[Enregistrement électronique]
Le mercredi 1er novembre 1995
[Traduction]
Le président: Notre comité, le Comité permanent des pêches et des océans peut maintenant commencer ses travaux.
Je m'excuse du retard, mais les choses ne sont pas encore revenues à la normale à Ottawa.
Comme tout le monde le sait, nous procéderons aujourd'hui à nos premières téléconférences. Je suis convaincu qu'il y aura peut-être quelques petits problèmes techniques, mais nous pourrons sans aucun doute les surmonter.
Nous entendrons aujourd'hui plusieurs témoins. Comme mes collègues le savent, nous avons décidé de procéder par téléconférences pour entendre le plus grand nombre de témoins possible, tant de la côte est que de la côte ouest. Nous accueillerons également des témoins à Ottawa, des témoins qui viendront nous faire part de leur opinion sur le projet de loi.
Nous accueillons aujourd'hui M. Fred Crickard, contre-amiral à la retraite, représentant le Dalhousie University Centre for Foreign Policy Studies et l'Association des officiers de la marine du Canada.
Bienvenue. Fred, vous ferez en quelque sorte office de cobaye aujourd'hui, puisque vous serez le premier témoin que nous entendrons grâce à ces nouvelles technologies. Nous avons hâte d'entendre vos commentaires de porte-parole de ces groupes importants.
Le contre-amiral Fred W. Crickard (retraité), (président national, Association des officiers de la marine du Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, je suis heureux et fier d'avoir l'occasion de discuter avec vous de ce projet de loi fort important.
Je suis ici à titre de président de l'Association des officiers de la marine du Canada et je suis également, comme vous l'avez signalé, et j'en suis très fier, agrégé de recherche auprès du Dalhousie Centre for Foreign Policy Studies; je suis également associé à l'Institut canadien des océans.
L'Association des officiers de la marine du Canada a pour but de sensibiliser les Canadiens au fait que le Canada est une nation maritime. Lors de conférences et de réunions que nous organisons chaque année depuis 1989, nous proposons l'adoption d'une politique nationale globale sur les océans, de stratégies maritimes intégrées ainsi que la création des systèmes réglementaires et maritimes nécessaires pour mettre en application de telles politiques.
J'aimerais brièvement tracer un tableau de l'évolution de la politique nationale sur les océans de 1970 à 1994, passer en revue ce qui s'est produit depuis 1994 et enfin passer au projet de loi C-98, qui représente à mon avis un premier jalon fort important de l'élaboration d'une stratégie et d'une politique de gestion des océans pour le Canada.
J'aimerais d'abord étudier ce qui s'est passé entre 1970 et 1994. Pendant les années 1970, les efforts stratégiques, au Canada et à l'étranger, portent principalement, au niveau fédéral, sur l'exploration pétrolière et gazière au large des côtes. La pêche pratiquée par des bateaux étrangers dans nos zones côtières, nos zones de pêche, et la pollution des océans - l'intérêt pour cette question a été suscité par le passage du Manhatten - suscitaient également une vive préoccupation. De plus, on en était aux premiers jours de UNCLOS III, conférence lors de laquelle, comme vous le savez, le Canada a joué un rôle important.
Quelles mesures le gouvernement fédéral a-t-il prises à l'époque dans le domaine de la protection des océans? Évidemment, il a adopté la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques en 1972, et a déclaré, de façon unilatérale, une zone exclusive de pêche en 1977.
En 1973, dans son premier énoncé sur une politique sur les océans, le gouvernement canadien accordait une importance toute particulière à la science et à la technologie et à la création d'industries pour l'exploitation et la mise en valeur des ressources pétrolières et gazières au large des côtes, tout particulièrement dans le Grand Nord. Cette politique était donc clairement axée sur l'expansion économique et la création d'emplois.
Des années 1980 au milieu des années 1990, le milieu stratégique a changé en raison du ralentissement des activités dans le secteur pétrolier et gazier, de la diminution des stocks de poisson de fond dans l'Atlantique, de la multiplication des activités dans les océans, et de la prolifération des réponses sectorielles aux problèmes de gestion des océans dans les secteurs des ressources, de l'environnement, du transport et de la défense.
Quelles ont donc été les réactions du gouvernement fédéral pendant cette période de changements des années 1980 aux années 1990? Ces réactions se sont manifestées aux niveaux politique et bureaucratique. Le gouvernement a rendu public en 1987 un deuxième énoncé sur une politique sur les océans. Cet énoncé, comme son prédécesseur, celui de 1973, portait sur le développement des industries de la mer ainsi que sur les sciences et technologies connexes, et proposait une meilleure gestion des océans - confiant la responsabilité de cette question au niveau fédéral au ministère des Pêches et des Océans - et, enfin, faisait ressortir l'importance de la souveraineté du Canada sur ses ressources.
Comme vous le savez sans aucun doute, le Canada avait annoncé dans le document de 1987 qu'il avait l'intention d'adopter une loi sur les océans du Canada.
Le Plan vert a été adopté en 1990. Il portait sur plusieurs questions touchant le milieu marin. Ces mesures ont été prises au niveau politique.
Au niveau bureaucratique, sous forme de suivi, on a mis sur pied un conseil sur les océans, un conseil consultatif, ainsi qu'un comité interministériel sur les océans.
Outre le suivi de 1987 sur la politique sur les océans, en 1990, le Comité Osbaldeston, qui avait été créé parce qu'on avait jugé que trop peu de temps était réservé aux efforts d'application des règlements, a déposé son rapport. On y proposait une plus grande utilisation de toutes les flottilles du gouvernement - celles de la marine, de la Garde côtière et du ministère des Pêches et des Océans.
Dans l'ensemble, les initiatives annoncées dans l'énoncé de politique de 1987 ont été abandonnées ou n'ont pas avancé; ainsi, à l'exception de la coordination des flottes, de la poursuite du plan pluriannuel des sciences de la mer, et des travaux du groupe consultatif sur la qualité de l'environnement marin, qui découlent tous de l'énoncé de 1987 et du rapport du Comité Osbaldeston, l'ensemble des autres initiatives avaient été abandonnées ou arrêtées, y compris la Loi sur les océans du Canada, avant 1994.
Passons maintenant à ce qui s'est produit depuis 1994. Quelles étaient les circonstances à l'époque? Évidemment, la dette nationale et des budgets réduits étaient des questions prioritaires. Pendant cette période on a continué à s'intéresser aux questions générales, comme celles de la décentralisation et de la déréglementation. C'est également à cette époque que les crises des pêches de l'Atlantique et du Pacifique ainsi que leurs répercussions socio-économiques se sont fait sentir.
À l'échelle internationale, en 1992 s'est tenue la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement, la conférence de Rio, qui a donné naissance au chapitre 17 de Action 21, qui proposait de donner à la communauté voix au chapitre dans le domaine de la gestion des littoraux. La Convention sur le droit de la mer, évidemment, a été ratifiée en novembre dernier. Les crises dans le secteur des pêches hauturières se sont manifestées sous la forme d'une «guerre du flétan noir», et l'approche écosystémique est devenue de plus en plus importante et entre en fait en ligne de compte dans l'élaboration de stratégies sur les océans.
Il est intéressant de noter que depuis 1994 il y a eu prolifération de réponses politiques, parlementaires et bureaucratiques aux divers changements qui se sont produits. En fait, je crois qu'il y a eu quelque douze initiatives fédérales, y compris le projet de loi C-98, depuis 1994. Certaines ont porté sur la politique étrangère; le Comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada a déposé son rapport en novembre 1994, et dans leurs réponses présentées en février 1995, les Affaires étrangères et Commerce international Canada ont proposé la ratification de la Convention sur le droit de la mer, ont exhorté le gouvernement à accorder un appui plus fort à l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest et ont défendu les avantages offerts par la technologie maritime et les transferts technologiques.
De la même façon, un comité mixte spécial sur la politique de défense a déposé son rapport en novembre 1994, et un livre blanc sur la défense a été rendu public en décembre; les deux documents signalaient que le principal rôle des forces maritimes devait être la protection du Canada. Cette responsabilité comprend la surveillance et le contrôle de l'accès sous-marin, maritime et aérien du Canada, le soutien accordé aux autres ministères dans le cadre de leurs activités d'application des règlements, les activités de recherche et de sauvetage ainsi que l'aide humanitaire.
Industrie Canada a publié le rapport découlant de son étude des activités fédérales en matière de science et de technologie en juin 1994. Un groupe fort important, le Conseil consultatif des sciences et de la technologie, a déposé deux rapports clés, soit le rapport du Comité sur les océans et les littoraux, publié en mai 1994, et le document intitulé Cadre pour une stratégie fédérale en matière de S-T intégrée, en avril 1995.
Dans le secteur du transport maritime, le Comité permanent des transports a publié ses recommandations portant sur une stratégie nationale en mai 1994. Au niveau opérationnel, il y a eu intégration des flottilles de la Garde côtière et du MPO; la responsabilité a été confiée au ministère des Pêches. Enfin, au ministère des Pêches et des Océans, le ministre responsable a mis de l'avant et distribué aux fins de discussion un document intitulé Vision pour une gestion des océans, en novembre 1995; enfin, le projet de loi C-98 a été déposé en juin 1995.
Il y a donc eu au moins douze initiatives du gouvernement fédéral sur la politique sur les océans, ce qui à mon avis signifie que le gouvernement fédéral manifeste à nouveau, comme en 1973 et en 1987, un intérêt marqué pour une politique canadienne sur les océans.
Bref, au cours des 25 dernières années, on a tenté d'intégrer une politique sur les océans, ou tout au moins de coordonner les activités dans ce secteur entre les niveaux bureaucratique et politique au palier fédéral. Cependant, les deux grandes poussées d'intérêt du gouvernement, en 1973 et en 1987, ont été suivies de périodes caractérisées par un manque de suivi et d'engagement.
Depuis 1994 l'intérêt est beaucoup plus marqué, et on accorde une attention toute particulière aux affaires océaniques, ce qui, à mon avis, et de l'avis de l'Association des officiers de marine, rend l'adoption de la Loi sur les océans du Canada très importante. J'aimerais maintenant passer au projet de loi C-98 et à son rôle dans l'adoption par le Canada d'une nouvelle politique pour les océans.
Sur les quelque douze mesures dont je viens de vous parler, trois semblent représenter une évolution progressive: il s'agit du rapport sur les océans et les littoraux du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie, de Vision pour une gestion des océans et enfin du projet de loi C-98.
Le rapport du Conseil consultatif national des sciences et de la technologie sur les océans et les littoraux recommandait au gouvernement d'adopter diverses mesures par l'entremise de l'adoption d'une loi sur les océans du Canada; le conseil proposait donc de déclarer une zone économique exclusive comme base de réglementation, de créer et adopter une stratégie de gestion des sciences de la mer, de faire de la protection environnementale des océans une priorité de gestion et enfin de faire fond sur la coopération internationale en vue de protéger les ressources océaniques du Canada.
Le document publié par le ministre en novembre, Vision pour une gestion des océans, s'inspire des recommandations formulées dans le rapport du CCNST et inclut de nouvelles responsabilités au titre du commerce maritime. Cette vision signale de plus l'intention du gouvernement de déposer une loi sur les océans du Canada, d'élaborer, ce faisant, une stratégie sur la gestion des océans, et d'accorder par la suite une attention toute particulière au commerce maritime, au développement des ressources océaniques, et à la durabilité du milieu et des ressources océaniques.
L'Association des officiers de la marine du Canada appuie ces propositions; nous jugeons que le projet de loi C-98 est le premier jalon d'une stratégie de gestion des océans ou d'une politique sur les océans au Canada. Le projet de loi reconnaît évidemment la compétence du Canada sur ses zones maritimes. Il établit le cadre législatif permettant d'adopter et de mettre en application un régime de gestion des océans et permet de regrouper l'ensemble des responsabilités fédérales au titre de la gestion des océans - tout au moins la majorité de ses responsabilités.
De l'avis de notre association, ce projet de loi permet d'accomplir deux choses: il permet au gouvernement de légiférer sur des questions stratégiques, soit les zones maritimes du Canada, représente le premier jalon de la ratification de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, et vise, à un moment opportun, à codifier diverses mesures et à régler divers problèmes administratifs. De plus, ce projet de loi se tourne vers l'avenir en confiant au ministre la responsabilité de l'élaboration et de la mise en application d'une stratégie nationale de gestion des océans.
Nous jugeons que le projet de loi C-98 n'est en fait qu'une esquisse. Nous ne verrons le reste du tableau que plus tard. Le projet de loi C-98 est donc un premier jalon. Une tâche plus difficile pour le gouvernement fédéral sera d'élaborer la stratégie de gestion des océans. Cette élaboration prendra plusieurs années - elle durera plus longtemps que le mandat d'un gouvernement - et cette stratégie mettra à contribution tous les paliers de gouvernement, toutes les régions, les communautés, le secteur privé, les universités, les collèges, les instituts et les groupes intéressés.
Bref, nous croyons que la Loi sur les océans représente la première étape d'un projet qui nous permettra d'aboutir à un régime de gestion.
De plus, nous appuyons l'établissement dans ce projet de loi d'un cadre juridique et réglementaire visant la zone contiguë et la zone économique exclusive du Canada. La désignation du ministère des Pêches et des Océans comme fiduciaire responsable de la gestion des océans, gestionnaire devant rendre des comptes, pourrait nous permettre de nous défaire de certains règlements et politiques réactionnaires, fragmentés et sectoriels qui ont été adoptés au fil des ans.
Nous appuyons également les objectifs d'une stratégie de gestion des océans mis de l'avant dans Vision pour une gestion des océans. Cependant, à notre avis, les propositions ne vont pas assez loin dans trois domaines bien précis. Le document Vision et le projet de loi semblent omettre trois choses qui de l'avis de notre association devraient recevoir une attention plus grande.
Premièrement, à notre avis le projet de loi ne fait aucune mention claire et explicite de l'expansion économique, de la compétitivité dans le secteur maritime et de la création de richesse. À notre avis, ces éléments devraient faire partie des questions prioritaires, tout comme la conservation, la protection et la gestion des ressources. Le Canada a les compétences et le potentiel nécessaires pour devenir le chef de file, à l'échelle internationale, dans le domaine océanique.
De plus, l'application intégrée dans les océans du droit et des règlements canadiens et internationaux mérite une plus grande attention. La proposition du gouvernement fédéral qui cherche à mieux intégrer les principales flottes du gouvernement - celles de la marine, de la Garde côtière et de Pêches et Océans - et à assurer une plus grande interopérabilité est judicieuse. Cependant, il faut faire beaucoup plus d'efforts pour réduire les coûts élevés associés au contrôle et à la surveillance grâce à des moyens techniques. La réduction des frais généraux de l'application des règlements se traduira par une plus grande compétitivité à l'échelle internationale.
Enfin, le document n'explique pas vraiment comment la stratégie fédérale sur la gestion des océans pourra s'intégrer aux plans de gestion provinciaux et régionaux des eaux côtières. J'ai fait allusion aux nombreux projets et activités de gestion des zones côtières qui se déroulent actuellement dans le Canada atlantique, dans le golfe du Saint-Laurent et dans le bassin du fleuve Fraser. Cette intégration revêt une importance primordiale. La réussite de ces efforts dépendra dans une large mesure de la teneur des ententes de partenariat conclues avec les provinces et les autres instances; en effet, le gouvernement fédéral devrait consulter les intéressés plutôt que de leur imposer ses décisions.
Néanmoins, l'Association des officiers de la marine du Canada est très heureuse de constater qu'après avoir passé plusieurs années à la dérive la question des océans fait à nouveau partie des priorités nationales. Nous tenons à féliciter le gouvernement d'avoir pris l'initiative. Nous appuyons le projet de loi, et nous collaborerons aux divers efforts afin de faire de cette vision des océans du Canada une réalité.
Merci.
Le président: Merci, Fred.
J'aimerais poser quelques petites questions. Le seul autre témoin non ministériel que nous avons entendu est le CCRA. Nous avons entendu des représentants de ce groupe peu de temps avant le référendum. Ces témoins ont fait des commentaires qui se rapprochent des vôtres, mais ont formulé des recommandations quelque peu différentes. Ils étaient d'avis qu'il fallait insérer un préambule dans le projet de loi pour en lier tous les éléments.
Vous dites que les objectifs du projet de loi ne vont pas assez loin; ma question ne porte pas là-dessus. Vous semblez laisser entendre que vous appuyez le projet de loi dans la mesure où il représente un premier jalon. Tout comme moi, certains membres du comité sont d'avis qu'en réalité on procède très rarement à l'examen d'une mesure législative peu de temps après son adoption. Puisque l'élaboration d'une politique dans le secteur océanique s'est caractérisée par une série d'à-coups, suffit-il maintenant de dire que le projet de loi représente un bon premier jalon? À votre avis, notre comité, puisqu'il est saisi de ce projet de loi et qu'il doit en faire rapport au Parlement, devrait-il exiger que certaines choses y soient incluses au lieu d'attendre 10 ans de plus avant qu'on décide d'y apporter des modifications? Existe-t-il à votre avis des lacunes évidentes que l'on pourrait combler maintenant pour que cette mesure législative soit plus solide?
C.-am. Crickard: Oui. Il y a certaines choses que j'aimerais que l'on ajoute au projet de loi. Cependant, si on repart à zéro, est-ce qu'on procédera encore par à-coups?
Le président: Je ne crois pas, Fred.
Le ministère a indiqué que si notre compagnie faisait rapport du projet de loi en disant qu'il fallait y ajouter huit ou dix choses, cette mesure serait renvoyée à P et P, et qu'on ne la reverrait jamais à la Chambre. Je crois que nous allons plutôt faire rapport du projet de loi tel que modifié ou dans son libellé original, selon ce que décidera le comité; cependant, nous formulerons certaines recommandations sur diverses questions qui ont été soulevées par des témoins comme vous, dans l'espoir que le gouvernement étudiera ces recommandations.
Nous n'avons pas du tout l'intention de retarder les choses et de renvoyer à nouveau cette mesure législative à P et P, mais s'il existe des lacunes évidentes... Je crois que la majorité des membres du comité ont déjà décelé ces lacunes. Nous avons l'intention d'en faire état dans un rapport intérimaire ou dans un rapport subséquent.
Si vous aviez à rédiger ce projet de loi maintenant, qu'y mettriez-vous?
C.-am. Crickard: En tant que représentant de l'Association des officiers de la marine du Canada, j'y inclurais les passages sur l'application intégrée au secteur maritime. Je le dis parce qu'au cours du processus de consultation portant sur l'énoncé de perspective neuf secteurs ont été définis. Il s'agissait de la gestion intégrée des ressources marines, du développement durable, du développement économique, des sciences et de la technologie, de l'approche écosystémique, de la qualité de l'environnement marin, des zones marines protégées, des zones contiguës et des zones exclusives, des cadres de planification régionale, des plans de gestion et du processus décisionnel.
L'application intégrée au secteur maritime ne figure nulle part parmi ces secteurs. Nous estimons que c'est un aspect très important, comme le montre bien la hausse vertigineuse du cours du flétan noir. C'est important non seulement pour des considérations techniques et opérationnelles, mais aussi sur le plan politique et juridique et eu égard aux méthodes d'application non gouvernementale, comme la surveillance côtière qu'assure la GRC.
Je pense que cette question, le concept d'application intégrée au secteur maritime, devrait figurer quelque part dans le projet de loi.
J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, que j'ai aussi indiqué que notre association estime que le développement économique et la création d'emplois sont mis en sourdine, tout comme cette question de savoir comment le gouvernement fédéral va agir de concert avec ses partenaires dans les zones côtières.
Je suis loin d'être un expert de ces questions, mais je constate bel et bien que le libellé ayant trait à ces deux questions est évasif, alors que celui qui porte sur tous les autres points, notamment les zones marines protégées, est bien affirmé.
Pour répondre à votre question, monsieur le président, j'aimerais qu'il y ait un paragraphe ou deux, selon le cas, sur ce concept d'application intégrée au secteur maritime et qu'on examine à nouveau l'accent que met le projet de loi - ou ne met pas - sur le développement économique, la planification régionale et la gestion régionale de la zone côtière.
Le président: Où l'ajouteriez-vous, Fred? Dans le préambule du projet de loi, dans l'aperçu, dans la fusion des différents éléments qui définissent le cadre, les objectifs?
C.-am. Crickard: Peut-être là. Pour ce qui est de l'application intégrée au secteur maritime, j'aimerais que cela se trouve à la partie II... qu'il soit explicite dans la loi habilitante qu'on confiera cela au ministre à titre de principal fiduciaire. Je préférerais que cela soit explicitement énoncé à la partie II, de sorte que quand la loi habilitante sera invoquée et qu'on prendra des mesures pour élaborer et mettre en application une politique, ce point ne soit pas oublié. Il est très important, non seulement en ce qui a trait à la réglementation, mais aussi pour qu'on puisse améliorer l'efficacité de la mise en application par rapport au coût.
Le président: Pour plus de précision, vous dites qu'il faudrait dire à la partie II que le ministre a la responsabilité de la présentation et de la coordination d'une approche intégrée de l'application au secteur maritime. Ai-je bien compris ce que vous avez dit?
C.-am. Crickard: Oui, quelque part dans la partie II. Par exemple, la Garde côtière et les sciences marines y sont mentionnées, et j'aimerais qu'on y mentionne aussi l'application au secteur maritime.
Le président: Ce projet de loi vise également à consolider les programmes et les responsabilités pour faire en sorte qu'on cerne très clairement la politique sur les océans. Différents textes législatifs, comme suite à ce projet de loi, échappent à la compétence du ministre des Pêches et des Océans; par exemple, il y a des dispositions à l'Environnement qui ont trait aux déversements en haute mer et des dispositions aux Affaires indiennes et Nord canadien qui ont trait à certaines des questions qui se posent dans l'océan Arctique, la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Les membres du comité ont entre autres choses dit que peut-être que certains de ces points, qui pour l'instant ne sont pas intégrés ni inclus, devraient l'être maintenant. Avez-vous des observations à faire à ce sujet?
C.-am. Crickard: Non, pas particulièrement. Je ne suis pas un spécialiste de ces questions, et je suppose que comme les membres du comité je demanderais également pourquoi ces points ne sont pas déjà intégrés. Toutefois, je n'ai pas de connaissances particulières sur cette question, sinon pour dire que ces éléments devraient être inclus, et que c'est maintenant le temps d'y regarder de plus près.
Le président: Monsieur Wells.
M. Wells (South Shore): J'aimerais que vous précisiez ce que vous voulez dire à propos des deux premiers points que vous avez soulevés, et je vous renvoie à votre page de conclusion, Fred, au sujet de vos première et deuxième recommandations.
Voyons d'abord la deuxième, où vous parlez de mise en application intégrée au secteur maritime. Pourriez-vous nous expliquer davantage ce que vous entendez par là?
C.-am. Crickard: Je pense surtout à l'exécution ou à la dimension technique de l'application au secteur maritime, et je dirais que l'excellent travail accompli grâce à une meilleure coordination des activités fédérales en ce qui a trait aux trois flottes gouvernementales, si l'on peut dire - la marine, la Garde côtière et les Pêches - et au secteur riverain dans la création de partenariats et l'exécution d'opérations conjointes des autorités militaires et civiles qui assurent le commandement et le contrôle des systèmes d'information, les exercices conjoints, la formation, et le reste, que cet excellent travail, donc, devrait être porté à l'attention des décideurs et être mentionné, sinon dans le projet de loi, au moins dans une déclaration générale. Ce serait certainement une question de premier plan dans la stratégie de gestion des océans.
Les forces maritimes et la marine soutiennent quelque chose comme les activités de six ministères, y compris la Défense nationale, et je peux vous en parler à fond si vous le souhaitez. On n'a jamais été aussi occupé. Depuis janvier, sur la côte est, mise à part la guerre du flétan noir, il y a eu au moins deux opérations antidrogue de la GRC et une autre pour faire obstacle à l'immigration illégale. À trois reprises, le bâtiment de garde, un destroyer, est sorti pendant le week-end pour faire face à des urgences. Tout cela s'ajoute aux activités continues des patrouilles de Pêches et Océans, aux opérations des patrouilles préventives de la GRC, aux opérations de recherche et de sauvetage de la Garde côtière, aux interceptions des patrouilles d'Emploi et Immigration, à l'assistance technique du commandement maritime fournie aux autorités douanières ayant affaire à des navires de recherche et de contrebande, et aux patrouilles de la Défense nationale ainsi qu'aux patrouilles de l'Arctique, y compris, je le précise, le vol dans l'Arctique qui a détecté des débris d'un missile balistique lancé à bord du sous-marin russe Thyphoon, le 25 août 1995, dans le secteur canadien de l'océan Arctique.
Il se passe énormément de choses qui ont trait à la défense ainsi qu'à d'autres activités gouvernementales. Je me réjouis que la guerre du flétan noir ait éclaté en 1995 plutôt qu'en 1990, parce qu'à cette époque-là il était plus facile de communiquer en mer avec les navires russes qu'avec la Garde côtière canadienne, parce que nous étions sur des fréquences différences. Mais tout cela a changé.
Je me concentre donc sur les fusions opérationnelles et techniques auxquelles on procède en raison des compressions budgétaires, parce que nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de flottes distinctes. Je pense que c'est ce qui doit retenir l'attention d'abord et avant tout au cours des audiences portant sur la stratégie de gestion.
Est-ce que je...?
M. Wells: C'est l'explication que j'attendais.
Vous dites dans le même paragraphe qu'il y a encore beaucoup plus à faire pour réduire le coût élevé des moyens de surveillance technique et autres. Vous en avez donc parlé aussi dans votre réponse. Grâce à ces méthodes, c'est aussi ce qui se produirait. Ces coûts seraient...
C.-am. Crickard: Oui, mais j'aimerais revenir un peu là-dessus. Cela empiète un peu sur le rapport de l'Association des officiers de la marine du Canada portant sur les stratégies intégrées en matière de sciences et de technologie.
Il y a deux technologies très prometteuses. D'abord, la surveillance et les systèmes d'information. Nous constatons déjà - et je crois que c'est une des conséquences de la guerre du flétan noir - que des navires du gouvernement communiquent entre eux et échangent des données sur ce que nous appelons la Liaison 11, si bien que chaque navire, qu'il s'agisse d'un navire de la Garde côtière, des Pêches ou de la marine, dispose des mêmes données.
Rien n'empêche que, par exemple, tout comme nous concevons des stations spatiales, étudions l'aérospatiale et d'autres moyens de surveillance - nous fusionnions toute cette information pour la réunir en un même endroit et la transmettions aux utilisateurs, militaires ou autres.
Je pense qu'en coordonnant, en mettant en corrélation et en intégrant de nouvelles S-T, ainsi que des technologies d'information sur la surveillance, de sorte qu'on puisse les distribuer à tous les clients, au lieu que chaque ministère fasse sa petite affaire, on pourrait certainement réduire les frais généraux. Cela coûte cher. Il est coûteux d'avoir un observateur sur chaque navire en vertu de l'entente conclue avec l'Union européenne. Cela coûte extrêmement cher.
M. Wells: Connaissez-vous cette technologie, qu'on appelle la boîte noire qui permet de localiser de façon permanente les navires qui ont pris la mer? Connaissez-vous cette technologie qu'on est en train de mettre au point?
C.-am. Crickard: Je la connais assez bien. D'ailleurs, dans une semaine et demie, nous aurons une conférence à St. John's pour examiner précisément cet aspect. C'est une technologie très prometteuse.
M. Wells: Merci.
C.-am. Crickard: La fusion des données, je pense.
M. Wells: Oui.
Le président: Monsieur Verran, voulez-vous intervenir?
M. Verran (South West Nova): Amiral, je voudrais vous féliciter d'avoir continué à vous intéresser aux océans après avoir pris votre retraite de la marine. Je tiens à vous dire que vous avez l'air très jeune. Je me souviens qu'à titre de photographe de la marine j'ai pris votre photo avec divers groupes à maintes occasions, et je trouve que vous n'avez guère changé, si ce n'est de l'uniforme et des galons que vous portiez à l'époque.
Ma question est la suivante. Je voudrais savoir quelle partie de la gestion de la stratégie des océans devrait être confiée à la marine plutôt qu'à la Garde côtière ou à Pêches et Océans sur les deux côtes du Canada? Avez-vous une préférence?
La marine a toujours été très active dans le domaine de la surveillance et, avec la nouvelle fusion, je voudrais savoir quel rôle devrait jouer la marine canadienne, particulièrement dans l'avenir?
C.-am. Crickard: Merci du compliment.
Pour répondre à votre question, je ne prévois pas de grands changements dans le rôle de la marine, sur le plan législatif ou réglementaire. Je dirais que la marine devrait continuer de faire ce qu'elle fait maintenant, et qu'elle fait bien.
Sur les trois flottes - et lorsque je dis la marine, j'englobe l'aéronavale également - c'est la patrouille aérienne qui est la plus apte à assurer la surveillance et à réagir au-delà de la limite des 200 milles nautiques, en haute mer. La capacité des forces maritimes, y compris les sous-marins, lui permet de se livrer à des recherches à grande vitesse, d'assurer une surveillance sous-marine et à grande distance, d'avoir recours à la force, si besoin est, etc. Ce sont les attributs et les compétences des forces maritimes de la marine et de l'aéronavale. Ces compétences, qui ont été conçues pour leur permettre de faire la guerre, dans cette éventualité, viennent compléter très utilement celles de la Garde côtière et de Pêches et Océans.
Pour revenir à votre question, je n'envisage pas de grands changements, législatifs ou réglementaires, dans le rôle de la marine. Pour ma part, je ne préconiserais pas que la marine s'occupe de l'application des règlements. Car cela est du ressort d'autres ministères. Je ne pense pas que nous voulions voir la marine arrêter les citoyens canadiens. Nous pouvons arrêter des Espagnols et des Américains - c'est facile - mais la marine ne veut pas que son personnel arrête des Canadiens. C'est à la Garde côtière et à la GRC de s'occuper du volet réglementation.
À l'heure actuelle, la marine n'a aucune responsabilité législative pour ce qui est d'appliquer la réglementation canadienne au sens où nous en parlons. Cela dit, elle offre un solide soutien, comme elle l'a fait au cours de la guerre du flétan noir, où il y avait toujours un navire de la marine à l'horizon et deux vers la fin. Mais les contacts avec les navires contrevenants étaient toujours laissés à la Garde côtière et à Pêches et Océans.
Je pense donc que l'on devrait maintenir le partage actuel des responsabilités, la marine pouvant toujours mettre ses compétences à la disposition des autres instances pour que nous puissions avoir un arsenal complet.
M. Verran: Merci. Nous apprécions votre opinion sur le sujet. Merci beaucoup.
Le président: Fred, avant que vous ne partiez, je voudrais revenir là-dessus encore une fois. De nombreux ministères font beaucoup de travail et sont très présents dans les océans du Canada, à l'intérieur de nos eaux.
Vous avez dit quelque chose au sujet des banques de données et de la collecte et de l'extraction de données. À l'heure actuelle, si Environnement Canada rassemble des données, cette information est stockée chez Environnement Canada. Si la Garde côtière possède des données, je soupçonne que c'est elle qui en a la garde. Si la marine canadienne possède des éléments d'information, elle les conserve.
Laissez-vous entendre que la Loi sur les océans devrait permettre ou établir ou ordonner que l'on réfléchisse davantage à cette question de la collecte et de l'extraction de données dans une banque centralisée? C'est bien de cela que vous parlez?
C.-am. Crickard: Je ne suis pas certain que je voudrais que ce soit précisé explicitement dans la loi. Assurément, cela devrait être une considération dans le cadre de l'élaboration d'une stratégie permanente de la gestion des océans et lorsque les comités parlementaires comme le vôtre, monsieur le président, se pencheront là-dessus une fois que la Loi sur les océans sera en vigueur.
Ce qui se passe maintenant, c'est que les principaux ministères qui s'occupent des océans ont de moins en moins tendance à conserver leur information par-devers soi. Sur la côte est, par exemple, il y a en permanence un agent de la GRC et un agent des douanes affectés au centre des opérations maritimes de la marine. Il y a toujours eu des officiers de la Garde côtière dans le bureau voisin du centre où l'on assure la coordination des activités de sauvetage.
On assiste donc à l'établissement de liens de plus en plus étroits entre les autres ministères gouvernementaux, au niveau du quartier général du commandement. On a mis au point un système appelé CANMARNET, ou Canadian Maritime Network, c'est-à-dire Réseau maritime canadien; c'est un système plutôt bon marché qui ne s'embarrasse pas de normes militaires, par exemple. On s'occupe actuellement de l'installer dans les navires de la Garde côtière, des Pêches et de la marine, afin que tous puissent échanger des données en mer. Ainsi, le capitaine d'un navire de la Garde côtière aurait sur son écran la même image que le capitaine d'un destroyer. Ces données sont également renvoyées au centre des opérations maritimes, où d'autres représentants du ministère se réuniraient en cas de crise.
Je trouve que c'est une bonne chose. La marine n'a pas besoin d'avoir toutes les données sur les prises de poisson et tout cela; elle veut les données relatives aux patrouilles, à la surveillance et à la réaction. Elle veut les données dont elle a besoin et qu'on lui a d'ailleurs fournies dans le cas de la guerre du flétan noir, quand il fallait s'en prendre à des cibles qui refusaient de coopérer. C'est le quartier général maritime qui est le mieux placé pour coordonner ce genre d'opérations, car il est équipé pour le faire.
Je ne pense pas qu'il faille entrer dans les détails à ce point dans la partie II de la loi habilitante, mais je pense qu'on pourrait ajouter à cette partie II quelques paragraphes qui résumeraient la situation actuelle et l'orientation souhaitée. Nous voulons une coordination plus étroite des données, en fait la fusion des données et la diffusion non pas seulement des données, mais de l'information et de son évaluation, à destination ou en provenance de diverses sources, qu'elles soient civiles ou militaires. Nous nous dirigeons déjà vers cela, mais inscrivons-le dans la loi.
Le président: D'accord. Je tiens à vous remercier pour votre patience, car il nous a fallu du temps aujourd'hui pour nous organiser. Si vous voulez ajouter quoi que ce soit ou nous envoyer quelque chose après la réunion, vous savez comment me rejoindre. Je vous remercie pour vos observations, qui nous ont été utiles, et nous vous reverrons probablement très bientôt. Nous pourrions vous rencontrer la semaine prochaine à St. John's.
C.-am. Crickard: Je l'espère.
Merci et bonne chance dans vos délibérations.
Le président: Notre témoin suivant représente l'Institut canadien des océans. Il y a quatre témoins à l'autre bout. Ils sont tous du même institut.
Je ne sais trop qui est qui. J'ai sur ma liste David VanderZwaag, associé; David Copp, associé, Phillip Saunders, associé; et Aldo Chircop, associé, de l'Institut canadien des océans.
Alors, à qui ai-je l'honneur?
M. David VanderZwaag (associé, Institut canadien des océans): Je suis David VanderZwaag. Les autres prendront la parole dans l'ordre suivant: David Copp, Phillip Saunders et Aldo Chircop.
Le président: Comment vous proposez-vous de procéder? Allez-vous faire chacun un exposé séparé, ou bien allez-vous tous participer au même exposé? Je pose la question en vue de la période des questions qui suivra.
M. VanderZwaag: Question procédure, nous sommes ouverts. Nous comptions, j'imagine, donner chacun un exposé de cinq ou six minutes, après quoi nous répondrons à vos questions. Vous pouvez nous interroger un à la fois, au fur et à mesure, ou nous pouvons répondre en groupe à la toute fin.
Le président: Pour nous assurer que le pauvre qui fera le dernier exposé ait assez de temps, pourquoi ne pas donner à chacun la chance de donner son exposé, après quoi vous nous laisserez le micro et nous vous poserons des questions de notre côté? Est-ce que cela vous va?
M. VanderZwaag: C'est parfait.
Au nom de mes associés de l'Institut canadien des océans, je tiens à remercier le comité de nous avoir invités à faire connaître les améliorations que nous proposons au projet de loi.
Un mot suffit à décrire le projet de loi concernant les océans du Canada: décevant. Au mieux, il vaudrait peut-être mieux l'appeler «la Loi habilitante des océans». Le projet de loi donne un pouvoir discrétionnaire immense au ministère des Pêches et des Océans et à d'autres fonctionnaires. Au pire, on pourrait appeler ce projet de loi «la Loi débilitante des océans». Le projet de loi concernant les océans du Canada ne garantit pas à l'industrie et au public la pleine participation au façonnement de la politique, et ne garantit pas non plus la participation des provinces et des administrations municipales au façonnement de la politique océanique du Canada.
