existe-t-il d'autres cas semblables, ou Placer est-il le seul exemple?

M. Dorais: C'est le seul et unique cas d'études complètes depuis l'adoption de la nouvelle loi. Il y en aura d'autres, mais c'est la première décision qui a été prise en vertu de la nouvelle loi après l'étude approfondie qui était une façon de rationaliser le processus antérieur. Je pense que l'on a prouvé que la loi peut effectivement rationaliser le processus d'évaluation. Trente jours, c'est un délai très court pour prendre une décision.

M. Stinson: Si l'on rejette une proposition dans ce système, y a-t-il une possibilité d'appel?

M. Dorais: À ce moment-là, tout dépend de la ministre de l'Environnement. Elle a essentiellement quatre possibilités. Elle peut décider d'interrompre le projet et le renvoyer au ministre des Pêches; elle peut soumettre le projet à un médiateur ou à une commission d'examen ce qui est une forme d'appel correspondant à une procédure d'audiences publiques; ou elle peut accepter d'aller de l'avant avec le projet, ce qui s'est passé dans le cas du projet Musselwhite. Toutefois, il importe de comprendre que la décision finale n'incombe pas à la ministre de l'Environnement. Elle incombe au ministre des Pêches, qui doit délivrer un permis. Ainsi donc, dans l'étape suivante, le ministre des Pêches délivre un permis à la compagnie. Mais l'évaluation environnementale est terminée, et elle a duré 38 jours.

M. Stinson: Par conséquent, si le ministre décide d'interrompre le projet, ces compagnies ne peuvent pas interjeter appel?

M. Dorais: Non. Si le ministre des Pêches décide de ne pas émettre de permis, c'est son droit en vertu de la Loi sur les pêches.

M. Stinson: Vous avez aussi dit que l'agence existe depuis quinze ans?

M. Dorais: L'agence même a été créée le 22 décembre de l'année dernière. Son prédécesseur était le Bureau fédéral d'évaluation environnementale, qui a été créé en 1984. Auparavant, Environnement Canada avait un service depuis 1973, je crois.

M. Stinson: Merci.

Le président: Où se trouve la mine Placer Dome?

M. Bernier: Au nord de Sioux Lookout. Sauf erreur, la localité de Pickle Lake est la plus proche de la mine.

Le président: Au cours de nos discussions, on nous a dit que même si vous essayez de coordonner des évaluations environnementales au niveau fédéral et provincial et d'autres activités du même ordre dans le cadre de ces ententes provinciales, il ne s'agit pas vraiment pour autant d'un processus conjoint.

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M. Dorais: Tout dépend ce que vous entendez par processus conjoint. Les observations que nous recevons «des points de contact unique» sont extrêmement positives. Cela s'explique notamment par le fait que la plupart d'entre eux viennent aux bureaux provinciaux des évaluations environnementales et sont recrutées par le bureau fédéral. En fait, bureau est un bien grand mot; il y a en fait un préposé sur place. Ces gens-là sont chargés de s'assurer que les choses se déroulent sans heurts. Étant donné qu'ils connaissent à la fois le processus provincial et le processus fédéral, ils font le nécessaire pour faciliter les choses au maximum.

Le système fédéral comporte un certain nombre d'étapes. En vertu de ces ententes, les examens préalables sont très souvent effectués par la province et nous recevons simplement les résultats et prenons la décision. En fait, il ne s'agit pas d'un processus conjoint; il s'agit plutôt d'un processus dont la province est essentiellement responsable et dont nous utilisons les résultats. Il en va de même pour les études approfondies.

Quant aux quatre ou cinq projets importants qui sont soumis à l'examen de la commission, la plupart du temps nous effectuons une évaluation conjointe; autrement dit, nous, la province, avons des membres qui siègent à la commission et tenons une série d'audiences et faisons une série d'évaluations environnementales. À cette étape, par conséquent, il s'agit véritablement d'un processus conjoint. Auparavant, toutefois, c'est l'un des deux paliers de gouvernement qui se charge des études, mais les deux utilisent conjointement les résultats.

M. Stinson: Dans le même ordre d'idées, si la province en arrivait à la conclusion que le projet est viable et décide de lui accorder le feu vert, mais que le ministère fédéral est d'avis contraire, qui l'emporte?