Notre exposé porte sur six domaines qui, à notre avis, sont très importants si l'on veut améliorer le projet de loi. Je m'en tiendrai brièvement à trois grands problèmes.
Le premier, c'est que le projet de loi n'énonce pas clairement les concepts et les principes du développement durable. Voyez l'article 30 du projet de loi; on ne s'y retrouve pas du tout. On y parle du principe du développement durable. Voyez l'ensemble de la recherche universitaire; la plupart des auteurs dans ce domaine aujourd'hui sont d'accord pour dire que le développement durable n'est pas qu'un simple principe; c'est un concept, c'est une déontologie, c'est un objectif vaste. Et il existe de nombreux principes qui enrichissent la signification de ce terme.
Ces principes sont fondamentaux. Il s'agit d'obligations environnementales et internationales qui sont importantes, et auxquelles le Canada a adhéré en vertu de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, en vertu des diverses conventions internationales, en vertu d'Action 21. Ces principes, ce sont la précaution, la prévention de la pollution, le pollueur-payeur, la gestion communautaire, la participation publique, les droits autochtones; la liste est infinie.
De manière générale, je propose que nous tenions une liste détaillée de ces principes assortie de définitions claires, dans ce texte de loi. On pourrait y parvenir en modifiant l'article 30. Le président a dit aussi récemment qu'il envisageait l'adjonction d'un article énonçant l'objectif du projet de loi, qui figurerait au début du texte de loi. Ce serait l'autre façon de faire. C'est ce qu'on voit aujourd'hui dans nombre de lois environnementales dans le monde. C'est chose commune que d'avoir un article énonçant les objectifs du texte de loi, où l'on définit très clairement les concepts et les principes du développement durable. Voyez la loi sur l'environnement de la Nouvelle-Écosse de 1995 - c'est un excellent exemple - où l'article 2 donne une liste détaillée de ces principes, assortie de définitions très claires.
Je signale en deuxième lieu la nécessité d'articuler les exigences de la stratégie de gestion nationale des océans que propose le texte de loi. L'une des grandes promesses du projet de loi concernant les océans du Canada, c'est la formulation d'une stratégie nationale de gestion des océans. C'est l'une des bonnes choses de ce projet de loi. Cependant, il n'y a pas de substance, on n'y donne aucun détail sur ce que ferait cette stratégie nationale, la force qu'elle aurait, ce que c'est exactement. On nage dans le vide.
Comme je le dis dans mon mémoire, il y a plusieurs choses qu'on pourrait faire pour amender l'article 29 du projet de loi, où il est question de cette stratégie nationale de gestion des océans. On pourrait entre autres énoncer clairement le contenu de cette stratégie. J'ai dressé en vitesse une liste de ces choses qui devraient figurer dans le projet de loi.
On pourrait entre autres mettre en oeuvre les principes du développement durable: nous aurions des priorités et un processus à suivre pour désigner les zones maritimes protégées; on aurait des approches qui réduiraient la fragmentation dans les approbations et le processus décisionnel des gouvernements; il faut intégrer et coordonner l'exécution des lois maritimes; on aurait des recommandations sur la mise en place des normes environnementales; on aurait le mécanisme de règlement des différends voulu; il faut aussi des stratégies régionales de gestion des océans; il faut mettre en oeuvre les obligations internationales du Canada concernant l'environnement côtier et océanique; on évaluerait les accords de gestion régionale des océans, et on ferait des recommandations pour consolider ces changements régionaux.
Ce n'est pas rêver en couleur. Voyez la loi sur la gestion des ressources de la Nouvelle-Zélande de 1991; c'est une loi internationale qui donne l'exemple. Cette loi exige la formulation d'une politique côtière nationale. À l'article 58, on définit le contenu de cette politique côtière.
Je propose aussi un délai de deux ans pour la formulation d'une stratégie nationale de gestion des océans.
De même, il faut prévoir un mécanisme quelconque qui ferait une critique impartiale de la stratégie ainsi produite et des recommandations. Je recommande que la loi prévoie la formation d'un conseil des océans, ou d'une commission des océans, où seraient représentés les ONG, l'industrie, les divers paliers de gouvernement, l'université et des groupes autochtones, qui examinerait la stratégie ainsi produite, tiendrait des audiences publiques, recevrait les observations du public et ferait ensuite des recommandations au ministre en vue de changer ou d'adapter la stratégie.
Troisième et dernière remarque, il faut compenser l'absence d'examen parlementaire et de rapport ministériel. Le projet de loi tel qu'il est ne prévoit pas d'examen parlementaire ou de rapport ministériel. Je recommande donc qu'on ajoute un article ou des articles au projet de loi pour s'assurer que le ministre des Pêches et des Océans fasse rapport chaque année sur la mise en oeuvre de la loi, sur ce qui a été fait exactement et n'a pas été fait, et, ce qui est peut-être le plus important, que votre comité examine la Loi concernant les océans au bout de trois ans pour voir où en est la stratégie de gestion des océans - et je pense qu'il faudra songer très bientôt à un très grand nombre d'amendements après que cette stratégie aura été articulée - et je recommande des examens supplémentaires à tous les cinq ans par la suite.
Encore une fois, voyez la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. L'article 138 prévoit des examens, des rapports ministériels, dans un autre contexte, et c'est un modèle parfait qu'on pourrait intégrer à la Loi sur les océans.
Voilà en bref ce que j'en pense.
Le président: Merci. Qui est le suivant?
M. VanderZwaag: C'est au tour de M. David Copp.
M. David Copp (associé, Institut canadien des océans): Merci beaucoup, monsieur le président, et membres du comité.
Je m'appelle David Copp. Je suis avocat général de l'International Centre for Enterprise and Development, qui est une entreprise privée de Halifax. Je suis membre du Barreau de la Nouvelle-Écosse et je suis conseiller en matière de développement international et de droit du développement. Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que je suis membre associé de l'Institut canadien des océans.
Mon exposé porte sur la partie II du projet de loi concernant les océans, c'est-à-dire le projet de loi C-98, soit la partie traitant de la stratégie de gestion des océans. L'argumentation de mon mémoire, qui a été transmis au comité, je crois, a trait au degré de réussite probable de cette stratégie, dans la mesure où celle-ci favorisera la mise en oeuvre des concepts actuels de gestion, qui sont d'une importance cruciale à mon avis, particulièrement pour ce qui concerne la zone côtière, qui doit être au coeur de la politique des océans.
On a déjà mentionné dans les exposés Action 21 et le chapitre 17 de cette stratégie, qui émanent de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le développement et auxquels le Canada a adhéré. Je voulais pour ma part parler de la gestion intégrée de la zone côtière et dire comment cette gestion est devenue un élément obligatoire de l'application du droit canadien.
Au chapitre 17, on dit au sujet de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer que la convention:
- exige de nouvelles approches pour ce qui est de la gestion et de l'exploitation des zones
maritimes et côtières au niveau national, sous-régional, régional et planétaire, le tout étant bien
intégré dans un but de protection et de prévision...
Parmi les activités prévues dans le cadre du chapitre 17, on parle d'activités en matière de gestion et on dit:
- Les États côtiers devraient considérer la possibilité d'établir ou de renforcer les mécanismes de
coordination nécessaires, comme par exemple un organisme de planification de haut niveau,
pour ce qui est de la gestion intégrée et du développement durable des zones côtières et
maritimes et de leurs ressources, tant au niveau local que national.
- ...et voici une partie très pertinente...
- Le cas échéant, ces mécanismes comprennent, entre autres, la consultation du secteur
universitaire et du secteur privé, des organisations non gouvernementales, des collectivités
locales, des groupes d'usagers et des peuples autochtones.
À ce propos je voudrais vous renvoyer à deux documents, un document de 1993 de l'Organisation de coopération et de développement économique intitulé Coastal Zone Management: Integrated Policies et l'autre intitulé Noordwijk Guidelines for Integrated Coastal Zone Management publié par le service de l'environnement de la Banque mondiale et distribué lors de la conférence côtière mondiale aux Pays-Bas en 1993. Ces deux documents font un exposé étoffé du concept de la gestion intégrée de la zone côtière.
Je peux vous dire que le concept de gestion intégrée de la zone côtière a suscité beaucoup d'intérêt aux niveaux provincial et régional. Plusieurs initiatives sont en cours.
Je voudrais vous faire part d'une définition inspirée de ces deux documents, les directives de Noordwijk et le document de l'OCDE. Cette définition a été proposée dans l'étude que j'ai rédigée avec l'Institut canadien des océans pour utilisation régionale.
Voici donc la définition:
- La gestion intégrée de la zone côtière est un système de planification et de gestion qui tient
compte de l'écosystème de la zone côtière, des populations qui en dépendent et du cadre
juridique et institutionnel du gouvernement dans son ensemble.
- ...J'espère qu'il est évident que c'est un concept d'intégration qui dépasse de loin la simple
protection des écosystèmes maritimes...
- Grâce à la gestion intégrée de la zone côtière, les plans de gestion et d'exploitation de la zone
côtière et de ses ressources doivent se faire en tenant compte des objectifs en matière de
protection environnementale et de développement socio-économique et avec la participation
de ceux qui sont touchés. La gestion intégrée de la zone côtière vise à optimiser les avantages
durables de la zone côtière tout en minimisant les conflits attribuables aux activités humaines
dans cette zone et leurs effets préjudiciables.
Il est extrêmement important pour nous que ces documents se reflètent aux niveaux fédéral et national. Je voudrais faire allusion à la loi d'un autre pays pour vous donner une idée de sa façon d'aborder la question et faire une comparaison avec le libellé de notre projet de loi C-98.
Voici un exemple de ce qu'on peut y lire:
- a) L'intérêt national exige une gestion efficace de la zone littorale, sa bonne utilisation, sa
protection et son développement.
- b) La zone littorale jouit d'une riche diversité de ressources naturelles, commerciales,
récréatives, écologiques, industrielles et esthétiques, qui contribuent au bien-être actuel du
pays et qui y contribueront potentiellement dans l'avenir.
- c) Les pressions diverses et de plus en plus intenses sur les terres et les eaux près de la zone
littorale, dues à la croissance démographique et au développement économique, y compris les
impératifs de l'industrie, du commerce, de l'expansion domiciliaire, des activités récréatives,
de l'exploitation minière et pétrolière, du transport et de la navigation, de la décharge des
déchets et de l'exploitation des ressources halieutiques et des autres ressources maritimes
vivantes, ont entraîné une perte de ressources maritimes vivantes, d'espèces fauniques et de
zones riches en «nutriments», à des changements permanents et négatifs dans les systèmes
écologiques, une perte de grands espaces utilisés par le public et l'érosion du littoral.
- (i) Afin de protéger et d'utiliser plus efficacement les terres et les ressources aquatiques de
la zone littorale, il faut encourager les États à exercer toute leur autorité sur les terres et les eaux
de la zone littorale en les aidant, de concert avec le gouvernement fédéral, les administrations
locales et d'autres parties très intéressées, à concevoir des programmes s'appliquant aux terres
et aux eaux de la zone littorale, y compris des politiques, critères, normes, méthodes et
processus communs visant les décisions touchant l'utilisation des terres et des eaux et qui
affectent une région plus vaste.
Revenons au présent et à la Loi concernant les océans. En guise d'introduction, j'aimerais citer en particulier un passage contenu dans un discours qu'a prononcé l'honorable Brian Tobin, le Jour des océans, pour présenter le projet de loi sous la rubrique «Gestion environnementale», à la page 12.
- La gestion environnementale doit prendre en considération les écosystèmes. Parce que les
écosystèmes comprennent plusieurs éléments physiques et biologiques interdépendants, ils ne
connaissent pas de frontières, ne prennent pas en compte les disciplines scientifiques ni les
intérêts économiques. La gestion saine des écosystèmes doit composer avec tous ces facteurs. Il
faudra du temps pour élaborer une telle approche.
- Les questions environnementales clés comprennent: la gestion des zones littorales...
Je n'ai pas le temps de vous parler en détail des remarques que j'ai faites au sujet du libellé du projet de loi, mais j'aimerais quand même commenter l'article 28, qui est le premier article de la partie II et qui se lit comme suit:
- Il est entendu que la présente partie ne s'applique pas aux lacs, fleuves et rivières.
Par contre, je présume qu'étant donné l'interprétation de la loi, cela soulève une grave inquiétude au sujet du fait que le ministre, qui exerce son pouvoir en vertu de la Loi concernant les océans, ne pourra pas prendre de décisions visant les fleuves, les rivières et les lacs, puisque l'article habilitant ne le lui permet pas. Pour tout domaine intégré, qui comprend plusieurs sphères d'activités humaines, sociales ou économiques, et qui comprend également les écosystèmes, il est inquiétant de voir qu'une loi partage les diverses composantes d'un tout pour des raisons d'ordre constitutionnel.
Les dispositions 29 et 30 portent sur la création de la stratégie nationale. Elles nous disent:
- Le ministre... dirige et favorise l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de
gestion des écosystèmes estuariens, côtiers et marins (...).
- On précise ensuite que cette responsabilité se limite aux eaux qui font partie du Canada ou sur
lesquelles le Canada a des droits souverains.
- la gestion intégrée des activités qui s'exercent dans les estuaires et les eaux côtières et
marines (...).
- J'espère qu'il est évident pour le comité que cette phrase est de portée beaucoup plus limitée que
les documents et concepts auxquels j'ai fait allusion plus tôt en ce qui concerne la nature de la
gestion intégrée de la zone côtière. La portée de cette phrase se limite apparemment aux
activités qui s'exercent dans les eaux par opposition à d'autres zones.
Je ferai une dernière remarque sur les articles 32 et 33, les dispositions habilitantes. Ces articles confèrent au ministre le droit de conclure des accords, de créer des organismes de coordination et de mettre en oeuvre des programmes faisant participer les gouvernements des provinces. Or, la partie terrestre de la zone côtière relève de façon inhérente des provinces et seul l'alinéa 33(1)e) mentionne explicitement les provinces. On y dit que le ministre peut:
- à la demande d'autres ministres fédéraux ou de personnes de droit public - fédérales ou
provinciales - ou de droit privé, engager des dépenses pour leur compte et recouvrer les
sommes ainsi exposées.
Je présume qu'on pourrait invoquer devant les tribunaux l'argument selon lequel les gouvernements des provinces sont compris dans les personnes de droit public dont il est question à l'alinéa e). Les personnes de droit public pourraient comprendre les gouvernements et organismes provinciaux. On comprend mal pourquoi il n'a pas été précisé que le ministre a le pouvoir de conclure des ententes avec n'importe laquelle de ces autorités, avec l'accord ou la collaboration du gouvernement de la province intéressée.
Dans Structured Concept - The Atlantic Accord on Integrated Management of the Coastal Zone, on envisage la signature de l'accord par le gouvernement du Canada et les provinces intéressées de la région. On voit mal comment ce projet de loi confère au ministre des Pêches et Océans tous les pouvoirs requis pour conclure cet accord.
À mon avis, il ne s'agit pas là de lacunes structurelles du projet de loi. Malgré cela, il serait peut-être nécessaire de reformuler le libellé pour en préciser l'intention plus expressément. J'espère avoir bien saisi cette intention, mais je ne la retrouve pas dans le texte.
Cela met fin à mes remarques, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Le président: Je vois que certains prennent des notes; on vous posera sans doute des questions plus tard.
Qui est le suivant?
M. Phillip Saunders (associé, Institut canadien des océans): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je suis de l'École de droit de Dalhousie. Je suis aussi collaborateur à l'Institut des océans.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de quelques remarques sur le projet de loi sur les océans. Je n'ai pas encore l'habitude de ces vidéo-conférences. C'est un peu comme du karaoke de haute technologie pour lequel le texte n'est toutefois pas fourni.
Le président: Si vous avez envie de nous chanter une petite chanson, n'hésitez pas.
M. Saunders: Je vais éviter de le faire à tout prix.
J'aimerais faire quelques brèves observations sur les dispositions du projet de loi traitant des recherches scientifiques maritimes, notamment les articles 42 et 43. Je sais que bien des scientifiques frémissent à l'idée qu'un avocat parle de science, mais j'estime que ces dispositions ont des ramifications juridiques dont j'aimerais traiter.
Je mettrai l'accent sur trois points seulement: premièrement, la nature du modèle établi par le projet de loi pour l'organisation de la recherche scientifique au sein du gouvernement; deuxièmement, les dangers et les difficultés qui sont à mon sens inhérents à cette approche; et, troisièmement, je proposerai une solution de rechange parmi toutes celles que le comité voudra peut-être explorer.
Les articles 42 et 43 établissent un modèle qui correspond à la structure gouvernementale actuelle et confient au ministère différentes fonctions scientifiques, y compris la collecte et l'analyse de données sur tous les aspects des ressources et écosystèmes de la mer.
Le ministre jouit d'un pouvoir discrétionnaire presque total en ce qui concerne le but des recherches scientifiques et l'importance qui est accordée à chacune des priorités en matière de recherche. En outre, le contrôle quotidien de la recherche, le contrôle de son déroulement, est fondé sur la poursuite de la centralisation au sein du ministère des Pêches et Océans qui se contentera de solliciter des conseils d'organismes ou de personnes externes, aux termes d'autres lois.
Ce modèle présente des difficultés en dépit de ses points forts. L'approche proposée en matière de recherche soulève au moins deux problèmes fondamentaux que confirme, à mon avis, le rôle que semblent avoir joué les conseillers scientifiques pendant la période qui a mené à la crise actuelle de la pêche à la morue.
Premièrement, en soumettant le déroulement de la recherche scientifique au contrôle direct du ministre et de la bureaucratie fédérale, on risque de voir les efforts de recherche axés avant tout sur les considérations politiques du jour. Dans le pire des cas, cela pourrait mener à la suppression ou à la modification de conseils scientifiques dispensés par les scientifiques qui sont assujettis à la discipline de la fonction publique.
Mais même dans sa forme la moins évidente - la réorientation des efforts de recherche en fonction des préoccupations politiques - le problème reste grave. Monsieur le président, si, fondamentalement, la science doit restée fiable et, par conséquent, utile, il faut lui accorder une certaine autonomie de par la loi. La science et la politique - comme la science et la bureaucratie - ne font pas toujours bon ménage, malgré ce qu'on pourrait espérer.
Deuxièmement, plus particulièrement en matière de pêche, en intégrant toutes ou presque toutes les fonctions des sciences de la mer au sein du ministère chargé de la gestion des ressources, la recherche fondamentale pourrait céder le pas à des activités nous permettant de trouver des réponses aux problème courants de gestion, dans les meilleurs délais. C'est tout naturel compte tenu des pressions qu'exerce le processus de gestion, surtout en matière de temps. Toutefois, il se peut fort bien que nous ayons besoin de réponses à des questions qui ne peuvent être réglées grâce à la recherche axée sur la gestion à court terme, telle celle servant à déterminer les contingents de l'année, par exemple.
Au moment critique sur la côte de l'Atlantique - en fait, il y a eu toute une série de moments critiques - on a constaté qu'on en savait très peu, par exemple, sur la biologie et le cycle de vie de divers stocks de poisson, par opposition, par exemple, aux modèles quantitatifs qui étaient en place pour prédire les quantités de poisson et établir les contingents.
Les deux genres de recherche ont leur utilité. En adoptant une approche intégrée au sein d'un seul département, on risque de négliger la recherche fondamentale, même si elle est essentielle à la gestion à long terme, au profit des objectifs de gestion à court terme.
Comme j'ai peu de temps, je ne m'étendrai pas sur les modèles qui pourraient remplacer celui que propose le projet de loi, mais si le comité s'y intéresse, il pourrait les examiner en détail. Il existe plusieurs options, dont la moindre serait de définir dans la loi l'indépendance et la protection des conseillers scientifiques.
Le comité pourrait aussi aller plus loin. Je lui demande d'envisager la création d'un organisme, ou de conférer au ministre le pouvoir de créer un organisme, qui serait indépendant du ministre et de la bureaucratie, dont le mandat indépendant serait prévu et protégé par la loi, et qui serait dirigé par un conseil d'administration indépendant et composé de membres hautement qualifiés.
Il est clair que toutes les fonctions de recherche ne sauraient se retrouver entre les mains d'un tel organisme. Il devrait se concentrer sur ce qu'on peut appeler, faute de mieux, la recherche fondamentale ou à long terme. En outre, cet organisme relèverait toujours du gouvernement pour les questions budgétaires et pour son orientation politique générale.
Pour les détails, il faudrait bien entendu en discuter davantage, ce qui n'est pas possible dans le cadre de cet exposé. Mais, monsieur le président, voici en gros ce qui est souhaité: une voix scientifique indépendante, guidée par la science et non par les exigences de la gestion quotidienne ou de la politique, qui améliorerait à long terme notre compréhension des océans et, par conséquent, notre capacité de les gérer d'une façon durable.
Merci.
Le président: N'allez pas trop loin, je crois que nous avons encore un intervenant. Mais vous n'avez qu'effleuré le sujet. Vous avez éveillé notre curiosité. J'ai quelques questions, et je crois que d'autres membres du comité en ont aussi. Lorsque nous aurons entendu le prochain témoin, nous allons vous demander de revenir parce que ce que vous nous avez dit nous intéresse. Certaines de vos déclarations ont semé la confusion dans mon esprit mais c'est, de toute façon, un esprit confus, la plupart du temps. Vous pourrez éclairer ma lanterne un peu plus tard.
Poursuivons! Le témoin suivant est Aldo Chircop.
M. Aldo Chircop (associé, Institut canadien des océans): Je suis directeur du programme des questions maritimes à l'Université Dalhousie. Je suis également de l'École de droit de l'Université et un associé de l'Institut canadien des océans.
Je suis venu vous parler d'une question principale, monsieur le président, et de deux autres, secondaires. Je suis désolé si ces deux questions secondaires ne figurent pas dans le mémoire que vous avez reçu.
Je vais commencer avec le premier point qui porte sur la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. On n'en parle pas vraiment dans le projet de loi, mais cette loi sera certainement touchée par le projet de loi.
Qu'est-ce que je veux dire par cela? La Convention des Nations unies sur le droit de la mer, dont le Canada veut faire partie, comporte une disposition qui permet aux pays d'assurer une protection environnementale supplémentaire dans les régions couvertes de glace. Il s'agit en effet d'un environnement particulièrement délicat. Cela se retrouve à l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer. Il convient de signaler l'existence de cet article puisqu'il est le résultat de pressions canadiennes exercées pendant la troisième Conférence des Nations unies sur le droit de la mer.
La conférence a alors reconnu que les zones recouvertes de glace avaient besoin d'une protection particulière. Bien avant que la zone économique exclusive soit acceptée en droit international, le Canada avait déjà commencé à exercer sa compétence sur une zone de 100 milles nautiques dans l'Arctique, précisément dans cet optique: exercer une compétence particulière pour la protection de l'environnement des zones couvertes de glace.
La Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques est d'une certaine façon dépassée, mais il y a quelque chose qu'il faut bien dire. Si le Canada déclare une zone économique exclusive de 200 milles nautiques, il ajoutera essentiellement 100 milles nautiques à ce que lui garantit cette loi. On pourrait donc prétendre à juste titre qu'en fonction de l'article 234 de la Convention sur le droit de la mer, la zone de compétence prévue par la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques doit être agrandie.
Ce serait très simple à faire: il s'agit de prévoir une disposition modifiant l'article 2 de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, pour changer la définition des eaux arctiques et faire passer la zone de compétence de 100 à 200 milles nautiques. Ce serait une façon d'y arriver. Autrement, ce problème ne sera pas réglé. Nous aurions deux types de régimes environnementaux dans l'Arctique: il y aurait d'abord ceux qui découlent de la Loi sur la prévention de la pollution dans les eaux arctiques et, pour les 100 milles restants, la Loi sur les océans du Canada, d'application plus générale.
Voilà pour la première question, monsieur le président. J'en ai deux autres, qui sont secondaires.
D'abord, j'aimerais revenir à ce que disait David VanderZwaag au sujet des articles 29 et 30 du projet de loi, sur l'élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie de gestion des océans ainsi que sur l'élaboration des plans de gestion.
Il me semble qu'on n'a pas tenu compte du fait que le Canada avait des milieux marins très divers. L'Arctique est très différent de la côte ouest et de la côte est, et on pourrait même dire qu'il y a à l'intérieur de ces régions des régions maritimes différentes. Il serait très important que la stratégie, pour être pertinente, tienne compte des divers types de milieux que nous avons. Cette stratégie doit être adaptée aux régions, avoir une approche régionale.
La dernière question dont je veux parler porte sur les articles 32 et 33 du projet de loi. Ces dispositions se rapportent à la mise en oeuvre des plans de gestion intégrée, à la coopération et aux accords, notamment pour ce qui est de la consultation que pourrait effectuer le ministre. Le problème, monsieur le président, vient du terme «peut». Cela laisse une certaine discrétion au ministre. On devrait peut-être exiger du ministre qu'il fasse quelque chose de plus. Le ministre devrait peut-être «être tenu de». Je préconise un terme plus fort, comme «doit».
En effet, monsieur le président, le ministre des Pêches et Océans ne peut aucunement espérer mettre au point une stratégie de gestion des océans, ni la mettre en oeuvre, simplement en fonction de ce qui se fait à son ministère. L'aide et la collaboration d'autres organismes est nécessaire et, par conséquent, le ministre devrait être tenu de les consulter.
Il faut garder à l'esprit que bien que la coordination des activités relatives aux océans demeure la responsabilité du ministre, d'autres responsabilités très importantes relatives aux océans continueront d'incomber à d'autres ministères. Prenons l'exemple du ministère des Transports dont le service de la Sécurité des navires sera toujours responsable de la question de la pollution provenant des navires.
Il est clair que la coordination est essentielle et qu'elle ne doit pas être laissée à la discrétion du ministre.
C'est tout ce que j'avais à dire, monsieur le président, messieurs et mesdames les membres du comité.
Le président: Ne partez pas. Veuillez rester; je veux vous parler d'abord. Y a-t-il suffisamment de place à la table pour vos autres collègues?
M. Robert Chisholm (député provincial (Halifax - Atlantique), Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse): Monsieur le président, je devais comparaître à 16h20 et, malheureusement, je dois être de retour dans la vallée dans une heure, environ. Je voulais simplement dire que j'aimerais avoir l'occasion de comparaître de nouveau devant le comité.
Je suis ici principalement pour vous faire part de mon appui aux déclarations faites par les associations de pêcheurs de la Nouvelle-Écosse à la table ronde de la Nouvelle-Écosse du 23 octobre. Je crois que MM. Boudreau et Cameron MacKenzie vous feront une déclaration à ce sujet.
En fait, je ne peux pas rester et j'aimerais pouvoir comparaître de nouveau plus tard, si c'est possible.
Le président: Oui, c'est possible. J'aimerais entendre vos commentaires, puisque je ne sais pas s'ils sont justes, d'après ce que nous ont rapporté les journaux. On pourrait peut-être préciser tout cela. Des gens du ministère seront ici un peu plus tard.
Robert, nous trouverons une façon d'y arriver, puisqu'à mon avis, il est important pour nous de connaître votre position.
M. Chisholm: Et de me corriger si j'ai tort.
Le président: Quand partez-vous pour la vallée?
M. Chisholm: Je dois partir maintenant.
Le président: Nous sommes désolés. Nous avons eu quelques problèmes techniques, au début. Nous les avons réglés.
Nous vous souhaitons un bon retour dans la vallée et nous espérons que nous pourrons vous entendre plus tard.
M. Chisholm: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Revenons à notre témoin.
Vous permettez que je vous appelle tout simplement Aldo?
M. Chircop: Oui, bien sûr.
Le président: Au moins, je ne risque pas de mal prononcer votre nom. Alors je vais vous appeler Aldo.
Aldo, je suis bien content que vous ayez parlé de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques. Une chose qui nous préoccupe, nous les députés, c'est que le projet de loi, qui constitue toutefois un bon cadre et un premier pas convenable, n'inclut pas, pour une raison ou une autre et comme l'amiral l'a dit, certaines autres lois pertinentes. De fait, cette liste de lois est longue et j'aurais aimé au moins comprendre pourquoi ces lois n'ont pas été incluses dans le projet de loi.
Mais j'aurais aimé y voir surtout cette loi en particulier, parce que le milieu arctique, comme vous le savez mieux que nous, est extrêmement fragile. Au lieu d'attribuer diverses responsabilités aux divers ministères, je crois que cette loi, notamment, devrait être incorporée à certains articles pertinents de cette nouvelle Loi sur les océans et, ce faisant, devenir la responsabilité du ministre des Pêches et Océans.
Qu'en pensez-vous? À l'heure actuelle, cette loi relève du ministère des Affaires indiennes et du Nord, dont la tâche primordiale n'est pas la protection des océans. Dites-moi, croyez-vous que cette loi devrait plutôt relever de ce ministère afin de lui donner plus de mordant?
Deuxièmement, vous avez également fait allusion à certains articles de la loi qui portent sur le transport maritime. Doit-on également incorporer ces articles à ce projet de loi ou bien doit-on donner cette responsabilité à un autre ministère?
M. Chircop: Monsieur le président, voilà une question d'un intérêt brûlant. L'un des problèmes du processus qui a été suivi dans l'élaboration ce projet de loi est peut-être le manque de réflexion adéquate quant à son impact sur les divers mandats des divers organismes. Il faut vraiment réfléchir comme il faut à cette question. Je préférerais prendre le temps nécessaire pour vraiment réfléchir à cette question plutôt que de répondre au pied levé.
Effectivement, il faut dire que ce projet de loi n'intègre pas encore un certain nombre de lois et que, puisque la Loi sur les océans constitue une loi intégrée, il faut prévoir une certaine uniformité.
Il faut reconnaître qu'il y aura un certain chevauchement dans certaines institutions suite à cet exercice d'intégration. Vu l'échéancier que vous avez établi, ce projet de loi pourrait ne pas résoudre toutes ces questions à l'avance. Cependant, je crois que la question soulevée quant à la définition des eaux arctiques est importante.
J'aimerais commenter certaines observations faites par David. Puisque nous cherchons en ce moment à retaper le projet de loi dans la mesure du possible, afin qu'on puisse l'adopter le plus vite possible, plutôt que de l'examiner à l'étape du projet de loi, il serait logique d'inclure dans ce projet de loi un article prévoyant une révision d'ici peut-être deux ans. De cette façon, le ministre aura plus de temps. Mais le ministre sera ensuite tenu d'entamer un processus de révision pour passer en revue toutes ces questions. Ce délai lui accordera plus de temps pour vraiment réfléchir, de concert avec les intervenants, à cette question.
Le président: Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit, sauf que... On n'a pas préparé cette loi du jour au lendemain. Cette loi a fait l'objet de maintes discussions. Cela fait plusieurs années qu'on promet d'élaborer une telle loi. Dans sa déclaration, l'amiral Crickard a fait allusion à quelques éléments de l'historique de cette question.
Je crains toujours la possibilité que la loi cadre manque de précision parce que parfois le but visé peut être complètement différent une fois que celui chargé de sa mise en application a fait son travail. Je suis tout à fait d'accord qu'il faut prévoir un mécanisme de révision ainsi qu'un renvoi obligatoire au comité parlementaire. Après tout, c'est notre travail. De cette façon, le ministre et son ministère ainsi que les autres ministères seront tenus de démontrer qu'ils respectent les principes de cette loi et qu'ils prennent les mesures qui s'imposent.
Mais j'aimerais en revenir à la question de savoir si le projet de loi est assez complet. Je viens de parler des Affaires indiennes et du Nord canadien, et il faut noter aussi que la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques prévoit des règlements sur le déversement de déchets au nord du 60e parallèle.
Il se peut que notre comité n'ait pas le droit de faire de telles recommandations à l'étape du rapport, mais il peut quand même présenter d'autres recommandations ou un rapport intérimaire indiquant qu'il a entendu des témoignages très convaincants en faveur de l'inclusion de cette loi. J'aimerais avoir l'occasion de demander au ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien de nous expliquer pourquoi on ne devrait pas l'inclure. Il y a d'autres éléments aussi qui pourraient avoir des répercussions sur le Nord. Ces dispositions relèveraient du ministère de l'Environnement et de la première partie de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui prévoit des directives sur la qualité du milieu maritime. Cela fait toujours partie de la Loi sur les océans du Canada. On en a confié la responsabilité au ministre des Pêches et Océans, mais la partie VI de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui porte sur le rejet en mer, ne sera pas transférée en vertu de ce projet de loi. On ne la trouve pas ici. On n'a pas confié cette responsabilité au ministre.
Qu'est-ce que vous proposez qu'on fasse? Vous avez laissé entendre qu'on n'avait peut-être pas eu assez de temps. Pour ma part, je crois que nous avons eu beaucoup de temps. J'aimerais que quelqu'un de votre expérience nous dise si vous pensez que le comité devrait recommander qu'on inclue certains de ces éléments dans la nouvelle loi.
M. Chircop: Monsieur le président, peut-être que certains de mes collègues auraient aussi une opinion sur cette question.
Le président: D'accord.
M. VanderZwaag: Monsieur le président, j'aimerais faire une ou deux observations.
Je suis d'accord avec Aldo Chircop pour dire que cela soulève une question des plus difficiles. La diversité de lois et de règlements rend la question très complexe. Je crois qu'il faut étudier la question en profondeur et de façon indépendante pour décider des modalités d'intégration. Je crois que la loi promet un niveau élevé d'intégration, mais vous avez raison de dire qu'en réalité il y en a très peu.
Plusieurs possibilités s'offrent à nous. Il est clair que certaines provinces favorisent l'intégration. Elles ont abrogé un grand nombre de lois peu consultées et les ont regroupées dans un seul texte.
Bien entendu, la question des océans est tellement complexe étant donné les différents niveaux de gouvernement qui y interviennent et les différentes lois qui s'y appliquent, dont certaines portent sur l'environnement et d'autres sur la gestion des ressources naturelles, comme par exemple la pêche. Ce domaine devient donc très compliqué. Je crois que ce serait une démarche héroïque et courageuse, et qui recevrait d'ailleurs l'appui de beaucoup de Canadiens, d'essayer d'intégrer ces différents services, si vous pouvez trouver le temps de le faire.
Je disais, et je pense qu'Aldo le disait aussi, que la solution de rechange serait d'utiliser la Stratégie sur la protection des océans. Vous pourriez exiger qu'on formule d'autres recommandations sur l'intégration du processus décisionnel relatif à la zone littorale. Autrement dit, si vous établissez la structure nécessaire à cette fin, peut-être que les universitaires, les ONG et le secteur industriel seraient prêts à y participer. Il faut tout d'abord décider du processus, et peut-être qu'il sera possible d'en faire davantage, en claquant des doigts. C'est la situation dans laquelle vous vous trouverez. Cela risque à l'avenir de devenir très complexe.
Le président: Vous voudriez que le comité recommande la mise en place d'un mécanisme de consultation permanente chargé d'étudier d'autres lois et d'autres domaines de responsabilité en collaboration avec les gouvernements provinciaux et les responsables de la gestion des littoraux. Au lieu de le faire dans trois ans, le comité pourrait se pencher sur la question pendant trois semaines et ne pas y revenir avant deux ans. Vous semblez préconiser l'établissement d'un mécanisme permanent qu'on utiliserait d'ici le premier examen.
M. VanderZwaag: Oui, et je vous suggère de l'inscrire sur une liste de contrôle. Vous avez une liste d'exigences pour la stratégie nationale des océans. Elle devrait, notamment, promouvoir, suggérer et examiner de meilleures façons d'intégrer la gestion des côtes au Canada. C'est une priorité qui devrait faire partie de l'élaboration de la stratégie nationale de gestion des océans. Ensuite, dans deux ans le comité réexaminera le tout pour évaluer les progrès. À ce moment-là, vous auriez peut-être à modifier la loi.
Il me semble qu'ainsi, si vous mettiez sur pied un processus, vous ne perdriez pas deux ans à essayer de tout faire vous-même. Trouver une solution à ce problème complexe ne sera pas facile.
Le président: Avant de céder la parole aux autres membres du comité, Phillip, je vous avais demandé de ne pas trop vous éloigner de la table. Vous avez parlé de la science et de son indépendance. Pouvez-vous m'aider en précisant un peu votre pensée?
Je suis le député de Dartmouth, et à l'Institut océanographique de Bedford on fait beaucoup de recherches dans le domaine des sciences de la mer. Voici une des préoccupations que j'avais avant de voir ce projet de loi: lorsque la recherche sur les sciences de la mer s'effectue au sein d'un ministère qui a d'autres responsabilités, comme le ministère de l'Environnement, et lorsque ce ministère fait face à des compressions budgétaires ainsi qu'à la consolidation des programmes, ses opérations sont parfois réduites à des activités de base. Ce qui me préoccupe, dans le cas des sciences de la mer, c'est que lorsqu'un programme est dans un autre ministère où il ne fait pas partie de ce que je considère les responsabilités de base, ce programme est souvent le premier à être élagué et celui qui est le plus durement touché.
Dans le cadre de cette loi, je voulais qu'on confie à un seul ministère la responsabilité pour la science, dans la mesure du possible. Cependant, vous avez parlé de l'indépendance de la science. Je ne sais pas exactement ce que vous entendez par cela. Si je pense aux compétences fédérales et au travail en cours dans le domaine des sciences de la mer, toutes ces activités sont régies par les ministères concernées. Pourriez-vous m'aider un peu, je ne sais plus où on en est.
M. Saunders: Oui, monsieur le président. Je comprends votre réaction et je ne veux pas exagérer l'argument des autres.
Cela nous ramène à notre définition de ce que nous essayons d'intégrer. Dans ce cas-ci, je crois que nous essayons d'intégrer la gestion des océans, non pas nécessairement toutes les fonctions au sein d'un ministère en particulier. Je reconnais que la question budgétaire est problématique, parce que les gens vont perdre ce qu'ils ne considèrent pas comme étant des activités de base, mais j'y reviendrai un peu plus tard.
Pour commencer, il pourrait être possible, en vertu d'une loi de consolidation comme celle-ci par exemple, d'attribuer la responsabilité de différentes parties de la loi à différents ministères. Je dis cela, car si nous visons une gestion intégrée au lieu d'un ministère intégré - et les deux choses sont distinctes - vous serez peut-être d'avis que le ministère de l'environnement a les compétences nécessaires pour assurer certaines fonctions dans le domaine des océans. Il aura nécessairement ces compétences à d'autres fins, qu'il ait l'autorité en vertu de cette loi proposée ou non. Donc, ce qui pourrait sembler être une consolidation et une économie finit par ne pas l'être, car en fin de compte, deux ministères ont les mêmes capacités. Ces questions doivent être examinées avec soin. Le déversement en mer et les polluants marins d'origine terrestre en sont des exemples.
Quant à la science, je crois que ce que vous dites confirme le bien-fondé de ma préoccupation, en partie du moins. Au sein du ministère des Pêches et des Océans, si nous appliquons la même logique, les activités qui sont perçues comme des activités de base sont évidemment celles qui sont derrière les politiques du jour et les préoccupations bureaucratiques. Lorsqu'on fusionne les fonctions scientifiques et les fonctions de gestion, je crois que la science a tendance à jouer un rôle secondaire. Ce n'est peut-être pas dramatique à court terme, mais je crois que nous commençons à en voir les effets. On a sacrifié des choses non-essentielles parce qu'elles ne contribuaient pas directement aux efforts de gestion actuels.
Quand je parle d'indépendance, je ne parle pas tellement du ministère, mais de la science elle-même, de la recherche qui se poursuit et de l'établissement de priorités.
En parlant aux scientifiques concernés, j'ai cru comprendre qu'ils auraient fait les choses différemment, en ce qui a trait à l'orientation de leur recherche sur les stocks de morue il y a quelques années, mais ils n'avaient pas les ressources voulues. Pour ce qui est de l'organisme indépendant, je reconnais qu'il aurait aussi des contraintes budgétaires. Néanmoins, un organisme indépendant aurait, d'après moi, de meilleurs résultats parce qu'on y effectuerait de la recherche indépendante guidée par la science et non par les préoccupations quotidiennes.
C'est cela que je voulais dire. Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question.
Le président: Je crois que vous avez bien répondu à ma question, mais je ne comprends toujours pas très bien. J'essaye de placer vos commentaires dans le contexte du régime actuel qui s'applique aux activités scientifiques.
D'après ce que je vois, la plupart des activités scientifiques poursuivies par le gouvernement fédéral sont plus ou moins dirigées par les politiques et par les directeurs de programmes des ministères. Donc je ne vois pas comment cela changerait les choses. Si on confiait la responsabilité des sciences de la mer au ministre, il aurait une responsabilité accrue et devrait s'assurer qu'on entreprenne et qu'on poursuive toute la recherche nécessaire associée aux sciences de la mer, et que cette recherche soit suffisamment approfondie.
Je comprends bien ce que vous dites. Vous dites que si on emprunte ce chemin, on augmente le risque que les coupures éventuelles toucheront les aspects fondamentaux de la recherche, comme l'évaluation des stocks, plutôt que d'autres travaux scientifiques importants.
M. Saunders: Exactement, et on pourrait rater des choses. Le scénario que je propose ne repose pas vraiment sur la consolidation des éléments de la situation actuelle. C'est quelque chose de différent.
Oui, le ministère de l'Environnement fait de la recherche scientifique. Voilà un cas où on pourrait mettre un terme à certains aspects de la recherche environnementale qui pourraient plus tard se révéler très importants. Mais je pensais à autre chose, peut-être à quelque chose qui remonte loin, quand nous avions des organismes comme le Conseil de recherche sur les pêcheries du Canada, qui faisait de la recherche selon un modèle différent, et était beaucoup plus indépendant. Il avait le luxe d'entreprendre des recherches qui pourraient paraître ésotériques à ceux qui élaborent nos politiques aujourd'hui, mais qui, en fin de compte, auraient peut-être été plus utiles dans la gestion des stocks. Voilà ce qui me préoccupe.
Le président: Merci. Monsieur Wells.
M. Wells: Ma première question est pour David VanderZwaag. David, vous n'avez pas beaucoup de bonnes choses à dire sur ce projet de loi, et je me demandais si vous y voyiez quelque chose de positif. Vos premiers commentaires étaient très décevants, et cela ne s'est pas amélioré. Je cherche quelque chose de positif là-dedans.
M. VanderZwaag: Merci. Je suis heureux d'avoir l'occasion d'y revenir et peut-être de compléter l'autre partie de ma vision. Ce projet de loi contient certainement beaucoup d'éléments positifs, et nous devrions féliciter le gouvernement de l'avoir proposé à ce moment-ci, même si quelques années ont déjà passé depuis la promesse originale faite en 1987.
Du côté positif, le projet de loi va évidemment établir nos zones de juridiction conformément à la Convention sur le droit de la mer, et nous aurons une loi canadienne sur les océans. Cela fait des océans une priorité, les océans s'installent sur la scène nationale. Cela est donc très positif.
La notion d'une stratégie nationale sur les océans est très bonne. On espère qu'elle va promouvoir le développement d'un processus de réflexion qui nous aidera à trouver les meilleurs moyens de gérer les océans. Le projet de loi a donc beaucoup d'éléments positifs.
Cependant, dans l'ensemble, je pense qu'il faut considérer que le projet de loi nous offre l'occasion de faire quelque chose. Peu de pays ont une loi concernant les océans. Le Canada peut donner l'exemple et démontrer au reste du monde à quel point il prend au sérieux le principe du développement durable. Il faudra réfléchir beaucoup à la question, mais nous avons la possibilité de faire quelque chose. Je ne voudrais pas que l'on rate cette occasion. Il faut insister davantage sur les objectifs concrets que le projet de loi cherche à atteindre. J'en reviens à la question de ses forces et de ses faiblesses. Par exemple, la loi ne prévoit pas vraiment de processus concernant les zones de protection marine.
D'un autre côté, le projet de loi permet la mise en place de règlements par le gouverneur en conseil pour protéger certaines zones. Mais là encore, il y a une lacune. J'ai toujours tendance à être un peu optimiste, sans négliger l'optique pessimiste. Je pense qu'il faut être réaliste aussi. Il faut faire adopter le meilleur projet de loi possible.
M. Wells: J'ai remarqué que plusieurs de nos témoins se sont présentés devant nous avec beaucoup d'arguments. Vous nous avez présenté un mémoire de quatre pages, avec environ une page par personne. Je vais certainement lire le compte rendu de cette réunion, mais j'aimerais savoir si vous voulez nous envoyer d'autres données, sous quelque forme que ce soit, qui compléteraient vos remarques?
Vous avez eu très peu de temps, et le projet de loi est très complexe. Y a-t-il d'autres informations que vous pensez nous faire parvenir? Je sais que vous êtes des experts dans le domaine et j'aimerais pouvoir profiter de certaines des connaissances que vous avez dont nous ne disposons pas.
M. Saunders: On nous a demandé d'être aussi brefs que possible. Je suppose que c'est dur à avaler pour les avocats.
Nous avions tous quelques notes supplémentaires. Nous avons décidé de ne pas incorporer certains textes, car nous avions l'impression que l'exposé devait être aussi court que possible. Je pourrais développer ce que j'ai dit. Je ne devrais pas me prononcer pour les autres.
M. VanderZwaag: Nous pourrions certainement ajouter quelques remarques supplémentaires.
J'aimerais également savoir si vous avez le temps de nous réentendre. Nous avons eu très peu de temps pour nous préparer. Il n'est pas facile de discuter de toutes ces questions en un si court laps de temps.
Le président: Vous avez fait allusion à un certain nombre d'études. Je ne suis pas sûr si c'était vous, David, ou le témoin qui vous a suivi qui les a mentionnées.
Vous parlez tous aussi rapidement que moi. L'attaché de recherche a beau être rapide, il n'a pas pu vous suivre. Pour donner suite à ce que disait M. Wells, je vous demanderais de citer de nouveau les titres des documents. Vous avez parlé de la loi néo-zélandaise de 1991. On peut en obtenir un exemplaire ici.
Qu'y avait-il d'autre, Alan?
M. Alan Nixon (attaché de recherche du comité): Le document de l'OCDE sur la gestion des zones littorales et les lignes directrices de Noordwijk.
Le président: Peut-être pouvez-vous nous donner des précisions à cet égard à la fin de la réunion. Si vous voulez ajouter à ce que vous avez dit, veuillez envoyer les documents au greffier aujourd'hui, pour que nous puissions les lire. Si nous avons besoin d'autres informations, nous vous rappellerons plus tard.
Je redonne la parole à Derek.
M. Wells: Je voudrais donner suite à ce que vous disiez. Je comprends que l'on vous ait averti d'être brefs, mais certains d'entre nous s'intéressent beaucoup à la question. Nous voulons vraiment l'approfondir et examiner certains des changements que vous proposez. Si vous avez des renseignements à nous donner, je vous assure que certains d'entre nous prendront le temps de les lire.
Pour éclaircir ce que David Copp a dit, revenons à l'article 28.
Comme le président l'a dit, vous avez tenté d'inclure beaucoup de choses en très peu de temps. Je ne comprends pas tout à fait votre objection à l'article 28 qui stipule que le projet de loi ne s'applique pas aux rivières et aux lacs. Vous pourriez peut-être nous réexpliquer un peu plus lentement pourquoi vous pensez que cela devrait s'appliquer aux rivières et aux lacs, qui relèvent pourtant de la compétence provinciale.
M. Copp: Il n'y a pas de paramètres clairs de compétences dans des domaines comme l'environnement. La Constitution ne précise pas qui est exclusivement responsable des questions environnementales, de sorte que les gouvernements fédéral et provinciaux prennent les mesures qu'ils sont chargés de prendre.
Par exemple, si on dit que les rivières et les lacs relèvent clairement des provinces... Ce n'est pas le cas lorsqu'on y déverse des substances nuisibles aux poissons et qu'il se trouve que les poissons fréquentent ces lacs, car naturellement à compter de ce moment-là, il y a un article de la Loi fédérale sur les pêches qui s'applique et un agent fédéral intervient et entame des poursuites.
Donc, l'un des problèmes du système de gestion intégrée de la zone côtière, pour le Canada, consiste à essayer de voir comment on pourrait l'incorporer à la Loi constitutionnelle du Canada et à la jurisprudence. Peut-être que la seule chose qu'on puisse dire avec certitude, c'est qu'il sera impossible d'avoir un système de gestion intégrée de la zone côtière qui soit efficace sans la collaboration des gouvernements fédéral et provinciaux ainsi que des administrations municipales.
La plupart des activités qui affectent la zone côtière ont quelque chose à voir avec l'utilisation des terres dans les municipalités et les régions où la population est assez dense, et ces activités relèvent des administrations municipales, du moins dans le contexte urbain.
On dit que cette partie ne s'applique pas aux lacs, fleuves et rivières. Il est malheureux qu'il n 'y ait pas ici quelques notes explicatives donnant les raisons pour lesquelles cet article a été inclus et pourquoi il contient ce libellé.
On pourrait penser que c'était, au fond, pour délimiter les domaines de compétence, qu'il s'agisse de compétences législatives ou de compétences administratives. Ce sont les divers ministères et organismes du gouvernement fédéral. Mais c'est une déclaration plutôt catégorique. Je suppose que si on tente de voir comment la gestion intégrée de la zone côtière se marie à cette loi - car malheureusement il n'y a aucune autre loi fédérale à laquelle elle pourrait vraiment s'intégrer, et il n'y en aura pas non plus dans un avenir proche à ma connaissance - je ne sais pas comment on peut avoir un système efficace de gestion de la zone côtière si les lacs, fleuves et rivières sont totalement exclus de l'application de la loi.
Or, cela est différent d'une situation où le gouvernement fédéral usurperait ou tenterait d'usurper une compétence générale en ce qui concerne ces cours d'eau. Je pense qu'il est assez clair que ce n'est pas possible. Quoi qu'il en soit, cela veut dire qu'un accord de collaboration - tout au moins cela pourrait être interprété de la sorte - que le ministre des Pêches et Océans élaborerait, et qui porterait sur un fleuve, une rivière ou un lac dans le cadre d'un programme de coopération régionale en vue d'un système de gestion intégrée de la zone côtière, pourrait se faire critiquer du fait qu'il inclut un domaine qui échappe à la compétence du ministre, car cet accord reposerait sur la partie II de la Loi sur les océans. La partie II ne s'applique pas aux lacs, fleuves et rivières.
Si cet article n'existait tout simplement pas, je ne vois pas comment cela pourrait nuire à la pureté constitutionnelle de la loi. Si on dit le contraire, c'est-à-dire que, pour plus de certitude, cette partie s'applique aux lacs, fleuves et rivières, il risque alors d'y avoir des protestations voulant que cela représente une tentative d'usurpation de la compétence générale, et une telle clause ne survivra pas à une contestation logée en vertu de la Constitution.
Je ne recommande pas d'inclure l'inverse, mais c'est plutôt catégorique si cela veut dire - je suppose qu'on peut l'exprimer ainsi - qu'on veut préciser que le gouvernement fédéral n'a pas compétence en matière d'eau douce. Mais ce libellé va au-delà de cela. Pour moi, cela signifie que cette partie de la loi ne s'applique pas.
Or, si le terme «océan» veut dire eau bleue salée, pourquoi s'inquiéter de savoir si cela s'applique ou non? Mais cela semble aller à l'encontre de l'objectif que j'avais espéré y discerner, c'est-à-dire faciliter la gestion intégrée de la zone côtière.
Il est difficile de déterminer exactement où s'arrête l'estuaire et où commence la rivière. Ce sont les écosystèmes: la mère nature ne savait pas que le Parlement allait inclure l'article 28. Dans un écosystème, il n'y a pas de ligne de démarcation claire entre l'endroit où l'estuaire se termine et celui où la rivière commence.
Est-ce que cela vous aide, monsieur Wells?
M. Wells: Oui. Je voulais que vous nous expliquiez davantage votre point de vue à cet égard car nous avons déjà eu une autre journée d'audience au cours de laquelle cette question a été soulevée également. Ce que vous dites correspond à ce que nous avons déjà entendu. Je m'attendais à entendre la réponse que vous m'avez donnée, mais je voulais tout simplement vous l'entendre dire aux fins du compte rendu, car c'est ce qui restera dans les annales.
Vous recommandez l'élimination totale de l'article 28, n'est-ce pas?
M. Copp: Je ne suis pas un spécialiste en matière constitutionnelle, mais je ne pense pas que la Loi sur les océans aurait moins de validité constitutionnelle si l'article 28 n'y était pas inclus. De temps à autre, il faudrait peut-être déterminer jusqu'où le ministre peut exercer son pouvoir en ce qui a trait à un fleuve en particulier; mais j'espère que lorsque le ministre exercera non pas un pouvoir législatif mais participera, plutôt, à un plan de collaboration pour la gestion intégrée de la zone côtière, avec l'accord et la signature des provinces, on s'assurera au moins que l'accord ne sera pas nul ou que le ministre ne se retrouvera pas sans aucune possibilité de pouvoir conclure cet accord à cause de l'existence de l'article 28 sous sa forme actuelle.
M. Wells: Merci, monsieur le président.
Je voudrais tout simplement remercier les témoins qui nous ont fait un exposé. J'ai trouvé les exposés excellents et très informatifs. Vous avez beaucoup travaillé à l'élaboration de ces exposés, même si vous n'aviez pas beaucoup de temps pour le faire. Nous vous en remercions tous.
Le président: Je tiens à remercier les témoins. Je vous encourage à préciser davantage certaines de vos recommandations par écrit, si vous le pouvez. Le comité tient à s'assurer que le meilleur projet de loi que l'on puisse élaborer à l'heure actuelle soit adopté. Aucun d'entre nous ne veut dire par la suite: «Eh bien, nous aurions pu y inclure ceci, mais...» ou «Nous aurions pu éliminer cela, mais nous laisserons quelqu'un d'autre le faire». Personne d'entre nous ne veut cela.
En fait, nous avions espéré pouvoir faire une pré-étude exhaustive du projet de loi de façon à ce que certaines des choses dont on a parlé aujourd'hui puissent facilement se retrouver dans le projet de loi. Nous sommes plutôt coincés à ce moment-ci, car il y a suffisamment d'avocats à l'autre bout.
Nous sommes limités quant à ce que nous pouvons faire avec ce projet de loi, mais en tant que comité, nous avons le pouvoir de rédiger un rapport pour préciser ce que nous voulons au-delà de ce projet de loi. Je pense que certaines des choses que vous nous avez dites aujourd'hui se retrouveront dans ce rapport.
Encore une fois, je vous remercie. Nous vous saurions gré de bien vouloir nous envoyer toute la documentation à laquelle vous avez fait allusion et qui, à votre avis, pourrait nous intéresser. J'espère que vous accepterez de venir témoigner de nouveau devant notre comité, si nous vous le demandons. Je vous remercie, messieurs.
Nous allons maintenant entendre Cameron MacKenzie, président de Area 18 Snow Crab Fishermen's Association, suivi de Joseph Boudreau, de Nova Scotia Fish.
Nous allons commencer par Cameron MacKenzie. Pour les membres du comité qui ne vous connaissent pas, Cameron, voulez-vous nous expliquer qui vous êtes et nous parler un peu de Area 18 Snow Crab Fishermen's Association?
M. Cameron MacKenzie (président, Area 18 Snow Crab Fishermen's Association): Je suis ici à plusieurs titres. Je suis maintenant président des pêcheurs de crabe de la zone 18, qui est une zone de pêche dans le golfe du Saint-Laurent. Notre groupe se compose de 30 membres, c'est-à-dire de tous les pêcheurs de la zone. Nous ne sommes pas vraiment au coeur du secteur de la pêche au crabe, mais plutôt dans une zone marginale. Tous les pêcheurs de la zone se sont regroupés pour former notre association et tous en sont maintenant membres à part entière.
J'ai aussi déjà fait partie du CRA, un groupe consultatif qui a conseillé le ministre pendant un certain nombre d'années jusqu'à ce qu'on décide de le supprimer.
On m'appelle le parrain de la politique d'octroi de permis aux pêcheurs authentiques. C'est le mot à la mode que tous ceux qui s'occupent des pêches utilisent. Ils parlent toujours de pêcheurs authentiques. C'est sans doute parce qu'ils veulent profiter de la réputation qu'avait cette politique, même si tous, à partir des politiciens jusqu'aux bureaucrates, ont fait de leur mieux pour la détruire.
Je n'ai pas préparé de mémoire là-dessus parce que je suis venu pour vous exprimer ma grande déception, ma frustration et peut-être mon dégoût du Parlement, des parlementaires et du processus qu'on utilise maintenant pour traiter avec les pêcheurs.
Je voudrais mentionner quelque chose de très intéressant qui a trait à la Constitution et au référendum au Québec. Tout le monde parle de l'égalité du vote. De mon côté, je trouve que ceux qui se sont exprimés le plus énergiquement lors du référendum, ce sont les quelque 80 000 personnes qui ont voté et annulé leur vote parce qu'elles en ont assez des deux côtés. C'est ce vote qui est le plus révélateur de tous.
Cela fait 22 ans que je fais partie de l'industrie et que je me bats au nom des pêcheurs, mais je ne vois rien dans ce projet de loi qui puisse protéger les pêcheurs. Tout ce que je vois, c'est que le ministre dépasse les bornes du pouvoir démocratique. La nouvelle loi va lui permettre de conclure des ententes avec n'importe qui. La loi ne lui permet pas maintenant de le faire. Il le fait de toute façon, mais la loi ne le lui permettait pas vraiment. Il va malgré tout de l'avant et, s'il ne peut pas se débarrasser de tous les pêcheurs, il va fixer des prix tellement élevés qu'ils devront s'en aller de toute façon.
L'augmentation des droits proposée par le ministère n'est rien de plus qu'une ponction fiscale de 50 millions de dollars à l'endroit des petites localités rurales de la région de l'Atlantique, qui n'ont pas les moyens de payer un tel montant. On a opté pour des droits d'octroi de permis simplement parce que les politiciens d'Ottawa n'ont pas eu l'audace ou l'honnêteté de parler eux-mêmes de ponction fiscale. À mon avis, les contribuables canadiens paient déjà trop d'impôts. Vous allez maintenant nous enlever le peu qui nous reste au nom du recouvrement des coûts. Je voudrais bien savoir ce qu'on fait des impôts qu'on nous prélève maintenant, sans parler du recouvrement des coûts. S'il n'y a plus la moindre responsabilité financière, peut-être qu'on pourrait soutirer beaucoup d'argent du budget.
Il y a 600 agents des pêches sur les deux côtes et 6 000 employés au ministère. Il y a donc un certain déséquilibre. Je me dispute souvent avec eux, mais je passe la plus grande partie de mon temps à essayer de défendre les agents des pêches.
Cela me frustre énormément de voir votre comité. Je sais que vous avez un travail à faire, monsieur MacDonald; vous avez été nommé par le parti au pouvoir. Je respecte encore moins les membres des partis de l'opposition. Du côté des Réformistes... je n'ai jamais encore entendu M. Manning défendre les pêcheurs côtiers de la région de l'Atlantique. Il ne l'a pas fait une seule fois. Est-ce vraiment étrange, vu que son principal conseiller en matière de pêches est un ancien vice-président de Clearwater? Voyez vous-mêmes.
Je suis venu ici non pas parce que j'ai un problème sur le plan de la crédibilité, mais parce que je me sens frustré et que je veux que d'autres comprennent qu'il y a un problème. Le simple fait que le projet de loi sur les océans en soit rendu à cette étape-ci sans qu'on ait consulté les pêcheurs montre bien le peu de respect que nos parlementaires et nos bureaucrates ont pour les pêcheurs.
Je suis très fier des pêcheurs de la région de l'Atlantique. Ils sont parmi ceux qui travaillent le plus fort dans le pays. Ils ont contribué à l'économie. Ils sont les seuls à soutenir toutes ces localités rurales.
Peut-être qu'à Terre-Neuve, il y a quelques années, à l'époque de Joey Smallwood... Il pensait que c'était une bonne idée de tout centraliser et d'envoyer tout le monde vers la ville. D'après ce que j'ai vu dans la plupart des villes que j'ai visitées, les citadins ne s'en tirent pas tellement bien non plus. Au moins, dans les régions rurales, les gens pouvaient travailler, connaître leurs voisins, contribuer à la société, à l'Église, aux écoles, aux arénas de hockey, aux postes de pompiers, à tout ce qui fait une communauté locale. Aucune autre industrie n'a fait la même chose et aucune autre industrie ne peut remplacer l'industrie de la pêche. On parle bien de tourisme, mais je ne pense pas que ce soit la solution.
Si je dois rester sur la terre ferme sans qu'on m'autorise à prendre du poisson alors que des sociétés multinationales peuvent téléphoner à leurs amis un peu partout dans le monde et voir qui possède un chalutier-usine avec des membres d'équipage payés 1$ par jour pour prendre notre poisson, cela m'insulte à titre de citoyen canadien.
Les politiciens seraient peut-être un peu plus nerveux si c'était comme dans les années trente, quand on n'avait pas de bien-être social et d'assurance-chômage pour atténuer un peu le problème. La situation est en train de s'envenimer. Je ne sais pas si M. Baker est là ou non, mais quand je vois aux nouvelles les habitants de Terre-Neuve manifester dans les rues, après les 500 années de l'industrie terre-neuvienne de la pêche, pour réclamer encore deux semaines de bien-être social, je trouve cela vraiment malheureux.
Vous aimeriez peut-être mieux nous contrôler. L'exemple le plus flagrant du peu de respect qu'on montre envers les pêcheurs de crabe de la zone 18 s'est produit le printemps dernier. Nous avions demandé à des experts de témoigner devant M. Francis LeBlanc à Chéticamp, et les scientifiques recommandaient fortement qu'on ne fasse rien pour aggraver le problème des stocks de crabe. Mais qu'est-ce que le gouvernement a fait? Il a simplement pris 25 p. 100 des quotas de crabe des pêcheurs ordinaires pour acheter des votes. Il ne se préoccupait nullement des considérations scientifiques ou des stocks de crabe. Si vous jetez un coup d'oeil sur ces contrats...
Ce qui est vraiment insultant, c'est que 25 p. 100 de cette soi-disant loterie de la riche industrie de la pêche au crabe... J'avais un quota de 50 000 livres, pas de 500 000 livres comme les pêcheurs semi-hauturiers. Nous sommes des pêcheurs côtiers. Ce que le gouvernement a pris, divisé et utilisé pour faire taire les dirigeants des organismes locaux représentant les pêcheurs... je n'aime pas reconnaître qu'ils sont âpres au gain, mais de toute façon, une demi-douzaine d'entre eux se sont retrouvés au conseil exécutif de la Gulf Nova Scotia Crab Company. La même chose s'est produite dans l'Île-du-Prince-Édouard, au Nouveau-Brunswick et au Québec. On a enlevé 1,5 million de dollars à la Nouvelle-Écosse, 1,5 million à l'Île-du-Prince-Édouard, 5 millions au Nouveau-Brunswick et 2 ou 3 millions au Québec. On a prétendu qu'il y avait eu consultation, mais on n'a fait qu'exercer des pressions.
Cela me frustre qu'un politicien promette de prendre ce que j'ai pour le donner à quelqu'un d'autre pour acheter des votes. Cela me met en colère, parce que j'ai travaillé pour gagner ce que j'ai. Rien ne m'a été donné. Oui, je paye de très bons salaires. Je verse une bonne partie de mes recettes aux membres de mon équipage. Je suis aussi propriétaire d'une compagnie de pêche et je paye bien mes employés. Certains pourraient me le reprocher et essayer même de m'acculer à la faillite. Je suis convaincu que nous nous partagions le mieux possible la ressource à notre disposition. Nous étions le seul groupe de pêcheurs côtiers à dire que les ressources devraient être mieux partagées. Nous voulions dire par là qu'on ne devait pas augmenter les quotas des pêcheurs semi-hauturiers de 50 p. 100, 60 p. 100 ou 200 p. 100, comme on le fait depuis quelques années. Ils sont passés de 7 000 à 20 000 tonnes métriques. On aurait dû mettre sur pied un bon programme de répartition.
J'ai vu qu'au début de l'année votre comité s'est penché sur l'octroi des permis. Tous les pêcheurs du golfe du Saint-Laurent étaient d'accord avec la plus grande partie de notre politique d'octroi de permis. Les gouvernements des trois provinces Maritimes l'avaient appuyée par écrit; j'ai encore des exemplaires de leur lettre. Cette politique avait été instaurée en 1982. Elle aurait pu résoudre 95 p. 100 des problèmes actuels de l'industrie de la pêche. La nouvelle Loi sur les océans ne fait rien d'autre qu'anéantir tous les principes de base de cette politique. Et j'ajoute, messieurs, que cette politique n'était pas fondée sur la race. Les Autochtones avaient autant de chance que les autres.
Le président: Je comprends ce que vous essayez de dire, mais vous me placez dans une situation bien difficile à titre de président du comité.
Nous sommes en train d'étudier un projet de loi bien particulier qui nous a été renvoyé. Vos observations sont fondées dans une certaine mesure et reflètent sans doute le point de vue de bien des habitants de votre région, mais elles ne portent pas vraiment sur le projet de loi.
Je pense que la plupart des membres de notre comité sont au courant de cette répartition spéciale de 25 p. 100 des quotas de crabe. Nous avons posé des questions à ce sujet au sous-ministre quand il était ici il y a quelque temps. Nous avons aussi commencé à examiner la définition d'un pêcheur authentique ou professionnel. Mais pour ce qui est des droits - et je tiens à bien le préciser parce qu'on nous a posé une question là-dessus lors de la dernière réunion, et je ne sais pas d'où vient cette notion - les pêcheurs ont l'impression que le projet de loi porte sur les droits d'accès aux pêches, mais ce n'est pas le cas. C'est cependant l'impression qu'ont les pêcheurs. Cette idée ne vient pas d'ici.
La question des droits sera sans doute examinée dans une autre mesure législative qui nous sera envoyée et qui proposera des modifications à la Loi sur les pêches, mais nous étudions aujourd'hui un projet de loi pour créer une nouvelle Loi sur les océans. Vos observations sont fondées, et je ne veux pas vous dire de ne pas les faire, mais vous me placez dans une situation difficile parce que nous sommes maintenant chargés d'examiner la Loi sur les océans.
Avez-vous quelque chose à dire au sujet de ce projet de loi?
M. MacKenzie: Je comprends tout cela, mais j'ai passé cinq ans à contester devant les tribunaux un programme de droits, appelé le Programme de surveillance à quai, que le tribunal a jugé illégal. Le ministre n'avait pas le pouvoir d'instaurer un tel système. Jusqu'à ce qu'on en soit rendu aux appels et autres choses de ce genre, ce qui... mais je ne veux pas vraiment accaparer le temps du comité. Ce système était vraiment insultant pour les Canadiens moyens, et c'est ce que les juges de la Cour suprême ont dit. C'était vraiment insultant pour les Canadiens ordinaires.
On dit bien... selon le projet de loi, le ministre peut imposer des droits pour recouvrer à peu près n'importe quel coût aux termes de la Loi sur les océans.
Le président: Cameron, je voudrais vous dire que les fonctionnaires du ministère en ont justement parlé. Nous leur avions posé la question. Je pense qu'il s'agit de l'article 49, à la page 21 du projet de loi.
Les fonctionnaires nous ont dit que cet article prévoit que:
- Le ministre peut... fixer les prix à payer pour la fourniture de services ou d'installations.
- Il s'agirait de services comme les services de brise-glace et autres.
M. MacKenzie: Ce n'est pas ce que dit la loi. Elle stipule simplement qu'il peut fixer des droits.
Le président: Non, je pense que c'est plus précis que cela. Il est aussi stipulé que:
- Les prix fixés... ne peuvent excéder les coûts... pour la fourniture des services ou des
installations.
- Cela vient de témoignages que vous n'avez pas lus. C'est ce que les fonctionnaires du Ministère
nous ont dit l'autre jour. Je continue:
- La deuxième catégorie a trait aux droits que le ministre peut fixer pour des produits, droits
et avantages fournis aux termes de la loi. Dans le cas de produits, il peut s'agir, par exemple, de
cartes hydrographiques. Les droits et avantages comprendraient des choses comme l'accès à
des bases de données hydrographiques, à des bases de données portant sur les aides à la
navigation, et autres choses de ce genre.
- Les droits ne peuvent pas dépasser les coûts.
Ai-je raison, monsieur Scott?
M. MacKenzie: Monsieur le président, si vous passez à l'article 50, vous verrez qu'on y dit ceci:
- Le ministre peut, sous réserve des règlements d'application du présent article
éventuellement pris par le Conseil du Trésor, fixer les prix à payer pour la fourniture de produits
ou l'attribution de droits ou d'avantages au titre de la présente loi par lui-même ou le ministère
ou tout organisme fédéral dont il est, du moins en partie, responsable.
Le président: Je suis un peu embrouillé, Cameron. Je voudrais régler cette question tout de suite. Vous représentez les pêcheurs de la région. Si vous avez une idée fausse de ce que fait ce projet de loi, il faudrait faire une mise au point; sinon, on nous dira que nous nous trompons.
Il y a des représentants du ministère dans la salle. Je voudrais qu'ils expliquent de façon précise à quoi s'appliquent ces dispositions et si elles accordent d'autres pouvoirs au ministre des Pêches et des Océans pour fixer des droits relatifs à la pêche.
Qui est dans la salle? Pouvez-vous vous nommer?
Mme Camille Mageau (conseillère principale, Direction des programmes océaniques, ministère des Pêches et des Océans): Je suis Camille Mageau.
M. Jack Gallagher (spécialiste de la navigation, Groupe de la planification stratégique, Garde côtière canadienne): Je suis Jack Gallagher.
Le président: Dites-nous ce que cela signifie. M. MacKenzie ne semble pas d'accord avec nous.
Mme Mageau: À l'heure actuelle, le ministre peut fixer des droits selon l'arrêté sur les frais à payer qui découle de la Loi sur la gestion des finances publiques. Selon cet arrêté, le ministre peut fixer divers genres de droits.
La seule chose qu'ajoute la Loi sur les océans du Canada, c'est un droit relatif aux produits, et vous en avez déjà donné des exemples. Il y a aussi certains processus réglementaires qui ne sont pas prévus dans l'arrêté sur les frais à payer. Vous verrez que la Loi sur les océans ne contient aucune disposition à l'égard des processus réglementaires, et il s'agit donc d'une mesure provisoire. Il n'y a aucune disposition qui prévoit l'imposition d'un nouveau processus réglementaire. Par ailleurs, le ministre sera autorisé à vendre certains produits, comme des cartes et certains autres documents.
C'est la seule chose qui change. Cela ne figure pas dans la Loi sur les pêches, mais dans une autre loi qui s'applique aussi à un bon nombre d'autres ministères.
Jack Gallagher, de la Garde côtière canadienne, peut peut-être vous donner d'autres exemples de ces services.
Le président: Je vous prie de le faire rapidement, parce que c'est important pour nous de comprendre ce que fait et ce que ne fait pas le projet de loi, pour que M. MacKenzie puisse...
M. Gallagher: Bonjour. Il y a deux choses que je peux vous dire.
D'abord, la Garde côtière canadienne compte effectivement imposer un droit sur les services maritimes conformément à cette disposition de la loi.
Deuxièmement, relativement à l'article 50, qui a trait aux droits et aux avantages, cela ne s'applique qu'aux droits et avantages conférés au ministre par cette nouvelle loi. La Loi sur les océans ne régit pas l'accès aux ressources comme le fait maintenant la Loi sur les pêches. La Loi sur les pêches est une mesure distincte, qui devra être modifiée séparément. Les droits et obligations du ministre dont parle la Loi sur les océans se reportent aux services de la Garde côtière, aux services scientifiques et aux services hydrographiques dont il est question à la partie III du projet de loi. Le pouvoir de percevoir des droits pour certains produits, droits et avantages, porte sur ce genre de choses.
Le président: Monsieur MacKenzie.
M. MacKenzie: Dans une certaine mesure, j'ai été acculé au pied du mur cette année. Nos pêcheurs ont dû payer certains services scientifiques pour un de nos secteurs de pêche cette année. Nous y avons été essentiellement forcés. Si l'on ne tient pas compte des données scientifiques, nous refuserons de payer. Qu'on s'en passe. Avant d'avoir ces services scientifiques, j'avais un quota illimité.
Le président: Je voulais simplement faire cette mise au point, Cameron. Je remercie les fonctionnaires.
La question dont vous parlez est sans doute importante, mais elle n'est pas visée par ce projet de loi-ci. Elle sera examinée dans un autre projet de loi que nous devrions aussi recevoir.
M. MacKenzie: Très bien. Le projet de loi dit-il qu'il ne s'applique à absolument aucun aspect des ressources de la pêche?
Le président: Il n'est pas question du tout des ressources de la pêche dans ce projet de loi.
M. MacKenzie: Pas du tout?
Le président: Non.
M. MacKenzie: Il ne donne pas plus de pouvoirs au ministre?
Le président: La mesure législative ne lui donne aucun nouveau pouvoir selon la Loi sur les pêches. Ai-je raison?