M. Dorais: Personne ne l'emporte dans ce genre de décision. Le ministre des Pêches et le ministre des Transports ont des responsabilités qui leur sont conférées par les lois pertinentes, et leurs responsabilités s'arrêtent là. Qu'il y ait ou non une évaluation environnementale, le ministre des Pêches peut décider de délivrer ou non un permis à une entreprise donnée pour un projet donné, en se fondant sur des motifs en rapport avec l'environnement ou d'autres questions qui le préoccupent dans le cadre de ses responsabilités de ministre des Pêches.

Il ne s'agit pas pour un palier de gouvernement de l'emporter sur l'autre. En réalité, tout projet peut exiger des permis de la part du gouvernement fédéral, de la province et des municipalités. Cela n'a rien à voir avec la loi en vigueur.

La loi est là pour garantir que l'on tient compte des considérations environnementales avant de décider s'il y a lieu de délivrer ou non ces permis. En fin de compte, si un projet n'est pas viable et que le ministre des Pêches décide de l'autoriser quand même, il peut le faire. Il lui faut tout simplement justifier sa décision.

M. Stinson: Je veux obtenir des précisions pour que les choses soient bien claires. Disons que je suis un ministre provincial qui décide qu'il est économiquement viable pour la province de donner le feu vert à un projet minier. Êtes-vous en train de dire que si cela pose des problèmes au niveau fédéral, le gouvernement fédéral peut empêcher ce projet minier d'aller de l'avant?

M. Dorais: Les préoccupations au niveau fédéral ne suffisent pas. Dans le cas de l'évaluation environnementale, il faudra un facteur de déclenchement. Disons que le gouvernement fédéral est partie à un projet car il doit le financer. La seule décision que le gouvernement fédéral peut prendre, c'est de ne plus investir dans ce projet. S'il s'agit d'une question de financement, de l'ordre de 10 millions de dollars, disons, le gouvernement fédéral peut décider de ne plus investir cette somme, mais cela n'empêchera pas le projet d'aller de l'avant.

M. Stinson: Que se passe-t-il si le ministre responsable refuse le permis en disant que ce projet risque de poser des problèmes du point de vue environnemental?

M. Dorais: Une fois l'évaluation environnementale terminée, si le Ministre des pêches examine tous les facteurs qui sont de son ressort et décide de ne pas délivrer le permis de pêche, le projet est fortement compromis. Toutefois, cela n'est pas à cause de l'évaluation mais à cause du permis émis par le Ministre des pêches, ou le Ministre des transports ou tout autre ministre. S'il s'agit de la Loi sur les ouvrages destinés à l'amélioration des cours d'eau internationaux, c'est le Ministre de l'environnement; s'il s'agit de la Loi sur la protection des eaux navigables, c'est le Ministre des transports.

M. Stinson: Peu m'importe de quel ministre il s'agit. Choisissez le ministre que vous voulez mais, s'il s'agit d'une question d'ordre environnemental, je veux savoir si ce facteur peut empêcher le projet en question d'aller de l'avant.

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M. Dorais: Oui, bien entendu.

M. Stinson: Merci.

Le président: Oui, et d'énormes difficultés se posent.

M. Stinson: Je voulais simplement une réponse par oui ou par non.

M. Dorais: J'irais même jusqu'à dire qu'il en va de même pour les municipalités qui pourraient refuser d'autoriser certains projets de grande envergure.

M. Rideout: Il n'y a pas seulement le gouvernement fédéral.

M. Dorais: Non, absolument pas.

Le président: N'importe quel palier de gouvernement pourrait refuser.

M. Stinson: Si tous les paliers de gouvernement avaient donné le feu vert à ce projet, le gouvernement fédéral pourrait-il néanmoins y mettre un terme?

M. Rideout: Tout comme, à l'inverse, le gouvernement fédéral pourrait approuver un projet et la municipalité le rejeter ensuite.

M. Dorais: C'est difficile à faire.

M. Reed: J'ai une question dans le même ordre d'idée. Cela s'est produit en Ontario par le passé.

M. Dorais: Certaines provinces ont le pouvoir d'adresser une pétition. La Loi fédérale n'est pas organisée de cette façon.

C'est ce qu'il est difficile de faire comprendre aux gens. Si la Loi sur l'évaluation environnementale n'existait pas, le gouvernement fédéral pourrait tout de même interdire ou autoriser un projet étant donné les pouvoirs dont il dispose dans divers domaines. C'est pourquoi je vous ai fourni cette réponse compliquée. Un simple citoyen ne peut pas intervenir pour mettre un terme à un projet.