Une voix: Oui.
Le président: Il ne reçoit aucun autre pouvoir en vertu de la Loi sur les pêches. Le projet de loi vise à refondre certaines autres lois existantes. Il permet de fixer des frais de service pour recouvrer des coûts, mais seulement pour des choses comme les aides à la navigation et les cartes.
Cela étant dit, avez-vous autre chose à dire à propos de la Loi sur les océans?
M. MacKenzie: Je dois dire que nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour nous réunir depuis que nous avons reçu les exemplaires du projet de loi. C'est une mauvaise époque de l'année pour nous. J'ai même dû rater une journée de pêche pour venir témoigner aujourd'hui.
D'après ce qu'on nous avait dit, et je pense que c'est aussi ce qu'allait vous dire Robert Chisholm, il nous semblait que le projet de loi confirmait les mécanismes qui permettraient de privatiser la ressource en la confiant à de grandes entreprises. Cela empêcherait les pêcheurs de former des organismes représentatifs composés de membres élus pour cogérer ou autogérer la ressource. Si vous allez voir au début de la partie II, vous verrez que c'est le ministre qui nommera tous les membres de tous les organismes de consultation. L'industrie n'aura rien à dire quant à la composition de ces organismes.
J'ai peut-être une idée fausse de ce projet de loi, mais ce que pensent les pêcheurs, c'est que c'est un autre maillon de la chaîne qui va nous détruire.
Le président: Je ne veux pas blâmer qui que ce soit pour une erreur d'interprétation. M. Chisholm n'est pas ici parce qu'il a dû aller dans la vallée, mais je vois qu'il a signé une pétition que j'ai reçue des associations de pêcheurs de la Nouvelle-Écosse à l'occasion de la table ronde du 23 octobre.
M. MacKenzie: La mienne y figure aussi.
Le président: Il est malheureux que certaines des questions que vous avez soulevées n'aient pas de rapport avec le projet de loi, parce qu'elles sont importantes. Il s'agit de questions importantes, mais elles n'ont pas de rapport avec cette mesure-ci.
Cameron, M. Scott, qui représente l'opposition, et qui est un député du Parti réformiste, a quelque chose à dire.
M. Scott (Skeena): Je partage votre confusion, Cameron. J'étais moi aussi embrouillé quand j'ai lu le projet de loi pour la première fois et que nous l'avons analysé. En lisant les articles 49 et 50, il me semblait que c'était ce projet de loi-ci qui allait permettre au ministre d'augmenter les droits d'accès ou les droits de permis. Nous avons posé la question au comité il y a quelques semaines, et les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans nous ont bien dit que ce n'était pas cette mesure-ci qui permettrait d'augmenter les droits d'accès, mais que l'on allait présenter des modifications très bientôt à la Loi sur les pêches. Nous pensons que ce sera en novembre. Il sera alors question des droits d'accès.
Vous avez donc raison d'être inquiet. Je le suis aussi. Mais d'après le ministère des Pêches et des Océans, il n'en est pas question dans cette loi-ci. Une autre mesure législative sera présentée très bientôt.
M. MacKenzie: Cela m'inquiète beaucoup, parce que je devrai payer des droits de 4 000$ avant même de commencer à pêcher l'année prochaine.
Le président: Il n'en est pas question dans ce projet de loi-ci, Cameron.
M. MacKenzie: Je sais. Je voudrais cependant vous demander, à titre de président du comité, d'envoyer une lettre à notre groupe, à mes soins, pour expliquer que la Loi sur les océans n'élargit nullement les pouvoirs du ministère relativement aux ressources de la pêche.
Le président: À propos des questions qui vous préoccupent? Je m'en occuperai pour faire une mise au point. Les membres du comité avaient eux aussi mal compris tout cela, et il y a eu confusion jusqu'à ce que nous demandions des explications très précises à propos de certaines dispositions.
Nous vous enverrons une lettre. J'ai votre pétition ici.
M. MacKenzie: Je voudrais que vous le fassiez, parce que le ministre lui-même est souvent embrouillé, ou bien ses conseillers le sont, et il fait constamment des choses qu'il n'est pas autorisé à faire, par exemple prélever les droits de surveillance qui ont été contestés devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Le ministre a changé d'avis parce qu'on a rappelé aux gens qui payait leurs salaires.
Le président: Très bien, Cameron. Nous devrions sans doute maintenant vous remercier de votre exposé. Je vais essayer de voir quelle garantie nous pouvons vous donner. Quand l'autre projet de loi sera présenté, je m'assurerai que le greffier communique avec vous pour vous informer qu'il a été déposé à la Chambre des communes. Je vous en enverrai aussi un exemplaire pour que vous puissiez l'examiner au nom de votre groupe et le commenter.
M. MacKenzie: Très bien, et cela se rapporte par exemple à ce que dit l'article 32 en l'occurrence: «En vue de la mise en oeuvre des plans de gestion intégrée, le ministre peut...», et plus loin: «de sa propre initiative ou conjointement avec d'autres ministres fédéraux ou des personnes de droit public ou de droit privé, constituer des organismes de consultation ou de gestion et, selon le cas, y nommer ou désigner...», ou encore: «mandater des organismes existants à cet égard». Cela n'a rien à voir avec les ressources de la pêche?
Le président: Cela a effectivement quelque chose à voir avec les ressources de la pêche parce qu'il s'agit d'écosystèmes et de plans de gestion côtière. Cela porte effectivement sur les ressources halieutiques, mais le projet de loi ne porte pas sur les questions de gestion précises qui vous intéressent. Si vous voulez nous dire que le projet de loi devrait préciser qu'il faut tenir compte de l'intérêt des pêches lorsqu'on met sur pied de tels organismes consultatifs, nous pourrions certes prendre note de cette recommandation.
M. MacKenzie: Je voudrais que le comité m'assure, avant que cette mesure soit adoptée, que nous allons être protégés d'une façon quelconque.
Le président: Très bien.
M. MacKenzie: Il n'y a absolument rien dans le projet de loi maintenant qui protège les pêcheurs.
Le président: Très bien, Cameron. Nous avons noté vos observations et nous verrons ce que nous pouvons faire. Comme nous avons votre adresse, quand l'autre projet de loi sera déposé, nous ferons en sorte que notre greffier vous en envoie un exemplaire pour que vous puissiez le commenter. Merci.
M. MacKenzie: Y a-t-il d'autres questions?
Le président: Je pense que c'est tout. Merci, Cameron.
Le groupe suivant représente Nova Scotia Fish, et Joe Boudreau est son président.
Vous allez passer longtemps à la télévision, Joe, parce que vous étiez assis juste derrière le témoin précédent... On pouvait déjà vous voir un peu auparavant, mais vous avez maintenant l'exclusivité des caméras.
M. Joseph Boudreau (directeur régional, région du Golfe, Nova Scotia Fish): Je ne suis pas président de Nova Scotia Fish, mais l'un de ses directeurs régionaux. Nous sommes trois. Les autres sont Don Cunningham, de South West Nova, et George Whelan, de la région du Cape-Breton. Nous avons divisé la province en trois groupes différents. Je suis directeur régional pour la région du golfe.
J'ai rédigé une courte lettre que j'avais l'intention de vous lire, mais je ne sais plus si je devrais le faire. Vous avez dit que l'industrie avait été consultée sur cette Loi sur les océans, mais vous avez ensuite indiqué que cette loi créait beaucoup de confusion dans votre esprit à tous. C'est donc la confusion totale. Nous ne savons pas trop ce qui est énoncé et ce qui n'est pas énoncé.
En ce qui concerne le Canada atlantique, à la première table ronde à laquelle j'ai participé en Nouvelle-Écosse avec les groupes de pêcheurs - et plus particulièrement les groupes de la province - , pas un seul de ces groupes n'avait un exemplaire ou n'avait vu un exemplaire de la Loi sur les océans, exception faite de la dame qui vient tout juste d'entrer, et, que je sache, elle ne fait partie d'aucun groupe de pêcheurs. Je ne sais donc pas qui vous avez consulté dans l'industrie des pêches.
Je vous lis ma lettre, si vous le permettez, et nous verrons ce qui en ressortira.
Nous voici de nouveau en train de témoigner devant le comité sénatorial, sur un projet de loi très controversé. Encore une fois, le gouvernement dit qu'il a consulté l'industrie des pêches. Après la deuxième lecture, votre comité, le gouvernement canadien et les groupes de pêcheurs étaient contre les dispositions contenues dans le projet de loi C-98, telles qu'elles avaient été rapportées au secteur de la pêche côtière. M. Crosbie avait au moins le mérite d'avoir annoncé publiquement son intention de privatiser le secteur des pêches, ce qu'il a fait le 18 décembre 1992.
Étant donné ces facteurs, ce n'est pas avec beaucoup d'entrain que je témoigne devant votre comité. Si je suis ici aujourd'hui, c'est uniquement parce que j'espère que les dispositions contenues dans le projet de loi C-98 viendront ainsi à être connues des pêcheurs côtiers qui sont directement touchés par ces dispositions.
Les questions abordées dans le projet de loi C-98 - les droits exigés des usagers, les personnes qui seront appelées à payer ces droits, qu'ils soient utilisés pour des services de brise-glace ou pour autres choses, les questions environnementales et les autres - sont des questions très importantes qui nous causent énormément de préoccupations. Ce qui nous préoccupe le plus, cependant, c'est que le projet de loi autorise le ministre à déléguer la gestion de la ressource comme telle à quiconque il juge bon de la confier.
N'est-ce pas vrai? Je devrais peut-être obtenir une réponse à cette question avant de poursuivre, car il ne sert à rien de poursuivre si cela n'est pas vrai.
Le président: Non. Écoutez; tout d'abord, ce n'est pas le projet de loi qui crée de la confusion dans mon esprit. C'est plutôt, si je peux m'exprimer ainsi, que je n'arrive pas à comprendre pourquoi le projet de loi suscite tellement de confusion. La mesure est assez claire. Elle vise à consolider un certain nombre de programmes et de responsabilités du gouvernement fédéral. Pour la première fois, nous aurons une loi sur les océans.
Il y a plusieurs questions dont j'aimerais bien discuter avec vous et les autres pêcheurs de la côte est, et nous pourrons en discuter quand la mesure législative pertinente sera présentée. Quand vous parlez de droits d'accès, de privatisation de la ressource - ce sont là des questions qui préoccupent les membres du comité et moi-même - , ce n'est pas de cela qu'il est question ici. Le projet de loi traite d'autre chose, bien qu'il y ait un lien. Je ne nierai certainement pas la légitimité de vos préoccupations. À bien des égards, elles sont très légitimes et doivent être débattues.
La liste des intervenants qui ont été consultés est assez exhaustive, bien que je ne l'aie pas devant moi. Ce n'est pas nous qui avons procédé aux consultations, Joe, puisque ce n'était pas à nous de le faire. C'est le ministère qui a proposé le projet de loi, et le projet de loi nous a été renvoyé. Nous tenons à faire en sorte que tous les intervenants qui veulent faire connaître leurs vues puissent le faire. Je crois toutefois que certaines des questions que vous voulez soulever seront débattues quand nous recevrons le projet de loi qui doit suivre celui-ci.
Étant donné que c'est votre temps de parole, je vous propose de continuer. Nous prendrons des notes, puisque c'est nous qui allons examiner le projet de loi suivant. Vous avez donc la parole.
M. Boudreau: D'accord. Je tiens simplement à apporter une précision avant de poursuivre.
Nous avons obtenu de Will Mareira, chez Daley Black & Mareira, un avis juridique sur la Loi sur les océans. À son avis, la mesure permet effectivement au ministre de déléguer la gestion de la ressource comme telle à quiconque il veut bien désigner à cette fin, que ce soit la province de Terre-Neuve ou quelque autre autorité, mais vous n'êtes peut-être pas d'accord avec lui là-dessus.
S'il a raison et que la gestion de la ressource peut être déléguée à une province, une collectivité ou une autre autorité, les conséquences pourraient être très graves pour moi et pour tous les pêcheurs côtiers du Canada. Et c'est pour cette raison que nous nous opposons avec tellement de véhémence à ce projet de loi.
Ce facteur aurait dû suffire à lui seul - sans même entrer dans les autres détails de la mesure - pour qu'on veille à bien informer l'industrie de la pêche de ce qui devait se produire. Cependant, la mesure législative a déjà franchi l'étape de la deuxième lecture, et nous apprenons tout juste que c'est ce qui pourrait se produire. Si vous pouvez indiquer clairement que ce n'est pas le cas, nous reviendrons peut-être témoigner devant vous quand vous serez saisis de la mesure législative concernant l'attribution de permis de pêche commerciale.
Le président: Bon, expliquons-nous. Vous avez obtenu un avis d'un cabinet d'avocats. Je vous serais reconnaissant de bien vouloir nous le communiquer, puisque nous ne sommes pas ici pour défendre le projet de loi. Je ne suis pas avocat moi-même, bien que certains des membres du comité le soient. J'aimerais donc prendre connaissance de cet avis, car le fait est que la plupart d'entre nous pensent que le projet de loi doit être amélioré. Dans l'intervalle...
Quelqu'un du ministère veut-il bien venir à la table, s'il vous plaît? Y a-t-il quelqu'un du ministère qui veut répondre à cette préoccupation bien précise? Je ne veux pas que les gens comme Joe, qui représentent une part importante du secteur de la pêche en Nouvelle-Écosse, s'inquiètent ainsi sans raison. S'ils ont raison de s'inquiéter, je voudrais que le comité réponde à leurs préoccupations. Qui avons-nous ici du ministère?
Donc, voici. La télévision, quelle merveille! Voyons un peu ce que nous pouvons obtenir.
Vous devrez nous donner votre nom pour le compte rendu.
M. Barry Rashotte (directeur, Direction de la répartition des ressources, Atlantique, ministère des Pêches et des Océans): Je suis Barry Rashotte. Je m'occupe de gestion des pêches au ministère à Ottawa.
En ce qui concerne la question qui vous préoccupe tout particulièrement - je crois que c'est ce dont vous parliez - , l'initiative relative au partenariat ou à la cogestion, il en sera expressément question dans la Loi sur les pêches. Je peux vous le dire avec certitude. À ma connaissance, il n'en est pas question dans ce projet de loi.
M. Boudreau: Je n'ai pas le projet de loi ici. Je n'ai qu'une photocopie, et il me manque certaines pages. Mais, à la page 15, article 32, le projet de loi dispose que:
- En vue de la mise en oeuvre des plans de gestion intégrée, le ministre peut...
- C'est de cette disposition que nous parlons.
M. Boudreau: Oui, mais le problème, c'est que ce projet de loi, la Loi sur les océans, confère au ministre le pouvoir de s'en occuper. Nous avons déjà perdu du terrain dans la Loi sur les pêches. Si la Loi sur les océans confère au ministre le droit de déléguer la ressource à une collectivité ou à une province, s'il décide effectivement d'exercer ce pouvoir, il peut... Le ministre n'a-t-il pas ce pouvoir aux termes du projet de loi? Répondez oui ou non. C'est tout ce que nous demandons.
Mme Mageau: Non, l'objet visé ici - et je suppose que cela rejoint beaucoup des préoccupations que vous avez soulevées - est d'apporter des précisions sur la mise en oeuvre des plans de gestion. Le but de ces plans de gestion est d'intégrer les activités de toutes les parties intéressées, notamment les pêcheurs et les administrations provinciales et municipales. Ce sont là autant de parties intéressées, du fait que leurs activités touchent les océans. Toutes ces parties doivent être amenées à la table et s'entendre sur un plan de gestion pour une zone particulière.
Les pêcheurs, de même que les syndicats et les coopératives de pêcheurs, seraient partis à ces discussions. Vos représentants proposeraient des noms, et le ministre... Il faut qu'il y ait un organisme directeur. Il faut que quelqu'un soit là pour donner son approbation et dire que l'organisme existe effectivement. Ce serait au ministre qu'il incomberait de nommer les personnes qui siégeraient à cet organisme. Les candidatures seraient proposées par les parties intéressées; elles se trouveraient donc sur un pied d'égalité, et les décisions seraient prises selon le mode collégial. On s'entendrait sur les plans de gestion. Cela n'empêchera pas pour autant la conclusion d'ententes de cogestion ou de partenariat, dont il sera question dans la Loi sur les pêches. C'est là une question qui relève du domaine des pêches; ici, il est question des océans. Les questions relatives aux pêches sont incluses dans la panoplie de questions relatives aux océans. Cela vous aide-t-il?
M. Boudreau: Oui, vous venez de dire exactement ce que je vous ai dit il y a quelques minutes. Le ministre pourrait ainsi entamer des discussions avec des particuliers comme moi ou avec des groupes du Canada atlantique, puis passer à l'étape suivante et établir des ententes de cogestion et de partenariat, et le reste. N'est-ce pas vrai?
Mme Mageau: Dans mon esprit, le partenariat est une entente entre partenaires, qui sont donc égaux.
M. Boudreau: Ce projet de loi donnera-t-il au ministre le droit d'aller discuter avec les provinces, les groupes, les représentants du secteur et les autres qui ont des partenaires dans des ententes de cogestion? Peut-on raisonnablement conclure qu'il en sera ainsi?
M. Rashotte: À l'heure actuelle, le ministère et le ministre peuvent conclure des ententes de cogestion sans qu'aucune modification soit apportée à quelque loi que ce soit. Pour ce qui est de la modification qui doit être apportée à la Loi sur les pêches pour leur permettre de conclure de véritables partenariats, elle vise simplement à faire en sorte que les deux parties soient tenues en droit de respecter les termes de l'entente, et il n'est pas question de cela ici. Il n'est pas du tout question ici de la répartition des stocks de poissons. Il s'agit simplement d'intégrer l'élaboration d'un plan de gestion de pêche aux autres activités côtières. Puis, il y aura vraisemblablement un organisme qui sera chargé d'incorporer toutes les préoccupations de toutes les parties intéressées.
M. Boudreau: Je le répète, le ministre aura le droit d'établir une entente de partenariat ou de cogestion relativement aux diverses ressources, qu'il s'agisse du crabe, du homard ou de quelque autre ressource. Le ministre conservera la responsabilité de la ressource, mais l'entente de cogestion ou de partenariat permettra à l'organisme ainsi créé - nous l'avons vu, par exemple, dans le cas de la pêche hauturière aux pétoncles, où on a établi un partenariat...
Les pêcheurs de crabe viennent tout juste de conclure un partenariat après avoir été soumis au chantage des scientifiques, qui nous ont dit que s'il n'y avait pas de partenariat au plus tard vendredi, aucune évaluation scientifique de nos stocks ne serait faite. Ils nous ont également dit que ceux qui cherchent à conclure de ces partenariats pour l'an prochain veulent avoir leur mot à dire dans la gestion de la ressource.
Nous sommes d'avis que, grâce à ces partenariats, le ministre pourrait en dernière analyse conclure un partenariat avec un groupe de pêcheurs de crabe de la zone 12, par exemple, et confier à ce groupe la gestion de la ressource, bien qu'il en conserverait la responsabilité ultime; il demanderait au groupe de lui fournir de l'information concernant la pêche au crabe pour qu'il puisse ensuite décider si le régime existant pourra être maintenu l'année suivante. Je crois qu'aux termes de ce projet de loi, et après que l'autre loi aura été modifiée, le ministre pourra effectivement conclure de ces ententes de partenariat ou de cogestion avec les provinces ou avec d'autres groupes.
N'est-ce pas ce que prévoit le projet de loi?
Mme Mageau: Ce n'est pas là l'objet...
M. Boudreau: On ne fera pas cela?
Mme Mageau: Non, ce n'est pas là l'objet du projet de loi. Il s'agit d'initiatives distinctes. Dans ce cas-ci, le partenariat ferait partie intégrante du plan de gestion globale pour la zone en question. C'est à peu près tout ce que je peux vous dire à ce sujet. Nous n'avons aucunement l'intention de conclure des ententes secrètes. C'est ce que nous voulons éviter par ce processus.
M. Boudreau: Ce n'est pas du tout ce que je dis. Je dis toutefois que ce projet de loi autorisera le ministre à établir un partenariat avec la province de Terre-Neuve, de Nouvelle-Écosse ou avec quelque autre organisme. N'est-ce pas qu'il l'autorisera à faire cela à l'avenir?
Mme Mageau: Non. Les partenariats dont il est question ici sont des partenariats pour l'échange d'information. S'il nous manque des informations dans un secteur en particulier, nous pouvons vous inviter, vous, en tant que pêcheurs, à vous joindre à nous comme partenaires pour que vous puissiez nous aider à recueillir les données qu'il nous manque. Nous pouvons ensuite analyser les données. La province a les laboratoires qui peuvent faire ce travail. Voilà le genre de partenariats que nous... Le but ici est de gérer l'écosystème, de rendre notre action individuelle plus efficace. Nous voulons coordonner nos efforts de manière à obtenir au bout du compte un produit meilleur et plus complet.
M. Boudreau: D'accord. Je pourrais peut-être poursuivre ma lecture, car je crois que vous comprendrez une fois que j'aurai terminé.
C'est précisément un des principaux problèmes auxquels nous nous heurtons dans le secteur de la pêche atlantique en Nouvelle-Écosse. Nous avons des partenariats à des fins scientifiques, des partenariats à des fins d'application et des partenariats à plusieurs autres fins maintenant. Ces partenariats ne servent qu'à assurer au groupe ou à l'organisation en question le financement nécessaire pour faire le travail du gouvernement. Voilà pourquoi nous sommes préoccupés par la privatisation de l'industrie. Nous estimons que vous, c'est-à-dire le ministère des Pêches et des Océans, devriez continuer à assumer la responsabilité de la ressource.
Le président: Joe, je vous demanderais de bien vouloir terminer, puis je donnerai la parole à M. Scott.
M. Boudreau: D'accord.
Le président: J'espère que nous aurons dissipé une part de la confusion. Les observations que vous faites, même si elles ne s'appliquent pas au projet de loi dont nous sommes saisis, ont une certaine pertinence pour le travail de notre comité, qui est d'essayer de représenter les intérêts des pêcheurs et des autres parties intéressées.
Vous avez la parole.
M. Boudreau: Je poursuis donc ma lecture. C'est donc à cette autorité que reviendra le principal pouvoir décisionnel concernant la ressource. La responsabilité de la ressource incombera au gouvernement, mais le projet de loi C-98 lui permettra d'en assurer la gestion par l'entremise de partenariats privés, notamment avec des scientifiques.
Je voudrais vous expliquer en quel sens le gouvernement canadien aurait toute liberté pour privatiser notre industrie. Quand le gouvernement dit que le déficit est trop important et qu'il dépense ensuite des centaines de millions de dollars pour des programmes de formation bidon, des programmes d'application bidon, des groupes scientifiques et consultatifs... C'est contre ces programmes que les pêcheurs côtiers en ont justement. Nos organisations en font maintenant partie et reçoivent des fonds non seulement fédéraux, mais provinciaux aussi.
C'est le cas notamment du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques. Deux de nos représentants de la pêche côtière à ce conseil sont Sam Elsworth et Mike Belliveau. Il y a aussi le Canadian Council of Professional Fish Harvesters et la Fishermen and Scientists Research Society de la Nouvelle-Écosse, auxquels participent Randy Baker et Sam Elsworth - encore. Il y a aussi CanSea, qui assure une bonne partie de nos programmes de formation et, là encore, Randy Baker et Sam Elsworth y ont un rôle. Il y a la Nova Scotia Saltwater Sport Fishing and Charter Boat Association, qui est financée par le gouvernement provincial.
Pour ce qui est des autres provinces, il y a à Terre-Neuve Richard Cashin, le père Des McGrath et Earle McCurdy, et au Nouveau-Brunswick, Mike Belliveau et John Kearny. À l'Île-du-Prince-Édouard, il y a des personnes comme Rory McLelland, Buck Watts et Johnny Banks.
Diverses initiatives émanant du MPO, comme les codes individuels transférables, le contrôle au quai, la professionnalisation, les pêches centrales, le rapport Cashin lui-même, la stratégie sur la pêche autochtone et d'autres programmes semblables, ont reçu l'appui de ces organisations qui sont financées à même les deniers publics.
Les pêcheurs côtiers trouvent très curieux que la direction de ces organisations considère que les pêcheurs devraient être accrédités ou obligés de suivre les cours de formation qu'elles offrent. Imaginez être formé par quelqu'un qui est censé être à votre service, mais qui travaille en fait contre vous.
Cliff Fanning, du bureau de la Fédération des pêcheurs de l'Est a dit dans le numéro du 7 octobre 1995 du Cape Breton Post qu'il entérine le rapport Cashin, où on peut notamment lire que la moitié des pêcheurs côtiers devraient être retirés du système et que, comme les pêcheurs en abusent, il faudrait modifier le régime d'assurance-chômage.
Pareils changements profiteraient, non pas aux pêcheurs, mais aux organisations. Les pêcheurs qui continueraient à pêcher seraient obligés de suivre un programme de formation pour être accrédités comme professionnels aux yeux des organisations. Étant donné que nous avons mentionné M. Fanning... Peut-être que je ne devrais pas poursuivre.
Le problème, monsieur MacDonald, c'est la Loi sur les océans en tant que telle. Personne n'en avait même entendu parler avant la semaine dernière, personne de l'industrie de la pêche en Nouvelle-Écosse. Nous trouvons cela incroyable. Vous ne m'avez toujours pas confirmé que la Loi sur les océans ne permettra pas au ministre de privatiser un jour notre ressource. Si vous pouvez demander à votre conseiller juridique d'indiquer cela par écrit et de m'envoyer l'avis disant que cela ne se produira pas, je donnerai mon accord.
Le président: Joe, je ne suis pas avocat, mais je peux vous dire que nous examinons les projets de loi d'un oeil cynique ici. Tous les partis sont représentés. D'après la lecture que nous en faisons, ce projet de loi ne ferait aucune place à cette éventualité.
Je comprends votre inquiétude. J'en prends note. Je crois que quand nous examinerons d'autres mesures législatives, comme les modifications à la Loi sur les pêches, nous voudrons vous entendre sur ce sujet à ce moment-là.
Je voudrais que vous nous fassiez parvenir un avis juridique. Nous pourrions l'examiner et répondre ensuite. Même s'il s'agit d'un avis juridique, nos avocats n'ont pas toujours raison.
M. Boudreau: Et comment!
L'autre problème tient toutefois au fait que, même si la Loi sur les océans émane de nos dirigeants politiques, elle ne protégera pas nécessairement les pêcheurs côtiers.
Le président: Non...
M. Boudreau: Comme je l'ai dit, nous savons par expérience qu'aucune des lois émanant de l'industrie, en ce qui concerne par exemple le contrôle à quai ou le CIT, n'a profité aux pêcheurs côtiers. Je le répète, nous considérons que ce projet de loi entraînera des conséquences très graves pour les pêcheurs côtiers.
Le président: D'accord. Pouvez-vous nous envoyer cela? Vous pourriez peut-être vérifier pour savoir si vous seriez effectivement autorisés à nous envoyer cet avis juridique, car je voudrais que nous y répondions. Pour ce qui est des préoccupations énoncées dans votre exposé, si elles sont réelles, nous devrons y répondre également. Sinon, je crois que nous devrons rétablir les faits.
M. Boudreau: D'accord.
Avez-vous des questions à poser? Je resterai tout le temps qu'il faudra.
Le président: Monsieur Scott.
M. Scott: Bonjour, Joe. Je suis Mike Scott.
Monsieur le président, il me semble qu'il y a une certaine confusion quant à ce que prévoit cette loi et ce qu'elle ne prévoit pas. Sauf tout le respect que je dois à ceux qui nous ont dit que l'intention n'est pas de conférer au ministre des pouvoirs relatifs aux pêches, je n'en suis toujours pas sûr. Nous savons que le projet de loi C-98 étendra les pouvoirs du ministre dans certains domaines. Je ne pense pas que personne puisse dire le contraire.
Je ne suis toujours pas sûr de la mesure dans laquelle ces pouvoirs seront accrus et je ne sais pas non plus s'il pourrait y avoir des répercussions pour la Loi sur les pêches ou pour certaines des autres questions que M. Boudreau a soulevées. Je crois qu'il vaut la peine d'explorer cela un tout petit peu plus afin de savoir exactement quelles seraient les répercussions du projet de loi C-98 par rapport à la Loi sur les pêches et aux préoccupations soulevées par M. Boudreau et Cameron Mackenzie.
Le président: Je suis d'accord avec vous. C'est pourquoi je lui ai demandé de nous faire tenir copie de son avis juridique - et je ne plaisantais pas quand j'ai dit cela - , car je crois qu'il nous serait utile d'avoir l'interprétation d'un avocat quant aux conséquences du projet de loi.
Je crois que notre comité pourrait explorer cela. Il pourrait examiner l'avis et soit le confirmer, soit le réfuter. Je crois qu'il est important que nous intervenions en ce sens, car c'est l'impression qu'on a, et il faut soit la confirmer, soit l'infirmer.
M. Boudreau:Et vous nous ferez parvenir votre avis juridique où vous répondrez par l'affirmative ou par la négative, ou par un oui ou un non, ou je ne sais trop quoi encore...
Le président: Vous avez soulevé une question qui mérite d'être tirée au clair. Pourriez-vous nous envoyer cela? Envoyez-le par fax. Ne l'envoyez pas par le courrier. Les attachés de recherche et le greffier peuvent donner suite à un fax assez rapidement. Le comité pourra ensuite l'examiner et obtenir des précisions. C'est manifestement une question qui soulève l'inquiétude.
M. Boudreau: J'ai un autre point à soulever en ce qui concerne les modifications qui doivent être apportées à la Loi sur les pêches. Savez-vous ce qu'elles contiendront? Y a-t-il quelqu'un au comité qui le sait? Est-ce possible? Quand ces modifications seront-elles proposées?
Le président: Joe, tout ce que nous savons... Le comité ne reçoit pas de préavis. Quand le projet de loi est déposé à la Chambre, les porte-parole de l'opposition et les députés ministériels en sont généralement informés et peuvent participer à une séance d'information.
Tout ce que nous savons, c'est que les mesures devaient être prêtes au début de novembre. Le processus a peut-être été ralenti quelque peu par ce qui s'est passé au cours de la dernière semaine et demie, mais je pense bien que nous devrions recevoir les modifications à la Loi sur les pêches sous peu, peut-être d'ici une semaine ou 10 jours. La mesure législative fera alors l'objet d'un débat public, et je crois que nous tiendrons de très longues audiences sur le sujet et que nous tiendrons peut-être des audiences dans les régions. Ainsi, dès que nous la recevrons, nous vous la communiquerons.
M. MacKenzie: Je voudrais obtenir un éclaircissement. L'industrie cherche une forme de protection contre l'élargissement du pouvoir du ministre. Le projet de loi ne prévoit aucune protection en ce sens, monsieur MacDonald, et c'est ce que nous demandons; nous demandons à être protégés contre un élargissement...
Le ministre a déjà un pouvoir discrétionnaire absolu, de toute façon. C'est un dieu. Quelle protection avons-nous? Voilà ce que nous demandons.
Le président: Nous avons pris vos questions en note. Si vous voulez bien nous faire parvenir l'avis juridique, nous aurons alors le document sur lequel vous fondez vos arguments. Nous y répondrons dès que nous l'aurons reçu.
Alors, messieurs, je vous remercie énormément.
M. Boudreau: Merci.
M. MacKenzie: Merci.
Le président: Le témoin suivant est ici à Ottawa. Mon Dieu, où sommes-nous? C'est elle la suivante.
Les autres peuvent rester et écouter ce qu'elle a à dire. Prenez une autre tasse de café, Irene.
Mme Irene Novaczek (coordonnatrice des pêches, Environmental Coalition of Prince Edward Island): Vous me l'offrez?
Le président: D'accord.
De la Area 19 Snowcrab Fishermen's Association nous accueillons maintenant Deborah M. Baker, avocate.
Mme Deborah M. Baker (avocate et procureure, Area 19 Snow Crab Fishermen's Association): Je vous remercie.
Avant de vous lire notre mémoire, monsieur le président, je tiens à faire remarquer, sans vouloir trop insister sur cette question difficile, que j'ai participé à une table ronde à laquelle ont également participé M. Boudreau, M. MacKenzie et Irene, et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de confusion quant aux pouvoirs que la Loi sur les océans confère au ministre et quant aux conséquences des modifications qui seront apportées à la Loi sur les pêches. Notre mémoire porte plutôt sur les modifications à la Loi sur les pêches, mais comme mes clients m'ont payée pour que je vienne ici aujourd'hui, je serais reconnaissante si le comité voulait bien me permettre de lire le texte du mémoire aujourd'hui pour que tout le monde ait une idée de notre point de vue, et accepter qu'il soit consigné au compte rendu quand les audiences sur la Loi sur les pêches auront lieu.
De plus, en ce qui concerne la Loi sur les océans, même s'il n'y aura pas de partenariats avec les pêcheurs dans certains domaines visés par cette loi, je pense qu'il y en aura peut-être, par exemple, dans l'application de la loi et la collecte de données scientifiques. En fait, les pêcheurs pourraient s'engager dans un partenariat pour obtenir certaines données hydrographiques prévues par la Loi sur les océans. Ainsi donc, je pense que nous avons encore quelque chose d'intéressant à dire.
Le président: Je ne sais pas comment cette confusion a commencé.
Mme Baker: C'est très troublant. Notre groupe et la table ronde ne savent plus où donner de la tête.
Le président: Le ministère a-t-il donné une séance d'information à la table ronde?
Mme Baker: Non.
Le président: Quelqu'un du ministère est-il venu...?
Mme Baker: Robert Chisholm était l'animateur.
Le président: Il est membre du Nouveau Parti démocratique, qui est dans l'opposition.
Mme Baker: En effet.
Le président: Ce parti a-t-il donné une séance d'information sur une loi fédérale? Est-ce cela qui a causé la confusion?
Mme Baker: Je pense que des opinions ont été exprimées; il n'y a pas eu de séance d'information.
Le président: Très bien. C'est dommage que cela soit arrivé...
Mme Baker: C'est vraiment dommage.
Le président: ...et à un moment donné, je vais parler à M. Chisholm pour lui dire de demander la participation du ministère avant de prendre une telle initiative. C'est ce qu'il faut faire pour expliquer un nouveau projet de loi.
Il y a probablement de la confusion parce que le ministère envisage un certain nombre de choses, notamment les droits d'accès. Étant donné qu'il y a eu des consultations à ce sujet, c'est peut-être là que la confusion a commencé.
Mme Baker: Si l'on n'est pas bien informé, il va se dire beaucoup de choses négatives à propos des amendements relatifs aux pêches dans cette loi, ce qui est tout à fait inutile.
Le président: Pendant que vous êtes ici, tout ce que vous direz qui ne s'applique pas à ce projet de loi-ci, mais qui s'appliquera au suivant...
Mme Baker: Écoutez d'une autre oreille.
Le président: D'accord.
Mme Baker: Au nom de la Area 19 Snow Crab Fishermen's Association de Chéticamp, en Nouvelle-Écosse, je tiens à remercier les membres du comité de témoigner de l'intérêt pour nos observations et nos préoccupations. J'espère que votre intérêt pour l'opinion des pêcheurs va durer, car ces derniers et leurs communautés s'engagent dans un partenariat avec le ministères des Pêches et des Océans dans le cadre d'une nouvelle stratégie de gestion des océans.
La Area 19 Snow Crab Fishermen's Association, ou SCFA, a été créée en 1984, et est maintenant constituée en personne morale en vertu des lois de la Nouvelle-Écosse. L'association compte 74 membres, qui détiennent tous des permis de pêche au crabe des neiges, y compris trois permis pour des membres autochtones. Nos membres pêchent le crabe le long de la côte sud du golfe du Saint-Laurent, qui est aussi la côte ouest du Cape-Breton.
Tous les membres de l'association sont des propriétaires exploitants qui embauchent deux ou trois membres d'équipage pendant la saison de pêche au crabe. Bon nombre d'entre eux ont beaucoup d'expérience dans le secteur de la pêche, et beaucoup détiennent des permis de pêche au homard et au poisson de fond.
La principale raison pour laquelle nous comparaissons devant vous aujourd'hui, c'est pour exprimer notre appui au ministre qui a pris la grande initiative de réviser un projet de loi sans précédent au Canada, dans la mesure où il adopte une démarche holistique et participative pour la gestion de nos ressources côtières, qui sont énormes et diversifiées.
Nous savons qu'il y a peut-être des témoins qui comparaissent devant vous et qui ne sont peut-être pas aussi enthousiastes que nous. Certains vont parler au nom des pêcheurs, d'autres vont proposer des modifications au projet de loi, et d'autres encore vont tenter de retarder l'adoption de ce projet de loi, ou de l'arrêter tout simplement. Étant donné que nous avons participé volontairement à des stratégies de gestion de la pêche au crabe des neiges dans notre région, nous connaissons très bien les avantages découlant de la cogestion, non seulement pour nous, mais aussi pour d'autres membres de la collectivité.
À maintes reprises, nous avons renoncé volontairement à une partie de nos quotas individuels pour promouvoir la conservation des stocks et partager avec d'autres pêcheurs dans notre collectivité. Nous avons appuyé le Programme de surveillance à quai et nous y avons participé volontairement; et cette année, nous avons signé avec le ministère des Pêches et des Océans un contrat en vertu duquel nous devons participer financièrement aux études scientifiques portant sur les stock de crabe.
Nous avons montré que, même si les soi-disant professionnels et bureaucrates peuvent concevoir des programmes détaillés qui sont censés apporter des solutions à certains problèmes perçus, les pêcheurs, qui ont un intérêt direct dans la ressource et dans la collectivité, sont les plus efficaces et les plus habiles à trouver les solutions appropriées aux véritables problèmes.
Au printemps dernier, quand il a été question d'un projet pilote visant à redistribuer les revenus de notre groupe à des pêcheurs sans permis, nous avons conçu un plan en vertu duquel de nombreux autres pêcheurs sans permis ont pu pêcher du crabe et qui a permis de mieux protéger la ressource que le MPO ne l'avait prévu. Nous sommes fiers de nos réalisations dans ce domaine et nous remercions le MPO d'avoir écouté nos préoccupations et de nous avoir aidés à obtenir de meilleurs résultats pour tout le monde.
Nous croyons que les avantages découlant de l'application d'un modèle bureaucratique centralisé et hiérarchique à l'industrie de la pêche sont épuisés. Si dans l'avenir nous-mêmes et les enfants de nos enfants voulons profiter des énormes ressources océaniques du Canada, il est impératif que les pêcheurs que nous sommes en assurent la garde, et que le gouvernement joue un rôle plus actif en nous écoutant et en adoptant des politiques au lieu d'offrir des programmes.
Personne ne comprend mieux qu'un pêcheur que les programmes du MPO ont été motivés par les intérêts de certains groupes plutôt que par ceux des personnes qui sont directement touchées, et par des préoccupations politiques plutôt que par la nécessité d'une gestion responsable. D'une manière générale, les programmes du MPO n'ont pas eu la capacité de disparaître au moment approprié, et ils ont été rarement axés sur les ressources ou sensibles aux besoins. Au contraire, ils ont été fondés sur la volonté des politiciens de se faire réélire.
Par conséquent, les programmes du MPO ont souvent entraîné une fragmentation des systèmes de prestation de services et un épuisement des ressources. Nous appuyons sans réserve le document intitulé Une vision pour la gestion des océans, dans lequel le ministre Tobin déclare que nous devons tourner le dos aux solutions faciles, partielles, ponctuelles et à court terme qui ont entraîné une surexploitation des ressources. Les membres de la Area 19 Snow Crab Fishermen's Association veulent participer, en tant que partenaires à part entière et en tant que citoyens responsables, à la formulation d'une nouvelle vision de notre rôle et du rôle du gouvernement dans la gestion de nos ressources côtières.
En ce qui concerne le projet de loi C-98, c'est-à-dire la Loi sur les océans, nous avons des observations et des préoccupations précises à formuler, et que nous allons en présenter aussi relativement aux modifications à la Loi sur les pêches. Dans la partie II, l'article 33 autorise le ministre à coordonner et à faciliter les stratégies et les initiatives de gestion, et lui donne précisément le pouvoir de «conclure des accords», ce qui constitue une augmentation importante des pouvoirs ministériels prévus dans la Loi sur les pêches. Nous espérons que cet article prévoie la conclusion d'accords de partenariat entre le secteur public et le secteur privé en ce qui concerne la prestation de services et la gestion des stocks de poisson.
Le paragraphe 33(2) permet au ministre de consulter des personnes intéressées. À notre avis, au lieu de donner au ministre un pouvoir discrétionnaire quant à la consultation des groupes intéressés, la loi devrait imposer une consultation des personnes ayant des droits acquis en la matière. Nous estimons en effet que, si la cogestion et le partenariat doivent avoir un sens, le processus de consultation doit être obligatoire.
Nous pensons aussi que l'on accorde beaucoup trop d'importance aux opinions et aux positions des personnes qui prétendent avoir un intérêt dans d'autres sortes de questions d'ordre public, alors qu'elles n'ont en fait qu'un intérêt intellectuel ou spirituel. S'il faut considérer de telles personnes comme étant de véritables intervenants et leur donner la possibilité d'influer sur la politique, il faut alors qu'elles investissent dans ce secteur. Ce n'est qu'à ce moment-là qu'il y aura des possibilités équitables pour les vrais intervenants, c'est-à-dire ceux qui ont choisi d'investir dans la ressource et dans leur avenir, d'exprimer leurs opinions et leurs préoccupations. Ces préoccupations seraient donc valables parce qu'elles seraient fondées sur l'expérience, et les intervenants risqueraient de subir des pertes réelles et mesurables si les stratégies de gestion échouaient.
Dans la partie III, nous estimons que le libellé de l'article 49, où l'on autorise le ministre, sous réserve de la réglementation du Conseil du Trésor, à fixer les prix à payer pour la fourniture de services ou d'installations, est ambigu. Nous ne voyons aucune définition du mot «installation», et nous nous demandons si cette fixation de prix ne devrait pas être assujettie à des exceptions; ainsi, les prix à payer pour une installation, prévus dans le cadre d'un accord de partenariat par exemple, seront fixés par les partenaires.
Nous demandons des éclaircissements sur cet article et nous demandons l'assurance que cela ne permettra pas au ministère de taxer doublement, pour ainsi dire.
L'article 50, qui donne aussi au ministre la possibilité d'imposer des frais pour des produits, droits et avantages, nous préoccupe également beaucoup en ce qui concerne les accords de partenariat et les structures de prix double. D'après notre conception du partenariat entre les secteurs public et privé, bon nombre de services qui ont été fournis jusqu'ici par générosité gouvernementale pourraient être confiés en sous-traitance au secteur privé. Ce transfert de services viserait à diminuer les coûts et la nécessité d'imposer des frais.
Dans les cas où les pêcheurs assument le coût de services comme la surveillance à quai, la collecte de données et la recherche scientifique, nous estimons que les prix des produits, droits et avantages se rapportant à ces services doivent être ajustés en conséquence si l'on veut éviter une discrimination flagrante et l'imposition d'un prix double.
La viabilité de l'industrie de la pêche au Canada dépend dans une grande mesure de sa capacité de soutenir la concurrence sur les marchés étrangers. Certaines pêches, comme celle du crabe des neiges, dépendent presque entièrement des marchés d'exportation. Étant donné que nous assistons à la décentralisation du gouvernement et que nous allons assumer d'autres responsabilités et coûts, nous exhortons le ministère à être vigilant et responsable dans la décentralisation afin que les coûts supplémentaires liés à la cogestion ne menacent pas notre position concurrentielle à l'étranger.
La collecte de données, les études de marché et la diplomatie doivent demeurer des prérogatives gouvernementales, car même si nous sommes en mesure de contribuer à la gestion du pays dans le régime proposé, le gouvernement doit encore rester à la barre.
Enfin, même si nous saluons cette nouvelle loi, nous constatons que sa portée est très large et que beaucoup de questions vont encore être réglées par décret. Le ministre Tobin a déclaré qu'il a délimité le terrain, mais qu'il incombera aux joueurs de déterminer les mécanismes précis, la planification et les structures de gestion, les lignes directrices et les normes nécessaires pour assurer une utilisation durable des océans et de leurs ressources.
Les membres de la Area 19 Snow Crab Fishermen's Association, qui ont déjà démontré le rôle positif et productif que les pêcheurs peuvent jouer dans la cogestion des ressources, implorent le gouvernement de donner aux pêcheurs de notre pays un rôle préventif à jouer dans le processus de consultation et de réglementation, et de reconnaître leur intérêt dans la ressource.
Pendant plus d'un siècle, nous avons été traités comme si la nature se contentait de nous donner du poisson, à l'exclusion de tous les autres citoyens, alors qu'en fait nous achetons du poisson en investissant dans les navires, dans l'équipement et dans notre travail. Nous constituons le seul groupe de consommateurs dont les investissements ne sont pas assurés et dont les intérêts ne sont pas protégés par la loi. Nous avons été traités comme des locataires annuels n'ayant aucune assurance d'une saison à l'autre, et pourtant l'on s'attend à ce que nous soyons gardiens et protecteurs de la ressource. Nous avons été traités comme si nous n'avions pas d'opinion valable et comme si nous ne connaissions pas la ressource, et pourtant les pêcheurs ont à maintes reprises montré les limites de la science.
Nous estimons que cette nouvelle loi et les modifications proposées à la Loi sur les pêches nous donnent finalement une occasion, non seulement d'être entendus, mais aussi de participer activement à notre destin. Nous sommes prêts à relever ce défi.
Le président: Merci beaucoup. Votre exposé est tout à fait pertinent. Vous avez souligné certaines questions relatives à la cogestion ainsi que les intérêts qu'il faut consolider dans la loi.
Je pense que la plupart des membres du comité conviendront qu'il est inquiétant de régler trop de choses par voie de règlement, mais ce que vous avez dit, surtout en ce qui concerne l'intérêt des pêcheurs dans l'élaboration de plans de gestion des ressources marines, est absolument vrai, à mon avis. C'est exactement ce que doit viser le projet de loi. Il doit dénoncer certains intérêts. De toute évidence, les pêcheurs sont parmi les principaux intervenants, et je suis d'accord avec vous quand vous dites que trop souvent par le passé on les a considérés uniquement comme des locataires, mais l'on s'attend aussi à ce qu'ils soient les gardiens de la ressource.
À maintes reprises, les membres du comité ont entendu des pêcheurs déclarer que si quelqu'un s'était donné la peine de les écouter, ils auraient dit que certaines espèces étaient menacées. Si l'on s'était donné la peine de les écouter, ils auraient dit que l'octroi de permis d'utilisation de nouvelles technologies de pêche serait dangereux pour les stocks et qu'il y aurait un changement.
Trop souvent, on considérait les pêcheurs comme des personnes qui allaient simplement lancer leurs lignes pour attraper du poisson. On n'accordait aucune importance à leur participation. C'est ainsi que nous avons assisté à des effondrements et des bouleversements catastrophiques et cataclysmiques dans les pêches.
Je suis d'accord avec vous, et je pense que vous avez fait un excellent travail en mettant l'accent sur les questions que nous voulons régler dans le projet de loi.
Mme Baker: Nous sommes particulièrement préoccupés par la question des intervenants. De nos jours, la mode semble être aux médiations, aux négociations et aux tables rondes avec des intervenants, mais personne n'a dit qui sont ces intervenants. J'espère que le comité permanent et le ministère vont régler ce problème en ce qui concerne la cogestion, car nous risquons de piétiner pendant des années si n'importe quel individu qui prétend être préoccupé par la pêche se retrouve autour de la table. Cela nous inquiète beaucoup.
M. Wells: Je tiens également à vous remercier, Deborah, pour votre bon exposé. Je pense que vous avez fait un excellent travail. J'ai quelques questions à vous poser.
Nous avons entendu les représentants de la Area 18 Snow Crab Fishermen's Association, et leur témoignage était différent du vôtre. Vous semblez avoir adopté une démarche différente. J'aimerais savoir en quoi consiste la différence entre vos deux associations. Pourquoi y a-t-il une telle différence?
Mme Baker: Géographiquement, nos associations sont voisines. Entre nous, il y a une ligne imaginaire. Je dirais que le groupe que je représente a suivi une voie différente en s'efforçant de concevoir des plans de gestion des ressources avec le ministère des Pêches et des Océans. Je ne peux pas en dire plus, à moins que vous ne vouliez me poser des questions précises. C'est la position politique qui différencie les deux zones. Mais il est évident que la zone 18 a pris une position différente en ce qui concerne la distribution de crabes aux pêcheurs sans permis au printemps dernier.
M. Wells: Ces zones ne sont pas situées dans ma circonscription; je ne connais donc pas assez bien les groupes...
Mme Baker: Le ministre des Pêches et des Océans a décidé d'étaler le quota de crabe pour en donner à certains pêcheurs sans permis qui n'avaient pas de quota individuel. Cela a suscité un tollé parce que les pêcheurs de toute la région côtière et de tout le golfe du Saint-Laurent, je crois, ont estimé que leur quota était raisonnable. Auparavant, la pêche avait été mauvaise, et ils commençaient seulement à combler leur manque à gagner. Leurs coûts étaient à la hausse, et les stocks allaient décliner; par conséquent, ils ne voulaient vraiment pas de redistribution du crabe à ce moment-là.
On a présenté à notre groupe un projet pilote dans le cadre duquel 19 nouveaux permis de pêche au crabe seraient délivrés dans notre zone. Nous n'avons pas particulièrement apprécié ce projet, et nous avons conçu le nôtre, ce qui nous a permis de distribuer des permis de pêche au crabe à 34 pêcheurs, et nous avons réussi à négocier d'autres ententes mineures avec le ministère.
À cet égard, nous avons adopté une position différente de celle de la zone 18. Je pense qu'elle ne voulait pas renoncer à son quota de crabes. Nous l'avons fait volontairement pour pouvoir redistribuer. Nous avons négocié et cédé une partie de notre quota.
M. Wells: Les pêcheurs des zones 18 et 19 pêchent-ils dans le même secteur, ou vos secteurs de pêche sont-ils également séparés par une ligne imaginaire?
Mme Baker: Je ne le sais pas vraiment. Nous pêchons dans une espèce de couloir, qui est une zone d'eau profonde au large de la côte. J'ignore si ce couloir traverse la zone 18, mais je pense qu'il s'agit probablement du même stock de crabes. Je ne puis vous donner un avis d'expert à ce sujet.
M. Wells: Je pense que nous avons tous été troublés par les observations relatives à la confusion qu'il y a eu à la table ronde. Je sais que certaines personnes ayant d'autres motifs font de la désinformation. Savez-vous d'où vient cette désinformation? Votre association en a-t-elle une idée?
Mme Baker: La seule information que nous ayons reçue provenait de la table ronde à laquelle j'ai assisté.
M. Wells: Savez-vous où la table ronde a obtenu cette information? Avez-vous pu le savoir pendant que vous y étiez?
Mme Baker: Pour votre gouverne, la table ronde a d'abord été organisée pour examiner certaines lois provinciales que les participants encourageaient le gouvernement provincial à adopter. Les membres d'organisations comme la nôtre, qui avaient des stratégies de cogestion avec le ministère des Pêches et des Océans et qui devaient signer un accord scientifique, par exemple, auraient un moyen d'imposer certains prix à leurs membres. En l'absence d'une loi quelconque et d'un mécanisme d'application, certaines personnes ne voudraient simplement pas payer leur cotisation.
En fin de compte, les débats autour de la table ronde - je n'ai assisté qu'à deux tables rondes, et je pense qu'il y en a eu quatre - étaient concentrés davantage sur la Loi sur les océans et sur les amendements à la Loi sur les pêches. Autant que je sache, deux personnes seulement avaient des exemplaires du projet de loi sur les océans, et l'on en a discuté abondamment. Robert Chisholm était l'animateur, même si, à mon avis - et je fais de l'animation dans le cadre de la médiation - il n'était absolument pas neutre. On lui a demandé sa position politique, et il l'a énoncée à la table ronde. Il n'y avait pas de consensus, par exemple, en ce qui concerne la lettre qui a été signée par les participants et envoyée au ministre. Ce document ne faisait pas l'objet d'un consensus.
Autant que je sache, les participants représentaient diverses associations de pêcheurs, mais moins de la moitié de ces organisations étaient représentées. Je ne sais pas si les informations ont été envoyées aux organisations pour susciter l'opinion des membres. Je n'aime pas citer des chiffres, mais 20 ou 30 p. 100 seulement des pêcheurs de la Nouvelle-Écosse sont organisés. Par conséquent, les résultats de cette table ronde ne représentent pas, à mon avis, l'opinion des pêcheurs sur ce qui se passe. Autant que je sache, le ministère des Pêches et des Océans n'a pas pris les devants pour expliquer les deux projets de loi aux associations de pêcheurs.
M. Wells: Je pense que ces observations sont justes, et nous sommes heureux de les entendre. Nous sommes troublés par certaines informations, mais elles circulent. Je les ai entendues, et je pense que nous avons l'obligation de communiquer. Merci pour votre témoignage. Une fois de plus, c'était excellent, et nous vous en remercions.
La vice-présidente (Mme Payne): Y a-t-il d'autres questions avant le départ de Mme Baker?
Merci beaucoup.
Le témoin suivant est Mme Irene Novaczek, coordonnatrice des pêches, que nous recevons sur vidéo.
Bienvenue, Irene. Avez-vous un exposé à lire?
Mme Novaczek: Oui.
Je tiens à remercier le comité de m'avoir invitée à exprimer mon opinion sur la Loi sur les océans. Je dois dire que je suis très déçue que vous ne soyez pas venus sur la côte pour discuter de cette importante loi avec bon nombre d'intervenants de la région. La collaboration des personnes vivant et travaillant dans les collectivités côtières sera essentielle au succès futur de cette loi qui vise à assurer la durabilité de la zone côtière.
Le 23 octobre, j'ai participé à la table ronde avec les représentants des associations de pêcheurs. Les participants étaient troublés par le fait que ni le ministère des Pêches et des Océans ni votre comité n'avait essayé de leur donner des informations ou l'occasion de contribuer à la portée et au contenu du projet de loi.
Je suis présidente du caucus sur les océans, qui est un réseau de quelque 70 organisations environnementales soucieuses de la santé des océans et, à un degré moindre, de la gestion des pêches. Au sein de la collectivité, nos membres sont également alarmés par le fait que nous n'ayons pas été invités à participer à l'élaboration du projet de loi. Depuis le jour où le ministre a déposé son document de réflexion l'automne dernier, nous demandons que l'on nous donne l'occasion de nous prononcer sur la teneur de ce projet de loi. Les pêcheurs sont tout aussi frustrés qu'on leur impose cette mesure qui leur est inconnue et à laquelle ils n'ont pas participé.
C'est moi qui ai informé les participants de la table ronde de l'existence du projet de loi et de cette consultation, et qui ai exhorté les associations de pêcheurs à s'inscrire sur la liste pour vous parler. Autant que je me souvienne, M. Boudreau et moi-même étions les deux personnes autour de la table qui avions des exemplaires de la Loi sur les océans et qui avons tenté de donner une idée de sa teneur. Le fait que ce soit moi qui ai présenté cette information aux associations de pêcheurs illustre à quel point le processus a été mauvais. C'est pour cela que le projet de loi aura plus de pourfendeurs que de défenseurs parmi les pêcheurs et leurs collectivités.
Il ne fait aucun doute que le Canada a besoin d'une loi sur les océans efficace pour mettre fin à la dégradation progressive de notre zone côtière. En l'absence d'un cadre de gestion intégrée, nous n'aurons pas les moyens de suivre, de comprendre et de gérer nos activités et leurs répercussions sur l'écosystème. Nous ne savons pas non plus ce qu'il faut protéger ou préparer pour assurer la santé des écosystèmes océaniques qui soutiendront la faune, les pêches et les collectivités humaines pour les prochaines générations.
La partie I de la Loi sur les océans jette les bases de la ratification du droit de la mer, que nous attendons depuis longtemps. D'une manière générale, je ne vois aucun problème dans cette partie de la loi, même si, conformément à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, nous aimerions que l'on définisse une zone économique exclusive comme patrimoine commun de tous les Canadiens, de la même façon que la haute mer est considérée comme le patrimoine commun de toute l'humanité.
À la fin de la partie II, il y a un paragraphe relatif à la modification des règlements promulgués en vertu de la loi. Tandis que les règlements originaux seront publiés dans la Gazette du Canada afin que la population ait le temps de les commenter, les modifications apportées à ces règlements ne le seront pas. Selon le contenu des règlements et des amendements éventuels, l'absence d'un processus de consultation du public quant aux amendements pourrait poser un problème.
À mon avis, c'est la partie II, que l'on présente comme le cadre d'habilitation de la gestion intégrée, qui mérite d'être modifiée. Elle commence par une déclaration selon laquelle la stratégie de gestion ne s'applique pas aux lacs, fleuves et rivières. Je crois comprendre le pourquoi de cette disposition, car il y a eu récemment des initiatives d'harmonisation des lois fédérales et provinciales. Une stratégie d'harmonisation vise à transférer des responsabilités fédérales relatives à l'habitat du poisson des eaux intérieures du ministère des Pêches aux ministères provinciaux et à Environnement Canada.
Cependant, le ministère des Pêches conservera toujours la responsabilité constitutionnelle en ce qui concerne cet habitat. Qui plus est, l'apport des cours d'eau et les pratiques d'utilisation du sol dans les bassins hydrographiques sont essentiels à la santé des écosystèmes marins et ne peuvent pas être dissociés de la gestion de la zone économique exclusive.
Je demanderais donc au comité de préciser l'intention du ministère des Pêches quand il fait cette déclaration et de trouver un moyen quelconque pour que ce projet de loi ne mette pas en place des frontières artificielles qui réduiraient l'efficacité de la loi en matière de gestion des ressources côtières.
Dans les paragraphes qui suivent, il est question d'une stratégie nationale de gestion, ce qui donne à entendre que le gouvernement songe peut-être à imposer un modèle unique aux trois littoraux. Ce serait une erreur, étant donné la diversité de nos littoraux et la nécessité d'une approche de gestion qui soit appropriée aux régions.
Je vous demande donc instamment de trouver un libellé qui reconnaît cette diversité. Qu'on parle simplement de «stratégies de gestion appropriées aux régions» qui soient reconnues à l'échelle nationale ou qu'on emploie une autre formule, il est très important de reconnaître qu'une formule universelle ne saurait convenir ni être envisagée. Cela ne devrait pas être un objectif du projet de loi parce que ce ne serait pas un progrès.
La section suivante traite de ce qu'on appelle les deux principes fondamentaux de la stratégie de gestion. Ils me semblent tout à fait inadéquats. Premièrement, le développement durable - qui change de sens selon l'interlocuteur à qui l'on s'adresse - n'est pas, à mon avis, un principe. C'est un but.
La gestion intégrée n'est pas non plus vraiment un principe reconnu en droit international ni autrement. Elle pourrait être considérée comme un outil, mais à ma connaissance il n'en n'existe pas de définition standard et cette notion n'a pas été utilisée dans les ententes internationales pertinentes que le Canada a négociées au cours des dernières années.
J'estime que la durabilité est certainement un objectif utile pour ce projet de loi et qu'il faut précisément énoncer quatre principes fondamentaux. On pourrait le faire dans cette section. Encore mieux, on pourrait inclure une disposition d'objectifs au tout début du projet de loi pour en énoncer très clairement l'objectif. C'est une pratique courante, et je m'étonne que cela ne se trouve pas au tout début du présent projet de loi.
Il faut s'appuyer sur des principes fondamentaux si l'on veut viser la durabilité. Il faut utiliser une approche écosystémique. Il faut s'appuyer sur le principe de prudence. Il faut assurer l'équité entre les générations - ce qui nous ramène à l'objectif de durabilité - de manière à respecter les droits des générations futures de même que les objectifs économiques à court terme de notre génération. Et il faut assurer la justice sociale.
Il m'apparaît très clairement en tant qu'écologiste que nous n'assurerons jamais une gestion environnementale responsable s'il n'y a pas de justice sociale. Les deux doivent nécessairement aller de pair faute de quoi cela ne marche pas.
Un engagement déclaré envers ces principes rendrait le projet de loi conforme aux engagements qu'a déjà pris le Canada aux termes de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, de la Convention des Nations unies sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs, qui vient tout juste d'aboutir à une heureuse conclusion, et de la Convention des Nations unies sur la biodiversité. Ces trois conventions sont très importantes et ont un lien très net avec la durabilité de nos écosystèmes marins.
Un engagement précis à tenir compte en priorité des besoins des collectivités côtières et des pêcheurs qui ont un lien historique avec les ressources marines et qui en dépendent irait aussi dans le sens du code de conduite de la FAO qui préconise un comportement responsable en matière de pêche. Le gouvernement du Canada et des organisations non gouvernementales du Canada ont contribué à la rédaction de ce code et nous sommes moralement tenus de le respecter. Une partie du code mentionne bien précisément la primauté des droits des communautés côtières et des pêcheurs traditionnels sur ces ressources marines qui les entourent et dont ils dépendent. Si le texte de loi ne garantit pas une sécurité minimale aux communautés côtières et aux petits pêcheurs, nous laisserons passer une excellente occasion de protéger notre culture côtière et d'amener la population côtière à adhérer à cette loi et à ses principes.
Vous avez déjà entendu aujourd'hui - j'étais ici et j'ai entendu les orateurs qui m'ont précédée - à quel point il importe que cette loi garantisse une certaine sécurité aux pêcheurs et à leurs collectivités, surtout en cette ère de mondialisation et de privatisation. Nos zones côtières sont à un moment critique de leur histoire.
La coopération spontanée des populations côtières est notre meilleur espoir de protéger nos ressources marines et les gérer de façon rationnelle. Je songe à l'exemple du Japon. En tant que pêcheurs au long cours, ils ne sont pas nécessairement le meilleur exemple à suivre, mais pour ce qui est de la situation des collectivités côtières, le gouvernement du Japon a légiféré pour mettre en place des mesures de protection qui protègent ces populations et leurs collectivités et leur garantit à perpétuité l'accès à leurs ressources locales. C'est une mesure que le Canada aurait dû prendre depuis longtemps.
En général, je suis troublée par le nombre de fois où apparaît le mot «may» dans les parties II et III du projet de loi. Il est bien certain que le ministre devrait avoir le devoir, et non pas un pouvoir discrétionnaire, d'élaborer les politiques et les programmes nécessaires pour encourager une gestion qui tienne compte des écosystèmes. Après tout, c'est là, en vertu de la Constitution, une responsabilité du gouvernement fédéral.
La disposition qui traite des conditions de création d'organismes de gestion ou de consultation est particulièrement discutable, tant pour moi qui suis écologiste que pour tous les pêcheurs avec qui j'en ai parlé.
D'une part, le MPO s'apprête à appliquer le principe utilisateur-payeur pour tout: les permis, la surveillance, la collecte de données, l'entretien des quais, le dragage des ports, les comptes rendus météorologiques, les cartes marines, etc. On dit aux pêcheurs d'accepter ces charges au moment même où l'on réduit ou même supprime leurs contingents et leurs moyens de subsistance, réductions largement imputables à l'incurie du MPO et au pillage des ressources par des pêcheurs commerciaux qui emploient des technologies hautement destructrices.
Au moment même où l'on dit aux pêcheurs d'assumer la responsabilité de la gestion des ressources et d'en payer le prix, on propose une loi qui les empêcherait d'élire des représentants à ces organismes de gestion étant donné qu'il est clairement dit dans le projet de loi que le ministre nomme - et c'est l'une des rares fois où l'on emploie l'indicatif - les membres de ces organismes de gestion.
J'ai déjà entendu dire que les groupes d'intéressés nommeront leurs représentants. S'il doit en être ainsi, qu'on le dise bien clairement. Si leurs représentants sont nommés selon un processus démocratique à l'intérieur des groupes ou des secteurs d'intérêt, je ne pense pas que le ministre doive avoir le pouvoir discrétionnaire de dire: «Ah non, je n'aime pas cette personne, son allégeance politique ne me convient pas, nous ne l'accepterons donc pas, et nous retiendrons quelqu'un d'autre».
Ce serait injuste et antidémocratique, et dans une loi fédérale je trouve que ce serait vraiment discutable. Soit qu'on cherche des partenaires véritables qu'on entend traiter avec respect, soit qu'on ne le fait pas. Il faut définir très clairement quelles seront les règles du jeu.
Si le gouvernement veut créer un esprit de confiance et de coopération dans les collectivités de pêcheurs, comme il faut le faire, et si l'on veut pouvoir compter sur la pérennité future des ressources, ces nominations du haut vers le bas sont sûrement une mauvaise approche. Si le MPO délègue des responsabilités et des coûts, il doit aussi être disposé à partager son pouvoir.
L'idée de définir des critères et des objectifs, des directives sur la qualité de l'environnement marin est louable. Mais pour l'instant, compte tenu des nombreuses difficultés qui affligent nos trois littoraux, il faut en faire une obligation et non pas le résultat d'un pouvoir discrétionnaire. Je recommande d'employer l'indicatif.
Ce passage devrait aussi définir au moins certains objectifs de base quant à la salubrité de l'écosystème. Il devrait contenir une liste non limitative des parties éventuellement intéressées afin de donner aux collectivités côtières, aux pêcheurs et aux écologistes l'assurance qu'ils pourront effectivement participer au processus qui ne sera pas limité au gouvernement fédéral et aux grandes entreprises de pêche, par exemple, ou à des intervenants commerciaux et des gens qui ont les moyens de payer les frais que le gouvernement veut imposer.
J'aimerais que le ministre soit clairement tenu d'élaborer des cadres concrets prévoyant une participation publique large et effective à la définition de directives, d'objectifs et de critères. Comme vous le voyez, je suis jusqu'à maintenant très déçue du processus suivi par le MPO en matière de participation du public et d'accessibilité, et j'estime que cette loi devrait contenir des garanties bien explicites.
C'est aussi dans ce paragraphe qu'il y a lieu de préciser que toute directive doit aboutir à un résultat concret sous la forme d'un objectif énoncé, pour la réalisation duquel un échéancier serait fixé, et qu'on se dotera d'une méthode pour vérifier les progrès accomplis et en rendre compte à la population. Autrement, toute cette loi ne sera que belles paroles.
Il nous faut un cadre de reddition des comptes. Je recommanderais que, tout au moins, on ajoute une disposition prévoyant un examen quinquennal de la loi et des progrès accomplis à ce titre, comme le stipule la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Il y aurait aussi lieu de prévoir un rôle spécifique pour un vérificateur à l'environnement.
Le passage suivant de la partie II a trait à la conclusion par le ministre d'ententes avec toute personne ou tout organisme pour des fins qui ne sont pas précisées. C'est ce passage précis qui a retenu l'attention des organisations de pêcheurs côtiers.
Je sais que des modifications proposées à la Loi sur les pêcheries donneraient au ministre le pouvoir de signer des contrats pour essentiellement privatiser la gestion des pêches espèce par espèce, ou secteur par secteur. Partant de là, l'ajout de cette phrase qui, en apparence, semble assez anodine, justifie un examen, une analyse.
La privatisation fragmentaire de la gestion des ressources au profit du plus offrant est le contraire même d'une gestion intégrée et transparente. Le seul élément constant, c'est qu'une seule et même administration s'occupe des diverses négociations. Le problème, ou l'un des problèmes, c'est que les gestionnaires en place n'auraient aucun moyen de coordonner leurs efforts respectifs, pas plus qu'ils n'auraient de comptes à rendre à la population ni à d'autres représentants défendant les intérêts de secteurs de la zone côtière. Au contraire, ces parties qui ont des intérêts à défendre invoquent habituellement le caractère confidentiel de leurs données pour des raisons commerciales. Nous l'avons vu sur la scène internationale quand on a essayé d'amener des pays à communiquer des données non regroupées sur les pêches. Ils s'y refusent. Ils disent qu'ils ne peuvent pas nous dire exactement qui fait quoi, ni combien de poisson ils ont pris parce que cela nuirait à leur compétitivité. Cela complique grandement la gestion intégrée.
Si tout ce que l'on sait, c'est qu'on a pris tant de tonnes de thon, mais qu'on ne sait pas où elles ont été pêchées ni qui les a pêchées, ni dans quelles circonstances, comme il s'agit d'une espèce migratoire, il est très difficile de savoir de quoi il retourne. Et nos eaux abritent de nombreuses espèces de poisson de fond migratoires pour lesquelles il est absolument nécessaire d'assurer une gestion intégrée.
Toute disposition de cette loi qui serait une porte ouverte - et je suis sûre que j'aurai l'occasion de vous en reparler à nouveau à propos des modifications à la Loi sur les pêcheries, si vous m'en donnez l'occasion - ou toute chose qui conforterait le type de système qui nous a placés dans la situation où nous sommes aujourd'hui... De grâce, prenez bien garde de ne pas consacrer par cette loi ce genre d'approche de gestion parcellaire, espèce par espèce, secteur par secteur. Indiquez très clairement ce que les mots du dernier paragraphe, en particulier, signifient vraiment. Précisez-le bien clairement dans la loi pour garantir que les gens des zones côtières qui vont être touchés par des processus de gestion de ce type, comprennent ce que cela signifie et puissent ainsi tirer des plans pour l'avenir.
Parmi les choses que peut faire le ministre et qui sont énoncées dans le paragraphe suivant, il y a l'attribution de subventions. Je dirais qu'il faudrait préciser quelles seraient les catégories de bénéficiaires et les objectifs de ces subventions. Il faudrait aussi préciser en quoi consisterait la consultation avec d'autres parties.
Dans quelles conditions procédera-t-on à ces consultations? Nous n'avons déjà que trop l'habitude de consultations qui absorbent tout notre temps et notre énergie, puis sont mises au rancart, où les participants ne retrouvent dans la politique gouvernementale aucun élément qui tient compte de leur apport, et nous en avons assez. Les gens consultés auront-ils l'assurance qu'il sera même tenu compte de leur avis, sans parler d'y donner suite? Ou si leur avis est rejeté, y aura-t-il un mécanisme d'appel qui permettra de demander une explication ou une justification qui soit autre chose qu'une simple explication de nature politique?
La création de zones de protection marines est vue d'un très bon oeil, mais encore là il est question de pouvoir discrétionnaire. Si le gouvernement tient réellement à assurer la durabilité, il se doit de réserver une partie de la zone économique exclusive à titre de police d'assurance contre nos inévitables erreurs de gestion. Ce pourrait être un bon endroit pour fixer un objectif minimal eu égard à la création d'une zone à protéger d'ici une échéance donnée; ou, parce que cela supposerait beaucoup de travail pour la communauté côtière et la participation des gens touchés, il suffirait peut-être de faire état d'un processus par lequel cela pourra être entrepris et d'indiquer que nous avons pour objectif de définir un nombre d'ici une date donnée.
La disposition prévoyant le recours à des mesures d'urgence est intéressante, mais il y manque des paramètres essentiels, et, encore là, son caractère facultatif n'est pas vraiment approprié. En cas d'urgence, il faut agir. Cela ne devrait pas être quelque chose de facultatif.
J'aimerais aussi parler de la norme de preuve qu'on exigera pour montrer qu'un stock ou un habitat est menacé, et qui peut légitimement tirer la sonnette d'alarme. Il doit y avoir en place un mécanisme que puissent utiliser les intervenants publics; autrement ce sera un autre texte sans effet.
La partie III désigne le ministère des Pêches et des Océans comme l'autorité suprême dans notre zone marine. Un guichet unique est souhaitable à certains égards et accroîtrait, espère-t-on, l'accessibilité et la reddition de comptes, mais à mon avis l'administration du MPO n'est pas parvenue à montrer qu'elle a la volonté et les compétences nécessaires pour remplir cette tâche. Je préférerais qu'Environnement Canada conserve son rôle de protecteur de l'environnement dans les eaux marines, spécialement dans des zones où il y a déversement en mer et où se trouvent des substances délétères. L'intégration des efforts des Pêches et Océans et d'Environnement Canada est manifestement nécessaire, et la rivalité qui oppose actuellement ces ministères est à la fois malséante et nuisible. Elle ne me donne certainement aucun espoir de voir préserver la durabilité des ressources.
Alors que les passages sur la Garde côtière et le Service hydrographique semblent bel et bien relever de la partie III et constituent une partie appropriée de ce projet de loi, le passage sur l'imposition de droits ne relève pas de la Loi sur les océans. À mon avis, cela relève carrément d'un programme de réduction du déficit du Conseil du Trésor. Si le premier objectif énoncé de ce projet de loi est la durabilité, ce n'est pas l'endroit pour y inclure de telles mesures de réduction du déficit.