M. Thalheimer (Timmins - Chapleau): Quand est-ce que votre organisme ou ceux qui l'ont précédé interviennent-ils dans l'évaluation?

N'importe qui peut revendiquer des droits pour obtenir des concessions minières. Il y en a des milliers qui sont attribués. Disons que je possède une concession minière. J'installe mon matériel de forage et, incroyable mais vrai, je trouve une mine d'or. Vous arrivez ensuite en me disant, comme dans le cas Windy Craggy, désolé, mais cette région est écologiquement vulnérable. A quel moment intervenez-vous dans l'affaire?

M. Dorais: J'ai indiqué trois conditions très importantes. S'il n'y a pas de projet, aucune évaluation n'est effectuée.

Nous intervenons le plus tôt possible, du moins nous l'espérons. C'est pourquoi les contacts que nous maintenons dans les régions et avec les représentants de l'industrie sont si importants. Plus vite nous sommes en mesure d'entamer des discussions ou d'intervenir, plus il est facile de mettre le processus en vigueur par la suite. Nous n'intervenons que lorsqu'il y a un projet et non lorsque quelqu'un revendique les droits.

M. Thalheimer: Je possède une concession minière. Dès que j'amène mon matériel sur le terrain, il est possible que je fasse une découverte le lendemain matin.

M. Robert Connelly (vice-président, Agence canadienne d'évaluation environnementale): Permettez-moi d'intervenir pour vous répondre. Il importe de bien comprendre que le processus comporte trois étapes: l'examen préalable, l'étude approfondie et ensuite l'examen public. Autrement dit, le système est conçu de façon à appliquer toute la rigueur ou tout le sérieux voulu à l'évaluation en fonction de l'ampleur du projet envisagé.

La plupart des projets assujettis à l'évaluation environnementale ne nous sont pas soumis directement car ils en sont à l'étape de l'examen préalable. Nous intervenons pour les projets de grande envergure à l'étape de l'étude approfondie et de l'examen par une commission. Ceux qui interviennent à l'étape de l'examen préalable sont les autorités responsables, ou les ministères proprement dits.

Par exemple, si vous demandiez un permis de prospection, au nord du 60ième parallèle, disons, vous l'obtiendriez du ministère des Affaires indiennes et du Nord. En délivrant son permis de prospection, celui-ci s'assurerait que la procédure est appliquée. Autrement dit, il évaluerait le projet et délivrerait ensuite le permis demandé. La responsabilité de l'évaluation incombe donc en l'occurrence à ce ministère. Celui-ci nous communique sa décision relative au projet et nous le versons dans l'index des évaluations environnementales dont a parlé M. Dorais plutôt.

M. Thalheimer: Les problèmes comme celui de Windy Craggy inquiètent vivement l'industrie minière. Vous connaissez la situation. C'est ce genre de choses qui exaspère les collectivités minières. Une découverte importante a été faite et les responsables sont intervenus par la suite en disant qu'il s'agissait d'une région écologiquement vulnérable et que toute exploitation minière est donc interdite. Ce problème dure depuis des années. Des centaines de millions de dollars ont été investis et on a fini par découvrir un gisement, simplement pour se voir interdire toute exploitation minière. Comment empêcher ce genre de choses? Ou que fait votre agence pour prévenir ce genre de problèmes?

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M. Dorais: Il va sans dire que nous connaissons bien l'affaire du projet Windy Craggy, non pas parce que nous avons été mis en cause mais parce qu'aucune évaluation de ce projet n'a été faite.

Le système d'évaluation fédéral, l'actuel ou le précédent, n'a jamais été déclenché. Nous n'avons jamais été appelés à intervenir. Il n'y avait pas de projet. Celui-ci n'a pas été soumis au processus d'évaluation environnementale. Toutefois, d'énormes pressions ont été exercées par les groupes environnementaux et certaines décisions ont été prises pour des raisons qui n'ont absolument rien à voir avec l'évaluation objective du projet. Il importe toutefois de comprendre, que, bien souvent, la situation n'est pas très claire. Le processus d'évaluation environnementale permet d'examiner objectivement les répercussions éventuelles sur l'environnement, ce qui est tout à fait différent du débat public pouvant entourer un projet sans que celui-ci ne fasse l'objet d'une évaluation scientifique. Dans le cas du projet Windy Craggy, il n'y a pas eu d'évaluation.