Quand le ministre a publié sa Vision pour une gestion des océans l'année dernière, il nous a assuré que la Loi sur les océans offrirait une structure de base et que les détails seraient élaborés dans le cadre d'une stratégie de mise en application en collaboration avec les parties intéressées visées. Nous voyons ici pourtant une orientation nette vers l'imposition de droit aux utilisateurs sans qu'on en ait préalablement évalué les répercussions socio-économiques ou environnementales et sans consultation ni approbation des parties visées. C'est inacceptable, sans compter que ce n'est pas nécessaire étant donné que les modifications proposées à la Loi sur les pêcheries feront la même chose. Inclure ces mesures dans la Loi sur les océans, qui devrait être un point de ralliement pour toutes les populations côtières et quelque chose qui susciterait notre appui, notre fierté et notre coopération active, ne saura que provoquer un ressac de la part des intervenants des littoraux dont la confiance et la coopération sont essentielles pour que la loi porte ses fruits.
Quant à la facturation des procédés ou autorisations réglementaires, j'aimerais qu'on les définisse. À quel type de procédés ou d'autorisations réglementaires le ministre songe-t-il? Je ne suis pas nécessairement contre ce genre de choses, mais j'aimerais certainement avoir des précisions étant donné qu'il est déjà assez difficile pour les organisations non gouvernementales d'avoir voix au chapitre dans quelque domaine que ce soit. Pour participer, les bénévoles des communautés côtières devront disposer de beaucoup d'argent. C'est certainement un problème parce que vous fermez la porte à vos collaborateurs les plus dévoués et les plus efficaces.
Selon cet article, le comité visé par la Loi sur les textes réglementaires examinera les prix fixés. J'aimerais qu'on prévoie ici un mécanisme qui permettrait à la population visée, qu'il s'agisse de pêcheurs ou d'autres intéressés, d'entreprendre cet examen.
En terminant, j'aimerais dire que bien que j'estime qu'il soit essentiel et opportun d'avoir une Loi sur les océans, ce projet de loi est inacceptable. Pour assurer une gestion intégrée et efficace des ressources côtières, il nous faut des processus et des pouvoirs en prise sur les communautés côtières, et non sur les bureaux d'Ottawa. Ces pouvoirs locaux doivent s'exercer dans des cadres régionaux, nationaux et internationaux, et en fonction de principes fondamentaux bien définis eu égard à l'approche systémique, la prudence, la justice sociale et l'équité entre générations.
La loi doit donner aux Canadiens un moyen concret de définir leurs objectifs communs de justice sociale et de salubrité des écosystèmes, qui sont tous deux essentiels à la durabilité. Une fois les objectifs établis, il doit y avoir des mécanismes pour que la classe politique rende compte des progrès accomplis ou des manquements à cet égard. Sans ces éléments essentiels, la Loi sur les océans sera bien loin de répondre aux besoins urgents des communautés et des zones côtières du Canada.
Merci.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup, Irene. Comme vous ne pouvez pas voir l'ensemble de la salle, et pour que vous ne pensiez pas que le président s'est soudainement métamorphosé en femme, je vais vous expliquer ce qui se passe. Je suis la vice-présidente du comité. Je suis ici depuis quelque temps.
Le président va bientôt revenir, mais j'aimerais faire une brève observation avant son retour. C'est au sujet de la priorité que doivent avoir les communautés côtières et de ce que vous avez dit à ce sujet. Je viens d'une petite collectivité de Terre-Neuve et ce que vous avez dit me touche certainement.
Je veux bien rendre le fauteuil au président et poursuivre.
Le président: Mais vous vous en tirez si bien.
La vice-présidente (Mme Payne): Merci beaucoup.
Le président: Irene, j'ai tout entendu, j'étais assis en arrière de la salle et je prenais un café parce que vous aviez l'air si en forme là-bas après en avoir pris un que j'ai décidé de vous imiter.
Avant de donner la parole aux membres du comité, j'aimerais faire quelques observations et peut-être vous poser une question. D'abord au sujet de la consultation. La consultation, c'est un mot dont on peut se parer, mais il ne signifie rien s'il ne correspond pas à quelque chose de réel.
Pour votre gouverne, le présent comité n'a nullement cherché à tenir les gens dans l'ignorance au sujet de la Loi sur les océans. Nous n'avons reçu le projet de loi il n'y a que deux ou trois semaines. Nous l'avons eu et il a été déposé à la Chambre à la fin de la session. Ce n'est qu'il y a deux semaines et demie qu'on en a fait la deuxième lecture; je pense que c'était le 25 ou le 26 septembre. Comme je pense vous l'avoir déjà dit - il y a un an peut-être, quand je vous ai vue à New York - nous espérions avoir le projet de loi pour en faire une étude préalable, mais ce ne fut pas le cas.
Ce que le comité cherche à faire ici, au moyen de vidéo-conférence comme celle-ci, c'est d'entendre autant de témoins que possible. Vous avez soulevé des points intéressants au sujet de l'esprit du projet de loi quand vous avez parlé d'une disposition sur les objectifs. Le CCRA a comparu la semaine dernière. Ils en ont parlé et ont fait des propositions très précises sur ce qui devrait y être inclus.
Pour ce qui est des autres observations au sujet des droits d'accès, c'est une question dont nous allons être saisis dès que ce projet de loi sera présenté à la Chambre. Aucun d'entre nous n'a été informé, mais il y a eu des consultations sur cette question sur le terrain, et j'espère que nous allons avoir des nouvelles de vous et de nombreux autres intéressés quand ce projet de loi sera présenté. Ce sera vraisemblablement un texte de loi très litigieux.
Mme Novaczek: Oui, mais vous le faites en modifiant la Loi sur les pêcheries. Il est inutile d'en parler aussi dans la Loi sur les océans. Il faut préciser très clairement quels sont les objectifs de ce projet de loi et ce qu'il doit faire.
Le président: Certainement, et soyons très clairs, parce que les choses ne sont pas claires à l'autre bout pour certains des autres témoins. Peut-être que la table ronde a mal saisi l'esprit du projet de loi. Nous allons faire préciser certaines de ces choses, parce qu'on a soulevé ici aujourd'hui des questions que nous voulons certainement préciser.
D'après ce que dit le ministère, je crois savoir que les droits pour les services dont il est question sont à toutes fins utiles supprimés dans le secteur des transports. Ils sont consolidés dans ce projet de loi en raison de la consolidation ministérielle qui a trait aux pêches.
J'ai lu l'article qui a paru dans The Cape Breton Post. Ma mère me l'a envoyé; elle le lit toujours. J'ai été renversé de voir que le communiqué de cette table ronde était axé sur ces questions. Je l'ai pris et j'ai dit que c'était nouveau pour moi. La plupart des choses dont nous traitons dans ce projet de loi sont des mesures très positives et portent précisément entre autres choses sur l'intégration de la gestion des océans et des écosystèmes plutôt que de laisser à sept ou huit différents ministères le soin de choisir un aspect ou l'autre.
J'aimerais vous poser une question, après avoir dit tout cela. Appuyez-vous ce projet de loi ou pensez-vous qu'on devrait y mettre fin maintenant? N'est-vous pas en faveur de la consolidation? Appuyez-vous les articles qui traitent des zones de protection marines? Pour l'instant nous n'avons pas de loi qui en traite. Appuyez-vous le principe général des plans de gestion intégrée? Quand vous aurez répondu à ces questions, j'aimerais vous en poser d'autres au sujet d'aspects précis.
Mme Novaczek: Comme je l'ai dit, bien sûr, que je les approuve. J'aimerais vraiment pouvoir promouvoir ce projet de loi auprès de mes collègues du secteur de la pêche et d'autres secteurs de la zone côtière, mais il est alourdi par toutes les considérations qui concernent le Conseil du Trésor.
Le président: Non, ce n'est pas le cas. Ce n'est pas juste, Irene.
Mme Novaczek: Eh bien, lisez simplement...
Le président: La fin porte très précisément sur un ou deux secteurs. Ce projet de loi n'est pas un jeu.
Mme Novaczek: Cela n'a pas besoin de se trouver là. Étant donné ce qu'il arrive des modifications à la Loi sur les pêcheries, qui seront très litigieuses, il se trouve ici des passages qui n'ont pas lieu de s'y trouver. Premièrement, ce projet de loi devrait définir le cadre de ratification du droit de la mer, mettre en place certains principes fondamentaux et définir le cadre dans lequel le gouvernement fédéral et les provinces, les parties non gouvernementales et diverses industries de la zone côtière peuvent collaborer et planifier de façon proactive en s'appuyant sur ces principes. Tenons-nous-en simplement à cela.
Définissons dès le départ les objectifs très clairement, puis assurons-nous que tout y est conforme, sans permettre que des choses qui se trouveront dans la Loi sur les pêcheries entravent l'adoption de ce projet de loi. C'est ce que je souhaite. J'aimerais tirer cela au clair et pouvoir ensuite en toute bonne conscience...
Je veux que ce projet de loi protège les pêcheurs des communautés côtières. Je souhaite un engagement proactif de la part du gouvernement fédéral pour que nos pires craintes ne se réalisent pas, pour que dans cinq ou dix ans d'ici nous ne voyions pas deux ou trois grosses entreprises qui auraient conclu des ententes contractuelles de gestion dominer les zones et les communautés côtières qui auraient été désertées au profit de Toronto ou Vancouver.
On est très méfiant et déçu. Les gens d'ici se sentent très abattus, je suis sûre que vous le savez. Par conséquent, quand nous voyons de petits articles ici qui peuvent sembler anodins, nous les lisons et nous disons que cela fait partie du programme du Conseil du Trésor, que cela fait partie de la privatisation qui se fera par la Loi sur les pêcheries.
Peut-être que le ministre pense qu'il ne peut faire adopter ses amendements à la Loi sur les pêcheries suffisamment vite pour pouvoir percevoir ces droits dès le 1er janvier. Il veut probablement les intégrer à ce projet de loi-ci et le faire adopter très rapidement parce que tout le monde veut ratifier le droit de la mer et pense que la gestion des océans, c'est magnifique et que tous les autres petits détails ne sont pas très importants. Je ne sais pas si c'est ce qui se passe, mais vous reconnaîtrez qu'il est normal qu'on se le demande.
Le président: Vous connaissez ce projet de loi aussi bien que quiconque du Comité, car comme représentante d'une ONG, vous ne vous occupez pas uniquement de la situation locale ou nationale mais également de la situation internationale.
Les droits dont il est question ici - ce que vous avez dit me reste un peu en travers de la gorge parce que je n'aime pas cela non plus - ce ne sont absolument pas des droits qui seraient autrement perçus aux termes des dispositions de la Loi sur les pêcheries. Je pense que c'est assez clair. Du moins ça l'est pour moi.
Il s'agit là de services maritimes et ceux-ci ne sont pas couverts par la Loi sur les pêcheries. Ce sont deux choses distinctes.
Mme Novaczek: Alors précisez-le.
Le président: Entendu. Peut-être pourriez-vous nous aider à l'autre bout car vous êtes dans les Maritimes et dans les régions de l'Atlantique quelqu'un dont on respecte le point de vue au sujet des projets de loi. Il n'est pas question de toucher ici aux droits qui relèvent de la Loi sur les pêcheries. Il va être question de tout cela et la bataille sera difficile, c'est certain, mais de façon générale...
Mme Novaczek: Cela n'empêche que, que ce soit pour la Garde côtière ou...
Le président: Vous êtes de façon générale contre toute facturation.
Mme Novaczek: ...l'émission de permis, des services hydrographiques, des services météorologiques, etc...
Le président: Êtes-vous également contre la facturation des cartes?
Mme Novaczek: Ce que je veux c'est que l'on ne s'inquiète pas dans ce projet de loi du programme de réduction du déficit. Je veux que le ministère des Pêches et les autres ministères concernés s'efforcent de prendre le temps d'évaluer les ramifications à long terme de toutes ces facturations qui viennent frapper la population de nos côtes plutôt que de suivre aveuglément les consignes du Conseil du Trésor. Quels sont les coûts médicaux à long terme, les coûts psychiatriques, les coûts environnementaux et les coûts pour les PME?
Le président: Je vois.
Mme Novaczek: Les conséquences sont énormes.
Le président: Si vous êtes en règle générale contre toute facturation, nous avons enregistré votre opposition et nous considérerons vos observations dans ce contexte. J'aimerais que nous mettions de côté cette question - nous comprenons bien votre point de vue à ce sujet - afin de nous pencher sur le reste du projet de loi. Si les deux articles en question étaient supprimés, pourriez-vous dire de façon générale que vous appuyez les objectifs du projet de loi avec les réserves et les suggestions que vous avez faites aujourd'hui?
Mme Novaczek: Nous pourrions l'appuyer s'il y avait un article sur les fins de ce projet de loi qui faisait allusion à la justice sociale - ce qui correspondrait à nos engagements internationaux - ainsi qu'à nos responsabilités environnementales et au principe de prudence, et à condition que certaines des formules facultatives soient remplacées par des formes directives pour que le projet de loi soit beaucoup plus fort - parce que pour le moment, ce n'est là que du papier. C'est trop laissé à la discrétion des autorités. Tout est facultatif. Cela ne protège réellement rien.
Le président: Mais pourriez-vous ajouter la troisième chose qu'il faut faire?
Mme Novaczek: Donc, si on changeait tout cela, je dirais merveilleux, il est grand temps d'adopter un tel projet de loi.
Le président: Il faut d'autre part être assuré que lorsque nous parlons des intervenants dans certaines autres parties du projet de loi, il faut bien préciser que les pêcheurs, que les organisations locales devraient être inclus? Vous voulez que tout cela soit plus précis.
Mme Novaczek: Oui.
Le président: D'accord. Cela fait trois.
Mme Novaczek: Il n'y en avait que trois? En tout cas, vous avez mon texte. Je vous l'ai envoyé par télécopieur l'autre jour.
Le président: Oui, nous l'avons reçu.
Je ne voulais pas que vous terminiez votre exposé en disant que vous ne vouliez pas de ce projet de loi parce que je sais que vous avez travaillé très dur sur certains des éléments qu'il contient.
Mme Novaczek: Certains des éléments de ce projet de loi sont en effet essentiels et, je le répète, il est grand temps de les adopter. Toutefois, il y a un certain nombre d'autres choses qui ne sont pas du tout pertinentes et n'ont rien à voir avec le premier objectif d'une telle mesure.
Le président: Comme d'habitude, vous présentez très bien les choses.
Monsieur Wells.
M. Wells: En parcourant votre mémoire et en essayant de voir à quoi il correspond dans le projet de loi, j'ai un peu de mal à m'y retrouver car vous parlez des alinéas sans donner leurs numéros.
Mme Novaczek: En effet, je vous prie de m'excuser.
M. Wells: Serait-il possible que vous repreniez cela, pas forcément maintenant...? Par exemple vous dites: «cette loi empêcherait ces mêmes pêcheurs d'élire des représentants aux organismes de gestion.» À quel article faites-vous allusion?
Mme Novaczek: En effet. C'est là que le projet de loi dit: «le ministre peut»... C'est juste après l'article sur l'élaboration des politiques et programmes où il est question de travailler avec d'autres ministères et administrations à la mise en application de la loi, à la partie II, qui dit ensuite «constituer des organismes de consultation ou de gestion et y nommer ou désigner des membres».
M. Wells: Mais c'est la partie II de quoi? Y a-t-il un numéro d'article?
Mme Novaczek: Oui, je suis désolée. Non, je n'ai pas indiqué les numéros et je n'ai pas le projet de loi sous les yeux.
M. Wells: Écoutez, ce n'est pas nécessaire maintenant, mais cela nous faciliterait les choses... Au paragraphe suivant, vous dites que vous recommandez que...
Mme Novaczek: Je suis l'ordre du projet de loi.
M. Wells: Mais vous n'avez pas compris que lorsque nous allons revenir là-dessus et que vous nous renvoyez à ce paragraphe ou cet autre paragraphe, sans les numéroter, il est très difficile pour nous de faire le lien.
Mme Novaczek: En effet. Je suis désolée. Je me ferai un plaisir de mettre les numéros nécessaires et de vous renvoyer cela par télécopie.
M. Wells: Ce serait beaucoup plus facile à utiliser lorsque nous procéderons à l'étude article par article.
Mme Novaczek: Je me ferai un plaisir de le faire.
M. Wells: Bien. Merci.
Le président: Monsieur Dhaliwal.
M. Dhaliwal (Vancouver-Sud): Je tiens à vous remercier d'avoir présenté cette proposition.
À la troisième page, vous parlez d'une approche écosystémique. Ce projet de loi contient une stratégie de gestion globale et holistique. Un des principaux objets du projet de loi est que l'on considère tout l'écosystème et non pas une seule espèce.
Mme Novaczek: En effet et c'est bien.
M. Dhaliwal: Ne convenez-vous donc pas que le principe fondamental du projet de loi repose sur l'écosystème?
Mme Novaczek: Non, parce que le projet de loi stipule que la gestion intégrée... cela peut tout simplement signifier que vous avez une seule administration qui tient toutes les ficelles. Cela ne signifie pas que celle-ci va traiter des différentes parties de la zone côtière en fonction de l'écosystème.
Il faut que le libellé soit plus précis afin d'établir les éléments fondamentaux et le fait que ce sera effectivement géré en fonction de l'écosystème. Nous sommes ici et le ministère des Pêches et Océans propose des amendements à la Loi sur les pêcheries qui viserait à privatiser la gestion selon les espèces, selon les secteurs; cela ne va pas nécessairement dans le sens d'une gestion considérant l'ensemble de l'écosystème.
Ce que je veux donc, c'est m'assurer que cette Loi sur les océans qui, j'espère, sera celle qui primera, sera très claire, qu'elle établira que la considération de l'écosystème est fondamentale et que ce n'est pas forcément à la base de la gestion intégrée.
Une approche écosystémique est ce à quoi on fait allusion sur la scène internationale, c'est ce dont il est question dans la Convention sur les stocks chevauchants et les grands migrateurs et c'est le libellé qu'il nous faut ici, très précisément, parce que l'on en a déjà beaucoup parlé et que l'on a défini la chose et que les gens comprennent maintenant ce que cela signifie. Il ne s'agit pas simplement de gestion bureaucratique; l'important n'est pas qui s'en charge mais où cela se fait. C'est différent.
M. Dhaliwal: Je ne pense pas que vous ayez compris ma question. Je dis que lorsque nous changeons le concept fondamental de la gestion de nos océans et plutôt que de gérer simplement les océans pour y pêcher, on considère l'ensemble de l'écosystème. N'êtes-vous pas d'accord?
Mme Novaczek: En effet. C'est ce que devrait être une approche écosystémique. Il y est question des installations pétrolières et gazières, de mines sous-marines, d'installations maritimes, de tout. Certainement.
M. Dhaliwal: D'accord, merci.
Vous avez d'autre part parlé d'équité entre les générations. D'après ce que j'en comprends, lorsque vous parlez de durabilité, lorsque vous dites qu'il faut s'assurer que nous ne léserons pas les générations futures et que nous devons gérer nos ressources de façon durable, vous parlez en fait d'équité entre les générations.
Mme Novaczek: C'est cela.
M. Dhaliwal: Pour moi, le terme «durabilité» signifie que nous n'avons pas pour nous un niveau de vie supérieur à ce que nous laissons à d'autres. Donc, lorsqu'on parle de durabilité, on parle aussi d'équité entre les générations, mais vous semblez vous inquiéter du fait que ces termes ne figurent pas dans le projet de loi.
Mme Novaczek: J'estime que c'est un principe fondamental. Il n'est pas question de durabilité dans le projet de loi, alors que c'est un terme qui me semble très approprié; on parle de développement durable.
Revenons au Conseil consultatif national sur les sciences et la technologie et plus précisément à son Comité des océans et des côtes. C'est lui qui a tout lancé en déposant son rapport qui invitait instamment le ministre à préparer une loi sur les océans. Si l'on considère le ton et l'objet du rapport, il est beaucoup plus question de développement que de durabilité.
Il y a des tas de gens qui sont de cet avis; il s'agit de développement durable, mais c'est du développement. Ce n'est pas nécessairement durable parce que cela relève de l'oxymoron. Il est difficile d'avoir tout à la fois et d'en laisser encore pour les générations futures.
J'aimerais donc que cela figure là-dedans. Vous pouvez parler de durabilité ou d'équité entre les générations mais la nuance est un peu différente, le sens différent. Pour moi, ce n'est pas la même chose que le développement durable et l'on a d'ailleurs pas mal abusé de ce terme.
J'ai un point de vue assez particulier là-dessus car je viens de passer les trois dernières années en consultation avec le secteur minier. Il parle de forage durable, ce qui est le comble de l'oxymoron. Il parle de développement durable alors qu'il s'agit de ressources non renouvelables et d'extraction du sol. Ce n'est tout simplement pas du développement durable; il est ridicule de même envisager cela, mais ces gens-là utilisent continuellement ce terme. C'est passe-partout.
Votre objectif peut être le développement durable. Je ne suis pas contre toute forme de développement, mais votre principe fondamental doit être l'équité entre les générations ou la durabilité en soi, sans nécessairement le développement. Il nous faut des principes fondamentaux. Il faut entretenir nos écosystèmes si l'on veut un développement quelconque. La durabilité doit donc venir en premier et le développement après.
M. Dhaliwal: Ma foi, je ne suis pas d'accord là-dessus. Si je suis votre logique, cela signifie que l'on doit cesser tout développement parce qu'aucun développement ne peut être durable.
Mme Novaczek: Non.
M. Dhaliwal: Lorsque vous dites développement durable, cela veut dire développement d'une façon durable. Sinon, il n'y aurait pas du tout de développement.
Mme Novaczek: Je répète que c'est un oxymoron. Ce n'est probablement pas le terme qu'il faudrait choisir pour une loi fédérale.
Il est évident que le développement est une réalité. Les êtres humains font du développement et cela ne va pas s'arrêter. Ce qu'il faut c'est atténuer les conséquences tout en reconnaissant qu'il y aura toujours des conséquences et qu'il ne faut pas nous aveugler et dire qu'on peut continuer indéfiniment sans qu'il y ait de conséquences. Il est évident que ce n'est pas vrai. Ce qu'il faut, c'est reconnaître les conséquences et essayer de les réduire au minimum.
M. Dhaliwal: Il faut reconnaître que c'est du développement, mais il faut le faire de façon durable.
Mme Novaczek: Eh bien, aussi durable que possible.
M. Dhaliwal: Nous pourrions probablement poursuivre la discussion encore longtemps...
Mme Novaczek: Oui, c'est une discussion philosophique. Je crois que nous ferions mieux...
M. Dhaliwal: ...sur un certain nombre de vos théories, mais je voudrais m'attarder sur un point que nous pourrions explorer davantage.
Vous dites que nous devrions mettre de côté une certaine superficie ou un pourcentage quelconque pour la protection des régions côtières. Envisagez-vous un pourcentage quelconque pour ce qui est des zones de protection marine? Vous avez dit qu'il fallait mettre de côté une portion quelconque. Avez-vous réfléchi à un pourcentage ou bien dites-vous simplement que, de façon générale, nous devrions établir des objectifs sous forme d'un pourcentage des océans?
Mme Novaczek: Nous disons qu'il faut établir un objectif. Quant à savoir si nous avons actuellement les connaissances voulues pour préciser quelle proportion...
Pour la superficie terrestre, nous nous sommes mis d'accord sur un objectif de 12 p. 100. Nous en sommes encore loin, mais nous y travaillons en créant des parcs nationaux et de petites régions protégées. Nous ne savons absolument pas, même pour les surfaces terrestres, si cette proportion est suffisante pour maintenir notre biodiversité et assurer le fonctionnement des écosystèmes de manière à assurer la survie de l'humanité. On a dit que ça semblait faisable, que l'on pouvait se passer de ces 12 p. 100. Nous devrions pouvoir atteindre cet objectif.
Peut-être faudrait-il établir un objectif quelconque du même ordre pour les océans, tout en reconnaissant carrément que nous n'avons vraiment pas les données scientifiques qui nous permettraient d'étayer notre décision. Ce serait un objectif auquel on travaillerait pour le moment; peut-être que ce sera suffisant, peut-être pas.
Bien sûr, quand on parle de zones de protection marine, il faut en parler à ces messieurs autour d'ici, les pêcheurs et les autres parties intéressées et les localités touchées. Parce que, à moins qu'ils ne croient sincèrement, du fond du coeur, à moins qu'ils ne sachent...
Je crois qu'ils le savent. Beaucoup de pêcheurs que je rencontre en sont conscients. Ils disent: Pourquoi quelqu'un voudrait-il pêcher dans une frayère? Si on n'y touche pas...
Nous avons beaucoup d'éléments de preuve recueillis dans le monde entier. J'ai eu le plaisir de vivre en Nouvelle-Zélande à l'époque où ce pays a créé ses premiers parcs marins. C'était une zone interdite de pêche. Les pêcheurs locaux étaient sur le pied de guerre. Ils étaient prêts à incendier la station maritime universitaire de la localité, mais aujourd'hui, ils sont les plus grands partisans de cette zone protégée, parce qu'ils ont installé leurs filets et leurs casiers à homards tout autour de cette région. C'est une frayère de grande valeur et, même s'ils n'ont pas accès à cette petite zone maritime, leurs prises tout autour ont augmenté remarquablement.
Ce qu'il faut faire, c'est faire connaître les succès de ce genre dans les localités côtières et laisser les gens y réfléchir et prendre leurs propres décisions. Personne ne sait mieux que les pêcheurs quelles zones devraient être protégées. S'ils étaient convaincus qu'il y avait une manière de le faire de façon que tout le monde, pas seulement les pêcheurs, tout le monde en soit exclus et que tout le monde en soit avantagé... C'est très important.
M. Dhaliwal: Je comprends tout cela. Je vous ai demandé si vous aviez en tête un pourcentage quelconque.
Mme Novaczek: À peu près 12 p. 100, simplement parce que ce chiffre a été utilisé pour la superficie terrestre. Ça pourrait être raisonnable. C'est très important de faire participer à ce débat les habitants des localités côtières. Ce n'est pas à moi de choisir un chiffre comme ça, au hasard. Les gens diront peut-être 20 p. 100 ou 30 p. 100 de leur région, tandis qu'ailleurs, ce sera peut-être zéro. Ça pourrait être variable, dépendant de la richesse et de la sensibilité de la région côtière locale.
Le président: Irene, je vais mettre fin à cette discussion. Si vous avez d'autres renseignements dont vous voudriez nous faire part, n'hésitez pas à nous les faire parvenir.
Je vous fais également remarquer que lorsque les représentants du CCRA ont comparu, ils nous ont donné des exemples assez précis de modifications qui permettraient de resserrer le libellé du projet de loi. Nos attachés de recherche et d'autres se penchent actuellement là-dessus en vue d'éventuels amendements, et vous devriez peut-être rester en contact avec nous à ce sujet.
Mme Novaczek: Oui. Il y a une chose qui me trouble, c'est que vous venez tout juste de recevoir le projet de loi. Nous attendons ce projet de loi depuis des décennies. Les environnementalistes le réclament depuis très longtemps. Le droit de la mer est en négociation depuis le début des années soixante-dix.
Qu'est-ce qui presse tant maintenant? Après avoir reçu le projet de loi, vous consultez les gens visés à la sauvette, en deux semaines, alors que le MPO n'a même pas essayé de leur expliquer la teneur du projet de loi. Ils n'ont même pas eu la chance d'y jeter un coup d'oeil. Comment pouvez-vous espérer que nous fassions des interventions intelligentes avec des échéanciers aussi serrés? C'est un problème.
Le président: Nous sommes quelque peu coincés. Il y a des groupes de défense de l'environnement qui nous ont écrit pour nous dire de faire adopter cela rapidement, avant la fin de la session du Parlement, parce qu'ils ne veulent pas attendre encore sept ou dix ans.
À plusieurs reprises aujourd'hui, on nous a dit qu'il n'y avait pas eu de consultations. Irene, je vais vous envoyer une liste de toutes les personnes qui ont été consultées. Je vais vous donner la liste du CCRA, qui est l'un des principaux organismes de défense de l'environnement. Cette liste devait comporter... Ils ont fait des tables rondes à ce sujet, 30 ou 50. Ils ont comparu. Je ne sais pas si vous...
Mme Novaczek: Oui, j'y ai participé. Mais nous n'avions pas en mains l'ébauche du projet de loi à ce moment-là. Nous avons participé, nous avons bénévolement consacré de notre temps à cette tâche, avec les meilleures intentions du monde. Mais j'ai reçu copie de leur document il y a peut-être un mois. C'est un très bon document, plein de bonnes choses. Il m'est impossible de savoir si quelqu'un l'a lu au MPO. Je ne vois pas qu'il soit tellement reflété dans la Loi sur les océans.
Le président: Oui, eh bien, Irene, c'est pourquoi j'ai fait allusion tout à l'heure à cette vaste ronde de consultations. Je veux être bien certain que tous comprennent que le rôle des parlementaires est d'essayer de mener une consultation.
Il y a la liste des participants aux ateliers du CCRA, qui fait deux pleines pages. Nous avons communiqué avec eux. Nous devons nous adresser à certains groupes et organisations qui font autorité. Nous l'avons fait. Je crois bien que dans l'ensemble du processus, on a probablement consulté bien plus de 100 groupes. Nous vous enverrons la liste, mais quoi qu'il en soit, il n'est pas question de faire adopter cela à la sauvette. C'est consultatif.
Au lieu de rencontrer trois personnes, nous en entendrons probablement 40 ou 50. Le greffier a communiqué avec une longue liste de personnes qui, d'après nous, seraient intéressées, qui avaient écrit au ministre et à des députés. Et nous entendrons quiconque en a fait la demande.
Voilà pour la consultation. Il n'est pas question de dire aux gens qu'il suffit d'attendre six mois. C'est alors qu'on me critiquerait à titre de président du comité, pour n'avoir pas procédé rapidement. Si vous connaissez quelqu'un qui souhaite se faire entendre, dites-lui de nous écrire. Nous prenons cela très au sérieux.
Mme Novaczek: Je ne cesse de le leur dire.
Le président: C'est une mesure qui fera date.
Irene, j'ai également pris des arrangements, car il semble y avoir des idées fausses qui circulent dans les régions, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard, au sujet de ce projet de loi, et cela me préoccupe énormément.
J'ai demandé aux fonctionnaires qui sont à l'arrière de la salle de prendre des arrangements pour que des cadres supérieurs de Pêches et Océans qui connaissent bien le projet de loi communiquent demain matin avec les représentants de groupes des pêcheries de l'Atlantique afin d'organiser tout de suite, sur-le-champ, une séance d'information pour expliquer ce qui se trouve dans ce projet de loi et surtout ce qui ne s'y trouve pas.
Mme Novaczek: C'est une très bonne idée.
Le président: Une fois cela fait, s'il y a encore... Je pense que je vais communiquer de nouveau avec certains groupes qui ont comparu et je vais leur demander, après cette séance d'information, s'ils ont d'autres préoccupations dont ils veulent nous faire part. Nous ferons de notre mieux pour nous assurer que la consultation est très large.
Mme Novaczek: Oui, très bien.
Le président: Mais vous représentez des groupes également et vous savez que la consultation est toujours difficile.
Mme Novaczek: Oui. J'ai eu très peu d'informations de la part du ministère au sujet de ce projet de loi et il m'a fallu longtemps pour en obtenir copie. J'ai téléphoné à tous les gens que je connais et on me répondait partout qu'un très petit nombre d'exemplaires avait été imprimé et qu'on me ferait peut-être la faveur de m'en donner copie. J'ai trouvé très difficile d'y avoir accès.
Le président: Bon, mais vous avez fait du très bon travail pour quelqu'un qui prétend...
Mme Novaczek: Eh bien, j'ai donné de mon temps, mais... Nous avons demandé au ministère un budget très minime pour nous aider à diffuser l'information. Nous aurions pu le faire, nous aurions pu rejoindre beaucoup plus de gens, mais il n'en était pas question.
Le président: Représentants du ministère, si vous avez entendu l'intervention d'Irene, prenez-en bonne note.
Merci mille fois pour votre présentation.
Notre témoin suivant intervient à titre personnel, s'il est encore ici. Stuart Beaton est-il dans la salle?
M. Stuart Beaton (témoignage à titre personnel): Oui, monsieur, je suis présent.
En guise d'introduction, afin que vous n'alliez pas vous imaginer que je tombe du ciel, je précise que je suis un pêcheur commercial et que j'ai plus de 25 ans d'expérience dans divers secteurs de la pêche. Je suis également membre de la section 19 de l'Association des pêcheurs de crabe des neiges, qui a fait une présentation tout à l'heure. Je n'ai pas grand-chose à ajouter à ce sujet, sinon que je souscris à ce qu'a dit Deborah Baker.
Ce que j'ai à dire constitue plutôt, je suppose, un aparté dans le cadre de la discussion sur le projet de loi. Mon propos est en rapport avec la Loi sur les océans dans la mesure où je souscrirais généralement à toute législation instaurant une rationalisation des pêches sous forme de mesures de gestion différente, plus précisément l'institution du droit de propriété. Je serais en faveur de cela. Je comprends peut-être la nécessité de mettre en place ces éléments de la loi parce qu'il y a actuellement un certain nombre de régimes de cogestion, notamment pour le flétan et d'autres espèces, dont le fondement législatif n'est probablement pas aussi ferme qu'il devrait l'être.
Je suppose que je parle en mon nom personnel, mais aussi au nom d'un certain nombre de mes collègues, Hasse Lindblad et d'autres, et nous nous considérons un peu comme une sorte de groupe de réflexion amateur. Nous sommes des pêcheurs actifs dans le domaine de la pêche et nous participons aux décisions de gestion en temps réel à notre niveau personnel et au niveau micro-économique.
Dans tout ce que nous avons fait, nous avons été guidés essentiellement par quatre principes. Le premier est que le meilleur moyen d'assurer la viabilité ou la survie des localités côtières est de créer des unités viables.
Le deuxième point, c'est que dans la pêche, comme dans tout autre secteur d'activité, la sécurité d'emploi est une condition nécessaire, sinon suffisante, pour réaliser la viabilité.
Notre troisième principe est que nous nous considérons comme des gens interventionnistes. Nous n'avons pas peur d'envisager des solutions de rechange et nous passons pas mal de temps aux États-Unis, à l'Institut du homard du Maine. Nous y rencontrons des gens comme M. Jim Penn, qui est directeur de recherche dans le domaine des pêches au homard en Australie occidentale; Daryl Sykes, de Nouvelle-Zélande, qui est coordonnateur de la pêche au homard en Nouvelle-Zélande, et d'autres encore.
Nous nous plaisons également à contester les idées reçues le plus souvent possible, sans pour autant déroger à la maxime de St-Thomas d'Aquin voulant que certaines vérités sont évidentes pour tous, tandis que d'autres ne sont évidentes que pour le sage.
Voici un petit exemple d'idées reçues. Les pêcheurs vous diront que le système d'allocations d'entreprises a ruiné la pêche au poisson de fond. C'est de la foutaise. Quand ce régime a été implanté, il y avait à peu près 180 chalutiers de plus de 100 pieds qui battaient pavillon canadien. À la fin de la pêche, il y en avait probablement 40 ou 50 et je suppose que leur nombre avait été rationalisé avec le temps, par pure nécessité. Mais rien ne me permet de supposer que l'effondrement de la pêche n'aurait pas eu lieu s'il y avait encore 180 navires dans une pêcherie compétitive. On peut examiner la technologie qui est en cause, ou s'interroger sur l'aspect scientifique et les quotas, mais je ne pense pas que l'on devrait médire du régime de gestion.
Quoi qu'il en soit, j'ai préparé un texte que je vais vous lire. Soit dit en passant, je crois que le changement est absolument nécessaire et que le rôle du ministère des Pêches et Océans devrait être la création d'un climat propice à la discussion, ce qui n'est pas pertinent à la Loi sur les océans comme telle.
Le secteur des pêches subit d'importants changements. La dynamique longtemps ignorée du coût et des revenus de l'industrie, la capacité excédentaire au niveau tant de la participation que de la technologie, des systèmes de gestion inappropriés et coupés de la réalité, la manipulation politique et une protection excessive de la main-d'oeuvre ont fini par nous amener à chercher un vrai remède. Les catalyseurs du changement ont été un désastre, la décimation de plusieurs stocks importants et des besoins économiques et financiers. Le gouvernement ne peut plus régler le problème des pêches à coup d'injection de capitaux.
En guise de prélude à notre présentation, nous voudrions traiter de deux cas précis qui illustrent bien les problèmes que connaît le secteur des pêches. Il s'agit de deux des nombreux exemples qui montrent à quel point la question des pêches est coupée de la réalité.
Le premier exemple concerne l'incapacité des gestionnaires des pêches de composer avec les efforts accrus faits ces dernières années. Certains de ces efforts sont évidents: une participation accrue, des bateaux plus gros, etc... Ces nouveaux efforts ont été ignorés par opportunisme politique ou pour d'autres raisons, ou sont tombés à plat en raison de la création d'une multitude de contrôles de divers facteurs dans le secteur des pêches comme les fermetures saisonnières, les interdictions concernant le rejet sélectif et les programmes d'observateurs, pour n'en nommer que quelques-uns.
Cependant, dès qu'un règlement était contourné ou se révélait inefficace, on ajoutait une interdiction au niveau de la réglementation, ce qui a entraîné trois choses: une augmentation des coûts et des problèmes, une observation des règlements encore plus difficile et une augmentation des frais d'exploitation des pêcheurs, et enfin un plus grand appauvrissement des stocks. Tout cela a abouti à du gaspillage, à des fermetures et à un recours accru aux fonds publics au moyen d'une aide financière, de subventions et de programmes sociaux.
D'autres efforts ont été plus discrets. On a tendance à croire que la pêche au homard fonctionne bien parce que le gouvernement intervient moins et parce qu'il y a limitation de l'effort. Un nombre donné de pêcheurs utilisent un nombre donné de casiers pendant un nombre donné de jours. Comme c'est souvent le cas, on se trompe. Au fil des ans, on a considérablement intensifié les efforts dans le secteur de la pêche au homard; pourtant, ni le MPO ni les pêcheurs ne semblent le reconnaître. En raison, entre autres, de bateaux plus gros, de casiers plus grands et améliorés, de meilleurs appâts, de meilleurs sondeurs, des systèmes LORAN et GPS et de la pêche récréative, le nombre de casiers remontés au cours d'une saison et la capacité de captures de chaque casier ont beaucoup augmenté.
En Australie occidentale, on a calculé l'efficacité d'un casier au cours des douze dernières années. Il y a eu augmentation de 136 p. 100, d'après Bowen, ministère des Pêches de l'Australie occidentale, octobre 1994.
Pour vous montrer jusqu'où cela peut aller, il y a actuellement 18 navires qui utilisent des caméras sous-marines permettant d'éliminer toute incertitude et tous tâtonnements dans la pêche au homard. Comme vous pouvez l'imaginer, les répercussions sont énormes.
Le MPO ne s'en est pas aperçu. Même des mesures de conservation jouissant d'un vaste appui comme l'augmentation de la taille de la carapace des homards dans le golfe du Saint-Laurent ne réussissent pas à vaincre l'inertie de ceux qui sont chargés de gérer la limitation de l'effort de pêche. L'incapacité des gestionnaires du MPO et des pêcheurs de faire quoi que ce soit pour bien contrôler les efforts ou même pour reconnaître les efforts accrus montre le malaise fondamental qui existe dans la gestion des pêches au Canada.
L'autre exemple dont nous voulons parler a trait à des ententes relatives à l'aspect économique de la pêche pratiquée à l'aide de petits bateaux. Avant que l'accès limité ne devienne un élément de base de la gestion des pêches vers la fin des années soixante, l'accès à la pêche était surtout contrôlé par chaque collectivité. On s'en remettait à la tradition et les décisions se prenaient, au pire, à la pointe du couteau, et au mieux, par suite de pressions morales du clergé ou des aînés de la collectivité.
Pour pratiquer la pêche, il suffisait d'acheter un bateau et des engins de pêche. Lorsque les permis sont devenus limités, avec tous les avantages que cela comporte, ils ont pris une valeur qu'ils n'avaient jamais eue jusque-là. C'est le principe selon lequel tout ce qui est rare prend de la valeur. Depuis qu'on a limité l'accès, il ne suffit plus, pour pratiquer la pêche, d'acheter un bateau et des engins de pêche; il faut aussi acheter un permis, qui représente souvent plus de la moitié du coût d'entrée. Au moment où ce principe a été adopté, cela ne changeait pas grand-chose aux activités des personnes qui pratiquaient déjà la pêche, mais cela touchait par contre les nouveaux venus.
Il y a toute une nouvelle dynamique du capital qui a été imposée dans le domaine des pêches, mais la gestion des pêches n'a pas été adaptée en conséquence. Les règles de 1995 sont presque les mêmes que celles de 1968 pour ce qui est de la délivrance des permis. Le MPO continue de prétendre qu'une licence pour la pêche au homard, par exemple, ne vaut que 30$, tandis qu'il se fait régulièrement des transferts au coût de 50 000$ à 150 000$.
Ces deux exemples - l'incapacité de contrôler ou de reconnaître les nouveaux efforts et l'impossibilité d'amener les gestionnaires à tenir compte de la situation économique et financière actuelle - montrent que la gestion des pêches au Canada est vraiment déphasée par rapport à la situation à laquelle font face les gens qui tirent leur subsistance de la mer.
À l'heure actuelle, les exploitants de petits bateaux sont coincés, pour reprendre l'expression que vous avez utilisée tout à l'heure dans un autre contexte. Les initiatives gouvernementales récentes en matière de recouvrement des coûts dans le secteur des pêches découlent logiquement de la crise financière actuelle ou imminente à laquelle fait face notre pays. Il est aussi inutile que facile d'y imputer la situation financière critique des pêches. Un vieux proverbe dit que même les dieux ne peuvent rien changer au passé. Mieux vaut se concentrer sur le présent et l'avenir.
Les frais d'exploitation des pêcheurs qui utilisent de petits bateaux augmenteront de façon spectaculaire au cours des prochaines années. Cette augmentation ne sera pas uniquement le résultat de la spirale inflationniste des coûts; les nouveaux coûts comprendront, entre autres, les frais d'utilisation des données scientifiques, les frais d'utilisation du quai et de ses installations, les droits à acquitter pour le contrôle des prises, l'augmentation des droits d'accès et des coûts de permis, les coûts de gestion et de cogestion, les droits obligatoires de reconnaissance professionnelle et d'adhésion à une organisation et, dans certains cas, des coûts d'application des règlements. Certaines de ces augmentations sont déjà prévues et d'autres font l'objet de consultations.
Les pêcheurs et leurs organisations ont protesté contre l'augmentation proposée des coûts qui leur sont imposés pour exercer leurs activités. Ces protestations ne donneront rien, pour deux raisons. Premièrement, le problème de la dette nationale est réel et n'est pas un prétexte quelconque pour s'en prendre aux pêcheurs. Deuxièmement, le public sera très peu sympathique à une position qui soutient que les pêcheurs ne devraient pas payer de frais appropriés pour l'accès privilégié dont ils jouissent à une ressource publique. D'autres industries à base de ressources comme l'industrie minière, l'industrie maritime et l'industrie forestière, ont toujours eu à payer des redevances, des droits de coupes ou d'autres frais pour avoir accès aux ressources ou pouvoir les exploiter.
Des consultations peuvent être efficaces pour déterminer les niveaux de paiement appropriés, mais en fin de compte, les pêcheurs paieront plus qu'auparavant. Nous n'essaierons pas d'évaluer avec exactitude les nouveaux coûts, mais je dirais que ce sera entre 2 000 et 5 000$ par pêcheur. Nous ne sommes pas contre cela, quant à nous.
Une deuxième menace plane sur les pêcheurs dans l'avenir immédiat. En effet, les personnes qui recourent à l'assurance-chômage de façon répétitive et sur une base saisonnière, comme les pêcheurs, risquent fort d'être de moins en moins admissibles à des prestations ou d'avoir droit à des prestations de plus en plus réduites. On ne sait pas si les réductions seront effectuées par suite d'une vérification des moyens ou par une autre méthode, mais chose certaine, le résultat net sera une baisse des revenus. La réalité est incontournable: les coûts vont augmenter et les revenus nets vont diminuer.
À l'heure actuelle, il est beaucoup question au MPO de promouvoir des pêches durables et viables. Je n'ai pas encore réussi à obtenir de quiconque un chiffre permettant de quantifier la viabilité. Nous avons assisté à de nombreuses réunions au ministère. Combien nous permettra-t-on de gagner?
Face à l'augmentation des coûts et à la diminution des revenus, il n'y a que trois façons possibles d'accroître la viabilité: augmenter le volume des prises débarquées, augmenter la valeur au débarquement ou bien réduire les coûts d'exploitation nets ou par unité de production. Nous estimons que le régime actuel de délivrance et de gestion des permis ne peut rien faire de tout cela.
Quant au premier point, augmenter le volume, à l'heure actuelle, de nombreuses espèces ne se pêchent plus ou s'épuisent rapidement. On ne peut pas augmenter le volume d'une pêche qui est fermée. On ne devrait pas non plus accroître le volume à même une pêche qui est devenue marginale, même si elle est théoriquement durable. On peut augmenter le volume par exploitant en réduisant le nombre d'exploitants. Toutefois, le système actuel de gestion exige la stabilité, c'est-à-dire que pour chaque exploitant qui arrive, il y en a un qui part. Cela a pour effet de consacrer la marginalité des petits exploitants.
Deuxièmement, on pourrait accroître la valeur des prises en dollars. On pourrait peut-être le faire pour certaines espèces comme le homard en modifiant les pratiques d'exploitation et le marché, mais à l'intérieur du marché traditionnel, nous ne pouvons pas obliger le consommateur ou la chaîne de restaurants Red Lobster à payer plus cher. Par conséquent, la gestion des pêches n'a pas de rôle défini ou de mandat précis sur le marché.
La troisième solution consiste à diminuer les coûts. La plupart des coûts sont déterminés par les forces du marché. Nous ne pouvons pas changer grand-chose aux prix du carburant et d'autres intrants. D'autres coûts vont augmenter, notamment les droits d'entrée, et je ne suis pas tellement certain qu'ils ne doivent pas augmenter. Toutefois, si l'on pouvait réduire le nombre d'exploitants dans le secteur des pêches, l'augmentation correspondante de la production par exploitant n'entraînera pas une augmentation parallèle des coûts par unité de production, parce qu'il est généralement admis qu'il y a déjà une capacité excédentaire et une surcapitalisation dans la pêche. Comme nous l'avons souligné ci-dessus, la gestion des pêches ne prévoit pas actuellement de mécanisme pour réduire la participation.
Il ne semble pas y avoir de solution facile sous le régime réglementaire actuel. Nous espérons que le texte de loi proposé sur les océans constituera un pas en avant en offrant certaines possibilités de privatisation. Si la viabilité est l'objectif visé par la gestion des pêches à l'avenir et que les pêches doivent fonctionner de façon autonome, c'est-à-dire que l'on diminuera ou éliminera l'aide et qu'une juste partie des coûts de la gestion totale des pêches devra être assumée par les groupes d'utilisateurs, alors les pêcheurs devront être en mesure d'augmenter leurs profits nets.
Cela peut se faire de deux façons. La première est de permettre aux pêcheurs de travailler et, inversement, de permettre aux pêcheurs de pêcher, c'est-à-dire ôter à la pêche son caractère professionnel et la déclarer activité complémentaire. Pour cela, il faudrait abroger les règlements qui interdisent aux pêcheurs d'avoir un autre emploi et les politiques qui stipulent qui peut détenir un permis de pêche. Ce n'est pas l'option privilégiée, ni pour moi ni pour quiconque.
La deuxième option que je présente est de permettre aux pêcheurs de pêcher ou vraiment conférer à la pêche un caractère professionnel et instaurer un système qui permettrait aux pêcheurs d'exploiter davantage les ressources existantes au moyen de droits d'accès ou de production transférables. Cela mène à la création d'un plus petit nombre d'unités viables.
Il vaut la peine de souligner que les pêcheurs ont tendance à résister aux changements sous prétexte que la pêche est très saisonnière et suppose par conséquent un soutien du revenu. Les pêcheurs connaissaient sûrement le caractère saisonnier de cette industrie avant de se lancer dans ce secteur. On les a dorlotés pendant si longtemps qu'il leur est maintenant très difficile d'envisager des changements.
La pêche n'est guère plus saisonnière que la culture des bleuets, la production d'arbres de Noël ou encore le tourisme. De fait, la pêche n'est guère plus saisonnière que la pratique du droit immobilier; c'est un secteur saisonnier. Dans les autres secteurs saisonniers, on organise ces activités sur une échelle viable.
Il est tout à fait possible de structurer un programme de réduction de la flotte généré par les pêcheurs pour empêcher que certaines personnes ne monopolisent les pêches, grâce à l'imposition de plafonds appropriés sur la part des pêches qu'un pêcheur peut avoir, et que certaines sociétés ne monopolisent les pêches, en renforçant les dispositions applicables au propriétaire-exploitant et en apportant des politiques de division de la flotte.
Il existe de très nombreux exemples, même dans les lois canadiennes, de plafonds efficaces. L'Office de commercialisation du lait de la Nouvelle-Écosse impose un plafond. L'Office de commercialisation des oeufs de la Nouvelle-Écosse impose également un plafond. Mme Dockendorff, qui est mariée à l'un des enfants Irving, a découvert qu'il existe un plafond en ce qui concerne les terres qu'on peut posséder à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est donc possible.
À cette fin, il serait extrêmement valable d'examiner en détail certains des systèmes fondés sur la propriété, qui sont actuellement utilisés par les pêcheurs exploitant de petits bateaux en Australie occidentale et en Nouvelle-Zélande, par exemple.
Je vais vous donner brièvement un exemple. J'ai participé l'an dernier à une conférence où Trevor Burkhart, pêcheur de la côte de Kaikoura qui utilise un bateau de 23 pieds - il est loin d'être un magnat de l'industrie - et Daryl Sykes, directeur exécutif de l'Association des pêcheurs de homards en Nouvelle-Zélande, étaient présents à cette conférence tenue à Boston, où j'ai fait un exposé.
Après la conférence, on a écrit un rapport pour la revue professionnelle des pêcheurs de la Nouvelle-Zélande. M. Sykes y dit:
- La deuxième grande impression, et la source d'une grande contrariété pour la délégation de la
Nouvelle-Zélande, était la quantité énorme de désinformations qui circulait au sujet de la
gestion des quotas en Nouvelle-Zélande. J'ignore où certains des Nord-Américains ont obtenu
leur «information» sur le système de gestion des quotas, mais Trevor Burkhart et moi avons
passé tous les deux du temps à expliquer les faits et le contexte du système en
Nouvelle-Zélande.
Le ministère des Pêches et des Océans, je crois, aurait un rôle d'éducation à jouer, en créant une tribune où les gens pourront examiner des formules de rechange pour la gestion, afin de promouvoir la viabilité et d'y mener.
Je pense que je vais m'arrêter sur ce dernier commentaire... Les pêcheurs désirent-ils à ce point se faire ridiculiser par les Canadiens que, face au changement, ils semblent toujours avoir pour réaction de reculer et de dire non? J'espère certainement que ce n'est pas le cas.
Le président: Stuart, je tiens à dire que j'espère qu'il y a plus de gens comme vous, parce que bien trop souvent... J'habite là-bas moi aussi. Comme la plupart des membres du comité, j'ai des parents qui pêchent. Je pense qu'il est vraiment facile de se laisser prendre par quelques personnes qui nient le fait qu'il n'y a plus de poisson et que le problème résulte de toute une gamme de facteurs, qu'il n'a pas été causé seulement par les bureaucrates à Ottawa, mais aussi par des pêcheurs eux-mêmes, peut-être.
Il y a des gens dans le Haut-Canada, comme vous l'avez dit, qui croient qu'aucun pêcheur là-bas ne pense qu'il existe une façon différente et plus productive de gérer la pêche, qu'il n'y a pas de pêcheurs qui n'ont pas peur des changements, qui veulent instaurer eux-mêmes certains changements, qui veulent la cogestion et d'autres mesures de cette nature qui fonctionnent.
Je suis très heureux que vous ayez trouvé le temps de venir aujourd'hui nous transmettre ces renseignements. Tous ces éléments de la Loi sur les océans que nous examinons, et qui semblaient être un peu éloignés de certains de vos commentaires, portent justement sur cette question. C'est une façon différente de voir cette ressource et de la gérer. La loi attribue des responsabilités aussi bien que des droits ou des privilèges. Je pense que la plupart de vos commentaires aujourd'hui vont exactement dans ce sens.
Certains d'entre nous sommes parfois tournés en ridicule lorsque nous nous rendons sur les quais et constatons qu'il y a beaucoup de gens qui comprennent les complexités du secteur des pêches. Personne n'est heureux de la situation lorsque les affaires vont mal. Il y a beaucoup de gens qui ont de meilleures idées sur la façon de procéder et je pense que vous avez su expliquer la situation avec vigueur et à-propos. Je tiens à vous remercier personnellement pour l'exposé que vous nous avez fait aujourd'hui.
Mme Payne (St. John's-Ouest): J'ai trouvé son exposé excellent. J'ai été très heureuse d'entendre certains de ses commentaires.
Ceux que vous venez de faire sont très pertinents. Ils semblent refléter certains des commentaires que j'entends depuis un certain nombre d'années de la part de plusieurs pêcheurs de ma circonscription.
M. Beaton: Je crois qu'il y a énormément d'éducation à faire. J'ignore si le ministère des Pêches et des Océans a une division de la planification importante ou si une section du ministère joue ce rôle, mais c'est seulement un autre exemple du type de désinformation qu'on voit circuler.
En ce qui concerne le rapport de Bowen sur l'Australie, encore une fois, tout le monde dit qu'en vertu d'un système de gestion fondé sur les biens, tous les petits bateaux sont éliminés, lorsque les sociétés achètent toute la flotte. Ce n'est manifestement pas ce qui est arrivé là-bas. À la page 7, on dit que les sociétés de transformation ont acheté des bateaux, pendant les années 1960 et 1970, mais sans beaucoup de succès sur le plan commercial. Cela ne me surprend pas. Si j'utilise le bateau de quelqu'un d'autre, et si le vendredi ou le samedi soir, en route pour la ville, je décide d'aller voir dans quel état est le bateau et que je me rends compte qu'il a coulé, je me contente de téléphoner au propriétaire.
Les pêches ne sont pas différentes de tout autre secteur de production fondé sur les ressources. Le troupeau moyen d'une exploitation laitière appartenant à une société aux États-Unis est inférieur d'environ 30 p. 100 au troupeau moyen des exploitations laitières appartenant à des particuliers. Les gens sont directement intéressés. Je pense que le seul moyen de donner des pouvoirs aux pêcheurs d'une part et de rendre leur entreprise viable d'autre part, est d'identifier et de consolider leurs intérêts, en plus de leur assurer une certaine forme de sécurité.
Mme Payne: Il faut les rendre responsables.
Le président: Stuart, avant de partir, pouvez-vous nous répéter le nom du rapport que vous avez cité au sujet de la Nouvelle-Zélande et où vous l'avez obtenu? Pouvons-nous en avoir un exemplaire?
M. Beaton: Vous ne pouvez pas en obtenir un; il vous faudra un télécopieur. Il y a deux rapports traitant spécifiquement de l'Australie. Il s'agit en l'occurrence d'un rapport de cinq ou six pages intitulé Fisheries Management Report. Il y a quatre volumes, intitulés Long Term Management Strategies for Western Rock Lobster Fishery. Le volume 1, par exemple, intitulé Evaluation of Management Options, est de Bernard K. Bowen, du Rock Lobster Advisory Committee, et il s'agit du document numéro 67 sur la gestion des pêches. Les quatre volumes portent donc les numéros 67, 68, 69 et 70. Il s'agit d'une publication du ministère des Pêches de l'Australie occidentale, datée d'octobre 1994.
On trouve partout des renseignements de cette nature. Je pense qu'on peut obtenir la même chose pour la Nouvelle-Zélande.
Le président: Je tiens à vous remercier pour les efforts que vous avez consacrés à la préparation de cet exposé. Vos commentaires ont été bien accueillis et ils sont très positifs. Ces commentaires nous justifient de penser que le processus est bon, parce que des gens comme vous et les autres qui sont venus ici aujourd'hui, prenez le temps de nous faire part de vos opinions.
M. Beaton: Je comprends que ce que je vais ajouter s'écarte un peu du sujet des discussions, mais la Loi sur les océans ou une autre loi doit donner au ministère des Pêches et des Océans, responsable de la gestion des pêches, le pouvoir d'apporter des changements substantiels.
Le président: Très bien. Vous avez bien fait valoir vos arguments.
Les deux témoins suivants représentent la Nova Scotia Oceans Initiative. Nous avons Hugh Macpherson et Fred Guptill qui sont membres du conseil consultatif.
Qui commence?
M. Hugh A. Macpherson (membre, conseil consultatif, Nova Scotia Oceans Initiative): Je vais commencer. Je ferai l'exposé et Fred s'occupera de toutes les questions que vous n'aimez pas.
Tout d'abord, nous tenons à remercier les membres du comité de nous donner cette occasion de faire des commentaires sur le projet de loi C-98. Je veux commencer par dire dès le début que nous sommes très en faveur du projet de loi. Nous l'appuyons et nos commentaires porteront sur quelques détails que nous proposerions de modifier dans certains articles et nous manifesterons notre intérêt pour ce qui se passera après l'adoption du projet de loi.
Je commencerai d'abord par vous dire en quoi consiste la Nova Scotia Oceans Initiative (NSOI). C'est un groupe dirigé par des intervenants de l'industrie et composé de représentants du secteur privé, de laboratoires et d'établissements de recherche fédéraux et provinciaux, et d'universités. Le seul critère pour être membre de la NSOI est d'avoir un intérêt commun pour la production d'une richesse durable par les océans.
L'objectif de la NSOI est de réunir les talents des intervenants de l'industrie, du gouvernement et des universités, afin de produire un groupe plus puissant d'océanographes et d'ingénieurs capables de gagner de nouveaux marchés pour l'expertise de la Nouvelle-Écosse, tant au Canada qu'à l'étranger.
La NSOI a commencé ses activités par un rapport préparé par le Nova Scotia Council of Applied Science and Technology, connu sous le sigle CAST. On y signalait que les revenus des entreprises de la Nouvelle-Écosse oeuvrant dans le domaine de l'océanographie laissaient fort à désirer si l'on tient compte du nombre d'océanographes et d'ingénieurs professionnels travaillant dans la province. Si l'on tient compte du nombre de professionnels travaillant en Nouvelle-Écosse, on s'attendrait à ce que les sociétés en retirent des revenus deux ou trois fois plus élevés.
Le problème réside évidemment dans le fait que la plupart de ces professionnels travaillent pour les universités ou le gouvernement, principalement au ministère des Pêches et des Océans, au ministère de la Défense nationale, ou au Conseil national de recherche.
La NSOI a été créée après un processus de consultations très vaste afin d'élaborer et de mettre en oeuvre des stratégies en vue d'amener les ressources des secteurs privé, public et universitaire à coopérer et à travailler en partenariat. Cela peut sembler très banal, mais pendant des années, cela ne se produisait pas.
Le concept de réseaux flexibles semble être idéal pour ce processus. On a la preuve que cela peut réussir en voyant les activités conjointes du Service hydrographique du Canada, qui a mené et encouragé des entreprises très fructueuses de cartographie océanique, auxquelles collaboraient d'autres ministères fédéraux, les provinces du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve, ainsi que le secteur privé. Le Sommet économique qui s'est tenu récemment à Halifax a fourni un exemple de la collaboration entre le gouvernement et l'industrie, démontrant qu'on peut exporter l'expertise canadienne dans les secteurs de l'informatique et de la surveillance.
À l'heure actuelle, la NSOI compte environ 125 membres provenant de trois secteurs. Les sociétés représentées vont des cabinets de consultants comptant une seule personne à des fabricants qui emploient plus de 300 personnes. Sept ministères et organismes fédéraux, quatre organismes provinciaux et trois universités comptent des membres au sein de la NSOI. L'initiative est régie par un conseil élu de sept membres du secteur privé, quatre du gouvernement et deux des universités, et nous sommes en train d'embaucher un directeur exécutif.
Je vais parler de la Loi sur les océans dans un instant, mais je vais peut-être aborder brièvement la question des industries océanographiques de la Nouvelle-Écosse. Elles représentent une multitude d'activités: les prévisions météorologiques océaniques, l'architecture navale, l'aquaculture, la conception de logiciels et de systèmes, la pêche traditionnelle, l'instruction de survie. En ce qui concerne cette dernière activité, une entreprise installée à Dartmouth exporte maintenant des biens et des services à l'échelle internationale. Il y a également des entreprises d'électronique de pointe, de loisirs et de tourisme, et de construction de bateaux. Ce sont là quelques-unes seulement des sociétés et des gens qui sont représentés au sein de la NSOI.
Cependant, puisque depuis ses débuts, la NSOI s'efforce d'établir des liens entre l'industrie, les laboratoires gouvernementaux et les universités, nous nous concentrons sur ce qu'on appelle les activités axées sur le savoir. L'inclusion d'autres entreprises productrices de richesses suivra, et nous espérons établir des liens avec des organismes parallèles dans d'autres provinces.
En Nouvelle-Écosse, il y a une centaine de sociétés dans ce secteur axé sur les connaissances. Elles emploient environ 1 500 personnes et produisent des revenus annuels totalisant environ 200 millions de dollars. Nous croyons que si nous réussissons à employer au mieux les connaissances que possèdent les secteurs public et universitaire en les combinant à celles d'entreprises existantes et de nouvelles entreprises, nous pouvons prévoir doubler, au cours des cinq prochaines années, l'emploi et les revenus dans ces secteurs.
La technique permettant de réaliser un tel objectif consiste à élaborer une stratégie commune sur les océans, une stratégie à laquelle souscrivent tous les secteurs concernés. Nous croyons que cette mesure législative peut contribuer à établir le climat propice à la réalisation de ces objectifs, bien qu'elle ne puisse pas l'assurer. Nous croyons que le projet de loi sur les océans nous aidera à atteindre ces objectifs.
Avant de parler de la Loi concernant les océans, je tiens à prendre un instant pour citer une source étrangère qui a proposé une approche semblable. M. Robert Knecht est codirecteur de l'étude sur la politique marine à l'Université du Delaware. Il discute de toute cette question de l'élaboration d'une stratégie consensuelle sur les océans, dans un document intitulé justement: «Une approche consensuelle à une stratégie nationale sur les océans: jusqu'où peut-elle aller?» Il a dit que la réglementation excessive nuit à l'élaboration d'une stratégie nationale. Sa thèse veut que la liberté d'action dans l'ensemble nous donne une ressource très substantielle et si on l'utilise pour réaliser un ensemble d'objectifs convenus, elle peut constituer un pas important vers une stratégie plus cohérente de gestion des océans et des côtes.
Ceci nous amène au projet de loi concernant les océans, dans lequel nous voyons une loi habilitante importante, mais le développement durable de nos océans qu'elle promet de promouvoir dépendra beaucoup de l'ampleur des consultations envisagées dans la loi et de l'esprit dans lequel on y procédera.
La NSOI approuve le projet de loi concernant les océans. Dans sa perspective la plus large, le projet de loi signale qu'on est conscient de l'importance de nos océans et que le Canada est une nation maritime, une caractéristique qu'on oublie au centre du pays, du moins à ce qu'il nous semble parfois, à nous qui vivons sur le littoral. Le fait qu'on l'appelle maintenant la Loi sur les océans élargit peut-être toute la perspective des pêches et des océans, car on a toujours jusqu'ici mis l'accent sur les pêches.
À notre avis, la loi donne un mandat de supervision qui n'a jamais auparavant été expressément donné à un ministère. Le chevauchement et le double emploi ne favorisent pas la croissance. Pour des raisons d'efficacité, les entreprises préfèrent traiter avec aussi peu d'organismes de réglementation que possible tout en assurant une gestion de la croissance. Cependant, nous pensons qu'il y a encore du travail à faire. On pourrait clarifier les secteurs de compétence entre les ministères des Pêches et des Océans et Environnement Canada, et dans le cas des estuaires, nous entrevoyons des chevauchements de compétences entre les organismes de réglementation fédéraux et provinciaux.
Le préambule stipule clairement l'objectif de favoriser le développement durable. C'est très bien, mais nous remarquons que la définition du mot «durable» est telle qu'on pourrait tout aussi bien penser qu'on s'opposera à l'activité économique plutôt que de l'encourager. La réponse se trouve dans l'avant-dernier paragraphe du préambule, qui demande au ministre d'encourager, «en collaboration avec... les personnes de droit public et de droit privé intéressées, l'élaboration et la mise en oeuvre d'une stratégie nationale». Nous revenons ici à nos premiers commentaires et rappelons aux membres du comité que le succès d'une telle stratégie ne viendra pas de la réglementation, mais de la participation de tous les intéressés au cours d'un processus continu de coopération.
La NSOI appuie fermement l'idée d'une déclaration concernant notre zone économique exclusive et notre plateau continental. Cela donne un but clair et, du point de vue des entreprises, un cadre défini de travail.
Fait intéressant, nous remarquons qu'au Royaume-Uni, le secteur privé et le gouvernement travaillent déjà ensemble à encourager l'exportation de la technologie britannique en matière de gestion de la zone économique exclusive. Nous serions certainement heureux de travailler avec le gouvernement du Canada et les provinces à une activité semblable.
Si vous le permettez, je vais maintenant passer à des articles précis sur lesquels nous aimerions faire des commentaires. Vous vous rendrez compte qu'ils tournent tous autour de notre thème principal, celui de la consultation.
Le paragraphe 21(3) ouvre la voie à des chevauchements possibles de responsabilités dans les eaux estuariennes. Nous ne voulons pas pour l'instant soulever la question des compétences fédérales et provinciales. Nous faisons remarquer simplement que c'est un détail de la gestion qui intéresse beaucoup l'industrie de l'aquaculture.
Nous n'avons vraiment rien à redire aux articles 29 et 31, mais encore là le processus suivant l'adoption de la loi sera important. Nous demandons instamment que la NSOI fasse partie des organismes intéressés.
L'article 32 invite les mêmes commentaires, mais nous suggérons aussi qu'on substitue des verbes à l'indicatif au mot «peut» suivi de verbes à l'infinitif, comme à l'article 31. Nous sommes encouragés par le fait qu'on soit maintenant plus sensible à l'importance des océans dans le projet de loi, mais ce changement mineur contribuerait à assurer le maintien du climat de consultation.
Nous remarquons également que l'alinéa 32c) ne définit pas ce qu'est un organisme de consultation constitué. Nous vous exhortons à trouver un équilibre entre les groupes qui sont parfois considérés comme opposés au développement et ceux qui préconisent l'activité économique responsable.
Au sujet de l'alinéa 33(1)a), nous faisons les mêmes commentaires généraux sur la coopération.
L'alinéa 33(1)c) offre une excellente occasion de coopération avec le secteur privé dans le cadre du processus prévu pour recueillir et diffuser de l'information. Quand on parle de privatisation, on ne pense pas nécessairement à transférer une responsabilité complète au secteur privé. En l'occurrence, le ministre et ses fonctionnaires peuvent définir ce qu'il faut faire et confier ensuite la tâche au secteur privé.
L'article 34 devrait permettre au ministre de fournir et de coordonner le soutien logistique au lieu de le coordonner seulement. Dans le passé, cette sorte de soutien, comme par exemple l'utilisation d'un navire ou d'installations pour effectuer des tests, a aidé des petites sociétés à leurs débuts dans ce marché. Cela compléterait certainement l'alinéa 42i), qui encourage le ministre à participer à l'avancement de la technologie marine.
L'alinéa 41(2)e) pourrait inclure «les services... fournis aux autres ministères et organismes, et à d'autres intéressés», et le mot «fédéraux» devrait être supprimé. La Garde côtière canadienne aurait ainsi un mandat pour faire des efforts de coopération destinés à favoriser l'avancement technologique avec le secteur privé.
L'alinéa 42i) pourrait inclure les mots «participer à l'avancement de la technologie marine et l'encourager». Encore là, on ferait jouer au ministère un rôle plus proactif dans le processus de coopération avec le secteur privé que ne le prévoit le libellé actuel.
Nous suggérons d'ajouter les mots «et de développement» après le mot «recherche» à l'article 43. Cette modification vise aussi à encourager une coopération plus étroite entre nos membres et les scientifiques du gouvernement, et c'est la pierre angulaire de la vision de la NOSI pour produire de la richesse.
Au paragraphe 52(1), on parle de prix. Nos membres ont compris, je pense, qu'on parlait toujours en l'occurrence de prix pour les services. Cela soulève un point délicat entre le gouvernement et l'industrie du secteur océanographique, à savoir la concurrence que présente le gouvernement.
Je dois dire tout de suite que les membres de la NSOI ne jugent pas le ministère des Pêches et des Océans particulièrement coupable à cet égard. Il est habituellement très sensible à notre position. Notre préoccupation concerne évidemment l'établissement de prix excessivement bas, ce qui constituerait une subvention de la concurrence par les contribuables. Si une entreprise peut préparer des prévisions sur les vagues, le ministère des Pêches et des Océans ne devrait pas fournir des prévisions de cette nature à tarif réduit.
Dans le cadre du processus découlant de ce projet de loi, nous demandons que les règlements incluent dans le processus de détermination des prix des organismes représentatifs de l'industrie, comme la NSOI.
La NSOI a un point de vue différent de toute cette question des prix pour les services. Une fois qu'on aura déterminé le coût de base, ce qui empêchera toute concurrence déloyale - et nous en avons parlé dans le paragraphe précédent - , il ne semble pas logique de renoncer à des profits. Pourquoi le gouvernement ne ferait-il pas de profits? Il n'y a rien de mal à faire des profits. Dans l'intérêt des contribuables, le gouvernement devrait imposer les prix les plus élevés que le marché peut supporter.
Dans le cas des petites sociétés à court de liquidités, il pourrait y avoir des ententes de partage des revenus futurs, si c'est ce qu'il faut pour faire progresser une idée prometteuse. C'est de cela que nous parlions lorsque nous avons fait allusion à l'aide que le gouvernement pourrait apporter aux petites entreprises en leur permettant d'utiliser des installations pour faire des tests. Il faudra peut-être cependant conclure des marchés en vertu desquels elles devront rembourser si elles réussissent.
Ceci met fin à nos commentaires sur des articles en particulier.
En terminant, je peux dire que la NSOI appuie avec plaisir le projet de loi concernant les océans. Nos commentaires et nos suggestions sont tous fondés sur notre objectif d'accroître les activités dans le secteur marin en Nouvelle-Écosse et dans l'ensemble du Canada, ou d'établir un climat de collaboration entre le secteur privé, les gouvernements et les universités.
Ce projet de loi, que nous considérons comme une loi habilitante, contribuera à la réalisation de nos objectifs. Cette réalisation est très étroitement liée au processus qui suivra l'adoption du projet de loi. Ce projet de loi semble indiquer un esprit de coopération et de consultation. C'est à l'usage qu'on pourra en juger, je suppose, en ce qui nous concerne. Nous espérons que cet esprit se matérialisera et nous assurons les membres du comité de notre intérêt continu et de notre désir d'aider.
Je vous remercie.
Le président: Je tiens à vous remercier. Une telle participation de représentants de l'industrie nous paraît très positive et très productive. L'une des choses qui échappe manifestement à beaucoup de gens lorsqu'une mesure législative de cette nature est présentée, n'est pas ce qu'elle leur enlève ou le fardeau qu'elle leur impose - ce sont les possibilités qu'elle leur offre.
Je viens de Dartmouth où plusieurs de ces merveilleuses entreprises sont situées - et nous aimerions en voir encore beaucoup d'autres - et le fait est qu'il y a un énorme potentiel de croissance dans les industries océaniques. Le gouvernement doit notamment, à mon avis, faire en sorte qu'on mette l'accent sur les industries océaniques en général, plutôt que de se contenter de gérer les pêches en oubliant presque tout le reste. La présence même de votre organisation ici montre clairement qu'il y a une foule d'autres questions liées aux océans à part la gestion des pêches. J'ai été vraiment heureux d'entendre vos commentaires.
J'ai deux questions. Premièrement, vous avez dit que c'est à l'usage qu'on pourra juger. Quand cette mesure ne fera plus l'objet de discussion publique - parce que c'est considéré comme une mesure législative autant qu'un examen parlementaire - pensez-vous qu'il serait souhaitable d'obliger le comité permanent à examiner la question des pêches et des océans tous les deux ou trois ans afin de s'assurer qu'après l'adoption du projet de loi en comité, après son adoption au Parlement et son entrée en vigueur, et après la rédaction des règlements ainsi que leur publication dans la Gazette, les nobles objectifs qui ont été fixés sont vraiment réalisés? D'autres témoins l'ont suggéré au comité, afin qu'on puisse résoudre les problèmes qui surgiront, au lieu de les laisser entacher la loi et peut-être s'y répandre.
Suggéreriez-vous que nous envisagions de proposer un amendement stipulant que cette loi soit réexaminée par un comité parlementaire dans deux ans, disons?