M. Thalheimer: J'essaie d'empêcher ce genre de choses, et je cite l'exemple d'un cas où personne n'exerce de pression. Disons que je détiens une concession dans un endroit sauvage, à 60 milles au nord de Timmins et que je décide d'y faire de l'exploration. J'y fais une découverte importante et d'un seul coup, les environnementalistes arrivent en grande pompe et disent: Non, cette concession est trop proche d'un lieu de pêche, il y a des zones de fraie, etc. Ensuite, il ne reste qu'à fermer la mine.

À quel moment intervenez-vous? Dès le début du projet? Comment empêchez-vous ce genre de choses? Je ne voudrais pas trouver une mine importante pour me faire dire ensuite, pour une raison ou une autre, que c'est bien regrettable mais qu'il m'est interdit de l'exploiter.

M. Dorais: Nous intervenons dès le début de certains projets. Nous engageons des discussions.

Fondamentalement, le problème que vous soulevez est lié au rapport qui s'établit entre l'industrie, les groupes environnementaux et les habitants de la région, ce qui n'est absolument pas de mon ressort par rapport au processus d'évaluation. Tout ce que je peux vous dire, c'est que lorsqu'un projet est proposé et que nous intervenons dès le début, comme pour le projet Placer Dome, et que la société décide de faire l'évaluation et la fait bien ... Nous en avons un exemple dans le cadre de la nouvelle loi et je peux vous dire que le système fonctionne.

J'occupe le poste depuis maintenant quatre ans, auparavant, je présidais la commission provinciale. D'après mon expérience, les principaux problèmes et les histoires horribles qui sont survenues dans notre pays relativement aux évaluations environnementales étaient dû au fait que certaines sociétés ou certains gouvernements au niveau provincial et fédéral, ont essayé de trouver une façon d'éviter de faire l'évaluation. La tentative a échoué à chaque fois, à preuve les 76 procès en cours aux termes des lignes directrices découlant de la loi antérieure.

M. Thalheimer: Vous n'avez pas compris ce que je voulais dire.

M. Dorais: Désolé.

M. Thalheimer: En tant que prospecteur est-ce je dois faire faire une évaluation environnementale avant même d'entreprendre la prospection, ou à quel moment dois-je le faire? Vous me faites signe que non de la tête. Vous ne vous occupez pas de ce genre de choses.

Disons que je détiens une concession minière. Je peux donc légalement entreprendre les travaux de forage. Je peux emmener mon matériel de forage sur le terrain et commencer les travaux. D'un seul coup, je me rends compte que j'ai peut-être fait une découverte importante. Il ne le sait pas après un seul forage, mais les signes sont prometteurs. Que dois-je faire? Tout arrêter et me dire qu'il faut faire faire maintenant l'évaluation environnementale car j'ai bien l'impression d'avoir découvert une mine d'or? À quel moment intervenez-vous?

Le président: Je pense que vous parlez du cas du gouvernement provincial et du projet Windy Craggy. La différence, c'est que dans le cadre de ce projet, le gouvernement provincial est intervenu en disant aux intéressés qu'ils ne pouvaient pas utiliser la terre à cette fin. C'était une décision politique. Ce n'est pas à la suite d'une évaluation environnementale que le projet a été interdit. Les responsables ont simplement dit non, qu'il est impossible d'utiliser la terre à cette fin.

M. Stinson: Pour répondre à votre question, je dirais que l'évaluation commence lorsque vous obtenez votre permis de forage. C'est lorsque vous demandez votre permis de travail pour emmener votre matériel de forage que le processus est déclenché. Vous installez votre grue et creuser une tranchée. C'est alors que ces personnes ...

M. Thalheimer: Je parle d'un cas, par exemple, où je veux acheter des concessions dans la baie Voisey à l'heure actuelle. Je vais acheter simplement des concessions. Cela va me coûter très cher. D'un seul coup on me dit qu'il est impossible de forer dans cette région. Il faut donc le faire avant même d'acheter la concession.

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M. Dorais: J'essaie de répondre de façon précise à votre question. Lorsqu'il faut obtenir une décision du ministre fédéral, c'est là que le processus est enclenché. Peu importe l'étape où en est le projet, le processus est déclenché lorsqu'une décision est rendue au niveau fédéral.

Nous essayons à l'heure actuelle de planifier longtemps à l'avance, de dire que si vous agissez de cette façon, il faudra obtenir des décisions du gouvernement fédéral à ces trois étapes. Souvent, pour des projets complexes, il faut obtenir de nombreuses décisions des autorités fédérales. Nous regroupons tout cela et faisons une seule évaluation pendant toute la durée du projet.