M. Macpherson: Je ne pense pas que cela nuirait. J'ose espérer que si quelque chose n'allait pas, des organismes comme le nôtre ou tout autre groupe ne penseraient pas devoir attendre jusqu'au moment du processus d'examen.
Le président: Je suis d'accord. Je suis député depuis sept ans seulement, mais l'une des choses qui me semble fonctionner est l'imposition d'un examen après une période déterminée, afin de voir si les objectifs fixés deux ou trois ans auparavant ont été réalisés.
Deux groupes restent alors vigilants: premièrement, les ministres et leur personnel politique, qui sont responsables de la loi, et deuxièmement, les bureaucrates qui l'administrent. Cela les garde vigilants, parce qu'ils savent fort bien qu'il y aura une fiche de rendement à un moment donné. Et c'est pourquoi je dis que si l'on impose au ministère un examen obligatoire régulier, les responsables feront probablement en sorte que le loi progressera comme il se doit.
M. Fred Guptill (membre, conseil consultatif, Nova Scotia Oceans Initiative): C'est une question dont nous avons discuté l'autre jour, en réunion. Il doit y avoir des précédents dans d'autres textes de loi.
Le président: Un excellent exemple de cela, c'est la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, qui date d'il y a quelques années. Sachant qu'une étude parlementaire allait avoir lieu, il y avait un groupe de travail au sein du ministère, de sorte que l'on s'est penché sans tarder sur certains règlements qui ne cadraient pas avec la volonté du législateur et la finalité de la loi, au lieu de laisser les choses traîner.
M. Macpherson: J'hésite un peu, parce que j'essaie de me représenter comment on se fixe des objectifs qui servent alors à mesurer l'efficacité du texte de loi. Un groupe comme Nova Scotia Ocean Initiative aurait surement des objectifs différents d'un autre, qui se vouerait à la préservation d'un écosystème. Je suis certain, par exemple, qu'en tant que propriétaire de chalet, je n'aurais pas les mêmes critères qu'en tant que député.
Mais nous en avons discuté, et si nous parvenons à nous entendre sur la bonne façon de déterminer ces objectifs, il serait bon que nous tentions de les mesurer après un certain délai: trois ans me paraît un peu court, bien qu'à mon avis il n'est probablement pas réaliste de planifier une stratégie industrielle qui doit devenir rentable en moins de cinq ans.
Le président: Je voudrais vous poser une seconde et dernière question: vous disiez que vous voudriez voir précisées les attributions et les responsabilités du ministère des Pêches et des Océans, et d'Environnement Canada. Il a souvent été dit, à ce comité, que ne serait-ce qu'aux fins d'une simplification administrative, il serait bon que plusieurs textes de loi soient refondus dans une nouvelle loi concernant les océans du Canada, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. C'est ainsi que certains aspects de la partie IV de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui porte sur les rejets en mer, sont toujours encore administrés par Environnement Canada. Il me semblerait préférable qu'ils soient incorporés dans cette nouvelle loi, de même que la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques.
Cela permettrait-il, à votre avis, d'éviter tout malentendu sur les responsabilités respectives? Est-ce là le genre de mesure que vous voudriez voir adoptée?
M. Macpherson: Cela me paraîtrait souhaitable. Quand une vaste organisation a des difficultés dans une sphère assez restreinte, les groupes plus petits, qui essaient de coexister au sein d'un organisme qui a une vocation différente, ont tendance à être laissés à l'écart. Vous obtiendriez donc un meilleur résultat si vous réunissiez ces responsabilités dans une seule organisation qui s'occuperait spécifiquement des océans.
Le président: Je dois me reprendre: je disais que c'était ma dernière question, mais il m'en reste une.
Vous demandiez que soit précisés les rôles respectifs, dans les estuaires, des gouvernements fédéral et provincial. L'un des témoins précédents avait abordé la question en mentionnant l'article de la loi - est-ce 28? - qui exclut spécifiquement les rivières et les lacs. On a dit que personne ne voulait entrer dans ce débat à saveur constitutionnelle, mais l'article 28 du projet de loi précise que la présente partie ne s'applique pas aux lacs, fleuves et rivières.
On peut se demander alors jusqu'où, dans un estuaire, s'étend la responsabilité du gouvernement fédéral? Conviendrait-il de passer la question sous silence et de procéder à des consultations approfondies quand se pose la question du régime de gestion? Comment, à votre avis, devrions-nous traiter de cette question? L'article 28 devrait-il être supprimé? Faudrait-il mettre le silence là-dessus, ou devrait-il y avoir un article ordonnant au ministre fédéral de procéder à des consultations sur les zones des estuaires, et à des consultations avec les compétences provinciales pour l'élaboration d'un plan de gestion? Comment s'y prendre, pour cette question?
M. Macpherson: Permettez-moi de vous répondre en vous rapportant deux expériences, l'une personnelle, l'autre en quelque sorte hypothétique.
J'habite dans la Baie Mahone, à l'embouchure de la rivière Martins. Si je constate un déversement ou une autre forme de pollution sur le rivage, est-ce que j'appelle les représentants de la province ou ceux du gouvernement fédéral? Je n'aime pas me voir renvoyer de Ponce à Pilate.
Le président: Est-ce que vous connaissez votre député?
M. Macpherson: L'autre fait qui m'est arrivé...
Le président: Dans un cas pareil vous devriez vous adresser à votre député fédéral.
M. Macpherson: Non, c'est à mon député provincial auquel je m'adresserais.
L'autre fait date de l'époque où je siégeais au Conseil municipal de Bedford. Il est arrivé plusieurs fois que des gens subissent des inondations, nous appellent et c'était alors, de la ville et de la province, à qui se déchargerait sur l'autre. Nous avons fini par convenir que dans un cas pareil, la ville se chargerait immédiatement de résoudre le problème et que l'on discuterait ensuite qui était responsable, qui devrait payer et quelles mesures il fallait prendre pour les séquelles.
Ce que j'aimerais voir - je ne sais comment vous vous y prendrez, mais c'est de cela que vous êtes chargés - c'est une disposition spécifiant qu'en cas d'incertitude, Untel prendra l'initiative et on discutera ensuite pour attribuer les responsabilités.
M. Guptill: C'est à cause de situations de ce genre que le développement de l'aquaculture en Nouvelle-Écosse a été retardé, peut-être d'une dizaine d'années, uniquement parce que les compétences en matière d'eau côtière n'étaient pas clairement délimitées.
Le président: Ce qui a probablement fait perdre des dizaines de millions de dollars de recettes dans les pêcheries.
M. Guptill: Hélas, cela ne fait aucun doute. Au Nouveau-Brunswick, l'aquaculture vaut 100 millions de dollars par an.
Le président: À l'heure actuelle c'est encore davantage, probablement 130 millions de dollars par an.
M. Guptill: On peut dire, sans risque de se tromper, qu'il s'agit-là de dizaines de millions.
M. Macpherson: L'aquaculture crée plus de 100 000$ de recettes par employé, ce qui se compare très favorablement avec les secteurs industriels les plus productifs. C'est ce genre de recettes créées par emploi qui tombent dans l'escarcelle publique et créent des écoles, des hôpitaux et répond à tous les autres besoins.
Le président: Y-a-t-il d'autres questions?
Je voudrais vous remercier de votre exposé ainsi que de votre appui, dont je vous félicite.
Quant aux commentaires que vous avez faits sur le libellé du projet de loi, plusieurs témoins en ont spécifiquement traités. Si vous constatez, à la relecture, que vous avez d'autres changements de termes à proposer pour renforcer le projet de loi ou pour l'élucider, je vous encouragerais à en faire part, par télécopieur, au greffier, et nous mettrons vos observations en annexe à votre mémoire.
Merci d'avoir eu la patience d'attendre et de contribuer de façon aussi utile à notre discussion.
Nous allons maintenant à West Nova Fishermen's Coalition, représentée par son vice-président, M. Henry Surette.
Voilà un moment, Henry, que je vois votre chemise à rayures, mais je ne vous avais pas devant moi. Merci d'avoir attendu tout l'après-midi. Vous avez maintenant la parole.
M. Henry Surette (vice-président, West Nova Fishermen's Coalition): Je vous remercie, monsieur le président.
On a le beau jeu, quand on ne représente pas les pêcheurs, de faire ici les déclarations que j'ai entendues de mes deux derniers prédécesseurs. M. Stuart Beaton, j'en suis sûr, ne représente que lui-même... Enfin, laissons cela.
Voilà 37 ans que j'oeuvre dans le secteur de la pêche, et pendant longtemps je n'ai été que pêcheur. Mais il y a environ 14 ans, j'ai commencé à m'intéresser aux organisations, non pas que j'aie la tête la mieux faite de tous, mais parce que je me suis rendu compte des enjeux. J'avais deux fils qui grandissaient, et je voulais leur assurer une part de leur... Je ne voulais pas qu'ils se retrouvent les mains vides.
Je m'en suis pris à des organisations comme le ministère des Pêches, et la Garde côtière canadienne, riches de millions de dollars alors que je n'avais que mon revenu, monsieur le président. Je vais vous donner un exemple: en 1989, j'ai pêché pendant 25 jours, et j'ai donné le reste pour défendre la cause de mes camarades les pêcheurs.
Dans ma communauté on ne plaisante pas avec les valeurs: la famille, on y tient beaucoup et on ne manque pas un service religieux. Les crimes et délits sont très rares, nous n'avons eu qu'une arrestation, pour autant que je m'en souvienne. Les jeunes étaient trop occupés par la pêche pour faire des bêtises. Le poisson n'est donc de loin pas le seul enjeu: nos jeunes méritent un avenir meilleur.
Ce qui m'inquiète vraiment, à l'heure actuelle, c'est que je ne peux pas transférer ma licence à mon fils; je voudrais les transférer toutes, mais la seule que je puisse transférer est la licence pour le homard. Toutes ces années de labeur se soldent par un échec, parce que je ne peux le faire hériter de ce que j'ai acquis. C'est très angoissant.
Au XVIIIe siècle les Acadiens ont été expulsés vers les États-Unis. Ce qui nous arrive aujourd'hui revient à une expulsion, celle des pêcheurs, sans discrimination de race, de croyance ou de personne: la moitié doit partir, c'est le gouvernement fédéral qui l'a dit.
Mais nous n'avons pas à partir. Il reste encore toutes sortes d'espèces sous-utilisées que nous pouvons pêcher. Je pourrais vous donner un exemple, mais... Il a des pêcheries importantes à exploiter, et tout ce qu'il me faut, c'est la bonne volonté et un peu d'aide du gouvernement fédéral.
Vous dépensez, en programmes de formation, des centaines de millions de dollars: pour former quoi? Des coiffeurs. Il y a plus de coiffeurs par habitant, dans les Maritimes, qu'il n'y en a à Hollywood. Nous allons battre tous les records de têtes bien coiffées.
Nos gens sont formés pour travailler en usine, cela leur plaît, c'est là qu'est leur vie et nous n'avons pas à les transplanter. Nous avons l'infrastructure, les gens, les usines, nous pouvons créer un monde nouveau.
Nous avons perdu le nord: les ressources existent - je pense au crabe, aux moules et à d'autres espèces qui ne sont pas exploitées - c'est là-dessus que nous devons mettre le cap; sinon, nous allons manquer le bateau, monsieur le président. C'est un trésor que recèlent les fonds marins, un trésor hors de notre portée uniquement à cause de la faiblesse du gouvernement fédéral.
Voilà des années que j'essaye de faire ouvrir ces pêcheries et que les bureaucrates dressent des obstacles sur mon chemin en disant: L'an prochain, peut-être; mais rien ne se passe. Nous perdons sur tous les tableaux, parce que nous payons les gens à rester chez eux, et par le manque à gagner de ce que nous pourrions produire. Quel gaspillage!
Les gens des Maritimes n'ont pas envie de venir à Toronto. Qu'y ferait-il? On ne peut arracher les gens à leur pays, ils y laisseraient leur vie, leur coeur.
Il y a quelques semaines, je me trouvais à Ottawa, lors d'une réunion de la Garde côtière; l'un du Groupe des 8 est venu me dire qu'on avait besoin de mon aide, que je pouvais regrouper les pêcheurs et faire adopter cette loi. Si j'avais voulu trahir mes camarades, on m'aurait payé ce jour-là 100 000$. Cette personne m'a dit que si j'y réussissais, on m'assurerait 1 million de dollars parce que cela leur rapporterait, à eux, des millions.
Monsieur le président, je ne suis pas à vendre. J'ai consacré à cette cause une grande partie de ma vie, et de mon revenu; ma famille en a beaucoup pâti, croyez-moi. Je ne suis pas un traître.
Mais laissez-moi vous assurer que la situation est très grave chez nous. Je n'avais jamais vu la Loi concernant les océans. Je n'avais pas pu en obtenir un exemplaire.
Les droits à payer pour l'obtention d'un permis vont être... Certes, nous pouvons payer des droits si nous traitons l'océan comme une usine, mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Si nous imposons des droits de permis, les gens vont essayer de trouver moyen de les payer et il faudra récupérer cet argent sur les ressources. Nous ne voulons pas de tricheurs. Nous ne voulons pas créer toute une classe de fraudeurs luttant pour leur survie.
Il y a quelques semaines, je me trouvais à Boston. Je ne suis pas venu ici pour chanter mes propres louanges, mais on m'a nommé personnalité de l'année pour le Canada. Un groupe d'acheteurs est venu me dire: Henry, il faut mettre fin à cela, parce qu'on va vous avoir tout comme on vous a eu avant. Nous allons payer ces droits pour l'obtention de la licence, et ensuite nous payerons ce qu'il faudra pour vos produits, parce que nous voulons en devenir propriétaires.
Mais le Canada, ce n'est pas cela! Ce n'est pas pour cela que mon père est allé à la guerre. Tout cela va à l'encontre de ce que le Canada, à mon avis, veut être. Dans le secteur de la pêche, en tout cas, nous n'approuvons pas ce qui se passe.
L'océan, il faut lui donner sa chance. Si nous pouvions en interdire la moitié, et laisser les pêcheurs pêcher dans l'autre, le pire qui arriverait serait la survie des poissons dans la partie interdite - à moins que vous ne leur imposiez pas à tous un quota. Le mot «quota», nous ne pouvons plus le supporter. Nommez-moi une industrie des pêches, dans le monde, qui a survécu avec un système de quotas; ce système est voué à l'échec, nous l'avons prouvé au Canada. La pêche au homard, dans le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, marche bien, c'est l'une des meilleures du monde, et ceci sans quota. On respecte les limites pour les cages et les saisons, et à la saison du frai, la pêche est interdite, sauf pour les autochtones, mais sur ce point nous ne sommes pas d'accord.
Je pourrais continuer toute la nuit, mais j'ai le coeur trop lourd. Si vous voulez me poser des questions, je tâcherai d'y répondre.
Le président: Je voudrais tout d'abord vous faire remarquer, Henry, que dans ce projet de loi il est très peu question de droits mais nous avons pris note de ce que vous disiez en matière de droits et de privatisation de la pêche. Ce sont des questions que nous avons abordées à deux occasions, mais sans parvenir à aucune conclusion.
Avec le prochain texte de loi, à savoir la modification de la Loi sur les pêches, nous allons nous pencher sur ces questions. Ce que vous avez dit nous sera utile pour nous faire comprendre l'effet des droits, par exemple, sur la possibilité pour les pêcheurs de petites embarcations de continuer à pêcher.
Nous avons entendu aujourd'hui toutes sortes d'opinions sur les pêches, mais ce qu'on vise à faire avec ce projet de loi, et ce sur quoi nous voudrions avoir des opinions, c'est de savoir s'il existe un consensus sur la mise en place d'une Loi concernant les océans. Jusqu'à présent nous n'avons jamais vu dans l'océan autre chose qu'un moyen d'obtenir du poisson. Vous avez soulevé des questions intéressantes et importantes à propos des pêcheurs, ceux qui ont exploité la première ressource de l'océan. Il faut veiller soigneusement, avant de légiférer, à consulter ceux qui seront le plus touchés, ceux qui depuis des siècles vivent de cette ressource.
Je voudrais vous remercier de vous être déplacé pour nous communiquer vos réflexions.
Est-ce qu'on est toujours muet de ce côté, ou y a-t-il un commentaire? Monsieur Verran.
M. Verran: Je voudrais remercier Henry de nous avoir consacré son temps. Je me suis entretenu avec lui il y a deux semaines, lorsqu'il assistait à Ottawa à sa dernière réunion.
Henry, vous êtes un authentique représentant dans certains secteurs de South West Nova, et de ses pêcheurs, et je sais que vous défendez leur cause avec beaucoup de sympathie.
Je vous ai vu à votre arrivée, il y a un peu plus de deux heures, et vous avez ensuite disparu. Quant à ce que vous nous dites à propos des coiffeurs, on jugerait que vous venez d'en rencontrer un - puisqu'il y en a tant - qui vient de vous faire une belle coiffure.
Mais assez de plaisanteries! Nous savons qu'il y a des problèmes. Le comité des pêches n'ignore pas que la pêche aux crustacés et au homard est la plus lucrative et la mieux gérée de Nouvelle-Écosse, et comme vous le mentionniez, il n'y a pas de quota qui lui soit imposé.
Le comité tiendra certainement compte de vos commentaires parce que nous savons tous combien vous avez à coeur les intérêts de ces pêcheries et des gens que vous représentez. Le président et nous tous prendrons certainement vos commentaires en considération lorsque nous examinerons l'information que des gens comme vous nous ont apportée aujourd'hui.
Merci encore, Henry, de votre apport à ce comité.
Le président: Ce n'est certainement pas la dernière fois que nous nous voyons, Henry, car nous allons tenir d'autres audiences, au cours des prochaines semaines, soit ici, soit en voyageant, et peut-être les deux. Vous figurez sur ma liste et je vous encourage, quand il sera question de ces dispositions, de revenir nous faire part de vos sentiments et de votre point de vue sur l'orientation à faire prendre aux pêches, et sur la façon dont les permis, les droits d'accès et autres auront des effets pour les collectivités côtières et pour ceux qui vivent de ces ressources et très souvent en ont été les gardiens. Ce sont les gens que vous représentez et la famille dont vous êtes originaire, en un mot, les pêcheurs.
Mme Novaczek: Je voudrais revenir un instant sur ce que Henry vient de dire: vous m'avez demandé si j'avais un chiffre à proposer pour les zones marines protégées. Henry vient de vous dire 50 p. 100.
Le président: Très bien, nous vous remercions, Henry.
Nous passons maintenant à notre dernier témoin, Ishbel Munro, de Coastal Communities Network.
M. Jim Legge (représentant, Coastal Community Network): Je m'appelle Jim Legge et je remplace Ishbel Munro, qui a eu un empêchement.
Pour les membres du comité qui ne savent ce qu'est le Coastal Communities Network, nous sommes un groupe de gens qui se réunissent une fois par mois pour discuter des questions touchant aux collectivités côtières. Nous nous sommes récemment surtout penchés sur les cas des pêcheries. Bien que nous ne soyons pas un organisme officiellement constitué, nous consacrons beaucoup de temps et d'effort à nos collectivités côtières.
Notre groupe comprend des représentants de l'Église catholique romaine, l'Église anglicane, de l'Église unie, de certains syndicats maritimes de pêcheurs - non seulement l'Union des pêcheurs des Maritimes, mais également la Fédération des pêcheurs de l'Est - les travailleurs des collectivités et des régions côtières, les gens des municipalités, les maires, etc. Nous faisons ce que nous pouvons pour les collectivités côtières.
La Loi concernant les océans nous inquiète, et j'ai peut-être entendu des signaux d'alarme. Nous ne la comprenons peut-être pas entièrement, parce qu'il nous a fallu longtemps pour en obtenir un exemplaire.
Nous sommes en faveur du chapitre sur la ratification du droit de la mer, dont nous comprenons l'importance et la nécessité. Quant aux autres articles qui traitent des pêches et des zones océaniques contiguës à la Nouvelle-Écosse, nous craignons que les collectivités côtières et la population qui y vit - je ne parle pas seulement des pêcheurs qui tirent leur subsistance de l'océan - devraient être consultées pour la gestion de la zone côtière.
Nous sommes en faveur d'un système de cogestion des pêches. Nous n'avons peut-être pas la même définition de cogestion que celle du ministère des Pêches et des Océans, mais nous affirmons que les pêcheurs devraient participer aux décisions sur la gestion des pêches au même titre que les scientifiques, les écologistes, les gens de Pêches et Océans, les travailleurs communautaires et ceux qui habitent ces collectivités et dépendent tant des pêches à cause de leur impact sociologique et économique.
J'habite dans la région de Sambro, à proximité de Halifax. Nous avons actuellement de la chance, en ce sens qu'un système de quota a été attribué à la collectivité, système qui nous a été très favorable, car le volume de poisson qui nous arrive a été modulé de telle sorte que les usines ont pu continuer à travailler. Nous n'avons pas eu à trop tenir compte, par exemple, de la Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique ou d'un autre programme de ce genre. Le sens d'appartenance à la collectivité est renforcé parce que nos pêcheurs peuvent continuer à pêcher, les conserveries tournent et la collectivité en profite.
En tant que représentant des collectivités côtières, cette gestion de la zone côtière ne lasse pas de nous inquiéter: on ne devrait pas se limiter à l'océan proprement dit. Je me rends compte de la difficulté que vous avez en tant que ministère des Pêches et des Océans, dans vos relations avec les pouvoirs provinciaux et municipaux, mais il faudrait quand même renforcer le processus de consultation quand il s'agit de prendre des décisions si importantes et qui touchent de si près non seulement les pêcheurs eux-mêmes, mais également la vie des habitants de ces collectivités.
J'ai eu l'occasion d'assister à la conférence de 1994 sur les zones côtières du Canada, qui a eu lieu à Halifax en septembre de l'an dernier. C'était pour moi un sujet tout nouveau qui m'a vraiment décontenancé: je me sentais comme un poisson hors de l'eau, mais j'ai vite constaté qu'on m'écoutait avec attention quand je m'exprimais en tant que membre d'une collectivité côtière.
Ce qui était surprenant à propos de cette conférence, c'était le grand nombre de scientifiques et d'écologistes, et le très petit nombre de pêcheurs ou d'habitants de ces collectivités, bien qu'il y ait des gens qui vivent effectivement dans une grande proximité de l'océan. Le dernier jour de la conférence, quatorze ateliers ont fait rapport, chacun faisant remarquer que la gestion de la région côtière doit être basée sur la consultation des collectivités.
L'impression que nous donne la Loi concernant les océans du Canada, c'est qu'elle a été rédigée dans une tour d'ivoire, les pêcheurs ou les collectivités côtières ayant été très peu consultés. Je sais que vous essayez de dissiper cette impression, avec une liste de deux pages de gens que vous avez consultés, mais il n'en reste pas moins qu'un grand nombre de gens de la région ont l'impression d'avoir été tenus à l'écart, et cette idée ne lasse pas de nous inquiéter.
Vous avez eu la chance de constater combien les opinions diffèrent sur la gestion des pêcheries, sur les quotas individuels transférables et les autres options, et cette discussion pourrait s'éterniser.
Je siège également, en tant que représentant du Coastal Communities Network, à la table ronde de Nouvelle-Écosse, avec des pêcheurs et organisations de pêcheurs. Je ne sais pas si vous avez reçu le rapport de la dernière table ronde de Nouvelle-Écosse, que présidait M. Tobin, mais l'objet de la discussion était la Loi concernant les océans du Canada. Je peux vous dire en toute franchise que c'est l'une des premières fois qu'il y a eu consensus total sur les inquiétudes exprimées par nos propres membres. Ce fut une réunion surprenante à bien des égards, en particulier parce que ladite loi a contribué au consensus total, et c'est la première fois qu'une telle chose se produit. C'était vraiment merveilleux.
Mais il n'empêche que nous nous inquiétons...
Le président: Permettez-moi de vous interrompre: pourriez-vous dire à notre attaché de recherches quelle était la date et quel est le document dont vous parlez?
M. Legge: C'était une déclaration, en date du 23 octobre, des associations de pêcheurs de Nouvelle-Écosse, et c'était la table ronde de Nouvelle-Écosse qui s'est tenue le 23 octobre 1995 et était présidée par l'honorable Brian Tobin. Je pourrais vous en donner lecture ou, si vous le voulez, je pourrais également vous l'envoyer.
Le président: J'essaye de trouver la référence. Y avait-il une pétition qui l'accompagnait?
M. Legge: Oui, elle était signée par toutes les personnes présentes.
Le président: En ce cas nous avons ce document.
M. Legge: Très bien.
Le président: Me permettez-vous d'ajouter quelque chose? Il n'y a pas eu de séance d'information. Votre groupe a-t-il eu une séance d'information sur la Loi concernant les océans du Canada? Cette séance a-t-elle eu lieu au cours de la réunion?
J'ai une pétition. Nous avons entendu quatre témoins qui tous ont fait connaître leur opposition aux droits d'accès et aux droits de permis, question ne figurant pas au projet de loi. Pouvez-vous donc me renseigner? Comment cela s'est-il produit? J'entends par là que la table ronde a eu lieu...
M. Legge: Ce n'est pas tout à fait cela. On ne mentionne pas les droits à payer pour l'obtention d'un permis. L'un des témoins précédents, Joe Boudreau, a soulevé la question à cette réunion et a déposé un avis juridique qu'il avait obtenu à ce sujet. Cet avis juridique a donné lieu à des préoccupations. On en a discuté à cette table ronde.
Essentiellement, la troisième partie officialise les mécanismes de privatisation des ressources au profit des sociétés. On y exclut la possibilité, pour les pêcheurs, d'élire ceux qui les représenteront au sein des organismes de cogestion ou d'autogestion. Elle permet l'imposition de nouveaux frais d'accès et d'utilisation sans évaluation préalable des effets sur les collectivités de pêcheurs. Elle ne comporte aucun principes fondamentaux, tels que la nécessité pour les propriétaires exploitants des collectivités côtières d'accéder en priorité aux ressources halieutiques.
Je ne sais pas si vous avez le document ou non.
Le président: Oui, je l'ai. Mon problème, en tant que président du comité, c'est que je n'ai pas eu l'avis juridique dont on a discuté pendant cette table ronde. Je l'ai demandé, parce que je ne suis pas certain d'être entièrement d'accord là-dessus. J'examine ce projet de loi en toute objectivité; je l'ai d'ailleurs déjà critiqué. Je ne crois pas que cet avis juridique, du moins, d'après ce qu'on m'en dit, constitue une interprétation juste du projet de loi.
Étant donné que presque tous les témoins que nous avons entendus aujourd'hui ont parlé d'un avis juridique que nous n'avons pas vu, j'en ai demandé un exemplaire. Lorsque nous l'aurons reçu, nous l'examinerons et demanderons l'opinion de nos conseillers juridiques. J'ai aussi demandé au ministère une séance d'information pour les intéressés, et ce sera fait.
J'espère que certaines des préoccupations sont sans fondement; il se peut que certaines ne le soient pas. Toutefois, j'espère pouvoir apaiser certaines craintes grâce à la tenue d'une séance d'information offerte par le ministère, une séance qui se tiendra demain et au début de la semaine prochaine.
M. Legge: J'étais ici plus tôt lorsque vous avez dit qu'il fallait mener une campagne de sensibilisation et que c'est ce qu'on demanderait au MPO. Croyez-moi, nous vous serions très reconnaissants. Nous saurions alors au moins comment le ministère interprète le jargon juridique du projet de loi qui est très difficile à lire et à comprendre.
Instinctivement, et nous avons tendance à réagir instinctivement contre le ministère, nous avons constaté que ce projet de loi se fondait sur la naïveté des pêcheurs. Avec ce projet de loi, nous craignons que le ministère nous demande de lui faire confiance à tous les égards. On y trouve de nombreux «peut» et «doit» et, après avoir lu le projet de loi, j'ai l'impression qu'il faudrait faire remplacer les «doit» par des «peut», et vice versa.
Tout cela fait partie du processus de consultation et de ce qu'on tente de faire à la Chambre des communes. Toutefois, il est difficile pour les membres de nos collectivités d'obtenir des informations afin de bien comprendre ce qui se passe. Dans le cadre du processus de consultation, il n'y a pas un membre de notre collectivité ou, d'ailleurs, de la table ronde ou des associations, qui ait été consulté. Alors, nous avons réagit instinctivement. C'est peut-être par ignorance, mais c'est une ignorance qui est peut-être fondée sur la peur.
Nous avons de bonnes raisons d'avoir peur, parce que ce sont nos collectivités qui sont en jeu. Si la Loi concernant les océans ne nous protège pas, si elle ne protège pas les pêcheurs, et, selon une interprétation, elle privatise les pêches ou permet au MPO de le faire, il est évident que nous allons nous opposer à cette loi. Nous sommes très préoccupés.
Il faut aussi aller dans nos collectivités et sensibiliser les gens, les pêcheurs et les fonctionnaires du ministère, sur ce qu'est véritablement la cogestion. Une occasion s'offre à nous et j'espère qu'on la saisira, que le ministère en profitera pour faire précisément cela: aller dans les collectivités et parler aux gens des enjeux qui leur sont si cruciaux. Si la loi vous habilite à faire cela ou impose cette obligation au ministère, ce serait tout à fait merveilleux. Nous tenons néanmoins à bien comprendre la portée du projet de loi avant qu'il soit adopté. Nos collectivités tiennent à comprendre, parce qu'elles ne veulent pas continuer à atteindre des incendies. Cette fois-ci, nous voulons vous aider à faire le feu ou, à tout le moins, faire notre propre feu.
Le président: Je suis d'accord avec vous. Nous n'avons pas rédigé ce projet de loi. C'est le ministère qui l'a rédigé. Notre comité en a été saisi et il tente d'explorer toute une gamme d'options.
Nous avons entendu de très bons témoins. Le CCRA est l'une des organisations les plus importantes. Il y avait 76 participants à la table ronde qu'il a organisée pour l'élaboration de son mémoire, la semaine dernière. Le CCRA a fait une analyse exhaustive du projet de loi, presque ligne par ligne. Il a soulevé certaines des questions qui vous préoccupent au sujet du libellé du projet de loi, et nous en tiendrons compte. En Nouvelle-Écosse, le CCRA a tenu des ateliers sur ce projet de loi auxquels ont participé une vingtaine de groupes et de personnes.
Ce que vous me dites est très sérieux. Je veux m'assurer que les témoins que notre comité entend nous font part de leurs vues après avoir obtenu toutes les informations pertinentes sur le projet de loi.
Aujourd'hui, nous nous sommes attardés à ce document et nous nous sommes un peu éloignés du projet de loi, mais nous y reviendrons. Les témoins que nous avons entendus aujourd'hui ont parlé de frais d'accès dont le projet de loi ne fait pas mention. Le projet de loi n'en parle pas. Je crois que les frais d'accès figurent dans un autre projet de loi qui sera déposé sous peu, mais pas dans celui-ci. Je sais que les témoins sont ici pour nous communiquer leur point de vue, que je respecte, mais je tiens aussi à ce qu'ils comprennent bien le projet de loi.
Nous allons donc tenir une séance d'information à laquelle le comité donnera suite. Après cette séance, le greffier verra à obtenir des intéressés toute observation supplémentaire qu'ils voudraient faire. C'est très important pour notre processus de consultation.
M. Legge: J'ignore ce qu'est le CCRA. De quel groupe s'agit-il?
Le président: C'est le Comité canadien des ressources arctiques.
M. Legge: Excusez-moi, mais je ne connais pas ce groupe. Je n'en ai jamais entendu parler. J'aimerais bien savoir ce qu'ils font. J'aimerais aussi voir cette liste. J'aimerais bien savoir qui était présent et quelles ont été leurs remarques.
Lorsque je parle aux gens... Je crois que Mike Butler était ici un peu plus tôt et je me suis entretenu avec lui. Il m'a dit avoir l'impression que le projet de loi avait été rédigé par des fonctionnaires dans une tour d'ivoire. Ça nous préoccupe. Si vous pouvez apaiser nos craintes... Nous ne voulons pas être déraisonnables, mais il nous faut un certain niveau de confiance compte tenu de la crise des pêches. Nous ne nous inquiétons pas seulement en raison de la crise des pêches, nous craignons aussi pour le sort de nos collectivités et ces inquiétudes me semblent justifiées.
Le président: Je demanderai aussi aux fonctionnaires du ministère qui ont rédigé ce projet de loi de nous donner la liste complète des particuliers et des groupes qui ont été consultés au préalable. J'ai vu bien des mesures législatives en sept ans et, après avoir vu la liste des groupes et organisations qui ont été consultés avant l'élaboration de celle-ci, je peux vous dire qu'aucun autre projet de loi n'a joui d'autant de soutien.
Il faudrait y apporter des changements. Il faudrait le peaufiner. On pourrait y faire des ajouts. Mais tous les groupes qui ont été consultés - j'ai la liste ici pour ceux qui veulent la voir - ont exprimé presque sans exception leur soutien. Dans les lettres que m'ont fait parvenir ces organisations, elles me disent que le projet de loi ne va peut-être pas aussi loin qu'elles l'auraient souhaité, mais qu'il constitue un premier pas dans la bonne direction. Elles me demandent aussi de ne pas ralentir le processus d'adoption du projet de loi.
Nous avons indiqué que nous resterons saisis du projet de loi aussi longtemps qu'il nous faudra pour que tous les intéressés expriment leur opinion et apportent leur contribution. J'espère que nous pourrons nous assurer, d'ici le début de la semaine prochaine, que tous les intéressés de la Nouvelle-Écosse qui ont dit ne pas avoir été consultés auront la possibilité de parler du projet de loi avec des experts.
M. Legge: Très bien.
Le président: Y a-t-il d'autres questions?
J'ai une question à poser sur le réseau, que je connais très bien. À mon avis, il fait de l'excellent travail, parce qu'il nous rappelle l'importance de la collectivité. Il nous indique aussi que, lorsqu'on gère une ressource comme les pêches, on doit toujours être conscients des facteurs autres que l'argent, l'efficacité et l'efficience de la technologie. Il y a d'autres facteurs qui comptent, notamment la durabilité des collectivités.
Nous y avons longuement réfléchi, mais n'avons pu dégager le consensus sur le choix de l'équipement en matière de pêche et sur ce que sont les pêches durables. Où s'inscrit la viabilité économique et l'optimisation de la viabilité économique dans la définition?
Bien sûr, si vous vous contentez de discuter des pêches - ce qui n'est pas précisément ce que nous faisons aujourd'hui - il est facile de dire que, pour maximiser la valeur des ressources, on préconisera un certain genre de pêche, avec un certain type de technologie et un permis particulier. Mais si on tient à exploiter les ressources de façon durable au profit des collectivités côtières, on adopte un modèle tout à fait différent des pêches et du régime de gestion des pêches.
Malheureusement, ce n'est que depuis l'effondrement de la pêche au poisson de fond, de la pêche à la morue, que bien des décideurs ont compris que la durabilité des collectivités côtières, qui semblait auparavant secondaire, doit maintenant être prioritaire et constituer le fondement de tout modèle.
Je fais cette remarque pour vous assurer que les membres du comité, qui viennent tous de collectivités côtières, sont très conscients de cela et apprécient beaucoup le travail qui a été fait par le réseau. Ils vous encouragent à poursuivre vos rencontres mensuelles et le dialogue. Cela nous est très important.
Y a-t-il une autre question? Cela dit, je crois que nous nous reparlerons après les séances d'information de la semaine prochaine.
M. Legge: Il y a encore une chose. Nous avons tenu des ateliers sur la cogestion des pêches. Nous avons une ébauche de document et je verrai à ce que vous en obteniez un exemplaire, si vous n'en avez pas, car c'est un excellent document qui a été élaboré par des pêcheurs, des associations de pêcheurs et des habitants des villages côtiers.
Le président: Avons-nous votre adresse?
M. Legge: Je vous la donnerai.
Le président: Je suis exaspéré de savoir qu'il y a des gens qui n'ont pas eu toutes les informations pertinentes. Il y a deux ou trois semaines, le ministère nous a donné un document d'information. Je demande au greffier, en guise de première étape, qu'il fasse photocopier ce document et l'envoie aux témoins que nous avons entendus cet après-midi et qui s'intéressaient tout particulièrement aux questions de droits d'accès et de choses de ce genre. Ces documents vous seront transmis dès demain matin.
M. Legge: Merci beaucoup.
Le président: Cela met fin à nos audiences d'aujourd'hui.
Chers collègues, à 9 heures demain, il y aura une séance d'information du ministère sur l'une des questions qui a été soulevée aujourd'hui, à savoir les attributions du ministre prévues par le projet de loi. Si on a induit les gens en erreur à ce sujet, les faits seront rectifiés au cours des prochains jours.
La séance est levée.