Ce qui déclenche le processus, c'est lorsque vous demandez un permis à un ministre fédéral, s'il y a lieu. C'est là que les choses démarrent.

M. Bernier: Vous avez parlé de la baie Voisey. C'est un excellent exemple de la façon dont l'agence s'efforce de coordonner les responsabilités fédérales. Il y a quelque temps, nous nous sommes aperçus qu'il importait de réunir autour de la même table tous les ministères fédéraux susceptibles de rendre une décision au sujet de la proposition de production précise qui doit émaner de Diamond Fields Resources. Tous les intervenants se sont réunis et nous leur avons demandé s'ils disposaient des renseignements nécessaires pour savoir, oui ou non, il avait lieu de prendre une décision. Au cas contraire, qu'est-ce qu'ils recherchaient? À la suite de cette rencontre, nous devons nous réunir la semaine prochaine avec tous les responsables fédéraux et ceux de Diamond Fields à St-John, sauf erreur, et nous essaierons de répondre à cette question précise: De quoi avez-vous besoin pour trouver ce que vous cherchez relativement à ce projet?

L'agence n'intervient pas de cette façon dans le cadre de tous les projets, mais en l'occurrence, nous avons jugé qu'il était important pour nous d'intervenir dès le début. Nous avons eu des entretiens avec les responsables de Diamond Fields depuis quatre ou cinq mois. Nous discutons également de ce projet avec la province. Nous voulons nous assurer que toutes les décisions qui devront être prises au niveau fédéral seront coordonnées avec celles de la province.

M. Thalheimer: Si j'ai bien compris ce que vous nous dites, en un mot, le propriétaire de la mine est tenu de signaler dans quelle région il compte faire de l'exploration, je suppose, pour établir s'il y a lieu d'obtenir un permis fédéral, ou éventuellement des permis fédéral-provincial. C'est donc à la société de prospection ou propriétaire qu'incombe la responsabilité initiale.

M. Connelly: Je voudrais ajouter quelque chose, pour en revenir à l'exemple dont nous parlions. A l'heure actuelle, je pense qu'aucune autorisation ni aucun permis fédéral n'a été demandé. Dans le cadre de ce projet précis, les étapes de la prospection et de l'exploration ont déjà eu lieu mais dès que nous recevrons le projet proprement dit d'exploitation de la mine, des décisions devront être prises au niveau fédéral. D'où la raison de notre intervention: nous essayons de coordonner tout cela.

M. Thalheimer: Cela me semble très prudent, car vous voulez éviter de devoir fermer une mine parce qu'un critère n'a pas été respecté. C'est ce qui préoccupe toujours l'industrie. C'est ce que je voulais dire. C'est pourquoi je voulais savoir à quel moment votre agence intervient, ou quand vous commencez...

Dans le cas de la Baie Voisey, je peux comprendre qu'en raison de l'activité et de l'agitation entourant ce projet, vous avez pris sur vous d'examiner le projet, ce qui est très bien. C'est ainsi que les choses devraient se passer.

M. Dorais: Dans ce cas précis, nous savons qu'il y aura une évaluation au niveau provincial, ainsi qu'au niveau fédéral, et notre agence est là pour s'assurer que tout se fait en une seule fois, que l'évaluation est coordonnée, simplifiée, qu'elle se déroule sans heurts, pour éviter de se marcher sur les pieds les uns les autres.

Le président: Comme il n'y a plus de questions, au nom du comité, je tiens à vous remercier sincèrement, monsieur Dorais, ainsi que vos collègues de l'agence qui nous avait fait part aujourd'hui de vos opinions sur les chevauchements et le double emploi dans la réglementation. Merci de votre présence et bonne continuation.

M. Dorais: Merci beaucoup, monsieur le président.

Je tiens simplement à ajouter que le premier rapport annuel de l'agence se trouve dans la trousse qui vous a été remise. Il ne porte que sur trois mois d'activités de la nouvelle agence, mais présente également la période de transition entre l'ancien et le nouveau système. Il s'y trouve également la table des matières des guides dont nous disposons, qui sont très volumineux. Nous vous en ferons volontiers parvenir un exemplaire si vous le désirez.

.1215

Le président: Merci beaucoup.

J'aimerais tenir une brève réunion avec les autres membres du comité directeur.

[La séance se poursuit à huis clos]

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